ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
30 septembre 1998 (1)
«Fonctionnaires Cessation définitive de fonctions à l'occasion de l'adhésion de
nouveaux États membres Acte faisant grief Exception d'illégalité Légalité
du règlement (CE, Euratom, CECA) n° 2688/95 Égalité de traitement
Violation des formes substantielles Consultation préalable des institutions et
du comité du statut»
Dans l'affaire T-13/97,
Antoinette Losch, fonctionnaire de la Cour de justice des Communautés
européennes, représentée par Mes Jean-Noël Louis et Thierry Demaseure, et
initialement par Me Ariane Tornel, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu
domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,
contre
Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. Timothy
Millett, conseiller juridique pour les affaires administratives, en qualité d'agent,
ayant élu domicile à Luxembourg au bureau de M. Millett, Cour de justice,
Kirchberg,
soutenue par
Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Diego Canga Fano, conseiller
juridique, et Mme Thérèse Blanchet, membre du service juridique, en qualité
d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli,
directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne
d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer, Kirchberg,
et
Royaume des Pays-Bas, représenté par MM. Marc Fierstra et Johannes
Steven van den Oosterkamp, conseillers juridiques adjoints au ministère des
Affaires étrangères, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès
de l'ambassade des Pays-Bas, 5, rue C. M. Spoo,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Cour de justice du
22 juillet 1996 rejetant la demande de la requérante visant à ce que son nom soit
inscrit sur la liste des personnes ayant manifesté leur intérêt pour faire l'objet, à
l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, d'une décision
de cessation définitive de leurs fonctions, ainsi que de constatation de l'illégalité du
règlement (CE, Euratom, CECA) n° 2688/95 du Conseil, du 17 novembre 1995,
instituant, à l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède,
des mesures particulières de cessation définitive des fonctions de fonctionnaires des
Communautés européennes (JO L 280, p. 1), en ce qu'il ne s'applique qu'aux
fonctionnaires du Parlement européen,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de MM. J. Azizi, président, R. García-Valdecasas et M. Jaeger, juges,
greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 5 mars 1998,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- Le 7 juillet 1995, la Commission, après avoir obtenu le 21 juin 1995, conformément
à l'article 10, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés
européennes (ci-après «statut»), l'avis favorable du comité du statut, a présenté
une proposition de règlement (CE, Euratom, CECA) du Conseil instituant, à
l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, des mesures
particulières concernant la cessation définitive de fonctions de fonctionnaires des
Communautés européennes [COM (95) 327 final, JO C 246, p. 23, ci-après
«proposition initiale»] .
- 2.
- L'objet de la proposition initiale était, aux termes de son article 1er, d'autoriser le
Parlement européen, le Conseil, la Commission, la Cour de justice (ci-après
«défenderesse»), la Cour des comptes et le Comité économique et social, dans
l'intérêt du service et pour tenir compte des nécessités entraînées par l'adhésion
aux Communautés européennes de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, à
prendre, jusqu'à la date du 30 juin 2000, à l'égard de leurs fonctionnaires ayant
atteint l'âge de 55 ans, à l'exception de ceux classés dans les grades A 1 et A 2, des
mesures de cessation définitive de fonctions.
- 3.
- Les fonctionnaires faisant l'objet de ces mesures, dites de «dégagement», sont,
d'après l'article 3 de la proposition initiale, choisis par l'institution, sur la base de
l'intérêt du service lié à l'élargissement, après que celle-ci a fourni au personnel
l'occasion de manifester son intérêt et après consultation de la commission
paritaire. Elle doit, en effet, prendre en considération l'âge, la compétence, le
rendement, la conduite dans le service, la situation de famille et l'ancienneté des
fonctionnaires, qui doit être au minimum de dix ans. Le dégagement ne peut, en
tout état de cause, être appliqué sans le consentement de l'intéressé.
- 4.
- Le fonctionnaire faisant l'objet du dégagement a, suivant l'article 4 de la
proposition initiale, droit à une indemnité mensuelle égale à 70 % du traitement
de base afférent à son grade et à son échelon au moment de son départ du service.
Le bénéfice de cette indemnité cesse au plus tard le dernier jour du mois au cours
duquel l'ancien fonctionnaire atteint l'âge de 65 ans et, en tout cas, lorsque
l'intéressé, avant cet âge, réunit les conditions ouvrant droit au montant maximal
de la pension d'ancienneté. L'ancien fonctionnaire est alors admis d'office au
bénéfice de la pension d'ancienneté.
- 5.
- La proposition initiale prévoyait que la défenderesse était autorisée à décider le
dégagement de 25 fonctionnaires.
- 6.
- La proposition initiale a été soumise pour avis, conformément à l'article 24 du
traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés
européennes (ci-après «traité de fusion»), aux institutions concernées.
- 7.
- Le Parlement, la défenderesse et la Cour des comptes ont rendu respectivement,
les 25 septembre, 12 octobre et 26 octobre 1995 un avis favorable.
- 8.
- Au cours de la procédure législative, la Commission a indiqué qu'elle était prête,
afin de faciliter la prise de décision au sein du Conseil, à scinder la proposition
initiale et à accepter que des mesures de dégagement pour le seul Parlement soient
traitées en priorité par le Conseil [document n° 11098/95 du Conseil, du 31 octobre
1995, reproduit à l'annexe III, sous d), au mémoire en intervention du Conseil].
- 9.
- Le 17 novembre 1995, le Conseil a en conséquence adopté le règlement (CE,
Euratom, CECA) n° 2688/95, instituant, à l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de
la Finlande et de la Suède, des mesures particulières de cessation définitive des
fonctions de fonctionnaires des Communautés européennes (JO L 280, p. 1, ci-après «règlement n° 2688/95»), autorisant le seul Parlement à procéder au
dégagement de certains de ses fonctionnaires.
Procédure précontentieuse
- 10.
- La requérante est fonctionnaire de grade B 2 au service de la Cour de justice.
- 11.
- Elle a introduit le 16 juillet 1996 une demande au titre de l'article 90, paragraphe
1, du statut, rédigée dans les termes suivants:
[...]
«je manifeste d'ores et déjà mon intérêt pour une décision de cessation définitive
de mes fonctions à l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la
Suède, telle que prévue par la proposition [...], déjà concrétisée par le règlement
[...] pour une partie des fonctionnaires des Communautés européennes.
Par conséquent, je vous serais reconnaissant(e) de faire figurer mon nom sur la
liste des personnes ayant manifesté pareil intérêt et parmi lesquelles l'AIPN doit
opérer son choix.»
- 12.
- Le greffier de la Cour, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination
(ci-après «AIPN»), a adressé à la requérante le 22 juillet 1996 une réponse ayant
le libellé suivant:
«Votre demande [...] a retenu toute mon attention.
Je suis au regret toutefois de vous informer qu'en l'état actuel du dossier je ne suis
pas en mesure d'y donner une suite favorable.
En effet, le règlement [...] est applicable seulement aux fonctionnaires du
Parlement européen. En l'état actuel de la réglementation, il n'est donc pas
possible aux autres institutions y compris la Cour de justice de prendre à l'égard
de leur personnel des mesures de cessation définitive de fonctions.
Néanmoins, la Commission n'a pas retiré sa proposition [...] en tant qu'elle visait
les fonctionnaires des autres institutions. Dans le cas où le Conseil serait disposé,
dans l'avenir, à accepter cette proposition, votre manifestation d'intérêt ne
manquerait pas d'être prise en considération.»
- 13.
- La requérante a introduit le 24 septembre 1996 une réclamation au titre de l'article
90, paragraphe 2, du statut contre cette décision.
- 14.
- Elle faisait grief à l'AIPN d'avoir opposé à sa demande un refus fondé sur la
circonstance que le champ d'application personnel du règlement n° 2688/95 était
limité aux fonctionnaires du Parlement. Or, d'après la requérante, cette limitation
du champ d'application du règlement n° 2688/95 constitue précisément l'une des
nombreuses irrégularités dont il serait entaché et dont elle entend se prévaloir à
l'appui de sa réclamation.
- 15.
- La requérante exposait, en premier lieu, que le Conseil, en adoptant une
disposition d'ordre statutaire applicable à une seule institution, avait excédé sa
compétence et enfreint la hiérarchie des normes. Le Conseil aurait, en deuxième
lieu, commis une violation des formes substantielles, dès lors que, d'une part, le
texte du règlement n° 2688/95, qui serait substantiellement différent de celui de la
proposition initiale, aurait dû être présenté pour avis au comité du statut et que,
d'autre part, la motivation du règlement n° 2688/95 est manifestement inexacte. En
troisième lieu, le Conseil, en limitant le champ d'application du règlement
n° 2688/95 au seul Parlement, aurait porté atteinte aux principes fondamentaux de
l'unité et de l'indivisibilité de l'Union européenne ainsi que de l'unité de la fonction
publique communautaire. En quatrième lieu, le Conseil aurait commis un
détournement de pouvoir.
- 16.
- La réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet du comité chargé des
réclamations de la défenderesse, adoptée le 15 octobre 1996 et notifiée à la
requérante le 23 octobre 1996, ainsi rédigée:
«Le comité chargé des réclamations constate que, par sa réclamation, la
réclamante ne conteste pas le fait que l'AIPN de la Cour de justice est tenue de
respecter le règlement n° 2688/95 du Conseil, du 17 novembre 1995, instituant, à
l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, des mesures
particulières de cessation définitive des fonctions de fonctionnaires des
Communautés européennes (JO L 280, p. 1), applicable en l'espèce. La
réclamation de la réclamante tend exclusivement à mettre en cause la validité de
ce règlement notamment en ce qu'il ne s'applique pas aux fonctionnaires de la
Cour de justice. Or, de l'avis du comité, il n'appartient pas à l'AIPN de la Cour
chargée de statuer sur les réclamations d'apprécier la validité d'un règlement du
Conseil.
Pour ces raisons, la réclamation est rejetée.»
Procédure contentieuse et conclusions des parties
- 17.
- C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 8octobre 1996, la requérante, conjointement à quinze autres fonctionnaires de
l'institution défenderesse, a formé un recours enregistré sous le numéro T-154/96.
- 18.
- Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 novembre 1996, les requérants dans
l'affaire T-154/96 ont informé le Tribunal, conformément à l'article 99 de son
règlement de procédure, que la requérante se désistait de son recours dans cette
affaire. Une ordonnance de radiation partielle a été rendue par le président du
Tribunal le 12 novembre 1996.
- 19.
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 1997, la requérante a
formé le présent recours.
- 20.
- Par demandes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 19 mars 1997 et
le 2 avril 1997, le Conseil et le Royaume des Pays-Bas ont demandé à intervenir
au soutien des conclusions de la défenderesse. Leurs demandes en intervention ont
été admises par ordonnances du président de la cinquième chambre du Tribunal
datées du 5 mai 1997.
- 21.
- Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 3 février
1998, la présente affaire a été jointe à l'affaire T-154/96, aux fins de la seule
procédure orale.
- 22.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé
d'adopter, d'une part, une mesure d'organisation de la procédure invitant la
défenderesse à répondre par écrit à deux questions et, d'autre part, d'ouvrir la
procédure orale.
- 23.
- Les parties, à l'exception du royaume des Pays-Bas, ont été entendues en leurs
plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du
5 mars 1998.
- 24.
- La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
constater l'illégalité du règlement n° 2688/95, en ce que son champ
d'application est limité aux seuls fonctionnaires des Communautés
européennes affectés au Parlement;
en conséquence, annuler la décision de l'AIPN de la partie défenderesse
portant rejet de sa demande l'invitant à inscrire son nom sur la liste des
personnes ayant manifesté leur intérêt pour bénéficier, à l'occasion de
l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, d'une mesure de
cessation définitive de leurs fonctions;
condamner la partie défenderesse aux dépens.
