Language of document : ECLI:EU:T:2000:215

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

26 septembre 2000 (1)

«Extension d'un droit antidumping - Exemption - Parties de bicyclettes - Recours en annulation - Irrecevabilité»

Dans les affaires jointes T-74/97 et T-75/97,

Büchel & Co. Fahrzeugteilefabrik GmbH, établie à Fulda (Allemagne), représentée par Mes W. A. Rehmann et U. Zinsmeister, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Bonn et Schmitt, 7, Val Ste Croix,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. R. Torrent, A. Tanca et S. Marquardt, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Mes H.-J. Rabe et G. M. Berrisch, avocats à Hambourg et à Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A. Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse dans l'affaire T-74/97,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz, conseiller juridique, et N. Khan, membre du service juridique, en qualité d'agents, assistés de M. M. Hilf, professeur à l'université de Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse dans l'affaire T-75/97,

le Conseil étant soutenu dans l'affaire T-74/97 par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz, conseiller juridique, et N. Khan, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

et par

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur du droit international économique et du droit communautaire à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. G. Mignot, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

parties intervenantes,

ayant pour objet:

-    dans l'affaire T-74/97, une demande d'annulation du règlement (CE) n° 71/97 du Conseil, du 10 janvier 1997, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CEE) n° 2474/93 sur les bicyclettes originaires de la république populaire de Chine aux importations de certaines parties de bicyclettes en provenance de la république populaire de Chine et portant prélèvement du droit étendu sur ces importations enregistrées conformément au règlement (CE) n° 703/96 (JO L 16, p. 55),

-    dans l'affaire T-75/97, une demande d'annulation du règlement (CE) n° 88/97 de la Commission, du 20 janvier 1997, relatif à l'autorisation de l'exemption des importations de certaines parties de bicyclettes enprovenance de république populaire de Chine en ce qui concerne l'extension par le règlement n° 71/97 du droit antidumping institué par le règlement n° 2474/93 (JO L 17, p. 17),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de M. K. Lenaerts, président, Mme V. Tiili, MM. J. Azizi, M. Jaeger et P. Mengozzi, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 12 octobre 1999

rend le présent

Arrêt

Faits et cadre juridique des recours

1.
    La requérante, Büchel & Co. Fahrzeugteilefabrik GmbH, est une société de droit allemand qui, pour l'essentiel, produit et, accessoirement, commercialise des pièces détachées de bicyclettes. Elle en importe également, depuis 1982, de la république populaire de Chine. La vente des pièces ainsi importées correspondait, entre 1992 et 1996, à 20 % de son chiffre d'affaires. Les importations effectuées par la requérante représentent moins de 2,5 % de l'ensemble des importations de pièces détachées de bicyclettes en provenance de la république populaire de Chine dans la Communauté. La requérante détient des parts du capital de la société Hua De Plastics Corporation Ltd, productrice de pièces détachées de bicyclettes, ayant son siège statutaire à Shanghai, en république populaire de Chine.

2.
    Le 8 septembre 1993, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 2474/93 instituant un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté de bicyclettes originaires de la république populaire de Chine et portant perception définitive du droit antidumping provisoire (JO L 228, p. 1, ci-après le «règlement initial»).

3.
    Le 22 décembre 1995, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 384/96 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après le «règlement de base»). L'article 13 du règlement de base prévoit:

«Les droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires ou de parties de ces produits lorsque les mesures en vigueur sont contournées. Le contournement se définit comme une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et la Communauté découlant de pratiques, d'opérations ou d'ouvraisons pour lesquelles il n'existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l'imposition du droit, la preuve étant par ailleurs établie que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et qu'il y a dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires.» (Paragraphe 1.)

«[...] Les dispositions de procédure correspondantes du présent règlement concernant l'ouverture et la conduite des enquêtes s'appliquent dans le cadre du présent article.» (Paragraphe 3.)

«Les produits ne doivent pas être soumis à enregistrement conformément à l'article 14, paragraphe 5, ou faire l'objet de mesures lorsqu'ils sont accompagnés d'un certificat des autorités douanières établissant que l'importation des marchandises ne constitue pas un contournement. Ces certificats peuvent être délivrés aux importateurs, sur demande écrite, en vertu d'une autorisation donnée à cet effet par une décision de la Commission après consultation du comité consultatif ou par la décision du Conseil instituant les mesures [...]» (Paragraphe 4.)

«Aucune disposition du présent article ne fait obstacle à l'application normale des dispositions en vigueur en matière de droits de douane.» (Paragraphe 5.)

4.
    À la suite d'une plainte de l'European Bicycle Manufacturers Association (association européenne des fabricants de bicyclettes), la Commission a adopté le règlement (CE) n° 703/96, du 18 avril 1996, ouvrant une enquête sur le contournement des mesures antidumping instituées par le règlement initial sur les importations de bicyclettes originaires de république populaire de Chine par des opérations d'assemblage dans la Communauté européenne (JO L 98, p. 3, ci-après le «règlement d'ouverture d'enquête»). Cette enquête a couvert la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1996.

