Language of document : ECLI:EU:T:2016:736

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

15 décembre 2016 (*)

« Environnement – Produits génétiquement modifiés – Soja génétiquement modifié MON 87701 x MON 89788 – Rejet comme non fondée d’une demande de réexamen interne de la décision d’autorisation de mise sur le marché – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑177/13,

TestBioTech eV, établie à Munich (Allemagne),

European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility eV, établie à Braunschweig (Allemagne),

Sambucus eV, établie à Vahlde (Allemagne),

représentées par Mmes K. Smith, QC, et J. Stevenson, barrister,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme C. Cattabriga et M. P. Oliver, puis par Mme Cattabriga et M. L. Flynn et enfin par Mme Cattabriga, M. Flynn et Mme C. Valero, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme E. Jenkinson et M. L. Christie, puis par M. Christie et enfin par M. S. Brandon, en qualité d’agents, assistés de M. J. Holmes, barrister,

par

Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), représentée par MM. D. Detken et S. Gabbi, en qualité d’agents,

et par

Monsanto Europe, établie à Anvers (Belgique),

et

Monsanto Company, établie à Wilmington, Delaware (États-Unis),

représentées par Me M. Pittie, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission, du 8 janvier 2013, portant sur le réexamen interne de la décision d’exécution 2012/347/UE de la Commission, du 28 juin 2012, autorisant la mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié MON 87701 x MON 89788 (MON-877Ø1-2 x MON-89788-1), consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (JO 2012, L 171, p. 13),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 mai 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La première requérante, TestBioTech eV, est une association à but non lucratif visant à promouvoir la recherche indépendante et le débat public sur les répercussions de la biotechnologie, enregistrée en Allemagne.

2        La deuxième requérante, European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility eV, est une organisation allemande à but non lucratif ayant pour objet la progression de la science et de la recherche pour la protection de l’environnement, de la diversité biologique et de la santé humaine contre les effets néfastes des nouvelles technologies et de leurs produits.

3        La troisième requérante, Sambucus eV, est une organisation environnementale allemande à but non lucratif qui s’investit dans des activités culturelles.

4        Le 14 août 2009, Monsanto Europe a soumis à l’autorité compétente des Pays-Bas, conformément aux articles 5 et 17 du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (JO 2003, L 268, p. 1), une demande de mise sur le marché de denrées alimentaires, d’ingrédients alimentaires et d’aliments pour animaux contenant le soja MON 87701 x MON 89788 (ci-après le « soja modifié »), consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci. La demande concernait également la mise sur le marché du soja modifié présent dans des produits autres que des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, contenant du soja modifié ou consistant en ce soja et destiné aux mêmes usages que tout autre soja, à l’exception de la culture.

5        Le 15 février 2012, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a émis un avis global, en vertu des articles 6 et 18 du règlement n° 1829/2003 (ci-après l’« avis global »). Au point 3 de cet avis, elle expliquait que son groupe scientifique sur les organismes génétiquement modifiés (ci-après le « groupe scientifique ») avait adopté un avis scientifique, le 25 janvier 2012, sur la demande (EFSA-GMO-NL-2009-73) portant sur la mise sur le marché du soja modifié, résistant aux insectes et tolérant aux herbicides pour l’utilisation comme denrée ou comme aliment pour animaux, importation et traitement en vertu du règlement n° 1829/2003 par Monsanto [The EFSA Journal 2012;10(2):2560, 1-34, ci-après l’« avis scientifique du 25 janvier 2012 »], constatant que le soja modifié était, dans le contexte de ses utilisations envisagées, aussi sûr que son homologue non génétiquement modifié quant à ses effets potentiels sur la santé humaine et animale ou sur l’environnement. De plus, le groupe scientifique aurait conclu que l’hybridation du soja modifié n’avait pas pour effet, dans le contexte de ses utilisations envisagées, de produire des interactions entre les événements qui auraient une influence sur sa sûreté au regard des effets potentiels sur la santé humaine et animale ou sur l’environnement. Dans l’avis global, l’EFSA concluait que celui-ci « rempli[ssai]t les conditions des articles 6 et 18 [du règlement n° 1829/2003] pour la mise sur le marché du [soja modifié] ».

6        Par la décision d’exécution 2012/347/UE, du 28 juin 2012, autorisant la mise sur le marché de produits contenant du soja modifié, consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (JO 2012, L 171, p. 13, ci-après la « décision d’autorisation »), la Commission européenne a autorisé, sous certaines conditions, aux fins de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003 :

–        les denrées alimentaires et les ingrédients alimentaires contenant du soja modifié, consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci ;

–        les aliments pour animaux contenant du soja modifié, consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci ;

–        le soja modifié présent dans les produits autres que des denrées alimentaires et des aliments pour animaux « contenant de ce » soja ou consistant en celui-ci, destiné aux mêmes usages que tout autre soja, à l’exception de la culture.

7        Aux considérants 4, 6 et 7 de la décision d’autorisation, la Commission a expliqué que, le 15 février 2012, l’EFSA avait émis un avis favorable, conformément aux articles 6 et 18 du règlement n° 1829/2003, en estimant que le soja modifié, tel qu’il était décrit dans la demande, était aussi sûr que son homologue non génétiquement modifié quant à ses effets potentiels sur la santé humaine et animale ou sur l’environnement. De plus, l’EFSA aurait également estimé que le plan de surveillance des effets de celui-ci sur l’environnement, présenté par le demandeur et consistant en un plan de surveillance général, aurait été conforme à l’usage auquel les produits étaient destinés. Sur ce fondement, la Commission jugeait opportun d’autoriser la mise sur le marché de produits contenant du soja modifié, à savoir de tous les produits contenant ce soja ou consistant en ce soja et des denrées alimentaires et des aliments pour animaux produits à partir de celui-ci, tels qu’ils sont décrits dans la demande.

8        Par lettre du 6 août 2012, chacune des requérantes a demandé à la Commission d’effectuer un réexamen interne de la décision d’autorisation, en vertu de l’article 10 du règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13). Les requérantes estimaient, notamment, que la constatation selon laquelle le soja modifié était substantiellement équivalent à son homologue était viciée, que les effets synergiques ou combinatoires n’avaient pas été pris en considération, que les risques immunologiques n’avaient pas été suffisamment évalués et qu’aucun contrôle des effets sur la santé n’avait été demandé.

9        Par lettre du 8 janvier 2013, portant la référence Ares(2013) 19605 (ci-après la « première décision attaquée »), le membre de la Commission chargé de la santé a informé la première requérante qu’il n’admettait aucune des allégations juridiques et scientifiques invoquées pour étayer la demande de réexamen interne de la décision d’autorisation. La Commission a considéré, par conséquent, que la décision d’autorisation était conforme au règlement n° 1829/2003. Cette lettre figure à l’annexe PD/7 de la requête.

10      Plus spécifiquement, la Commission a rejeté les arguments soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante, selon lesquels la décision d’autorisation était illégale du fait que la considération de l’EFSA selon laquelle le soja modifié était « substantiellement équivalent » était viciée, que les effets synergiques ou combinatoires n’avaient pas été pris en considération, que les risques immunologiques n’avaient pas été suffisamment évalués et qu’aucun monitorage des effets sur la santé n’avait été demandé.

11      Le même jour, le membre de la Commission chargé de la santé a communiqué aux deuxième et troisième requérantes des lettres qui étaient substantiellement identiques à la lettre adressée à la première requérante (ci-après les « deuxième et troisième décisions »). Ces lettres figurent aux annexes PD/10 et PD/12 de la requête.

12      Dans ces trois lettres, la Commission a reconnu que chacune des requérantes satisfaisait aux critères établis à l’article 11 du règlement n° 1367/2006 et était donc, en tant qu’organisation non gouvernementale aux termes de cet article, habilitée à introduire une demande de réexamen interne.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2013, les requérantes ont introduit le présent recours.

14      S’agissant de l’acte attaqué par le présent recours, les requérantes affirment, au premier point de la requête, qu’elles « attaquent la décision rendue par la Commission européenne le 8 janvier 2012, […] reçue le 9 janvier 2012, refusant le réexamen de sa décision n° 2012/347, autorisant Monsanto Europe SA à mettre sur le marché […] son soja génétiquement modifié ‘MON 87701 x MON 89788’ » et renvoient à son annexe PD/7. À l’annexe PD/7 de la requête figure la lettre portant la référence Ares(2013) 19605, du 8 janvier 2013, du membre de la Commission chargé de la santé, adressée à la première requérante.

15      L’affaire a initialement été attribuée à la huitième chambre du Tribunal. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée par la suite, la présente affaire a été attribuée à la cinquième chambre.

16      Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 29 juillet 2013, l’EFSA a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 4 novembre 2013, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de l’EFSA.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 juillet 2013, Monsanto Europe et Monsanto Company (ci-après, conjointement, « Monsanto ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 4 novembre 2013, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de Monsanto.

18      Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 9 août 2013, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 4 novembre 2013, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention du Royaume-Uni.

19      Les intervenantes, le Royaume-Uni, l’EFSA et Monsanto ont déposé leurs mémoires en intervention dans le délai imparti et les requérantes ont présenté leurs observations sur ceux-ci également dans le délai imparti. La Commission a déclaré ne pas avoir d’observations à formuler sur ces mémoires.

20      Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 31 octobre 2013, la Commission a informé le Tribunal que la première requérante avait publié sur son site Internet le mémoire en défense et qu’elle considérait que cette publication nuisait à la bonne administration de la justice. Les requérantes ont déposé leurs observations quant à cet événement dans le délai imparti par le Tribunal.

21      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites aux requérantes et à la Commission. Les parties ont répondu aux questions écrites dans le délai imparti.

22      De plus, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a invité les requérantes, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, à fournir une copie intégrale des demandes de réexamen interne, par lesquelles les deuxième et troisième requérantes ont demandé à la Commission de retirer l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié. Les requérantes n’ont pas fourni les documents demandés. Or, dans leur réponse écrite aux questions du Tribunal, elles ont indiqué que les trois demandes de réexamen interne, chacune ayant été introduite par une des requérantes, étaient identiques. Lors de l’audience, la Commission a reconnu que, pour chacune des demandes de réexamen interne, un dossier identique lui avait été fourni et que, par conséquent, pour chacune des demandes de réexamen interne, une décision séparée avait été adoptée sur le fondement d’un dossier sous-jacent identique, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 mai 2016.

24      Lors de l’audience, les requérantes ont notamment produit, en invoquant l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, deux documents, à savoir une lettre de la Commission adressée à l’EFSA sollicitant un avis scientifique sur la question de savoir si les résidus de glyphosate avaient des effets négatifs sur les animaux et un article scientifique, comme preuves supplémentaires à l’appui de leur deuxième moyen. Le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé, lors de l’audience, de verser ces deux documents au dossier de la présente affaire, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

25      À la fin de l’audience, le président de la cinquième chambre du Tribunal a reporté la clôture de la phase orale de la procédure à une date ultérieure.

26      Par décision du 30 mai 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé de ne pas verser au dossier de la présente affaire une lettre des requérantes, datée du 18 mai 2016, par laquelle elles ont de nouveau présenté une copie des documents mentionnés au point 24 ci-dessus ainsi que des explications supplémentaires, non prévues par le règlement de procédure, par rapport à ceux-ci.

27      Par lettre du 7 juin 2016, le Tribunal a notifié une copie des documents, mentionnés au point 24 ci-dessus, à la Commission ainsi qu’aux intervenantes et leur a donné la possibilité de soumettre, par écrit, leurs observations éventuelles sur ceux-ci. La Commission et les intervenantes ont fourni leurs observations dans le délai imparti.

28      Par décision du 28 juin 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a clôturé la phase orale de la procédure.

29      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours recevable ;

–        annuler la « décision attaquée » ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie non fondé, et

–        condamner les requérantes aux dépens.

31      Le Royaume-Uni conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours dans son intégralité.

32      L’EFSA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé, et

–        condamner les requérantes à supporter les dépens.

33      Monsanto conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie non fondé, et

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

34      À l’appui du recours, les requérantes soulèvent quatre moyens portant, le premier, sur la prétendue absence d’équivalence substantielle entre le soja modifié et le produit de référence conventionnel, le deuxième, sur la prétendue absence d’examen des effets synergiques ou combinatoires et d’examen toxicologique, le troisième, sur la prétendue absence d’évaluation immunologique exhaustive et, le quatrième, sur la prétendue absence de contrôle de la consommation, postérieurement à l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié.

35      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 130 du règlement de procédure, la Commission, soutenue par les intervenantes, conteste partiellement la recevabilité du recours.

36      À la suite d’une question écrite posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, un désaccord est apparu entre les parties principales quant à la question de savoir si l’objet du présent recours concernait seulement l’annulation de la première décision attaquée ou s’il concernait également les deuxième et troisième décisions adressées aux deuxième et troisième requérantes, mentionnées au point 11 ci-dessus. Il convient donc, dans un premier temps, d’examiner le recours dans la mesure où il concerne la décision adressée à la première requérante, ce qui est constant entre les parties, et, dans un second temps, de l’examiner dans la mesure où il concerne les deuxième et troisième décisions.

 Sur la recevabilité de la demande d’annulation de la première requérante

37      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure, la Commission, soutenue par le Royaume-Uni et par Monsanto, fait valoir l’irrecevabilité partielle du présent recours pour deux motifs. D’une part, elle estime que les arguments de la première requérante, soulevés dans le présent recours, sont irrecevables dans la mesure où ils ne figurent pas dans la demande de réexamen interne. Plus particulièrement, elle se réfère à des arguments soulevés dans le cadre des trois premières branches du premier moyen et des deux premières branches du troisième moyen. D’autre part, elle fait valoir que le présent recours est irrecevable dans la mesure où il tend, en substance, à remettre en cause la décision d’autorisation. En effet, le règlement n° 1367/2006 n’était pas, selon elle, susceptible de créer de droit dans le chef des requérantes aux fins de contester la décision d’autorisation. Permettre aux requérantes d’introduire un recours contre la décision d’autorisation, en dehors du cadre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, irait à l’encontre des dispositions du traité.

38      La première requérante estime que chacun des arguments exposés dans le cadre du présent recours avait été annoncé ou expliqué clairement dans sa demande de réexamen interne. Cependant, elle aurait pu ajouter des détails ou éléments de preuve supplémentaires dans le présent recours afin d’étayer les arguments par lesquels elle a demandé à la Commission de réexaminer la décision d’autorisation. Il ne lui incomberait pas d’identifier et de définir explicitement ce que serait l’issue d’un examen mené de manière appropriée au regard de l’asymétrie des informations dont elle disposait par rapport à celles qui étaient à la disposition des institutions. De plus, la Commission aurait accepté la recevabilité de la grande majorité des arguments et des éléments de preuve exposés dans le recours. La première requérante ajoute qu’elle a un intérêt à introduire le présent recours, en vertu de l’article 12 du règlement n° 1367/2006, lu conjointement avec le considérant 21 dudit règlement, en vue d’engager une procédure contre le refus de sa demande de réexamen interne. La Commission aurait dû retirer la décision d’autorisation ou demander à l’EFSA d’effectuer une nouvelle évaluation du soja modifié.

