Language of document : ECLI:EU:T:2011:468

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

14 septembre 2011 (*)

« Recours en annulation – FEDER – Décision portant réduction du concours financier – Entité régionale – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑84/10,

Regione Puglia (Italie), représentée par Mes F. Brunelli et A. Aloia, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Cattabriga et A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2009) 10350 de la Commission, du 22 décembre 2009, portant réduction du concours du Fonds européen de développement régional (FEDER) accordé en application de la décision C (2000) 2349 de la Commission, du 8 août 2000, portant approbation du programme opérationnel POR Puglia, pour la période 2000-2006, au titre de l’objectif n° 1,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 5 octobre 1999, la République italienne a, en application du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1), soumis à la Commission des Communautés européennes un projet de programme opérationnel relevant de l’objectif n°1 pour la requérante, la Regione Puglia (ci-après le « POR Puglia »).

2        Par décision C (2000) 2349, du 8 août 2000 (ci-après la « décision d’octroi »), telle que modifiée, la Commission a approuvé le POR Puglia et a mis à la disposition des autorités italiennes, sur ce fondement, un montant total de 1 721 827 000 euros au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER). Conformément aux demandes présentées par les autorités italiennes, la Commission a procédé à des paiements préalables et intermédiaires en leur faveur d’un montant total de 1 238 135 702,69 euros.

3        En février 2007, la Commission a effectué un audit des systèmes de gestion et de contrôle mis en place par les autorités responsables du POR Puglia et a conclu que la requérante n’avait pas établi de systèmes de gestion et de contrôle assurant une bonne gestion financière de l’intervention du FEDER, conformément aux dispositions applicables du règlement (CE) n° 438/2001 de la Commission, du 2 mars 2001, fixant les modalités d’application du règlement n° 1260/1999 en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle du concours octroyé au titre des Fonds structurels (JO L 63, p. 21), et que les systèmes en place ne garantissaient pas suffisamment l’exactitude, la régularité et l’éligibilité des demandes de paiement.

4        Une nouvelle mission d’audit a été effectuée en novembre 2007, afin d’évaluer le plan d’action mis en œuvre par les autorités italiennes pour remédier aux carences constatées dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle. À cette occasion, la Commission a conclu que la République italienne ne s’était pas conformée, pour le POR Puglia, aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 4, 8, 9 et 10 du règlement n° 438/2001 et que ces insuffisances dans les systèmes de gestion et de contrôle pouvaient avoir provoqué dans le passé des irrégularités de caractère systémique et risquaient d’en provoquer à l’avenir.

5        Par décision C (2008) 3340, du 1er juillet 2008, la Commission a suspendu les paiements intermédiaires du FEDER pour le POR Puglia et a fixé à la République italienne un délai de trois mois pour prendre les mesures suivantes : effectuer des contrôles portant sur un nombre suffisant de projets et sur des montants suffisants de dépenses pour lui permettre de tirer des conclusions sur la légalité et sur la régularité des dépenses déclarées jusqu’à la fin de 2007 ; mettre en place les mesures appropriées pour garantir le respect de l’article 8 du règlement n° 438/2001 ; procéder aux corrections financières nécessaires en supprimant tout ou partie du concours communautaire et, enfin, envoyer un rapport contenant une synthèse des contrôles effectués conformément aux articles 4, 9 et 10 du règlement n° 438/2001. La requérante a répondu le 10 octobre 2008.

6        Une troisième mission d’audit a eu lieu du 12 au 16 janvier 2009. À cette occasion, la Commission a constaté que les prescriptions contenues la décision C (2008) 3340 n’avaient pas été respectées dans les délais fixés et qu’il n’y avait toujours pas de garantie de la légalité et de la régularité des dépenses déclarées pour le POR Puglia, pour la période allant du début de la programmation jusqu’à la date de suspension des paiements intermédiaires.

7        Par courrier du 3 avril 2009, la Commission a communiqué ses conclusions aux autorités italiennes en les informant qu’elle entendait proposer une correction du concours financier du FEDER à un taux de 10 %, pour les dépenses  déclarées pour le POR Puglia jusqu’à la date de suspension des paiements intermédiaires.

