ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
25 février 1999 (1)
«Fonctionnaires Avis de vacance Nomination
Exécution d'un arrêt du Tribunal Détournement de pouvoir»
Dans les affaires jointes T-282/97 et T-57/98,
Antonio Giannini, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes,
demeurant à Bruxelles, représenté par Mes Marc Dallemagne et Carlo Locchi,
avocats au barreau de Bruxelles, 85, rue du Prince royal, Bruxelles,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Gianluigi
Valsesia, conseiller juridique principal, et Julian Currall, membre du service
juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M.
Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des décisions prises par la
Commission en exécution de l'arrêt du Tribunal du 19 mars 1997,
Giannini/Commission (T-21/96, RecFP p. II-211), et, d'autre part, une demande de
réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi par le requérant du
fait de ces décisions,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),
composé de M. R. M. Moura Ramos, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi,
juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 10 décembre 1998,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- Le 15 décembre 1994, la Commission a publié un avis de vacance COM/151/94 (ci-après «avis COM/151/94» ou «avis initial»), pour le poste de chef de l'unité 1
«négociations et gestion des accords sur les textiles; chaussures; divers» de la
direction D «questions commerciales sectorielles», de la direction générale
Relations économiques extérieures (DG I)(ci-après «poste litigieux» ou «emploi
litigieux»). L'avis était intitulé comme suit:
«COM/151/94 A 3/A 4/A 5 I/D/I Chef de l'unité responsable pour la négociation
et la gestion des accords sur les textiles, chaussures.»
- 2.
- Les qualifications minimales requises pour postuler en vue d'une
mutation/promotion étaient les suivantes:
« appartenir à la même catégorie/cadre/carrière(s) du COM (mutation);
appartenir à la carrière inférieure à celle du COM (promotion, selon article
45 du statut);
connaissances et expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer;
pour les emplois nécessitant des qualifications particulières: connaissances
et expérience approfondies dans/en relation avec le secteur d'activité».
- 3.
- Le requérant, fonctionnaire de grade A 4, s'est porté, comme six autres personnes,
candidat à l'emploi concerné. L'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après
«AIPN») a nommé M. X audit poste. Par note du 28 avril 1995, le requérant a été
informé que sa candidature n'avait pas été retenue. Après rejet de sa réclamation
introduite le 25 juillet 1995, le requérant a, le 21 février 1996, introduit un recours
visant, d'une part, à l'annulation des décisions portant rejet de sa candidature et
nomination de M. X à l'emploi litigieux et, d'autre part, à la réparation du
préjudice matériel et moral que lui auraient causé lesdites décisions. Par arrêt du
19 mars 1997, Giannini/Commission, T-21/96, RecFP p. II-211 (ci-après «arrêt du
19 mars 1997»), le Tribunal a fait droit à la demande en annulation et a rejeté la
demande en indemnité.
- 4.
- Dans cet arrêt, le Tribunal a d'abord rappelé la jurisprudence de la Cour selon
laquelle l'exercice du pouvoir d'appréciation dont dispose l'AIPN en matière de
nomination suppose un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une
observation consciencieuse des exigences énoncées dans l'avis de vacance, de sorte
que l'AIPN est tenue d'écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences.
Dans le cas d'espèce, l'une de ces exigences était de posséder des «connaissances
et expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer» (troisième tiret des
conditions générales), condition à apprécier en fonction de la description du poste,
en l'occurrence «chef de l'unité responsable pour la négociation et la gestion des
accords sur les textiles, chaussures».
- 5.
- Le Tribunal a constaté ensuite que M. X ne répondait manifestement pas à ladite
condition, étant donné qu'il ne possédait, au moment de sa candidature, aucune
expérience ni dans le secteur des textiles ou chaussures, ni dans le domaine général
du poste en cause, à savoir celui de la politique commerciale commune. Le
Tribunal a pris note, également, de ce que la Commission a confirmé que le
requérant, qui a été négociateur et gestionnaire d'accords textiles bilatéraux et
multilatéraux de la Communauté pendant une dizaine d'années et négociateur
principal de ces accords pendant une autre période de cinq années, disposait de
bonnes qualifications pour ce poste.
- 6.
- Le Tribunal a conclu que, en nommant M. X au poste concerné, alors qu'il ne
répondait pas à l'une des exigences minimales de l'avis de vacance, tout en rejetant
la candidature du requérant, la Commission avait, eu égard aux considérations
comparatives qui avaient pu la conduire à son appréciation, usé de son pouvoir de
manière manifestement erronée et méconnu l'intérêt du service au sens de l'article
7 du statut. Par conséquent, il a annulé les décisions attaquées de l'AIPN.
