Language of document : ECLI:EU:T:1999:34

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

25 février 1999 (1)

«Fonctionnaires — Avis de vacance — Nomination —

Exécution d'un arrêt du Tribunal — Détournement de pouvoir»

Dans les affaires jointes T-282/97 et T-57/98,

Antonio Giannini, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représenté par Mes Marc Dallemagne et Carlo Locchi, avocats au barreau de Bruxelles, 85, rue du Prince royal, Bruxelles,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et Julian Currall, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des décisions prises par la Commission en exécution de l'arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Giannini/Commission (T-21/96, RecFP p. II-211), et, d'autre part, une demande de réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi par le requérant du fait de ces décisions,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. R. M. Moura Ramos, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 10 décembre 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Le 15 décembre 1994, la Commission a publié un avis de vacance COM/151/94 (ci-après «avis COM/151/94» ou «avis initial»), pour le poste de chef de l'unité 1 «négociations et gestion des accords sur les textiles; chaussures; divers» de la direction D «questions commerciales sectorielles», de la direction générale Relations économiques extérieures (DG I)(ci-après «poste litigieux» ou «emploi litigieux»). L'avis était intitulé comme suit:

«COM/151/94 A 3/A 4/A 5 I/D/I Chef de l'unité responsable pour la négociation et la gestion des accords sur les textiles, chaussures.»

2.
    Les qualifications minimales requises pour postuler en vue d'une mutation/promotion étaient les suivantes:

«—     appartenir à la même catégorie/cadre/carrière(s) du COM (mutation);

—    appartenir à la carrière inférieure à celle du COM (promotion, selon article 45 du statut);

    —    connaissances et expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer;

—    pour les emplois nécessitant des qualifications particulières: connaissances et expérience approfondies dans/en relation avec le secteur d'activité».

3.
    Le requérant, fonctionnaire de grade A 4, s'est porté, comme six autres personnes, candidat à l'emploi concerné. L'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») a nommé M. X audit poste. Par note du 28 avril 1995, le requérant a été informé que sa candidature n'avait pas été retenue. Après rejet de sa réclamation

introduite le 25 juillet 1995, le requérant a, le 21 février 1996, introduit un recours visant, d'une part, à l'annulation des décisions portant rejet de sa candidature et nomination de M. X à l'emploi litigieux et, d'autre part, à la réparation du préjudice matériel et moral que lui auraient causé lesdites décisions. Par arrêt du 19 mars 1997, Giannini/Commission, T-21/96, RecFP p. II-211 (ci-après «arrêt du 19 mars 1997»), le Tribunal a fait droit à la demande en annulation et a rejeté la demande en indemnité.

4.
    Dans cet arrêt, le Tribunal a d'abord rappelé la jurisprudence de la Cour selon laquelle l'exercice du pouvoir d'appréciation dont dispose l'AIPN en matière de nomination suppose un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l'avis de vacance, de sorte que l'AIPN est tenue d'écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. Dans le cas d'espèce, l'une de ces exigences était de posséder des «connaissances et expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer» (troisième tiret des conditions générales), condition à apprécier en fonction de la description du poste, en l'occurrence «chef de l'unité responsable pour la négociation et la gestion des accords sur les textiles, chaussures».

5.
    Le Tribunal a constaté ensuite que M. X ne répondait manifestement pas à ladite condition, étant donné qu'il ne possédait, au moment de sa candidature, aucune expérience ni dans le secteur des textiles ou chaussures, ni dans le domaine général du poste en cause, à savoir celui de la politique commerciale commune. Le Tribunal a pris note, également, de ce que la Commission a confirmé que le requérant, qui a été négociateur et gestionnaire d'accords textiles bilatéraux et multilatéraux de la Communauté pendant une dizaine d'années et négociateur principal de ces accords pendant une autre période de cinq années, disposait de bonnes qualifications pour ce poste.

6.
    Le Tribunal a conclu que, en nommant M. X au poste concerné, alors qu'il ne répondait pas à l'une des exigences minimales de l'avis de vacance, tout en rejetant la candidature du requérant, la Commission avait, eu égard aux considérations comparatives qui avaient pu la conduire à son appréciation, usé de son pouvoir de manière manifestement erronée et méconnu l'intérêt du service au sens de l'article 7 du statut. Par conséquent, il a annulé les décisions attaquées de l'AIPN.