8        Par courriers du 15 juin et du 6 juillet 2009, la requérante a présenté ses observations à cet égard, en indiquant qu’elle ne partageait ni les constations ni les conclusions de la Commission.

9        En application de l’article 39, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999, une audition s’est tenue le 30 septembre 2009.

10      Le 16 octobre 2009, la requérante a transmis des observations complémentaires à la Commission afin de justifier sa demande d’annuler la correction forfaitaire du concours financier envisagée par celle-ci.

11      Par courriel du 19 octobre 2009, la Commission a transmis aux autorités italiennes un projet de compte rendu de l’audition du 30 septembre 2009. À la suite des observations des autorités italiennes, le compte rendu leur a été envoyé par lettre du 10 novembre 2009.

12      Par décision C (2009) 10350, du 22 décembre 2009, portant réduction du concours du FEDER accordé en application de la décision d’octroi (ci‑après la « décision attaquée »), la Commission a réclamé à la République italienne le remboursement d’une partie des fonds versés, en appliquant une correction forfaitaire de 10 % aux dépenses certifiées par cette dernière jusqu’à la date de suspension des paiements intermédiaires.

13      À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission indique ainsi que le concours attribué, au titre du FEDER, par la décision d’octroi est réduit d’un montant de 79 335 741,11 euros.

14      L’article 2 de la décision attaquée énonce qu’une note de débit de ce montant sera adressée à la République italienne.

15      Selon l’article 3 de la décision attaquée, les autorités italiennes doivent communiquer à la Commission, lors de la prochaine certification des dépenses, la déduction des dépenses irrégulières indiquées dans leur note du 16 octobre 1999.

16      L’article 5 de la décision attaquée impose à la République italienne de prendre les mesures adaptées pour informer les bénéficiaires finaux concernés.

17      Aux termes de l’article 6 de la décision attaquée, la République italienne en est la destinataire.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2010, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 20 mai 2010, en vertu de l’article 104 du règlement de procédure et de l’article 278 TFUE, la requérante a introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce que le Tribunal se prononce sur le recours principal.

20      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 26 mai 2010, la Commission a soulevé, en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité.

21      Par ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2010, Regione Puglia/Commission (T‑84/10 R et T‑223/10 R, non publiée au Recueil), la demande en référé a été rejetée et les dépens ont été réservés.

22      La requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 12 juillet 2010.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, « en confirmant la validité et l’efficacité du seul article 4 de cette décision, portant sur ‘la révocation de la suspension des paiements intermédiaires du FEDER relatifs au [POR Puglia] » ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et condamner celle‑ci aux dépens.

 En droit

26      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de la procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande sans ouvrir la procédure orale.

27      Sur la base de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une entité régionale ou locale peut, dans la mesure où elle jouit de la personnalité juridique en vertu du droit national, former un recours contre les décisions dont elle est destinataire ou qui la concernent directement et individuellement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, C‑417/04 P, Rec. p. I‑3881, point 24, et ordonnance du Tribunal du 5 octobre 2010, Provincie Groningen et Provincie Drenthe/Commission, T‑69/09, non publiée au Recueil, point 30).

28      La décision attaquée ayant été notifiée par la Commission à la République italienne, il y a lieu de vérifier si la requérante, qui ne peut être considérée comme étant la destinataire de la décision attaquée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est recevable à former un recours en annulation contre ladite décision et, plus particulièrement, si elle est directement et individuellement concernée par celle-ci.

29      S’agissant de la question de savoir si la requérante est directement concernée par la décision attaquée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, cette condition requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, en premier lieu, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, en second lieu, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires, qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts de la Cour Regione Siciliana/Commission, point 27 supra, point 28, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec. p. I‑7993, point 45).

30      En ce qui concerne le premier critère de l’affectation directe, la Cour a déjà jugé que la désignation, dans une décision d’octroi d’un concours financier communautaire, d’une entité régionale ou locale comme autorité responsable de la réalisation d’un projet FEDER n’implique pas que cette entité soit elle-même titulaire du droit audit concours. Par ailleurs, le fait que cette entité soit mentionnée comme autorité responsable de la demande du concours financier n’a pas non plus pour conséquence de la placer dans un rapport direct avec le concours communautaire, dont la décision d’octroi précise qu’il a été sollicité par et octroyé à l’État membre concerné (voir arrêt Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, point 29 supra, points 47 et 48, et la jurisprudence citée).