- 7.
- Le 10 avril 1997, la Commission a publié un nouveau document portant
simultanément annulation de l'avis de vacance COM/151/94 et publication d'un
nouvel avis de vacance de l'emploi litigieux (ci-après «avis COM/062/97»), libellé
comme suit:
«COM/062/97 A 3 I/D/I Chef de l'unité responsable des négociations et de la
gestion des accords sur les textiles; chaussures; divers. Pour le choix du candidat
seront privilégiées une expérience confirmée dans le domaine de la négociation
internationale, ainsi qu'une expérience confirmée de gestion d'une unité.»
- 8.
- L'avis COM/062/97 prévoyait les mêmes qualifications minimales que celles
requises par l'avis COM/151/94 (voir point 2 ci-dessus).
- 9.
- Le 7 mai 1997, le requérant a introduit, d'une part, une réclamation contre
l'annulation de l'avis COM/151/94 et contre le nouvel avis et, d'autre part, une
demande en indemnité.
- 10.
- Par décision du 30 mai 1997, la partie défenderesse a de nouveau nommé M. X au
poste litigieux.
- 11.
- La réclamation introduite par le requérant le 7 mai 1997 a fait l'objet d'une
décision explicite de rejet le 24 juillet 1997, qui lui a été notifiée le 30 juillet 1997.
- 12.
- Le 21 août 1997, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de la
partie défenderesse du 30 mai 1997 portant nomination de M. X au poste litigieux.
Cette réclamation a également fait l'objet d'une décision explicite de rejet adoptée
par la partie défenderesse le 18 décembre 1997 et notifiée au requérant le 6 janvier
1998.
Procédure et conclusions des parties
- 13.
- Par requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement le 28 octobre 1997 et
le 6 avril 1998, le requérant a introduit les présents recours.
- 14.
- La procédure écrite dans l'affaire T-282/97 s'est terminée le 20 février 1998. La
procédure écrite dans l'affaire T-57/98 s'est terminée le 6 octobre 1998.
- 15.
- Sur demande formulée par le requérant dans sa requête du 6 avril 1998 dans
l'affaire T-57/98 et en l'absence d'objections soulevées par la partie défenderesse,
les deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt par
ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 26 octobre 1998.
- 16.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 10 décembre
1998.
- 17.
- Dans l'affaire T-282/97, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision de la Commission du 10 avril 1997 portant annulation
de l'avis COM/151/94;
annuler l'avis COM/062/97;
annuler la décision de la Commission du 24 juillet 1997 portant rejet de sa
réclamation du 7 mai 1997;
condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différence
entre son salaire et celui indûment perçu par M. X, en réparation du
préjudice moral subi depuis la nomination illégitime de ce dernier au poste
litigieux;
condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différence
entre son salaire actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait été nommé au
grade A 3 depuis le 28 avril 1995, en réparation du préjudice matériel subi;
condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.
- 18.
- Dans l'affaire T-57/98, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision de la Commission du 30 mai 1997 portant nomination
de M. X au poste litigieux;
annuler la décision de la Commission du 18 décembre 1997 portant rejet de
sa réclamation du 21 août 1997;
condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différence
entre son salaire actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait été nommé au
grade A 3 depuis le 28 avril 1995, en réparation du préjudice matériel subi;
condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.
- 19.
- La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter les recours;
statuer comme de droit sur les dépens.
Sur les conclusions en annulation
Moyens et arguments des parties
- 20.
- Le requérant fait, d'une manière générale, valoir que les décisions attaquées
témoignent de la volonté de la Commission de confirmer à tout prix la nomination
de M. X au poste litigieux. Au soutien de ses demandes tendant à l'annulation
desdites décisions, il soulève, en substance, deux moyens, le premier pris d'une
violation de l'article 176 du traité CE et d'un détournement de pouvoir, et le
second tiré d'une violation des principes de protection de la confiance légitime et
de vocation des fonctionnaires à la carrière ainsi que d'une méconnaissance de
l'intérêt du service.
Sur le premier moyen
- 21.
- Le requérant souligne que la phrase ajoutée par la Commission à la description du
poste litigieux correspond précisément à l'expérience dont M. X disposait au
moment de sa candidature et que le Tribunal avait expressément jugée insuffisante
au regard de l'avis de vacance initial. Il observe également que, malgré l'annulation
de sa nomination, M. X a continué à percevoir, quasiment sans interruption, son
traitement de chef d'unité, de grade A 3, et qu'il a de nouveau été nommé au poste
litigieux. Il invoque également le fait que la Commission lui a refusé l'accès aux
informations portant sur les mérites des autres candidats.