5.
    Suivant l'article 1er du règlement d'ouverture d'enquête, cette enquête, ouverte conformément à l'article 13, paragraphe 3, du règlement de base, portait sur les importations des parties de bicyclettes relevant des codes NC 8714 91 10 à 8714 99 90 originaires de la république populaire de Chine et utilisées dans des opérations d'assemblage dans la Communauté européenne.

6.
    À l'article 2 du même règlement, il est mentionné que «les autorités douanières sont invitées à prendre les mesures requises pour enregistrer les importations de cadres, fourches, jantes et moyeux de bicyclettes, relevant dans l'ordre des codes NC 8714 91 10, 8714 91 30, 8714 92 10 et 8714 93 10, afin d'assurer que, en cas d'extension à ces importations des droits antidumping applicables aux importationsdes bicyclettes originaires de république populaire de Chine, ceux-ci puissent être perçus à compter de la date d'enregistrement». Il y est également indiqué que «les produits accompagnés d'un certificat douanier délivré conformément à l'article 13, paragraphe 4, du [règlement de base] ne sont pas enregistrés».

7.
    L'article 3 de ce règlement prévoit que «[l]es parties intéressées peuvent se faire connaître, demander à être entendues par la Commission, présenter leur point de vue par écrit ainsi que soumettre des informations, qui pour être pris en considération au cours de l'enquête, seront présentés dans les trente-sept jours à compter de la date de transmission du présent règlement aux autorités de la république populaire de Chine. Le présent règlement est réputé transmis aux autorités de la république populaire de Chine trois jours après celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes». Ce règlement ayant été publié au Journal officiel le 19 avril 1996, le délai a expiré le 29 mai 1996.

8.
    Aux considérants 8 et 9 de ce règlement, il est indiqué, sous le titre «Questionnaires», que, «[a]fin d'obtenir les informations qu'elle considère nécessaires à son enquête, la Commission enverra des questionnaires aux assembleurs de bicyclettes de la Communauté européenne» cités dans la plainte et que, le «cas échéant, des informations peuvent être demandées aux producteurs communautaires» (considérant 8). Selon le considérant 9, «[t]outes les parties intéressées, pour autant qu'elles puissent montrer qu'elles sont susceptibles d'être affectées par les résultats de l'enquête, doivent demander, dès que possible, un exemplaire du questionnaire, car elles sont également tenues de respecter le délai précisé dans le présent règlement».

9.
    Le 5 juillet 1996, soit après l'expiration du délai de 37 jours prévu par l'article 3 du règlement d'ouverture d'enquête, la Commission a reçu un fax de la requérante dans lequel celle-ci affirmait que ses importations ne constituaient pas un contournement du droit antidumping et demandait la délivrance d'un certificat de non-contournement selon l'article 13, paragraphe 4, du règlement de base.

10.
    Le 2 août 1996, la Commission a répondu à cette demande et a envoyé à la requérante un questionnaire spécialement conçu pour les importateurs n'effectuant pas eux-mêmes l'assemblage de bicyclettes (ci-après les «importateurs-intermédiaires») en précisant que celui-ci était transmis à des entreprises afin d'obtenir des informations qu'elle considérait nécessaires pour la délivrance de certificats de non-contournement. La requérante a toutefois été avertie que sa demande, eu égard au caractère tardif de celle-ci, ne serait peut-être pas examinée.

11.
    Le 6 septembre 1996, la requérante a renvoyé le questionnaire complété à la Commission.

12.
    Par lettre du 20 décembre 1996, la Commission a informé la requérante que le droit antidumping en vigueur serait étendu aux parties essentielles de bicyclettes qui étaient énumérées, originaires ou en provenance de la république populaire de Chine, et a joint en annexe le projet de règlement portant cette extension. Dans cette lettre, la Commission a souligné, par ailleurs, que, selon ce projet de règlement, seuls les importateurs effectuant eux-mêmes des opérations d'assemblage de bicyclettes (ci-après les «importateurs-assembleurs») pouvaient être exemptés directement de ce droit antidumping et que les importateurs-intermédiaires devaient, à cette fin, demander une autorisation auprès des autorités douanières nationales dans le cadre de la procédure d'admission de certaines marchandises au bénéfice d'un traitement tarifaire favorable en raison de leur destination particulière (ci-après la «procédure de la destination particulière»), prévue par l'article 82 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), et aux articles 291 et suivants du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du règlement n° 2913/92 (JO L 253, p. 1).

13.
    Le 9 janvier 1997, la requérante a soumis ses observations sur le projet de règlement susmentionné. Elle demandait pourquoi elle ne pouvait pas être exemptée directement par la Commission comme prévu dans le règlement d'ouverture d'enquête et comme les services de la Commission, responsables de l'enquête, le lui avaient confirmé par téléphone. Elle critiquait, par ailleurs, le choix des pièces détachées de bicyclettes pour lesquelles l'extension était prévue au motif, notamment, que pour certaines d'entre elles il serait pratiquement impossible de démontrer leur destination particulière lorsqu'elles sont revendues au lieu d'être assemblées directement après l'importation.

