Language of document : ECLI:EU:T:2022:157

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

23 mars 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un col montant – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑252/21,

Anna Hrebenyuk, demeurant à Griesheim (Allemagne), représentée par Me H.-J. Ruhl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 25 février 2021 (affaire R 1902/2020‑5), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un col montant comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan (rapporteure) et M. I. Gâlea, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 mai 2021,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 9 août 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 octobre 2018, la requérante, Anna Hrebenyuk, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), en revendiquant une priorité au 30 avril 2018, en vertu de l’introduction d’une demande d’enregistrement de marque en Allemagne.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Patrons de vêtements ; patrons pour la couture ; patrons pour la confection de vêtements » ;

–        classe 25 : « Vêtements ; tenues de soirée ; habits de soirée ; manteaux de soirée ; faux-cols ; maillots de football américain ; vestes de pêche ; anoraks ; costumes ; costumes de soirée ; costumes pour dames ; costumes de travail ; vêtements de travail ; vêtements en fourrure ; layettes ; tee-shirts imprimés ; vêtements en cachemire ; vêtements en imitations du cuir ; vêtements en laine ; habillement pour automobilistes ; vêtements pour bébés ; vêtements de demoiselles d’honneur ; vêtements pour femmes, hommes et enfants ; vêtements de patinage artistique ; robes de baptême ; vêtements pour enfants ; vêtements pour jeunes enfants ; vêtements en cuir pour motocyclistes ; vêtements pour filles ; vêtements pour sportifs ; vêtements en cuir ; vêtements en lin ; vêtement en papier ; vêtements en peluche ; vêtements en soie ; vêtements pour les arts martiaux ; vêtements d’équitation (autres que bombes) ; vêtements de sport ; articles vestimentaires pour représentations théâtrales ; vêtements pour pêcheurs ; vêtements pour garçons ; vêtements pour la pratique de la lutte ; vêtements de grossesse ; blazers ; blousons ; blouses ; robes de mariée ; jambière de cuir (vêtements) ; robes de choristes ; tenues de cocktail ; tailleurs et tailleurs-pantalons ; vêtements pour femmes ; robes pour femmes ; vêtements d’extérieur pour femmes ; vestes en duvet ; costumes trois pièces (vêtements) ; bonnets de douche ; combinaisons-pantalons ; vêtements en une pièce pour bébés et enfants ; tenues de patinage ; robes de cérémonie pour femmes ; maillots de sport anti-humidité ; chemises de pêcheurs ; vestes de pêcheurs ; hauts molletonnés ; polaires ; tenues de soirée habillées ; tenues de cérémonie ; tenues décontractées ; chemises décontractées ; vestes décontractées ; vêtements décontractés ; maillots de football ; maillots matelassés pour le sport ; shorts matelassés pour le sport ; vêtements tricotés ; tricots (vêtements) ; chemises tissées ; vêtements tissés ; gilets (vestes), vêtements de golf ; chemises de golf, pantalons, chemises et jupes de golf ; justaucorps longs ; vêtements de gymnastique ; tenues d’intérieur ; robes d’intérieur ; chemises hawaïennes ; chemises hawaïennes à boutonnage devant ; chemises ; chemises de smoking ; chemises décontractées ; chemises à col ; chemises à col ouvert ; chemises à col boutonné ; chemises de nuit ; vestes chemises ; costumes pour hommes ; vêtements pour hommes ; vêtements d’extérieur pour hommes ; vêtements de mariage ; tailleurs-pantalons ; vestes ; vestes, à savoir vêtements de sport ; vestes en fourrure ; vestes polaires ; vestes de pêcheurs ; vestes à manches ; vestes sans manches ; vestes, manteaux, pantalons et gilets pour hommes et femmes ; gilets de chasse ; denims (vêtements) ; vestes en denim ; tenues de jogging (vêtements) ; survêtements en nylon ; vestes de jogging ; vareuses ; chemises de chasse ; sweat-shirts à capuche ; blouses ; tabliers ; vêtements ; robes en peaux d’animaux ; robes en imitation cuir ; robes de demoiselles d’honneur ; blouses de personnel infirmier ; robes pour nourrissons et enfants ; habits pour les loisirs ; doublures confectionnées (parties de vêtements) ; vêtements confectionnés ; chemises en velours côtelé ; cols ; chemisettes ; chemisiers à manches courtes ; tee-shirts à manches courtes ; chemises à manches courtes ; écharpe tube (vêtement) ; chemises à manches longues ; vêtements de nuit ; vêtements de dessus ; vêtements de dessus pour dames ; habits de dessus ; vêtements de dessus pour bébés ; vêtements de dessus pour garçons ; vêtements de dessus pour enfants ; fourrures (vêtements) ; polos en tricot ; maillots de rugby ; sous-pulls à col cheminée ; chemises et combinaisons ; barboteuses (vêtements) ; vestes matelassées (vêtements) ; tricots (vêtements) ; tee-shirts ; hauts (vêtements) ; costumes folkloriques ; vêtements de protection contre les intempéries ; vêtements imperméables d’extérieur ; cirés (vêtements) ; vestes blanches de cuisinier ; vêtements d’extérieur imperméables ; vêtements thermiques ; tee-shirts de yoga ; maillots sans manches ; blouses de médecins ; vestes d’extérieur coréennes portées au-dessus des vêtements de base (Magoja) » ;