- 25.
- La défenderesse, le Conseil et le royaume des Pays-Bas concluent à ce qu'il plaise
au Tribunal:
rejeter le recours;
condamner la requérante à supporter ses propres dépens.
Sur la recevabilité
Sur la recevabilité de certains passages de la requête
- 26.
- La défenderesse estimant que les points 37 à 53 de la requête doivent être déclarés
irrecevables, dans la mesure où il y est pris position sur l'argumentation qu'elle
avait présentée, dans son mémoire en défense, sur la recevabilité du recours dans
l'affaire T-154/96, il suffit de constater, d'une part, que la requérante, qui avait,
conjointement avec les autres requérants, introduit le recours dans l'affaire
T-154/96 avant de s'en désister, pouvait légitimement prendre connaissance de ce
mémoire en défense, notifié antérieurement à son désistement et, d'autre part, que
la défenderesse a, dans son mémoire en défense dans la présente affaire, repris la
même argumentation et que la requérante a, dans son mémoire en réplique, repris
en substance la réfutation de celle-ci, déjà présentée dans sa requête. Le moyen
d'irrecevabilité doit donc être écarté.
Sur la recevabilité du recours en général
Arguments des parties
- 27.
- La défenderesse considère, sans soulever d'exception d'irrecevabilité formelle, que
le recours est irrecevable.
- 28.
- Elle rappelle qu'un recours ne peut porter que sur un acte faisant grief et que,
d'après une jurisprudence constante, seules les mesures produisant des effets
juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les
intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de
celui-ci, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un
recours en annulation (arrêt du Tribunal du 19 octobre 1995, Obst/Commission,
T-562/93, RecFP p. II-737, points 22 et 23).
- 29.
- La défenderesse estime que, en l'espèce, l'acte attaqué ne constitue ni une décision
au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, ni un acte faisant grief au sens des
articles 90, paragraphe 2, et 91 du statut.
- 30.
- Elle expose à cet égard, en premier lieu, que la demande de la requérante visait
la proposition initiale de la Commission, qui, dépourvue de force juridique, ne
pouvait pas servir de base légale à une décision de l'AIPN.
- 31.
- Elle relève, en second lieu, que, quelle que soit la base juridique de la demande de
la requérante, et donc même si elle était fondée sur le règlement n° 2688/95, elle
ne pourrait être considérée comme invitant l'AIPN à adopter une décision à son
égard au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut. La démarche de la
requérante ne constituerait qu'une manifestation d'intérêt. Or, il ressortirait tant
de l'article 3 de la proposition initiale que de l'article 3 du règlement n° 2688/95
que la manifestation d'intérêt du personnel concerné ne constitue qu'une démarche
préalable à la procédure aboutissant à une décision éventuelle de l'AIPN
d'appliquer une mesure de dégagement. La requérante, en se limitant dans sa
demande à manifester son intérêt et à inviter l'AIPN à faire figurer son nom sur
la liste des personnes ayant manifesté pareil intérêt, et parmi lesquelles l'AIPN doit
opérer son choix, admettrait que l'AIPN n'est pas tenue d'adopter une décision à
ce stade. La référence faite à une liste de personnes ayant manifesté leur intérêt
pour une mesure de dégagement serait d'abord fallacieuse, une telle liste n'existant
pas. Elle serait ensuite dépourvue de pertinence, dans la mesure où une telle liste
n'aurait en soi aucun effet juridique.
- 32.
- La défenderesse considère, en troisième lieu, que la réponse de l'AIPN à la
demande de la requérante ne constitue ni une décision ni, à plus forte raison, un
acte faisant grief. La simple constatation d'une manifestation d'intérêt pour un
éventuel choix de l'AIPN, à supposer même que celle-ci soit habilitée par le
règlement n° 2688/95 à y procéder, ne modifierait pas d'une façon caractérisée la
situation juridique de la requérante, et n'affecterait ni directement ni
immédiatement ses intérêts.
- 33.
- La défenderesse ajoute, en quatrième lieu, que la réponse de l'AIPN ne constitue
même pas un refus. Celle-ci informerait en effet l'intéressée que, dans le cas où le
Conseil serait disposé, dans l'avenir, à accepter la partie non adoptée de la
proposition initiale, sa manifestation d'intérêt «ne manquerait pas d'être prise en
considération».
- 34.
- Le Conseil partage l'analyse de la défenderesse sur l'irrecevabilité du recours,
considérant que l'acte attaqué ne fait pas grief à la requérante.
- 35.
- Le Conseil ajoute, dans cet ordre d'idées, que le fonctionnaire ne dispose pas d'un
droit au dégagement. Celui-ci constituerait un mécanisme prévu pour faciliter la
gestion du personnel par les institutions, le règlement n° 2688/95 disposant qu'il
devrait y être procédé «dans l'intérêt du service» et «pour tenir compte des
nécessités entraînées par l'adhésion». L'article 3 du règlement n° 2688/95 établirait
de surcroît clairement qu'il appartient à l'institution de choisir les fonctionnaires
auxquels la cessation définitive de fonctions peut être appliquée.
- 36.
- Le royaume des Pays-Bas doute également que la décision attaquée fasse grief,
c'est-à-dire entraîne une modification caractérisée de la situation juridique de la
requérante, et cela pour trois raisons.
- 37.
- Il souligne, en premier lieu, qu'aucun texte légal, et notamment pas le règlement
n° 2688/95, ne donne à la requérante le droit de saisir l'AIPN d'une demande visant
à ce que son nom soit inscrit sur la liste des personnes ayant manifesté leur intérêt
pour une mesure de dégagement. En effet, l'article 3 du règlement n° 2688/95,
auquel la requérante se réfère, concerne expressément le seul Parlement et non pas
la défenderesse.
- 38.
- Le royaume des Pays-Bas expose, en deuxième lieu, que, même si l'AIPN avait
accédé à la demande de la requérante, sa position juridique n'aurait toutefois pas
été modifiée dans la mesure où aucun texte ne permettait à la défenderesse
d'adopter la mesure de cessation définitive de fonctions sollicitée.
- 39.
- Le royaume des Pays-Bas relève, en troisième lieu, que, quand bien même le
règlement n° 2688/95 aurait conféré à la défenderesse le pouvoir d'appliquer à
certains de ses fonctionnaires une mesure de cessation définitive de fonctions, ce
qui ne serait visiblement pas le cas, la requérante n'aurait pas pour autant pu
prétendre bénéficier d'une telle mesure, et cela pour trois motifs.
- 40.
- Premièrement, la défenderesse n'aurait absolument pas l'obligation de faire usage
du pouvoir prévu par l'article 2 du règlement n° 2688/95. Si elle décide de ne pas
en faire application, elle n'est donc pas non plus tenue de donner au personnel
l'occasion de manifester son intérêt, conformément à l'article 3 du règlement
n° 2688/95.
- 41.
- Deuxièmement, si un fonctionnaire manifeste son intérêt, il n'est pas pour autant
décidé d'appliquer la mesure de cessation définitive de fonctions en général, ni de
l'appliquer à son égard. En effet, si l'article 3, troisième alinéa, du règlement
n° 2688/95 comporte l'obligation de donner au personnel l'occasion de manifester
son intérêt avant d'appliquer la mesure de cessation définitive de fonctions, l'article
2 du règlement n° 2688/95 limite le nombre de fonctionnaires à l'égard desquels
une telle mesure peut être prise, et l'article 3, deuxième alinéa, du règlement
n° 2688/95 indique les critères devant être pris en considération en cas de choix. Il
s'ensuivrait que tous les fonctionnaires ayant manifesté leur intérêt pour bénéficier
d'une telle mesure ne doivent pas nécessairement être choisis.
- 42.
- Troisièmement, la position juridique des fonctionnaires ayant manifesté leur intérêt
pour une cessation définitive de leurs fonctions ne différerait pas de celle de
fonctionnaires n'ayant pas manifesté un tel intérêt. En effet, le règlement
n° 2688/95 permettrait à l'AIPN d'appliquer une mesure de cessation définitive de
fonctions même à l'égard de fonctionnaires n'ayant pas manifesté leur intérêt pour
une telle mesure. Cette conclusion se dégagerait tout d'abord de l'article 3, premier
alinéa, du règlement n° 2688/95, qui impose d'opérer un choix en fonction de
l'intérêt du service. Elle résulterait également de l'article 3, troisième alinéa, du
règlement n° 2688/95, qui pose la condition selon laquelle, en tout état de cause,
la mesure de cessation définitive de fonctions ne peut pas être appliquée sans le
consentement de l'intéressé. Cette disposition serait superflue si le choix ne pouvait
être opéré qu'entre fonctionnaires qui ont manifesté leur intérêt pour se voirappliquer ces mesures. Cette conclusion découlerait de même des articles 1er et 2
du règlement n° 2688/95, qui définissent en termes généraux le pouvoir de décider
l'adoption de mesures de cessation définitive de fonctions sans renvoyer à une liste
de fonctionnaires ayant manifesté leur intérêt à cet égard. Elle se déduirait, enfin,
de l'article 3 du règlement n° 2688/95, qui n'exprimerait pas de préférence pour les
fonctionnaires ayant manifesté leur intérêt.
- 43.
- Le royaume des Pays-Bas expose, dans ce même ordre d'idées, en se référant à
l'ordonnance du Tribunal du 21 juin 1995, Vigel/Commission (T-370/94, RecFP
p. II-487), que, à supposer que le règlement n° 2688/95 doive aussi s'appliquer à
la défenderesse, celle-ci ne serait pas pour autant liée par une liste de cette nature.
- 44.
- Le royaume des Pays-Bas ajoute, par souci d'exhaustivité, que, dans la mesure où
la requérante a fondé son recours sur la proposition initiale, elle ne peut en tirer
aucun droit et l'AIPN aucune compétence.
- 45.
- La requérante considère que la décision portant rejet de sa demande visant à ce
que son nom soit inscrit sur la liste des personnes ayant manifesté leur intérêt pour
bénéficier d'une décision de cessation définitive de leurs fonctions, à l'occasion de
l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, lui fait grief.
- 46.
- Elle estime que l'argumentation de la défenderesse, selon laquelle l'AIPN n'était
pas en mesure d'adopter un acte faisant grief, en raison du fait que le règlement
n° 2688/95 ne lui était pas applicable, revient à nier purement et simplement toute
possibilité pour elle de faire constater judiciairement l'illégalité du règlement
contesté. Elle conduirait ainsi à un véritable déni de justice.
- 47.
- La requérante en conclut que pareille négation irait directement à l'encontre de la
jurisprudence de la Cour suivant laquelle la Communauté est une Communauté de
droit, en ce que ni ses États membres ni ses institutions n'échappent au contrôle
de la conformité de leurs actes au traité, qui prévoit un système complet de voies
de recours et de procédures destiné à confier à la juridiction communautaire le
contrôle de la légalité des actes des institutions (arrêt de la Cour du 23 avril 1986,
Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 23). Cette situation serait, d'autre
part, inacceptable au regard de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le droit
de toute personne à un procès équitable, consacré par l'article 6 de la convention
européenne des droits de l'homme, est reconnu dans l'ordre juridique
communautaire (arrêt de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651).
- 48.
- La requérante expose que c'est à la lumière de ces principes qu'il y a lieu
d'examiner l'argumentation de la défenderesse tirée de l'absence d'acte faisant
grief.
- 49.
