Language of document : ECLI:EU:T:2005:461

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

15 décembre 2005 (*)

« Radiodiffusion télévisuelle – Directive 89/552/CEE – Directive 97/36/CE – Article 3 bis – Événements d’importance majeure pour la société – Recevabilité – Violation des formes substantielles »

Dans l’affaire T-33/01,

Infront WM AG, anciennement KirchMedia WM AG, établie à Zug (Suisse), représentée initialement par Mes C. Lenz, A. Bardong, avocats, et M. E. Batchelor, solicitor, puis par MLenz, MM. Batchelor, R. Denton, solicitors, Mme F. Carlin, barrister, et M. M. Clough, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme K. Banks et M. M. Huttunen, en qualité d’agents, assistés de M. J. Flynn, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par M. G. de Bergues, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par M. J. Collins, puis par Mme R. Caudwell, enfin par M. M. Berthell, en qualité d’agents, ce dernier étant assisté de M. K. Parker, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

Parlement européen, représenté par MM. C. Pennera et M. Moore, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Lopes Sabino et M. Bishop, en qualité d’agents, 

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la prétendue décision de la Commission adoptée en application de l’article 3 bis de la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23), modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 202, p. 60),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

composé de M. H. Legal, président, Mme P. Lindh, M. P. Mengozzi, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. V. Vadapalas, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juillet 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23), a été adoptée sur le fondement de l’article 57, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté économique européenne (devenu, après modification, article 47, paragraphe 2, CE) et de l’article 66 du traité instituant la Communauté économique européenne (devenu article 55 CE). Cette directive a été modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 202, p. 60).

2        La directive 89/552, modifiée, constitue le cadre juridique de l’activité de radiodiffusion télévisuelle dans le marché commun. Son objectif premier est de faciliter la libre circulation des émissions de télévision à l’intérieur de la Communauté européenne en prévoyant les dispositions minimales dont les États membres sont tenus d’imposer le respect aux organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence.

3        Les considérants 18 à 21 de la directive 97/36 énoncent :

« (18) considérant qu’il est essentiel que les États membres soient à même de prendre des mesures destinées à protéger le droit à l’information et à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées d’événements, nationaux ou non, d’une importance majeure pour la société, tels que les Jeux olympiques, la Coupe du Monde et le championnat d’Europe de football ; que, à cette fin, les États membres conservent le droit de prendre des mesures compatibles avec le droit communautaire en vue de réglementer l’exercice, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des droits exclusifs de retransmission de tels événements ;

(19) considérant qu’il convient de prendre des dispositions, dans un cadre communautaire, afin d’éviter les risques d’insécurité juridique et de distorsion de marché et de concilier la libre circulation des services télévisés et la nécessité d’empêcher que soient éventuellement tournées des mesures nationales destinées à protéger un intérêt général légitime ;

(20) considérant notamment qu’il convient, dans la présente directive, de prévoir des dispositions concernant l’exercice, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle, de droits exclusifs de retransmission qu’ils auraient achetés pour des événements jugés d’une importance majeure pour la société dans un État membre autre que celui qui est compétent pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle ; que, afin d’éviter les achats spéculatifs de droits visant à tourner les mesures nationales, il convient d’appliquer les dispositions en question aux contrats conclus après la publication de la présente directive et pour les événements qui ont lieu après la date de mise en oeuvre de la présente directive ; que, en cas de renouvellement de contrats antérieurs à la publication de la présente directive, lesdits contrats sont considérés comme de nouveaux contrats ;

(21) considérant que des événements d’importance majeure pour la société devraient, aux fins de la présente directive, satisfaire à certains critères, c’est-à-dire qu’il doit s’agir d’événements extraordinaires qui présentent un intérêt pour le grand public dans l’Union européenne ou dans un État membre déterminé ou dans une partie importante d’un État membre déterminé et être organisés à l’avance par un organisateur d’événements qui a légalement le droit de vendre des droits relatifs à cet événement ».

4        Aux termes de l’article 1er de la directive 89/552, modifiée (ci-après la « directive »), on entend par :

« a)      ‘radiodiffusion télévisuelle’ : l’émission primaire, avec ou sans fil, terrestre ou par satellite, codée ou non, de programmes télévisés destinés au public. Est visée la communication de programmes entre entreprises en vue d’une rediffusion à l’intention du public. Ne sont pas visés les services de communications fournissant, sur appel individuel, des éléments d’information ou d’autres prestations, tels que les services de télécopie, les banques de données électroniques et autres services similaires ;

b)      ‘organisme de radiodiffusion télévisuelle’ : la personne physique ou morale qui a la responsabilité éditoriale de la composition des grilles de programmes télévisés au sens du point a) et qui les transmet ou les fait transmettre par une tierce partie ».

5        L’article 3 bis de la directive dispose :

« 1. Chaque État membre peut prendre des mesures, conformément au droit communautaire, pour assurer que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence ne retransmettent pas d’une manière exclusive des événements qu’il juge d’une importance majeure pour la société d’une façon qui prive une partie importante du public dudit État membre de la possibilité de suivre ces événements en direct ou en différé sur une télévision à accès libre. Dans ce contexte, l’État membre concerné établit une liste des événements désignés, nationaux ou non, qu’il juge d’une importance majeure pour la société. Il établit cette liste selon une procédure claire et transparente, en temps opportun et utile. Ce faisant, l’État membre détermine également si ces événements doivent être transmis intégralement ou partiellement en direct ou, si nécessaire ou approprié pour des raisons objectives d’intérêt général, transmis intégralement ou partiellement en différé.

2. Les États membres notifient immédiatement à la Commission toute mesure prise ou envisagée en application du paragraphe 1. Dans un délai de trois mois après la notification, la Commission vérifie que ces mesures sont compatibles avec le droit communautaire et les communique aux autres États membres. Elle demande l’avis du comité institué à l’article 23 bis. Elle publie sans délai au [Journal officiel] les mesures qui sont prises et, au moins une fois par an, la liste récapitulative des mesures prises par les États membres.

3. Les États membres s’assurent par les moyens appropriés, dans le cadre de leur législation, que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence exercent les droits exclusifs qu’ils ont achetés après la date de publication de la présente directive de manière à ne pas priver une partie importante du public d’un autre État membre de la possibilité de suivre, intégralement ou partiellement en direct ou, si nécessaire ou approprié pour des raisons objectives d’intérêt général, intégralement ou partiellement en différé, sur une télévision à accès libre, selon les dispositions prises par cet autre État membre conformément au paragraphe 1, les événements que cet autre État membre a désignés conformément aux paragraphes précédents. »

6        Aux termes de l’article 23 bis, paragraphe 1, de la directive :

« Un comité de contact est institué auprès de la Commission. Il est composé de représentants des autorités compétentes des États membres. Il est présidé par un représentant de la Commission et se réunit soit à l’initiative de celui-ci, soit à la demande de la délégation d’un État membre. »

 Faits à l’origine du litige

7        Kirch Media GmbH & Co. KGaA, anciennement dénommée TaurusFilm GmbH & Co., et KirchMedia WM AG, devenue Infront WM AG, exercent une activité d’acquisition, de gestion et de commercialisation de droits de transmission télévisuelle d’événements sportifs et achètent habituellement ces droits à l’organisateur de l’événement sportif considéré. Elles revendent les droits ainsi acquis aux organismes de radiodiffusion télévisuelle. 

8        Le 10 septembre 1996, TaurusFilm GmbH & Co. et sa colicenciée, Sporis Holding AG, ont signé un contrat avec la Fédération internationale de football association (FIFA) concernant la cession des droits exclusifs de retransmission à l’échelle mondiale – à l’exclusion des États-Unis d’Amérique – des matchs de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA pour les années 2002 et 2006. Par une convention conclue le 26 mai 1998 entre la FIFA et TaurusFilm GmbH & Co., laquelle s’est substituée au contrat précédent, cette dernière s’est vu attribuer, moyennant un prix minimal de 1,4 milliard de francs suisses, l’exclusivité des droits de retransmission de ces événements pour les États du continent européen ainsi que pour la Russie, les autres anciennes républiques socialistes soviétiques et la Turquie. 

9        Le 14 octobre 1998, Kirch Media GmbH & Co. KGaA a cédé ses droits de transmission de la Coupe du Monde de la FIFA de 2002, à l’exclusion des droits pour l’Allemagne, à sa filiale de droit suisse FWC Medien AG, devenue KirchMedia WM AG. Ultérieurement, les droits de transmission de la Coupe du Monde de la FIFA de 2006 ont également été cédés à KirchMedia WM AG.

10      Conformément à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié à la Commission, le 25 septembre 1998, les mesures prises en application du paragraphe 1 de cet article. Ces mesures comprenaient la liste des événements d’importance majeure pour la société désignés par cet État membre.

11      La Commission a, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, communiqué ces mesures aux autres États membres le 2 novembre 1998 et a reçu les observations du comité de contact visé à l’article 23 bis, paragraphe 1, de ladite directive (ci-après le « comité de contact ») lors d’une réunion du 20 novembre 1998.

12      Par lettre du 23 décembre 1998, la Commission a fait savoir au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord que des imprécisions sur la portée des mesures notifiées ne lui permettaient pas d’apprécier la compatibilité de celles-ci avec le droit communautaire.

13      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié à la Commission une nouvelle version de ces mesures par lettre du 5 mai 2000.

14      Par lettre du 14 juillet 2000, adressée à la Commission, la requérante a fait valoir que la liste établie par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ne saurait être approuvée en raison de son incompatibilité tant avec l’article 3 bis de la directive qu’avec d’autres dispositions du droit communautaire. Elle alléguait notamment, dans cette lettre, que la liste en cause n’avait pas été établie selon une procédure claire et transparente, que ladite liste incluait des événements ne présentant pas une importance majeure pour la société du Royaume-Uni, que les processus consultatifs national et communautaire étaient entachés de graves déficiences et dénonçait le caractère rétroactif de la réglementation en cause.

