Language of document : ECLI:EU:T:2015:769

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

8 octobre 2015 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire tridimensionnelle – Forme d’une boîte de jeu – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Article 75 du règlement nº 207/2009 »

Dans l’affaire T‑547/13,

Rosian Express SRL, établie à Medias (Roumanie), représentée par Mes E. Grecu et A. Tigau, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar et M. A. Geavela, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’OHMI du 11 juillet 2013 (affaire R 797/2013‑5), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’une boîte de jeu comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 octobre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 7 février 2014,

vu la réplique déposée au greffe du Tribunal le 24 avril 2014,

à la suite de l’audience du 21 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 septembre 2012, la requérante, Rosian Express SRL, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 28 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 28 : « Jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport non compris dans d’autres classes ; décorations pour arbres de Noël » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ».

4        Le 1er février 2013, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour les « jeux et jouets » relevant de la classe 28, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement nº 207/2009.

5        Le 28 mars 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 11 juillet 2013 (ci-après « la décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours au motif que, par rapport aux produits en cause, le signe tridimensionnel dont l’enregistrement avait été demandé en tant que marque communautaire était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

 Conclusions des parties

7        La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et ordonner l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et les services demandés ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante avance deux moyens, le premier, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 et, le second, soulevé au stade du mémoire en réplique, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu au sens de l’article 75 dudit règlement.

10      Le Tribunal estime opportun de traiter d’abord le second moyen, tiré d’une violation de l’article 75 du règlement nº 207/2009.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 75 du règlement nº 207/2009

11      En premier lieu, la requérante affirme que la chambre de recours a violé son obligation de motivation. Elle s’appuie à cet égard sur deux arguments. Premièrement, il ne serait pas expliqué dans la décision attaquée au regard de quelles formes la marque demandée est comparée afin de déterminer que cette dernière n’a pas de caractère distinctif. Deuxièmement, il ne serait pas davantage précisé à l’égard de quel public pertinent le caractère distinctif de la marque demandée a été apprécié.

12      En second lieu, la requérante allègue en substance que la chambre de recours a violé son droit d’être entendue. En effet, elle fait valoir que la chambre de recours a fondé sa décision sur des données se trouvant sur des sites Internet, alors que ce contenu a changé ou pouvait avoir changé depuis l’examen par l’examinateur ou par la chambre de recours.

13      À titre liminaire, il convient de relever que le moyen tiré d’une violation de l’article 75 du règlement nº 207/2009 n’a été invoqué par la requérante qu’au stade du mémoire en réplique. Cependant, il y a lieu de rappeler qu’il découle de la jurisprudence que le défaut de motivation ou l’insuffisance de motivation constituent un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union [arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 67, et du 12 mars 2014, Tubes Radiatori/OHMI – Antrax It (Radiateur), T‑315/12, EU:T:2014:115, point 96]. L’examen d’un tel moyen peut donc avoir lieu à tout stade de la procédure (arrêt du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec, EU:C:1997:73, point 25).

14      En vertu de l’article 75 du règlement nº 207/2009, les décisions de l’OHMI sont motivées et elles ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position.

15      En ce qui concerne l’obligation de motivation, celle-ci a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêts du 19 mai 2010, Zeta Europe/OHMI (Superleggera), T‑464/08, EU:T:2010:212, point 47, et du 21 mai 2014, Eni/OHMI – Emi (IP) (ENI), T‑599/11, EU:T:2014:269, point 29].

16      Il ressort du point 12 de la décision attaquée que la chambre de recours s’est notamment fondée sur la norme ou les habitudes du secteur concerné, en l’occurrence celui des jeux de société et des jouets, pour déterminer si la marque demandée revêtait un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009. Il ressort également de ce point que la présentation du jeu ainsi que l’emballage en bois sont des formes et des matériaux communs dans ce secteur.

17      Au point 13 de la décision attaquée, la chambre de recours rappelle qu’elle peut se fonder sur des faits notoires pour déterminer le caractère distinctif d’une marque demandée.

18      Au point 14 de la décision attaquée, en utilisant l’expression « [e]n tout état de cause », la chambre de recours fait indirectement référence aux sites Internet vendant des produits identiques en précisant que « la demanderesse elle-même admet que la recherche effectuée sur l’internet a permis de découvrir deux produits ayant une forme identique à celle pour laquelle la demande a été déposée ».