14.
    Le 10 janvier 1997, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 71/97, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement initial sur les bicyclettes originaires de la république populaire de Chine aux importations de certaines parties de bicyclettes en provenance de la république populaire de Chine et portant prélèvement du droit étendu sur ces importations enregistrées conformément au règlement d'ouverture d'enquête (JO L 16, p. 55, ci-après le «règlement d'extension»).

15.
    En vertu de l'article 2 dudit règlement, le droit antidumping est étendu aux importations de certaines parties essentielles de bicyclettes originaires de la république populaire de Chine sur lesquelles l'enquête avait porté (article 1er du règlement d'ouverture d'enquête, voir ci-dessus au point 5).

16.
    L'article 3, paragraphe 1, du règlement d'extension énonce que «la Commission adoptera, dans un règlement, les mesures nécessaires pour que les importations de parties essentielles de bicyclettes ne constituant pas un contournement du droit antidumping institué par le [règlement initial] soient exemptées du droit étendu visé à l'article 2». Selon le paragraphe 2 du même article, ce règlement de laCommission devait prévoir, conformément aux dispositions douanières pertinentes, l'autorisation d'exemption et le contrôle des importations de parties essentielles de bicyclettes utilisées, d'une part, par les importateurs-assembleurs et, d'autre part, par les importateurs-intermédiaires. En ce qui concerne les importations effectuées par cette dernière catégorie d'importateurs, il ressort des considérants 36 à 39 de ce règlement que la Commission doit instaurer une procédure permettant de déterminer si leurs activités constituent un contournement du droit antidumping. À cet effet, la Commission doit avoir recours au mécanisme du contrôle de la destination particulière, prévu à l'article 82 du règlement n° 2913/92 et aux articles 291 et suivants du règlement n° 2454/93.

17.
    Le 16 janvier 1997, la Commission a répondu à la lettre de la requérante du 9 janvier 1997 en confirmant, notamment, que, en vertu du règlement d'extension, elle ne pouvait exempter directement les importateurs-intermédiaires du droit antidumping étendu.

18.
    Le 20 janvier 1997, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 88/97, relatif à l'autorisation de l'exemption des importations de certaines parties de bicyclettes en provenance de république populaire de Chine en ce qui concerne l'extension par le règlement d'extension du droit antidumping institué par le règlement initial (JO L 17, p. 17, ci-après le «règlement d'exemption»). Ce règlement comporte les conditions et les dispositions procédurales concernant l'exemption du droit étendu quant aux importations effectuées, d'une part, par des importateurs-assembleurs et, d'autre part, par d'autres importateurs, sous réserve du contrôle de la destination particulière des marchandises importées devant être exercé par les autorités douanières nationales en vertu de la législation citée au point 12 ci-dessus.

Procédure

19.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 28 mars 1997, la requérante a introduit les présents recours.

20.
    Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal les 6 et 9 juin 1997, la Commission et le Conseil ont soulevé des exceptions d'irrecevabilité selon l'article 114 du règlement de procédure du Tribunal à l'égard de ces recours.

21.
    Dans l'affaire T-74/97, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a admis, par ordonnance du 21 juin 1999, la Commission et la République française à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Lesdites parties intervenantes ont toutefois renoncé à soumettre des observations quant à la recevabilité du recours. En outre, le président a partiellement fait droit à la demande de la requérante quant au traitement confidentiel, à l'égard de la République française, de certaines données comprises dans la requête.

22.
    Par ordonnance du 20 septembre 1999, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a joint les affaires T-74/97 et T-75/97 aux fins de la procédure orale et de l'arrêt, conformément à l'article 50 du règlement de procédure.

23.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

24.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 12 octobre 1999.

Conclusions des parties

25.
    Dans l'affaire T-74/97, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler le règlement d'extension;

-    déclarer l'article 13 du règlement de base inapplicable, en vertu de l'article 184 du traité CE (devenu article 241 CE), pour autant qu'il sert de base juridique au règlement d'extension;

-    condamner le Conseil aux dépens.

26.
    Dans l'affaire T-75/97, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler le règlement d'exemption;

-    déclarer le règlement d'extension inapplicable, en application de l'article 184 du traité, pour autant qu'il sert de base juridique au règlement d'exemption;

-    déclarer l'article 13 du règlement de base inapplicable, en application de l'article 184 du traité, pour autant qu'il sert de base juridique aux règlements d'exemption et d'extension;

-    condamner la Commission aux dépens.

27.
    Dans les affaires T-74/97 et T-75/97, le Conseil et la Commission concluent, respectivement, à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    statuer sur l'irrecevabilité sans engager le débat au fond, conformément à l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure;

-    rejeter les exceptions d'illégalité basées sur l'article 184 du traité comme irrecevables;

-    condamner la requérante aux dépens.

28.
    Dans ses observations sur les exceptions d'irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter la demande du Conseil et de la Commission visant à ce qu'il soit statué sur la recevabilité des recours sans engager le débat au fond, et statuer conjointement sur la recevabilité et le bien-fondé des requêtes;

-    à titre subsidiaire, la mettre en mesure de présenter des observations sur les exceptions d'irrecevabilité dans une procédure orale particulière.

