Language of document : ECLI:EU:T:1999:239

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 septembre 1999 (1)

«Recours en annulation — Fonds social européen — Réduction d'un concours financier — Confiance légitime — Sécurité juridique — Bonne administration — Défaut de motivation»

Dans l'affaire T-126/97,

Sonasa — Sociedade Nacional de Segurança, Ld.a, société de droit portugais, établie à Lisbonne, représentée par Me Nuno Morais Sarmento, avocat au barreau de Lisbonne, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Me Victor Gillen, 13, rue Aldringen,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Maria Teresa Figueira et M. Knut Simonson, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision C (96) 3451 de la Commission, du 16 décembre 1996, portant réduction d'un concours financier octroyé à la requérante par le Fonds social européen,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. R. M. Moura Ramos, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 25 mars 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    La décision 83/516/CEE du Conseil, du 17 octobre 1983, concernant les missions du Fonds social européen (JO L 289, p. 38, ci-après «décision 83/516»), prévoit, à son article 1er, paragraphe 2, sous a), que le Fonds social européen (ci-après «FSE») participe au financement d'actions de formation et d'orientation professionnelle.

2.
    Les projets de financement de ces actions, qui doivent être présentés par un État membre ou une entité désignée par celui-ci, sont approuvés par une décision d'agrément de la Commission. Selon l'article 2, paragraphe 2, de la décision 83/516, l'État membre au nom duquel le projet est présenté doit en garantir la bonne fin.

3.
    Le règlement (CEE) n° 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983, portant application de la décision 83/516 (JO L 289, p. 1, ci-après «règlement n° 2950/83»), prévoit à son article 5, paragraphe 4, d'une part, que les demandes de paiement du solde contiennent un rapport détaillé sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l'action concernée, et, d'autre part, que l'État membre certifie l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement.

4.
    Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, du même règlement, lorsque le concours du FSE n'est pas utilisé conformément aux conditions fixées par la décision d'agrément, la Commission peut suspendre, réduire ou supprimer ce concours,

après avoir donné à l'État membre concerné l'occasion de présenter ses observations.

5.
    Selon l'article 6, paragraphe 2, les sommes versées qui n'ont pas été utilisées conformément aux conditions fixées par la décision d'agrément donnent lieu à répétition.

Faits à l'origine du litige

6.
    Le Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (département des affaires du Fonds social européen, ci-après «DAFSE») représente l'État portugais dans les matières relevant du FSE. Il est l'interlocuteur portugais exclusif, d'une part, des services de la Commission responsables des actions financées par le FSE et, d'autre part, des organismes publics et privés qui souhaitent bénéficier d'un concours du FSE au Portugal.

7.
    La requérante, Sonasa — Sociedade Nacional de Segurança, Ld.a (ci-après «Sonasa»), a introduit auprès du DAFSE une demande de concours financier du FSE pour une action de formation professionnelle à réaliser au titre de l'exercice 1989 (ci-après «demande de concours»).

8.
    Par la suite, le DAFSE a présenté cette demande, au nom de l'État portugais et en faveur de la requérante, à la Commission.

9.
    Le projet pour lequel le concours était sollicité a été approuvé par la décision de la Commission C (89) 0570, du 22 mars 1989 (ci-après, «décision d'agrément»), qui a octroyé à la requérante 35 083 325 ESC pour la formation de 249 personnes âgées de moins de 25 ans.

10.
    L'État portugais s'engageait, pour sa part, à financer le projet de la requérante à concurrence de 28 704 538 ESC, par l'intermédiaire de l'Orçamento da Segurança Social/Instituto de Gestão Financeira da Segurança Social (budget de la sécurité sociale/institut de gestion financière de la sécurité sociale, ci-après «OSS/IGFSS»).

11.
    Pendant la réalisation de l'action de formation, la requérante a perçu, les 8 mai et 5 juillet 1989, des avances sur les concours octroyés par le FSE et par l'OSS/IGFSS.

12.
    Au terme d'un contrôle effectué en juillet 1989, le DAFSE a constaté une diminution de la durée du programme de formation et du nombre de participants initialement prévus et a, par conséquent, estimé que le concours devait être réduit. Il est, toutefois, revenu sur cette position et a, par lettre du 6 mars 1990 adressée à la Commission, recommandé le maintien de la décision d'agrément initiale.

13.
    L'action de formation achevée, la requérante a soumis au DAFSE le bilan comptable de celle-ci, faisant apparaître un coût effectif total inférieur à celui initialement prévu, et la demande de paiement du solde. L'un et l'autre ont été adressés à la Commission le 27 octobre 1990.