–        classe 28 : « Vêtements de poupées ; articles d’habillement pour jouets ; vêtements pour poupées européennes ; vêtements pour figurines ; vêtements pour ours en peluche ».

4        Par une première décision du 29 mars 2019, l’examinatrice a partiellement rejeté la demande d’enregistrement, en tant qu’elle visait les produits visés au point 3 ci-dessus compris dans la classe 25 sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

5        Le 27 mai 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

6        Par une décision du 19 novembre 2019, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de l’examinatrice pour défaut de motivation et la demande d’enregistrement de la marque en cause a été renvoyée devant cette dernière pour y être réexaminée.

7        Par une nouvelle décision du 3 août 2020, l’examinatrice a intégralement rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        Le 29 septembre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre cette seconde décision de l’examinatrice.

9        Par une décision du 25 février 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a tout d’abord considéré que, s’agissant des produits en cause compris dans les classes 25 et 28, le public pertinent était le grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. S’agissant des produits en cause tels que les patrons de vêtements compris dans la classe 16, elle a estimé que le public pertinent était un public professionnel, faisant preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne, mais qu’il ne pouvait être exclu que le grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, soit également intéressé par ces derniers produits. Ensuite, elle a relevé que le signe constituant la marque demandée montrait la partie supérieure d’un vêtement de dessus avec la reproduction d’un col montant présentant une forme circulaire, saillante par rapport au col. Elle a souligné qu’il existait une grande diversité de cols, dont le col montant, et, pour chaque type de cols, des variantes. Partant, le public serait habitué à une grande diversité de formes. Par ailleurs, elle a considéré que la forme de col en cause n’était pas à ce point différente ou surprenante qu’elle attirerait directement l’attention des consommateurs. De plus, s’agissant de la relation invoquée entre la mode humaine et l’architecture concernant les vêtements pour humains et pour poupées ou jouets, le grand public ne se livrerait pas à des processus de réflexion aussi poussés. Enfin, s’agissant des produits de la classe 16, le signe constituant la marque demandée reproduirait lesdits produits sur la base desquels la forme de col des vêtements peut être confectionnée et ne pourrait pas être perçu comme une indication du fabricant des produits. Dès lors, la marque demandée serait dénuée de caractère distinctif, l’impression globale produite ne se distinguant pas de manière significative de la diversité de formes de col existante.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que la décision de l’examinatrice du 3 août 2020 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      Au soutien du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 6 du même règlement. Elle estime que la marque demandée présente un caractère distinctif suffisant au sens dudit article 7, paragraphe 1, sous b), et qu’elle aurait dès lors dû être enregistrée conformément audit article 6.