- Elle estime que le fonctionnaire, à qui l'AIPN, en réponse à sa demande
d'inscription sur la liste prévue par le règlement n° 2688/95, fait savoir qu'il ne sera
pas, tant que la réglementation n'aura pas évolué, inscrit sur ladite liste et qu'il ne
pourra donc pas faire l'objet de la mesure de cessation de fonctions prévue par ce
règlement, voit sa situation directement, immédiatement et définitivement affectée.
Appréciation du Tribunal
- 50.
- Les arguments opposés par la défenderesse et les parties intervenantes à la
recevabilité du recours posent, en substance, la double question de savoir si la
requérante était en droit de présenter une demande à l'AIPN et si l'acte attaqué
lui faisait grief.
- 51.
- Le Tribunal estime qu'il convient, en premier lieu, de rejeter l'objection soulevée
par la défenderesse et le royaume des Pays-Bas, selon laquelle la requérante
n'était, en l'espèce, pas en droit de présenter une demande au sens de l'article 90,
paragraphe 1, du statut, dès lors que ni le règlement n° 2688/95, ni la proposition
initiale, ni aucun autre texte légal n'autorisaient l'AIPN à y faire droit. En effet,
l'article 90, paragraphe 1, du statut dispose sans restriction que toute personne
visée au statut peut saisir l'AIPN d'une demande l'invitant à prendre à son égard
une décision. L'exercice de ce droit n'est ni soumis à la condition de l'existence
d'une base légale permettant à l'administration d'adopter la décision sollicitée, ni
entravé par la circonstance que l'administration ne dispose d'aucune marge
d'appréciation pour l'adopter (voir implicitement en ce sens l'arrêt de la Cour du
16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005, points 2 à 4).
- 52.
- L'argument selon lequel la requérante n'était pas en droit de présenter une
demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, portant manifestation de
son intérêt en vue d'un éventuel dégagement, n'est donc pas fondé.
- 53.
- Le Tribunal rappelle, en deuxième lieu, que seuls les actes affectant directement
et immédiatement la situation juridique des intéressés sont susceptibles de faire
l'objet d'un recours en annulation (arrêt de la Cour du 21 janvier 1987,
Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 6, et arrêt du Tribunal du 29
janvier 1998, Affatato/Commission, T-157/96, RecFP p. II-97, point 21).
- 54.
- En l'espèce, l'acte attaqué est la réponse de l'AIPN à la demande déposée par la
requérante, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, invitant l'AIPN à
inscrire son nom sur la liste des personnes ayant manifesté leur intérêt pour faire
l'objet d'une mesure de cessation définitive de fonctions.
- 55.
- En vertu de l'article 3 du règlement n° 2688/95, la manifestation d'intérêt d'un
fonctionnaire oblige l'AIPN à décider s'il y a lieu de la recevoir et, partant, s'il y
a lieu d'admettre sa participation à la procédure désignant les fonctionnaires à
dégager, sans préjudice de la décision définitive concernant le dégagement effectif
du fonctionnaire auteur de la manifestation d'intérêt. La désignation des
fonctionnaires retenus est soumise par cette disposition à la double condition que
la commission paritaire ait au préalable été consultée et que le choix soit opéré en
fonction de l'intérêt du service lié à l'élargissement, en fonction des critères de
l'âge, la compétence, le rendement, la conduite dans le service, la situation de
famille et l'ancienneté devant, à cet égard, être pris en considération.
- 56.
- En l'espèce, l'AIPN a, dans sa décision, dont le libellé est reproduit ci-dessus au
point 12, constaté que la manifestation d'intérêt de la requérante ne pouvait pas
être prise en considération, le règlement n° 2688/95 ne lui étant pas applicable.
- 57.
- Cette décision, motivée par le fait que le règlement n° 2688/95 ne confère pas à la
requérante vocation au bénéfice de la mesure sollicitée, refuse ainsi de façon
définitive de prendre en considération la demande de celle-ci. Eu égard à cette
motivation, la requérante ne peut donc plus prétendre bénéficier de la mesure en
question, que ce soit par sa participation à une autre procédure ou par toute autre
voie. Par ailleurs, la défenderesse n'a pris aucune décision finale postérieure à la
décision de rejet de la demande de la requérante, que celle-ci pourrait attaquer.
Dans cette mesure, la décision affecte directement et immédiatement la situation
juridique de la requérante et lui fait, partant, grief (voir, en ce sens, l'arrêt du
Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T-82/89, Rec. p. II-735, points
49 et 52).
- 58.
- Différentes objections ont été élevées contre cette conclusion.
- 59.
- En premier lieu, la défenderesse objecte que la demande, en ce qu'elle constitue
la manifestation de l'intérêt de la requérante au dégagement, ne l'oblige pas à
adopter une décision. Le Tribunal rappelle, toutefois, que, comme il a été constaté
ci-dessus au point 55, la demande a obligé l'AIPN à décider s'il y avait lieu ou non
de recevoir la manifestation d'intérêt de la requérante et d'admettre sa
participation à la procédure désignant les fonctionnaires à dégager. Cette première
objection n'est donc pas fondée.
- 60.
- En second lieu, la défenderesse objecte que la référence faite par la demande à
une liste de candidats est fallacieuse et dépourvue de pertinence. Le Tribunal
relève, toutefois, que l'article 3, premier alinéa, du règlement n° 2688/95 oblige
l'AIPN, comme il a été exposé ci-dessus au point 55, à fournir au personnel de
l'institution l'occasion de manifester son intérêt au dégagement. Or, la requérante
pouvait raisonnablement qualifier la réunion par l'AIPN des manifestations
d'intérêt de «liste» et leur prise en considération d'inscription sur cette liste. Il a,
par ailleurs, été exposé, ci-dessus au point 57, que le refus de prise en
considération de la manifestation d'intérêt au dégagement, et donc le refus
d'inscription sur la liste du fonctionnaire intéressé, motivé par le fait que, la
législation applicable ne s'étendant pas au demandeur, ce dernier ne peut pas
bénéficier de cette mesure, produit un effet juridique dans la mesure où il écarte
certainement et définitivement le demandeur qui en fait l'objet de la procédure de
désignation des fonctionnaires dégagés. Cette deuxième objection n'est donc pas
fondée.
- 61.
- En troisième lieu, la défenderesse objecte que la réponse de l'AIPN ne constitue
pas un refus, dans la mesure où elle exprime la volonté de celle-ci de tenir compte
de la manifestation d'intérêt dans l'hypothèse où le Conseil adopterait finalement
la proposition initiale. Le Tribunal constate, toutefois, que cette critique méconnaît
que les assurances ainsi fournies par l'AIPN n'empêchent pas le refus exprimé dans
la décision de produire actuellement et immédiatement ses effets. Cette troisième
objection n'est donc pas fondée.
- 62.
- En quatrième lieu, le Conseil objecte que l'acte attaqué ne fait pas grief, dès lors
que le dégagement est un mécanisme prévu pour faciliter la gestion du personnel
des institutions et ne constitue pas un droit du fonctionnaire. Le Tribunal constate,
toutefois, que la circonstance selon laquelle les instruments de gestion du
personnel, tels le recrutement, la mise en disponibilité ou le dégagement, sont
institués en vue de servir l'intérêt du service ne fait pas obstacle à ce que leur mise
en oeuvre fasse grief aux personnes à qui ils s'appliquent ou se s'appliquent pas,
leur conférant ainsi un droit à une protection juridictionnelle. Cette quatrième
objection n'est donc pas fondée.
- 63.
- En cinquième lieu, le royaume des Pays-Bas objecte que, si l'AIPN avait accédé à
sa demande, la situation juridique de la requérante n'aurait pas pour autant été
modifiée, dans la mesure où aucun texte ne permettait à l'AIPN d'adopter une
mesure de dégagement. Le Tribunal relève, toutefois, que la demande a été refusée
par l'AIPN au motif que le règlement n° 2688/95 ne s'applique pas à la requérante.
Le recours dirigé contre ce refus vise à établir l'illégalité dont le règlement
n° 2688/95 serait entaché, à raison de son champ d'application. Or, ce refus, objet
du recours, et auquel l'AIPN était contrainte eu égard à la teneur du règlement
n° 2688/95, fait grief à la requérante comme il a été exposé ci-dessus au point 57.
Cette cinquième objection n'est donc pas fondée.
- 64.
- En sixième lieu, la défenderesse objecte que la constatation d'une manifestation
d'intérêt ne constitue pas un acte faisant grief. Dans ce même ordre d'idées, le
royaume des Pays-Bas objecte que, même si le règlement n° 2688/95 avait conféré
à la défenderesse le pouvoir d'appliquer à l'égard de ses fonctionnaires une mesure
de dégagement, la requérante n'aurait pas pour autant pu prétendre bénéficierd'une telle mesure. Premièrement, le royaume des Pays-Bas expose, à cet égard,
que la défenderesse n'est, dans cette hypothèse, pas obligée de faire usage de son
droit de prendre des mesures de dégagement et, partant, qu'elle n'est pas tenue de
donner à son personnel l'occasion de manifester son intérêt pour de telles mesures
conformément à l'article 3 du règlement n° 2688/95 et de la proposition initiale .
Deuxièmement, tous les fonctionnaires qui ont manifesté leur intérêt et qui sont
repris sur la liste ne feraient pas nécessairement l'objet d'un dégagement, dès lors
que le nombre des fonctionnaires pouvant en profiter est limité et que leur
désignation doit respecter certains critères. Troisièmement, la position juridique des
fonctionnaires ayant manifesté leur intérêt pour un dégagement ne différerait pas
de celle des fonctionnaires n'ayant pas manifesté un tel intérêt, dans la mesure où
le règlement n° 2688/95 permet d'appliquer le dégagement à des fonctionnaires
n'ayant pas manifesté leur intérêt. Quatrièmement, l'AIPN ne serait de toute façon
pas liée par une telle liste .
- 65.
- Sans qu'il soit besoin de trancher la question de savoir s'il est possible ou non
d'appliquer la procédure de dégagement à des fonctionnaires n'ayant pas manifesté
leur intérêt ou contre leur volonté, il y a lieu de constater que les quatre arguments
avancés à l'appui de cette sixième objection méconnaissent que, si la prise en
considération de la manifestation d'intérêt au dégagement, et, partant, l'inscription
sur la liste des personnes intéressées par une telle mesure, ne constitue qu'un acte
préparatoire qui ne préjuge pas définitivement de l'attribution du bénéfice de cette
mesure, le refus de prise en considération, motivé, comme en l'espèce, par le fait
que la législation applicable ne confère pas au demandeur vocation à en bénéficier,
prive ce dernier, en l'état de cette législation, d'une façon certaine et définitive du
bénéfice de cette mesure et lui fait donc grief.
- 66.
- La présente espèce se distingue donc de celle ayant donné lieu à l'ordonnance
Vigel/Commission, citée au point 43 ci-dessus, invoquée par le royaume des Pays-Bas. En effet, celle-ci concernait un recours dirigé contre un refus d'inscrire un
fonctionnaire sur la liste des membres du personnel susceptible d'être pris en
considération pour une promotion, qui a été déclaré irrecevable par le Tribunal au
motif que le fait pour un fonctionnaire de ne pas figurer sur cette liste ne liait pas
l'AIPN et, partant, n'empêchait pas le fonctionnaire de bénéficier, nonobstant ce
refus, d'une promotion. En revanche, dans la présente espèce, le refus de l'AIPN
de prendre en considération la manifestation d'intérêt de la requérante au
dégagement, motivé par le fait que le règlement n° 2688/95 ne lui est pas
applicable, l'exclut d'une façon certaine et, en l'état de cette législation, définitive
du bénéfice d'un éventuel dégagement.
- 67.
- Il s'ensuit que le recours est recevable.
Sur le fond
- 68.