19      Il y a donc lieu de considérer qu’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé, en se fondant sur des faits notoires, que l’emballage en bois ainsi que la forme de la marque demandée étaient courants dans le secteur concerné et que, ainsi, la marque demandée n’avait pas de caractère distinctif. Par conséquent, la décision est motivée de manière que la requérante en connaisse les motifs et que le Tribunal puisse exercer son contrôle à cet égard.

20      S’agissant de la prétendue absence de définition du public pertinent et de son niveau d’attention, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation. En effet, le caractère éventuellement erroné d’une motivation n’en fait pas une motivation inexistante [arrêts du 17 mai 2011, Diagnostiko kai Therapeftiko Kentro Athinon « Ygeia »/OHMI (υγεία), T‑7/10, EU:T:2011:221, point 59, et du 12 septembre 2012, Duscholux Ibérica/OHMI – Duschprodukter i Skandinavien (duschy), T‑295/11, EU:T:2012:420, point 41].

21      Force est de constater que le public pertinent et son niveau d’attention ont bien été définis au point 11 de la décision attaquée (voir point 42 ci-après) et que la requérante a reconnu elle-même, lors de l’audience, qu’elle contestait le bien-fondé de cette définition.

22      Il s’ensuit que, sans préjudice de l’examen de son bien-fondé qui sera effectué dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, la décision attaquée est suffisamment motivée concernant le public pertinent et son niveau d’attention.

23      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de juger, contrairement à ce que prétend la requérante, que l’article 75 du règlement nº 207/2009, aux termes duquel les décisions de l’OHMI sont motivées, n’a pas été méconnu.

24      La seconde phrase de l’article 75 du règlement nº 207/2009 consacre, dans le cadre du droit des marques communautaires, le principe général de protection des droits de la défense qui englobe le droit d’être entendu. En vertu de ce principe général du droit de l’Union, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue [arrêt du 7 février 2007, Kustom Musical Amplification/OHMI (Forme d’une guitare), T‑317/05, Rec, EU:T:2007:39, point 26].

25      Conformément à cette disposition, une chambre de recours de l’OHMI ne peut fonder sa décision que sur des éléments de fait ou de droit sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations. Par conséquent, dans le cas où la chambre de recours recueille d’office des éléments de fait destinés à servir de fondement à sa décision, elle doit obligatoirement les communiquer aux parties afin que celles-ci puissent faire connaître leurs observations (arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec, EU:C:2004:649, points 42 et 43).

26      À cet égard, force est de constater, ainsi qu’il ressort des points 16 à 19 ci-dessus, que la décision attaquée n’est pas fondée sur le contenu des sites Internet en cause, mais sur des faits notoires. Il y a donc lieu de rejeter l’allégation tirée d’une violation du droit d’être entendu.

27      De plus, il ressort de la décision de l’examinateur que celui-ci avait inclus dans cette dernière des images des produits qu’il estimait identiques à la marque demandée, issues des sites Internet en question. Il convient donc de considérer que, même si la décision attaquée avait été fondée sur une comparaison entre la marque demandée et les produits se trouvant sur les sites Internet en question et que le contenu de ces sites avait changé entre-temps, la requérante a eu l’occasion de présenter des observations sur les images concernées dans la mesure où elles étaient reproduites dans la décision de l’examinateur. C’est, par ailleurs, à juste titre que la chambre de recours note, au point 13 de la décision attaquée, que la requérante elle-même reconnaît l’existence de produits identiques sur le marché. En effet, il ressort du dossier et de l’argumentation de la requérante devant le Tribunal qu’elle a fait des observations quant au contenu se trouvant sur les sites Internet en question, en soutenant que lesdits sites étaient connus pour vendre des produits contrefaits. La requérante était donc parfaitement à même de présenter des observations sur le contenu de ces sites, ce qu’elle a d’ailleurs fait.

28      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de juger, contrairement à ce que prétend la requérante, que l’article 75 du règlement nº 207/2009 n’a pas été méconnu.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009

29      La requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération le fait que les jeux de société tels que le jeu de rummy ne sont pas des produits de consommation courante, mais des produits durables à usage prolongé, et que, au moment de l’achat de ces produits, le public pertinent doit être considéré comme ayant un niveau élevé d’attention.