Sur la recevabilité

1. En ce qui concerne l'affaire T-74/97

29.
    Le Conseil présente, conformément à l'article 114 du règlement de procédure, des fins de non-recevoir, tirées, premièrement, d'une portée excessive du recours et, deuxièmement, de ce que la requérante ne serait pas individuellement concernée par le règlement d'extension dans la mesure où celui-ci prévoit, d'une part, l'extension du droit antidumping et, d'autre part, le régime d'exemption du droit antidumping étendu.

Sur la fin de non-recevoir tirée d'une portée excessive du recours

Arguments des parties

30.
    Le Conseil soutient que le recours est irrecevable dans la mesure où il vise à l'annulation du règlement d'extension dans son ensemble alors qu'il résulte de l'argumentation exposée dans la requête que celle-ci tend uniquement à l'annulation des dispositions, d'une part, de l'article 2 de ce règlement, lu en liaison avec l'article 1er, en ce qu'il porte extension du droit antidumping et, d'autre part, de l'article 3, paragraphe 2, deuxième et troisième tirets, du même règlement prévoyant l'application de la procédure de la destination particulière aux activités commerciales des importateurs-intermédiaires.

31.
    En se référant à l'arrêt de la Cour du 10 mars 1992, Ricoh/Conseil (C-174/87, Rec. p. I-1335, point 7), le Conseil expose que la requérante n'a démontré aucun intérêt à agir concernant les autres dispositions du règlement d'extension et n'a fait valoir aucun argument à cet égard.

32.
    Selon la requérante, le règlement d'extension doit être annulé entièrement.

Appréciation du Tribunal

33.
    Selon la jurisprudence constante invoquée par le Conseil à l'appui de cette fin de non-recevoir, un règlement imposant des droits antidumping différents à une séried'opérateurs économiques concerne individuellement l'un d'entre eux par ses seules dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non pas par celles qui imposent un droit antidumping à d'autres sociétés (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 240/84, Rec. p. 1809, point 7, et Ricoh/Conseil, cité au point 31 ci-dessus, point 7).

34.
    À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que la présente affaire se distingue de celles ayant conduit à la jurisprudence invoquée par le Conseil, citée ci-dessus, en ce que le règlement d'extension porte sur un droit antidumping unique, alors que, dans les affaires précitées, des droits différents avaient été mis à la charge de différentes entreprises.

35.
    En second lieu, une déclaration d'annulation limitée à la seule disposition concernant l'extension du droit antidumping aurait pour effet de vider entièrement le règlement d'extension de sa substance. En effet, les autres éléments du dispositif de ce règlement portent uniquement sur la mise en oeuvre de cette disposition, notamment en ce qui concerne la possibilité d'obtenir une exemption du droit étendu, et ne peuvent, dès lors, pas en être dissociés.

36.
    Par conséquent, il y a lieu de rejeter cette fin de non-recevoir.

Sur la fin de non-recevoir tirée de ce que la requérante n'est pas individuellement concernée par le règlement d'extension

Arguments des parties

37.
    Le Conseil soutient que la requérante n'est individuellement concernée par le règlement d'extension ni en ce qu'il prévoit, à l'article 2 en liaison avec l'article 1er, l'extension du droit antidumping à certaines parties essentielles de bicyclettes en provenance de la république populaire de Chine, ni en ce qu'il institue, à l'article 3, paragraphe 2, deuxième et troisième tirets, un régime d'exemption en faveur des importateurs-intermédiaires.

38.
    La requérante soutient, à titre liminaire, que la position d'un importateur indépendant dans une enquête sur le contournement de mesures antidumping n'est pas comparable à celle d'un importateur indépendant dans une procédure antidumping.

39.
    En effet, contrairement à une telle procédure, l'enquête menée dans le cadre d'un règlement portant extension d'un droit antidumping n'aurait pas pour objet la constatation d'une pratique de dumping dans un pays tiers, mais la constatation d'un contournement d'un règlement instituant un droit antidumping par des entreprises établies dans l'Union européenne. Cette enquête concernerait, en effet, les importateurs des produits en cause et non pas leurs producteurs ou exportateurs situés dans un pays tiers. La requérante estime, dès lors, que le Conseil lui opposeà tort une jurisprudence portant sur la recevabilité de recours introduits par des importateurs indépendants à l'encontre de règlements instituant un droit antidumping définitif. En effet, les opérateurs économiques auraient nécessairement une position différente dans le cadre d'enquêtes aboutissant à l'instauration d'un droit antidumping définitif et dans celui d'une procédure d'extension d'un tel droit.