31      En l’espèce, la République italienne a, le 5 octobre 1999, soumis à la Commission le POR Puglia en vue d’obtenir des fonds structurels pour la requérante et, le 8 août 2000, le POR Puglia a été approuvé. Ainsi le concours FEDER en question a été octroyé par la Commission à cet État membre (voir points 1 et 2 ci­‑dessus). D’ailleurs, l’article 6 de la décision attaquée désigne la République italienne comme la destinataire de cette décision, et, selon l’article 5, la République italienne est tenue d’en informer les bénéficiaires finaux, dont les noms ne sont pas mentionnés.

32      Dans ces conditions, c’est la République italienne, en tant que destinataire de la décision attaquée, qui doit être considérée comme titulaire du droit au concours en question (voir, en ce sens, arrêt Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, point 29 supra, point 51).

33      Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que la requérante est tenue, du fait de la décision attaquée elle‑même ou d’une quelconque disposition de droit de l’Union ayant vocation à régir l’effet de cette décision, de rembourser la somme correspondant au montant du concours financier communautaire désengagé (voir, en ce sens, arrêt Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, point 29 supra, point 52). Au contraire, il ressort des articles 1er et 2 de la décision attaquée que c’est la République italienne qui a indûment perçu la somme visée et que c’est à cette dernière que le remboursement est demandé (voir, en sens, ordonnance Provincie Groningen et Provincie Drenthe/Commission, point 27 supra, point 37).

34      Il en résulte que la circonstance qu’une annexe de la décision d’octroi fait état de la désignation de la requérante comme autorité de gestion du POR Puglia n’est pas de nature à distinguer sa situation juridique de celle des entités en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de la Cour du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, point 27 supra, et du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission (C‑15/06 P, Rec. p. I‑2591), et n’implique dès lors pas que la requérante soit elle-même titulaire du droit audit concours (voir, en ce sens, arrêt Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, point 29 supra, point 54 ; ordonnance Provincie Groningen et Provincie Drenthe/Commission, point 27 supra, point 38).

35      S’agissant du second critère de l’affectation directe, il découle de la jurisprudence citée au point 29 ci‑dessus qu’il est rempli lorsque la mise en œuvre de la mesure communautaire a un caractère automatique et découle de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires.

36      En l’espèce, il convient de constater que la décision attaquée a pour effet de permettre à la Commission de procéder à la récupération du montant de 79 335 741,11 euros, correspondant à la part du concours financier communautaire déjà versée à la République italienne, au titre du FEDER, et considérée par la Commission comme indûment perçue par cette dernière.

37      Dans ces circonstances, la requérante ne saurait être considérée comme directement concernée par la décision attaquée que si, du fait de ladite décision, et sans que la République italienne dispose d’un pouvoir d’appréciation à cet égard, la requérante était tenue à la restitution du montant indu correspondant à la somme déjà reçue au titre du concours financier communautaire et utilisée pour effectuer des dépenses devenues inéligibles (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 22 novembre 2007, Investire Partecipazioni/Commission, T‑102/06, non publiée au Recueil, point 46, et la jurisprudence citée, et Provincie Groningen et Provincie Drenthe/Commission, point 27 supra, point 41).

38      Or, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 32 et 33 ci-dessus, la décision attaquée a été adressée par la Commission à la République italienne et n’a nullement imposé à cette dernière l’obligation de récupérer des sommes auprès de la requérante. En effet, selon l’article 2 de la décision attaquée, une note de débit visant à la récupération du montant de 79 335 741,11 euros accordé par le FEDER sera adressée à la République italienne. L’article 5 de la décision attaquée requiert seulement de cette dernière qu’elle prenne les mesures nécessaires pour informer les bénéficiaires finaux  concernés par cette décision.

