Language of document : ECLI:EU:T:2007:368

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT

DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL

6 décembre 2007(*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Accès aux documents »

Dans l’affaire T‑111/07,

Agrofert Holding a.s., établie à Prague (République tchèque), représentée par MR. Pokorný, avocat,

partie requérante,

soutenue par

Royaume de Suède, représenté initialement par M. A. Kruse et Mme S. Johannesson, puis par Mme Johannesson, en qualité d’agents,

et par

République de Finlande, représentée par Mme J. Himmanen, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. X. Lewis et Mme P. Costa de Oliveira, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision de la Commission du 2 août 2006, refusant à la requérante l’accès aux documents relatifs à la procédure de notification et de prénotification dans l’affaire PKN Orlen/Unipetrol (COMP/M.3543) et, d’autre part, de la décision D(2007)1360 de la Commission du 13 février 2007, confirmant ce refus,

LE PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE
DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par décision (2005) D/201863, du 20 avril 2005 (affaire COMP/M.3543 – PKN Orlen/Unipetrol), la Commission a autorisé, en application de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), le projet d’acquisition du contrôle, par achat d’actions, de la société tchèque Unipetrol par la société polonaise Polski Koncern Naftowy Orlen (ci-après « PKN Orlen »), notifié le 11 mars 2005 à la Commission.

2        PKN Orlen est une société publique ayant pour principales activités le raffinage du pétrole brut, la fabrication de produits pétroliers et pétrochimiques ainsi que leur stockage, leur transport et leur distribution. Unipetrol est une société active dans le secteur des combustibles et du pétrole, ainsi que dans le secteur des industries pétrochimiques, des engrais et des matières plastiques.

3        Par lettre du 28 juin 2006, Agrofert Holding a.s. (ci-après « Agrofert ») a demandé à la Commission, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), l’accès aux documents concernant la procédure de notification et de prénotification de l’opération d’acquisition d’Unipetrol par PKN Orlen.

4        Par lettre du 2 août 2006, le directeur général de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission a refusé de faire droit à la demande d’accès aux documents, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

5        Par lettre du 18 août 2006, Agrofert a adressé à la Commission une demande confirmative, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

6        Par lettre du 13 février 2007, le secrétaire général de la Commission a rejeté la demande confirmative d’accès aux documents [décision D(2007)1360].

 Procédure

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 avril 2007, Agrofert a introduit un recours visant à l’annulation, d’une part, de la décision de la Commission du 2 août 2006, refusant à la requérante l’accès aux documents relatifs à la procédure de notification et de prénotification dans l’affaire PKN Orlen/Unipetrol et, d’autre part, de la décision de la Commission du 13 février 2007, confirmant ce refus. Agrofert a également demandé à ce qu’il soit ordonné à la Commission de communiquer les documents en cause et à ce qu’elle soit condamnée aux dépens.

8        Le Royaume de Suède et la République de Finlande ont demandé à intervenir, respectivement les 13 et 26 juillet 2007, au soutien des conclusions de la requérante.

9        Par mémoires du 7 août 2007, la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations à formuler à l’égard de ces deux demandes en intervention.

10      Par mémoires du 21 août 2007, la requérante a indiqué qu’elle n’avait pas d’objection à formuler concernant ces deux demandes en intervention.

11      Le 20 juillet 2007, PKN Orlen a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

12      Par mémoire du 6 août 2007, la Commission a soutenu que PKN Orlen avait établi avoir un intérêt à la solution du litige au principal au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice et devait donc être admise à intervenir dans l’affaire au principal.

13      Par mémoire du 21 août 2007, Agrofert a demandé au Tribunal de rejeter la demande en intervention de PKN Orlen.

14      Par ordonnance du 12 septembre 2007, le Royaume de Suède et la République de Finlande ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

 En droit

 Arguments des parties

15      PKN Orlen souligne, tout d’abord, que les documents dont la communication est demandée ont été fournis à la Commission, dans le cadre de la procédure de notification de la concentration, à titre confidentiel et en présumant qu’ils ne seraient pas divulgués, conformément aux dispositions du règlement n° 139/2004 et à celles du règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 139/2004 (JO L 133, p. 1). PKN Orlen souligne que ces documents contiennent des informations, notamment techniques, technologiques et organisationnelles, ayant un intérêt économique et stratégique. La communication de ces documents à des tiers lui serait donc préjudiciable, dès lors qu’elle leur permettrait d’avoir accès à des informations relatives, notamment, à sa structure de production, au volume de ses ventes nationales et internationales, à ses relations capitalistiques, à son réseau de distribution et à l’utilisation détaillée de sa capacité de production.

16      PKN Orlen ajoute qu’Agrofert est présente, notamment, sur les marchés des carburants et de la pétrochimie et qu’elle est devenue un leader sur le marché tchèque dans les secteurs de la chimie, de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

17      PKN Orlen indique, en outre, être opposée à Agrofert dans le cadre de procédures pendantes devant la cour d’arbitrage de la chambre de commerce et de la chambre d’agriculture tchèque à Prague, engagées par Agrofert et dans lesquelles cette dernière l’accuse de violations de contrats conclus à l’occasion de la privatisation d’Unipetrol et de comportements anticoncurrentiels. PKN Orlen fait valoir que le règlement n° 1049/2001 n’est pas conçu pour permettre aux parties à un litige relatif à l’accès aux documents de se voir communiquer des éléments de preuves aux fins desdites procédures d’arbitrage.

