Language of document : ECLI:EU:T:2012:160

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT

DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

27 mars 2012 (*)

« Aides d’État – Recours en annulation – Intervention – Intérêt à la solution du litige – Rejet »

Dans l’affaire T‑262/11,

Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomixanias Chrysou, établie à Kifissia (Grèce), représentée par Mes K. Adamantopoulos, E. Petritsi, E. Trova et P. Skouris, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. E. Gippini Fournier et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/452/UE de la Commission, du 23 février 2011, concernant l’aide d’État C 48/08 (ex NN 61/08) octroyée par la Grèce en faveur d’Ellinikos [Ch]rysos SA (JO L 193, p. 27),

LE PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 août 2011, European Goldfields Ltd (ci-après « European Goldfields »), une société constituée en vertu du droit applicable sur le territoire du Yukon et dont le siège se trouve au Canada, a demandé à intervenir dans l’affaire T‑262/11 au soutien des conclusions de Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomixanias Chrysou (ci-après « Hellas Gold » ou la « requérante »).

2        Cette demande a été déposée dans le cadre d’un recours formé par Hellas Gold tendant à obtenir l’annulation de la décision C 48/2008 (ex NN 61/2008) de la Commission, du 23 février 2011 (JO L 193, p. 27) dans laquelle cette dernière a conclu que constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, d’une part, la cession des mines de Cassandra, en 2003, à Hellas Gold, en ce qu’elle avait été effectuée à un prix inférieur à la valeur réelle du marché et, d’autre part, l’exonération des taxes sur l’opération prévue par le contrat de vente (ci-après la « décision attaquée »). Par cette décision, la Commission a ordonné à la République hellénique de récupérer un montant de 15,34 millions d’euros, majoré d’intérêts.

3        La décision attaquée ayant été publiée le 23 juillet 2011, la demande d’intervention a été présentée dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

4        La demande d’intervention a été signifiée aux parties conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. À la différence de la requérante, la Commission a conclu au rejet de la demande.

 En droit

 Arguments des parties

5        European Goldfields fait valoir qu’elle est le principal actionnaire de Hellas Gold. Elle détiendrait 95 % des parts sociales de cette dernière société à travers ses filiales, à savoir 650 000 parts par l’intermédiaire de European Goldfields (Greece) BV [l’ensemble des parts sociales de cette dernière société sont détenues par European Goldfields Mining (Netherlands) BV, une filiale à 100 % de European Goldfields Ltd] et 300 000 parts par l’intermédiaire d’Hellas Gold BV (une filiale à 100 % de European Goldfields Ltd). Par ailleurs, elle aurait apporté le capital nécessaire pour le financement du projet d’extraction d’or en Grèce, porté par Hellas Gold.

6        European Goldfields prétend, en substance, que, en tant qu’actionnaire principal de Hellas Gold, la prétendue bénéficiaire de l’aide litigieuse, et en tant que partie intéressée dans le cadre de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, elle dispose d’un intérêt direct et concret à la solution du présent litige. La restitution éventuelle des fonds publics visés par cette décision mettrait en péril sa position sur le marché. Or, il lui incomberait de protéger cette position, ainsi que les intérêts de ses actionnaires. De plus, elle possèderait la qualité à agir en annulation contre la décision attaquée, qu’elle aurait d’ailleurs exercé par l’introduction du recours dans l’affaire T‑261/11.

7        Dans ses observations sur la demande d’intervention, la Commission soutient que European Goldfields n’a pas démontré avoir un intérêt direct et actuel distinct de celui de Hellas Gold à l’issue de la procédure en question.

 Appréciation du Tribunal

8        En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, le droit d’intervenir d’un particulier est soumis à la condition que ce dernier puisse justifier d’un intérêt à la solution du litige.

9        Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes (ordonnance de la Cour du 25 novembre 1964, Lemmerz-Werke/Haute Autorité, 111/63, Rec. p. 835 ; ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec. p. I‑3491, points 51 à 53, et du 6 mars 2003, Ramondín et Ramondín Cápsulas/Commission, C‑186/02 P, Rec. p. I‑2415, point 7).

10      Il ressort également de la jurisprudence qu’il convient d’établir une distinction entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé à l’acte spécifique dont l’annulation est demandée et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige, en raison de similarités entre leur situation et celle d’une des parties (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 27, et la jurisprudence citée). Dans le cas contraire, toute personne affectée de manière indéfinie par un litige pourrait justifier d’un intérêt à la solution. Un tel résultat ne serait pas conforme aux exigences d’économie de procédure (ordonnance du Tribunal du 15 juin 1993, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92, Rec. p. II‑587, points 20 et 21).

11      Ensuite, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte vis-à-vis de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide (arrêt de la Cour du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 81 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 29). En effet, aucune disposition de la procédure de contrôle des aides d’État ne réserve, parmi les intéressés, un rôle particulier au bénéficiaire de l’aide (arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, précité, point 83). Il ressort de cette jurisprudence que ladite procédure ne réserve a fortiori aucun rôle particulier aux actionnaires du bénéficiaire de l’aide.