40.
    La requérante estime que le règlement d'extension, en ce qu'il étend l'application du droit antidumping, la concerne individuellement. En effet, compte tenu du rôle des importateurs dans une procédure relative à un contournement, leur situation serait comparable à celle des exportateurs et producteurs des États tiers dans les procédures menant à l'institution initiale d'un droit antidumping. Elle expose, dès lors, qu'il convient de lui appliquer les principes développés par la jurisprudence constante selon laquelle les entreprises productrices et exportatrices, qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires peuvent être considérées comme individuellement concernées par un acte instituant un droit antidumping (arrêt de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec. p. 1005).

41.
    À cet égard, la requérante fait valoir qu'elle est expressément mentionnée au considérant 8 du règlement d'extension en tant qu'entreprise ayant demandé un certificat de non-contournement. Le fait que cette demande n'ait pas été présentée dans le délai prévu par l'article 3 du règlement d'ouverture d'enquête serait sans conséquence juridique. En effet, l'article 13, paragraphe 4, du règlement de base ne prévoirait pas de délai pour présenter une telle demande. Par ailleurs, la Commission lui aurait effectivement envoyé un questionnaire et l'aurait entendue au cours de l'enquête. En outre, l'article 6, paragraphe 2, du règlement de base fixerait un délai de 30 jours pour soumettre des observations dans une enquête antidumping. Ce délai pourrait être prolongé si la partie concernée invoquait une raison valable. Selon la requérante, la Commission lui avait implicitement accordé une telle prolongation par sa lettre du 2 août 1996, citée au point 10 ci-dessus, puisqu'elle lui avait envoyé le questionnaire en dépit de l'expiration du délai.

42.
    La requérante relève, de plus, qu'elle ne pouvait pas savoir qu'elle était autorisée à participer à l'enquête, car, selon le règlement d'ouverture d'enquête, celle-ci portait sur les opérations des importateurs-assembleurs et, le cas échéant, des producteurs communautaires de certaines pièces de bicyclettes. Elle fait observer, en effet, que son activité d'importateur-intermédiaire porte sur des pièces détachées de bicyclettes et non sur des parties de bicyclettes déjà assemblées. C'est pour cette raison qu'elle n'aurait pas pris position dans le délai prescrit.

43.
    La requérante fait également valoir qu'il ressort de l'arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil (T-161/94, Rec. p. II-695, point 47), qu'une entreprise ayant participé à l'enquête ne cesse pas d'être individuellement concernée du fait que les informations qu'elle a fournies n'ont, finalement, pas étéretenues par la Commission. En outre, le fait que les informations qu'elle avait transmises à la Commission n'aient pas été prises en considération par cette dernière lui ferait également directement grief.

44.
    Enfin, la requérante considère que l'argumentation du Conseil selon laquelle elle détenait une part de marché relativement faible par rapport aux importations dans la Communauté de parties de bicyclettes originaires de la république populaire de Chine, de sorte qu'elle ne pouvait pas prétendre y occuper une position particulière, n'est pas pertinente dans le contexte de la procédure litigieuse. En effet, cette procédure aurait visé les seuls importateurs de telles parties de bicyclettes établis dans l'Union européenne.

45.
    La requérante s'estime, en outre, individuellement concernée par le règlement d'extension en ce qu'il institue un régime d'exemption.

46.
    D'une part, elle affirme qu'elle a participé à l'enquête et présenté des observations quant au régime d'exemption envisagé par la Commission. De plus, par l'envoi du questionnaire, la Commission l'aurait implicitement admise comme partie intéressée à l'enquête. En effet, la Commission aurait ainsi clairement exprimé qu'elle voulait interroger les importateurs-intermédiaires aux fins de leur éventuelle exemption.

47.
    D'autre part, la requérante conteste l'objection du Conseil selon laquelle le régime d'exemption applicable aux importateurs-intermédiaires aurait été basé sur des considérations abstraites. Selon la requérante, le fait que la Commission lui ait envoyé un questionnaire destiné spécialement aux importateurs-intermédiaires démontre que cette institution n'est pas partie du principe qu'il s'agissait d'une question abstraite. En lui adressant ce questionnaire, la Commission aurait en effet envisagé la possibilité d'exempter elle-même les importateurs-intermédiaires. Cette possibilité aurait également été confirmée à la requérante par les services de la Commission à l'occasion de plusieurs entretiens téléphoniques. Ce ne serait qu'à un stade plus avancé de la procédure que la Commission aurait changé d'avis en renvoyant les importateurs-intermédiaires à la procédure de la destination particulière. De ce fait, le défendeur aurait, en adoptant le règlement d'extension, implicitement rejeté la demande de la requérante d'un certificat de non-contournement.

Appréciation du Tribunal

48.
    Il convient d'examiner si la requérante est directement et individuellement concernée par le règlement d'extension en ce que, d'une part, il étend l'application du droit antidumping institué par le règlement initial et, d'autre part, il prévoit la mise en place, par voie de règlement de la Commission, d'un système d'exemption du droit étendu.