7.
    Le 10 avril 1997, la Commission a publié un nouveau document portant simultanément annulation de l'avis de vacance COM/151/94 et publication d'un nouvel avis de vacance de l'emploi litigieux (ci-après «avis COM/062/97»), libellé comme suit:

«COM/062/97 A 3 I/D/I Chef de l'unité responsable des négociations et de la gestion des accords sur les textiles; chaussures; divers. Pour le choix du candidat seront privilégiées une expérience confirmée dans le domaine de la négociation internationale, ainsi qu'une expérience confirmée de gestion d'une unité.»

8.
    L'avis COM/062/97 prévoyait les mêmes qualifications minimales que celles requises par l'avis COM/151/94 (voir point 2 ci-dessus).

9.
    Le 7 mai 1997, le requérant a introduit, d'une part, une réclamation contre l'annulation de l'avis COM/151/94 et contre le nouvel avis et, d'autre part, une demande en indemnité.

10.
    Par décision du 30 mai 1997, la partie défenderesse a de nouveau nommé M. X au poste litigieux.

11.
    La réclamation introduite par le requérant le 7 mai 1997 a fait l'objet d'une décision explicite de rejet le 24 juillet 1997, qui lui a été notifiée le 30 juillet 1997.

12.
    Le 21 août 1997, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de la partie défenderesse du 30 mai 1997 portant nomination de M. X au poste litigieux. Cette réclamation a également fait l'objet d'une décision explicite de rejet adoptée par la partie défenderesse le 18 décembre 1997 et notifiée au requérant le 6 janvier 1998.

Procédure et conclusions des parties

13.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement le 28 octobre 1997 et le 6 avril 1998, le requérant a introduit les présents recours.

14.
    La procédure écrite dans l'affaire T-282/97 s'est terminée le 20 février 1998. La procédure écrite dans l'affaire T-57/98 s'est terminée le 6 octobre 1998.

15.
    Sur demande formulée par le requérant dans sa requête du 6 avril 1998 dans l'affaire T-57/98 et en l'absence d'objections soulevées par la partie défenderesse, les deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 26 octobre 1998.

16.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 10 décembre 1998.

17.
    Dans l'affaire T-282/97, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     annuler la décision de la Commission du 10 avril 1997 portant annulation de l'avis COM/151/94;

—    annuler l'avis COM/062/97;

—    annuler la décision de la Commission du 24 juillet 1997 portant rejet de sa réclamation du 7 mai 1997;

—    condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différence entre son salaire et celui indûment perçu par M. X, en réparation du préjudice moral subi depuis la nomination illégitime de ce dernier au poste litigieux;

—    condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différence entre son salaire actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait été nommé au grade A 3 depuis le 28 avril 1995, en réparation du préjudice matériel subi;

—    condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.

18.
    Dans l'affaire T-57/98, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission du 30 mai 1997 portant nomination de M. X au poste litigieux;

—    annuler la décision de la Commission du 18 décembre 1997 portant rejet de sa réclamation du 21 août 1997;

—    condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différence entre son salaire actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait été nommé au grade A 3 depuis le 28 avril 1995, en réparation du préjudice matériel subi;

—    condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.

19.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours;

—    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur les conclusions en annulation

Moyens et arguments des parties

20.
    Le requérant fait, d'une manière générale, valoir que les décisions attaquées témoignent de la volonté de la Commission de confirmer à tout prix la nomination de M. X au poste litigieux. Au soutien de ses demandes tendant à l'annulation desdites décisions, il soulève, en substance, deux moyens, le premier pris d'une violation de l'article 176 du traité CE et d'un détournement de pouvoir, et le second tiré d'une violation des principes de protection de la confiance légitime et de vocation des fonctionnaires à la carrière ainsi que d'une méconnaissance de l'intérêt du service.

Sur le premier moyen

21.
    Le requérant souligne que la phrase ajoutée par la Commission à la description du poste litigieux correspond précisément à l'expérience dont M. X disposait au moment de sa candidature et que le Tribunal avait expressément jugée insuffisante au regard de l'avis de vacance initial. Il observe également que, malgré l'annulation de sa nomination, M. X a continué à percevoir, quasiment sans interruption, son traitement de chef d'unité, de grade A 3, et qu'il a de nouveau été nommé au poste litigieux. Il invoque également le fait que la Commission lui a refusé l'accès aux informations portant sur les mérites des autres candidats.