13      L’EUIPO réfute l’argumentation de la requérante.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

15      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33, et du 5 février 2020, Hickies/EUIPO (Forme d’un lacet de chaussure), T‑573/18, EU:T:2020:32, point 24 (non publié)].

16      La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final de pouvoir identifier l’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance [voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48, et du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 25 (non publié)].

17      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35, et du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 26 (non publié)].

18      Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, points 45 et 46).

19      Plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition [arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31, et du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 29 (non publié)].

20      Par ailleurs, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services protégés par celle-ci et de les distinguer de ceux d’autres entreprises [arrêts du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 41, et du 14 juillet 2021, Guerlain/EUIPO (Forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique), T‑488/20, EU:T:2021:443, point 20 (non publié)].

21      C’est à la lumière des considérations énoncées aux points 14 à 20 ci-dessus qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en considérant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif eu égard aux produits qu’elle vise.

22      À titre liminaire, il convient de relever que, s’agissant du public pertinent, dont la perception devait être prise en compte, la chambre de recours a estimé, aux points 14 et 15 de la décision attaquée, que les produits visés par la marque demandée et relevant des classes 25 et 28 s’adressaient au grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. Concernant les produits relevant de la classe 16, elle a considéré que le public pertinent était un public professionnel, faisant preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne, mais qu’il ne pouvait pas être exclu que le grand public, doté d’un niveau d’attention moyen, soit également intéressé par ces derniers produits.

23      À cet égard, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas contesté les constatations susmentionnées de la chambre de recours concernant le public pertinent.

24      S’agissant du caractère distinctif du signe constituant la marque demandée, la requérante soutient, en premier lieu, qu’il n’appartient pas à l’ensemble des formes, même dans leurs variations, auxquelles sont habitués les consommateurs. À l’appui de cette affirmation, elle présente différents types de cols auxquels s’attendrait le public pertinent et dont se distinguerait le « col volant » constituant la marque demandée, en raison de sa forme tridimensionnelle et de sa position perpendiculaire. Ledit signe serait perçu comme une forme de col montant consistant en un pied de col ne formant que la partie inférieure du col, ce qui le distinguerait des autres formes de col montant. Dès lors, il serait perçu plus comme une collerette rigide que comme un col montant et il divergerait de manière significative de la norme et des habitudes du secteur, permettant ainsi de déduire l’origine commerciale des vêtements.

25      D’emblée, il convient de relever que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté, en substance, aux points 20 et 21 de la décision attaquée, le secteur de l’habillement, notamment dans le domaine des formes de col, est marqué par une importante variété de formes de base et de variantes de ces dernières. Or, la requérante ne conteste pas ce constat de la chambre de recours. Au contraire, la requérante illustre elle-même, au point 16 de la requête, la variété de types de cols de chemise.

26      En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé ou par la forme de l’emballage de ce produit, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ou d’emballages de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En effet, il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 12 décembre 2019, EUIPO/Wajos, C‑783/18 P, non publié, EU:C:2019:1073, point 25 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 18 et 19 ci-dessus, il ne suffit pas que la forme constituant la marque demandée diffère, s’agissant de certaines caractéristiques de l’esthétique du produit, telles que l’existence d’un pied de col ne formant que la partie inférieure du col ou la forme circulaire de ce dernier, d’autres formes disponibles sur le marché, encore faut-il que ces caractéristiques soient suffisamment marquées pour permettre aux consommateurs de distinguer le produit proposé sous le signe envisagé de ceux d’autres entreprises sur la seule base de sa forme [voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, Brita/EUIPO (Forme d’un robinet), T‑213/18, non publié, EU:T:2019:435, point 63]. À cet égard, s’il ne saurait être exclu que l’aspect esthétique de la marque demandée puisse être pris en compte, parmi d’autres éléments, pour établir une différence par rapport à la norme et aux usages d’un secteur, cet aspect esthétique doit être compris comme renvoyant non à la beauté ou à l’absence de beauté des produits se présentant sous la forme qui constitue la marque demandée, mais à l’effet visuel objectif et inhabituel produit par le design spécifique de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique, T‑488/20, EU:T:2021:443, points 43 et 44).