- La requérante soulève une exception d'illégalité contre le règlement n° 2688/95,
dont la défenderesse et les parties intervenantes contestent la recevabilité.
Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité
Arguments des parties
- 69.
- La défenderesse soutient que le recours, dont le seul et véritable but serait de
contester la validité du règlement n° 2688/95, constitue un abus de procédure. La
demande serait un artifice destiné à provoquer l'adoption d'un acte qui puisse
servir de base pour attaquer le règlement n° 2688/95. Or, la simple introduction
d'une réclamation en vertu de l'article 90 du statut ne suffirait pas pour créer une
voie de recours contre un acte de nature réglementaire (arrêts de la Cour du 16
juillet 1981, Bowden e.a./Commission, 153/79, Rec. p. 2111, et Biller e.a./Parlement,
154/79, Rec. p. 2125, ordonnance de la Cour du 10 novembre 1981, Amesz
e.a./Commission et Conseil, 532/79, 534/79, 567/79, 600/79, 618/79 et 660/79, Rec.
p. 2569, arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Birke/Commission et Conseil,
543/79, Rec. p. 2669, et Bruckner/Commission et Conseil, 799/79, Rec. p. 2697). Les
fonctionnaires devraient s'en tenir aux voies de recours prévues par l'article 179 du
traité et l'article 91 du statut. Or, dans le cadre d'un recours introduit en vertu
desdites dispositions, le Tribunal ne serait compétent que pour contrôler la légalité
d'un acte faisant grief au requérant et ne saurait, en l'absence d'une mesure
d'application particulière, se prononcer dans l'abstrait sur la légalité d'une norme
de caractère général (arrêts du Tribunal du 12 juillet 1991, Pincherle/Commission,
T-110/89, Rec. p. II-635, point 30, du 25 février 1992, Barassi/Commission, T-41/90,
Rec. p. II-159, point 38, et Bertelli/Commission, T-42/90, Rec. p. II-181, point 38,
du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, points
43 et 52, et du 24 novembre 1993, Cordier/Commission, T-13/93, Rec. p. II-1215,
point 54). Un fonctionnaire ne serait pas habilité à agir dans l'intérêt de la loi ou
des institutions et ne pourrait faire valoir, à l'appui d'un recours, que des griefs qui
lui sont personnels (arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Sebastiani/Parlement,
T-163/89, Rec. p. II-715, point 24).
- 70.
- La défenderesse estime que l'application de ces règles ne peut conduire à un déni
de justice. En effet, elles feraient partie de l'ordonnancement normal des voies de
recours dans le système juridique communautaire. D'une part, elles permettraient
de respecter les pouvoirs qui sont reconnus au législateur. D'autre part, elles
serviraient à restreindre le droit d'ester en justice à des litiges réels, en excluant les
litiges factices. Les conditions dont est assortie la recevabilité des recours de
fonctionnaires seraient légitimes et nécessaires pour assurer la bonne administration
de la justice.
- 71.
- La défenderesse «ne prend pas partie quant à la validité [du règlement] et sur
cette question s'en remet à la sagesse du Tribunal».
- 72.
- Elle expose que, dans l'attente de la décision du Tribunal, le règlement n° 2688/95
bénéficie d'une présomption de validité. En effet, par principe et selon une
jurisprudence constante, tout règlement entré en vigueur conformément au traité
devrait être présumé valide tant qu'une juridiction communautaire n'a pas constaté
son invalidité, et tous les sujets du droit communautaire auraient l'obligation de
reconnaître la pleine efficacité des règlements tant que leur illégalité n'a pas été
établie par une juridiction compétente (arrêts de la Cour du 13 février 1979,
Granaria, 101/78, Rec. p. 623, et du 28 février 1989, Cargill, 201/87, Rec. p. 489,
p. 509).
- 73.
- La défenderesse en déduit qu'elle était tenue de respecter les termes de ce
règlement, ce que la requérante, qui ne lui reprocherait aucun comportement
irrégulier, n'aurait pas contesté. Dans ces conditions, elle aurait agi en complète
légalité et le recours ne serait pas fondé.
- 74.
- La défenderesse estime que le Tribunal est incompétent pour connaître d'un
recours dont les conclusions tendent non pas à contester la légalité d'un acte faisant
grief émanant de l'AIPN, mais à provoquer la condamnation de la défenderesse à
faire usage des compétences qu'elle détient en qualité d'institution au titre,
notamment, de l'article 175, premier alinéa, du traité (arrêt du Tribunal du 17
octobre 1990, Hettrich e.a./Commission, T-134/89, Rec. p. II-565, points 22 et 23).
- 75.
- Le Conseil expose que le recours méconnaît les voies de recours instituées par le
traité, en ce qu'il procède à une utilisation détournée et abusive au droit de
l'exception d'illégalité. En effet, en l'espèce, l'exception d'illégalité n'aurait rien
d'incident. Au contraire, elle serait le moyen unique du recours et l'objet principal
de ce dernier. La possibilité d'invoquer l'illégalité d'un règlement de manière
incidente ne pourrait rendre légitime un recours dont l'objet principal vise la
déclaration d'illégalité. Cette thèse aurait été accueillie par la jurisprudence (arrêt
de la Cour du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, Rec. p. 2141,
points 14 à 17, et du 11 juillet 1985, Salerno e.a./Commission et Conseil, 87/77,
130/77, 22/83, 9/84 et 10/84, Rec. p. 2523, point 36). Le traité offrirait pourtant des
moyens de recours appropriés lorsque le Conseil, en violation du traité, s'abstient
de statuer sur un acte qu'il aurait dû prendre.
- 76.
- Le Conseil est, par ailleurs, d'avis que le recours est manifestement prématuré. En
effet, le Conseil serait toujours saisi de la partie de la proposition initiale de la
Commission visant à autoriser le dégagement pour le Conseil, la Commission, la
défenderesse, la Cour des comptes et le Comité économique et social. La
requérante serait parfaitement consciente de ce fait. Elle aurait soulevé l'illégalité
du règlement n° 2688/95 parce qu'un deuxième règlement n'a pas encore été
adopté.
- 77.
- Le royaume des Pays-Bas relève que la possibilité conférée par l'article 184 du
traité d'invoquer l'inapplicabilité d'un règlement ne constitue pas un droit d'action
autonome et qu'elle ne peut être utilisée que de manière incidente, et non pas en
l'absence d'un droit de recours principal (arrêt Albini/Conseil et Commission, cité
au point 75 ci-dessus, et ordonnance de la Cour du 28 juin 1993, Donatab
e.a./Commission, C-64/93, Rec. p. I-3595, point 19). L'exception d'illégalité ne serait
recevable que si le recours direct dans le cadre duquel l'exception est soulevée était
lui-même recevable. Tel ne serait pas le cas en l'espèce.
- 78.
- La requérante expose qu'elle s'est vue confrontée à un règlement qui lui paraissait
être illégal. Or, cette illégalité se présenterait sous un jour très particulier en ce
sens qu'elle ne réside pas dans le fait que le règlement n° 2688/95 a édicté des
dispositions qui lui étaient applicables, mais dans le fait qu'il l'a exclue de son
champ d'application.
- 79.
- La requérante expose que, dans cette situation, lui était fermée à la fois le recours
en manquement, le renvoi préjudiciel, le recours en annulation au titre de l'article
173 du traité, le recours en carence et le recours en responsabilité au titre de
l'article 178 du traité. Ce dernier, outre qu'il aurait été déclaré irrecevable, n'aurait
pas été de nature à effacer l'illégalité dont la requérante estime subir les
conséquences.
- 80.
- La requérante en conclut que la seule voie contentieuse qui lui restait était le
recours prévu par les articles 179 du traité et 90 et 91 du statut. N'étant, par
ailleurs, pas en mesure, dans le cadre du recours de l'article 179 du traité,
d'intenter un recours en annulation du règlement contesté (ordonnance du Tribunal
du 24 mars 1993, Benzler/Commission, T-72/92, Rec. p. II-347, point 20), elle ne
pouvait, pour lier le contentieux, qu'emprunter la voie ouverte par une demande
au titre de l'article 90 du statut (ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991,
Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, point 46) contre le rejet de laquelle
elle a introduit une réclamation puis un recours excipant de l'illégalité du règlement
n° 2688/95.
- 81.
- La requérante estime qu'elle est en droit de contester par voie incidente la validité
du règlement n° 2688/95, en ce qu'il limite son champ d'application aux seuls
fonctionnaires du Parlement. Elle rappelle à ce sujet la jurisprudence constante
selon laquelle l'exception d'illégalité prévue à l'article 184 du traité constitue
l'expression d'un principe général assurant à toute partie le droit de contester par
voie incidente, en vue d'obtenir l'annulation d'une décision qui lui est adressée, la
validité de l'acte réglementaire qui forme la base juridique de celle-ci (arrêts de la
Cour du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, Rec. p. 195, point 6, et
Salerno e.a./Commission et Conseil, cité au point 75 ci-dessus, point 36; arrêts du
Tribunal Reinarz/Commission, cité au point 69 ci-dessus, point 56, et du 27 octobre
1994, Chavane de Dalmassy e.a./Commission, T-64/92, RecFP p. II-723, point 41).
- 82.
- La requérante ajoute que son moyen tiré de l'illégalité du règlement n° 2688/95 est
recevable dans la mesure où il est soulevé, par voie incidente, dans le cadre d'une
action ayant pour objet de soumettre à la censure du Tribunal une décision de
l'AIPN modifiant sa situation juridique. Elle rejette donc l'argument du Conseil
suivant lequel son exception d'illégalité constituerait l'objet principal du recours. En
effet, l'objet de son recours serait l'annulation de la décision individuelle attaquée,
qui lui ferait grief.
Appréciation du Tribunal
- 83.
- L'exception d'illégalité prévue à l'article 184 du traité constitue l'expression d'un
principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en
vue d'obtenir l'annulation d'une décision qui lui est adressée, la validité de l'acte
réglementaire qui forme la base juridique directe de celle-ci (voir les arrêts
Andersen e.a./Parlement, cité au point 81 ci-dessus, point 6, Salerno
e.a./Commission et Conseil, cité au point 75 ci-dessus, point 36,
Reinarz/Commission, cité au point 69 ci-dessus, point 56, Chavane de Dalmassy
e.a./Commission, cité au point 81 ci-dessus, point 41, et l'arrêt du Tribunal du 6 juin
1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. II-739, point 32), ainsi que, plus
largement, celle de toute disposition réglementaire pertinente, dans le cas d'espèce,
pour l'adoption de cette décision (arrêt du Tribunal du 4 mars 1998, De
Abreu/Cour de justice, T-146/96, RecFP p. II-281, point 27).
- 84.
- En l'espèce, la décision attaquée est fondée sur la circonstance selon laquelle le
règlement n° 2688/95, contrairement à la proposition initiale, ne s'applique qu'aux
fonctionnaires du Parlement et donc implicitement, mais nécessairement, n'étend
pas son domaine aux fonctionnaires des autres institutions communautaires, dont
la défenderesse. Elle se fonde donc sur une exclusion implicite par le règlement
n° 2688/95 d'une catégorie déterminée de personnes. L'illégalité de l'acte
réglementaire susceptible d'être invoquée au soutien de l'exception peut résulter
de l'exclusion d'une catégorie déterminée de personnes de son champ d'application
(voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996,
Altmann e.a./Commission, T-177/94 et T-377/94, Rec. p. II-2041, points 5 et 141).
Il s'ensuit que l'exception d'illégalité, dirigée contre le règlement n° 2688/95 dans
la mesure où il opère cette exclusion, relève du domaine de l'article 184 du traité.
- 85.