15      Le 28 juillet 2000, le directeur général de la direction générale (DG) « Éducation et culture » de la Commission a adressé une lettre au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord indiquant ce qui suit :

« Par lettre du 5 mai 2000, reçue par la Commission le 11 mai 2000, la représentation permanente du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auprès de l’Union européenne a notifié à la Commission un ensemble de mesures nationales concernant la couverture télévisée d’événements d’intérêt national au Royaume-Uni. Ces mesures comportent : les articles 97, 98, 101, 103, 104 et 105 de la section IV du Broadcasting Act [1996] ; les articles 1, 3 et 9 de la Regulation 3 annexée aux Television Broadcasting Regulations 2000 ; les dispositions pertinentes de l’[Independent Television Commission] Code on Sports and other Listed Events, publié en vertu de l’article 104 du Broadcasting Act 1996 ; les critères définissant les événements sportifs et autres événements d’intérêt national annoncés par le secrétaire d’État à la Culture, aux Médias et aux Sports le 25 novembre 1997 ainsi que l’annonce faite au Parlement le 25 juin 1998 par le secrétaire d’État à la Culture, aux Médias et aux Sports de l’issue de la révision de la liste des événements sportifs et autres événements d’intérêt national effectuée en vertu de l’article 97, paragraphe 3, de la loi sur la radiodiffusion de 1996.

Ainsi que l’exige l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive [...], la Commission a communiqué les mesures [notifiées] aux autres États membres et sollicité l’avis du [comité de contact].

J’ai l’honneur de vous informer que, à la suite de l’examen de la conformité des mesures arrêtées avec la directive et compte tenu des éléments de fait disponibles en ce qui concerne le paysage audiovisuel du Royaume-Uni, la Commission européenne n’entend pas contester les mesures notifiées par vos autorités.

Conformément à ce que prévoit l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, la Commission procèdera à la publication des mesures notifiées au [Journal officiel]. »

16      Par lettre du 7 novembre 2000, la requérante a signalé à la Commission qu’elle avait eu connaissance de sa prochaine approbation de la liste des événements d’importance majeure pour la société désignés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et a notamment dénoncé l’atteinte portée à son droit de propriété résultant de l’adoption de ces mesures par cet État, en application de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive.

17      La Commission a publié, le 18 novembre 2000 (JO C 328, p. 2), conformément à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive les mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive, puis notifiées à la Commission, selon la procédure prévue à l’article 3 bis, paragraphe 2.

18      Ces mesures comprennent des extraits de la section IV du Broadcasting Act 1996 (ci-après la « loi sur la radiodiffusion de 1996 »), des extraits de la Regulation 3 annexée aux Television Broadcasting Regulations 2000 (ci-après le « règlement de 2000 sur la radiodiffusion télévisuelle »), des extraits de l’Independent Television Commission (ITC) Code on Sports and other Listed Events, tel que modifié en janvier 2000 (ci-après le « code de l’ITC relatif aux événements sportifs et autres inscrits sur la liste »), comportant, en annexe, la liste des événements d’importance majeure pour la société désignés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la liste des services réunissant les « conditions requises » énoncées dans le règlement de 2000 sur la radiodiffusion télévisuelle ainsi que les réponses écrites du secrétaire d’État à la Culture, aux Médias et aux Sports du Royaume-Uni à deux questions parlementaires, en date respectivement du 25 novembre 1997 et du 25 juin 1998, concernant la révision de la liste des événements sportifs inscrits prévue à la section IV de la loi sur la radiodiffusion de 1996. Parmi ces événements figure la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA.

19      Le 7 décembre 2000, la requérante a envoyé une lettre à la Commission, laquelle mentionne notamment ce qui suit :

« je vous serais reconnaissant de bien vouloir […] confirmer que la Commission a bien terminé le processus de vérification en vertu de l’article 3 bis [de la directive], en ce qui concerne la liste établie par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la loi sur la radiodiffusion de 1996 et […] nous informer de l’issue de ce processus, y compris d’éventuelles mesures prises par la Commission dans ce contexte. En outre, nous souhaiterions avoir accès à tous les documents pertinents. »

20      La requérante a réitéré sa demande à la Commission par lettre du 22 décembre 2000.

21      Par lettre du 22 janvier 2001, la Commission a répondu à la requérante ce qui suit :

« Sur le plan juridique, en application de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, la publication des mesures est la conséquence d’une procédure de vérification (positive) effectuée par la Commission. Vous supposez, par conséquent, à juste titre que la procédure de vérification par la Commission est achevée et que la liste du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a été tenue pour compatible avec la directive. »

22      La Commission a joint à cette lettre l’avis émis par le comité de contact le 6 juin 2000.

 Procédure

23      Le 12 février 2001, Kirch Media GmbH & Co. KGaA et KirchMedia WM AG ont introduit le présent recours.

24      Par lettre du 5 avril 2001, le Conseil a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

25      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 11 juin 2001, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Les requérantes ont déposé, le 26 juillet 2001, leurs observations sur cette exception d’irrecevabilité auxquelles elles ont joint, en annexe 6, des versions expurgées des contrats conclus avec la FIFA concernant la cession des droits de transmission des matchs de la phase finale de la Coupe du Monde de football de la FIFA pour les années 2002 et 2006 (voir point 8 ci-dessus).

26      Par courriers des 14 et 20 juin 2001, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Royaume de Danemark, respectivement, ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par courriers du 25 juin 2001, la République française, la Communauté française de Belgique et le Parlement ont également demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

27      Par lettre du 2 août 2001, les requérantes ont présenté, dans l’éventualité où les demandes en intervention seraient acceptées, une demande de traitement confidentiel, vis-à-vis des demanderesses en intervention, de certaines parties de l’annexe 6 de leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité.

28      Dans leurs observations, déposées au greffe du Tribunal le 31 août 2001, les requérantes ont demandé au Tribunal de rejeter la demande en intervention de la Communauté française de Belgique et de condamner celle-ci aux dépens afférents à sa demande. Les parties principales n’ont pas soulevé d’objections concernant les autres demandes en intervention.

29      Par lettre du 7 novembre 2001, la Commission a demandé à présenter des observations sur la transmission par les requérantes, en annexe 6 de leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, de versions expurgées des contrats conclus avec la FIFA et a demandé, par lettre du 12 avril 2002, la production des versions intégrales de ces contrats. Le Tribunal a demandé aux requérantes, par lettre du 4 juillet 2002, de formuler des observations concernant la transmission à la Commission des versions intégrales des contrats de licence conclus avec la FIFA.

30      Par ordonnance du Tribunal du 11 mars 2002, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

31      Le Tribunal a reçu, le 13 mai 2002, les versions intégrales des contrats conclus avec la FIFA le 10 septembre 1996 et le 26 mai 1998.

32      Par lettre du 29 novembre 2002, les requérantes ont demandé, en application de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure, que la Commission soit invitée à produire des documents. Par lettre du 20 janvier 2003, la Commission a demandé que l’annexe 17 de la requête soit retirée du dossier de l’affaire. Les requérantes ont, par lettre du 26 mars 2003, formulé des observations à cet égard.

33      Par lettre du 11 février 2003, le greffe du Tribunal a informé les parties qu’il serait statué ultérieurement sur le retrait de ladite pièce du dossier de l’affaire.

34      Par lettre du 26 mars 2003, Kirch Media GmbH & Co. KGaA s’est désistée de son recours. Par ordonnance du 24 juin 2003, le président de la cinquième chambre du Tribunal a donné acte de ce désistement.

35      Par ordonnance du 9 juillet 2003, le Tribunal a admis le Royaume de Danemark, la République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le Parlement et le Conseil à intervenir au soutien des conclusions de la défenderesse. En revanche, la Communauté française de Belgique n’a pas été admise à intervenir. Les parties admises à intervenir ont déposé des mémoires, à l’exception du Royaume de Danemark et du Conseil. La requérante a déposé des observations sur ces mémoires en intervention.

36      Par lettre du 19 août 2003, le greffe du Tribunal a invité la requérante à produire des versions non confidentielles de ses mémoires.

37      Par lettre du 19 septembre 2003, la requérante a introduit une demande de confidentialité de certains éléments du mémoire en défense.

38      Par ordonnance du 4 décembre 2003, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé que soit transmise aux parties intervenantes une version non confidentielle de toutes les pièces de procédure et que ces dernières soient invitées à présenter leurs observations à cet égard. Les parties intervenantes n’ont pas déposé d’observations dans le délai qui leur avait été imparti à cette fin, à l’exception du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord qui n’a pas formulé d’objections sur ce point.

39      Par décision du 13 septembre 2004 relative à la composition des chambres du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée par décision du 21 octobre 2004.

40      En application de l’article 14 du règlement de procédure et sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, les parties entendues conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

41      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 1er juillet 2005, le Royaume de Danemark a informé le Tribunal qu’il retirait son intervention. La requérante, la défenderesse ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord n’ayant pas soulevé d’objections sur la demande de retrait déposée par le Royaume de Danemark et les autres parties intervenantes n’ayant pas déposé d’observations, le président de la quatrième chambre élargie a, par ordonnance du 31 août 2005, donné acte au Royaume de Danemark de son désistement et a ordonné à chaque partie de supporter ses propres dépens relatifs à cette intervention.

42      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64, paragraphe 3, sous c) et d), du règlement de procédure, a invité les parties principales et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à déposer certains documents et a posé par écrit des questions à la requérante et à la Commission, en les invitant à y répondre avant l’audience. La requérante, la défenderesse ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont déféré à ces demandes dans le délai qui leur avait été imparti.

43      Les parties, à l’exception de la République française, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 7 juillet 2005.

44      Par lettre du 22 août 2005, déposée au greffe du Tribunal le 23 août 2005, la requérante a demandé que soit versé au dossier un document, joint à cette lettre, dont elle n’aurait obtenu qu’après l’audience  la production par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

 Conclusions des parties

45      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement ou intégralement la décision de la Commission, adoptée au titre de l’article 3 bis de la directive, constatant la compatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après l’« acte attaqué ») ;

–        déclarer que l’article 3 bis de la directive est inapplicable et ne saurait servir de base juridique à l’adoption de l’acte attaqué ;

–        condamner la Commission au paiement des dépens ;

–        condamner la République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Parlement à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux qu’elle a exposés du fait de leurs interventions.

46      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante au paiement des dépens.

47      Le Parlement, au soutien de la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé.

48      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, au soutien de la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours.

49      La République française, au soutien de la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

A –  Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

50      Dans ses écrits, la requérante a demandé que la Commission soit invitée à produire divers documents relatifs à la procédure de vérification de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

51      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, en application de l’article 64, paragraphe 3, sous c) et d), du règlement de procédure, le Tribunal a demandé à la Commission et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de produire ces documents. Lors de l’audience, la requérante a indiqué, à la suite d’une question du Tribunal, qu’elle considérait avoir obtenu satisfaction sur sa demande de production de documents.