- Quant à l'extension du droit antidumping

49.
    Il y a lieu de constater que, aux termes de l'article 14, paragraphe 1, du règlement de base, «les droits antidumping, provisoires ou définitifs, sont imposés par voie de règlement». Il en va de même de l'extension des droits antidumping, institués en vertu de cette disposition, aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires ou de parties de ces produits, conformément à l'article 13, paragraphes 1 et 3, du règlement de base. S'il est vrai que, au regard des critères de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE), ces règlements ont effectivement, en raison de leur nature et de leur portée, un caractère général, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions puissent concerner directement et individuellement certains opérateurs économiques (arrêt Allied Corporation e.a./Commission, cité au point 40 ci-dessus, point 11, et arrêt du Tribunal du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T-170/94, Rec. p. II-1383, point 35).

50.
    Il convient de constater que la requérante est directement concernée par le règlement d'extension. En effet, les autorités douanières des États membres, sans qu'elles bénéficient d'une quelconque marge d'appréciation, sont obligées de percevoir le droit antidumping étendu par ce règlement aux importations de certains produits (voir, en ce sens, arrêt Shanghai Bicycle/Conseil, cité au point 49 ci-dessus, point 41).

51.
    Quant à la condition d'être individuellement concerné, la requérante soutient, en premier lieu, que sa situation en tant qu'importateur dans une procédure menant à l'extension d'un droit antidumping est fondamentalement différente de la situation d'un importateur dans une procédure aboutissant à l'institution d'un droit antidumping définitif. Eu égard à cette circonstance, il convient, selon la requérante, de l'assimiler, en ce qui concerne la recevabilité de son recours, à des entreprises productrices et exportatrices qui, lorsqu'elles démontrent qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires, peuvent, selon une jurisprudence constante, être considérées comme individuellement concernées par un acte instituant un droit antidumping (arrêts Allied Corporation e.a./Commission, cité au point 40 ci-dessus, point 12, Sinochem Heilongjiang/Conseil, cité au point 43 ci-dessus, point 46, et Shanghai Bicycle/Conseil, cité au point 49 ci-dessus, point 36).

52.
    Toutefois, il résulte de l'article 13, paragraphe 1, du règlement de base que le règlement d'extension n'a pour conséquence que d'élargir le champ d'application du règlement initial aux importations de produits similaires ou de parties de ces produits. Un règlement portant extension d'un droit antidumping présente, dès lors, les mêmes effets juridiques à l'égard des entreprises soumises au droit ainsi étendu qu'un règlement instituant un droit définitif à l'égard des entreprises soumises à un tel droit.

53.
    Il s'ensuit que la seule circonstance que la requérante doit s'acquitter, en l'espèce, d'un droit en vertu d'un règlement portant extension d'un droit antidumping ne la place pas, en ce qui concerne la recevabilité de son recours en annulation, dans une situation juridique différente de celle des importateurs soumis à un règlement instituant un droit antidumping définitif.

54.
    Par ailleurs, la situation de la requérante, dans le cas d'espèce, n'est pas non plus comparable à celle des importateurs, dans le cadre d'une procédure aboutissant à l'institution d'un droit antidumping définitif, dont les prix de revente des marchandises en cause sont à la base soit de la construction du prix à l'exportation et donc du constat de l'existence d'une pratique de dumping, soit du calcul du droit antidumping lui-même (arrêts de la Cour du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C-133/87 et C-150/87, Rec. p. I-719, point 15, du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C-156/87, Rec. p. I-781, point 18, et du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C-305/86 et C-160/87, Rec. p. I-2945, point 20).

55.
    En effet, il ressort du règlement d'extension que, au cours de son enquête, la Commission a examiné si le règlement initial avait été contourné par des opérations d'assemblage, au sens de l'article 13, paragraphe 2, du règlement de base. À cette fin, la Commission a analysé les activités commerciales d'un certain nombre d'importateurs-assembleurs. Ces sociétés sont citées, en tant qu'importateurs-assembleurs s'étant fait connaître dans le délai prévu à l'article 3 du règlement d'ouverture d'enquête, au considérant 5 du règlement d'extension. La requérante, qui n'effectue pas de telles opérations mais se limite à un rôle d'intermédiaire, ne figure pas parmi ces sociétés. Elle n'a pas établi que le règlement d'extension, en ce qu'il étend l'application du droit antidumping, ait été déterminé, de quelque manière que ce soit, par des données relatives à son activité commerciale.

56.
    Ensuite, la requérante soutient, en se référant à l'arrêt Sinochem Heilongjiang/Conseil, cité au point 43 ci-dessus, qu'elle a participé, dans la mesure du possible, à l'enquête préparatoire de sorte qu'elle serait individuellement concernée par le règlement d'extension.

57.
    À cet égard, il convient de constater que c'est seulement le 5 juillet 1996, et donc après l'expiration du délai prévu à l'article 3 du règlement d'ouverture d'enquête, que la requérante est, pour la première fois, intervenue dans le cadre de la procédure afin de demander la délivrance d'un certificat de non-contournement.

58.
    Dans ces circonstances, la requérante n'a pas fait usage de son droit de participation à l'enquête, prévu dans le règlement d'ouverture d'enquête, de sorte qu'elle ne saurait se référer aux principes dégagés dans l'arrêt Sinochem Heilongjiang/Conseil, cité au point 43 ci-dessus (point 47).