14.
    Lors d'un premier examen de la demande de paiement du solde, le DAFSE a eu des doutes sur la régularité des indications qu'elle contenait. Néanmoins, le 27 juin 1991, il a effectué un autre versement partiel, en précisant que celui-ci restait subordonné à la constatation par la Commission de la régularité du bilan comptable de l'action.

15.
    Le 20 août 1991, le DAFSE a informé la Commission que, à la suite d'un réexamen du dossier, il acceptait le bilan comptable présenté par Sonasa.

16.
    Après avoir reçu cette communication du DAFSE, la Commission a demandé à ce dernier d'approfondir l'analyse du dossier de la requérante.

17.
    Le 12 octobre 1992, le DAFSE a informé la requérante qu'un contrôle financier et comptable de son action de formation professionnelle avait été confié à une entreprise indépendante.

18.
    L'entreprise chargée de ce contrôle a conclu, dans un rapport établi en octobre 1993, à la réduction du montant des concours octroyés pour l'action de formation professionnelle menée par Sonasa, au motif que certaines dépenses devaient être considérées comme inéligibles. Ledit rapport indique, notamment, que les stagiaires n'avaient eu qu'une semaine de formation pratique et qu'ils avaient été employés comme s'ils étaient de véritables travailleurs au service de l'entreprise.

19.
    A la suite de plusieurs échanges de vues entre Sonasa et le DAFSE sur le contenu du rapport de contrôle financier et comptable et conformément aux procédures prévues par l'article 100 du (code de procédure administrative portugais), le DAFSE a adopté, le 1er février 1996, la décision de proposer à la Commission la réduction du concours financier.

20.
    Par lettre du 20 mars 1996, le DAFSE a invité la requérante à rembourser une partie des avances accordées pour son action de formation, en précisant que cette demande de restitution ne préjugeait pas la décision relative au montant définitif du concours du FSE que devait encore adopter la Commission.

21.
    Les résultats du contrôle financier et comptable ont été communiqués à la Commission par l'État portugais le 5 septembre 1996.

22.
    Le 16 décembre 1996, la Commission a adopté, sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83 la décision C (96) 3451 (ci-après «décision litigieuse»), notifiée à la requérante le 19 février 1997, par laquelle elle a réduit le

montant du concours du FSE initialement octroyé pour l'action de formation professionnelle menée par Sonasa.

Procédure et conclusions des parties

23.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 avril 1997, la requérante a introduit le présent recours en annulation de la décision litigieuse.

24.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et de poser des questions écrites à la Commission, auxquelles elle a répondu le 3 mars 1999.

25.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 25 mars 1999.

26.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision litigieuse;

—    condamner la partie défenderesse aux dépens.

27.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme étant dépourvu de fondement;

—    condamner la partie requérante aux dépens.

Sur le fond

28.
    La requérante soulève trois moyens d'annulation, tirés, premièrement, d'une violation des principes généraux de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration, deuxièmement, d'une violation du principe de respect des droits acquis et, troisièmement, d'un défaut de motivation de la décision litigieuse.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration

Arguments des parties

29.
    La requérante fait observer que:

a)    le DAFSE et la Commission ont, à maintes reprises après avoir approuvé le programme de formation, changé d'avis à propos du montant des concours financiers octroyés pour sa réalisation. Ainsi, ils seraient revenus sur une réduction dudit montant, opérée au motif que certains «stages théoriques», inclus dans les activités de formation théorique, auraient eu, au contraire, une portée pratique, ce qui aurait eu pour conséquence de méconnaître la règle selon laquelle la formation pratique ne peut pas dépasser la formation théorique;

b)    en particulier, le DAFSE, après avoir rectifié l'évaluation négative qu'il avait exprimée à un moment initial du déroulement du programme, en reconnaissant formellement avoir commis une erreur matérielle dans son évaluation, plus tard — lorsque le programme avait déjà été conclu et que le DAFSE avait déjà communiqué à la Commission son accord quant à lastructure des coûts et au tableau de financement qui figuraient dans la demande de paiement du solde et avait même payé la partie du concours financier de compétence nationale — avait réitéré ses critiques et de nouveau réduit le montant du concours originellement prévu, en demandant la restitution d'une partie des montants versés;

c)    le silence de la Commission à la suite des lettres reçues de la part du DAFSE ne pouvait que signifier que celle-ci partageait et confirmait les conclusions du DAFSE;

d)    le versement par le DAFSE d'une dernière partie des concours à la suite de son acceptation du bilan financier présenté dans la demande de paiement du solde avait suscité une confiance légitime en la reconnaissance de son droit au concours même;

e)    la Commission a adopté la décision litigieuse confirmant la position finale du DAFSE de réduction du montant du concours financier, d'une part, sans jamais avoir vérifié le bien-fondé tant des affirmations de l'organisme national que des conclusions du rapport financier comptable et, d'autre part, en laissant s'écouler sept années à compter de la réception de la demande de paiement du solde.