52      Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il n’y a plus lieu de statuer à cet égard.

B –  Sur la demande de retrait d’un document

53      La Commission a, par lettre du 20 janvier 2003, demandé au Tribunal de retirer des débats un document produit par la requérante en annexe 17 de sa requête au motif qu’il s’agit d’un document, rédigé par ses services en vue d’une discussion au sein du comité de contact, présentant un caractère confidentiel. La requérante s’est opposée à un tel retrait.

54      La demande de la Commission vise le retrait des débats de la pièce intitulée « Document de travail pour le comité de contact sur l’article 3 bis de la directive » et portant la référence DOC CC TVSF (2000) 6. Il convient toutefois de constater que la Commission n’a pas fait explicitement valoir qu’il s’agit d’un document interne.

55      En outre, interrogée lors de l’audience par le Tribunal sur la nature confidentielle de ce document, la Commission a indiqué que le comité de contact, destinataire de ce document, ne le considérait plus comme un document de cette nature et qu’il pouvait être présumé que celui-ci ferait, dès lors, l’objet d’une large diffusion.

56      Dans ces circonstances, en dépit du fait que la Commission a souhaité, lors de l’audience, confirmer sa demande de retrait de ce document du dossier de l’affaire, il ne saurait être considéré que celui-ci a été ou, à tout le moins, demeure un document interne de l’institution présentant un caractère confidentiel.

57      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de la Commission tendant au retrait du dossier du document en cause.

C –  Sur la recevabilité

1.     Sur la recevabilité du premier chef de conclusions de la requérante

58      La Commission excipe de l’irrecevabilité du recours aux motifs, premièrement, qu’elle n’a pas adopté d’acte attaquable en application de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, deuxièmement, que la requérante n’est ni directement ni individuellement concernée par l’acte attaqué et, troisièmement, que la requérante ayant omis de transmettre, en annexe de sa requête, les copies des contrats conclus avec la FIFA le 10 septembre 1996 et le 26 mai 1998, elle n’aurait pas été en mesure de préparer sa défense.

59      S’agissant de cette troisième fin de non-recevoir, il importe de rappeler que la requérante a produit, lors de la procédure devant le Tribunal, copies des contrats litigieux (voir points 25 et 31 ci-dessus), lesquelles ont été transmises à la Commission. Interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission a, à la suite d’une demande du Tribunal, renoncé à se prévaloir d’un tel motif d’irrecevabilité.

60      Par ailleurs, dans le cadre de sa défense et consécutivement à la production par la requérante des contrats conclus avec la FIFA le 10 septembre 1996 et le 26 mai 1998, la Commission a fait valoir que ceux-ci limitent considérablement la capacité de la requérante à exploiter ses droits en concédant des sous-licences, à titre exclusif, à des organismes de radiodiffusion télévisuelle. Elle considérait que, eu égard au contenu de certaines des clauses de ces contrats, il n’est pas certain que le préjudice que prétend avoir subi la requérante résulte de l’acte attaqué.

61      Il y a lieu de constater que la Commission n’a pas tiré de conclusion de ses allégations quant à la recevabilité du présent recours. En tout état de cause, pour autant que la Commission ait visé, par ces allégations, à contester l’intérêt de la requérante à l’annulation de l’acte attaqué, il y a lieu de relever qu’elle n’a pas soutenu que la teneur des contrats en cause privait la requérante d’un tel intérêt et qu’une telle circonstance ne ressort nullement du dossier, eu égard, d’ailleurs, à la réponse de la requérante aux questions écrites du Tribunal portant notamment sur l’étendue des restrictions contractuelles à l’exercice par la requérante de ses droits de diffusion sur les matchs de la Coupe du Monde de la FIFA. 

62       Eu égard à ce qui précède, il convient uniquement d’analyser les première et deuxième fins de non-recevoir opposées par la Commission.

a)     Sur la nature juridique de l’acte attaqué

 Arguments des parties

63      La Commission soutient que, contrairement à l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive, l’article 3 bis, paragraphe 2, de ladite directive ne fait pas mention d’une « décision » qu’elle devrait adopter. La République française indique, à cet égard, que l’article 3 bis ne confère pas de compétence décisionnelle à la Commission. Son rôle consisterait à procéder à une vérification préliminaire de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures nationales notifiées.

64      Ainsi, dès lors que les mesures nationales notifiées ne semblent pas violer le droit communautaire, la Commission informerait l’État membre concerné qu’elle n’a pas l’intention de s’opposer à ces mesures et procéderait à leur publication au Journal officiel afin que les autres États membres se conforment aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive. La défenderesse et la République française indiquent que, dès lors que lesdites mesures violent le droit communautaire et à supposer que l’État membre ne procède pas aux modifications nécessaires, la Commission est contrainte d’engager la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE.

65      Le constat préliminaire de non-violation du droit communautaire serait, dès lors, une décision de ne pas introduire, dans l’immédiat, une procédure en manquement contre l’État membre concerné. Or, les particuliers ne seraient pas habilités à contester le refus de la Commission d’ouvrir une procédure en manquement en vertu de l’article 226 CE, l’adoption par la Commission d’une position sur cette question n’étant pas un acte produisant des effets juridiques définitifs (ordonnance du Tribunal du 13 novembre 1995, Dumez/Commission, T‑126/95, Rec. p. II‑2863, point 37).

66      La République française précise à cet égard que, selon l’article 226 CE, la détermination des droits et obligations incombant aux États membres et le jugement de leur comportement ne peuvent résulter que d’un arrêt de la Cour (arrêt de la Cour du 22 février 2001, Gomes Valente, C‑393/98, Rec. p. I‑1327). La position adoptée par la Commission concernant la compatibilité avec le droit communautaire d’une liste d’événements d’importance majeure pour la société ne modifierait donc pas la situation juridique de l’État membre intéressé. De surcroît, le caractère juridiquement obligatoire de la liste en cause, publiée au Journal officiel, ne découlerait pas de la lettre de la Commission au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord du 28 juillet 2000 l’informant que ces mesures sont compatibles avec le droit communautaire, mais du seul droit national. La Commission précise à cet égard que, à supposer qu’il existe une décision en l’espèce, il s’agirait de cette lettre du 28 juillet 2000.

67      Quelle que soit la position de la Commission à l’égard des mesures nationales notifiées, elle n’affecterait pas leur mise en œuvre dans l’État membre de notification. La Commission ne serait en effet pas habilitée à déclarer incompatible avec le droit communautaire la législation d’un État membre.

68      La Commission signale par ailleurs que, dans sa lettre du 28 juillet 2000 au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, elle a indiqué qu’elle n’avait pas l’intention, « en fonction des éléments dont elle dispose », de s’opposer aux mesures notifiées et que cette appréciation ne constitue pas une décision. À cet égard, elle relève que, dans l’hypothèse où elle doit s’engager juridiquement, sa décision doit être adoptée par le collège des membres de la Commission et doit être motivée. Sa lettre du 28 juillet 2000 serait, dès lors, assimilable à une lettre de classement (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Giry et Guerlain e.a., 253/78 et 1/79 à 3/79, Rec. p. 2327, et arrêt du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, Rec. p. II‑121, point 50).

69      Quant à l’obligation lui incombant de publier au Journal officiel les mesures nationales approuvées, la Commission considère qu’elle ne modifie nullement la nature de sa lettre du 28 juillet 2000. Cette publication ne viserait qu’à informer les autres États membres afin que ceux-ci se conforment à l’obligation leur incombant au titre de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive. Elle signale toutefois que ce n’est pas son approbation provisoire des mesures notifiées qui déclenche l’obligation pour les États membres de se conformer aux obligations qui leur incombent en vertu dudit article, mais bien directement ledit article aux termes duquel il est fait référence aux « événements que cet autre État membre a désignés conformément aux paragraphes précédents » et non aux « événements figurant sur une liste publiée par la Commission ». Aussi tant la notification des mesures en cause aux autres États membres que la publication de ces mesures au Journal officiel seraient des mesures administratives n’impliquant nullement l’exercice, par la Commission, d’un quelconque pouvoir décisionnel.

70      À cet égard, concernant l’évocation à l’article 3 bis, paragraphe 3, des « paragraphes précédents » et non du « paragraphe 1 », il semblerait que l’approche de la requérante soit de considérer que l’obligation imposée aux États membres est subordonnée à la désignation des mesures prévues à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive ainsi qu’à leur notification et à leur approbation par la Commission en application de l’article 3 bis, paragraphe 2, de ladite directive. Cependant, la seule exigence requise serait que l’État membre ait satisfait aux obligations de désignation et de notification des mesures qui lui incombent en vertu de l’article 3 bis, paragraphes 1 et 2, de la directive, ce qui serait compatible avec l’intention apparente du législateur de mettre en place un système de reconnaissance mutuelle des mesures prises par les États membres, tout en conférant à la Commission un rôle de médiateur. L’interprétation de la requérante conférerait ainsi une force contraignante à un simple constat de la Commission, lequel ne serait pas de nature à produire des effets juridiques dans le chef des autres États membres. L’obligation de reconnaissance mutuelle résultant de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive ne serait pas subordonnée à la vérification par la Commission de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées.

71      D’ailleurs, les autres États membres ne sauraient être contraints, en vertu du droit communautaire, d’appliquer des mesures d’un autre État membre incompatibles avec le droit communautaire, nonobstant la position adoptée par la Commission à l’égard de ces mesures. La Commission se réfère, dans ce contexte, à sa lettre au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord du 23 décembre 1998, aux termes de laquelle elle émettait des doutes quant à la compatibilité des mesures initialement notifiées avec le droit communautaire. Elle relève également que les mesures nationales en cause ont été publiées dans la série C du Journal officiel, et non dans la série L.