39      L’EFSA soutient que la Commission n’était tenue que d’examiner si la demande de réexamen interne de la première requérante avait été traitée de manière complète et appropriée et qu’un réexamen interne de la décision d’autorisation aurait dû être effectué à la lumière des seuls motifs contenus dans ladite demande. Selon elle, l’appréciation effectuée par la Commission dans le cadre de cette demande ne pouvait pas conduire, en tant que telle, à une substitution de l’évaluation scientifique, des mécanismes et de la procédure spécifiques, prévus aux articles 10 et 34 du règlement n° 1829/2003.

40      Le Royaume-Uni ajoute que, en l’espèce, Monsanto n’ayant pas demandé l’autorisation que le soja modifié soit cultivé dans l’Union européenne, l’évaluation du risque environnemental se limiterait donc à un examen des effets probables d’une dissémination accidentelle dans l’environnement. Cela réduirait considérablement l’étendue des risques environnementaux devant être examinés et la majorité des arguments des requérantes ne relèverait pas du champ d’application du règlement n° 1367/2006.

 Sur l’irrecevabilité partielle du présent recours du fait que la première requérante ne peut contester la décision d’autorisation

41      La Commission fait valoir l’irrecevabilité partielle du présent recours au motif que le règlement n° 1367/2006 ne peut pas créer un droit pour la première requérante à contester la décision d’autorisation. En substance, les arguments soulevés par la Commission, l’EFSA et Monsanto concernent deux cas de figure. D’une part, ces dernières considèrent que le présent recours est irrecevable du fait qu’il est une tentative d’introduire un recours en annulation « déguisé » à l’encontre de la décision d’autorisation. Or, une application correcte des dispositions du règlement n° 1367/2006 n’inclurait pas le contrôle juridictionnel de la légalité de l’acte visé lui-même et le présent recours devrait, par conséquent, être limité à la question de savoir si la demande de réexamen interne, présentée par les requérantes, a été traitée de manière complète et appropriée. D’autre part, elles font valoir qu’une grande partie des arguments soulevés dans le présent recours tend à démontrer l’illégalité de la décision d’autorisation et ne visent donc pas la première décision attaquée.

42      En l’espèce, il est constant qu’aucun recours en annulation n’a été introduit à l’encontre de la décision d’autorisation et que cette dernière est devenue définitive. Il est également constant que, en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006, chacune des requérantes a introduit une demande de réexamen interne substantiellement identique et visant au retrait, par la Commission, de ladite décision. S’agissant de la première requérante, le présent recours est dirigé contre la première décision attaquée par laquelle la Commission a déclaré que la décision d’autorisation était conforme au règlement n° 1829/2003, rejetant donc, en substance, comme non fondée la demande de réexamen interne de la première requérante.

43      En premier lieu, en ce qui concerne la question de savoir si une demande de réexamen interne, introduite en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006, peut, lorsque l’argumentation avancée à son appui se révèle fondée, obliger la Commission à prendre toute mesure qu’elle juge utile afin de modifier l’acte visé, même si ce dernier n’est pas ou n’est plus susceptible d’un recours en annulation en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, force est de constater que ce dernier article vise trois hypothèses dans lesquelles toute personne physique ou morale peut introduire un recours en annulation. Dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, elle peut former un recours, premièrement, contre les actes dont elle est le destinataire, deuxièmement, contre les actes qui la concernent directement et individuellement et, troisièmement, contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution. Cette disposition s’adresse donc auxdits types de personnes physiques ou morales, leur conférant le droit de demander au juge de l’Union d’annuler un acte adopté par une institution ou un organe de l’Union.

44      Or, s’il est vrai que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE détermine les conditions dans lesquelles une personne physique ou morale peut empêcher qu’un acte légal ne devienne définitif à son égard, il ne vise aucunement à limiter la possibilité d’une institution ou d’un organe de l’Union d’effectuer, dans les limites légales, une modification, une suspension, un retrait ou une révocation d’un acte adopté par elle ou par lui. Le juge de l’Union a reconnu, par exemple, la possibilité, sous certaines conditions, d’un retrait rétroactif d’un acte administratif illégal générateur de droits subjectifs [voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2010, Athinaïki Techniki/Commission, C‑362/09 P, EU:C:2010:783, point 59 et jurisprudence citée, et du 18 octobre 2011, Reisenthel/OHMI – Dynamic Promotion (Cageots et paniers), T‑53/10, EU:T:2011:601, point 40 et jurisprudence citée].

45      De plus, en ce qui concerne l’autorisation d’organismes génétiquement modifiés, les articles 10, 22 et 34 du règlement n° 1829/2003 permettent expressément la modification, la suspension et la révocation d’une autorisation ou l’adoption de mesures d’urgence. Le fait que ce règlement permette une révision ou un réexamen, en fonction de certaines circonstances, de la question du maintien d’une autorisation ne prive pas la décision d’autorisation de son caractère définitif (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2010, Povse, C‑211/10 PPU, EU:C:2010:400, point 46).

46      Dès lors, le fait qu’une institution ou un organe de l’Union procède à la modification, à la suspension, au retrait ou à la révocation d’un de ses actes antérieurement adoptés ne peut pas être considéré comme élargissant la portée des conditions de recevabilité d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE à l’encontre dudit acte. De même, il est sans incidence à cet égard que la mesure modificative en question ait été prise d’office ou à la suite d’une demande d’une tierce partie.

47      S’agissant d’une demande de réexamen interne d’actes administratifs, l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006 énonce que toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 dudit règlement est habilitée à introduire une telle demande auprès de l’institution ou de l’organe de l’Union qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement.

48      Selon l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement n° 1367/2006, on entend par « acte administratif » toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l’environnement arrêtée par une institution ou un organe de l’Union et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur. L’article 2, paragraphe 1, sous f), dudit règlement définit le « droit de l’environnement » comme toute disposition législative de l’Union qui, indépendamment de sa base juridique, contribue à la poursuite des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement tels que prévus par le traité : la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement, la protection de la santé des personnes, l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles et la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement.

49      L’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006 prévoit qu’une organisation non gouvernementale ayant introduit la demande de réexamen interne en vertu de l’article 10 dudit règlement peut saisir le juge de l’Union conformément aux dispositions pertinentes du traité.

50      Toutefois, il a été jugé que l’article 9, paragraphe 3, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus »), sur lequel l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006 est fondé, ne peut pas être invoqué aux fins d’apprécier la légalité de ce dernier (arrêt du 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4, point 61).

51      Il s’ensuit que le règlement n° 1367/2006 confie à toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 dudit règlement le droit de déclencher, par la voie d’une demande motivée, un réexamen interne d’un acte administratif auprès de l’institution ou de l’organe de l’Union qui l’a adopté au titre du droit de l’environnement. L’objet de ce réexamen interne est une réévaluation de l’autorisation de mise sur le marché des produits concernés (voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2005, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, C‑316/04, EU:C:2005:678, point 68). Par conséquent, dans la première décision attaquée, la Commission a abouti à la conclusion que la décision d’autorisation était en conformité avec le règlement n° 1829/2003.

52      À moins que la demande de réexamen interne en cause ne soit manifestement non fondée, l’institution ou l’organe ayant adopté l’acte administratif concerné doit prendre ladite demande de réexamen en considération et, au terme du réexamen interne, peut soit rejeter par la voie d’une décision motivée la demande de réexamen interne comme non fondée ou au motif que le réexamen interne n’a pas abouti à une autre solution que celle établie par l’acte visé, soit prendre, dans les limites légales, toute mesure qu’il ou elle juge utile afin de modifier l’acte visé, y compris la modification, la suspension ou la révocation d’une autorisation.

53      En ce qui concerne la décision de rejet d’une demande de réexamen interne introduite en vertu du règlement n° 1367/2006 comme non fondée, il y a lieu de constater que l’organisation non gouvernementale qui est le destinataire de cette décision peut introduire un recours en annulation contre celle-ci en vertu de la première hypothèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

54      En revanche, si l’institution ou l’organe en question décide de prendre une mesure d’adaptation de l’acte visé par la demande de réexamen interne, l’acte d’adaptation peut, le cas échéant, faire de nouveau l’objet d’une demande de réexamen interne à condition que les conditions prévues à l’article 10 du règlement n° 1367/2006 soient remplies.

55      En revanche, l’organisation non gouvernementale ayant introduit la demande de réexamen interne d’un acte administratif en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006 ne saurait exiger que, au terme du réexamen interne, une mesure spécifique soit prise par l’institution ou l’organe concerné. En effet, le choix des mesures à adopter à la suite d’un réexamen interne est purement discrétionnaire.

56      Certes, il est inhérent à une demande de réexamen interne d’un acte administratif que le demandeur conteste la légalité ou le bien-fondé de l’acte visé, à savoir en l’espèce la décision d’autorisation. La procédure de réexamen interne a donc pour objet la constatation d’une prétendue illégalité ou de l’absence alléguée de bien-fondé de l’acte visé et le demandeur peut saisir, conformément à l’article 12 du règlement n° 1367/2006, lu conjointement avec l’article 10 du même règlement, le juge de l’Union en introduisant un recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ou détournement de pouvoir contre la décision rejetant comme non fondée la demande de réexamen interne. Or, cela ne signifie pas que le demandeur est habilité à soulever, lors dudit recours, des arguments contestant directement la légalité ou le bien-fondé de l’acte visé. En l’espèce, la première requérante peut donc uniquement demander au Tribunal de constater une illégalité de la première décision attaquée soulevée dans la demande de réexamen interne, même si celui-ci est fondé sur l’illégalité ou l’absence de bien-fondé de l’acte visé.

57      Il découle de ce qui précède que l’argument selon lequel le présent recours est irrecevable au motif que le règlement n° 1367/2006 ne peut pas créer un droit à l’égard des requérantes à demander le constat d’une illégalité de la décision d’autorisation ou de l’absence de son bien-fondé doit être rejeté comme non fondé, dans la mesure où une telle illégalité ou l’absence de bien-fondé a été soulevée dans le cadre de la demande de réexamen interne introduite en vertu de l’article 10 dudit règlement et où c’est cette demande qui est rejetée, comme dans la première décision attaquée. Or, s’agissant de la première requérante, les moyens soulevés dans le cadre du présent recours ne sont recevables que dans la mesure où ils visent l’annulation de la première décision attaquée.

58      En deuxième lieu, il convient de faire observer que, comme le fait valoir à juste titre la Commission, un grand nombre d’arguments soulevés dans le présent recours vise des fautes d’appréciation de l’EFSA lors de son avis global ou concerne directement uniquement une illégalité prétendue de la décision d’autorisation.

59      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la mesure où le présent recours concerne la première requérante, il tend à l’annulation de la première décision attaquée. Les moyens soulevés dans ce contexte peuvent donc exclusivement être tirés de l’incompétence de la Commission pour adopter ledit acte, de l’illégalité de cet acte, de la violation des formes substantielles, du détournement de pouvoir ou de la violation des droits procéduraux lors de l’adoption de l’acte en question.

60      Il s’ensuit que, dans la mesure où, dans les moyens soulevés à l’appui du présent recours en ce qui concerne la première requérante, cette dernière ne fait valoir aucune illégalité de la première décision attaquée, mais se borne à affirmer directement l’illégalité de la décision d’autorisation ou des avis de l’EFSA, ou l’absence de leur bien-fondé, il y a lieu de rejeter lesdits moyens.

61      En troisième lieu, le Royaume-Uni estime que, en l’espèce, Monsanto n’ayant pas demandé l’autorisation que le soja modifié soit cultivé dans l’Union, l’évaluation du risque environnemental se limiterait donc à un examen des effets probables d’une dissémination accidentelle dans l’environnement et cela réduirait considérablement l’étendue des risques environnementaux devant être examinés. Par conséquent, la majorité des arguments de la première requérante ne relèverait pas du champ d’application du règlement n° 1367/2006.

62      À cet égard, il suffit de relever que l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006 prévoit que certaines organisations non gouvernementales sont habilitées à introduire une demande de réexamen interne auprès de l’institution ou de l’organe de l’Union qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement. L’article 2, paragraphe 1, sous f), dudit règlement contient une définition des termes « droit de l’environnement » qui comprend notamment les dispositions législatives de l’Union visant la protection de la santé des personnes ainsi que la préservation et la protection de la qualité de l’environnement. De plus, selon le considérant 1 de ce règlement, la législation de l’Union dans le domaine de l’environnement vise à contribuer notamment à la protection de la santé des personnes.

63      Par ailleurs, le règlement n° 1829/2003 vise, en vertu de son considérant 1, à assurer la libre circulation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux sûrs et sains, qui constitue un aspect essentiel du marché intérieur et contribue de façon notable à la santé et au bien-être des citoyens ainsi qu’à leurs intérêts économiques et sociaux. Ses considérants 2 et 43 énoncent qu’il importe d’assurer un niveau élevé de protection de la vie et de la santé humaines, de la santé et du bien-être des animaux, de l’environnement et des intérêts des consommateurs concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés dans l’exécution des politiques de l’Union. Selon son considérant 3, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés devraient faire l’objet d’une évaluation de l’innocuité, afin de protéger la santé humaine et animale, avant leur mise sur le marché au sein de l’Union.

64      Il découle de ces dispositions que le champ d’application du règlement n° 1829/2003 fait pleinement partie des matières du droit de l’environnement visées par l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006. Partant, il convient de rejeter cet argument du Royaume-Uni.

 Sur l’irrecevabilité des arguments qui n’ont pas été soulevés dans la demande de réexamen interne

65      La première requérante estime que chacun des arguments exposés dans le cadre du présent recours avait été annoncé ou clairement expliqué dans sa demande de réexamen interne. Cependant, elle soutient que des détails ou éléments de preuve supplémentaires peuvent être ajoutés dans le cadre du présent recours afin d’étayer les arguments par lesquels elle a demandé à la Commission de procéder à un réexamen interne de la décision d’autorisation. Il ne lui incomberait pas d’identifier et de définir explicitement ce que serait l’issue d’un examen mené de manière appropriée au regard de l’asymétrie des informations dont elle disposait par rapport à celles étant à la disposition des institutions.

66      Il ressort des termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006 qu’une demande de réexamen interne d’un acte administratif auprès de l’institution ou de l’organe de l’Union qui l’a adopté au titre du droit de l’environnement doit explicitement indiquer l’acte qu’elle vise et préciser les motifs de réexamen.