30.
    Sur la base des éléments exposés aux points précédents, la requérante maintient que la Commission a violé de manière flagrante les principes généraux de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration.

31.
    La partie défenderesse réplique que:

a)    la décision litigieuse ne se fonde pas seulement sur la qualification des «stages théoriques», mais aussi sur le fait que la requérante n'avait réalisé

l'action de formation que pour 137 stagiaires au lieu des 249 initialement prévus, ainsi que sur la constatation que d'autres conditions d'exécution de la demande agréée n'avaient pas été respectées;

b)    le paiement par le DAFSE du solde provisoire tant de la contribution nationale que du concours du FSE ne démontre pas que ce dernier reconnaissait que la somme versée était effectivement due. La législation portugaise applicable en la matière indiquerait très clairement que ce paiement s'effectue sous réserve de la vérification ultérieure des comptes par la Commission à l'occasion de l'adoption de la décision d'approbation du solde;

c)    selon une jurisprudence constante, c'est la Commission qui statue sur les demandes de paiement du solde et non les autorités nationales;

d)    la législation communautaire applicable au FSE n'obligerait pas la Commission à effectuer une étude indépendante de la situation et lui permettrait de se fonder sur les conclusions dûment motivées de l'État membre pour prendre sa décision finale.

Appréciation du Tribunal

32.
    Le Tribunal estime opportun d'examiner successivement chacun des trois griefs soulevés par la requérante.

— Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

33.
    Le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime est ouvert à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1997, Interhotel/Commission, T-81/95, Rec. p. II-1268, point 45).

34.
    Toutefois, il est de jurisprudence constante que le principe de la protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par une entreprise qui s'est rendue coupable d'une violation manifeste de la réglementation en vigueur (voir arrêt du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93, T-231/94, T-232/94, T-233/94 et T-234/94, Rec. p. II-247, point 76).

35.
    Il convient de constater, liminairement, que la décision litigieuse a été prise en application de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83, qui dispose que, lorsque le concours du FSE n'est pas utilisé dans les conditions fixées par la décision d'agrément, la Commission peut suspendre, réduire ou supprimer ce

concours, après avoir donné à l'État membre concerné l'occasion de présenter ses observations.

36.
    Il ressort clairement de cette disposition que l'octroi du concours du FSE est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions de l'action énoncées par la Commission dans la décision d'agrément. En cas de violation de ces conditions, le bénéficiaire ne peut donc pas légitimement s'attendre au paiement de l'intégralité du montant octroyé dans la décision d'agrément.

37.
    La Commission était donc habilitée par le règlement n° 2950/83 à vérifier que le concours du FSE avait été utilisé conformément aux conditions posées par la décision d'agrément octroyant à la requérante un concours financier d'un montant de 35 083 325 ESC pour une action de formation pour 249 personnes. Saisie de la demande de paiement du solde, elle devait apprécier, après avoir entendu l'État membre concerné, si d'éventuelles violations des conditions susvisées justifiaient la réduction du concours, en application de l'article 6 du règlement n° 2950/83 (arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Oliveira/Commission, T-73/95, Rec. p. II-384, points 30 et 31).

38.
    Or, il est constant que le nombre des stagiaires participant à l'action de formation de Sonasa a diminué d'une façon remarquable (de 249 à 137), et que la durée de l'action a été considérablement réduite. En outre, la Commission a pu relever, au vu du rapport de contrôle financier et comptable, que les stagiaires n'avaient eu qu'une semaine de formation pratique et qu'ils avaient été employés comme s'ils étaient de véritables travailleurs au service de l'entreprise.

39.
    Il s'ensuit que la requérante n'a manifestement pas respecté les conditions auxquelles était subordonné l'octroi du concours du FSE. Par conséquent, elle ne saurait se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour demander l'annulation de la décision litigieuse.

40.
    Par ailleurs, la requérante ne saurait valablement soutenir que le versement de tout ou partie des concours par le DAFSE, après acceptation par ce dernier du bilan financier présenté avec la demande de paiement du solde, a fait naître sa confiance légitime dans le paiement définitif de la totalité du concours initialement agréé.

41.
    En effet, il convient de rappeler que c'est la Commission qui statue sur les demandes de paiement du solde, et que c'est à elle — et à elle seule — qu'appartient le pouvoir de réduire un concours financier du FSE, conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83 (arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Commission/Branco, T-85/94 (122), Rec. p. II-2993, point 23).