72      La Commission, soutenue par le Parlement, fait, enfin, valoir que la requérante ne conteste pas le fait que les mesures en cause auraient pu être contestées devant les tribunaux du Royaume-Uni. Le juge national, dans l’affaire ayant donné lieu au jugement de la House of Lords du 25 juillet 2001, R v. ITC, ex parte TV Danmark 1 Ltd, [2001] UKHL 42, invoqué par la requérante, se serait contenté d’affirmer qu’il ne statuerait pas sur la question de l’équilibre entre les intérêts des organisateurs d’événements sportifs et des organismes de radiodiffusion télévisuelle à maintenir un marché libre, d’une part, et l’intérêt du citoyen à pouvoir regarder des événements sportifs importants, d’autre part. Il n’aurait toutefois pas affirmé qu’il ne réexaminerait pas la légalité de mesures adoptées en vertu de l’article 3 bis de la directive. Si un recours avait été introduit devant les juridictions du Royaume-Uni et qu’un renvoi préjudiciel à la Cour ait été opéré en application de l’article 234 CE, aucun parallèle n’aurait pu être établi par la requérante avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, Rec. p. I‑833). En effet, en l’espèce, la requérante serait forclose à introduire un recours devant les juridictions du Royaume-Uni. Or, en déclarant recevable le présent recours introduit contre une prétendue décision de la Commission, le Tribunal cautionnerait un détournement de procédure, tel que celui dénoncé par la Cour dans son arrêt TWD Textilwerke Deggendorf, précité.

73      Selon la Commission, il n’appartient pas au Tribunal d’examiner la légalité des mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ni de les interpréter. Il serait d’ailleurs particulièrement difficile pour une juridiction, autre que celles du Royaume-Uni, de procéder à l’interprétation desdites mesures, parmi lesquelles figurent notamment des dispositions du code de l’ITC relatif aux événements sportifs et autres inscrits sur la liste, étant donné leur manque de clarté.

74      À cet égard, le Parlement souligne qu’il était loisible à la requérante de défendre ses droits par le biais d’un renvoi préjudiciel de la High Court de Londres à la Cour [arrêt de la Cour du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, Rec. p. I‑11453, points 32 à 41].

75      Par ailleurs, le Parlement ajoute qu’il peut également être établi un parallèle entre la présente affaire et l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission (T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, Rec. p. II‑4945, point 142, confirmé sous pourvoi) dont il ressort que, en l’absence d’un transfert explicite de compétence à la Commission, la matière en cause relève de la compétence résiduelle des États membres. Il se réfère, dans ce contexte, à l’article 7 CE, aux termes duquel chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité. Or, il ne ressortirait ni de la directive 89/552 ni de la directive 97/36 que les États membres se seraient implicitement dessaisis de leur compétence. En particulier, l’article 3 bis de la directive ne conférerait pas explicitement de compétence à la Commission, ce qui serait confirmé par l’absence de toute procédure de comitologie. À cet égard, les tâches incombant au comité de contact n’auraient pas trait aux compétences d’exécution de l’article 202, troisième tiret, CE. De surcroît, ni l’économie générale, l’objectif premier et le libellé de l’article 3 bis de la directive, d’une part, ni les intentions du législateur, d’autre part, ne tendraient à conférer à la Commission une compétence décisionnelle particulière.

76      En conclusion, la Commission considère que, eu égard à ce qui précède, son appréciation de la compatibilité des mesures litigieuses ne constitue pas un acte attaquable. En soutenant que la Commission n’aurait pas dû communiquer aux autres États membres les mesures notifiées et les publier au Journal officiel, la requérante contesterait, en réalité, la validité de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive.

77      La requérante s’oppose à l’argumentation de la Commission et considère, en substance, que l’acte d’approbation par la Commission des mesures notifiées produit des effets juridiques tant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord que dans les autres États membres.

78      L’acte attaqué serait un acte produisant des effets juridiques obligatoires en ce qu’il résulte de l’exercice d’un pouvoir légalement conféré, au terme d’une procédure administrative légalement instituée et en vue de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant sa situation juridique (arrêt de la Cour du 4 mars 1982, Gauff/Commission, 182/80, Rec. p. 799, point 18).

79      Elle se réfère, premièrement, au libellé de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, aux termes duquel il est exigé que la Commission adopte, à l’issue de la vérification de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées, un acte contraignant.

80      Deuxièmement, il se déduirait clairement de la finalité et de l’objectif de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, que cette disposition vise à produire des effets juridiques. La requérante se réfère, dans ce contexte, aux considérants 18 et 19 de la directive 97/36 et constate que l’établissement des listes nationales, sur lesquelles les États membres seraient enclins à faire figurer un grand nombre d’événements, donnerait la possibilité à ces États de favoriser les organismes de radiodiffusion télévisuelle établis sur leur territoire.

81      Troisièmement, il ressortirait de la procédure d’application de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive 89/552 que celle-ci conduit à l’adoption d’une décision produisant des effets obligatoires. La requérante se réfère, à cet égard, aux délais encadrant cette procédure ainsi qu’à son déroulement.

82      Par ailleurs, la requérante fait valoir que ni le libellé et la finalité de l’article 3 bis de la directive ni les considérants pertinents de la directive 97/36 ne permettent de soutenir l’argumentation de la Commission selon laquelle l’acte adopté par celle-ci est assimilable à un refus d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE. La présente procédure imposerait, en effet, à la Commission d’agir en qualité d’arbitre et d’adopter une décision définitive sur la légalité des mesures notifiées. Une telle décision ne saurait être retirée sans que soit affectée la position juridique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et celle de tous les particuliers ayant tiré des droits de l’approbation par la Commission desdites mesures et de leur reconnaissance mutuelle. La requérante ajoute que la thèse de la Commission prive d’effet utile la procédure prescrite à l’article 3 bis de la directive.

83      La requérante fait également valoir que l’acte attaqué produit des effets juridiques dans les autres États membres, ceux-ci étant tenus de faire respecter les mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive. En effet, à défaut d’une décision de la Commission approuvant les mesures notifiées, celles-ci ne produiraient aucun effet juridique dans les autres États membres. Toute autre interprétation priverait d’effet utile la procédure prévue à l’article 3 bis, paragraphe 2, et serait contraire à la finalité de l’article 3 bis de la directive, qui est de concilier la libre circulation des services télévisés et la nécessité d’empêcher que soient éventuellement tournées des mesures nationales destinées à protéger un intérêt général légitime.

84      La requérante fait enfin valoir qu’il ressort du dossier que la reconnaissance mutuelle est conditionnée par le contrôle par la Commission de la compatibilité des mesures notifiées avec le droit communautaire et ne résulte pas automatiquement de leur notification.

 Appréciation du Tribunal

85      Dans sa requête, la requérante demande l’annulation de la décision de la Commission disposant, d’une part, que les mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sont compatibles avec le droit communautaire et prévoyant, d’autre part, que ces mesures doivent être communiquées aux autres États membres de manière à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence s’y conforment. Elle précise, à cet égard, que le seul document accessible au public est la publication effectuée par la Commission, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, au Journal officiel du 18 novembre 2000 des mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

86      En annexe de son exception d’irrecevabilité, la Commission a toutefois produit une lettre du directeur général de la DG « Éducation et culture », datée du 28 juillet 2000, aux termes de laquelle celui-ci informe le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord que, à la suite de l’examen de la conformité des mesures notifiées le 5 mai 2000 et compte tenu des éléments de fait disponibles en ce qui concerne le paysage audiovisuel du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Commission n’entend pas contester lesdites mesures et procèdera à leur publication au Journal officiel (voir point 15 ci-dessus). La Commission a indiqué à cet égard que, à supposer qu’elle ait adoptée une décision dans le présent contexte, quod non, il s’agirait de cette lettre (voir point 66 ci-dessus).

87      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la lettre du 28 juillet 2000 est, en substance, l’acte attaqué en l’espèce, étant considéré qu’il s’agit du seul document informant explicitement le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de la position de la Commission quant à la compatibilité avec le droit communautaire des mesures qu’il a notifiées et de la prochaine publication desdites mesures au Journal officiel. Lors de l’audience, la requérante a d’ailleurs indiqué, en réponse à une question du Tribunal, que son recours visait, en réalité, à l’annulation de cette lettre de la Commission au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

88      Il convient dès lors de s’interroger sur la nature d’acte attaquable de la lettre de la Commission au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord du 28 juillet 2000 (ci-après la « lettre attaquée »).

89      Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. La forme dans laquelle des actes ou des décisions sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt du Tribunal du 17 février 2000, Stork Amsterdam/Commission, T‑241/97, Rec. p. II‑309, point 49). Pour déterminer si un acte attaqué produit de tels effets, il y a, en effet, lieu de s’attacher à sa substance (arrêt de la Cour du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C‑147/96, Rec. p. I‑4723, points 25 à 27).

90      Afin d’apprécier, à la lumière des principes susmentionnés, la nature juridique de la lettre attaquée et de déterminer si elle produit des effets juridiques, il convient de l’examiner à l’aune du régime des événements d’importance majeure pour la société instauré par l’article 3 bis de la directive.

91      Il importe, à cet égard, de rappeler que la directive vise à faciliter la libre circulation des émissions télévisées à l’intérieur de la Communauté européenne tout en tenant compte des spécificités, notamment culturelles et sociologiques, des programmes audiovisuels.

92      S’agissant du régime spécifique des droits audiovisuels des événements d’importance majeure pour la société, instauré par l’article 3 bis de la directive, il ressort du considérant 18 de la directive 97/36 qu’il est essentiel que les États membres soient à même de prendre des mesures destinées à protéger le droit à l’information et à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées d’événements nationaux ou non, d’une importance majeure pour la société. Dans ce contexte, il est prévu que les États membres conservent le droit de prendre des mesures, compatibles avec le droit communautaire, en vue de réglementer l’exercice, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des droits exclusifs de retransmission de tels événements. Aux fins de leur reconnaissance mutuelle par les autres États membres en application de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive, les mesures prises ou envisagées par un État membre doivent être notifiées à la Commission.

93      L’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive prévoit, à cet égard, que la Commission vérifie, dans un délai de trois mois après leur notification, que ces mesures étatiques sont compatibles avec le droit communautaire. À l’occasion de cette vérification, elle consulte le comité de contact, lequel émet un avis.

94      En l’espèce, la lettre attaquée informant, en substance, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’approbation par la Commission des mesures qu’il lui a notifiées et de leur publication subséquente au Journal officiel, clôt la procédure de vérification à laquelle la Commission est tenue en application de l’article susmentionné. La publication au Journal officiel desdites mesures approuvées par la Commission permet aux autres États membres, comme le constate elle-même la Commission dans le cadre de ses écrits (voir point 69 ci-dessus), d’en prendre connaissance et, partant, d’être en mesure de se conformer aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive, dans le cadre du mécanisme de reconnaissance mutuelle de ces mesures instauré par cet article.