67      Afin de préciser les motifs de réexamen de la façon requise, un demandeur de réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement est tenu d’indiquer tout élément de fait ou argument de droit suscitant des doutes plausibles quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union dans l’acte visé. En effet, ainsi que la Commission l’a reconnu dans la duplique et lors de l’audience, le tiers contestant l’autorisation de mise sur le marché doit apporter des éléments de preuve substantiels susceptibles de fonder des doutes substantiels quant à la légalité de l’octroi de ladite autorisation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 mai 2015, Schräder/OCVV, C‑546/12 P, EU:C:2015:332, point 57).

68      Il convient également de constater qu’un demandeur de réexamen interne ne dispose que d’un droit à ce que la Commission prenne position sur les motifs qu’il a fait valoir lors de sa demande de réexamen introduite en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006 et, notamment, si les éléments de preuve apportés sont substantiels et susceptibles de susciter des doutes substantiels quant à la légalité de l’octroi de ladite autorisation. En effet, un tel demandeur ne dispose d’aucun droit à ce que la Commission prenne position sur des questions qui n’ont pas été soulevées de façon raisonnablement reconnaissable dans cette demande ainsi que sur des questions qui ne sont pas pertinentes pour répondre aux motifs de réexamen précisés dans la même demande.

69      Il découle de ce qui précède que la première requérante n’était pas empêchée de faire valoir, dans le cadre du présent recours, toute incompétence de la Commission pour adopter la première décision attaquée, toute violation des formes substantielles, toute violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ou tout détournement de pouvoir lors de l’adoption dudit acte, mais non que la Commission aurait dû examiner d’autres motifs que ceux fournis par elle lors de l’introduction de sa demande de réexamen interne de la décision d’autorisation afin de déterminer si une telle demande suscitait des doutes substantiels quant à la légalité de l’octroi de ladite autorisation.

70      Partant, à la lumière de tout ce qui précède, il convient d’examiner pour chaque branche des moyens du présent recours dans le contexte de l’examen effectué aux points 121 à 293 ci-après si le présent recours est recevable dans la mesure où il vise au constat d’une illégalité ou d’une absence de bien-fondé qui réside directement dans la première décision attaquée.

 Sur l’examen au fond de la demande d’annulation de la première requérante

 Observations liminaires

71      Avant de traiter les moyens spécifiques soulevés dans le cadre du présent recours pour autant qu’il concerne la première requérante, il convient d’emblée, premièrement, d’examiner les arguments des parties portant sur la portée limitée du contrôle juridictionnel d’une décision rejetant comme non fondée une demande de réexamen interne d’un acte administratif, telle que la première décision attaquée, introduite en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006, deuxièmement, de préciser, à cet égard, le régime en matière de preuve, troisièmement, de trancher des questions relatives aux dispositions légales invoquées de façon générale et transversale dans plusieurs moyens et, quatrièmement, d’examiner la valeur juridique des orientations de l’EFSA.

–       Sur l’étendue du contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision rejetant comme non fondée une demande de réexamen interne en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006

72      La Commission, soutenue par le Royaume-Uni, affirme disposer d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les mesures à prendre en l’espèce et estime que le niveau de contrôle juridictionnel doit être particulièrement faible au motif que la première requérante n’a pas le droit de demander l’annulation de la décision d’autorisation.

73      Selon la première requérante, aucun fondement pertinent ne permet d’appliquer un niveau de contrôle plus faible ou inférieur au cas d’espèce. L’application d’un niveau de contrôle inférieur serait contraire à l’objet et à l’objectif de la convention d’Aarhus consistant à donner accès à la justice en matière environnementale.

74      Selon l’EFSA, un recours en annulation à l’encontre de la première décision attaquée, introduit par la première requérante, devrait tendre à démontrer qu’il y avait un défaut dans la manière dont la Commission a exercé son large pouvoir d’appréciation lors de l’examen des motifs soulevés dans sa demande de réexamen interne. Le contrôle juridictionnel devrait se limiter aux arguments concernant les violations des règles de procédure, les erreurs de droit ou les erreurs manifestes d’appréciation dans la décision de réexamen administratif, sans entraîner une révision du fondement scientifique de la décision d’autorisation.

75      Monsanto soutient que le contrôle juridictionnel devrait se limiter aux erreurs manifestes d’appréciation d’une « gravité telle que même un non-scientifique pourrait facilement les détecter et les identifier correctement ».

76      Contrairement à ces arguments, il y a lieu de constater d’emblée que l’objectif de la convention d’Aarhus de donner au public un large accès à la justice exige que le juge de l’Union n’effectue pas un examen plus restreint ou moins strict concernant une décision rejetant comme non fondée une demande de réexamen interne en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006 que dans une affaire dans laquelle une personne physique ou morale demande l’annulation d’une décision d’autorisation en vertu du règlement n° 1829/2003. De plus, lorsqu’il est saisi d’une affaire portant sur une telle décision, le Tribunal est également lié par le principe de précaution.

77      Selon la jurisprudence, lorsqu’une institution de l’Union est appelée à effectuer des évaluations complexes, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice est soumis à un contrôle juridictionnel se limitant à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité compétente n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêts du 21 janvier 1999, Upjohn, C‑120/97, EU:C:1999:14, point 34, et du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 201).

78      S’agissant de l’examen, effectué par le juge de l’Union, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation entachant un acte d’une institution, il convient de préciser que, afin d’établir que cette institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation dudit acte, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation des faits complexes à celle de l’auteur de cette décision (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 86 et jurisprudence citée).

79      Toutefois, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas le devoir de celui-ci de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 87 et jurisprudence citée).

80      Par ailleurs, il convient de rappeler que, lorsque les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent, notamment, l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et le droit de l’administré de faire connaître son point de vue ainsi que de voir motiver la décision de façon suffisante (voir, par analogie, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, EU:T:2006:211, point 63).

81      Il y a lieu de relever que la jurisprudence exposée aux points 76 à 80 ci-dessus s’applique sans distinction au contrôle juridictionnel effectué par le juge de l’Union lors de son examen d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 12 du règlement n° 1367/2006 à l’encontre d’une décision de la Commission rejetant comme non fondée une demande de réexamen interne en vertu de l’article 10 du même règlement.

–       Sur le régime en matière de preuve dans le cadre d’un réexamen interne d’un acte administratif introduit en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006

82      Les requérantes considèrent qu’elles n’étaient pas tenues, en présentant leur demande de réexamen interne, de prouver que le soja modifié n’était pas sûr. Dans la mesure où leurs arguments font apparaître des doutes légitimes et de fond quant à la sécurité de ce soja, la charge de la preuve incomberait à la Commission, qui est chargée de veiller à ce que l’EFSA impose l’évaluation ou mène l’enquête nécessaire afin d’écarter de telles préoccupations ou de constater que ledit soja n’est pas sûr.

83      Ainsi que cela a été constaté au point 67 ci-dessus, afin de préciser les motifs de réexamen de la façon requise, un demandeur de réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement est tenu d’indiquer tout élément de fait ou argument de droit suscitant des doutes plausibles quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union dans l’acte visé. En effet, le tiers contestant l’autorisation de mise sur le marché de produits doit apporter des éléments de preuve et factuels substantiels susceptibles de fonder des doutes substantiels quant à la légalité de l’octroi de ladite autorisation.

84      Toutefois, il convient de noter que, en vertu du règlement n° 1829/2003, dans le domaine de l’autorisation de la mise sur le marché des denrées alimentaires et des aliments pour animaux génétiquement modifiés, l’accès des organisations non gouvernementales à des informations pertinentes est typiquement limité aux informations publiquement disponibles et auxquelles la Commission avait également accès lors de son évaluation approfondie des risques concernant les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 16, paragraphe 1, dudit règlement.

85      Or, lorsque la Commission conclut que les éléments de preuve apportés par un demandeur de réexamen interne sont substantiels et susceptibles de susciter des doutes substantiels quant à la légalité ou au bien-fondé de l’octroi de ladite autorisation, elle est tenue d’examiner d’office toutes les informations pertinentes, dès lors que son rôle lors d’un réexamen interne en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006 n’est pas celui d’un arbitre, dont la compétence se limiterait à trancher uniquement au vu des renseignements et des éléments de preuve fournis par le demandeur (voir, par analogie, arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 32).

86      Ce rôle découle également du fait que la Commission est tenue par le principe de précaution, qui constitue un principe général du droit de l’Union. Ce principe, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour, implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée des risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (arrêt du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a., C‑236/01, EU:C:2003:431, point 111).

87      En outre, il y a lieu de rappeler que l’article 168, paragraphe 1, TFUE dispose qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et dans la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union. Cette protection de la santé publique a une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques, de sorte qu’elle est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 143 et jurisprudence citée).

88      Dès lors, il ne peut incomber à la première requérante, à la différence de ce que soutient la Commission dans la première décision attaquée, de « prouv[er] que la décision [d’autorisation] viole le règlement (CE) n° 1829/2003 », mais elle doit apporter un faisceau d’éléments suscitant des doutes substantiels quant à la légalité de l’acte visé.

–       Sur les dispositions légales invoquées de façon générale et transversale dans plusieurs moyens

89      Il y a lieu de relever que la première requérante reproche à la Commission, dans le cadre de ses premier, deuxième et troisième moyens, premièrement, d’avoir confirmé l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié sans s’assurer qu’une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible » avait été effectuée et que Monsanto avait fourni des données « appropriées » en vertu de l’article 5, paragraphe 3, sous f), de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de l’article 17, paragraphe 3, sous f), et de l’article 18, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1829/2003 ; deuxièmement, d’avoir violé son obligation, découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, consistant à garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux susceptibles d’avoir un effet négatif sur la santé humaine, sur la santé animale ou sur l’environnement ne doivent pas être mis sur le marché de l’Union ; troisièmement, de ne pas avoir, en violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 1, de ce règlement, pris en compte toute disposition pertinente de la législation de l’Union, y compris les dispositions demandant aux institutions de respecter « leurs propres orientations » ; quatrièmement, de ne pas avoir, en violation de l’article 168 TFUE, respecté son obligation consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine ; et, cinquièmement, d’avoir violé les attentes légitimes des requérantes.

90      Étant donné que ces arguments ont été soulevés de façon répétée, il convient, d’emblée, de faire les observations liminaires suivantes à leur égard.

91      Il convient de rappeler que, comme cela est indiqué au point 63 ci-dessus, le règlement n° 1829/2003 vise, en vertu de son considérant 1, à assurer la libre circulation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux sûrs et sains, qui constitue un aspect essentiel du marché intérieur et contribue de façon notable à la santé et au bien-être des citoyens ainsi qu’à leurs intérêts économiques et sociaux. Ses considérants 2 et 43 énoncent qu’il importe d’assurer un niveau élevé de protection de la vie et de la santé humaines, de la santé et du bien-être des animaux, de l’environnement et des intérêts des consommateurs concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés dans l’exécution des politiques de l’Union. Selon son considérant 3, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés font l’objet d’une évaluation de l’innocuité, afin de protéger la santé humaine et animale, avant leur mise sur le marché au sein de l’Union.

92      Lorsqu’un produit génétiquement modifié est susceptible d’être utilisé à la fois comme denrée alimentaire et comme aliment pour animaux, l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1829/2003 énonce qu’une demande unique est introduite et donne lieu à un avis unique de l’EFSA et à une décision unique de l’Union.

93      L’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003 requiert une autorisation aux fins de la mise sur le marché d’un organisme génétiquement modifié destiné à l’alimentation humaine ou d’une denrée alimentaire génétiquement modifiée. Selon le paragraphe 3 du même article, une telle autorisation ne sera pas accordée s’il n’est pas démontré de manière adéquate et suffisante que l’organisme génétiquement modifié en question ou la denrée alimentaire en question satisfait aux exigences du paragraphe 1 de cet article.

94      L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1829/2003 énumère de façon cumulative les conditions qui doivent être remplies à cet égard. En particulier, les denrées alimentaires en question ne doivent pas :

« a)      avoir des effets négatifs sur la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ;

b)      induire le consommateur en erreur ;

c)      différer à un point tel des denrées alimentaires qu’elles sont destinées à remplacer que leur consommation normale serait, du point de vue nutritionnel, désavantageuse pour le consommateur. »

95      En outre, l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003 requiert une autorisation afin de mettre sur le marché, d’utiliser ou de transformer un aliment génétiquement modifié pour animaux. Selon le paragraphe 3 du même article, une telle autorisation ne sera pas accordée s’il n’est pas démontré de manière adéquate et suffisante que l’aliment en question satisfait aux exigences du paragraphe 1 de cet article.

96      L’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1829/2003 énumère de façon cumulative les conditions qui doivent être remplies à cet égard. En particulier, les aliments pour animaux en question ne doivent pas :

« a)      avoir des effets négatifs sur la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ;

b)      induire l’utilisateur en erreur ;

c)      nuire au consommateur ou l’induire en erreur par l’altération des caractéristiques spécifiques des produits d’origine animale ;

d)      différer à un point tel des aliments pour animaux qu’ils sont destinés à remplacer que leur consommation normale serait, du point de vue nutritionnel, désavantageuse pour les animaux ou les êtres humains. »

97      S’agissant de l’examen des effets négatifs sur la santé humaine, la santé animale et l’environnement, qui est concerné par le présent recours, il convient de constater que, en faisant référence aux « effets négatifs » et non au « danger », il découle déjà du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de celui de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1829/2003 qu’ils exigent que, aux fins d’une procédure d’autorisation en vertu dudit règlement, une évaluation des risques pertinents pour la santé humaine, la santé animale et l’environnement soit effectuée.

98      De plus, le considérant 9 du règlement n° 1829/2003 prévoit qu’une procédure d’autorisation des denrées alimentaires et des aliments pour animaux génétiquement modifiés doit utiliser le cadre d’évaluation des risques en matière de sécurité des denrées alimentaires fixé par le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’EFSA et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), et que la mise sur le marché de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés ne doit être autorisée qu’après une évaluation scientifique, du plus haut niveau possible, des risques qu’ils présentent pour la santé humaine et animale et, le cas échéant, pour l’environnement.

99      S’agissant des rôles respectifs de l’EFSA et de la Commission dans le contexte d’une procédure d’autorisation en vertu du règlement n° 1829/2003, tout d’abord, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphes 1 et 3, sous a), et l’article 18, paragraphes 1 et 3, sous a), dudit règlement énoncent que, à la suite d’une demande d’autorisation, l’EFSA rend un avis dans lequel elle détermine si la denrée alimentaire génétiquement modifiée respecte les critères fixés à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement et si l’aliment génétiquement modifié pour animaux respecte les critères fixés à l’article 16, paragraphe 1. Selon l’article 5, paragraphe 3, sous f), de ce règlement, toute demande comprend soit une analyse, étayée par les informations et données appropriées, montrant que les caractéristiques de la denrée alimentaire concernée ne diffèrent pas de celles du produit conventionnel de référence compte tenu des limites admises pour les variations naturelles de ces caractéristiques ainsi que de la composition, de la valeur nutritive ou des effets nutritionnels, de l’usage auquel l’aliment est destiné et des implications pour la santé de certaines catégories de population, soit une proposition relative à l’étiquetage de la denrée alimentaire. L’article 17, paragraphe 3, sous f), du même règlement contient une disposition analogue pour les aliments pour animaux.