18      La Commission indique que la requérante demande l’accès à tous les documents non publiés afférents à la notification et à la phase de prénotification de l’opération de concentration menée entre PKN Orlen et Unipetrol et donc aux documents communiqués par PKN Orlen. Or, cette dernière considère que ces documents sont confidentiels et que leur divulgation à des tiers et à des concurrents pourrait lui être préjudiciable.

19      La Commission estime, dès lors, que PKN Orlen justifie d’un intérêt à la solution du litige et doit être admise à intervenir. Elle invoque, à cet égard, l’arrêt du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission (T‑198/03, Rec. p. II‑1429), dans lequel il aurait été jugé que, pour protéger ses secrets d’affaires, un requérant avait un intérêt à agir en annulation contre la publication d’une version non confidentielle d’une décision de la Commission constatant la violation de l’article 81 CE. La Commission en déduit que PKN Orlen a un intérêt à intervenir pour protéger ses secrets d’affaires, auxquels Agrofert veut avoir accès en l’espèce.

20      Agrofert fait valoir que cette intervention n’apporterait rien sur le fond du litige, lequel ne concerne qu’elle et la Commission, et n’en modifierait pas l’issue. Elle estime qu’une intervention de PKN Orlen ne viendrait que compliquer la procédure et en augmenter inutilement les frais.

21      Elle ajoute que PKN Orlen a eu l’occasion de désigner les documents qu’elle considérait comme confidentiels lors de la procédure de notification et qu’elle ne peut plus avancer de faits nouveaux à cet égard.

22      Agrofert souligne également que PKN Orlen devait connaître l’existence des règles d’accès aux documents lorsqu’elle a communiqué les documents en cause dans le cadre de l’opération de concentration.

23      Selon Agrofert, les exceptions à l’accès du public aux documents invoquées en l’espèce, à savoir la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, ne sont pas applicables à PKN Orlen, mais à la Commission, ce qui confirme que PKN Orlen ne doit pas être admise à intervenir en l’espèce. Elle ajoute que la divulgation de ces documents ne peut porter préjudice aux intérêts de PKN Orlen, dès lors que, selon elle, les exceptions à l’accès du public aux documents leur sont inapplicables.

24      Enfin, Agrofert soutient que PKN Orlen veut se joindre à la présente procédure aux seules fins de faire obstruction aux procédures pendantes, notamment aux quatre procédures d’arbitrage en cours.

 Appréciation du Tribunal

25      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de la Communauté, ou entre États membres, d’une part, et institutions de la Communauté, d’autre part, a le droit d’intervenir.

26      Il ressort d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour s’entend d’un intérêt direct et actuel à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la partie que l’intervenant entend soutenir (ordonnance du président de la Cour du 6 mars 2003, Ramondín et Ramondín Cápsulas/Commission, C‑186/02 P, Rec. p. I‑2415, point 7). À cet effet, il convient, pour autoriser une intervention, de vérifier que l’intervenant est touché directement par la décision attaquée et que son intérêt à l’issue du litige est certain [ordonnance du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen/British Coal et Commission, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec. p. I‑3491, point 53 ; ordonnance du président du Tribunal du 26 juillet 2004, Microsoft/Commission, T‑201/04 R, Rec. p. II‑2977, point 32].

27      Il est constant que le refus d’accès opposé par la Commission à la requérante a pour objet des documents afférents à une opération de concentration dont PKN Orlen est l’une des parties et qui concernent donc directement la situation de celle-ci.

28      Conformément aux dispositions des règlements relatifs aux concentrations, PKN Orlen a communiqué les documents en cause, en soulignant expressément leur confidentialité.

29      En l’espèce, dans l’hypothèse où le Tribunal déciderait de faire droit au recours, la Commission, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt d’annulation, pourrait être amenée, le cas échéant, à communiquer à la requérante les documents en cause, y compris ceux concernant PKN Orlen.

30      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que PKN Orlen justifie d’un intérêt direct et certain au sort réservé aux décisions dont l’annulation est demandée par Agrofert.

31      Les allégations d’Agrofert selon lesquelles l’intervention n’apporterait rien sur le fond et ne viendrait que compliquer la procédure, de même que l’allégation selon laquelle PKN Orlen ne pourrait plus, à ce stade, avancer de faits nouveaux concernant la confidentialité des documents produits lors de la notification, sont dénuées de pertinence quant à l’appréciation de l’intérêt à intervenir et ne sont pas de nature à infirmer la conclusion susvisée. Il en va de même de la référence aux procédures nationales pendantes.

32      L’argument d’Agrofert, selon lequel les documents en cause ne sont pas couverts par l’une des exceptions au principe de l’accès du public aux documents et ne peuvent donc pas porter préjudice aux intérêts de PKN Orlen, est relatif au fond du litige et doit donc, à ce stade, être écarté comme étant prématuré.

33      Dès lors, la demande en intervention ayant été introduite conformément à l’article 115 du règlement de procédure du Tribunal et la demanderesse en intervention ayant justifié son intérêt à la solution du litige conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour, sa demande en intervention doit être accueillie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE
DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

ordonne :

1)      Polski Koncern Naftowy Orlen S.A. est admise à intervenir dans l’affaire T‑111/07 au soutien des conclusions de la Commission.

2)      Une copie de toutes les pièces de procédure sera signifiée, par les soins du greffier, à Polski Koncern Naftowy Orlen.

3)      Un délai sera fixé à Polski Koncern Naftowy Orlen pour exposer, par écrit, les moyens et arguments à l’appui de ses conclusions.

4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 6 décembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      V. Tiili


* Langue de procédure : l’anglais.