22.
    En outre, le comportement adopté par la Commission en l'espèce n'aurait en rien remédié à l'infraction à l'article 7 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») constatée par le Tribunal dans son arrêt du 19 mars 1997. A cet égard, le requérant souligne que l'argumentation de la Commission, selon laquelle les nouveaux besoins du service constitueraient une raison objective justifiant la modification de l'avis de vacance initial, manque de crédibilité.

23.
    La défenderesse souligne que, à la suite de l'arrêt du Tribunal, M. X a été réaffecté au sein de l'unité en qualité d'administrateur principal. Elle expose, ensuite, que l'arrêt du Tribunal n'a aucune incidence sur le pouvoir discrétionnaire dont elle dispose et qui l'autorise à élargir ses possibilités de choix dans l'intérêt du service en publiant un nouvel avis de vacance. Elle se réfère, à cet égard, à l'arrêt du Tribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission (T-38/89, Rec. p. II-43), dans lequel le Tribunal a reconnu à la Commission le droit d'ouvrir une nouvelle procédure de recrutement après annulation de la nomination d'un fonctionnaire au poste litigieux. La défenderesse estime donc qu'elle avait également, dans le cas d'espèce, le droit d'ouvrir une nouvelle procédure de recrutement. Elle ajoute que le nouvel avis est plus précis et plus conforme aux exigences du service.

24.
    Du reste, la défenderesse estime que les arguments du requérant ne sont que des spéculations sur ses intentions. Elle estime que, dans ces circonstances, il n'existe pas d'indices objectifs, pertinents et concordants de ce qu'elle aurait commis un détournement de pouvoir.

Sur le second moyen

25.
    Le requérant souligne que la Commission a toujours affirmé que ses qualifications satisfaisaient aux exigences du poste à pourvoir et que le Tribunal a annulé, dans son arrêt du 19 mars 1997, tant la décision de nomination de M. X que la décision de rejet de sa propre candidature. Il estime que ces éléments constituent une assurance précise qu'il serait finalement nommé au poste litigieux.

26.
    Dans ces circonstances, la décision de la Commission de publier un nouvel avis de vacance et de formuler celui-ci d'une manière visant à favoriser M. X serait

contraire au principe de la protection de la confiance légitime et méconnaîtrait la vocation du requérant à être promu.

27.
    La défenderesse rétorque, d'une part, qu'elle n'a jamais donné au requérant d'assurances précises qu'il serait nommé au poste litigieux et, d'autre part, que le principe de vocation à la carrière des fonctionnaires communautaires reste subordonné à l'intérêt du service.

Appréciation du Tribunal

Sur le premier moyen, tiré d'un détournement de pouvoir et d'une violation de l'article 176 du traité

28.
    Il est de jurisprudence constante que les actes des institutions communautaires, dont ceux de l'AIPN, bénéficient, en l'absence de tout indice de nature à mettre en cause leur validité, d'une présomption de légalité (arrêts de la Cour du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005, point 10; arrêts du Tribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35/92, Rec. p. II-957, point 31, et du 19 novembre 1996, Brulant/Parlement, T-272/94, RecFP p. II-1397, point 35). Un détournement de pouvoir n'est réputé exister que s'il est prouvé que, en adoptant l'acte litigieux, l'AIPN a poursuivi un but autre que celui visé par la réglementation en cause ou s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, que les actes en question ont été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt du Tribunal du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T-35/96, RecFP p. II-187, point 70).

29.
    En l'espèce, il importe d'examiner si les décisions de la Commission, remplaçant l'avis de vacance COM/151/94 par l'avis de vacance COM/062/97 et nommant, sur la base du second, le même fonctionnaire que celui nommé sur la base du premier, prétendument adoptées en exécution de l'arrêt du 19 mars 1997, ne constituent pas la manifestation d'une volonté délibérée de l'institution défenderesse de favoriser l'un des candidats à l'emploi au détriment des autres en méconnaissance de l'intérêt du service.