95      La lettre attaquée produit donc des effets juridiques dans le chef des États membres dans la mesure où elle prévoit la publication au Journal officiel des mesures étatiques en cause, cette publication ayant pour effet de déclencher le mécanisme de reconnaissance mutuelle prévu à l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive.

96      En premier lieu, cette analyse ressort de la lettre de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive, qui prévoit la reconnaissance mutuelle des mesures prises par les États membres afin d’assurer le libre accès du public aux événements désignés « conformément aux paragraphes précédents », c’est-à-dire, notamment, ceux pour lesquels les mesures étatiques notifiées ont été considérées comme étant compatibles avec le droit communautaire par la Commission et publiées au Journal officiel, conformément au paragraphe 2 du même article.

97      En outre, le déroulement de la procédure de vérification tel que décrit à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive ainsi que l’intensité de cette vérification s’opposent à ce qu’elle soit considérée comme étant une vérification « préliminaire » au terme de laquelle serait rendu un « avis ». En effet, d’une part, la Commission est tenue de procéder à cette vérification dans un délai strict de trois mois à compter de la notification des mesures par l’État membre concerné et doit, à cette fin, consulter le comité de contact qui émet pour sa part un avis, conformément aux prescriptions de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive. D’autre part, la Commission a admis, lors de l’audience, qu’elle devait procéder à un examen approfondi de la compatibilité desdites mesures avec le droit communautaire, la Commission devant notamment s’assurer du respect des dispositions de la directive ainsi que des règles relatives à la libre circulation des services et au droit de la concurrence.

98      En deuxième lieu, eu égard à l’économie du régime des événements d’importance majeure pour la société instauré à l’article 3 bis de la directive, il ne saurait être considéré, ainsi que le prétend la Commission, que ce n’est ni l’approbation desdites mesures ni leur publication au Journal officiel qui déclenche l’obligation pour les autres États membres de se conformer aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive.

99      En effet, d’une part, la procédure de contrôle incombant à la Commission en vertu de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive vise à assurer la compatibilité de ces mesures avec le droit communautaire (considérant 18 de la directive 97/36).

100    À cet égard, s’agissant du déroulement de la procédure de vérification des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Commission a, dans sa lettre du 23 décembre 1998 (voir point 12 ci-dessus), notamment indiqué ce qui suit :

« Vous voudrez bien trouver ci-joint le résultat provisoire de l’examen par les services de la Commission des mesures notifiées [...] la Commission conclut que, dans l’attente de plus amples précisions de la part de vos autorités sur plusieurs questions importantes, elle n’est pas en mesure d’engager formellement la procédure de vérification de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures pour lesquelles le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord demande la reconnaissance mutuelle par les autres États membres. »

101    Or, les termes mêmes de cette lettre émanant de la Commission confirment l’interprétation de l’article 3 bis, paragraphes 2 et 3, de la directive exposée aux points 98 et 99 ci-dessus, selon laquelle la reconnaissance mutuelle des mesures nationales notifiées est subordonnée à la vérification de la compatibilité de celles-ci avec le droit communautaire.

102    En outre, la vérification de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées, à laquelle la Commission est tenue, serait privée d’effet si l’approbation desdites mesures ne conditionnait pas leur reconnaissance mutuelle par les autres États membres. En effet, à supposer que le mécanisme de reconnaissance mutuelle puisse concerner des mesures nationales considérées par la Commission comme étant incompatibles avec le droit communautaire, l’existence de risques d’insécurité juridique et de distorsion de marché ne saurait être évitée, alors que de tels risques sont proscrits par le considérant 19 de la directive 97/36. La reconnaissance mutuelle de mesures nationales incompatibles avec le droit communautaire ne permettrait pas davantage d’assurer la conciliation de la libre circulation des services télévisés et de la nécessité d’empêcher que soient éventuellement tournées les mesures nationales destinées à protéger un intérêt général légitime, comme le prévoit également le considérant 19 de ladite directive.

103    D’autre part, le fait que la publication des mesures nationales au Journal officiel permettant aux autres États membres d’en prendre connaissance afin de se conformer aux obligations résultant de l’article 3 bis, paragraphe 3, ne peut intervenir qu’après que la Commission a, au terme de sa vérification, constaté leur compatibilité avec le droit communautaire, est d’ailleurs corroboré par divers éléments du dossier.

104    Premièrement, le déroulement de la procédure de vérification des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord conforte cette interprétation. En effet, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié pour la première fois des mesures à la Commission le 25 septembre 1998 et, ainsi qu’il vient d’être dit, par lettre du 23 décembre 1998, la Commission lui a fait savoir que certains des aspects de ces mesures posaient des problèmes de compatibilité avec le droit communautaire. Par lettre du 5 mai 2000, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié une version amendée de ces mesures. Or, seules ces dernières mesures, jugées compatibles avec le droit communautaire par la Commission, ont fait l’objet d’une publication au Journal officiel, après que la Commission a informé le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord par la lettre attaquée de leur compatibilité avec le droit communautaire.

105    Dans sa lettre du 22 janvier 2001, la Commission a d’ailleurs répondu à la requérante que « sur le plan juridique, en application de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, la publication des mesures [était] la conséquence d’une vérification (positive) effectuée par la Commission » (voir point 21 ci-dessus).

106    Deuxièmement, la position de la Commission à cet égard est attestée par plusieurs pièces annexées au dossier et dont elle est l’auteur. Ainsi, sur la page de son site Internet consacrée à l’article 3 bis de la directive, produite par la requérante en annexe de ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la Commission indique que, « en cas de résultats positifs de cette évaluation [de leur compatibilité avec le droit communautaire], les mesures sont publiées au Journal officiel ». La position de la Commission transparaît également de son document de travail CCTVSF (97) 9/3, produit à la demande du Tribunal, aux termes duquel il est exposé que « cette exigence de sécurité juridique rend nécessaire que la compatibilité avec le droit communautaire des mesures en cause soit établie au terme d’une procédure rapide d’examen et que – en cas de résultat positif – lesdites mesures soient publiées au Journal officiel » ou que « il découle de ce qui précède que seules des mesures nationales spécifiques, entrant dans le champ d’application de l’article 3 bis, paragraphe 1, […] sont susceptibles d’être soumises à la procédure de notification à la Commission en vue de leur examen et de leur éventuelle publication » ou encore que « en cas de résultat positif de la procédure d’examen, les mesures en cause seront publiées au [Journal officiel] ».

107    Il ressort de tout ce qui précède que la Commission dispose, en vertu de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, d’un pouvoir décisionnel et que la lettre attaquée produit des effets juridiques définitifs, sans que cette constatation puisse être contredite par le fait que l’article 3 bis de la directive 89/552 ne se réfère pas expressément à l’adoption par la Commission d’une « décision ».

108    L’argument de la Commission et de la République française selon lequel la lettre attaquée serait une décision de ne pas introduire dans l’immédiat une procédure en manquement contre l’État membre concerné est donc à écarter. En tout état de cause, à supposer que la Commission constate l’incompatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées et que l’État membre notifiant ne remédie pas à cette incompatibilité, il suffit à la Commission de ne pas publier lesdites mesures au Journal officiel pour qu’elles soient privées d’effet dans le cadre du mécanisme de reconnaissance mutuelle établi par l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive.

109    Quant à l’argument selon lequel il était loisible à la requérante de contester les mesures en cause devant les juridictions du Royaume-Uni, il ne saurait prospérer dès lors que le contrôle auquel il est demandé au Tribunal de procéder en l’espèce porte uniquement sur la légalité de la constatation par la Commission de la compatibilité avec le droit communautaire desdites mesures aux fins de la mise en œuvre du mécanisme de reconnaissance mutuelle des événements d’importance majeure instauré par l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive. L’invocation, dans ce contexte, du jugement de la House of Lords, R v. ITC, ex parte TV Danmark 1 Ltd [2001] UKHL 42 (précité) est dépourvue de pertinence, le recours en cause dans cette affaire ayant été introduit par un organisme de radiodiffusion danois, relevant du droit du Royaume-Uni, contre la décision des autorités compétentes de cet État membre lui refusant d’acquérir les droits exclusifs de retransmission de cinq rencontres de qualification de la Coupe du Monde de la FIFA figurant sur la liste des événements d’importance majeure pour la société désignés par le Royaume de Danemark. L’objet de cette affaire visait donc à contester l’application, par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, au titre du principe de reconnaissance mutuelle, des mesures danoises et non, comme en l’espèce, la décision de la Commission constatant leur compatibilité avec le droit communautaire.

110    Enfin, l’argument de la défenderesse selon lequel le fait qu’elle ne s’est pas engagée juridiquement serait confirmé par la nature de la formulation employée dans la lettre attaquée, par l’absence d’adoption d’une décision motivée par le collège des membres de la Commission et par le choix de procéder à la publication des mesures notifiées estimées compatibles avec le droit communautaire dans la série C « Communications et informations » et non dans la série L « Législation » du Journal officiel doit également être écarté. Il suffit en effet de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la forme dans laquelle des actes ou des décisions sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation et que c’est à leur substance qu’il y a lieu de s’attacher pour déterminer s’ils constituent des actes attaquables au sens de l’article 230 CE (voir point 89 ci-dessus).

111    Il résulte de l’ensemble des considérations de droit et de fait qui précèdent que la lettre attaquée produit des effets juridiques obligatoires et constitue donc une décision au sens de l’article 249 CE. Partant, la lettre attaquée étant un acte attaquable au sens de l’article 230 CE, la présente fin de non-recevoir doit être rejetée.

b)     Sur la qualité à agir de la requérante

112    Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions qui, bien que prises sous la forme d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

113    En l’espèce, la Commission excipant de l’irrecevabilité du recours pour défaut de qualité à agir de la requérante, il y a lieu de déterminer si la requérante est directement et individuellement concernée par la lettre attaquée.

 Sur le point de savoir si la requérante est directement concernée

–       Arguments des parties

114    La Commission, soutenue par la République française, se réfère à l’arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309), ainsi qu’à l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2000, DSTV/Commission (T‑69/99, Rec. p. II‑4039, point 24).