12      Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que le bénéficiaire d’une aide d’état, dans le cadre d’un litige qui concerne cette aide, justifie d’un intérêt à la solution du litige et dès lors est en droit d’intervenir (voir ordonnances du Tribunal du 12 juin 1995, British Airways e.a./Commission, T‑371/94, non publiée, point 6, et du 17 novembre 1995, Salt Union/Commission, T‑330/94, Rec. p. II‑2881, point 10, et la jurisprudence citée). En l’espèce, le bénéficiaire de l’aide a déposé son propre recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

13      European Goldfields invoque le droit d’intervenir en sa qualité d’actionnaire principal de Hellas Gold. Toutefois, contrairement à la situation de cette dernière, qui est la bénéficiaire de l’aide litigieuse et qui a un intérêt direct et actuel dans le cadre de tout litige concernant ladite aide, un actionnaire comme European Goldfields n’a, dans les circonstances de l’espèce, qu’un intérêt indirect et potentiel à la solution du litige. En effet, il serait contraire aux exigences d’économie de procédure de permettre aux actionnaires des bénéficiaires d’aides d’intervenir sans faire valoir un intérêt particulier à la solution (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 11 septembre 2006, UPC France Holding BV e.a./Commission, T‑367/05, non publiée, point 15).

14      L’argument de European Goldfields selon lequel sa position sur le marché serait sérieusement affectée par le maintien de la décision attaquée ne saurait être retenu. À supposer que le présent recours soit rejeté, cela aurait pour effet de confirmer l’obligation pour la République hellénique de récupérer les aides litigieuses auprès de Hellas Gold. Or, rien n’indique qu’une telle récupération entraînerait automatiquement des conséquences financières pour European Goldfields ni que cette dernière pourrait ainsi justifier d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige. En réalité, l’intérêt de European Goldfields n’est qu’indirect et potentiel, au sens de la jurisprudence citée au point 13 ci-dessus.

15      L’argument de European Goldfields selon lequel la solution du litige pourrait affecter les intérêts de ses actionnaires ne saurait davantage être retenu. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la notion d’intérêt à la solution du litige doit se définir au regard de l’objet même du celui-ci. L’affirmation de European Goldfields selon laquelle, en substance, la restitution des aides litigieuses pourrait avoir des conséquences sur les intérêts des ses propres actionnaires est trop abstraite et générale pour établir qu’elle est substantiellement affectée par l’issue du présent litige.

16      En ce qui concerne le droit d’intervenir en tant qu’actionnaire important de Hellas Gold invoqué par European Goldfields, il convient de relever que, à elle seule, cette circonstance ne saurait conférer à cette dernière un intérêt direct à la solution du litige aux termes de la jurisprudence citée au point 13 ci-dessus, en particulier eu égard au fait que sa participation dans le capital de Hellas Gold n’est qu’indirecte par le biais des sociétés European Goldfields Mining (Netherlands) BV et Hellas Gold BV, (voir point 5 ci-dessus). Le bénéficiaire d’une aide doit être vu comme une entité distincte de ses membres, dotée d’une volonté propre. Il appartenait donc à Hellas Gold de prendre la décision de déposer un recours en annulation à l’encontre la décision attaquée, ce qu’elle a fait en l’espèce (voir, en ce sens, l’ordonnance UPC France Holding BV e.a./Commission, point 13 supra, point 18, et, par analogie, l’ordonnance National Power et PowerGen, point 9 supra, point 66).

17      Enfin, s’agissant du fait que European Goldfields ait participé, en tant que partie intéressée, à la procédure administrative, celui-ci ne suffit pas pour établir l’intérêt requis par l’article 40 du statut de la Cour (voir, par analogie, ordonnance du président de la cinquième chambre élargie du Tribunal du 10 janvier 2006, Diputación Foral de Álava et Gobierno Vasco/Commission, T-227/01, Rec. p. II-1, point 10).

18      European Goldfields n’ayant pas démontré l’existence d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige, sa demande en intervention doit être rejetée.

 Sur les dépens

19      En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de European Goldfields, il convient de statuer sur les dépens afférents à sa demande en intervention.

20      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. European Goldfields ayant succombé en sa demande, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux de la Commission afférents à la présente demande, conformément aux conclusions de cette dernière. La requérante, ayant conclu à ce que la Commission soit condamnée aux dépens, supportera ses propres dépens afférents à la demande en intervention.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en intervention présentée par European Goldfields Ltd est rejetée.

2)      European Goldfields Ltd est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission afférents à la procédure en intervention.

3)      Ellinikos Chrysos AE Metalleion kai Viomixanias Chrysou est condamnée à supporter ses propres dépens afférents à la procédure en intervention.

Fait à Luxembourg, le 27 mars 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’anglais.