100    À la suite de la réception de l’avis de l’EFSA, la Commission adopte, conformément aux dispositions prévues aux articles 7 et 19 du règlement n° 1829/2003, une décision finale concernant la demande d’autorisation. Dans ce contexte, elle est obligée de tenir compte de l’avis de l’EFSA, de toute disposition pertinente de la législation de l’Union et d’autres facteurs légitimes utiles pour la question examinée.

101    Le considérant 9 du règlement n° 1829/2003 rappelle également que l’évaluation scientifique effectuée sous la responsabilité de l’EFSA doit être suivie d’une décision de gestion des risques prise par la Commission, dans le cadre d’une procédure réglementaire assurant une coopération étroite entre cette dernière et les États membres.

102    De plus, l’article 22, paragraphe 6, du règlement n° 178/2002 prévoit que l’EFSA fournit des avis qui constituent la base scientifique à prendre en compte pour l’élaboration et l’adoption de mesures de l’Union dans les domaines relevant de sa mission. Par ailleurs, aux termes de l’article 23, sous c), de ce règlement, l’EFSA a pour tâche de fournir une assistance scientifique et technique à la Commission dans les domaines relevant de sa mission et, lorsque cette dernière en fait la demande, pour l’interprétation et l’examen des avis sur l’évaluation des risques (arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 82).

103    Dès lors, il y a lieu de constater que, dans le cadre des dispositions des articles 4 et 16 du règlement n° 1829/2003, la Commission n’est pas liée par l’avis de l’EFSA lorsqu’elle adopte sa décision. En effet, s’il est vrai que la Commission adopte sa décision d’autorisation de mise sur le marché d’un organisme génétiquement modifié après avoir obtenu l’avis de l’EFSA, force est de constater que ledit règlement ne comporte aucune indication de ce qu’elle serait tenue de suivre les avis de l’EFSA quant à leur contenu et ne disposerait donc d’aucun pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 87 et jurisprudence citée).

104    Il a été jugé que l’évaluation des risques consiste, pour l’institution de l’Union confrontée à des effets potentiellement négatifs découlant d’un phénomène, à apprécier, sur la base d’une évaluation scientifique des risques, si ces derniers dépassent le niveau de risque jugé inacceptable pour la société. Ainsi, afin que les institutions de l’Union puissent procéder à une évaluation des risques, il leur importe, d’une part, de disposer d’une évaluation scientifique des risques et, d’autre part, de déterminer le niveau de risque jugé inacceptable pour la société (voir arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 145 et jurisprudence citée).

105    Dans ce cadre, la détermination du niveau de risque jugé inacceptable revient, moyennant le respect des normes applicables, aux institutions de l’Union chargées du choix politique que constitue la fixation d’un niveau de protection approprié pour la société. C’est à ces institutions qu’il incombe de déterminer le seuil critique de probabilité des effets négatifs pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement et de gravité de ces effets potentiels qui ne leur semble plus acceptable pour cette société et qui, une fois dépassé, nécessite, dans l’intérêt de la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement, le recours à des mesures préventives malgré l’incertitude scientifique subsistante (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 148).

106    Lors de la détermination de ce niveau de risque, les institutions de l’Union sont tenues par leur obligation, en vertu de l’article 168, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine. Ce niveau élevé ne doit pas nécessairement, pour être compatible avec cette disposition, être techniquement le plus élevé possible (arrêts du 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech, C‑284/95, EU:C:1998:352, point 49, et du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 149).

107    Ensuite, le considérant 32 du règlement n° 1829/2003 reconnaît que l’évaluation scientifique des risques ne peut, à elle seule, dans certains cas, fournir toutes les informations sur lesquelles une décision de gestion des risques de la Commission devrait être fondée et que d’autres facteurs légitimes et pertinents pour la question à l’examen peuvent être pris en compte par elle. Le considérant 43 dudit règlement permet, par exemple, de tenir compte des engagements pris par l’Union « en matière de commerce international et des exigences du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique en ce qui concerne les obligations de l’importateur et la notification ».

108    Enfin, il convient de rappeler, ainsi que cela a déjà été exposé au point 86 ci-dessus, que la Commission est tenue par le principe de précaution, qui constitue un principe général du droit de l’Union. Il impose aux autorités concernées de prendre, dans le cadre précis de l’exercice des compétences qui leur sont attribuées par la réglementation pertinente, des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques (voir arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 144 et jurisprudence citée).

109    Il découle des constatations exposées aux points 99 à 108 ci-dessus qu’il incombe à la Commission d’identifier, dans le cadre de sa large marge d’appréciation, les éléments qu’elle considère pertinents pour son examen des risques afin d’être en mesure de constater, après que ledit examen a été effectué, que les conditions énoncées, le cas échéant, à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1829/2003 ont été remplies en l’espèce avant d’accorder une autorisation de mise sur le marché.

–       Sur la valeur juridique des orientations de l’EFSA

110    Le groupe scientifique a adopté plusieurs documents d’orientation qui ont été invoqués par les parties dans le cadre du présent litige, en particulier le document d’orientation sur l’évaluation des risques des plantes génétiquement modifiées et des denrées et des aliments pour animaux dérivés [question EFSA-Q-2003-005, The EFSA Journal (2006) 99, 1-100, ci-après le « document d’orientation de 2006 »], le document d’orientation relatif aux empilements de gènes du 16 mai 2007 [question EFSA-Q-2003-005D, The EFSA Journal (2007) 512, 1-5, ci-après le « document d’orientation de 2007 »] ainsi que l’avis scientifique concernant l’orientation sur l’évaluation des risques des denrées et des aliments pour animaux dérivés en ce qui concerne les plantes génétiquement modifiées [The EFSA Journal (2011) ; 9(5) : 2150, 1-37, ci-après le « document d’orientation de 2011 »] qui prévoient, en substance, la caractérisation moléculaire, l’évaluation comparative de l’organisme pour lequel l’autorisation a été demandée avec des comparateurs appropriés ainsi qu’une évaluation des risques toxicologiques, allergéniques et nutritionnels.

111    La première requérante estime que la Commission n’a respecté ni « les dispositions du droit de l’Union qui imposent aux institutions […] de respecter leurs propres orientations » ni ses attentes légitimes selon lesquelles « l’EFSA agirait dans le respect de ses propres orientations concernant [ses] avis » rendus en application du règlement n° 1829/2003. Selon elle, la Commission aurait dû s’assurer de ce respect avant de prendre sa décision d’autorisation. Or, la Commission n’aurait pas veillé à ce que l’EFSA applique le document d’orientation de 2006 et le document d’orientation de 2007 relatifs à l’évaluation comparative et à l’évaluation des risques du soja. En revanche, l’EFSA aurait partiellement appliqué le « projet du document d’orientation de 2011 ».

112    Il convient donc d’examiner si la première requérante peut, en l’espèce, invoquer une violation des orientations exposées au point 110 ci-dessus ou faire valoir ses attentes légitimes afin que l’EFSA agisse « dans le respect de ses propres orientations concernant [ses] avis » rendus en application du règlement n° 1829/2003.

113    En premier lieu, le paragraphe 8 de l’article 5 et de l’article 17 du règlement n° 1829/2003 dispose que l’EFSA publie des lignes directrices détaillées afin d’aider le demandeur à établir et à présenter sa demande d’autorisation. Les orientations de l’EFSA visent donc à structurer les éléments exigés d’un demandeur d’autorisation lors de l’introduction de sa demande et n’ont pas pour objectif de confier à des tierces personnes, telles que la première requérante, le droit que certains éléments soient fournis à cette occasion.

114    De plus, ainsi que l’a expliqué l’EFSA, les documents d’orientation en question prennent la forme d’avis scientifiques non contraignants de l’un de ses groupes scientifiques ou de son comité scientifique. Ces documents ne lient donc aucunement la Commission lors de sa décision quant à l’octroi ou au refus d’une autorisation en vertu du règlement n° 1829/2003, ni a fortiori lors de son réexamen interne.

115    En deuxième lieu, selon la jurisprudence, le principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, a fait naître dans son esprit des espérances fondées. Cependant, ces assurances doivent être conformes aux dispositions et aux normes applicables, des promesses qui ne tiendraient pas compte de ces dispositions n’étant pas de nature à créer une confiance légitime chez l’intéressé (voir arrêt du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, EU:T:2010:549, point 139 et jurisprudence citée).

116    Or, il y a lieu de relever que les orientations en question ne contiennent aucune assurance précise, inconditionnelle et concordante envers la première requérante que cette dernière pourrait invoquer lors d’une demande de réexamen interne d’un acte administratif introduite en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006.

117    En troisième lieu, la première requérante invoque la jurisprudence selon laquelle les documents d’orientation émis par les institutions sont susceptibles de satisfaire ce critère et, de ce fait, de créer une confiance légitime (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 209 à 211). À cet égard, il convient de faire observer que les orientations en cause n’ont pas été adoptées par la Commission à qui il appartient d’adopter la décision d’autorisation ainsi que la décision sur la demande de réexamen interne d’un acte administratif introduite en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006. De plus, il y a lieu de noter que cette jurisprudence concerne les cas dans lesquels une institution, en adoptant de telles orientations, s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner. Cependant, les orientations en cause ne limitent aucunement la marge d’appréciation de la Commission, mais s’adressent aux demandeurs d’autorisation auxquels elles ne sont pas susceptibles de conférer une quelconque obligation.

118    Pour ces raisons, il convient donc de constater que les documents d’orientation de l’EFSA ne sont pas susceptibles de lier la Commission dans son examen ou réexamen, alors qu’il est certainement possible qu’elle choisisse de les appliquer en tant que cadre d’évaluation dans les affaires introduites devant elle.

119    Il s’ensuit que la première requérante ne peut pas invoquer une violation des orientations exposées au point 110 ci-dessus, ni faire valoir ses attentes légitimes afin que l’EFSA agisse « dans le respect de ses propres orientations concernant [ses] avis » rendus en application du règlement n° 1829/2003.

120    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les différents moyens soulevés par la première requérante.

 Sur le premier moyen, portant sur la considération de l’EFSA selon laquelle le soja modifié est « substantiellement équivalent » à son produit de référence conventionnel

121    La première requérante considère, premièrement, que la Commission a confirmé l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié sans s’assurer qu’une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible » avait été effectuée et que Monsanto avait fourni des données « appropriées » en vertu de l’article 5, paragraphe 3, sous f), de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de l’article 17, paragraphe 3, sous f), et de l’article 18, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1829/2003 ; deuxièmement, qu’elle a violé son obligation, découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, consistant à garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux susceptibles d’avoir un effet négatif sur la santé humaine, sur la santé animale ou sur l’environnement ne doivent pas être mis sur le marché de l’Union ; troisièmement, qu’elle n’a pas, en violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 1, de ce règlement, satisfait à l’obligation de prendre en compte toute disposition pertinente de la législation de l’Union, y compris les dispositions demandant aux institutions de respecter « leurs propres orientations » ; quatrièmement, qu’elle n’a pas, en violation de l’article 168 TFUE, respecté son obligation consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine ; et, cinquièmement, qu’elle a violé les attentes légitimes des requérantes. Plus spécifiquement, la Commission aurait confirmé ladite autorisation, alors que, premièrement, l’EFSA n’a pas imposé à Monsanto d’inclure les parents ou les événements isolés dans les essais de terrain menés pour les besoins de la demande, et ce en contravention avec les exigences fixées dans ses propres orientations, deuxièmement, alors que, même si l’EFSA avait identifié un certain nombre de différences statistiquement significatives entre le soja modifié et son produit conventionnel de référence, elle a conclu à l’existence d’une « équivalence substantielle » entre eux, troisièmement, alors que l’EFSA n’a pas tenu compte de l’existence d’une abondante littérature scientifique étayant le fait que la pulvérisation d’herbicides contenant du glyphosate sur des plantes génétiquement modifiées affecte la composition desdites plantes, quatrièmement, alors que l’EFSA n’a pas évalué correctement les données collectées lors des essais de terrain menés par Monsanto concernant les différences agronomiques et phénotypiques et, cinquièmement, alors que l’EFSA s’est abstenue d’imposer à Monsanto d’examiner correctement l’effet éventuel de facteurs de stress biotiques et abiotiques spécifiques sur le soja modifié.

122    La Commission conteste ces arguments.

–       Sur la première branche du premier moyen

123    Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la première requérante fait valoir que, en vertu de ses orientations, l’EFSA n’a pas imposé à Monsanto d’inclure « les parents ou les événements isolés », c’est-à-dire les deux plantes parentales génétiquement modifiées MON 87701 et MON 89799, dans les essais menés sur le terrain en tant que comparateurs.

124    La Commission considère que la présente branche est irrecevable au motif qu’elle n’a pas été soulevée dans le cadre de la demande de réexamen interne de la première requérante.

125    À cet égard, il convient de relever que, dans sa demande de réexamen interne, la première requérante a, en substance, fait valoir que les plantes parentales génétiquement modifiées n’avaient pas été évaluées de manière appropriée et que l’examen des différences entre l’empilement et ses produits de référence devrait inclure « les plantes parentes isogéniques et non transgéniques », à savoir des plantes parentes non modifiées génétiquement, alors qu’un seul produit de référence, à savoir la variété Asgrown A5547 qui était le produit de référence isogénique non génétiquement modifié, a été fourni.

126    Il s’ensuit que la demande de réexamen interne de la première requérante ne concernait pas l’inclusion des « parents ou [des] événements isolés », à savoir les deux plantes parentales génétiquement modifiées MON 87701 et MON 89799, dans les essais menés sur le terrain en tant que comparateurs et que la présente branche doit, au vu des considérations exposées au point 69 ci-dessus, être rejetée comme étant irrecevable.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen

127    En ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen, selon laquelle l’EFSA a autorisé Monsanto à se fonder sur la prétendue « légèreté » des différences statistiquement significatives, sur une large palette de « substances de référence » ainsi que sur la base de données de l’« ILSI » pour faire disparaître le nombre significatif de différences statistiques entre la composition du soja modifié et la composition de son comparateur conventionnel, la première requérante estime que la Commission s’est abstenue dans la première décision attaquée d’aborder ses griefs spécifiques formulés au sujet du fait que, en l’espèce, l’EFSA s’était prévalue de données obtenues à partir d’un grand nombre de substances de référence différentes ainsi que de la base de données de l’« ILSI ». De plus, l’affirmation de la Commission selon laquelle le comparateur approprié aurait été utilisé serait viciée pour les raisons exposées dans le cadre de la première branche du présent moyen.

128    La Commission affirme avoir répondu en détail dans l’annexe II de la première décision attaquée aux arguments avancés dans la demande de réexamen interne de la première requérante.