115    Elle fait valoir que, en l’espèce, la situation juridique de la requérante n’est pas affectée, étant considéré que tant la directive que la législation du Royaume-Uni concernent uniquement les droits et obligations des organismes de radiodiffusion télévisuelle et que ceux-ci ne peuvent transmettre en direct un événement figurant sur la liste qu’à certaines conditions. La requérante ne subirait que des conséquences économiques indirectes de ces contraintes, lesquelles seraient liées au risque que les organismes de radiodiffusion télévisuelle refusent de payer un prix aussi élevé que celui qu’elle avait escompté obtenir en cédant des sous-licences de ses droits de retransmission des matchs de la Coupe du Monde de la FIFA.

116    En outre, la Commission relève que seules certaines dispositions de la loi sur la radiodiffusion de 1996, lues en combinaison avec le code de l’ITC relatif aux événements sportifs et autres inscrits sur la liste, ont directement affecté la requérante. La République française souligne, à cet égard, que les effets subis par la requérante ne découlent pas de la lettre attaquée, mais de la législation en vigueur au Royaume-Uni, au titre de laquelle figure la liste des événements d’importance majeure pour la société. Or, bien que sa situation économique ait été claire dès l’entrée en vigueur de la loi sur la radiodiffusion de 1996, la liste des événements étant déjà établie et incluant la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA, la requérante n’aurait jamais contesté la législation du Royaume-Uni ou la liste des événements d’importance majeure pour la société établie par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

117    À cet égard, en adoptant les mesures litigieuses, les autorités du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auraient pleinement exercé leur pouvoir discrétionnaire de législateur. L’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive conférerait, en effet, aux États membres la possibilité d’adopter des mesures relatives aux événements d’importance majeure pour la société. Quant à la vérification de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées, la Commission et le Parlement soutiennent qu’elle est comparable à la procédure prévue à l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive, au sujet de laquelle le Tribunal a jugé qu’un requérant ne saurait être directement affecté par l’acte adopté par la Commission sur ce fondement (arrêt DSTV/Commission, précité, points 26 et 27).

118    La Commission souligne que, en l’espèce, elle a porté son appréciation relative à la compatibilité des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord avec le droit communautaire postérieurement à leur adoption et que seules ces mesures ont directement affecté les intérêts économiques de la requérante.

119    Elle s’oppose à l’allégation de la requérante selon laquelle la publication des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord au Journal officiel a eu pour conséquence d’imposer des obligations aux autres États membres. En tout état de cause, cette circonstance ne signifierait pas que la requérante est directement concernée par l’acte attaqué. En effet, les autres États membres seraient tenus de s’assurer que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence respectent la liste des événements d’importance majeure pour la société établie par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, mais ils le feraient en application de leurs règles nationales. Ainsi, la mise en oeuvre de l’appréciation portée par la Commission sur la compatibilité des mesures notifiées ne serait pas « purement automatique » et ne découlerait pas de la seule réglementation communautaire.

120    Par ailleurs, la Commission relève que, même si sa vérification préliminaire des mesures notifiées conduisait les autres États membres à s’assurer que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence respectent la liste des événements d’importance majeure pour la société, cela resterait sans effet en l’espèce. En effet, il ne saurait être imaginé que la requérante concède des sous-licences de ses droits télévisuels concernant le Royaume-Uni à un organisme de radiodiffusion télévisuelle non établi au Royaume-Uni, ces droits étant concédés sur une base nationale. Au niveau national, les recettes des organismes de radiodiffusion télévisuelle proviendraient de la publicité ciblée sur le public national, des redevances de licences nationales ou des abonnements nationaux à la télévision payante. L’intérêt de ces organismes étant donc de fournir des émissions à un public national, seuls ceux touchant une large part de la population nationale accepteraient d’acheter, à un prix très élevé, les droits de transmission télévisuelle dont la requérante est titulaire. Partant, les sous-licenciés potentiels de tels droits pour le Royaume-Uni étant des organismes relevant de la compétence des autorités du Royaume-Uni, seules les mesures nationales affecteraient directement la requérante.

121    La Commission signale, dans ce contexte, que, au Royaume-Uni, le marché de la télédiffusion est l’un des plus concurrentiels d’Europe et que 25 % des organismes de radiodiffusion télévisuelle opérant sur le secteur détiennent une licence au Royaume-Uni.

122    Dans ces conditions, à supposer même que la publication au Journal officiel des mesures notifiées déclenche l’obligation pour les autres États membres de respecter l’obligation qui leur incombe au titre de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive, cette circonstance serait dénuée de pertinence en l’espèce.

123    La Commission en conclut que la vérification et la publication au Journal officiel des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ne concernent pas directement la requérante.

124    La requérante conteste l’ensemble de l’argumentation de la Commission.

125    Elle fait, en substance, valoir que sa situation juridique est directement affectée, les mesures du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord approuvées par la lettre attaquée produisant des effets sur les conditions dans lesquelles elle peut revendre ses droits de diffusion en direct des matchs de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA pour le Royaume-Uni. Elle se réfère, à cet égard, aux articles 99 et 101 de la loi sur la radiodiffusion de 1996.

126    Quant aux effets dans les autres États membres, la requérante allègue que la lettre attaquée leur impose de faire respecter par leurs organismes de radiodiffusion télévisuelle les mesures en cause. À cet égard, les obligations imposées aux organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de la compétence des autres États membres seraient automatiques et découleraient de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires. Ces États ne seraient en effet pas tenus de s’assurer que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence se conforment aux mesures adoptées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord tant que la Commission n’aurait pas adopté la décision constatant la compatibilité des mesures notifiées avec le droit communautaire. Ainsi, l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive aurait été transposé en droit interne par la majorité des États membres et s’appliquerait automatiquement à toutes les mesures nationales notifiées qui ont été approuvées et publiées par la Commission.

127    La requérante serait, quant à elle, empêchée de céder une licence exclusive d’exploitation de ses droits à un organisme de radiodiffusion télévisuelle basé dans un autre État membre et la Commission ne pourrait valablement prétendre, dans ces conditions, que la lettre attaquée ne produit des effets juridiques qu’à l’égard des organismes de radiodiffusion télévisuelle.

128    La requérante fait également valoir que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, l’arrêt DSTV/Commission, précité (point 27), relatif à l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive, n’est pas applicable en l’espèce, les mesures ayant été notifiées à la Commission, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, avant leur entrée en vigueur. Ainsi, il serait impossible de considérer que les mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord existaient indépendamment de la décision de la Commission, leur existence dépendant de l’issue de la vérification à laquelle cette dernière était tenue de procéder.

129    Enfin, la requérante s’oppose à l’argument de la Commission selon lequel il n’est pas plausible qu’un organisme de radiodiffusion télévisuelle non établi au Royaume-Uni souhaite acquérir des droits de diffusion en direct et au Royaume-Uni des rencontres de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA.

–       Appréciation du Tribunal

130    Selon une jurisprudence constante, pour concerner directement un particulier, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, l’acte communautaire entrepris doit produire directement des effets sur la situation juridique de l’intéressé et sa mise en oeuvre doit revêtir un caractère purement automatique et découler de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt Dreyfus/Commission, précité, point 43, et la jurisprudence citée).

131    En l’espèce, afin de déterminer, à l’aune de cette jurisprudence, si la requérante est directement concernée par la lettre attaquée, il convient d’examiner les deux hypothèses envisagées par la requérante, à savoir celle dans laquelle les droits de radiodiffusion télévisuelle des matchs de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA, dont elle est détentrice pour les années 2002 et 2006, sont vendus, aux fins de leur retransmission au Royaume-Uni, à un organisme de radiodiffusion télévisuelle relevant de la compétence du Royaume-Uni et celle dans laquelle ces droits sont vendus à un organisme établi dans un autre État membre.

132    S’agissant de la première hypothèse, la requérante allègue que les mesures notifiées « sapent les fondements mêmes du marché de [ses] produits auprès de ses clients basés au Royaume-Uni ». En effet, afin de se conformer à la législation en vigueur au Royaume-Uni, la requérante ne pourrait plus concéder à une chaîne télévisuelle établie au Royaume-Uni une licence à titre exclusif.

133    Cependant, à supposer que l’organisme de radiodiffusion télévisuelle en cause soit établi au Royaume-Uni, il importe de constater que ce sont les mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, proprement dites, qui seront directement applicables, l’approbation par la Commission de ces mesures aux fins de leur reconnaissance mutuelle étant sans incidence sur leur applicabilité dans cet État membre.

134    D’ailleurs, il importe de rappeler que, selon l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, les États membres notifient à la Commission toute mesure prise ou envisagée. Or, en l’espèce, les mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sont entrées en vigueur avant leur notification à la Commission le 5 mai 2000, comme l’a confirmé ce dernier lors de l’audience, et étaient donc susceptibles d’avoir d’ores et déjà produit des effets juridiques dans cet État au moment de leur notification.

135    La Commission, par la lettre attaquée, n’a pas pu, dans ces conditions, accorder au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord une autorisation préalable d’adopter ces mesures. La Commission n’a pas davantage autorisé le maintien rétroactif de ces mesures aux fins de leur application au Royaume-Uni (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 novembre 1971, Bock/Commission, 62/70, Rec. p. 897), mais a permis à cet État de bénéficier de la reconnaissance desdites mesures par les autres États membres.

136    À cet égard, l’argument de la requérante tiré du fait que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié, une première fois, des mesures à la Commission par lettre du 25 septembre 1998 est dépourvu de pertinence, cette dernière ayant estimé, par lettre du 23 décembre 1998, qu’elles posaient des problèmes de compatibilité avec le droit communautaire et n’ayant pas procédé à leur publication au Journal officiel. Outre le fait que certaines des mesures initialement notifiées étaient entrées en vigueur à la date de leur notification, il demeure que l’ensemble des mesures déclarées compatibles avec le droit communautaire par la Commission par le biais de la lettre attaquée étaient, en tout état de cause, en vigueur au Royaume-Uni au moment de cette notification.