42.
    Bien que le DAFSE ait, comme toute autre autorité nationale compétente en matière de financement des actions du FSE, la possibilité de proposer à la Commission dans une demande de paiement du solde, conformément à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83, d'accepter ou de réduire un concours

financier du FSE, seule cette dernière a le pouvoir de prendre une telle décision. En outre, tout paiement effectué par les autorités nationales compétentes doit être considéré comme provisoire, en ce qu'il est subordonné à la décision finale prise par la Commission.

43.
    Il ressort également du dossier que le DAFSE a toujours indiqué à la requérante que les paiements reçus étaient provisoires et subordonnés à cette décision.

44.
    Il s'ensuit que toutes les communications adressées par le DAFSE à la requérante ou à la Commission concernant l'acceptation ou une éventuelle réduction du concours du FSE doivent être considérées comme de simples propositions de l'autorité nationale, avancées dans le cadre des activités de contrôle de la bonne fin des actions de formation auxquelles les autorités nationales compétentes sont tenues conformément à l'article 2, paragraphe 2, de la décision 83/516.

45.
    Il s'ensuit que la requérante ne peut pas, en l'espèce, se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour demander l'annulation de la décision litigieuse.

46.
    Ce grief n'est donc pas fondé.

— Sur la violation du principe de sécurité juridique

47.
    La requérante ne peut pas plus se prévaloir du principe de sécurité juridique pour demander l'annulation de la décision litigieuse. En effet, il ne saurait être considéré que ce principe, qui exige que les règles de droit soient claires et précises et qui vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a., C-63/93, Rec. p. I-569, point 20), ait été violé en l'espèce, dès lors que la réglementation applicable prévoit expressément la possibilité de la répétition du concours financier dans les cas où les conditions auxquelles le soutien était subordonné n'ont pas été respectées (arrêt Interhotel/Commission, précité, point 61).

48.
    Ce grief n'est, donc, pas fondé.

— Sur la violation du principe de bonne administration

49.
    Il convient d'observer que la Commission a agi avec la diligence requise.

50.
    En effet, et en premier lieu, ayant reçu le rapport financier et comptable le 5 septembre 1996, elle a adopté la décision litigieuse le 16 décembre 1996.

51.
    En deuxième lieu, la décision litigieuse ne se fonde pas à titre exclusif sur ledit rapport, ni même sur la seule évaluation de la portée des «stages théoriques». Il ressort, au contraire, clairement de la motivation de ladite décision que la Commission s'est fondée sur l'ensemble des documents qui lui ont été adressés par le DAFSE.

52.
    En troisième lieu, l'octroi des concours financiers du FSE repose sur un système d'étroite collaboration entre la Commission et les États membres, dont il découle l'obligation pour l'État membre de faciliter les contrôles que la Commission effectue pour constater si les activités réalisées ou en cours de réalisation sont conformes aux directives applicables en l'espèce (arrêt du Tribunal du 12 janvier 1995, Branco/Commission, T-85/94, Rec. p. II-47, point 35; arrêt de la Cour du 15 mars 1984, EISS/Commission, 310/81, Rec. p. 1341, point 14). En outre, il importe de rappeler que, selon l'article 2, paragraphe 2, de la décision 83/516, l'État membre au nom duquel le projet est présenté doit en garantir la bonne fin. Il s'ensuit que la requérante ne saurait reprocher à la Commission d'avoir fondé ses conclusions sur les informations recueillies par l'État membre concerné.

53.
    En l'espèce, et en dépit de la longueur du délai qui s'est écoulé entre la date de réception de la demande de paiement du solde et la date d'adoption de la décision litigieuse, la Commission a, à juste titre, attendu les résultats du rapport de contrôle financier et comptable commandé par le DAFSE, lui même justifié par la constatation d'un certain nombre d'irrégularités dans le dossier (voir point 38). Dès lors, le comportement de la Commission, consistant à attendre les résultats dudit contrôle, ne saurait constituer une méconnaissance du principe de bonne administration.

54.
    Par ailleurs, le fait que la Commission ait eu connaissance des différentes prises de position du DAFSE n'implique nullement qu'elle soit responsable du comportement de l'autorité nationale. Si, certes, la Commission aurait pu inviter cette dernière à accélérer la procédure, il demeure qu'elle avait l'obligation de prendre sa décision sur la base de toutes les données pouvant avoir une incidence sur le résultat (arrêt Oliveira/Commission, précité, point 32). Dans ces circonstances, il ne saurait luiêtre reproché d'avoir attendu la conclusion de l'investigation menée par l'autorité nationale pour adopter sa décision.