30.
    A cet égard, il convient de constater, en premier lieu, la rupture de logique entre, d'une part, le dispositif et la motivation de l'arrêt du 19 mars 1997 et, d'autre part, la décision de la Commission, prise en exécution de cet arrêt, d'annuler l'avis COM/151/94 et de publier un nouvel avis. En effet, loin de critiquer l'avis de vacance COM/151/94, le Tribunal a, dans son arrêt du 19 mars 1997, analysé celui-ci et a conclu que M. X ne remplissait pas une des conditions minimales exigées par ledit avis pour être nommé au poste en question, et que cette circonstance, combinée avec la reconnaissance explicite par la Commission que le requérant remplissait, lui, toutes les conditions de l'avis, faisait apparaître qu'elle avait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen comparatif des mérites des candidats. Or, la Commission a éliminé l'avis et donc en même temps les

candidatures initiales, évitant de cette façon la reprise de l'examen comparatif des mérites initial. Interrogée, lors de la procédure orale, sur les raisons justifiant le remplacement de l'avis de vacance initial, la Commission s'est, pour l'essentiel, bornée à invoquer son large pouvoir d'appréciation en la matière.

31.
    En second lieu, il importe d'observer que la seule différence essentielle entre le nouvel avis et l'avis annulé réside dans l'ajout, dans l'avis COM/062/97, de la phrase suivante: «Pour le choix du candidat seront privilégiées une expérience confirmée dans le domaine de la négociation internationale, ainsi qu'une expérience confirmée de gestion d'une unité.» Force est de constater que ces deux «préférences» correspondent précisément aux qualifications que le Tribunal avait jugé acquises par M. X (voir notamment les points 24, 26 et 27 de l'arrêt du 19 mars 1997).

32.
    Ces deux éléments, que sont la non-reprise de l'examen comparatif des mérites initial et la préférence, dans l'avis COM/062/97, pour les deux qualités que l'arrêt du 19 mars 1997 a reconnues à M. X constituent des indices objectifs, concordants et pertinents de ce que la Commission a cherché à contourner, en faveur de M. X, la motivation et le dispositif de l'arrêt du 19 mars 1997. Les indices retenus ci-dessus sont, par ailleurs, corroborés par le fait même que les démarches de la Commission ont mené à la nouvelle nomination de M. X, alors que sept autres candidats s'étaient présentés et que le Tribunal avait jugé que M. X ne disposait pas d'une des qualifications requises, à savoir une expérience dans le secteur des textiles ou des chaussures ou, à tout le moins, dans le domaine général dans lequel s'inscrivent les fonctions afférentes à l'emploi à pourvoir, à savoir celui de la politique commerciale commune (voir notamment les points 25 et 27 de l'arrêt).

33.
    Il y a lieu de préciser que, s'il ressort des constatations précédentes que la Commission a adopté un nouvel avis de vacance où la description du poste est complétée par l'indication de préférences manifestement favorables à M. X, il s'avère également que la Commission s'est complètement abstenue de donner suite à la motivation essentielle de l'arrêt du Tribunal, selon laquelle, d'une part, M. X, en dépit du fait qu'il avait une expérience en matière de négociation et de chef d'unité, ne remplissait néanmoins pas les conditions minimales de l'avis, étant donné qu'il n'avait aucune expérience dans le domaine de l'emploi et de l'unité en cause (points 23 à 27 de l'arrêt du 19 mars 1997), et, d'autre part, l'AIPN avait donc opéré un choix manifestement erroné (points 28 et 29 de l'arrêt du 19 mars 1997). Compte tenu de ces motifs, qui constituent le soutien nécessaire du dispositif et devaient donc guider la Commission dans la détermination des mesures à prendre (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a. et Grèce/Commission, 97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 27; arrêts du Tribunal du 2 février 1995, Frederiksen/Parlement, T-106/92, RecFP p. II-99, point 31, et du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T-224/95, Rec. p. II-2215, point 72), il apparaît que chacune des décisions attaquées, loin d'assurer une correcte exécution de l'arrêt, a compromis celle-ci.

34.
    Force est de constater, enfin, que les circonstances du présent litige sont fortement différentes de celles qui ont donné lieu à l'arrêt Hochbaum/Commission, précité,

invoqué avec insistance par la Commission. Par ledit arrêt, le Tribunal a rejeté un recours qui avait également pour objet l'annulation de la deuxième nomination d'un fonctionnaire au même poste, après que la première nomination avait été annulée. Toutefois, dans cet autre litige, la première nomination avait été annulée pour vice de procédure (voir le point 2 dudit arrêt). Il était, dès lors, évident que la Commission pouvait renommer, moyennant correction dudit vice, la même personne au même poste.