39      Il résulte ainsi de la décision attaquée qu’elle ne contient aucune disposition enjoignant à la République italienne de procéder à la récupération des sommes indûment perçues auprès de la requérante. À cet égard, l’obligation d’informer les bénéficiaires finaux concernés ne saurait être assimilée à une telle injonction. L’exécution correcte de la décision attaquée implique seulement que la République italienne restitue au FEDER les sommes indûment versées (voir, en ce sens, ordonnances Investire Partecipazioni/Commission, point 37 supra, point 48, et la jurisprudence citée, et Provincie Groningen et Provincie Drenthe/Commission, point 27 supra, point 43).

40      Dans ces circonstances, le remboursement par la requérante des fonds communautaires indûment versés serait la conséquence directe non de la décision attaquée, mais de l’action exercée à cette fin par la République italienne, sur la base de sa législation nationale, afin de satisfaire aux obligations découlant de la réglementation de l’Union en la matière (voir, en ce sens, ordonnances Investire Partecipazioni/Commission, point 37 supra, point 49, et la jurisprudence citée, et Provincie Groningen et Provincie Drenthe/Commission, point 27 supra, point 44).

41      Or, s’agissant d’un concours financier du FEDER, le Tribunal a déjà jugé que rien ne permettait de conclure que l’État membre ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation, voire d’aucun pouvoir décisionnel, en ce qui concerne un tel remboursement. En effet, conformément au principe de subsidiarité énoncé au considérant 26 du règlement n° 1260/1999, lorsque l’État membre prend des mesures ayant trait au contrôle financier, en application de l’article 38, paragraphe 1, du même règlement, il agit en vertu de compétences propres. Il ne peut donc être exclu que des circonstances particulières puissent amener la République italienne à renoncer à réclamer le remboursement du concours litigieux et à supporter elle-même la charge du remboursement au FEDER du montant en cause (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance Provincie Groningen et Provincie Drenthe/Commission, point 27 supra, point 45, et la jurisprudence citée).

42      Enfin, il importe de relever que, même si la République italienne devait décider de procéder à la récupération de l’indu, il n’apparaît pas qu’elle ne disposerait d’aucun pouvoir d’appréciation quant à l’entité auprès de laquelle cette récupération devrait avoir lieu (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 juillet 2004, Regione Siciliana/Commission, T‑341/02, Rec. p. II‑2877, point 77).

43      Il résulte de tout ce qui précède que, à la suite de l’adoption de la décision attaquée, c’est à la République italienne qu’il appartient d’apprécier s’il y a lieu de demander, conformément aux dispositions de son droit national et sous le contrôle des juridictions nationales, le remboursement de l’indu, selon le cas, aux requérantes ou aux bénéficiaires finaux, et d’adopter à cette fin les mesures nationales individuelles nécessaires (voir, en ce sens, ordonnance Regione Siciliana/Commission, point 42 supra, point 78).

44      Il en découle que la décision attaquée n’a pas produit d’effets directs sur la situation juridique de la requérante et laisse un pouvoir d’appréciation à la République italienne, qui est chargée de sa mise en œuvre.

45      Les arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

46      Selon la requérante, il n’y aurait aucun doute en l’espèce quant aux conséquences que la République italienne entend tirer, à son égard, de la décision attaquée et à l’intention de celle‑ci de ne pas intervenir, avec ses propres fonds, pour protéger la requérante de l’impact financier de ladite décision. Ce serait, dès lors, exclusivement la requérante qui devra prendre en charge les paiements prévus et procéder, sur ses fonds propres, auxdits paiements aux fins de la réalisation des projets visés par le POR Puglia qui auraient bénéficié des fonds du FEDER désengagés.

47      À cet égard, premièrement, elle fait valoir qu’il ressort de la lettre du ministère du Développement économique italien du 12 février 2010 que les conséquences financières de la décision attaquée sont intégralement à sa charge. Deuxièmement, une telle attitude de la République italienne serait confirmée par le comportement clair et constant qu’elle a adopté dans toutes les affaires précédentes de la même nature, dans lesquelles les effets des décisions de la Commission auraient toujours été imputés à la requérante. Troisièmement, la discrétion dont disposerait la République italienne pour mettre en œuvre la décision attaquée, serait purement théorique, compte tenu, d’une part, des obligations qui lui sont imposées par la loi de finances et de la répartition spécifique des compétences entre l’État et les régions, qui ne permettraient pas à la République italienne, à défaut de fonds communautaires, de subvenir aux besoins de financement de la région et, d’autre part, des règles budgétaires de l’Union imposant aux États membres le respect du pacte de stabilité. En tout état de cause, les lettres du ministère de l’Économie et des Finances italien du 19 mars et du 11 juin 2010, versées au dossier par la requérante postérieurement à l’introduction du recours, prouveraient que la République italienne a déjà agi pour récupérer les sommes en cause auprès de la requérante.