- Cette constatation n'est pas infirmée par les arguments que la partie défenderesse
et les parties intervenantes opposent en l'espèce à la recevabilité de l'exception
d'illégalité et qui se regroupent, en substance, autour de trois considérations. En
premier lieu, elle serait prématurée, en second lieu, elle n'aurait été présentée
qu'au prix d'un abus de procédure et, en troisième lieu, l'AIPN n'aurait pas eu
d'autre choix que d'appliquer le règlement n° 2688/95 et, partant, de rejeter les
demandes.
- 86.
- Le Tribunal rappelle, en premier lieu, que le Conseil soutient que l'exception
d'illégalité est manifestement prématurée dans la mesure où il est toujours saisi de
la partie de la proposition initiale visant à autoriser les institutions autres que le
Parlement, dont la partie défenderesse, à arrêter des mesures de dégagement en
faveur de leurs fonctionnaires.
- 87.
- Le Tribunal relève à cet égard, d'une part, que, à la date de l'audience, soit le 5
mars 1998 et donc presque deux ans et demi après l'adoption du règlement
n° 2688/95, la partie de la proposition initiale visant à autoriser les institutions
autres que le Parlement à arrêter des mesures de dégagement n'a pas été adoptée.
Or, la proposition initiale, à l'instar du règlement n° 2688/95, échelonnait
l'autorisation accordée aux institutions de procéder au dégagement sur cinq
périodes annuelles successives fixées entre le 1er juillet 1995 et le 30 juin 2000. Il
s'ensuit que, au moment de l'introduction du recours, soit le 20 janvier 1997, la
proposition initiale était déjà caduque en ce qui concerne les mesures de
dégagement prévues pour la période du 1er juillet 1995 au 30 juin 1996.
Entre-temps, elle l'est devenue aussi pour celles prévues pour la période du 1er
juillet 1996 au 30 juin 1997 et du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998. La perte de la
chance de pouvoir bénéficier du dégagement au même titre que les fonctionnaires
du Parlement est donc devenue définitive en ce qui concerne ces périodes pour les
fonctionnaires de la défenderesse qui remplissaient déjà, au cours de celles-ci, la
double condition d'être âgé de 55 ans et de totaliser au moins dix ans de service.
- 88.
- D'autre part, et surtout, les illégalités alléguées dont le règlement n° 2688/95 serait
entaché, à savoir la violation du principe de l'unicité de la fonction publique
communautaire, du principe d'égalité de traitement, des obligations de consultation
et de motivation et l'existence d'un détournement de pouvoir, à les supposer
fondées, procèdent de l'adoption même du règlement n° 2688/95. Elles trouvent en
effet leur source dans l'adoption du règlement n° 2688/95 qui, s'écartant de la
proposition initiale, dont le domaine s'étendait à toutes les institutions, ne
s'applique qu'au seul Parlement.
- 89.
- Il s'ensuit que l'exception d'illégalité n'a pas été soulevée prématurément.
- 90.
- Le Tribunal rappelle, en deuxième lieu, que la défenderesse , le Conseil et le
royaume des Pays-Bas soutiennent que le véritable but du recours est de contester
la validité du règlement n° 2688/95, la demande ne constituant qu'un artifice abusif
destiné à provoquer l'adoption d'un acte pouvant servir de base pour attaquer ce
règlement.
- 91.
- Ils soulignent, premièrement, que l'introduction d'une réclamation en vertu de
l'article 90 du statut ne suffit pas pour créer une voie de recours contre un acte
réglementaire. Le Tribunal constate, toutefois, que les arrêts cités à l'appui de cette
thèse (arrêts Bowden e.a./Commission, Biller e.a./Parlement, ordonnance Amesz
e.a./Commission et Conseil, arrêts Birke/Commission, et Bruckner/Commission et
Conseil, cités au point 69 ci-dessus) concernaient des espèces dans lesquelles les
requérants avaient estimé qu'un règlement pouvait lui-même être considéré comme
étant un acte faisant grief et avaient, partant, directement introduit une réclamation
à son encontre, puis, contre le rejet de celle-ci, un recours. Ils n'avaient donc,
contrairement au cas d'espèce, pas demandé à l'AIPN l'application de ce règlement
au moyen d'une demande fondée sur l'article 90, paragraphe 1, du statut, donnant
lieu à un rejet, lui-même suivi d'un recours dans le cadre duquel l'illégalité du
règlement avait été soulevée. La jurisprudence invoquée n'est donc pas pertinente
dans le présent cas d'espèce, dans lequel l'AIPN a adopté une décision faisant grief
à la requérante. Cette première objection n'est donc pas fondée.
- 92.
- Ils estiment, deuxièmement, que le Tribunal ne saurait se prononcer, dans l'abstrait,
sur la légalité d'une norme de caractère général, en l'absence d'une application
particulière. Le Tribunal relève, toutefois, que les arrêts cités à l'appui de cette
thèse (arrêts Pincherle/Commission, point 30, Barassi/Commission, point 38,
Bertelli/Commission, point 38, Reinarz/Commission, points 43, 52, et
Cordier/Commission, point 54, cités au point 69 ci-dessus) concernaient des espèces
dans lesquelles le requérant critiquait, au moyen d'une exception d'illégalité, des
dispositions réglementaires qui ne constituaient pas la base juridique de la décision
dont l'annulation était poursuivie. Or, dans le présent cas d'espèce, ainsi qu'il a été
constaté ci-dessus au point 84, la décision attaquée, à savoir le refus de tenir
compte de la manifestation d'intérêt de la requérante au dégagement, est fondée
sur le règlement n° 2688/95, en ce qu'il exclut implicitement mais nécessairement
de son champ d'application les fonctionnaires en poste auprès de la défenderesse.
Cette deuxième objection n'est donc pas fondée.
- 93.
- Ils considèrent, troisièmement, qu'un fonctionnaire n'est pas habilité à agir dans
l'intérêt de la loi ou des institutions et qu'il ne peut faire valoir à l'appui de son
recours que des griefs qui lui sont personnels. Le Tribunal relève, toutefois, que
l'arrêt cité à l'appui de cette thèse (arrêt Sebastiani/Parlement, cité au point 69 ci-dessus, point 24) concernait le cas de figure dans lequel un requérant critiquait, au-delà de son cas particulier, la politique générale du personnel menée par
l'administration et invoquait donc des griefs qui ne lui étaient pas personnels. Or,
dans la présente espèce, les griefs avancés par la requérante contre le règlement
n° 2688/95 concernent bien son cas personnel puisqu'ils dénoncent la circonstance
selon laquelle ce règlement n'est susceptible de s'appliquer qu'aux seuls
fonctionnaires du Parlement, à l'exclusion de ceux de l'institution dont elle relève.
Cette troisième objection n'est donc pas fondée.
- 94.
- Ils font valoir, quatrièmement, que l'exception d'illégalité ne constitue pas un droit
d'action autonome et qu'elle ne peut être soulevée que de manière incidente. Le
Tribunal constate, toutefois, que les arrêts cités à l'appui de cette thèse (arrêts
Albini/Conseil et Commission, Salerno e.a./Conseil et Commission, cités au point
75 ci-dessus, et ordonnance Donatab e.a./Commission, citée au point 77 ci-dessus)
concernaient le cas de figure dans lequel le requérant cherchait exclusivement, en
l'absence de toute demande d'annulation d'un acte d'application, à obtenir une
déclaration d'invalidité d'un règlement, ou encore l'hypothèse dans laquelle le
recours en annulation dirigé contre un acte d'application a été déclaré irrecevable,
entraînant l'irrecevabilité de l'exception d'illégalité (ordonnance Donatab
e.a./Commission, citée au point 77 ci-dessus). Or, dans la présente espèce,
l'exception d'illégalité, dirigée contre le règlement n° 2688/95, a été soulevée de
façon incidente dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre une décision
individuelle de l'AIPN invitée à se prononcer sur l'applicabilité de ce règlement,
ce recours étant lui-même recevable, comme il a été constaté ci-dessus aux points
50 à 67.
- 95.
- Il résulte, par ailleurs, d'une jurisprudence constante qu'un fonctionnaire peut, dans
le cadre de la voie de recours instituée par l'article 179 du traité et l'article 91 du
statut et dans le cas d'un acte de caractère général destiné à être mis en oeuvre au
moyen d'une série de décisions individuelles, invoquer l'illégalité de cet acte pour
attaquer la décision individuelle qui le concerne (voir arrêts de la Cour du 18 mars
1975, Acton e.a./Commission, 44/74, 46/74 et 49/74, Rec. p. 383, point 7, et du 10
décembre 1987, Del Plato e.a./Commission, 181/86, 182/86, 183/86 et 184/86, Rec.
p. 4991, point 9; arrêts du Tribunal Baiwir/Commission, cité au point 83 ci-dessus,
point 33, et du 29 janvier 1997, Vanderhaeghen/Commission, T-297/94, RecFP
p. II-13, point 23).
- 96.
- Or, dans le présent cas d'espèce, la requérante a invoqué l'illégalité du règlement
n° 2688/95 dans le cadre d'un recours introduit, sur le fondement de l'article 179
du traité et de l'article 91 du statut, contre la décision individuelle la concernant et
aux termes de laquelle ledit règlement n'était pas applicable.
- 97.
- Il s'ensuit que l'exception d'illégalité n'a pas été soulevée d'une façon abusive.
- 98.
- Le Tribunal rappelle, en troisième lieu, que la partie défenderesse considère que,
comme le règlement n° 2688/95 bénéficie d'une présomption de validité et qu'elle
est tenue de l'appliquer, elle a agi en complète légalité et que le recours n'est donc
pas fondé.
- 99.
- Le Tribunal rappelle que le principe de légalité implique qu'un acte légalement
adopté par les institutions communautaires reste légal et valable tant qu'il n'a pas
été abrogé par un acte ultérieur ou déclaré invalide par une juridictioncommunautaire (arrêt Granaria, cité au point 72 ci-dessus, point 5). Il s'ensuit que,
en l'espèce et à supposer même que le règlement n° 2688/95 soit effectivement
illégal en ce qu'il ne s'applique qu'au seul Parlement, la défenderesse n'avait
légalement pas d'autre choix que de rejeter la demande. Le fait que l'AIPN était
légalement tenue d'appliquer le règlement n° 2688/95 ne fait toutefois pas obstacle
au droit de la requérante, tiré de l'article 184 du traité, de saisir la juridiction
communautaire d'une contestation tendant à voir ce règlement déclaré inapplicable
(arrêts du Tribunal du 27 octobre 1994, Benzler/Commission, T-536/93, RecFP
p. II-777, points 40 et 41, et Altmann e.a./Commission, cité au point 84 ci-dessus,
point 123).
- 100.
- Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité soulevée en l'espèce et
dirigée contre l'exclusion implicite des fonctionnaires en poste auprès de la
défenderesse du domaine d'application du règlement n° 2688/95 doit être déclarée
recevable.
- 101.
- Par conséquent, il convient de procéder à l'examen du bien-fondé de cette
exception.
Sur le bien-fondé de l'exception d'illégalité
- 102.
- A l'appui de son exception d'illégalité, la requérante invoque trois moyens
principaux, tirés, en premier lieu, de l'incompétence et de la violation du principe
d'égalité de traitement, en deuxième lieu, de la violation des formes substantielles
et, en troisième lieu, d'un détournement de pouvoir.
- 103.
- Le Tribunal estime opportun d'examiner en premier lieu le moyen tiré de la
violation du principe d'égalité de traitement.
Sur la violation du principe d'égalité de traitement
Arguments des parties
- 104.