129    Dans la mesure où la première requérante fait valoir que la première décision attaquée était entachée d’un défaut de motivation, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le moyen tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE est un moyen distinct de celui tiré de l’erreur manifeste d’appréciation. En effet, alors que le premier, qui vise un défaut ou une insuffisance de motivation, relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union, le second, qui porte sur la légalité au fond d’une décision, relève de la violation d’une règle de droit relative à l’application du traité, au sens du même article, et ne peut être examiné par le juge de l’Union que s’il est invoqué par le requérant. L’obligation de motivation est dès lors une question distincte de celle du bien-fondé de la motivation (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 245 et jurisprudence citée).

130    Il ressort d’une jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T‑445/05, EU:T:2009:50, point 67 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 246).

131    Dans le cadre de sa demande de réexamen interne, la première requérante a fait valoir que, au lieu d’utiliser des lignées appropriées comme comparateurs, une large palette de variétés de soja avait été cultivée en tant que « substances de référence ». Par conséquent, Monsanto aurait créé une large fourchette de données qui ne sont pas liées à l’arrière-plan du soja modifié et qui sont susceptibles de créer un « bruitage » scientifique qui cache les différences entre ce dernier soja et son comparateur. De plus, la base de données « ILSI » a été, selon elle, utilisée en tant que référence additionnelle pour les données historiques. Or, l’EFSA aurait dû effectuer une analyse plus approfondie en ce qui concerne lesdites différences.

132    Dans la première décision attaquée, la Commission a rejeté les arguments avancés dans la demande de réexamen de la première requérante en constatant qu’elle avait utilisé un comparateur approprié en conformité avec le document d’orientation de 2006 et les normes d’évaluation des risques internationalement admises. Selon elle, le recours à des variétés commerciales de référence non modifiées génétiquement constituait un élément fondamental de cette approche comparative et servait à estimer dans les mêmes conditions environnementales la fourchette de l’écart naturel à laquelle les consommateurs seraient exposés en consommant une plante donnée. Chaque différence statistiquement significative identifiée lors de la comparaison entre la plante génétiquement modifiée et son comparateur aurait été alors évaluée à l’aune des valeurs dérivées de l’ensemble des variétés commerciales de référence non modifiées génétiquement, plantées dans le même essai de terrain pour évaluer sa pertinence biologique. La Commission estimait que, s’agissant du soja modifié, les seules différences statistiquement significatives décelées entre cette plante génétiquement modifiée et son comparateur avaient résidé dans des modifications du niveau de certains acides gras et de l’augmentation des teneurs en daidzéine et en génistéine. Ces différences seraient restées dans la fourchette estimée à partir des variétés commerciales de soja non modifié génétiquement cultivées dans les mêmes essais de terrain. Selon la Commission, cela signifiait que, si la plante génétiquement modifiée exprimait une teneur plus élevée ou moindre dans des proportions statistiquement significatives, en un composant donné, que la teneur de son comparateur, cette teneur de la plante génétiquement modifiée n’était pas plus élevée ou moindre que celle des variétés commerciales cultivées dans les mêmes conditions. En conséquence, les consommateurs ne seraient ni plus ni moins exposés à un quelconque composé lors de la consommation du soja modifié qu’en cas de consommation du « soja conventionnel ». La Commission a également précisé que les conclusions relatives à l’innocuité reposaient sur ces données et non sur la base de données « ILSI ».

133    À la lumière de ces constatations, il convient de relever que la motivation de la première décision attaquée permet à la première requérante de comprendre les raisons pour lesquelles, eu égard à son large pouvoir d’appréciation, la Commission a rejeté les arguments des requérantes. La première requérante considère donc à tort que la Commission n’a pas respecté son obligation de motivation en n’abordant pas les griefs spécifiques soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante. En outre, pareille motivation est suffisante pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité.

134    En toute hypothèse, dans la mesure où l’argument de la première requérante vise à remettre en cause le bien-fondé des considérations de la Commission figurant dans la première décision attaquée, il conviendrait de faire observer que, par ses arguments, la requérante ne démontre aucune erreur manifeste dans l’examen de la Commission dans la mesure où, ainsi que cette dernière l’explique dans le mémoire en défense, une fois les différences observées, les variétés de référence dont la sécurité d’utilisation est bien établie sont utilisées pour estimer, dans des conditions environnementales identiques, les limites de variation naturelle auxquelles s’exposeraient les consommateurs du produit d’une culture spécifique. Selon elle, elles ne sont pas utilisées pour détecter d’éventuelles différences entre la plante génétiquement modifiée et son produit conventionnel de référence, comme les requérantes semblent le laisser entendre. La comparaison statistique entre la culture génétiquement modifiée et son produit conventionnel de référence serait indépendante des variétés de référence non génétiquement modifiées, de sorte qu’aucun « bruit » statistique ne peut exister, contrairement à ce qu’affirme la première requérante. En outre, la Commission fait valoir à bon droit que l’article 5, paragraphe 3, sous f), et l’article 17, paragraphe 3, point f), du règlement n° 1829/2003 mentionnent explicitement le fait que des « variations naturelles » doivent être prises en compte pour déterminer si un organisme génétiquement modifié diffère de son produit conventionnel de référence.

135    Partant, il y a lieu de rejeter comme étant non fondé l’argument selon lequel la Commission s’est abstenue dans la première décision attaquée d’aborder les griefs spécifiques de la première requérante formulés au sujet du fait que, en l’espèce, l’EFSA s’était prévalue de données obtenues à partir d’un grand nombre de substances de référence différentes ainsi que de la base de données de l’« ILSI ».

136    S’agissant de l’argument selon lequel l’affirmation de la Commission, selon laquelle le comparateur approprié aurait été utilisé, était viciée pour les raisons exposées dans le cadre de la première branche du présent moyen, il convient de faire observer que, ainsi que cela a été constaté aux points 123 à 126 ci-dessus, les arguments soulevés dans le contexte de ladite première branche n’ont pas été soulevés dans le cadre de la demande de réexamen et étaient donc irrecevables. Ils n’ont notamment pas été soulevés dans le cadre de l’argument avancé dans la demande de réexamen interne de la première requérante et portant sur les références erronées qui est remis en cause par la présente branche.

137    Partant, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argument de la Commission selon lequel la majeure partie, non ultérieurement spécifiée, de la présente branche serait manifestement irrecevable du fait que les arguments soulevés dans le cadre de celle-ci n’apparaissaient pas dans la demande de réexamen interne de la première requérante.

–       Sur la troisième branche du premier moyen

138    Par la troisième branche du premier moyen, la première requérante fait valoir que l’EFSA n’a pas tenu compte de l’existence d’une abondante littérature scientifique étayant le fait que la pulvérisation de certains herbicides sur des plantes génétiquement modifiées affectait leur composition, ce qui risquait d’avoir une incidence sur les effets agronomiques et phénotypiques. En effet, d’une part, dans la première décision attaquée, la Commission se serait fondée sur « un » manquement manifeste entachant la méthodologie de l’analyse comparative de l’EFSA pour justifier son absence d’examen plus approfondi des différences susceptibles de révéler l’existence d’effets fortuits causés par l’empilement des protéines en cause, étant donné que les écarts identifiés entre les niveaux de daidzéine et de génistéine, présents dans le soja modifié, et ceux présents dans son produit conventionnel de référence restaient dans la fourchette manifestée par les substances de référence. D’autre part, la Commission aurait méconnu non seulement des différences qui avaient été identifiées entre ce soja, son comparateur et les substances de référence, mais encore la littérature scientifique invoquée, qui, selon elle, n’était « pas applicable » en l’espèce et serait de la plus haute importance dans la mesure où elle laisserait entendre qu’une étude appropriée de l’effet de la pulvérisation aurait été susceptible de donner lieu à l’identification de différences supplémentaires et significatives.

139    La Commission considère, en substance, qu’elle a répondu en détail aux arguments de la première requérante dans la première décision attaquée. Selon elle, même si des informations issues de la littérature scientifique et des bases de données accessibles au public ont été prises en compte par l’EFSA dans ses conclusions relatives à l’innocuité de l’empilement, la méthode principale permettant de détecter d’éventuels effets non désirés sur la composition ou les caractéristiques agronomiques et phénotypiques est l’analyse comparative, incluant différents traitements herbicides. Dès lors, l’EFSA aurait conclu que les consommateurs ne seraient ni surexposés ni sous-exposés à l’un de ses composés en cas de consommation du soja modifié par rapport au « soja conventionnel ».

140    Premièrement, pour autant que la première requérante fait référence dans ce contexte à la littérature énumérée à l’annexe I de la requête, intitulée « Tableau sur l’incidence de la pulvérisation de plantes génétiquement modifiées avec un herbicide à base de glyphosate », il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, la première requérante se contente d’alléguer, de manière générale, que des différences entre le soja modifié, son comparateur et les substances de référence avaient été identifiées et que la littérature scientifique invoquée est de la plus haute importance dans la mesure où elle laisse entendre qu’une étude appropriée de l’effet de la pulvérisation était susceptible de donner lieu à l’identification de différences supplémentaires et significatives.

141    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions susmentionnées, doivent figurer dans la requête. Les annexes ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou arguments expressément invoqués par les parties requérantes dans le corps de leurs écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale. Cette interprétation de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 vise également la réplique (voir arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, points 268 à 271 et jurisprudence citée).

142    Conformément à cette jurisprudence, il convient de relever que la formulation du présent grief ne saurait permettre au Tribunal de se prononcer, le cas échéant, sans autres informations à l’appui et il serait contraire à la fonction purement probatoire et instrumentale des annexes que celles-ci puissent servir à faire la démonstration détaillée d’une allégation présentée de manière insuffisamment claire et précise dans la requête. Partant, il convient d’écarter comme étant irrecevable l’argumentation, renvoyant à l’annexe I de la requête, selon laquelle une abondante littérature scientifique étayant le fait que la pulvérisation de certains herbicides sur des plantes génétiquement modifiées affecte leur composition n’a pas été prise en considération.

143    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission se serait fondée sur « un » manquement manifeste entachant la méthodologie de l’analyse comparative de l’EFSA pour justifier son absence d’examen plus approfondi des différences susceptibles de révéler l’existence d’effets fortuits causés par l’empilement des protéines en cause, il convient de relever que la première requérante n’explique pas à quel « manquement » précis de la part de la Commission résidant dans la première décision attaquée elle se réfère. En effet, elle n’indique pas, dans le contexte de la présente branche, les raisons pour lesquelles elle estime que l’argument de la Commission selon lequel les écarts identifiés entre les niveaux de daidzéine et de génistéine, présents dans le soja modifié, et ceux présents dans son produit conventionnel de référence restaient dans la fourchette manifestée par les substances de référence est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

144    De plus, il ne ressort pas clairement des arguments de la première requérante, soulevés à l’encontre de la première décision attaquée, quelles sont les différences statistiquement significatives que la Commission aurait spécifiquement dû prendre en compte ou qui sont, selon la première requérante, pertinentes pour étayer son affirmation visant l’existence d’« un » manquement manifeste entachant la méthodologie de l’analyse comparative.

145    Or, il convient de rappeler que l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 prévoit que la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci est fondé ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, ordonnance du 11 janvier 2013, Charron Inox et Almet/Commission et Conseil, T‑445/11 et T‑88/12, non publiée, EU:T:2013:4, point 57).

146    En outre, au vu du fait que les arguments soulevés en l’espèce concernent des faits hautement techniques et au vu de la complexité de la matière en cause, l’emploi des renvois généraux et des références peu précises à d’autres parties de la requête ou à d’autres documents ne satisfait pas aux exigences de la jurisprudence citée au point 145 ci-dessus. En effet, si, en cas de renvoi général aux éléments exposés dans le cadre d’autres moyens, il ne peut être exclu que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels la requérante se fonde figurent dans la requête, il importe néanmoins à la requérante de les présenter de façon cohérente et compréhensible. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal d’aller rechercher dans l’ensemble des éléments invoqués au soutien d’un moyen si ces éléments pouvaient également être utilisés au soutien d’un autre moyen et, dans le cas d’espèce, quels éléments pouvaient être employés (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, EU:T:2006:267, point 209).

147    Partant, étant donné qu’il ne ressort pas d’une façon cohérente et compréhensible de la requête quel « manquement » la première requérante reproche à la Commission, il convient de rejeter son argument à cet égard comme étant irrecevable.

148    Troisièmement, s’agissant de l’argument portant sur l’existence de différences entre le soja modifié, son comparateur et les substances de référence et portant sur la pertinence de la littérature scientifique invoquée par la première requérante, il convient, d’ailleurs, de relever que la Commission a reconnu dans la première décision attaquée que les teneurs plus élevées en daidzéine et en génistéine avaient été identifiées lors de la comparaison entre le soja modifié ayant reçu des pulvérisations de glyphosate et son comparateur. Selon la Commission, ces différences avaient été évaluées et considérées comme comprises dans la fourchette d’écart naturel définie par les variétés commerciales de soja non génétiquement modifié utilisées dans l’étude. La Commission ajoute que les références sur lesquelles se fondait la première requérante n’étaient pas applicables au soja modifié du fait qu’aucune différence de composition n’avait été identifiée entre ce dernier soja, son comparateur et les substances de référence traitées au glyphosate.

149    Il convient donc de relever que l’EFSA a examiné les publications annexées à la demande de réexamen interne de la première requérante et a considéré que ces publications n’étaient pas pertinentes en l’espèce. En tout état de cause, la première requérante n’apporte aucun élément indiquant que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

150    Même s’il est vrai que le constat fait par la Commission dans la première décision attaquée, selon lequel « aucune différence » n’avait été identifiée lors de l’analyse de composition, est exagéré, il convient de néanmoins relever que, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a précisé que, en l’espèce, une évaluation avait été menée et que les niveaux de daidzéine et de génistéine constatés s’inscrivaient dans la plage des variations naturelles définies sur la base des variétés commerciales de soja non génétiquement modifié, utilisées dans l’étude et que, par conséquent, l’analyse comparative de composition n’avait donc révélé aucune différence significative. De plus, il ressort des points 67 à 69 du mémoire en défense qu’aucune différence « statistiquement ou biologiquement pertinente » n’avait été identifiée par la Commission.

151    Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondée.

–       Sur la quatrième branche du premier moyen

152    S’agissant de la quatrième branche du premier moyen, selon laquelle l’EFSA n’a pas évalué correctement les données collectées lors des essais de terrain menés par Monsanto concernant les différences agronomiques et phénotypiques, la première requérante fait valoir que la Commission s’est contentée de résumer la méthodologie retenue par l’EFSA pour interpréter les données agronomiques et phénotypiques et s’est abstenue d’aborder les griefs spécifiques soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante.