48      S’agissant du premier argument, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission que, contrairement à ce que prétend la requérante, la lettre du ministère du Développement économique italien du 12 février 2010 ne fait que confirmer qu’une éventuelle obligation de remboursement du concours du FEDER par la requérante ne serait pas la conséquence directe de la décision attaquée mais exigerait une initiative autonome de l’État membre. En effet, dans cette lettre la République italienne s’est limitée à répondre à une lettre de la requérante du même jour, lui demandant de déclarer qu’elle lui verserait le montant du concours concerné, ce que, par ailleurs, celle-ci a refusé de faire. Cet échange de correspondance entre la requérante et la République italienne confirme, dès lors, que, même pour la requérante, une décision expresse de la République italienne était nécessaire, en l’espèce, pour lui transférer la charge financière résultant de la décision attaquée.

49      S’agissant du deuxième argument, il convient de relever que la circonstance que, dans le passé, la République italienne ait systématiquement procédé à la récupération des concours indûment perçus auprès de la requérante ou d’autres régions concernées n’impose pas, en soi, à la République italienne d’adopter le même comportement dans le cas d’espèce.

50      S’agissant du troisième argument, selon lequel la possibilité pour la République italienne de ne pas exiger de la requérante qu’elle procède au remboursement serait purement théorique, au motif que les contraintes budgétaires de la République italienne découlant de la loi de finances l’empêcheraient de subvenir aux besoins de financement de la requérante, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci‑dessus, la condition énoncée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE requiert que la mesure contestée ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires lors de sa mise en œuvre, celle‑ci découlant automatiquement de la réglementation de l’Union. Or, dans la mesure où l’argumentation de la requérante consiste à invoquer une prétendue absence de marge d’appréciation découlant de la loi nationale de finances et non pas de la réglementation de l’Union, elle repose sur une lecture erronée du droit de l’Union, tel qu’interprété par la jurisprudence citée au point 29 ci‑dessus (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 15 septembre 2009, Município de Gondomar/Commission, C‑501/08 P, non publiée au Recueil, points 30 à 32). Quant à l’obligation de respecter le pacte de stabilité, il suffit de constater que la requérante n’a établi aucun lien entre le prétendu respect des règles budgétaires de l’Union et l’absence de marge d’appréciation concernant la mise en œuvre de la décision attaquée.

51      S’agissant enfin de l’argument que la requérante tire des lettres du ministère de l’Économie et des Finances italien du 19 mars et du 11 juin 2010, il convient de relever que le fait que ces lettres lui ordonnent le remboursement de l’intégralité du concours financier, de même que la décision attaquée ordonne à la République italienne un tel remboursement, n’implique pas que l’État membre n’a eu aucun pouvoir d’appréciation ou ne l’a pas exercé, mais plutôt qu’il est arrivé aux mêmes conclusions que la Commission et surtout considère que les irrégularités commises pendant la mise en œuvre du programme, qui ont fondé la décision attaquée, sont imputables à la requérante (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 10 septembre 2008, Município de Gondomar/Commission, T‑324/06, non publiée au Recueil, point 46).

52      D’ailleurs, l’intention de la République italienne de répercuter sur la requérante les conséquences financières de la décision attaquée ne suffit pas pour établir l’intérêt direct requis par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 6 juin 2002, SLIM Sicilia/Commission, T‑105/01, Rec. p. II‑2697, point 52). En effet, un État membre aurait ainsi la possibilité de décider si la personne concernée dispose ou non de la qualité pour agir devant les juridictions de l’Union.

53      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’est pas directement concernée par la décision attaquée.

54      Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir si la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée, il convient de rejeter le présent recours comme irrecevable.

 Sur les dépens

55      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      La Regione Puglia supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris les dépens afférents à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 14 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Azizi


* Langue de procédure : l'italien.