- 22.
- En outre, le comportement adopté par la Commission en l'espèce n'aurait en rien
remédié à l'infraction à l'article 7 du statut des fonctionnaires des Communautés
européennes (ci-après «statut») constatée par le Tribunal dans son arrêt du
19 mars 1997. A cet égard, le requérant souligne que l'argumentation de la
Commission, selon laquelle les nouveaux besoins du service constitueraient une
raison objective justifiant la modification de l'avis de vacance initial, manque de
crédibilité.
- 23.
- La défenderesse souligne que, à la suite de l'arrêt du Tribunal, M. X a été réaffecté
au sein de l'unité en qualité d'administrateur principal. Elle expose, ensuite, que
l'arrêt du Tribunal n'a aucune incidence sur le pouvoir discrétionnaire dont elle
dispose et qui l'autorise à élargir ses possibilités de choix dans l'intérêt du service
en publiant un nouvel avis de vacance. Elle se réfère, à cet égard, à l'arrêt du
Tribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission (T-38/89, Rec. p. II-43), dans
lequel le Tribunal a reconnu à la Commission le droit d'ouvrir une nouvelle
procédure de recrutement après annulation de la nomination d'un fonctionnaire au
poste litigieux. La défenderesse estime donc qu'elle avait également, dans le cas
d'espèce, le droit d'ouvrir une nouvelle procédure de recrutement. Elle ajoute que
le nouvel avis est plus précis et plus conforme aux exigences du service.
- 24.
- Du reste, la défenderesse estime que les arguments du requérant ne sont que des
spéculations sur ses intentions. Elle estime que, dans ces circonstances, il n'existe
pas d'indices objectifs, pertinents et concordants de ce qu'elle aurait commis un
détournement de pouvoir.
Sur le second moyen
- 25.
- Le requérant souligne que la Commission a toujours affirmé que ses qualifications
satisfaisaient aux exigences du poste à pourvoir et que le Tribunal a annulé, dans
son arrêt du 19 mars 1997, tant la décision de nomination de M. X que la décision
de rejet de sa propre candidature. Il estime que ces éléments constituent une
assurance précise qu'il serait finalement nommé au poste litigieux.
- 26.
- Dans ces circonstances, la décision de la Commission de publier un nouvel avis de
vacance et de formuler celui-ci d'une manière visant à favoriser M. X serait
contraire au principe de la protection de la confiance légitime et méconnaîtrait la
vocation du requérant à être promu.
- 27.
- La défenderesse rétorque, d'une part, qu'elle n'a jamais donné au requérant
d'assurances précises qu'il serait nommé au poste litigieux et, d'autre part, que le
principe de vocation à la carrière des fonctionnaires communautaires reste
subordonné à l'intérêt du service.
Appréciation du Tribunal
Sur le premier moyen, tiré d'un détournement de pouvoir et d'une violation de
l'article 176 du traité
- 28.
- Il est de jurisprudence constante que les actes des institutions communautaires,
dont ceux de l'AIPN, bénéficient, en l'absence de tout indice de nature à mettre
en cause leur validité, d'une présomption de légalité (arrêts de la Cour du
26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005,
point 10; arrêts du Tribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35/92, Rec.
p. II-957, point 31, et du 19 novembre 1996, Brulant/Parlement, T-272/94, RecFP
p. II-1397, point 35). Un détournement de pouvoir n'est réputé exister que s'il est
prouvé que, en adoptant l'acte litigieux, l'AIPN a poursuivi un but autre que celui
visé par la réglementation en cause ou s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs,
pertinents et concordants, que les actes en question ont été pris pour atteindre des
fins autres que celles excipées (arrêt du Tribunal du 18 mars 1997,
Rasmussen/Commission, T-35/96, RecFP p. II-187, point 70).
- 29.
- En l'espèce, il importe d'examiner si les décisions de la Commission, remplaçant
l'avis de vacance COM/151/94 par l'avis de vacance COM/062/97 et nommant, sur
la base du second, le même fonctionnaire que celui nommé sur la base du premier,
prétendument adoptées en exécution de l'arrêt du 19 mars 1997, ne constituent pas
la manifestation d'une volonté délibérée de l'institution défenderesse de favoriser
l'un des candidats à l'emploi au détriment des autres en méconnaissance de
l'intérêt du service.
- 30.