153    À cet égard, il convient de relever que la première requérante a, en substance, considéré dans sa demande de réexamen interne que l’EFSA n’avait pas évalué correctement les données collectées lors des essais de terrain menés par Monsanto concernant les différences agronomiques et phénotypiques qui démontraient des différences significatives telles que l’augmentation de la densité des plantes à la récolte. Selon elle, de tels changements dans le phénotype étaient une’indication pour des’effets fortuits dans le génome de la plante et pour’un changement de ses composants qui pourrait avoir une incidence sur l’innocuité de la denrée alimentaire.

154    La Commission considère avoir répondu en détail dans la première décision attaquée aux griefs spécifiques soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante.

155    Dans la mesure où la première requérante fait valoir que la première décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, il y a lieu de constater que, à l’annexe II de ladite décision, la Commission a notamment expliqué que l’EFSA avait évalué et interprété les données agronomiques et phénotypiques eu égard au champ d’application de la demande d’autorisation introduite par Monsanto, qui n’incluait pas la culture. Selon la Commission, les données obtenues lors des essais de terrain ont permis à l’EFSA de conclure qu’aucune modification constante des caractéristiques phénotypiques et agronomiques n’avait été observée entre le soja modifié et son comparateur, à l’exception d’une faible augmentation de la densité des plantes à la récolte, augmentation qui n’avait pas été considérée comme biologiquement pertinente. La Commission a donc considéré que les caractéristiques agronomiques et phénotypiques n’avaient pas révélé la présence d’effets fortuits, ce qui serait également corroboré par le résultat de l’analyse de la composition.

156    À la lumière des conditions prévues par la jurisprudence exposée aux points 129 et 130 ci-dessus, il convient de relever que la motivation de la première décision attaquée permet à la première requérante de comprendre de la façon requise les raisons pour lesquelles, eu égard à son large pouvoir d’appréciation, la Commission a rejeté les arguments des requérantes. Les requérantes considèrent donc à tort que la Commission n’a pas respecté son obligation de motivation en n’abordant pas les griefs spécifiques soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante. En outre, pareille motivation est suffisante pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité.

157    En toute hypothèse, s’agissant de l’argument selon lequel l’EFSA n’a pas évalué correctement les données collectées lors des essais de terrain menés par Monsanto concernant les différences agronomiques et phénotypiques, il y aurait lieu d’observer que la première requérante ne démontre aucune erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission. En effet, cette dernière a constaté dans la première décision attaquée qu’elle considérait que l’EFSA avait procédé à l’évaluation en cause dans le respect de son document d’orientation de 2006. À cet égard, il convient de faire observer que la Commission a précisé dans la défense que l’EFSA avait réalisé sa propre évaluation des données phénotypiques fournies par Monsanto, de sorte qu’elle ne s’était pas limitée à l’analyse de Monsanto, contrairement à ce qu’affirment les requérantes. De plus, étant donné que l’évaluation de l’EFSA a été réalisée à la lumière du champ d’application de la demande d’autorisation, qui n’incluait pas la culture, la Commission a considéré que l’EFSA avait évalué les différences relevées lors de l’analyse comparative phénotypique au regard de leur pertinence en matière d’innocuité des denrées alimentaires ou d‘aliments pour animaux, ce qui était examiné en premier lieu eu égard au champ d’application de la demande. En outre, la Commission a expliqué que, même si l’empilement était destiné à l’alimentation humaine et animale, l’EFSA avait évalué sa résistance potentiellement renforcée en tenant compte de la dissémination accidentelle de semences viables dans l’environnement lors de son transport et de sa transformation.

158    Partant, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du premier moyen comme étant non fondée.

–       Sur la cinquième branche du premier moyen

159    S’agissant de la cinquième branche du premier moyen, selon laquelle l’EFSA s’est abstenue d’imposer à Monsanto d’examiner correctement l’effet éventuel de facteurs de stress biotiques et abiotiques spécifiques sur le soja modifié, la première requérante considère que la Commission n’aborde pas, dans la première décision attaquée, les griefs spécifiques soulevés dans sa demande de réexamen interne en ce qu’elle se borne à suggérer que la littérature scientifique qui lui a été présentée n’était pas pertinente au motif que ladite littérature se référait à d’autres cultures. Il aurait incombé à l’EFSA de veiller à ce que des recherches appropriées soient menées au sujet dudit soja, ce qui n’aurait pas été fait. Selon la première requérante, certaines études concernant d’autres cultures fournissent des données scientifiquement pertinentes pour analyser ce soja.

160    À cet égard, il convient de noter que les requérantes ont expliqué lors de l’audience que, par ces arguments, elles faisaient valoir une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission, mais non un défaut de motivation, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

161    La Commission considère avoir répondu en détail dans la première décision attaquée aux griefs spécifiques soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante. De plus, elle soutient dans le mémoire en défense que l’évaluation des risques des organismes génétiquement modifiés doit être réalisée au cas par cas et que, en l’espèce, l’EFSA a évalué l’empilement à la lumière du champ d’application de la demande d’autorisation, qui ne couvrait pas la culture. Ainsi, l’évaluation des risques de l’empilement sur l’environnement aurait été réalisée sur la base d’une exposition environnementale limitée à une dissémination accidentelle. L’EFSA aurait également examiné les publications invoquées dans les demandes de réexamen interne, mais ne les a pas jugées pertinentes.

162    Il convient de noter que les facteurs de stress biotique sont des éléments d’origine biologique, tels que des insectes ou des virus, susceptibles d’affecter certains paramètres d’une plante et d’avoir des conséquences sur la sécurité alimentaire. Les facteurs de stress abiotique sont des éléments d’origine non biologique, tels que la température et la salinité du sol, susceptibles d’affecter certains paramètres d’une plante et d’avoir des conséquences sur la sécurité alimentaire.

163    En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans la première décision attaquée, la Commission a rejeté les arguments soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante en constatant, tout d’abord, que l’évaluation du soja modifié avait été réalisée dans le contexte des utilisations auxquelles il était destiné, à savoir l’importation et la transformation. Compte tenu de ces destinations, qui n’englobent pas la culture, ainsi que du faible niveau d’exposition à l’environnement, l’EFSA a considéré, selon la Commission, que les interactions éventuelles avec les cycles environnementaux biotiques et abiotiques n’étaient pas un problème. Toutefois, la Commission a ajouté que l’EFSA avait tout de même évalué les données fournies par Monsanto dans son dossier sur les facteurs de stress biotiques et abiotiques. S’agissant des facteurs de stress abiotiques, l’évaluation de 96 observations n’aurait révélé aucune différence entre ledit soja et son comparateur. Partant, rien ne prouverait que les éventuels effets des facteurs de stress abiotiques soient différents sur ces deux plantes. S’agissant des facteurs de stress biotiques, la Commission a observé que, sur 334 comparaisons effectuées sur les effets de différents agents biotiques, 9 comparaisons avaient montré l’existence de différences statistiquement significatives, sans lien avec les effets voulus de la modification génétique. Or, selon elle, ces différences n’avaient pas été observées de manière constante dans l’analyse menée sur l’ensemble des terrains, elles étaient mineures et ne montraient pas que ce soja modifié était affecté dans une plus grande ou dans une moindre mesure que les autres « sojas commerciaux ». Selon la Commission, les références fournies par les requérantes au sujet du stress abiotique et biotique pour les plantes génétiquement modifiées concernaient des variétés autres que le soja modifié et n’étaient donc pas pertinentes en l’espèce.

164    En réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la Commission a expliqué que la réponse présentée dans la première décision attaquée signifiait que les interactions potentielles avec les cycles environnementaux biotiques et abiotiques n’avaient pas été jugées problématiques par l’EFSA et que, en d’autres termes, aucun problème n’avait été recensé sur la base des données fournies dans la requête, y compris en ce qui concerne les analyses de composition, et qu’il n’avait pas été jugé nécessaire d’obtenir des données supplémentaires. De plus, elle a ajouté que les interactions biotiques et abiotiques auxquelles avaient été exposés le soja modifié et son équivalent conventionnel pendant les essais en champ avaient été prises en compte dans l’analyse de la composition. Selon elle, étant donné que la requête ne couvrait pas la culture en Europe, les essais en champ aux fins des analyses de composition agronomiques et phénotypiques, réalisés sur plusieurs sites d’Amérique du Sud et du Nord, avaient été jugés comme étant suffisamment représentatifs des milieux récepteurs possibles pour la culture de ce soja. Aucun essai supplémentaire de facteurs de stress abiotique et biotique spécifiques autres que ceux déjà présents lors des essais en champ n’avait été jugé nécessaire en l’espèce. Il convient d’observer que la première requérante n’a pas contesté ces déclarations.

165    En effet, la première requérante se borne à faire valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant que les références’fournies par la première requérante au sujet du stress abiotique et biotique sur les plantes génétiquement modifiées concerneraient des variétés autres que le soja modifié et ne seraient pas pertinentes en l’espèce. Selon la première requérante, la recherche scientifique laissant entendre que la pulvérisation peut avoir des effets fortuits sur les plantes ne saurait être simplement écartée au motif qu’elle concerne des cultures différentes de soja et les constatations faites concernant d’autres cultures fournissent des données scientifiquement pertinentes pour analyser le soja modifié. Elle ajoute que les scientifiques extrapolent régulièrement à partir d’autres constatations.

166    D’une part, il convient de faire observer qu’il ne ressort pas des arguments de la première requérante quelles sont les études scientifiques concrètes qui laissent entendre que la pulvérisation peut avoir des effets fortuits sur les plantes en question et pour quelles raisons elle considère que de telles études fournissent des données scientifiquement pertinentes en l’espèce.

167    D’autre part, l’affirmation générale selon laquelle des scientifiques extrapolent régulièrement, selon la première requérante, à partir d’autres constatations ne démontre pas non plus une quelconque pertinence de ces études en l’espèce.

168    À la lumière de ces considérations, il y a lieu de constater que la première requérante n’a pas apporté d’éléments suffisants pour établir que les explications de la Commission, exposées aux points 163 et 164 ci-dessus, sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

169    Il convient donc de rejeter également la cinquième branche du premier moyen.

170    Partant, il convient de rejeter le premier moyen comme étant partiellement irrecevable. Pour le reste, il y a lieu de le rejeter comme étant non fondé du fait que, d’une part, la première requérante n’a pas démontré par ses arguments, soulevés dans le cadre du présent moyen, que la Commission avait confirmé l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié sans s’assurer qu’une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible » avait été effectuée et que Monsanto avait effectivement fourni des données « appropriées » en vertu de l’article 5, paragraphe 3, sous f), de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de l’article 17, paragraphe 3, sous f), et de l’article 18, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1829/2003. D’autre part, elle n’a pas non plus démontré par ses arguments que la Commission avait violé son obligation, découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, consistant à garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux susceptibles d’avoir un effet négatif sur la santé humaine, sur la santé animale ou sur l’environnement ne doivent pas être mis sur le marché de l’Union, qu’elle n’avait pas, en violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 1, de ce règlement, satisfait à l’obligation de prendre en compte toute disposition pertinente de la législation de l’Union, y compris les dispositions demandant aux institutions de respecter « leurs propres orientations », qu’elle n’avait pas, en violation de l’article 168 TFUE, respecté son obligation consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et qu’elle avait violé les attentes légitimes de la première requérante.

 Sur le deuxième moyen, portant sur le fait que les effets synergiques ou combinatoires n’ont pas été pris en compte ou qu’aucune évaluation toxicologique appropriée n’a été exigée

171    La première requérante fait valoir que la Commission a confirmé l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié en dépit du fait que l’évaluation de la toxicité réalisée par l’EFSA a été « manifestement erronée, illégale et contraire à ses propres orientations ». Premièrement, la Commission aurait donc commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant ladite autorisation et en s’abstenant d’exiger une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible ». Deuxièmement, elle aurait violé son obligation, découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1829/2003, consistant à garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux susceptibles d’avoir un effet négatif sur la santé humaine, sur la santé animale ou sur l’environnement ne devraient pas être mis sur le marché de l’Union. Troisièmement, elle n’aurait pas, en violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, satisfait à l’obligation de prendre en compte toute disposition pertinente de la législation de l’Union, y compris les dispositions demandant aux institutions de respecter « leurs propres orientations ». Quatrièmement, elle n’aurait pas, en violation de l’article 168 TFUE, respecté son obligation consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et, cinquièmement, elle aurait violé les attentes légitimes des requérantes.

172    Plus spécifiquement, premièrement, elle soutient que l’EFSA n’a pas procédé à une analyse appropriée de l’innocuité du soja modifié.

173    Deuxièmement, selon la requérante, la constatation faite par l’EFSA, relative aux interactions entre certaines protéines présentes dans l’événement empilé et les autres constituants de la plante ainsi qu’à d’autres facteurs, est « viciée » au motif, premièrement, que la sélectivité des protéines Cry n’a, à ce jour, pas fait l’objet d’études suffisantes, deuxièmement, qu’il n’y a pas d’évaluation suffisante de l’expression générale des toxines Bt dans des conditions climatiques différentes ainsi que des « nouveaux effets sur le génome », troisièmement, que plusieurs facteurs externes sont susceptibles d’avoir des effets combinatoires ou synergiques avec les toxines Bt ou les protéines Cry, sans que l’EFSA n’ait requis des recherches complémentaires à cet égard, quatrièmement, qu’il n’y a eu aucune analyse appropriée de la dégradation des inhibiteurs de protéase et des éventuelles synergies et, cinquièmement, que l’EFSA a omis d’imposer à Monsanto de faire des recherches sur les effets émergents sur le génome entre les parents et le soja modifié.

174    Troisièmement, elle considère que l’EFSA n’a pas imposé à Monsanto une obligation d’effectuer une évaluation adéquate de la toxicité, alors que, premièrement, des éléments de preuve scientifiques montrent que l’application de pulvérisations contenant du glyphosate sur des denrées alimentaires génétiquement modifiées accroît la toxicité de ces dernières, deuxièmement, que l’EFSA s’est abstenue de demander l’effet éventuel du soja modifié sur le système reproducteur et sur le transfert de composés biologiquement actifs dudit soja vers les tissus animaux ou humains par le biais de la consommation et, troisièmement, que des éléments de preuve montrent que les toxines Bt sont susceptibles d’avoir des effets préjudiciables sur la santé des animaux.

175    La Commission conteste ces arguments.

–       Observations liminaires

176    Par le présent moyen, la première requérante estime, en substance, que la première décision attaquée est illégale du fait que la Commission a maintenu l’autorisation de mise sur le marché de produis contenant du soja modifié en dépit d’une évaluation de la toxicité insuffisante de la part de l’EFSA. À titre liminaire, il convient donc de rappeler les dispositions des documents d’orientation de 2006, de 2007 et de 2011 portant sur l’examen de la toxicité ainsi que les constatations du groupe scientifique à cet égard, qui forment le fondement de l’avis global de l’EFSA ainsi que de la décision d’autorisation.