30      En ce qui concerne le caractère distinctif de la marque demandée, la requérante conteste le raisonnement de la chambre de recours selon lequel les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine commerciale des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel. Elle soutient qu’il ne ressort nullement du règlement nº 207/2009 que les marques tridimensionnelles doivent être traitées différemment des autres types de marques et que, si cette approche était suivie, il faudrait refuser tout enregistrement de marque tridimensionnelle.

31      Pour étayer l’argument selon lequel la marque demandée revêt un caractère distinctif, la requérante s’appuie sur la pratique décisionnelle de l’OHMI, qui, selon elle, démontre que des marques tridimensionnelles semblables à la marque demandée ont été enregistrées pour des produits relevant de la classe 28 et que la chambre de recours aurait dû en tenir compte. Elle soutient également que, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu au point 12 de la décision attaquée, à savoir que la marque demandée était une simple variation d’un type de présentation et d’emballage tout à fait courant pour les produits en cause, la marque demandée se distingue de manière significative des normes et des usages du secteur des jeux. Elle allègue, à cet égard, que la chambre de recours a omis d’expliquer ce qu’elle entendait par « formes de base » et que, en tout état de cause, il n’existe pas de « formes de base » pour les jeux de rummy, mais une multitude de manières de présenter et d’assembler ce type de jeu. Par conséquent, elle estime que la chambre de recours aurait dû accorder une attention particulière à la manière dont les différents éléments du jeu de rummy sont en l’espèce confectionnés et assemblés.

32      La requérante reproche également à la chambre de recours de ne pas avoir étayé par des preuves la conclusion qui figure au point 12 de la décision attaquée selon laquelle « [i]l est courant que les jeux de société et les jouets (par exemple, les versions-jouets du jeu de rummy pour les enfants) soient emballés et vendus dans des emballages confectionnés à partir de différents types de matériaux, y compris des boîtes en bois » et selon laquelle « [l]’emballage et la présentation de ce type sont communs pour les jeux revendiqués et ne seront confondus par le public pertinent avec rien d’autre qu’un jeu et son emballage ». La chambre de recours n’aurait ainsi pas pris en considération tous les facteurs pertinents en l’espèce et, en particulier, la situation sur le marché, qui démontrerait que la forme de la marque demandée se distingue de manière significative d’autres formes qui y sont présentes.

33      Selon la requérante, les produits en cause, notamment le jeu de rummy, ne requièrent pas une forme déterminée d’emballage. Ce serait donc à tort que la chambre de recours a conclu que la forme de la marque demandée était due à la nature du produit en cause.

34      Finalement, il est reproché à la chambre de recours d’avoir comparé la marque demandée avec des produits identiques commercialisés sur l’internet pour conclure qu’il y avait des formes similaires sur le marché, alors qu’il s’agirait de contrefaçons. Pour étayer ces allégations, la requérante présente pour la première fois devant le Tribunal, annexés à la réplique, des articles issus de publications spécialisées renommées qui attirent l’attention sur les contrefaçons effectuées par l’intermédiaire des sites Internet auxquels l’examinateur et la chambre de recours ont fait référence.

35      Il convient d’abord de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

36      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises [voir arrêt du 9 décembre 2010, Wilo/OHMI (Boîtier facetté d’un moteur électrique et représentation de facettes vertes), T‑253/09, et T‑254/09, EU:T:2010:507, point 17 et jurisprudence citée].

37      Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt Boîtier facetté d’un moteur électrique et représentation de facettes vertes, point 36 supra, EU:T:2010:507, point 18 et jurisprudence citée).

38      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt Boîtier facetté d’un moteur électrique et représentation de facettes vertes, point 36 supra, EU:T:2010:507, point 19 et jurisprudence citée).

39      Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, qui est constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait se révéler plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Boîtier facetté d’un moteur électrique et représentation de facettes vertes, point 36 supra, EU:T:2010:507, point 20 et jurisprudence citée).

40      Par ailleurs, selon la jurisprudence, plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 (voir arrêt Boîtier facetté d’un moteur électrique et représentation de facettes vertes, point 36 supra, EU:T:2010:507, point 21 et jurisprudence citée).

41      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la décision attaquée.