- A cet égard, il convient de constater, en premier lieu, la rupture de logique entre,
d'une part, le dispositif et la motivation de l'arrêt du 19 mars 1997 et, d'autre part,
la décision de la Commission, prise en exécution de cet arrêt, d'annuler l'avis
COM/151/94 et de publier un nouvel avis. En effet, loin de critiquer l'avis de
vacance COM/151/94, le Tribunal a, dans son arrêt du 19 mars 1997, analysé celui-ci et a conclu que M. X ne remplissait pas une des conditions minimales exigées
par ledit avis pour être nommé au poste en question, et que cette circonstance,
combinée avec la reconnaissance explicite par la Commission que le requérant
remplissait, lui, toutes les conditions de l'avis, faisait apparaître qu'elle avait commis
une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen comparatif des mérites des
candidats. Or, la Commission a éliminé l'avis et donc en même temps les
candidatures initiales, évitant de cette façon la reprise de l'examen comparatif des
mérites initial. Interrogée, lors de la procédure orale, sur les raisons justifiant le
remplacement de l'avis de vacance initial, la Commission s'est, pour l'essentiel,
bornée à invoquer son large pouvoir d'appréciation en la matière.
- 31.
- En second lieu, il importe d'observer que la seule différence essentielle entre le
nouvel avis et l'avis annulé réside dans l'ajout, dans l'avis COM/062/97, de la phrase
suivante: «Pour le choix du candidat seront privilégiées une expérience confirmée
dans le domaine de la négociation internationale, ainsi qu'une expérience confirmée
de gestion d'une unité.» Force est de constater que ces deux «préférences»
correspondent précisément aux qualifications que le Tribunal avait jugé acquises
par M. X (voir notamment les points 24, 26 et 27 de l'arrêt du 19 mars 1997).
- 32.
- Ces deux éléments, que sont la non-reprise de l'examen comparatif des mérites
initial et la préférence, dans l'avis COM/062/97, pour les deux qualités que l'arrêt
du 19 mars 1997 a reconnues à M. X constituent des indices objectifs, concordants
et pertinents de ce que la Commission a cherché à contourner, en faveur de M. X,
la motivation et le dispositif de l'arrêt du 19 mars 1997. Les indices retenus ci-dessus sont, par ailleurs, corroborés par le fait même que les démarches de la
Commission ont mené à la nouvelle nomination de M. X, alors que sept autres
candidats s'étaient présentés et que le Tribunal avait jugé que M. X ne disposait
pas d'une des qualifications requises, à savoir une expérience dans le secteur des
textiles ou des chaussures ou, à tout le moins, dans le domaine général dans lequel
s'inscrivent les fonctions afférentes à l'emploi à pourvoir, à savoir celui de la
politique commerciale commune (voir notamment les points 25 et 27 de l'arrêt).
- 33.
- Il y a lieu de préciser que, s'il ressort des constatations précédentes que la
Commission a adopté un nouvel avis de vacance où la description du poste est
complétée par l'indication de préférences manifestement favorables à M. X, il
s'avère également que la Commission s'est complètement abstenue de donner suite
à la motivation essentielle de l'arrêt du Tribunal, selon laquelle, d'une part, M. X,
en dépit du fait qu'il avait une expérience en matière de négociation et de chef
d'unité, ne remplissait néanmoins pas les conditions minimales de l'avis, étant
donné qu'il n'avait aucune expérience dans le domaine de l'emploi et de l'unité en
cause (points 23 à 27 de l'arrêt du 19 mars 1997), et, d'autre part, l'AIPN avait
donc opéré un choix manifestement erroné (points 28 et 29 de l'arrêt du 19 mars
1997). Compte tenu de ces motifs, qui constituent le soutien nécessaire du dispositif
et devaient donc guider la Commission dans la détermination des mesures à
prendre (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a. et Grèce/Commission,
97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 27; arrêts du Tribunal du
2 février 1995, Frederiksen/Parlement, T-106/92, RecFP p. II-99, point 31, et du
27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T-224/95, Rec. p. II-2215, point 72),
il apparaît que chacune des décisions attaquées, loin d'assurer une correcte
exécution de l'arrêt, a compromis celle-ci.
- 34.
- Force est de constater, enfin, que les circonstances du présent litige sont fortement
différentes de celles qui ont donné lieu à l'arrêt Hochbaum/Commission, précité,
invoqué avec insistance par la Commission. Par ledit arrêt, le Tribunal a rejeté un
recours qui avait également pour objet l'annulation de la deuxième nomination d'un
fonctionnaire au même poste, après que la première nomination avait été annulée.
Toutefois, dans cet autre litige, la première nomination avait été annulée pour vice
de procédure (voir le point 2 dudit arrêt). Il était, dès lors, évident que la
Commission pouvait renommer, moyennant correction dudit vice, la même
personne au même poste.
- 35.