177    S’agissant de l’évaluation de la toxicité, le document d’orientation de 2006 prévoit que la nécessité de tests toxicologiques dans le cadre de l’évaluation d’innocuité doit être considérée au cas par cas et est déterminée par le résultat de l’évaluation des différences identifiées entre le produit génétiquement modifié et son produit conventionnel de référence. En principe, l’évaluation d’innocuité doit prendre en considération la présence de nouvelles protéines exprimées comme résultat de la modification génétique, la présence potentielle d’autres nouveaux composants et/ou les possibles changements dans le niveau des composants naturels au-delà des variations naturelles.

178    En ce qui concerne l’évaluation de la toxicité, le document d’orientation de 2007 énonce qu’une évaluation au cas par cas de tout potentiel concernant une toxicité élevée pour les humains et les animaux en raison de l’empilement devrait être fournie. Ces effets potentiels pourraient être particulièrement pertinents dans la mesure où l’expression combinée des gènes nouvellement introduits comporte des effets inattendus.

179    Selon le document d’orientation de 2011, l’impact toxicologique de tout changement biologiquement pertinent dans la plante génétiquement modifiée ou dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux dérivés résultant de la modification génétique doit être évalué. Une évaluation toxicologique doit considérer la présence et les niveaux des protéines nouvellement exprimées, la présence potentielle d’autres composants nouveaux, les changements potentiels dans les niveaux des composants endogènes au-delà de la variation normale et l’impact d’autres changements de la composition à cause de la modification génétique. S’agissant des plantes génétiquement modifiées qui contiennent des empilements, les tests toxicologiques de la denrée alimentaire ou des aliments pour animaux dérivés à partir d’une plante génétiquement modifiée devraient être pris en considération s’il y a des indications d’interactions possibles entre les événements empilés.

180    Il ressort de l’avis scientifique du 25 janvier 2012 que l’EFSA a effectué une évaluation des protéines nouvellement exprimées dans le soja modifié, une évaluation des nouveaux composants autres que les protéines ainsi qu’une évaluation des denrées alimentaires et des aliments pour animaux dans leur globalité. Les constatations du groupe scientifique ont été confirmées par l’avis global de l’EFSA sur ledit soja.

181    S’agissant de l’évaluation des protéines nouvellement exprimées dans le soja modifié, le groupe scientifique a constaté que les sojas parentaux avaient subi une évaluation d’innocuité et aucune préoccupation de sûreté n’a été détectée. Le soja modifié et les sojas parentaux auraient démontré des niveaux d’expression des protéines nouvellement exprimées comparables, à savoir que la différence était « au maximum double ». De plus, le groupe scientifique considérait que des interactions entre les événements isolés, qui pourraient avoir une incidence sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, étaient « peu probables ».

182    Concernant l’évaluation des nouveaux composants autres que les protéines, le groupe scientifique considérait que, outre les deux protéines nouvellement exprimées, aucun changement pertinent dans la composition du soja modifié n’avait été détecté lors de l’analyse de composition.

183    Selon l’évaluation des denrées alimentaires et des aliments pour animaux dans leur globalité, le groupe scientifique a constaté qu’une caractérisation moléculaire réalisée sur le soja modifié n’avait révélé aucune modification au niveau de la stabilité des événements isolés lorsqu’ils étaient réunis par croisement et que l’analyse de l’expression des protéines nouvellement exprimées n’avait révélé aucune variation significative des niveaux d’expression pour ledit soja par rapport aux événements isolés des sojas parentaux. Selon le groupe scientifique, étant donné qu’aucune différence biologiquement pertinente n’a été identifiée dans les caractéristiques de composition du soja modifié par rapport à des variétés de soja non génétiquement modifiées, à l’exception de l’expression des protéines nouvellement exprimées, et qu’une analyse n’a révélé aucun signe d’interaction entre les événements isolés susceptibles d’affecter l’innocuité du soja modifié pour l’homme et les animaux, aucune étude d’innocuité complémentaire sur animaux n’était requise.

–       Sur la première branche du deuxième moyen

184    Par la première branche du deuxième moyen, la première requérante fait valoir que l’EFSA s’était fondée sur sa constatation d’une équivalence substantielle entre le soja modifié et son comparateur pour justifier l’absence d’exigence de son évaluation toxicologique. Selon elle, la Commission n’a pas abordé leur préoccupation essentielle, à savoir que, si une évaluation de l’équivalence substantielle constituait une phase essentielle de la procédure de réalisation d’une évaluation de l’innocuité, elle ne constituait pas pour autant en soi une évaluation de l’innocuité.

185    La Commission rétorque que, dans l’annexe II de la première décision attaquée, elle a détaillé sa position sur l’approche comparative. Elle soutient avoir notamment confirmé que le principe d’équivalence substantielle ou d’approche comparative ne constituait que le point de départ de l’évaluation de l’innocuité et avoir expliqué la stratégie adoptée aux fins de l’évaluation des risques.

186    Dans la mesure où la première requérante fait valoir un défaut de motivation de la première décision attaquée, il convient de relever que la Commission a expliqué, dans ladite décision, que le principe d’équivalence substantielle constituait une étape clé de l’évaluation de l’innocuité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux dérivés de la biotechnologie. Cette stratégie représenterait le point de départ de l’évaluation de l’innocuité. Toutes les différences générées par la modification génétique seraient alors examinées de manière approfondie sous l’angle des éventuels aspects toxicologiques, d’allergénicité ou nutritionnels. S’agissant du soja modifié, les données expérimentales fournies dans le dossier ont, selon la Commission, permis à l’EFSA de conclure que cette variété génétiquement modifiée était aussi sûre que son comparateur pour les usages auxquels elle était destinée. La Commission a également fait valoir que les requérantes n’avaient rapporté aucun élément prouvant que l’évaluation des risques n’avait pas été réalisée de manière fiable.

187    Dès lors, la Commission a pu, sans violer ses obligations découlant de la jurisprudence exposée aux points 129 et 130 ci-dessus, fonder son analyse dans la première décision attaquée sur la constatation que l’EFSA n’avait pas limité son évaluation des risques associés à l’empilement à une analyse comparative, mais avait procédé à l’évaluation d’une hausse potentielle de toxicité, complétée par une analyse nutritionnelle et du potentiel allergisant eu égard à l’empilement des événements de transformation.

188    Dans la mesure où la première requérante estime que, sur le plan des principes, la Commission ne saurait exciper de la constatation de l’existence d’une équivalence substantielle des compositions pour ne pas procéder à une « évaluation toxicologique adéquate », tout d’abord, il convient de relever que chacun des documents d’orientation mentionnés aux points 177 à 179 ci-dessus prévoit que la portée de l’évaluation de toxicité doit être déterminée au cas par cas et qu’une évaluation de toxicité limitée est possible et, ainsi, n’est pas exclue par principe.

189    De plus, la première requérante n’invoque aucun passage des documents d’orientation, mentionnés aux points 177 à 179 ci-dessus, qui, selon elle, violerait une disposition quelconque du règlement n° 1829/2003.

190    Ensuite, il y a lieu de relever que la première requérante n’explique pas dans ses écritures en quoi consistait, selon elle, une évaluation toxicologique « adéquate » en l’espèce.

191    Enfin, ainsi que la Commission le fait valoir dans le mémoire en défense et qu’il ressort du contenu de l’avis scientifique du 25 janvier 2012 exposé aux points 180 à 183 ci-dessus, en l’espèce, l’évaluation de l’empilement a été précédée d’une évaluation des deux parents génétiquement modifiés du soja modifié, comprenant une approche comparative, complétée par une caractérisation moléculaire et une analyse toxicologique, nutritionnelle et du potentiel allergisant. Cette évaluation des risques associés aux deux parents a été complétée par une analyse comparative de l’empilement et une caractérisation moléculaire de ce dernier afin d’évaluer les effets synergiques ou nocifs éventuels entre les deux parents génétiquement modifiés. Selon la Commission, l’EFSA a évalué la nécessité de réaliser une analyse toxicologique complémentaire de l’empilement sur la base de toutes les informations recueillies sur les parents génétiquement modifiés ainsi que sur l’empilement. La Commission estime donc également à bon droit que l’EFSA n’a pas limité son évaluation des risques associés à l’empilement à une analyse comparative, mais qu’elle a procédé à l’évaluation d’une hausse potentielle de toxicité, eu égard à l’empilement des événements de transformation.

192    Il s’ensuit que l’argument selon lequel, sur le plan des principes, la Commission ne saurait exciper de la constatation de l’existence d’une équivalence substantielle des compositions pour ne pas procéder à une « évaluation toxicologique adéquate » ne permet pas d’établir une erreur manifeste d’appréciation de la part de celle-ci dans la première décision attaquée. Il convient donc de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

–       Sur la deuxième branche du deuxième moyen

193    Par la deuxième branche du deuxième moyen, la première requérante soulève cinq griefs à l’encontre du constat de l’EFSA selon lequel l’évaluation n’avait décelé aucun indice d’une interaction entre les événements isolés susceptible d’influencer l’innocuité du soja modifié pour les êtres humains et pour les animaux.

194    S’agissant du premier grief, selon lequel le mode d’action des protéines Cry n’est pas encore compris avec un minimum de certitude et l’EFSA n’avait aucune raison valable de présumer que ces protéines n’interagiraient pas ou ne produiraient pas d’effets synergiques, la première requérante considère que la Commission a, dans la première décision attaquée, ignoré l’abondante littérature scientifique présentée par elle dans sa demande de réexamen interne.

195    La Commission explique qu’elle a répondu en détail dans la première décision attaquée à l’allégation portant sur l’évaluation prétendument insuffisante des protéines nouvellement exprimées.

196    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission considérait, en substance, dans la première décision attaquée, que, dans la demande de réexamen interne, la première requérante n’avait présenté aucune information scientifique nouvelle susceptible de modifier les conclusions de l’EFSA relatives à l’évaluation de la toxicité du soja modifié, que la référence au mode d’action et à la sélectivité des protéines Cry dans les organismes cibles n’était pas pertinente lorsqu’il était question d’évaluer l’innocuité de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux et que l’innocuité de la substance Cry1Ac a été abordée dans des avis scientifiques antérieurs de l’EFSA de manière appropriée, également sur la base d’éléments de preuve expérimentaux.

197    Par conséquent, la première requérante affirme à tort que la Commission aurait « ignoré » la littérature scientifique présentée dans la demande de réexamen interne. Dans ce contexte, il convient de relever que le seul fait qu’il n’ait pas été fait entièrement droit à la demande de réexamen interne de la première requérante ne signifie pas que ses observations n’ont pas été examinées par la Commission.

198    En tout état de cause, dans la mesure où la première requérante se réfère, au point 161 de la requête, aux études de Zhang et al (2006), de Soberon et al (2009), de Broderick et al (2009), de Johnston & Crickmore (2009) et de Mason et al (2011), il y a lieu de faire observer qu’elle a invoqué ces études dans la mesure où elles parviennent toutes, selon elle, à des conclusions différentes sur le mode d’action dans les organismes cibles. Toutefois, la première requérante ne conteste pas la constatation faite par la Commission dans la première décision attaquée selon laquelle la référence au mode d’action et à la sélectivité des protéines Cry dans les organismes cibles n’était pas pertinente en l’espèce lorsqu’il était question d’évaluer l’innocuité de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux.

199    S’agissant des études de Broderick et al (2006), de Jiminez-Juares (2007), citées au point 161 de la requête, ainsi que des études citées aux points 162 et 164 de la requête, il y a lieu de relever que celles-ci n’ont pas été invoquées dans le cadre de l’argument pertinent présenté dans la demande de réexamen, à savoir l’argument « B2 ». La première requérante ne peut donc pas valablement faire valoir que la Commission aurait dû prendre en compte ces études dans la première décision attaquée.

200    Il convient donc de rejeter comme étant non fondé l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas pris en compte les études visées au point 199 ci-dessus.

201    De plus, il y a lieu de constater que, si, dans le cadre du présent grief, la première requérante fait référence à la littérature énumérée à l’annexe II de la requête, intitulée « Tableau B : synthèse de la littérature scientifique faisant ressortir les nombreux composants de la plante et produits chimiques susceptibles de produire des effets synergiques ou combinatoires avec les protéines Cry/toxines Bt », elle se contente d’alléguer, de manière générale, que cette littérature a été ignorée par la Commission. Conformément à la jurisprudence citée au point 141 ci-dessus, une telle formulation du présent grief ne saurait permettre au Tribunal de se prononcer, le cas échéant, sans autres informations à l’appui et il serait contraire à la fonction purement probatoire et instrumentale des annexes que celles-ci puissent servir à faire la démonstration détaillée d’une allégation présentée de manière insuffisamment claire et précise dans la requête. Partant, il convient d’écarter comme étant irrecevable l’argument selon lequel la Commission aurait ignoré la littérature exposée à l’annexe II de la requête.

202    Partant, le premier grief doit être rejeté.

203    Par le deuxième grief, portant sur les effets synergiques des toxines Bt, la première requérante « rejette » la constatation faite par la Commission dans la première décision attaquée selon laquelle les publications scientifiques que la première requérante avait fournies étaient sorties de leur contexte et ne fournissaient aucune information nouvelle susceptible de modifier les conclusions sur l’évaluation de la toxicité du soja modifié, au motif que cette constatation n’a pas été « expliquée ».

204    La Commission fait valoir qu’elle a répondu de manière exhaustive à l’allégation portant sur l’interaction des toxines Bt et ajoute que toutes les publications citées dans la demande de réexamen interne de la première requérante ont été examinées par l’EFSA, ce qui lui a permis de confirmer qu’aucune nouvelle donnée scientifique démontrant la toxicité des « protéines Bt » n’avait été fournie.

205    Certes, il convient de faire observer que la motivation relative aux publications scientifiques fournie par la Commission dans la première décision attaquée est très succincte et se limite à la constatation selon laquelle les publications scientifiques en question sont sorties de leur contexte et ne donnent aucune information nouvelle susceptible de modifier les conclusions sur l’évaluation de la toxicité du soja modifié. De plus, la Commission a expliqué qu’elle considérait qu’aucune nouvelle information scientifique n’avait été fournie qui aurait pu démontrer la toxicité des protéines en cause, ce que les requérantes ne contestent d’ailleurs pas.

206    Or, la Commission a également expliqué dans la première décision attaquée que les interactions entre les protéines nouvellement exprimées avaient été examinées et que, compte tenu des fonctions et modes d’action connus des protéines nouvellement exprimées, parmi lesquelles figure la protéine Cry1Ac, l’EFSA avait considéré comme peu probable que surviennent entre ces protéines des interactions inquiétantes quant à l’innocuité. En outre, les analyses de composition communiquées par Monsanto comprenaient, selon la Commission, des données provenant de plantes ayant reçu des pulvérisations de glyphosate et de pesticides d’entretien. En conséquence, la Commission a considéré que l’existence d’une hypothétique interaction entre les protéines nouvellement exprimées et le traitement herbicide avait été prise en considération.