42      S’agissant du public pertinent, la chambre de recours a considéré, à bon droit, qu’il s’agissait d’un public composé principalement de consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés et que, au regard de la nature et du prix des produits en cause, le degré de connaissance du public pertinent pouvait varier de moyen à élevé (point 11 de la décision attaquée). En effet, les produits en cause, eu égard à leur description, relèvent du domaine du jeu et des jouets. Ils sont destinés à la consommation générale et non pas aux seuls professionnels ou amateurs, dès lors que toute personne est susceptible à un moment ou à un autre d’acquérir de tels produits de manière soit régulière soit ponctuelle [voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Cybergun/OHMI – Umarex Sportwaffen (AK 47), T‑419/09, EU:T:2011:121, point 37 et jurisprudence citée]. C’est donc à tort que la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait dû considérer que le public pertinent disposait uniquement d’un haut niveau d’attention.

43      Par ailleurs, l’argument consistant à soutenir que la chambre de recours a commis une erreur, dans la mesure où elle n’a pas apporté de preuves démontrant quel était le public pertinent et son niveau d’attention, doit également être rejeté. En effet, il ne peut être exigé de l’OHMI qu’il procède à une analyse économique du marché, voire à des enquêtes auprès de consommateurs, pour établir dans quelle mesure ces derniers font attention à l’apparence des produits appartenant à une certaine catégorie [arrêt du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec, EU:T:2003:53, point 48].

44      S’agissant du caractère distinctif de la marque demandée, il convient d’abord de reprendre la description de la requérante, selon laquelle la marque demandée est une boîte rectangulaire fabriquée en bois pourvue d’un système de glissement des chevalets de maintien des pièces et d’un système de fermeture de ces chevalets aux deux extrémités de la boîte. Ainsi, la marque demandée possède un système de glissement qui permet d’incorporer les quatre chevalets de jeu dans le cadre du même ensemble, et les pièces de jeu, ainsi que les supports des chevalets, sont inclus entre les quatre chevalets qui forment les parois soutenant l’ensemble, lequel est doté de deux petites plaques vissées faisant office de système de fermeture, sans qu’il y ait besoin de conditionnement supplémentaire. Chaque paroi latérale présente à l’intérieur deux rainures obtenues par fraisage qui permettent le glissement des deux paires de chevalets. Les petites plaques servant à la fermeture sont de forme rectangulaire avec des bouts arrondis et des bords biseautés, fixées au cadre par une vis.

45      Eu égard à cette description, c’est à bon droit que la chambre de recours conclut, au point 12 de la décision attaquée, que la marque demandée « ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné » et qu’« [i]l est courant que les jeux de société et les jouets (par exemple, les versions-jouets du jeu de rummy pour les enfants) soient emballés et vendus dans des emballages confectionnés à partir de différents types de matériaux, y compris des boîtes en bois ».

46      En effet, il est notoire que les produits en cause sont souvent présentés dans une boîte rectangulaire en bois. De même, la manière de déplier et d’assembler la boîte dont la forme constitue la marque en question, à savoir par un système de glissement de chevalets permettant de mettre en place le jeu ou de l’assembler, ne diverge pas de manière significative de la norme et des habitudes du secteur. Effectivement, il est notoire qu’il existe des systèmes de glissement similaires afin de mettre en place et d’assembler les produits en cause. Vues dans leur ensemble, les différentes caractéristiques de la marque demandée, telles que décrites au point 44 ci-dessus, ne permettent pas davantage de considérer que la marque demandée diverge de manière significative de la norme et des habitudes du secteur concerné. Par conséquent, il y a lieu de juger que la marque demandée ne revêt pas de caractère distinctif permettant au public pertinent d’identifier les produits en cause comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits de ceux issus d’autres entreprises.

47      Quant à l’allégation selon laquelle la chambre de recours, lors de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, aurait omis de définir l’expression « formes de base » et d’étayer ses conclusions à cet égard par des preuves, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009, l’OHMI est tenu d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer un motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, du même règlement. Il s’ensuit que l’OHMI peut être amené à fonder ses décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur [voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2007, OHMI/Celltech, C‑273/05 P, Rec, EU:C:2007:224, point 38 et jurisprudence citée, et du 14 juillet 2014, BSH/OHMI (Wash & Coffee), T‑5/12, EU:T:2014:647, point 46].