28      Or, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, la requérante n’a ni étayé son affirmation selon laquelle la marque demandée divergeait de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur en raison de sa forme tridimensionnelle et de la position perpendiculaire du segment circulaire, ni démontré en quoi cet élément permettrait au public pertinent de déduire l’origine commerciale des produits en cause. En outre, elle n’a pas formulé d’observations sur les exemples de formes de col semblables à la marque demandée présentés au cours de la procédure devant l’EUIPO, alors que la chambre de recours a estimé que ces exemples témoignaient de la grande diversité de cols qui caractérise le secteur de l’habillement.

29      En particulier, la requérante avance, d’une part, que le signe constituant la marque demandée sera perçu comme une collerette rigide, ou fraise, typique de la mode espagnole du XVIe siècle. D’autre part, elle fait valoir que ledit signe sera également perçu comme relevant d’un nouveau style, qu’elle qualifie de « néoclassicisme », dont elle serait la créatrice et qu’elle associe au style architectural du même nom.

30      De tels arguments ne sauraient être accueillis. En effet il y a lieu de considérer, s’agissant des produits relevant des classes 25 et 28, que le public pertinent est peu susceptible de faire le lien entre la marque demandée et la fraise de la Renaissance ou un nouveau style tel que le « néoclassicisme », dès lors que, comme l’a constaté la chambre de recours aux points 14 et 15 de la décision attaquée, son niveau d’attention est moyen et que, comme il ressort du point 26 de cette décision, il n’a pas tendance à se livrer à une réflexion analytique à ce point poussée qu’il procède à de tels rapprochements. En outre, s’agissant de l’ensemble des produits en cause, relevant des classes 16, 25 et 28, à supposer même qu’il soit établi que le public pertinent fasse le lien entre la marque demandée et la fraise de la Renaissance ou un nouveau style néoclassique, il n’en découlerait pas que cette marque possède un caractère distinctif, dès lors que la perception de la marque demandée comme liée à ladite fraise ou audit style n’équivaut pas à la perception de cette marque en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits en cause.

31      Par ailleurs, s’agissant spécifiquement des vêtements de poupées et des vêtements pour ours en peluche, la requérante estime que, d’habitude, seul le col dit « Claudine » est utilisé et que lesdits produits ne présentent généralement aucun pied de col. Toutefois, à supposer même que la forme majoritaire des cols desdits produits soit effectivement celle du col dit « Claudine », la norme et les habitudes du secteur ne sauraient être réduites à la seule forme statistiquement la plus répandue, mais comprennent toutes les formes que le consommateur peut couramment apercevoir sur le marché [voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Brasserie St Avold/EUIPO (Forme d’une bouteille foncée), T‑862/19, EU:T:2020:561, point 56].

32      En outre, force est de constater que la marque demandée ainsi que le col dit « Claudine » dont il est question au point 31 ci-dessus présentent des similitudes quant à leur forme. En effet, tout comme le signe constituant la marque demandée, ce type de col, bien qu’il n’apparaît pas disposer de pied de col, est doté d’une structure circulaire saillante, de sorte que la forme de la marque demandée ne constitue qu’une variante ne divergeant pas de manière significative dudit type de col.

33      Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante exposés ci-dessus ne permettent pas de remettre en cause les considérations de la chambre de recours indiquant que la marque demandée ne diverge pas de manière significative de la norme et des habitudes du secteur concerné. En effet, la chambre de recours a, à juste titre, considéré, au point 22 de la décision attaquée, que la forme de col constituant la marque demandée, si elle ne constitue certes pas un col habituel ou traditionnel, n’est cependant pas à ce point différente ou surprenante qu’elle attirerait immédiatement l’attention du consommateur.

34      En deuxième lieu, la requérante estime que, avant la fin de l’année 2018, il n’existait aucun col identique à la forme de la marque demandée et que les cols ressemblant à ladite marque ayant entre-temps été utilisés par différents créateurs ne sont que des imitations de cette forme. Elle précise avoir proposé cette dernière à diverses sociétés avant son enregistrement et avoir été copiée.