137    En conséquence, dès lors que la requérante cède ses droits de radiodiffusion télévisuelle des matchs de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA à un organisme de radiodiffusion télévisuelle établi au Royaume-Uni, aux fins de la retransmission de ces matchs dans cet État, les mesures prises par les autorités du Royaume-Uni ont une existence juridique autonome par rapport à la lettre attaquée (voir, en ce sens, arrêt DSTV/Commission, précité, point 25). Dans la mesure où les mesures notifiées sont applicables aux organismes de radiodiffusion télévisuelle établis au Royaume-Uni en vertu de la loi nationale en vigueur dans cet État membre et non en vertu de la décision de la Commission, la requérante n’est pas concernée directement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par la lettre attaquée et n’est donc pas recevable à en demander l’annulation.

138    S’agissant de la seconde hypothèse, dans laquelle la requérante cède ses droits de retransmission des matchs de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA à un organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans un État membre autre que le Royaume-Uni, aux fins de la retransmission de ces matchs dans ce dernier État, il importe de constater que cet autre État membre sera tenu, en application de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive, de s’assurer que ledit organisme ne se soustrait pas aux mesures approuvées par la Commission et publiées au Journal officiel.

139    À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation incombant aux autres États membres est de s’assurer, par les moyens appropriés, dans le cadre de leur législation, que les organismes de radiodiffusion relevant de leur compétence exercent les droits exclusifs qu’ils ont achetés après la date de publication de la directive de manière à ne pas priver une partie importante du public d’un autre État membre de la possibilité de suivre, selon les dispositions prises par cet autre État membre, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1, les événements que cet autre État membre a désignés conformément à l’article 3 bis, paragraphes 1 et 2.

140    Les États membres, destinataires de la directive, ont ainsi été tenus de prendre, dans le cadre de leur ordre juridique national respectif, toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de ladite directive, conformément à l’objectif qu’elle poursuit et, dans ce contexte, de transposer notamment l’article 3 bis, paragraphe 3.

141    Dans le cadre de ce contrôle exercé par leurs autorités au titre du mécanisme de reconnaissance mutuelle, les autres États membres doivent s’assurer que les mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ne sont pas tournées par les organismes de radiodiffusion télévisuelle souhaitant retransmettre un événement désigné par cet État membre et relevant de leur compétence.

142    Or, comme il a été précédemment constaté (voir point 94 ci-dessus), seule la décision de la Commission constatant la compatibilité des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord avec le droit communautaire et prévoyant la publication subséquente de ces mesures au Journal officiel permet de rendre effectif le mécanisme de reconnaissance mutuelle en déclenchant l’obligation pour les autres États membres de se conformer aux obligations qui leur incombent à cet égard en vertu de l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive.

143    Il s’ensuit que, dans cette hypothèse, la lettre attaquée valide, ex nunc, les mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord aux seules fins de leur reconnaissance mutuelle par les autres États membres.

144    S’agissant, dans ce contexte, de l’invocation par la Commission de l’arrêt DSTV/Commission, précité, il y a lieu de relever que l’article 2 bis, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive, en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, prévoit un contrôle, a posteriori, de compatibilité avec le droit communautaire des mesures prises par un État membre afin d’interdire la diffusion sur son territoire d’émissions en provenance d’autres États membres et non un contrôle de compatibilité avec le droit communautaire permettant la reconnaissance mutuelle de mesures nationales.

145    En outre, à la différence de la disposition spécifique en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, invoqué par le Parlement, l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive confère à la Commission une compétence décisionnelle garantissant l’effet utile du mécanisme de reconnaissance mutuelle et ne vise pas uniquement à instaurer une procédure de nature consultative.

146    Par ailleurs, la reconnaissance mutuelle des mesures prises par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord étant subordonnée à leur approbation par la Commission et à leur publication subséquente au Journal officiel, il y a lieu de constater que la lettre attaquée ne laisse aux autorités nationales, dès cette publication, aucune marge d’appréciation dans le cadre de la mise en œuvre de leurs obligations. En effet, bien que les modalités du contrôle, auxquelles les autorités nationales sont tenues de procéder dans le cadre du mécanisme de reconnaissance mutuelle, soient déterminées par chaque État membre, dans le cadre de sa législation transposant l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive, il n’en demeure pas moins que ces autorités doivent s’assurer du respect, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des conditions de retransmission des événements en cause telles que définies par l’État membre dans ses mesures approuvées et publiées au Journal officiel par la Commission.

147    Enfin, s’agissant de l’argument de la Commission selon lequel seuls des organismes de radiodiffusion télévisuelle établis au Royaume-Uni auraient un intérêt à acheter à la requérante les droits de diffusion de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA afin de la retransmettre au Royaume-Uni, il y a lieu de relever qu’une telle supposition prive de tout effet utile l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive. Il convient en effet de rappeler que, selon les considérants 18 et 19 de la directive 97/36, l’objectif de cet article est de garantir au public d’accéder librement à la diffusion d’événements considérés comme étant d’une importance majeure pour la société par les États membres et, sur la base du principe de la reconnaissance mutuelle, d’exiger des États membres qu’ils s’assurent que les organismes de radiodiffusion relevant de leur compétence respectent les listes d’événements établies par un autre État membre afin de ne pas priver une partie importante du public de cet État de la possibilité de suivre les événements désignés par ce dernier.

148    Le contexte factuel de l’affaire ayant donné lieu au jugement de la House of Lords, R v. ITC, ex parte TV Danmark 1 Ltd [2001] UKHL 42 (précité), bien que relatif aux événements désignés par le Royaume de Danemark, confirme d’ailleurs l’existence de situations de mise en œuvre du mécanisme de reconnaissance mutuelle instauré à l’article 3 bis, paragraphe 3, de la directive. En outre, la Commission, dans son 3e rapport de 2001 au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social concernant l’application de la directive (COM/2001/009 final), indique que des organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de la compétence du Royaume-Uni ont, à trois reprises, transmis des événements inscrits sur la liste du Royaume de Danemark de telle façon qu’une partie importante de la population danoise a été privée de la possibilité de suivre lesdits événements.

149    Dans ces circonstances, nonobstant les allégations non étayées de la Commission relatives à la spécificité du marché de la radiodiffusion télévisuelle au Royaume-Uni (voir point 121 ci-dessus), il ne saurait être considéré que les droits de diffusion télévisuelle dans cet État membre de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA seront nécessairement acquis par des organismes de radiodiffusion télévisuelle établis dans ce même État.

150    Il s’ensuit que la requérante est directement concernée par la lettre attaquée en ce qu’elle permet la mise en œuvre du mécanisme de reconnaissance mutuelle par les autres États membres des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit être rejetée.

 Sur le point de savoir si la requérante est individuellement concernée

–       Arguments des parties

151    La Commission conteste l’argument de la requérante selon lequel celle-ci est individuellement concernée, car elle fait partie d’un « cercle fermé » d’entreprises qui, avant même l’entrée en vigueur de l’article 3 bis de la directive, étaient détentrices en exclusivité de droits de transmission d’événements d’importance majeure pour la société désignés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

152    Selon la Commission, ce critère de la détention de droits exclusifs n’est pas pertinent, puisque devraient alors être prises en considération toutes les autres organisations et entreprises détentrices de droits de diffusion des événements figurant sur la liste du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Or, ces autres détenteurs de droits télévisuels auraient peut-être été plus radicalement affectés par ladite liste que ne l’a été la requérante.

153    En outre, contrairement aux détenteurs de droits télévisuels des événements d’importance majeure pour la société énumérés dans la liste du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, les entreprises ou organisations ayant pu conclure des contrats de licence avec l’un de ces détenteurs sont potentiellement nombreuses et la Commission serait dans l’impossibilité de les identifier. Dès lors, il ne saurait être admis que la requérante fait partie d’un cercle fermé d’entreprises.

154    De surcroît, ni la requérante ni les détenteurs de droits télévisuels relatifs aux événements d’importance majeure pour la société désignés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ne pourraient être individuellement concernés par une mesure de la Commission, au seul motif que celle-ci affecte leur activité économique (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 15 décembre 2000, Galileo et Galileo International/Conseil, T‑113/99, Rec. p. II‑4141). Les activités économiques de la requérante auraient été affectées par les mesures notifiées et, indirectement, par l’acceptation de celles-ci par la Commission. Il ne saurait toutefois être question d’un quelconque impact sur sa situation juridique.

155    La requérante invoquerait également qu’est individuellement concernée une entreprise ayant écrit à plusieurs reprises à la Commission afin de lui faire part de sa préoccupation quant à la mise en œuvre, par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive. Or, selon la Commission, seule la lettre de la requérante du 14 juillet 2000 peut, dans ce contexte, être prise en considération, ses autres courriers ayant été écrits postérieurement à l’adoption de sa position quant à la compatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées. En tout état de cause, aucune de ces lettres ne saurait être qualifiée de plainte, dès lors que leur objet ne serait pas de demander à la Commission de prendre des mesures à l’égard de l’État membre concerné, mais seulement de l’influencer dans son examen de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées. L’envoi de telles lettres à la Commission ne serait donc pas de nature à individualiser une entreprise.

156    La République française se réfère, notamment, aux arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197), et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677), et rappelle que la portée générale et, partant, la nature normative d’un acte ne sont pas mises en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels celui-ci s’applique à un moment donné, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait, définie par l’acte en relation avec la finalité de ce dernier (ordonnance du Tribunal du 29 juin 1995, Cantina cooperativa fra produttori vitivinicoli di Torre di Mosto e.a./Commission, T‑183/94, Rec. p. II‑1941, point 48). Or, bien que la requérante soit détentrice des droits de diffusion de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA pour les années 2002 et 2006, cette circonstance ne suffirait pas à l’individualiser, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par rapport à tout autre opérateur économique susceptible d’acquérir ou de détenir des droits de diffusion télévisuelle des événements figurant sur cette liste.

157    La requérante rétorque, en substance, qu’elle est individuellement concernée, étant considéré, d’une part, qu’elle appartient à un « cercle fermé » d’entreprises ayant acquis des droits de diffusion d’un événement figurant sur la liste du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord avant la proposition d’adoption de l’article 3 bis de la directive et avant l’entrée en vigueur des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à la Commission. Au sein de ce cercle, elle serait affectée d’une manière spécifique et distincte des autres titulaires de droits de diffusion. D’autre part, elle serait individuellement concernée du fait de sa participation à la procédure de vérification par la Commission de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures notifiées. Dans ce contexte, elle aurait notamment invoqué une violation par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’obligation lui incombant d’établir sa liste d’événements d’importance majeure pour la société selon une procédure claire et transparente, conformément à la prescription de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive.