48      Si, en principe, il appartient à l’OHMI d’établir, dans ses décisions, l’exactitude de tels faits, tel n’est pas le cas lorsqu’il fait état de faits notoires (voir arrêt OHMI/Celltech, point 47 supra, EU:C:2007:224, point 39 et jurisprudence citée ; arrêt Wash & Coffee, point 47 supra, EU:T:2014:647, point 47). Rien n’interdit donc à l’OHMI de prendre en considération des faits notoires dans son appréciation [voir arrêt du 25 mars 2014, Deutsche Bank/OHMI (Passion to Perform), T‑291/12, EU:T:2014:155, point 51 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit, en l’espèce, que la chambre de recours pouvait légalement constater l’absence de caractère distinctif de la marque demandée en se fondant sur des faits notoires résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de consommation générale, sans qu’il soit nécessaire de fournir des exemples spécifiques [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T‑402/02, Rec, EU:T:2004:330, point 58]. De plus, force est de constater qu’il ressort du point 12 de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas fondé l’appréciation de la marque demandée sur une comparaison entre cette dernière et des « formes de base », mais à l’égard de la norme et des habitudes du secteur concerné, en se fondant sur la jurisprudence qu’elle cite au point 9 de la décision attaquée. Certes, la chambre de recours fait, au point 10 de la décision attaquée, mention de « formes de base des produits en cause ». Cependant, cette mention fait simplement partie d’un rappel des principes dégagés par la jurisprudence à prendre en considération pour apprécier le caractère distinctif des marques tridimensionnelles. En effet, la chambre de recours ne s’y réfère pas au moment de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée.

49      En ce qui concerne les éléments de preuve fournis par la requérante dans le but de démontrer qu’il n’existe pas de formes semblables à la marque demandée, il y a lieu de rappeler que l’absence de caractère distinctif d’une marque ne saurait être infirmée par le nombre plus ou moins grand de formes similaires présentes sur le marché [arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec, EU:C:2004:258, point 62, et du 23 mai 2007, Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée blanche avec un dessin floral de couleur), T‑241/05, T‑262/05 à T‑264/05, T‑346/05, T‑347/05 et T‑29/06 à T‑31/06, Rec, EU:T:2007:151, point 81], ni par l’absence sur le marché de formes identiques à celles dont l’enregistrement est demandé [voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2006, De Waele/OHMI (Forme d’une saucisse), T‑15/05, Rec, EU:T:2006:142, point 40].

50      À cet égard, il convient de souligner que le consommateur moyen qui ne se livre pas à une étude de marché ne saura pas, à l’avance, qu’une seule entreprise commercialise un produit donné dans un certain type d’emballage, tandis que ses concurrents utilisent d’autres modes de conditionnement pour ce produit (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec, EU:C:2006:20, point 34).

51      Il s’ensuit également, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des preuves présentées à cet égard, que les allégations de la requérante selon lesquelles la chambre de recours aurait commis une erreur en faisant référence à d’autres produits existant sur le marché alors que ces derniers seraient des contrefaçons est dénué de pertinence.

52      Quant à l’argument selon lequel l’OHMI aurait admis l’enregistrement de marques tridimensionnelles semblables à la marque demandée pour des produits relevant de la classe 28, il convient de rappeler que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le fait de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. L’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Ainsi, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir arrêt du 14 janvier 2015, Melt Water/OHMI (Forme d’une bouteille cylindrique transparente), T‑70/14, EU:T:2015:9, point 39 et jurisprudence citée].

53      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, sur la base d’un examen complet et en tenant compte de la perception du public pertinent, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. Ainsi qu’il ressort des points 42 à 51 ci-dessus, cette constatation suffit à elle seule pour retenir que l’enregistrement du signe tridimensionnel en cause en tant que marque communautaire se heurte, en ce qui concerne les produits concernés, au motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

54      Partant, dès lors que la légalité de la décision attaquée concernant le caractère non enregistrable de la marque demandée, en tant que marque communautaire pour les produits concernés, est établie directement sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, il ressort de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus qu’elle ne peut pas être remise en cause du simple fait que la chambre de recours n’aurait en l’espèce pas suivi une pratique décisionnelle de l’OHMI.

55      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour l’ensemble des produits concernés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

56      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen et, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le chef de conclusion par lequel la requérante demande au Tribunal d’ordonner l’enregistrement de la marque pour tous les produits et les services demandés, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

58      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rosian Express SRL est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 octobre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le roumain.