- La requérante estime que l'application du règlement n° 2688/95 aux seuls
fonctionnaires du Parlement constitue une violation du principe fondamental
d'égalité de traitement et de non-discrimination. Ce principe, s'il ne fait pas
obstacle à certaines distinctions entre des cadres ou des catégories de
fonctionnaires, qui pourraient être régis par des règles qui leur sont propres,
s'opposerait, en revanche, à toute règle particulière applicable aux fonctionnaires
ou agents en fonction de leur seule affectation à l'une ou l'autre des institutions
communautaires.
- 105.
- Elle soutient, à cet égard, que l'application du règlement n° 2688/95 revient à
traiter différemment des fonctionnaires qui se trouvent pourtant dans des situations
identiques.
- 106.
- Elle en conclut que l'illégalité du règlement n° 2688/95 doit entraîner celle de la
décision portant rejet de sa demande.
- 107.
- Le Conseil conteste que le règlement n° 2688/95 viole le principe d'égalité de
traitement.
- 108.
- Il expose que, lors des travaux préparatoires à l'adoption du règlement n° 2688/95,
il est apparu que le Parlement était objectivement placé dans une situation
différente des autres institutions et organismes, qui justifiait que les mesures de
cessation définitive de fonctions pour ses fonctionnaires soient traitées en priorité
par le Conseil.
- 109.
- Il précise, dans cet ordre d'idées, que le Parlement a été la seule institution à avoir
demandé le bénéfice de mesures de dégagement, bien avant que la Commission ne
présente sa proposition initiale. En outre, le Parlement n'aurait pas prévu de
nouveaux postes, en 1996, au titre de l'élargissement. Enfin, dès la réception de la
proposition initiale de la Commission par le Conseil, des doutes auraient été
exprimés quant à la nécessité réelle de mesures de dégagement pour atteindre
l'objectif d'assurer un recrutement adéquat de ressortissants des nouveaux États
membres, au vu notamment des coûts budgétaires très importants qui en
résulteraient. Dans ce contexte, la Commission aurait été invitée à justifier de
manière détaillée le nombre de dégagements proposés pour chaque institution. A
la suite de cette invitation, les institutions concernées auraient fourni des indications
sur leurs besoins. Or, ces indications n'auraient pas infirmé l'opinion majoritaire du
Conseil suivant laquelle seul le Parlement était dans une situation particulière
justifiant que les mesures le concernant soient traitées en priorité.
- 110.
- Le royaume des Pays-Bas soutient pleinement la position que le Conseil a exposée
dans son mémoire en intervention, tout en ajoutant que le règlement n° 2688/95
n'opère en aucune manière une discrimination entre fonctionnaires.
- 111.
- Le royaume des Pays-Bas considère, en outre, que la circonstance selon laquelle
la défenderesse n'a eu aucune objection à formuler contre un règlement ayant un
champ d'application plus large est dénuée de pertinence. En effet, aux termes de
l'article 24 du traité de fusion, il appartiendrait au Conseil d'arrêter à la majorité
qualifiée des règlements de cet ordre sur proposition de la Commission. Le Conseil
disposerait à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation. L'avis d'une autre
institution ne pourrait pas se substituer à celui du Conseil.
Appréciation du Tribunal
- 112.
- Le Tribunal relève que, en cas d'élargissement de l'Union, ou en toute autre
circonstance appelant une recomposition du corps des fonctionnaires des
Communautés européennes, le Conseil, saisi sur la base de l'article 24, paragraphe
1, deuxième alinéa, du traité de fusion, jouit du pouvoir discrétionnaire de décider
s'il y a lieu ou non d'adopter des mesures de dégagement et de définir leur
domaine et leurs modalités d'application. En contrôlant l'exercice d'une telle
compétence, le Tribunal doit donc se limiter à examiner s'il n'est pas entaché d'une
erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou si le Conseil n'a pas
manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation.
- 113.
- Le Tribunal rappelle, par ailleurs, que le principe général d'égalité est un des
principes fondamentaux du droit communautaire. Ce principe exige que les
situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu'une
différenciation ne soit objectivement justifiée (voir, par exemple, l'arrêt
Hochstrass/Cour de justice, cité au point 51 ci-dessus, point 7, et les arrêts du
Tribunal du 9 février 1994, Lacruz Bassols/Cour de justice, T-109/92, RecFP
p. II-105, point 87, et du 18 décembre 1997, Delvaux/Commission, T-143/95, RecFP
p. II-1247, point 95). Dans une matière qui, comme celle de la présente espèce,
relève de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, ce principe est méconnu lorsque
le Conseil procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate
par rapport à l'objectif de la réglementation.
- 114.
- Le règlement n° 2688/95 constate, eu égard à l'adhésion de l'Autriche, de la
Finlande et de la Suède, la nécessité de procéder à un réaménagement de la
composition du corps des fonctionnaires des Communautés. Il résulte de la
combinaison de ses deuxième et troisième considérants que cet objectif peut être
atteint à la fois par la création de nouveaux postes et par des mesures de
dégagement.
- 115.
- Le règlement n° 2688/95 autorise le recours à des mesures de dégagement, mais
limite ce droit au seul Parlement, à l'exclusion des autres institutions, dont la
défenderesse.
- 116.
- Cette différenciation serait justifiée, ainsi qu'il résulte du troisième considérant du
règlement n° 2688/95, par la circonstance que le Parlement a fait valoir que, en ce
qui le concerne, il entendait opérer ce réaménagement en recourant presque
exclusivement, en 1996, à des mesures de dégagement.
- 117.
- Il ressort, toutefois, du dossier (lettre de la Commission du 17 mai 1995 aux
coprésidents du comité du statut reproduite à l'annexe 2 à la requête) que la
défenderesse avait elle aussi fait savoir qu'elle entendait réaliser ce réaménagement
en appliquant à un certain nombre de ses fonctionnaires des mesures de
dégagement.
- 118.
- Par ailleurs, il y a lieu de constater que, en vue de permettre ce réaménagement,
l'autorité budgétaire a accordé en 1995 des postes nouveaux à toutes les
institutions, et notamment et d'une manière particulièrement importante, au
Parlement. En effet, le budget rectificatif et supplémentaire n° 1 de l'Union
européenne pour l'exercice 1995 (Budget rectificatif et supplémentaire n° 1 de
l'Union européenne pour l'exercice 1995, JO 1995, L 276, p. 1, ci-après «BRS
n° 1/95»), reproduit partiellement à l'annexe 13 à la requête, arrêté pour les
besoins de l'élargissement, prévoit la création au profit du Parlement de 242
nouveaux emplois permanents.
- 119.
- Le Conseil expose, à cet égard, que le total des effectifs autorisés du Parlement
prévu par le budget de l'Union européenne pour l'exercice 1996 dans le tableau
des effectifs de cette institution n'a augmenté que de quatre unités par rapport à
celui prévu par le BRS n° 1/95 et qu'aucune augmentation n'a été prévue par le
tableau des effectifs du budget de l'exercice 1997. Eu égard à cette croissance
substantielle des effectifs du Parlement, décidée en 1995 au titre de l'élargissement,
il n'est donc ni surprenant ni significatif que le Parlement n'ait pas à nouveau prévu
en 1996 la création, à ce même titre, de nouveaux emplois.
- 120.
- Il ressort, par ailleurs, du tableau des effectifs autorisés des budgets généraux de
l'Union européenne pour les exercices 1995, 1996 et 1997 [arrêt définitif du budget
général de l'Union européenne pour l'exercice 1995 (JO 1994, L 369, p. 153); arrêt
définitif du budget général de l'Union européenne pour l'exercice 1996 (JO 1996,
L 22, p. 155); arrêt définitif du budget général de l'Union européenne pour
l'exercice 1997 (JO 1997, L 44, p. 133] que le nombre des emplois permanents de
la Cour de justice, qui était de 750 au 1er janvier 1995, a été porté par le BRS
n° 1/95 à 842 et est resté à ce niveau au cours des exercices 1996 et 1997.
- 121.
- Il s'ensuit que, contrairement à la motivation du règlement n° 2688/95, la situation
du Parlement et de la défenderesse au regard de la nécessité de réaménager la
composition du corps des fonctionnaires à leur service est similaire. D'une part, les
deux institutions ont vu leurs effectifs autorisés augmentés à ce titre par le BRS
n° 1/95, puis stabilisés à partir de 1996. D'autre part, les deux institutions avaient
signalé leur intention de procéder audit réaménagement en arrêtant des mesures
de dégagement.
- 122.
- Le Conseil, en limitant dans ces circonstances le domaine d'application du
règlement n° 2688/95 au seul Parlement, au détriment de la défenderesse et,
partant, en traitant, sans justification objective, de manière différente des situations
tout à fait similaires, a donc procédé à une différenciation arbitraire ou, à tout le
moins, manifestement inadéquate par rapport à l'objectif poursuivi par la
réglementation et correspondant à la nécessité de procéder au réaménagement de
la composition du corps des fonctionnaires des Communautés à la suite de
l'élargissement de l'Union.
- 123.
- Cette discrimination de la défenderesse par rapport au Parlement, et donc d'une
institution par rapport à une autre, affecte aussi les fonctionnaires au service de la
première en les privant de la chance de bénéficier, le cas échéant, d'une mesure
de dégagement. L'argument du royaume des Pays-Bas, tiré de ce que le règlement
n° 2688/95 ne serait pas en mesure d'opérer une discrimination entre
fonctionnaires, n'est donc pas fondé.
- 124.
- Le moyen tiré d'une violation du principe de non-discrimination est, partant, fondé.
Sur les violations des formes substantielles
- 125.
- Dans le cadre de son moyen tiré d'une violation des formes substantielles, la
requérante reproche au Conseil d'avoir omis de consulter le Parlement, la
défenderesse, la Cour des comptes et le comité du statut, préalablement à
l'adoption du règlement n° 2688/95, ainsi que d'avoir insuffisamment motivé ledit
règlement. Le Tribunal estime opportun d'examiner en premier lieu le grief tiré
d'un défaut de consultation des institutions et du comité du statut.
Arguments des parties
- 126.
- La requérante rappelle, d'une part, en se référant à l'article 10 du statut, que la
Commission ne peut soumettre au Conseil une proposition de révision du statut
qu'après que le comité du statut a rendu son avis.
- 127.
- Elle rappelle, d'autre part, que, en vertu de l'article 24 du traité de fusion, le
Conseil ne peut adopter un règlement portant révision du statut qu'après avoir
recueilli les avis du Parlement, de la défenderesse et de la Cour des comptes.
- 128.
- La requérante observe que le comité du statut a été saisi du projet de proposition
initiale, prévoyant des mesures de cessation définitive de fonctions applicables à
tous les fonctionnaires communautaires, quelle que soit leur institution
d'affectation. La Commission s'est ensuite, face au refus du Conseil d'accepter la
proposition initiale, déclarée prête à scinder celle-ci de façon à permettre
l'adoption de mesures de dégagement au profit du seul Parlement. La proposition
initiale ainsi modifiée n'a pourtant été soumise pour consultation ni au comité du
statut ni aux institutions communautaires.
- 129.
- La requérante estime, en se référant à cet égard à la jurisprudence de la Cour
relative à la consultation du Parlement, qui s'appliquerait mutatis mutandis à toutes
les consultations requises dans le cadre du processus législatif communautaire
(arrêts de la Cour du 16 juillet 1992, Parlement/Conseil, C-65/90, Rec. p. I-4593,
du 5 octobre 1993, Driessen e.a., C-13/92, C-14/92, C-15/92 et C-16/92, Rec.
p. I-4751, du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, du 1er
juin 1994, Parlement/Conseil, C-388/92, Rec. p. I-2067, du 10 mai 1995,
Parlement/Conseil, C-417/93, Rec. p. I-1185, et du 5 juillet 1995, Parlement/Conseil,
C-21/94, Rec. p. I-1827), que la Commission avait l'obligation, lors de la
modification de la proposition initiale, de procéder à une nouvelle consultation de
toutes les instances consultatives auxquelles elle est tenue de soumettre une
proposition de modification du statut, à savoir le comité du statut, sur la base de
l'article 10 du statut, le Parlement, la défenderesse et la Cour des comptes, sur la
base de l'article 24 du traité de fusion.