35.
    Il ressort de tout ce qui précède que des indices objectifs, pertinents et concordants font apparaître que les actes litigieux ont été pris pour atteindre une fin autre que celle d'exécuter de bonne foi l'arrêt du 19 mars 1997 et que, en tout état de cause, les actes litigieux, loin de servir l'objectif poursuivi par l'article 176 du traité, ont compromis l'exécution d'un arrêt du Tribunal. Par conséquent, en décidant de remplacer l'avis initial par l'avis COM/062/97, exprimant des préférences favorables à la candidature de M. X, et en renommant M. X à l'emploi litigieux, la Commission a méconnu l'article 176 du traité et commis un détournement de pouvoir. Dans ces circonstances, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen, il y a lieu d'annuler les décisions attaquées.

Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

36.
    Le requérant fait observer que, lors d'une réunion du 11 avril 1997, il a été décidé que M. X resterait en place en tant que président du comité «textile». Par conséquent, M. X est demeuré, dans une certaine mesure, le supérieur hiérarchique du requérant, en dépit de l'annulation de sa nomination en tant que chef d'unité. Le requérant estime avoir subi, de ce fait, un préjudice moral et demande, à titre de réparation, le versement d'un montant correspondant à la différence entre son traitement et celui perçu par M. X entre le 19 mars 1997, date de l'arrêt du Tribunal, et le 30 mai 1997, date de la nouvelle nomination de M. X.

37.
    En outre, le requérant expose que l'irrégularité de l'avis COM/062/97 lui a causé un préjudice matériel. Il demande réparation de ce préjudice à concurrence de la différence entre son traitement actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait été nommé au grade A 3 depuis le 28 avril 1995, date à laquelle il a appris le rejet de sa candidature au poste litigieux.

38.
    La défenderesse explique qu'elle a maintenu M. X à la présidence du comité «textile» pour assurer, vis-à-vis de l'extérieur, une certaine continuité dans les travaux de ce comité. Elle estime que le requérant n'a pas pu subir un préjudice moral de ce fait, et certainement pas à concurrence de la somme qu'il suggère comme réparation.

39.
    En tout état de cause, la défenderesse rappelle qu'elle n'a commis aucune violation du droit communautaire.

Appréciation du Tribunal

40.
    Selon une jurisprudence constante, l'annulation d'un acte de l'administration peut constituer en elle-même une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que le fonctionnaire requérant peut avoir subi, notamment si l'acte n'a comporté aucune appréciation blessante à son égard (voir arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, points 25 à 29; arrêt du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFP p. II-77, point 62, et arrêt du 19 mars 1997, point 35). Il y a lieu de constater que, en l'espèce, les décisions attaquées n'ont comporté aucune appréciation négative de la personnedu requérant susceptible de le blesser, de même que la décision de la Commission, prise quelques semaines après le prononcé de l'arrêt du Tribunal et avant la nouvelle nomination de M. X, de maintenir ce dernier dans sa position de président du comité «textile». Il s'ensuit que, dans le cas d'espèce, l'annulation des décisions attaquées constitue une réparation adéquate du préjudice moral subi par le requérant.

41.
    Il convient de constater, par ailleurs, que le requérant n'est pas en mesure de démontrer qu'il aurait été nommé au poste litigieux si M. X ne l'avait été et qu'il aurait donc pu accéder au grade A 3, de sorte que l'existence du préjudice matériel qu'il invoque n'est pas établie.

42.
    Il s'ensuit que les conclusions en indemnité doivent être rejetées.

Sur les dépens

43.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions et le requérant ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter l'ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 10 avril 1997 annulant l'avis de vacance COM/151/94 pour le poste de «chef de l'unité responsable pour la négociation et la gestion des accords sur les textiles, chaussures» et l'avis de vacance COM/062/97 pour le poste de «chef de l'unité responsable des négociations et de la gestion des accords sur les textiles; chaussures; divers» sont annulés.

2)    La décision de la Commission du 30 mai 1997, portant nomination de M. X à l'emploi de «chef de l'unité responsable des négociations et de la gestion des accords sur les textiles; chaussures; divers» est annulée.

3)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

4)    La Commission supportera l'ensemble des dépens.

Moura Ramos

Tiili
Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 février 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: le français.