Language of document : ECLI:EU:T:1999:248

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 octobre 1999(1)

«Fonctionnaires — Frais de mission — Calcul des indemnités journalières — Durée de la mission — Voyage en voiture personnelle»

Dans l'affaire T-119/98,

André Hecq, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bonlez (Belgique), représenté par Me Lucas Vogel, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Christian Kremer, 6, rue Heinrich Heine,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes Florence Duvieusart-Clotuche et Christine Berardis-Kayser, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 17 octobre 1997, portant remboursement des frais exposés par le requérant à l'occasion d'une mission accomplie à Ispra (Italie), du 16 septembre 1997 au 20 septembre 1997,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. R. M. Moura Ramos, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 avril 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    L'article 71 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») prévoit:

«Dans les conditions fixées à l'annexe VII, le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu'il a exposés à l'occasion de son entrée en fonctions, de sa mutation ou de la cessation de ses fonctions, ainsi que des frais qu'il a exposés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.»

2.
    L'annexe VII du statut, qui édicte les règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais, dispose en son article 11:

«1. Le fonctionnaire voyageant nanti d'un ordre de mission a droit au remboursement des frais de transport et aux indemnités journalières dans les conditions prévues ci-après [...]

2. L'ordre de mission fixe notamment la durée probable de la mission, sur la base de laquelle est calculée l'avance sur l'indemnité journalière que peut obtenir l'intéressé [...]»

3.
    L'article 12 de l'annexe VII du statut énonce:

«1. Les frais de transport pour les fonctionnaires en mission comportent le prix du transport effectué par l'itinéraire le plus court, en première classe de chemin de fer pour les fonctionnaires des catégories A et B et du cadre linguistique, en seconde classe pour les autres fonctionnaires.

[...]

4. Les fonctionnaires peuvent être autorisés à utiliser leur voiture personnelle à l'occasion d'une mission déterminée, à condition que l'emploi de ce moyen de transport ne provoque pas une augmentation de la durée prévue pour l'accomplissement de la mission.

Dans ce cas, les frais de transport sont remboursés forfaitairement dans les conditions prévues au paragraphe 1.

[...]»

4.
    Le paragraphe 5 de l'article 13 de l'annexe VII du statut fixe les règles applicables au décompte des indemnités journalières de mission. Il dispose:

«[...]

b) Mission d'une durée supérieure à vingt-quatre heures:

—    pour chaque période de vingt-quatre heures: indemnité journalière entière,

—    pour la période résiduelle égale ou inférieure à six heures: néant,

—    pour la période résiduelle égale ou inférieure à douze heures, mais supérieure à six heures: moitié de l'indemnité journalière,

—    pour la période résiduelle supérieure à douze heures: indemnité journalière entière.»

5.
    Le Guide des missions de la Commission européenne (ci-après «guide des missions»), adopté par décision du 11 octobre 1995 et publié par la direction générale du personnel et de l'administration, prévoit au point 4 de son titre III:

«Si le chargé de mission est autorisé à utiliser sa voiture particulière pour des raisons de convenance personnelle, ses frais de déplacement seront remboursés sur base du tarif du voyage par chemin de fer dans la classe à laquelle il peut prétendre, d'après l'itinéraire le plus court, à l'exclusion de tout supplément et selon le tarif le plus économique. [...] Si l'utilisation d'une voiture personnelle a pour effet de prolonger la durée de la mission, les indemnités journalières seront calculées sur la base de l'horaire le plus court en chemin de fer.»

6.
    Le titre VI du guide des missions énonce:

«La durée de la mission est le temps qui s'écoule entre l'heure de départ du moyen de transport utilisé et l'heure de retour de celui-ci au lieu d'affectation.

Les déplacements doivent être organisés de façon à les rendre les plus courts possibles en fonction du moyen de transport utilisé.

Le voyage retour doit être entrepris:

—    par avion au plus tard trois heures trente après la fin des entretiens;

—    par un autre moyen de transport, au plus tard deux heures après la fin des entretiens.

Le chargé de mission ne peut pas être obligé à:

—    un départ (gare ou aéroport) du lieu d'affectation ou du lieu de mission avant 8 heures;

—    une arrivée (gare ou aéroport) au lieu de mission après 22 heures;

—    une arrivée (gare ou aéroport) au lieu d'affectation après 23 heures.

Le calcul des indemnités se fera sur base des horaires officiels publiés en fonction des heures de début et de fin des entretiens, et compte tenu des moyens de transport et type de billets utilisés.

Pour ce calcul, les voyages en train sont majorés de 30 minutes à l'aller et au retour; les voyages en avion de deux heures avant le décollage et après atterrissage.»

Faits à l'origine du litige

7.
    Le requérant, fonctionnaire de grade B 1, est secrétaire politique du Syndicat des fonctionnaires internationaux et européens (SFIE).