- 130.
- La requérante reconnaît que le Conseil est en droit d'amender une proposition de
la Commission sans être tenu de procéder de nouveau à toutes les consultations
obligatoires. Elle considère toutefois que, dans le cas d'espèce, le règlement
n° 2688/95 ne constitue pas un simple amendement de la proposition initiale de la
Commission, mais présente par rapport à celle-ci des différences substantielles et
radicales, notamment en ce qui concerne son champ d'application et le nombre de
ses bénéficiaires, la proposition initiale se trouvant dès lors complètement
dénaturée. Ce règlement s'écartant dans sa substance même de la proposition
initiale, le Conseil était tenu de procéder à une nouvelle consultation avant son
adoption. Elle précise finalement que, en réalité, ce n'est pas le Conseil qui s'est
écarté de la proposition initiale de la Commission, mais celle-ci qui, pour résoudre
un conflit opposant le Parlement au Conseil, a décidé de remplacer sa proposition
initiale par une nouvelle proposition radicalement différente.
- 131.
- La requérante ajoute que l'arrêt Bruckner/Commission et Conseil, cité au point 69
ci-dessus, invoqué par le Conseil et le royaume des Pays-Bas au soutien de la thèse
selon laquelle une modification apportée à la proposition initiale n'exige pas une
nouvelle consultation, n'est pas pertinent, puisqu'il se borne à renvoyer à d'autres
arrêts de la Cour, dont l'arrêt du 4 février 1982, Buyl e.a./Commission (817/79, Rec.
p. 245, point 23), dans lesquels il a été expressément constaté que les modifications
apportées à la proposition de la Commission postérieurement à l'avis du Parlement
étaient purement techniques et que, à l'exception de ces modifications, le règlement
finalement adopté était conforme à la proposition soumise au Parlement. Or, tel
ne serait précisément pas le cas en l'espèce, les modifications apportées par la
Commission à la proposition initiale ayant transformé fondamentalement
l'économie et la ratio legis de celle-ci.
- 132.
- La requérante relève que le comité du statut est le seul organe représentatif tant
du personnel que des administrations des institutions. L'omission de le consulter
traduirait donc un grave déficit démocratique analogue à celui qui se manifeste en
cas de défaut de consultation du Parlement. Elle en conclut que la jurisprudence
relative à la consultation du Parlement s'applique par analogie, au comité du statut.
- 133.
- Le Conseil soutient que la thèse tirée du défaut de consultation régulière n'est pas
fondée, une thèse semblable ayant déjà été rejetée par la jurisprudence (arrêts Buyl
e.a./Commission, cité au point 131 ci-dessus, points 14 à 16, et
Bruckner/Commission et Conseil, cité au point 69 ci-dessus).
- 134.
- Le Conseil considère, en premier lieu, que l'obligation de consultation du comité
du statut sur toute proposition de révision du statut, prévue à l'article 10 dudit
statut, ne s'applique qu'antérieurement à la saisine du Conseil par la proposition
de la Commission sur la base de l'article 24 du traité de fusion. A partir de cette
saisine, les règles du traité, dont notamment l'article 189 A, seraient d'application,
comme pour toute autre proposition de la Commission. Si la thèse de la requérante
était accueillie, elle impliquerait une paralysie du processus de décision (arrêt
Allemagne/Conseil, cité au point 129 ci-dessus, point 36). Le Conseil rappelle, à cet
égard, que chaque amendement du Conseil à une proposition de la Commission
exige que la Commission soit d'accord avec cette modification, à défaut de quoi le
Conseil ne peut adopter l'acte modifié qu'à l'unanimité. Or, si à chaque
amendement que le Conseil suggère et que la Commission approuve, celle-ci devait
revenir au comité du statut pour que celui-ci marque son accord sur la modification
envisagée, cette procédure, d'une part, conduirait à la paralysie de la prise de
décision et, d'autre part, aboutirait à empiéter sur le pouvoir de décision que le
traité confère au Conseil.
- 135.
- Le Conseil considère, en second lieu, que l'analogie faite avec la jurisprudence
relative à la reconsultation du Parlement est dénuée de fondement. En effet, d'une
part, le Parlement assumerait un rôle qui, étant institutionnel et prévu par le traité,
serait totalement différent de celui du comité du statut. D'autre part, cette
jurisprudence aurait été conçue dans le contexte du droit primaire et de l'équilibre
institutionnel voulu par le traité, l'obligation de consultation du Parlement étant
considérée comme le reflet, au niveau de la Communauté, d'un principe
démocratique fondamental, selon lequel les peuples participent à l'exercice du
pouvoir par l'intermédiaire d'une assemblée représentative (arrêt de la Cour du 29
octobre 1980, Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333). Ces principes ne
pourraient pas être appliqués par analogie à l'obligation de consultation d'un
comité prévu par un acte de droit dérivé.
- 136.
- En ce qui concerne l'argument tiré du défaut de reconsultation des institutions, au
regard de l'article 24 du traité de fusion, le Conseil souligne que, selon la
jurisprudence (arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Atlanta e.a./Conseil et
Commission, T-521/93, Rec. p. II-1707, point 71), dans le cadre de la procédure
d'adoption d'un acte communautaire basée sur un article du traité, les seules
obligations de consultation qui s'imposent au législateur sont celles prescrites par
l'article en cause.
- 137.
- Le royaume des Pays-Bas relève que la Commission a consulté le comité du statut
sur sa proposition initiale et que le comité du statut a émis un avis favorable. Il en
déduit que le grief concerne seulement la question de savoir si la modification que
la Commission a ensuite apportée à sa proposition initiale devait donner lieu à une
nouvelle consultation. Un moyen similaire aurait déjà été rejeté en jurisprudence
(arrêt Bruckner/Commission et Conseil, cité au point 69 ci-dessus).
- 138.
- Le royaume des Pays-Bas souligne que la comparaison effectuée par la requérante
entre la consultation du comité du statut et celle du Parlement perd de vue que le
premier occupe une position différente du second. D'une part, le Parlement
donnerait un avis à une institution qui doit prendre une décision sur une
proposition, alors que le comité du statut donnerait un avis à une institution qui
doit déposer une proposition. D'autre part, l'avis du Parlement, contrairement à
celui du comité du statut, serait l'expression d'un principe démocratique. En fait,
le Parlement ayant donné au Conseil un avis sur le règlement n° 2688/95, sa
légitimité démocratique aurait été garantie.
- 139.
- Le royaume des Pays-Bas estime qu'obliger le Conseil à consulter le comité du
statut s'il s'écarte de la proposition initiale de la Commission est contraire à l'article
10 du statut, qui n'impose la consultation du comité du statut que sur des projets
de proposition de la Commission. Une telle obligation serait aussi contraire à
l'équilibre institutionnel.
Appréciation du Tribunal
- 140.
- Il convient d'examiner tout d'abord le bien-fondé de l'argumentation selon laquelle
il aurait fallu reconsulter, en premier lieu, le Parlement et, en second lieu, le
comité du statut.
- 141.
- Il importe, premièrement, de rappeler que l'article 24, paragraphe 1, deuxième
alinéa, du traité de fusion dispose que toute modification du statut doit être
adoptée «sur proposition de la Commission, et après consultation des autres
institutions intéressées».
- 142.
- Le Tribunal rappelle, en outre, que la consultation du Parlement au titre de
l'article 24 du traité de fusion, qui lui permet notamment de participer
effectivement au processus législatif de la Communauté, représente un élément
essentiel de l'équilibre institutionnel voulu par les traités. La consultation régulière
du Parlement sur la base de ce texte constitue dès lors une formalité substantielle
dont le non-respect entraîne la nullité de l'acte en cause (arrêt Buyl
e.a./Commission, cité au point 131 ci-dessus, point 16; arrêts de la Cour du 4 février
1982, Adam/Commission, 828/79, Rec. p. 269, point 17, et Battaglia/Commission,
1253/79, Rec. p. 297, point 17).
- 143.
- Le Tribunal rappelle ensuite qu'une nouvelle consultation du Parlement s'impose
à chaque fois que le texte finalement adopté, considéré dans son ensemble, s'écarte
dans sa substance même de celui sur lequel il a déjà été consulté, à l'exception des
cas où les amendements correspondent, pour l'essentiel, au souhait exprimé par le
Parlement lui-même (voir, en dernier lieu, l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1997,
Eurotunnel e.a., C-408/95, Rec. p. I-6315, point 46). Ce principe trouve sa
justification dans le fait que la compétence de consultation du Parlement «constitue
l'expression d'un principe démocratique fondamental, selon lequel les peuples
participent à l'exercice du pouvoir par l'intermédiaire d'une assemblée
représentative» (arrêt Eurotunnel e.a., précité, point 45).
- 144.
- Selon la jurisprudence de la Cour, cette obligation de reconsultation du Parlement
s'impose également dans le cadre de la consultation prévu par l'article 24 du traité
de fusion (voir, en ce sens, les arrêts Buyl e.a./Commission, cité au point 131 ci-dessus, Adam/Commission, cité au point 142 ci-dessus, et Battaglia/Commission,
cité au point 142 ci-dessus).
- 145.
- Le Tribunal constate, enfin, que la modification d'une proposition ne concerne pas
la substance même du texte considéré dans son ensemble si, d'une part, elle
s'inscrit dans le cadre de l'objectif poursuivi par ce texte et si, d'autre part, elle ne
touche pas à l'économie fondamentale dudit texte (arrêt Allemagne/Conseil, cité
au point 129 ci-dessus, points 40 et 41).
- 146.
- En l'espèce, la proposition initiale a donné lieu à un avis du Parlement en date du
12 octobre 1995 (JO C 287, p. 186), qui l'a approuvée sous réserve, en substance,
de deux modifications de portée mineure. D'une part, il a souhaité décaler d'une
année la période au cours de laquelle les dégagements seraient autorisés. D'autre
part, il a proposé d'insérer un article 2 bis, suivant lequel les possibilités de
dégagement non utilisées au cours d'une période seraient reportées sur la période
suivante. Cet amendement tendait donc à étendre le domaine d'application de la
proposition initiale. Par ailleurs, le Parlement a pris soin d'inviter le Conseil à
l'informer, au cas où il entendrait s'écarter du texte approuvé. Il a demandé, en
outre, «à être à nouveau consulté au cas où le Conseil entendrait apporter des
modifications substantielles à la proposition de la Commission».
- 147.
- Le Tribunal constate, tout d'abord, que le règlement n° 2688/95 n'accorde le droit
de procéder au dégagement qu'au seul Parlement et refuse donc implicitement,
mais nécessairement, ce droit au Conseil, à la Commission, à la Cour des comptes,
à la défenderesse et au Comité économique et social. Par ailleurs, il n'autorise plus
que le dégagement de 70 fonctionnaires, au lieu des 297 prévus par la proposition
initiale, soit moins d'un quart du nombre prévu initialement par celle-ci. D'une
part, il s'ensuit que ce texte ne permet plus d'assurer dans la même mesure que la
proposition initiale le réaménagement de la composition du corps des
fonctionnaires des Communautés qui, suivant le premier considérant de la
proposition initiale et du règlement n° 2688/95, est pourtant une conséquence
directe de l'élargissement de l'Union. La modification opérée atténue donc
fortement la poursuite de l'objectif recherché par la proposition initiale. D'autre
part, en diminuant de plus de trois quarts les mesures de dégagement susceptibles
d'être adoptées, elle diminue d'autant la possibilité de réaliser un réaménagement
de la composition du corps des fonctionnaires des Communautés, donc l'objectif
de la proposition initiale, et touche, partant, à l'économie même du texte de celle-ci.