59.
    La requérante ne saurait justifier le dépassement du délai susvisé au motif que, en tant qu'importateur-intermédiaire de pièces détachées de bicyclettes qui n'avaientpas été assemblées, elle pouvait légitimement croire qu'elle n'était pas concernée par l'enquête sur le contournement et qu'elle n'était pas, dès lors, autorisée à y participer. Il est vrai qu'il ressort du considérant 8 du règlement d'ouverture d'enquête que la Commission a cherché à obtenir les informations nécessaires, en premier lieu, auprès des importateurs-assembleurs et des producteurs communautaires (voir point 55 ci-dessus). Il n'en demeure pas moins que, ainsi qu'il résulte de l'article 1er dudit règlement, l'enquête avait été ouverte à l'égard des importations de certaines pièces de bicyclettes, indépendamment du fait qu'elles aient été assemblées ou non, et que, dans ce contexte, la Commission avait également invité toutes les autres parties intéressées, pour autant qu'elles aient pu montrer qu'elles étaient susceptibles d'être affectées par les résultats de l'enquête, à y participer dans le délai imparti, ainsi qu'il résulte de l'article 3 et du considérant 9 du règlement précité. La requérante, qui importait les pièces de bicyclettes visées par l'enquête et qui ne conteste pas être une partie intéressée, aurait dû, dès lors, participer à ladite enquête dans le délai imparti afin de permettre à la Commission d'examiner ses informations. En tout état de cause, la requérante n'a pas établi que, lors des contacts informels qu'elle aurait eus avec les services compétents de la Commission au cours de l'enquête, ces derniers lui auraient fourni des renseignements inexacts.

60.
    À titre surabondant, la circonstance que la Commission, à la suite de la présentation d'une demande de délivrance d'un certificat de non-contournement par fax du 5 juillet 1996, a permis à la requérante de remplir un questionnaire spécialement conçu pour les importateurs-intermédiaires ne saurait appuyer l'argumentation de celle-ci quant à la recevabilité de son recours. En effet, ainsi que la requérante et la Commission l'ont confirmé à l'audience, l'objectif de ce questionnaire envoyé à de nombreux importateurs-intermédiaires était uniquement d'obtenir des informations d'ordre général relatives au marché concerné. Partant, ces informations, à supposer même qu'elles aient été examinées par la Commission, n'ont pu être à la base de l'appréciation de celle-ci quant à l'existence d'un contournement du règlement initial ni, dès lors, déterminer l'intervention des institutions communautaires.

61.
    Quant aux observations que la requérante a adressées aux services de la Commission le 9 janvier 1997 (voir point 13 ci-dessus), force est de constater que, dans la mesure où elles ont été envoyées la veille de l'adoption du règlement d'extension, il est exclu qu'elles aient pu être prises en compte par la Commission ou le Conseil à ce stade avancé de la procédure.

62.
    La requérante, dès lors, n'est pas non plus individuellement concernée par les dispositions du règlement d'extension en raison de sa participation à l'enquête.

63.
    Enfin, la requérante n'a pas davantage établi l'existence d'un ensemble d'éléments constitutifs d'une situation particulière qui la caractériserait par rapport à toute autre personne. Notamment, elle n'a pas démontré qu'elle se trouve dans unesituation comparable à celle de la partie requérante dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil (C-358/89, Rec. p. I-2501). En effet, avec une part de marché de moins de 2,5 % de l'ensemble des importations de pièces détachées de bicyclettes en provenance de la république populaire de Chine, elle n'est pas, de toute évidence, l'importateur communautaire le plus important des produits concernés. De même, en se limitant à invoquer que la vente des pièces ayant cette provenance représentait, entre 1992 et 1996, 20 % de son chiffre d'affaires, elle n'a pas avancé d'éléments suffisants permettant de conclure que ses activités dépendent, dans une large mesure, des importations affectées par le règlement d'extension.

64.
    Il y a lieu, dès lors, de conclure que la requérante n'est pas individuellement concernée par le règlement d'extension en ce qu'il étend l'application du droit antidumping.

- Quant aux dispositions du règlement prévoyant la mise en place, par voie de règlement de la Commission, d'un régime d'exemption du droit étendu

65.
    En vertu de l'article 3 du règlement d'extension, le Conseil a, d'une part, habilité la Commission à adopter, par voie de règlement, les mesures nécessaires pour que les importations de parties de bicyclettes ne constituant pas un contournement du droit antidumping soient exemptées du droit étendu et, d'autre part, fixé certaines lignes directrices à suivre par la Commission. L'article 3 dispose que la Commission doit, conformément aux dispositions douanières pertinentes, prévoir les règles de fonctionnement des exemptions du droit étendu à appliquer, d'une part, aux importateurs-assembleurs et, d'autre part, aux importateurs-intermédiaires.