35      À cet égard, s’agissant de l’argument de la nouveauté de la marque demandée invoquée par la requérante, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’appréciation du caractère distinctif d’une marque de l’Union européenne ne se fonde pas sur l’originalité ou l’absence d’utilisation de ladite marque dans le domaine dont relèvent les produits et les services concernés (voir arrêt du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 63 et jurisprudence citée).

36      Ainsi, comme déjà relevé au point 19 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence qu’une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé doit nécessairement diverger de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné pour qu’elle puisse présenter un caractère distinctif. Dès lors, la seule nouveauté de ladite forme n’est pas suffisante pour conclure à l’existence d’un tel caractère, car le critère déterminant est la capacité de ladite forme à remplir la fonction d’indication de l’origine commerciale [voir arrêt du 14 juillet 2021, Forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique, T‑488/20, EU:T:2021:443, point 41 (non publié) et jurisprudence citée].

37      S’agissant de la présence sur le marché de formes dont la requérante soutient qu’elles seraient pour certaines des imitations de la marque demandée, il convient de constater que cette allégation est sans incidence sur l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de ladite marque au regard de sa perception par le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2019, Gibson Brands/EUIPO – Wilfer (Forme d’un corps de guitare), T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, point 40 et jurisprudence citée].

38      En troisième lieu, la requérante invoque des consultations réalisées par ses soins auprès d’amis, de connaissances et de collègues, selon lesquelles ces derniers n’auraient jamais vu le type de col faisant l’objet de la demande d’enregistrement en cause.

39      Toutefois, force est de constater que lesdites consultations n’ont aucune valeur probante en ce qui concerne le caractère distinctif de la marque demandée. En effet, selon la jurisprudence, la valeur probante d’une consultation dépend de la méthode d’enquête employée [voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Bayer/EUIPO – Uni-Pharma (SALOSPIR), T‑261/17, non publié, EU:T:2018:710, point 61 et jurisprudence citée].

40      En l’espèce, ni le champ d’application ou l’étendue des consultations invoquées par la requérante, ni les circonstances inconnues de leur élaboration ne permettent d’établir le caractère distinctif de la marque demandée dans l’Union. Ces consultations se limitent à des amis, à des connaissances et à des collègues de la requérante. Or, le consommateur pertinent à prendre en considération dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée est celui de toute l’Union [voir arrêt du 10 mai 2016, August Storck/EUIPO (Représentation d’un emballage carré blanc et bleu), T‑806/14, non publié, EU:T:2016:284, point 54 et jurisprudence citée].

41      En quatrième et dernier lieu, la requérante estime qu’une campagne contre elle-même et contre la marque demandée est menée par plusieurs créateurs et que les motifs de la décision attaquée selon lesquels ladite marque ne serait pas différente, surprenante et frappante, ne sont que l’expression d’une opinion probablement influencée par cette campagne.

42      À cet égard, il y a lieu de souligner que la requérante n’apporte pas d’élément susceptible d’étayer son affirmation selon laquelle plusieurs créateurs mèneraient contre elle une campagne ni d’expliciter en quoi la chambre de recours aurait été effectivement influencée par une telle campagne. Dès lors, cette allégation ne peut qu’être écartée.

43      Il découle de tout ce qui précède que la chambre de recours a estimé à juste titre que la marque demandée ne divergeait pas de manière significative de la diversité des formes de col existante.

44      Dès lors, il convient de constater que la marque demandée n’est pas susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine et de permettre au public pertinent de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, les produits concernés de la requérante de ceux d’autres entreprises. Ainsi, elle doit être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 à l’égard desdits produits.

45      En conséquence, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la seconde partie du premier chef de conclusions de la requérante, visant à annuler la décision de l’examinatrice du 3 août 2020.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

47      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Anna Hrebenyuk est condamnée aux dépens.

Spielmann

Brkan

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.