- 148.
- Le Tribunal en conclut que la modification apportée à la proposition initiale
présente un caractère substantiel.
- 149.
- Le Tribunal constate ensuite que la modification de la proposition initiale ne
correspond pas au souhait exprimé par le Parlement. Celui-ci avait, en effet,
approuvé la proposition initiale dans son avis. Il souhaitait donc que toutes les
institutions puissent avoir recours à des mesures de dégagement, qui devaient être
appliquées à 297 fonctionnaires. Les amendements proposés tendaient d'ailleurs à
faciliter voire à étendre cette faculté, d'une part, en décalant sa mise en oeuvre
d'une année et, d'autre part, en autorisant le report des quotas de dégagement non
utilisés pendant une période de référence sur une autre période. Il exigeait enfin
expressément d'être reconsulté en cas de modification substantielle.
- 150.
- Il s'ensuit que le Parlement aurait dû être reconsulté antérieurement à l'adoption
par le Conseil du texte issu de la modification de la proposition initiale.
- 151.
- Deuxièmement, il y a lieu de relever qu'aux termes de l'article 10, deuxième alinéa,
deuxième phrase, du statut le comité du statut est consulté par la Commission sur
toute proposition de révision du statut.
- 152.
- Le Tribunal considère que cette disposition impose à la Commission une obligation
de consultation qui s'étend, outre aux propositions formelles, également aux
modifications substantielles de propositions déjà examinées auxquelles elle procède,
à moins que, dans ce dernier cas, les modifications correspondent pour l'essentiel
à celles proposées par le comité du statut.
- 153.
- Cette solution se justifie eu égard au libellé de la disposition en question et au rôle
assumé par le comité du statut.
- 154.
- En effet, d'une part, en prévoyant la consultation sans réserve ni exception du
comité du statut sur toute proposition de révision du statut, cette disposition
confère une large portée à l'obligation qu'elle définit. Ses termes sont donc
manifestement inconciliables avec une interprétation restrictive de sa portée. Or,
la modification par la Commission, comme en l'espèce, de la substance d'une
proposition déjà examinée par le comité du statut équivaut, au fond, à la
présentation d'une nouvelle proposition. Il s'ensuit que le refus d'étendre
l'obligation de consultation à ce cas de figure revient à priver cette disposition de
tout effet utile.
- 155.
- D'autre part, cette interprétation est commandée par le rôle assumé par le comité
du statut. Constituant un organe paritaire regroupant des représentants à la fois des
administrations et du personnel, ces derniers étant démocratiquement élus, de
toutes les institutions, il est amené à prendre en considération et à exprimer les
intérêts de la fonction publique communautaire prise dans son ensemble. Ce rôle
est notamment appelé à s'exprimer lorsque, comme en l'espèce, la modification de
la proposition initiale réduit, dans les circonstances précédemment décrites au point
147, la portée d'une mesure qui, initialement prévue pour toutes les institutions et
pour un nombre important de fonctionnaires, s'applique finalement à une seule
institution et au quart du nombre des fonctionnaires initialement prévu. En effet,
une telle modification est de nature à concerner les intérêts généraux de la fonction
publique communautaire et intéresse donc au plus haut degré le comité du statut.
- 156.
- Les parties intervenantes ont soulevé diverses objections contre cette obligation de
reconsultation du comité du statut. En premier lieu, le royaume des Pays-Bas
soutient que l'obligation de consultation du comité du statut se limite aux seuls
projets de proposition et cesse de s'appliquer après que le Conseil a été saisi par
la Commission .
- 157.
- Le Tribunal relève, toutefois, que cet argument, d'une part, méconnaît les termes
particulièrement larges et sans réserve de l'article 10, deuxième alinéa, deuxième
phrase, du statut, qui dispose que le comité du statut est consulté «sur toute
proposition de révision du statut» et, d'autre part, ajoute à ce texte une condition
qui n'y est pas prévue.
- 158.
- Ce premier argument n'est donc pas fondé.
- 159.
- En deuxième lieu, le Conseil et le royaume des Pays-Bas estiment qu'une obligation
de reconsultation ne se conçoit que pour le Parlement, qui, par son statut
d'institution, son rôle et ses attributions, n'est pas comparable au comité du statut.
- 160.
- Le Tribunal constate toutefois, d'une part, que les raisons qui ont partiellement
imposé cette solution, à savoir le souci d'une consultation réelle et sérieuse,
s'appliquent aussi dans le cadre de l'obligation de consultation du comité du statut.
D'autre part, la consultation du comité du statut, qui est un organe composé
partiellement de représentants élus démocratiquement et non un simple organe de
consultation technique, repose sur des considérations analogues à celles imposant
la consultation du Parlement, à savoir assurer la participation d'un organe
représentant les intérêts de ceux qui sont les destinataires de normes à élaborer au
processus d'élaboration de celles-ci.
- 161.
- Ce deuxième argument n'est donc pas fondé.
- 162.
- En troisième lieu, le Conseil soutient qu'une reconsultation du comité du statut qui,
par hypothèse, doit s'exercer après que le Conseil a été saisi de la proposition de
la Commission n'est pas prévue par l'article 24 du traité de fusion.
- 163.
- Toutefois, d'une part, le Tribunal constate que cette reconsultation trouve une base
légale suffisante dans l'article 10 du statut, non contredit par l'article 24 du traité
de fusion. D'autre part, le Conseil justifie son argument en se référant à l'arrêt
Atlanta e.a./Conseil et Commission, cité au point 136 ci-dessus, qui pourtant n'est
pas pertinent en l'espèce. Cet arrêt constate que, dans le cadre d'une procédure
d'adoption d'un acte communautaire basée sur un article du traité, les seules
obligations de consultation qui s'imposent au législateur communautaire sont celles
prescrites par l'article en cause (point 71). Dans les circonstances de cette espèce,
les requérants, des opérateurs économiques se considérant comme affectés par un
règlement, reprochaient à la Communauté d'avoir adopté ce règlement sans les
avoir consultés au préalable. Le Tribunal a rejeté cette demande au motif qu'aucun
texte ne prévoyait l'obligation de consulter les requérants. Cette espèce se
différencie donc de la présente, en ce que la consultation du comité du statut, en
cause dans celle-ci, est prévue par un texte d'une portée particulièrement étendue
du statut, qui l'impose clairement et sans aucune distinction pour toute proposition
de révision du statut.
- 164.
- Ce troisième argument n'est donc pas fondé.
- 165.
- En quatrième lieu, le royaume des Pays-Bas soutient qu'une obligation de
reconsultation du comité du statut porterait atteinte à l'équilibre institutionnel .
- 166.
- Le Tribunal relève, toutefois, que le comité du statut, pour important que soit son
rôle en matière de modification du statut, ne constitue pas une institution. Il n'a
compétence que pour délivrer un avis sur une proposition. Il n'est pas en mesure
d'empêcher la Commission de modifier ou de maintenir une proposition de
modification du statut. Sa reconsultation ne s'impose d'ailleurs que dans le cas
exceptionnel où la Commission apporte à une proposition qu'il a déjà examinée
une modification substantielle qui ne correspond pas pour l'essentiel à celle qu'il
avait lui-même proposée. Il ne saurait non plus empêcher le Conseil d'adopter,
conformément à l'article 189 A du traité, et donc à l'unanimité, un acte constituant
un amendement de la proposition de la Commission, auquel cas il ne devrait pas
non plus être reconsulté.
- 167.
- Ce quatrième argument n'est donc pas fondé.
- 168.
- En cinquième lieu, le Conseil considère qu'une obligation de reconsultation du
comité du statut entraînerait une paralysie du système décisionnel .
- 169.
- Toutefois, d'une part, le Tribunal constate que cette reconsultation ne trouve à
s'appliquer que fort exceptionnellement, à savoir dans le cas de figure dans lequel
la proposition initiale de la Commission est modifiée au point que sa substance
même en est affectée. D'autre part, même si elle doit entraîner une perte de
temps, elle constitue une concession indispensable à l'obligation, prévue par l'article
10 du statut, de consulter l'organe représentatif des institutions et de leur
personnel, donc les destinataires du statut, préalablement à la modification de la
norme qui les régit.
- 170.
- Ce cinquième argument n'est donc pas fondé.
- 171.
- Le Tribunal rappelle que, en l'espèce, le comité du statut a émis, le 21 juin 1995,
un avis favorable à la proposition initiale.
- 172.
- Or, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus aux points 147 et 148 , la modification apportée
par la Commission au cours de la procédure législative à la proposition initiale étaitsubstantielle. Par ailleurs, elle ne correspondait pas à une éventuelle modification
proposée par le comité du statut, consulté le 21 juin 1995 sur la proposition initiale.
Il s'ensuit que, en application des principes susvisés, le comité du statut aurait dû
être reconsulté sur la proposition initiale modifiée.
- 173.
- Le moyen tiré d'une violation des formes substantielles est donc fondé en ce qui
concerne la consultation du Parlement et du comité du statut.
- 174.
- Il y a donc lieu d'annuler la décision attaquée sans qu'il soit besoin d'examiner les
autres griefs tirés d'un défaut de consultation de la défenderesse et de la Cour des
comptes ainsi que d'un défaut de motivation, et les autres moyens invoqués au
soutien de l'exception d'illégalité.
Sur les dépens
- 175.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes de
l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres et les
institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Aux termes de
l'article 88 du règlement de procédure, dans les litiges entre les Communautés et
leurs agents, les frais exposés par les institutions restent, en principe, à la charge
de celles-ci.
- 176.
- La défenderesse ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la
condamner à supporter les dépens à l'exception de ceux des parties intervenantes,
qui supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision de la Cour de justice du 22 juillet 1996, portant rejet de la
demande de Mme Antoinette Losch du 16 juillet 1996 l'invitant à inscrire
son nom sur la liste des personnes ayant manifesté leur intérêt pour une
décision de cessation définitive des fonctions telle que prévue par le
règlement (CE, Euratom, CECA) n° 2688/95 du Conseil, du 17 novembre
1995, instituant, à l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et
de la Suède, des mesures particulières de cessation définitive des fonctions
de fonctionnaires des Communautés européennes, est annulée.
2) La Cour de justice supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la
requérante.
3) Le Royaume des Pays-Bas et le Conseil de l'Union européenne supporteront
leurs propres dépens.
AziziGarcía-Valdecasas
Jaeger
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 1998.
Le greffier
Le président
H. Jung
J. Azizi
Table des matières
Faits à l'origine du litige
II - 3
Procédure précontentieuse
II - 4
Procédure contentieuse et conclusions des parties
II - 6
Sur la recevabilité
II - 7
Sur la recevabilité de certains passages de la requête
II - 7
Sur la recevabilité du recours en général
II - 7
Arguments des parties
II - 7
Appréciation du Tribunal
II - 11
Sur le fond
II - 15
Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité
II - 15
Arguments des parties
II - 15
Appréciation du Tribunal
II - 18
Sur le bien-fondé de l'exception d'illégalité
II - 22
Sur la violation du principe d'égalité de traitement
II - 22
Arguments des parties
II - 22
Appréciation du Tribunal
II - 23
Sur les violations des formes substantielles
II - 25
Arguments des parties
II - 26
Appréciation du Tribunal
II - 29
Sur les dépens
II - 34