66.
    Il ressort du règlement d'extension, et notamment de ses considérants 30 à 44, que le Conseil n'a pas opéré de choix quant à la procédure à suivre pour l'exemption de ces catégories d'importateurs en fonction de leur situation particulière. Dans le cadre de ce règlement, le Conseil a, en revanche, défini cette procédure en relation avec la finalité de l'article 13 du règlement de base, à savoir organiser la prévention du contournement du droit antidumping institué, tout en permettant aux importateurs-intermédiaires d'apporter la preuve de la destination particulière des parties de bicyclettes importées par eux et d'être ainsi exemptés du droit étendu.

67.
    Par conséquent, le règlement d'extension, en ce qu'il prévoit la mise en place d'un régime d'exemption du droit étendu, concerne la requérante non pas en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne, mais en raison de sa seule qualité objective d'importateur-intermédiaire de pièces de bicyclettes en provenance de la république populaire de Chine, au même titre que tout autre opérateur se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique.

68.
    L'argument de la requérante, selon lequel sa participation à l'enquête et les observations qu'elle a soumises quant au projet de régime d'exemption fonderaientla recevabilité de son recours, ne saurait non plus être retenu. En effet, à supposer même qu'elle ait eu un droit de participation au processus menant à l'adoption du règlement d'extension en ce qu'il prévoit la mise en place d'un système d'exemption du droit étendu, il convient de rappeler que la requérante ne s'est pas manifestée dans le délai imparti (voir, déjà, point 57 ci-dessus).

69.
    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le règlement d'extension, en ce qu'il prévoit la mise en place d'un système d'exemption du droit étendu, constitue à l'égard de la requérante un acte de portée générale et non pas une décision au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

70.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours dans l'affaire T-74/97 est irrecevable.

2. En ce qui concerne l'affaire T-75/97

71.
    La Commission soulève deux fins de non-recevoir à l'encontre de ce recours, visant à l'annulation du règlement d'exemption. Premièrement, la requérante n'aurait pas d'intérêt à agir. Deuxièmement, elle ne serait pas individuellement concernée par ce règlement. Le Tribunal considère opportun d'examiner en premier lieu le bien-fondé de la seconde fin de non-recevoir.

Arguments des parties

72.
    Selon la Commission, la requérante n'est pas individuellement concernée par le règlement d'exemption.

73.
    La requérante considère qu'elle est directement et individuellement concernée par le règlement d'exemption.

74.
    Elle relève, en premier lieu, que l'autorisation pouvant être délivrée aux importateurs-intermédiaires par les autorités douanières dans le cadre de la procédure de la destination particulière est assortie de conditions plus restrictives que celle prévue pour les importateurs-assembleurs.

75.
    Elle fait remarquer, en second lieu, que le règlement d'exemption, et notamment son article 14 concernant la procédure applicable aux importateurs-intermédiaires, contient également des dispositions matérielles, puisqu'il fixe des seuils quantitatifs à partir desquels une importation n'est, per se, pas considérée comme un contournement.

76.
    En outre, la requérante réitère les arguments présentés en défense à l'exception d'irrecevabilité soulevée dans l'affaire T-74/97.

Appréciation du Tribunal

77.
    Le règlement d'exemption contient, conformément à l'article 3 du règlement d'extension, des règles détaillées en ce qui concerne l'exemption de certaines importations de pièces de bicyclettes en provenance de la république populaire de Chine du droit antidumping étendu. Il prévoit, notamment, que seuls les importateurs-assembleurs peuvent être exemptés directement par la Commission, les autres importateurs devant déclarer leurs importations dans le cadre de la procédure de la destination particulière.

78.
    Il ressort du règlement d'exemption que son contenu n'a pas été déterminé en fonction de la situation particulière d'un opérateur économique déterminé mais, au contraire, uniquement au vu du règlement d'extension habilitant la Commission à adopter ce règlement. Par conséquent, tout comme les dispositions du règlement d'extension instituant un régime d'exemption du droit étendu, le règlement d'exemption concerne la requérante non pas en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne, mais en raison de sa seule qualité objective d'importateur-intermédiaire de pièces de bicyclettes en provenance de la république populaire de Chine, au même titre que tout autre opérateur se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique.

79.
    Il s'ensuit que, sans qu'il soit nécessaire d'aborder les questions de savoir si la requérante peut se prévaloir d'un intérêt à agir contre le règlement d'exemption ou si elle est directement concernée par cet acte, cette dernière n'est pas individuellement concernée par ledit règlement et son recours est, dès lors, irrecevable.

80.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter également le recours de la requérante dans l'affaire T-75/97 comme irrecevable.

Sur les dépens

81.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des parties défenderesses.

82.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, du même règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. En conséquence, la République française et la Commission supporteront leurs propres dépens relatifs à la procédure dans l'affaire T-74/97.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Les recours dans les affaires T-74/97 et T-75/97 sont rejetés comme irrecevables.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens du Conseil, relatifs à l'affaire T-74/97, et ceux de la Commission, exposés dans le cadre de l'affaire T-75/97.

3)    La République française et la Commission supporteront leurs propres dépens relatifs à la procédure dans l'affaire T-74/97.

Lenaerts
Tiili
Azizi

Jaeger Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 septembre 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'allemand.