8.
    Le 3 septembre 1997, il a introduit une demande d'ordre de mission en vue de participer à une réunion plénière du comité central du personnel de la Commission devant se dérouler du 17 au 19 septembre 1997 à Ispra (Italie). La durée probable de cette mission, telle qu'évaluée par le requérant (du 16 septembre 1997 à 8 heures jusqu'au 20 septembre 1997 à 21 heures), lui donnerait droit à cinq jours d'indemnités journalières. Il a, également, demandé l'autorisation d'utiliser sa voiture personnelle.

9.
    La mission a été autorisée par l'ordonnateur et, le 29 septembre 1997, le requérant a adressé à l'unité «rémunération et liquidation des droits» de la direction «droits et obligations, politique et actions sociales» de la direction générale «Personnel et administration» de la Commission (DG IX) un décompte de frais de mission, signé par M. Lenarduzzi en sa qualité de vice-président du comité central du personnel.

10.
    Ce décompte, portant demande d'indemnisation de cinq jours de mission, mentionnait, d'une part, que le requérant était parti de Bruxelles le 16 septembre 1997 à 8 heures et était arrivé à Ispra le même jour à 19 heures. Au retour, il avait quitté Ispra le 20 septembre 1997 à 10h30 et avait rejoint Bruxelles dans la soirée à 22 heures. Il indiquait, d'autre part, que le requérant avait participé à des entretiens les 17 et 18 septembre 1997 de 9 h 30 à 18 heures et le 19 septembre 1997 de 10 heures à 14 h 30.

11.
    Le 17 octobre 1997, le service «missions» de la DG IX a établi un décompte de frais allouant au requérant des indemnités journalières correspondant à une mission d'une durée de quatre jours et demi au lieu des cinq jours revendiqués par l'intéressé.

12.
    Le 5 janvier 1998, le requérant a introduit contre cette décision une réclamation à laquelle la Commission n'a pas répondu.

Procédure et conclusions des parties

13.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 30 juillet 1998, le requérant a introduit le présent recours.

14.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a invité la défenderesse à répondre à certaines questions.

15.
    Les parties ont été entendues en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 26 avril 1999.

16.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission, réputée intervenue le 6 mai 1998, portant rejet implicite de sa réclamation introduite le 5 janvier 1998 contre la décision du 17 octobre 1997, portant remboursement des frais qu'il a exposés à l'occasion d'une mission accomplie du 16 au 20 septembre 1997,

—    annuler la décision de la Commission du 17 octobre 1997, portant remboursement des frais qu'il a exposés à l'occasion d'une mission accomplie du 16 au 20 septembre 1997,

—    condamner la Commission aux dépens de l'instance, par application de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ainsi qu'aux frais indispensables exposés aux fins de la procédure et, notamment, les frais de domiciliation, de déplacement et de séjour, ainsi que les honoraires d'avocat, par application de l'article 91, sous b), du même règlement.

17.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme étant non fondé;

—    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur le fond

Arguments des parties

18.
    Le requérant soulève un moyen unique tiré d'une violation des articles 12 et 13 de l'annexe VII du statut, en ce que l'administration lui a accordé une indemnité journalière calculée sur la base d'une mission ayant duré quatre jours et demi au lieu de cinq.

19.
    Il soutient que, dans la mesure où l'ordre de mission fixait clairement à cinq jours entiers la durée de la mission, il n'appartenait plus à l'administration, lors du calcul des indemnités journalières dues, de la réduire artificiellement et arbitrairement à quatre jours et demi, dès lors que la durée réelle de la mission a été de cinq jours.

20.
    En outre, le requérant fait valoir qu'il résulte de l'économie de l'article 12 de l'annexe VII du statut, spécialement de ses paragraphes 1 et 4, que la durée de la mission accomplie par un fonctionnaire, même lorsqu'il se déplace avec sa voiture personnelle, doit être déterminée en fonction de la durée qu'aurait nécessité le voyage s'il avait été effectué par chemin de fer. Dans une telle hypothèse, et en tenant compte des horaires de train pour le trajet Bruxelles-Ispra, le requérant fait observer que sa mission aurait duré bien plus que le temps minimal imposant à l'administration de lui verser cinq indemnités journalières.

21.
    En ce qui concerne l'argument de la Commission, selon lequel le voyage de retourdoit, en principe, être entrepris au plus tard deux heures après la fin des entretiens qui ont justifié la mission, le requérant soutient que cette règle doit être appréciée en fonction des situations concrètes, et notamment des moyens de transport disponibles ainsi que de la possibilité d'organiser, de façon anticipée, la réservation d'une chambre dans un hôtel situé sur le trajet du retour. Il ajoute que, en l'espèce, une telle réservation était impossible, car l'heure de la fin des travaux justifiant la mission à Ispra était totalement imprévisible.

22.
    La défenderesse conteste l'existence d'une violation des dispositions invoquées par le requérant et soutient qu'elle pouvait légitimement limiter le remboursement des frais encourus à quatre indemnités journalières et demie en sus des frais de transport.

Appréciation du Tribunal

23.
    Cette affaire pose le problème du calcul de la durée de la mission du requérant, laquelle détermine les indemnités journalières auxquelles il a droit. Il s'agit d'établir si le requérant a droit, à titre de frais de mission, à cinq indemnités journalières, comme il le prétend, ou bien seulement à quatre et demie, comme le fait valoir la Commission.