–       Appréciation du Tribunal

158    S’agissant, en premier lieu, des qualités qui lui seraient particulières, la requérante fait valoir qu’elle a acquis des droits de diffusion d’un événement figurant sur la liste établie par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord avant l’entrée en vigueur de celle-ci et avant même la proposition d’adoption de l’article 3 bis de la directive.

159    Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire de cette décision le serait (arrêts de la Cour Plaumann/Commission, précité, p. 223, et du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, point 20 ; arrêt du Tribunal du 27 avril 1995, ASPEC e.a./Commission, T‑435/93, Rec. p. II‑1281, point 62).

160    Or, en l’espèce, il convient de relever que la requérante détient, à titre exclusif, pour les années 2002 et 2006, les droits de transmission télévisuelle de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA, qui est l’un des événements énumérés dans la liste des événements d’importance majeure pour la société adoptée par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et approuvée par la Commission dans la lettre attaquée.

161    Les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de la compétence des États membres autres que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord doivent donc nécessairement contracter avec la requérante, en sa qualité de courtier des droits de diffusion de cet événement, aux fins de l’obtention de licences de transmission télévisuelle de celui-ci.

162    Il est vrai que les mesures adoptées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vertu de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive et approuvées par la lettre attaquée, conformément au paragraphe 2 de cet article, imposent des limites aux organismes de radiodiffusion télévisuelle quant à la diffusion d’une manière exclusive des événements d’importance majeure figurant sur la liste, à l’exception de ceux ayant déjà acquis des droits avant l’entrée en vigueur des mesures considérées. Ces limites sont toutefois liées aux conditions dans lesquelles ces organismes de radiodiffusion télévisuelle, envisagés de manière générale et abstraite, acquièrent ces droits exclusifs de diffusion de leurs détenteurs.

163    En effet, aux termes des articles 98 et 101 de la section IV de la loi sur la radiodiffusion de 1996, modifiée par le règlement de 2000 sur la radiodiffusion télévisuelle :

« 98 – 1) Aux fins de la présente section, les services de programmes télévisés et les services de diffusion par satellite relevant de l’[Espace économique européen (EEE)] sont répartis en deux catégories comme suit :

a)       les services de programmes télévisés et les services de diffusion par satellite relevant de l’EEE qui, jusqu’à nouvel ordre, remplissent les conditions requises, et

b)       tous les autres services de programmes télévisés et services de diffusion par satellite relevant de l’EEE.

2)      Dans le cadre du présent article, les ‘conditions requises’ devant être remplies par un service donné sont les suivantes :

a)       la réception du service ne doit donner lieu à aucune rémunération, et

b)       le service doit être capté par au moins 95 % de la population du Royaume-Uni.

« 101 – 1) Tout fournisseur de programmes télévisés assurant un service relevant de l’une des deux catégories définies à l’article 98, paragraphe 1, (le ‘premier service’) et destiné à être capté sur tout ou partie du territoire du Royaume-Uni ne peut transmettre en direct, dans le cadre dudit service, tout ou partie d’un événement inscrit sur la liste sans avoir obtenu le consentement préalable de la commission (ITC), à moins :

a)       qu’un autre fournisseur de programmes télévisés assurant un service relevant de l’autre catégorie définie dans ce paragraphe (le ‘second service’) n’ait acquis le droit d’inclure dans celui-ci la transmission en direct de l’intégralité de l’événement ou de ladite partie de l’événement, et

b)       que la région dans laquelle le second service est diffusé couvre ou englobe la (quasi-) totalité de la région dans laquelle le premier service est capté.

[...]

101 – 4)  L’article 101, paragraphe 1, n’est pas applicable dès lors que le fournisseur de programmes télévisés assurant le premier service exerce des droits acquis avant l’entrée en vigueur du présent article. »

164    Dans ce contexte, s’agissant du consentement devant être obtenu de l’ITC dont il est fait mention à l’article 101 de la loi sur la radiodiffusion de 1996, modifiée, repris ci-dessus, il ressort de l’ensemble des mesures approuvées par la Commission et, plus particulièrement, du code de l’ITC relatif aux événements sportifs et autres inscrits sur la liste, que les facteurs conditionnant le consentement de l’ITC sont, en substance, que la vente des droits de diffusion télévisuelle ait fait l’objet d’une annonce publique et que les organismes de radiodiffusion télévisuelle aient disposé d’une réelle possibilité d’acquérir ces droits à des conditions raisonnables et équitables. À cet égard, l’ITC peut notamment vérifier que l’offre de vente a été communiquée ouvertement et simultanément aux deux catégories de radiodiffuseurs définis à l’article 98 de la loi sur la radiodiffusion de 1996, que le prix demandé est équitable, raisonnable et n’entraîne pas de discrimination entre les deux catégories de radiodiffuseurs et qu’est offert aux radiodiffuseurs un délai raisonnable leur offrant une réelle possibilité d’acquérir ces droits.

165    Ainsi, bien que la requérante, en sa qualité de courtier de droits de transmission télévisuelle de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA pour les années 2002 et 2006, ne soit pas expressément visée par ces dispositions, il n’en demeure pas moins que celles-ci entravent sa faculté de disposer librement de ses droits en conditionnant leur cession, à titre exclusif, à un organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans un État membre autre que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et souhaitant diffuser ledit événement dans ce dernier État.

166    En outre, bien que la validité juridique des contrats que la requérante a conclus avec la FIFA ne soit pas affectée par la lettre attaquée, l’exécution de ces contrats n’ayant nullement pu être empêchée par ladite lettre au sens de la jurisprudence dégagée, en ce sens, dans les arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207), et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission (C‑152/88, Rec. p. I‑2477), il demeure que la requérante a acquis, en exclusivité, les droits en cause avant l’entrée en vigueur de l’article 3 bis de la directive et, a fortiori, avant l’adoption de la lettre attaquée.

167    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la lettre attaquée concerne la requérante en raison d’une qualité qui lui est particulière, à savoir en sa qualité de détentrice en exclusivité des droits de diffusion d’un des événements désignés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

168    Il s’ensuit que la requérante, en sa qualité de détenteur de droits de diffusion télévisuelle d’un événement figurant sur la liste des mesures notifiées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et ayant acquis ces droits avant l’adoption des mesures applicables au Royaume-Uni et, a fortiori, avant leur approbation par la Commission, doit être considérée, aux fins de l’examen de la recevabilité du présent recours, comme individuellement concernée par la lettre attaquée.

169    Il y a dès lors lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

2.     Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

170    Dans le cadre de ses conclusions, la requérante demande au Tribunal de déclarer que l’article 3 bis de la directive est inapplicable et ne saurait servir de base juridique à l’adoption de la lettre attaquée.

171    À cet égard, il suffit de constater que le contentieux communautaire ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position par le biais d’une déclaration générale ou de principe (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 février 2001, Sodima/Commission, T‑62/99, Rec. p. II‑655, point 28, et ordonnance du Tribunal du 7 juin 2004, Segi e.a./Conseil, T‑338/02, non encore publiée au Recueil, point 48 ; voir également, par analogie, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Meister/OHMI, T‑76/03, non encore publié au Recueil, point 38).

172    Ce chef de conclusions est donc irrecevable.

D –  Sur le fond

173    À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens tirés, premièrement, de la violation de principes généraux du droit communautaire, deuxièmement, de la violation de l’article 3 bis, paragraphe 2, de la directive, troisièmement, de l’inapplicabilité de l’article 3 bis, paragraphe 3, de ladite directive et, quatrièmement, de la violation des formes substantielles.

174    Il y a lieu d’examiner, tout d’abord, le quatrième moyen, tiré de la violation des formes substantielles.

175    Dans le cadre de ce moyen, la requérante tire, notamment, argument de l’incompétence de l’auteur de la lettre attaquée, à savoir du directeur général de la DG « Éducation et culture ». Elle allègue, à cet égard, que la lettre attaquée n’a pas été adoptée en conformité avec les règles de la Commission en matière de procédure collégiale, de délégation et d’exécution des décisions.

176    Pour écarter cet argument, la Commission s’est bornée, dans ses écrits et en réponse à une question du Tribunal, à faire valoir que la lettre attaquée n’est pas une décision au sens de l’article 249 CE et qu’elle n’était donc pas tenue de se conformer aux règles de procédure pertinentes.

177    Ainsi, la Commission a admis, en réponse à une question écrite du Tribunal et lors de l’audience, que le collège des membres de la Commission n’avait pas été consulté et que le directeur général signataire de la lettre attaquée n’avait reçu aucune habilitation spécifique de celui-ci.

178    Dans ces circonstances, la lettre attaquée qui, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen de la recevabilité, constitue une décision au sens de l’article 249 CE, est entachée d’incompétence et doit, pour ce motif, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre argument à l’appui de ce moyen et les trois autres moyens à l’appui du recours, être annulée.

179    Dans ce contexte, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande formulée par la requérante dans sa lettre du 22 août 2005 (voir point 44 ci-dessus), cette demande étant dépourvue d’intérêt pour la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 2002, British American Tobacco (Investments)/Commission, T‑311/00, Rec. p. II‑2781, point 50).

 Sur les dépens

180    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

181    La République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens. La République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Parlement supporteront également les dépens de la requérante afférents à leur intervention, conformément aux conclusions en ce sens de cette dernière.

182    La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante, à l’exception des dépens de la requérante afférents aux interventions de la République française, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission contenue dans sa lettre au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord du 28 juillet 2000 est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Parlement supporteront les dépens de la requérante afférents à leur intervention.

4)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, à l’exclusion de ceux visés au point 3 ci-dessus.

5)      Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.


Legal

Lindh

Mengozzi


Wiszniewska-Białecka

 

      Vadapalas


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2005.

Le greffier

 

       Le président


E. Coulon

 

      H. Legal

Table des matières


Cadre juridique

Faits à l’origine du litige

Procédure

Conclusions des parties

En droit

A –  Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

B –  Sur la demande de retrait d’un document

C –  Sur la recevabilité

1.  Sur la recevabilité du premier chef de conclusions de la requérante

a)  Sur la nature juridique de l’acte attaqué

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Sur la qualité à agir de la requérante

Sur le point de savoir si la requérante est directement concernée

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le point de savoir si la requérante est individuellement concernée

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

D –  Sur le fond

Sur les dépens



* Langue de procédure : l’anglais.