55.
    Le troisième grief n'est donc pas fondé.

56.
    Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une méconnaissance du principe de respect des droits acquis

Arguments des parties

57.
    Selon la requérante, les faits démontrent indiscutablement que la Commission a porté directement atteinte à ses droits acquis. En effet, la décision d'agrément lui conférerait des droits subjectifs, l'autorisant à exiger le paiement intégral du concours.

58.
    La défenderesse réplique que le bénéficiaire d'un concours dont la demande a été approuvée par la Commission n'acquiert, de ce fait, aucun droit définitif au paiement intégral du concours s'il ne respecte pas les conditions fixées par la décision d'agrément. Il s'ensuit que la requérante ne pouvait pas légitimement s'attendre à ce que tous les coûts pris en compte à la suite de la demande initiale de concours soient finalement acceptés.

Appréciation du Tribunal

59.
        Il est de jurisprudence constante que le bénéficiaire d'un concours dont la demande a été approuvée par la Commission n'acquiert, de ce fait, aucun droit définitif au paiement intégral du concours s'il ne respecte pas les conditions auxquelles le soutien était subordonné (arrêt Interhotel/Commission, précité, point 62).

60.
    Ainsi que le Tribunal l'a déjà constaté aux points 38 et 39 ci-dessus, la requérante n'a pas respecté, dans le cas d'espèce, les conditions auxquelles l'action de formation était soumise.

61.
    Il s'ensuit que le deuxième moyen, tiré d'une méconnaissance du principe de respect des droits acquis, doit également être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'un défaut de motivation

Arguments des parties

62.
    La requérante reproche à la Commission d'avoir pris sa décision uniquement en considération des conclusions du DAFSE, elles-mêmes exclusivement fondées sur le rapport de contrôle financier et comptable, qui reposerait sur des spéculations. Il en résulterait que la Commission non seulement n'a pas motivé sa décision de manière précise, mais encore qu'elle ne l'a pas motivée de manière complète, en se fondant à cet égard sur des documents qui sont entachés des mêmes vices.

63.
    La partie défenderesse souligne, au contraire, que, dans une situation où, comme en l'espèce, elle confirme simplement la proposition d'un État membre de réduire

un concours initialement accordé, sa décision doit être considérée comme dûment motivée lorsqu'elle se réfère d'une manière suffisamment claire à cette proposition.

Appréciation du Tribunal

64.
    Il résulte d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si, éventuellement, elle est entachée d'un vice permettant d'en contester la validité. La portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêt Branco/Commission, précité, point 32).

65.
    Il a déjà été jugé que la motivation d'une décision portant réduction du montant d'un concours du FSE doit, en ce que cette décision est de nature à emporter des conséquences graves pour le bénéficiaire du concours, faire clairement apparaître les motifs qui justifient la réduction du concours par rapport au montant initialement agréé (arrêt du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal/Commission, T-450/93, Rec. p. II-1177, point 52).

66.
    Par conséquent, il y a lieu d'examiner si, en l'espèce, la décision litigieuse satisfait aux exigences posées par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), tel qu'il a été interprété par le juge communautaire.

67.
    Il a déjà été constaté qu'il résulte tant de la réglementation applicable que de la jurisprudence que l'octroi des concours financiers du FSE repose sur un système d'étroite collaboration entre la Commission et les États membres.

68.
    Dès lors, dans une situation où, comme en l'espèce, la Commission confirme purement et simplement la proposition d'un État membre de réduire un concours initialement accordé, le Tribunal estime qu'une décision de la Commission peut être considérée comme dûment motivée, au sens de l'article 190 du traité, soit lorsqu'elle-même fait clairement apparaître les motifs qui justifient la réduction du concours, soit, à défaut, lorsqu'elle se réfère suffisamment à un acte des autorités nationales compétentes de l'État membre concerné dans lequel celles-ci exposent clairement les motifs d'une telle réduction (arrêt Branco/Commission, précité, point 36).

69.
    Or, en l'espèce, la décision litigieuse comporte l'indication précise des motifs pour lesquels la Commission a réduit le concours financier initialement accordé, ainsi que la mention des documents du DAFSE auxquels elle s'est référée.

70.
    Il s'ensuit que le troisième moyen, tiré d'un défaut de motivation, doit également être rejeté comme non fondé.

71.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

72.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu, eu égard aux conclusions de la partie défenderesse, de la condamner à l'ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La partie requérante est condamnée à l'ensemble des dépens.

Moura Ramos            Tiili                Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: le portugais.