24.
    En vertu de l'article 13, paragraphe 5, de l'annexe VII du statut, si une mission a duré plus de cent deux heures (soit quatre jours et plus de six heures) et jusqu'à cent huit heures (soit quatre jours et douze heures) le fonctionnaire a droit à quatre indemnités journalières et demie, alors que si elle a duré plus de cent huit heures et jusqu'à cent vingt-six heures, l'intéressé a droit à cinq indemnités journalières.

25.
    Pour déterminer, en l'espèce, les indemnités journalières auxquelles a droit le requérant, il y a, donc, lieu de calculer la durée exacte de sa mission et de vérifier, plus précisément, si celle-ci a duré plus de cent huit heures.

26.
    A cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que, conformément à l'article 11 de l'annexe VII du statut, l'ordre de mission fixe «la durée probable de la mission» et ne confère, donc, pas un droit à l'allocation d'indemnités journalières calculées sur la base de cette durée lorsque celle-ci ne correspond pas à la durée effective de la mission.

27.
    En second lieu, en vertu de l'article 71 du statut, l'indemnité journalière doit permettre de rembourser au fonctionnaire les «frais qu'il a exposés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions». Il en découle que, en principe, ne saurait être pris en compte au titre des frais de mission et, plus précisément, dans le cadre du calcul de la durée de la mission, que le temps qui s'avère raisonnablement nécessaire au bon déroulement de cette mission.

28.
    En l'espèce, il ressort du décompte de frais présenté par le requérant que, le 16 septembre 1997, il est parti à 8 heures de Bruxelles pour se rendre à Ispra, ville qu'il a quittée le 20 septembre 1997, à 10 h 30, pour rejoindre Bruxelles à 22 heures, alors que les entretiens auxquels il a participé à Ispra se sont terminés à 14 h 30 le 19 septembre 1997.

29.
    Or, conformément au titre VI du guide des missions, relatif à la durée des missions, le voyage retour, effectué par un moyen de transport autre que l'avion, doit être entrepris au plus tard deux heures après la fin des entretiens. Cette règle doit, cependant, être appliquée en tenant compte des circonstances de l'espèce, en l'occurrence la possibilité de prévoir l'horaire de fin des entretiens et, conséquemment, la possibilité pour le requérant d'organiser, matériellement et de façon anticipée, le voyage entre Ispra et Bruxelles, avec départ dans l'après-midi

du 19 septembre 1997 et réservation d'une chambre dans un hôtel situé sur le trajet du retour.

30.
    Pourtant, même en admettant que, dans la présente affaire, le requérant avait le droit de rester à Ispra la nuit du 19 au 20 septembre 1997, compte tenu de l'impossibilité de planifier un départ plus tôt, il convient, pour évaluer la durée de la mission, de déterminer l'heure à laquelle il était censé quitter Ispra pour retourner à Bruxelles le matin du 20 septembre 1997.

31.
    D'une part, selon le titre VI du guide des missions, le chargé de mission ne peut pas être obligé de quitter le lieu de mission avant 8 heures. D'autre part, pour déterminer si, au contraire, le requérant avait le droit de partir après 8 heures, il y a lieu d'examiner si un tel départ était justifié en l'espèce.

32.
    A cet égard, force est de constater que le requérant ayant terminé ses entretiens le 19 septembre 1997 à 14 h 30, il a eu suffisamment de temps pour se reposer avant de retourner à Bruxelles le matin du 20 septembre 1997. D'ailleurs, il n'a fourni aucun élément démontrant que, dans les circonstances de l'espèce, il était raisonnablement nécessaire de partir après 8 heures.

33.
    Il convient de relever que, si le requérant avait quitté Ispra le 20 septembre 1997 à 8 heures, heure à laquelle il était parti de Bruxelles le 16 septembre 1997, il serait arrivé dans cette dernière ville à 19 h 30, suivant la durée du voyage retour indiquée dans son décompte de frais. Dans ces conditions, la durée totale de la mission aurait été seulement de cent sept heures et demie, alors que seule une durée de plus de cent huit heures ouvrait droit à l'allocation de cinq indemnités journalières. Par ailleurs, seul le temps qui s'est écoulé entre le départ du lieu d'affectation et le retour à celui-ci, en fonction du choix des horaires de départ opéré par le requérant, permet à ce dernier d'alléguer qu'il a droit à cinq indemnités journalières.

34.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il ne saurait être considéré que la mission du requérant a duré plus de cent huit heures.

35.
    Dans ces circonstances, et sans qu'il soit nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur d'autres arguments présentés par les parties, la Commission ne saurait être censurée pour n'avoir accordé au requérant, conformément à la réglementation applicable, que quatre indemnités journalières et demie au titre du remboursement des frais exposés par celui-ci à l'occasion de sa mission à Ispra.

36.
    En conséquence, le moyen n'est pas fondé et le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

37.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, il y a lieu de décider que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Moura Ramos Tiili Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 octobre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: le français.