- Il ressort de tout ce qui précède que des indices objectifs, pertinents et concordants
font apparaître que les actes litigieux ont été pris pour atteindre une fin autre que
celle d'exécuter de bonne foi l'arrêt du 19 mars 1997 et que, en tout état de cause,
les actes litigieux, loin de servir l'objectif poursuivi par l'article 176 du traité, ont
compromis l'exécution d'un arrêt du Tribunal. Par conséquent, en décidant de
remplacer l'avis initial par l'avis COM/062/97, exprimant des préférences favorables
à la candidature de M. X, et en renommant M. X à l'emploi litigieux, la
Commission a méconnu l'article 176 du traité et commis un détournement de
pouvoir. Dans ces circonstances, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second
moyen, il y a lieu d'annuler les décisions attaquées.
Sur les conclusions en indemnité
Arguments des parties
- 36.
- Le requérant fait observer que, lors d'une réunion du 11 avril 1997, il a été décidé
que M. X resterait en place en tant que président du comité «textile». Par
conséquent, M. X est demeuré, dans une certaine mesure, le supérieur hiérarchique
du requérant, en dépit de l'annulation de sa nomination en tant que chef d'unité.
Le requérant estime avoir subi, de ce fait, un préjudice moral et demande, à titre
de réparation, le versement d'un montant correspondant à la différence entre son
traitement et celui perçu par M. X entre le 19 mars 1997, date de l'arrêt du
Tribunal, et le 30 mai 1997, date de la nouvelle nomination de M. X.
- 37.
- En outre, le requérant expose que l'irrégularité de l'avis COM/062/97 lui a causé
un préjudice matériel. Il demande réparation de ce préjudice à concurrence de la
différence entre son traitement actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait été
nommé au grade A 3 depuis le 28 avril 1995, date à laquelle il a appris le rejet de
sa candidature au poste litigieux.
- 38.
- La défenderesse explique qu'elle a maintenu M. X à la présidence du comité
«textile» pour assurer, vis-à-vis de l'extérieur, une certaine continuité dans les
travaux de ce comité. Elle estime que le requérant n'a pas pu subir un préjudice
moral de ce fait, et certainement pas à concurrence de la somme qu'il suggère
comme réparation.
- 39.
- En tout état de cause, la défenderesse rappelle qu'elle n'a commis aucune violation
du droit communautaire.
Appréciation du Tribunal
- 40.
- Selon une jurisprudence constante, l'annulation d'un acte de l'administration peut
constituer en elle-même une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout
préjudice moral que le fonctionnaire requérant peut avoir subi, notamment si l'acte
n'a comporté aucune appréciation blessante à son égard (voir arrêt de la Cour du
7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, points 25 à 29; arrêt du
Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFP p. II-77, point
62, et arrêt du 19 mars 1997, point 35). Il y a lieu de constater que, en l'espèce, les
décisions attaquées n'ont comporté aucune appréciation négative de la personnedu requérant susceptible de le blesser, de même que la décision de la Commission,
prise quelques semaines après le prononcé de l'arrêt du Tribunal et avant la
nouvelle nomination de M. X, de maintenir ce dernier dans sa position de président
du comité «textile». Il s'ensuit que, dans le cas d'espèce, l'annulation des décisions
attaquées constitue une réparation adéquate du préjudice moral subi par le
requérant.
- 41.
- Il convient de constater, par ailleurs, que le requérant n'est pas en mesure de
démontrer qu'il aurait été nommé au poste litigieux si M. X ne l'avait été et qu'il
aurait donc pu accéder au grade A 3, de sorte que l'existence du préjudice matériel
qu'il invoque n'est pas établie.
- 42.
- Il s'ensuit que les conclusions en indemnité doivent être rejetées.
Sur les dépens
- 43.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission
ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions et le requérant ayant conclu à la
condamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de la condamner à
supporter l'ensemble des dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision de la Commission du 10 avril 1997 annulant l'avis de vacance
COM/151/94 pour le poste de «chef de l'unité responsable pour la
négociation et la gestion des accords sur les textiles, chaussures» et l'avis
de vacance COM/062/97 pour le poste de «chef de l'unité responsable des
négociations et de la gestion des accords sur les textiles; chaussures;
divers» sont annulés.
2) La décision de la Commission du 30 mai 1997, portant nomination de M. X
à l'emploi de «chef de l'unité responsable des négociations et de la gestion
des accords sur les textiles; chaussures; divers» est annulée.
3) Les recours sont rejetés pour le surplus.
4) La Commission supportera l'ensemble des dépens.
Moura Ramos Tiili
Mengozzi
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 février 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
R. M. Moura Ramos