207    À cet égard, la Commission a expliqué, en réponse à une question écrite du Tribunal, qu’elle considérait que soit les publications ne faisaient pour la plupart aucune allusion aux effets du Bacillus thuringiensis ou des protéines Cry (Ab, Ac) sur l’homme ou les mammifères, soit elles traitaient d’un autre type de protéines, dénué de pertinence dans le cas du soja modifié. La majorité des publications invoquées dans la demande de réexamen interne de la première requérante concernerait les effets des toxines Bt sur les insectes. Ces effets pourraient, selon la Commission, présenter un intérêt pour une demande aux fins de culture dans un contexte où la protéine Cry agirait sur les insectes, mais ils sont dénués de pertinence pour une demande aux fins d’importation et de transformation telle que celle qui a été introduite pour ledit soja. De plus, la Commission a soutenu avoir traité en premier lieu les allégations elles-mêmes dans la première décision attaquée avant de présenter des commentaires sur les références fournies par la première requérante à l’appui de ses allégations.

208    À la lumière des conditions prévues par la jurisprudence portant sur l’obligation de motivation et exposée aux points 129 et 130 ci-dessus, il y a lieu de conclure que la motivation de la première décision attaquée permet à la première requérante de comprendre de la façon requise les raisons pour lesquelles, eu égard à son large pouvoir d’appréciation, la Commission a rejeté l’argument de la première requérante et au Tribunal d’exercer son contrôle. D’ailleurs, la première requérante n’explique pas dans ses écritures pour quelles raisons elle considère que cette motivation n’est pas adéquate.

209    En tout état de cause, au vu des explications de la Commission exposées aux points 205 à 207 ci-dessus, il y a lieu d’observer que la première requérante ne démontre, par ses arguments, aucune erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission.

210    Il convient donc de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

211    Par les troisième et cinquième griefs, qui sont traités ensemble dans la requête et qui portent, d’une part, sur les effets combinatoires ou synergiques potentiels des conditions environnementales et sur le traitement avec glyphosate avec les toxines Bt ou les protéines Cry et, d’autre part, sur l’expression de leurs effets émergents sur le génome, la première requérante estime que, premièrement, le constat selon lequel les protéines en cause ne seraient « pas toxiques », sans avoir procédé à une enquête, est intenable et que, deuxièmement, la Commission n’a pas traité les critiques spécifiques soulevées dans la demande de réexamen interne au sujet du fait que l’EFSA a omis à la fois de veiller à la réalisation d’essais de terrain appropriés et de reconnaître l’existence des effets sur le génome et des différences effectivement constatées lors des essais de terrain inappropriés.

212    La Commission considère qu’elle a répondu en détail dans la première décision attaquée aux arguments soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante.

213    En premier lieu, il convient de rejeter l’argument selon lequel le constat d’après lequel les protéines en cause ne sont « pas toxiques » est une simple affirmation qui, selon la première requérante, n’est le résultat d’aucune enquête. Ainsi que la Commission l’explique à bon droit dans la première décision attaquée, la méthodologie appliquée pour étudier l’expression des protéines a été considérée comme adéquate par l’EFSA et les données relatives à cette expression ont été obtenues à partir de cinq études de terrain, dans des conditions semblables à la culture à des fins commerciales, couvrant diverses conditions environnementales. Il s’ensuit qu’une enquête a été menée.

214    En second lieu, dans la mesure où la première requérante fait valoir que la première décision attaquée était entachée d’un défaut de motivation, il convient de relever qu’elle a soutenu dans sa demande de réexamen interne, en substance, que l’évaluation de l’expression des protéines nouvellement exprimées dans des conditions environnementales différentes était insuffisante et que le « soja empilé » avait une teneur en protéines nouvellement exprimées bien plus élevée que celle des plantes parentales. La Commission a rejeté ces arguments dans la première décision attaquée au motif que la méthodologie appliquée pour étudier l’expression des protéines était décrite de manière circonstanciée dans la demande d’autorisation et a été considérée comme adéquate par l’EFSA, que les données ont été obtenues à partir de cinq études de terrain, dans des conditions semblables à la culture à des fins commerciales, couvrant diverses conditions environnementales et que, compte tenu de la portée de la demande qui excluait la culture et de la nature non toxique pour les êtres humains et pour les animaux des protéines nouvellement exprimées, les données fournies étaient considérées comme adéquates. Selon la Commission, les différences de niveaux d’expression entre le soja modifié et les lignées parentales de ce dernier ont été soit irrégulières au cours de la période de végétation, soit extrêmement légères et ne montrent en aucun cas l’émergence d’effets sur le génome dans l’empilement.

215    À la lumière des conditions prévues par la jurisprudence portant sur l’obligation de motivation et exposée aux points 129 et 130 ci-dessus, il y a lieu de conclure que la motivation de la première décision attaquée permet à la première requérante de comprendre de la façon requise les raisons pour lesquelles, eu égard à son large pouvoir d’appréciation, la Commission a rejeté l’argument de la première requérante et au Tribunal d’exercer son contrôle.

216    En toute hypothèse, s’agissant du bien-fondé des présents arguments, il convient de relever que la Commission a expliqué dans le mémoire en défense que, lors de la comparaison de sept types de tissu, seuls ceux qui correspondaient aux feuilles et aux graines les plus mûres avaient présenté des niveaux statistiquement plus élevés en protéine Cry1Ac dans l’empilement par rapport à leurs parents génétiquement modifiés. Pour le reste, selon elle, aucune différence significative n’a été relevée. Elle a ajouté que, dans l’hypothèse d’une interaction entre les deux événements de transformation à l’origine d’une augmentation du niveau de la protéine Cry1Ac dans l’empilement, elle se serait attendue à observer une augmentation statistiquement significative tout au long des différentes phases de croissance de la plante, étant donné que l’empilement exprime les deux événements sur toute la période de croissance. Cela n’ayant pas été le cas, elle a considéré que les essais avaient bel et bien été réalisés dans différentes conditions environnementales, mais qu’ils n’avaient révélé aucun effet émergent sur le génome de l’empilement.

217    De plus, la première requérante n’étaye pas les raisons pour lesquelles elle considère dans la requête que les essais de terrain dans deux pays, se déroulant sur une année/période de végétation, étaient insuffisants pour établir l’impact éventuel de différentes conditions environnementales sur le soja modifié.

218    Il s’ensuit que la première requérante n’a pas non plus démontré une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission.

219    Partant, il convient de rejeter l’argument selon lequel la Commission n’a pas traité les critiques spécifiques soulevées dans la demande de réexamen interne de la première requérante au sujet du fait que l’EFSA a omis à la fois de veiller à la réalisation d’essais de terrain appropriés et de reconnaître l’existence des effets sur le génome et des différences effectivement constatées lors des essais de terrain inappropriés.

220    Partant, il convient de rejeter les troisième et cinquième griefs comme étant non fondés.

221    Par le quatrième grief, portant sur la nécessité d’évaluer les différents niveaux de traitement du soja modifié afin d’identifier les synergies éventuelles, la première requérante fait valoir que la réponse de la Commission dans la première décision attaquée était entièrement hors sujet. Selon elle, l’EFSA n’a tenu aucun compte du fait que ledit soja pouvait être utilisé sous forme de germes ou pour produire du lait de soja. Par ailleurs, en violation des « orientations de l’EFSA », il n’aurait été effectué aucune analyse des implications possibles du traitement du soja modifié à ces fins.

222    La Commission affirme qu’elle a expliqué, dans la première décision attaquée, que, étant donné qu’aucune différence biologiquement pertinente n’avait été relevée lors de l’analyse comparative, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il en soit autrement à la suite d’un traitement ou d’une cuisson et que, par conséquent, d’autres données n’étaient pas nécessaires.

223    À cet égard, la Commission a rejeté dans la première décision attaquée les arguments soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante au motif que, d’une part, dans la mesure où aucune différence biologiquement pertinente n’avait été identifiée dans les caractéristiques de composition agronomiques et phénotypiques du soja modifié par rapport à celles de son comparateur, à l’exclusion de l’expression des protéines Cry1Ac et CP4EPSPS, il n’y avait pas lieu de supposer que les éventuels effets de la transformation et de la cuisson seraient différents entre ces deux sojas, ce qui avait été corroboré par les données fournies par Monsanto sur le traitement par cuisson et que, d’autre part, la première requérante n’avait pas fourni d’élément de preuve au soutien de ses arguments. Elle a donc conclu que l’EFSA avait procédé à une évaluation scientifique exhaustive des risques pertinents.

224    Force est de constater que la première requérante ne conteste pas le constat de la Commission selon lequel elle n’avait pas fourni dans sa demande de réexamen d’élément de preuve au soutien des arguments soulevés et qu’elle se limitait à formuler de simples affirmations selon lesquelles il n’y avait pas de données sur les effets d’autres traitements techniques utilisés pour traiter le soja et selon lesquelles, partant, aucune conclusion sur les effets sur les consommateurs et animaux ne pouvait en être tirée. Dans ce contexte, il convient de rappeler, ainsi que cela a été exposé au point 67 ci-dessus, que le tiers contestant l’autorisation de mise sur le marché de produits doit apporter des éléments de preuve et factuels substantiels susceptibles de fonder des doutes substantiels quant à la légalité de l’octroi de ladite autorisation. Étant donné que la première requérante n’a pas démontré qu’il existait des doutes substantiels quant à la légalité de l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié, il convient de rejeter le quatrième grief comme étant non fondé.

225    Partant, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen dans son ensemble.

–       Sur la troisième branche du deuxième moyen

226    La troisième branche du deuxième moyen consiste en trois griefs portant sur une prétendue absence d’évaluation adéquate de la toxicité du soja modifié.

227    Par le premier grief, la première requérante estime que l’EFSA aurait dû exiger une étude des éventuels effets combinatoires et synergiques de la pulvérisation du soja modifié avec du glyphosate et des pesticides d’entretien. Or, premièrement, la Commission se serait bornée à constater l’équivalence substantielle dudit soja pour justifier son refus de procéder à une évaluation de l’innocuité appropriée. Deuxièmement, la première requérante avance l’argument selon lequel aucun essai n’a été mené et aucun ajustement n’a été effectué pour établir la teneur maximale en résidus, conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 23 février 2005, concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale et modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil (JO 2005, L 70, p. 1), pour le soja modifié afin de tenir compte des sojas tolérants au glyphosate ou aux herbicides. Or, en l’absence de cet ajustement, l’EFSA ne saurait ignorer l’effet éventuel des résidus en invoquant l’application d’une teneur maximale en résidus qui ne tient pas compte de l’insertion des protéines en cause. En tout état de cause, quand bien même la teneur maximale en résidus aurait été ajustée, l’EFSA aurait été tenue d’examiner le risque d’interactions et de synergies susceptibles de se produire en lien avec la plante génétiquement modifiée spécifique en cause, obligation découlant du règlement n° 1829/2003.

228    La Commission estime que l’interaction entre le soja modifié et les herbicides avait été étudiée lors de l’analyse comparative et qu’aucune différence biologiquement pertinente n’avait été relevée. De plus, l’évaluation des effets des résidus de pesticides sur la santé ne serait pas couverte par le champ d’application du règlement n° 1829/2003, mais elle relèverait du règlement n° 396/2005.

229    Concernant l’argument selon lequel la Commission se serait bornée à constater l’équivalence substantielle du soja modifié pour justifier son refus de procéder à une évaluation de l’innocuité appropriée, tout d’abord, il y a lieu de relever qu’il a été constaté au point 188 ci-dessus que, dans la mesure où la première requérante estime que, sur le plan des principes, la Commission ne saurait exciper de la constatation de l’existence d’une équivalence substantielle des compositions pour ne pas procéder à une « évaluation d’innocuité adéquate », la portée de l’évaluation de toxicité doit être déterminée au cas par cas et qu’une évaluation de toxicité limitée est possible et, ainsi, n’est pas exclue par principe.

230    À cet égard, la Commission a constaté dans la première décision attaquée que les analyses de composition communiquées par Monsanto comportaient des données exprimées pour des plantes génétiquement modifiées ayant reçu des pulvérisations de glyphosate et de pesticides d’entretien. Partant, les effets fortuits sur la composition du soja modifié d’une hypothétique interaction des protéines nouvellement exprimées avec ces herbicides ont, selon la Commission, été pris en considération. Elle a également constaté dans la défense que l’interaction entre ledit soja et les herbicides avait été étudiée lors de l’analyse comparative et qu’aucune différence biologiquement pertinente n’avait été relevée. De plus, elle a expliqué que les analyses de composition fournies par Monsanto comprenaient des données issues de plantes traitées à l’aide de glyphosate et d’un herbicide conventionnel et indiquaient qu’aucun effet inattendu n’avait été constaté.

231    Dans ces circonstances, la première requérante n’a pas démontré à suffisance de droit une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission dans le cadre de son examen de sa demande de réexamen interne.

232    En tout état de cause, la première requérante n’explique pas dans ses écritures en quoi une évaluation toxicologique « adéquate » aurait dû consister.

233    Ensuite, s’agissant de l’argument portant sur l’application du règlement n° 396/2005 en l’espèce, il convient de constater, ainsi que la Commission le fait valoir à bon droit, que des essais et ajustements pour établir une teneur maximale en résidus, en vertu des dispositions du règlement n° 396/2005, pour le soja modifié afin de tenir compte des sojas tolérants au glyphosate ou aux herbicides devraient être faits dans le cadre d’un examen en vertu dudit règlement et non dans le cadre du règlement n° 1829/2003.

234    Enfin, dans la mesure où la première requérante considère que l’EFSA aurait été tenue d’examiner le risque d’interactions et de synergies susceptibles de se produire en lien avec le soja modifié, en vertu d’une obligation découlant du règlement n° 1829/2003, il convient de relever qu’elle n’apporte aucun argument indiquant une quelconque illégalité de la première décision attaquée, mais se limite à constater un manquement de la part de l’EFSA. Dès lors, il convient de considérer cet argument comme étant inopérant.

235    Partant, il convient de rejeter le premier grief.

236    Par le deuxième grief, la première requérante affirme que, s’agissant des arguments soulevés dans la demande de réexamen interne portant sur l’absence d’examen des effets du soja modifié sur la reproduction et sur le transfert de composés biologiquement actifs dudit soja vers les tissus animaux ou vers les êtres humains par le biais de la consommation, la Commission s’est abstenue, dans la première décision attaquée, de les aborder et a uniquement mentionné le fait que, pour l’une des études dont elles se sont prévalues, celle-ci reconnaît que l’EFSA a considéré que cette étude soulevait des questions intéressantes requérant des recherches complémentaires.

237    La Commission considère qu’elle a répondu dans la première décision attaquée aux arguments soulevés dans la demande de réexamen interne de la première requérante.

238    Il y a lieu de constater que la première requérante reproche à la Commission, en substance, de s’être abstenue, dans la première décision attaquée, d’aborder ses griefs spécifiques soulevés dans la demande de réexamen interne. Dans la mesure où la première requérante fait valoir que la première décision attaquée était entachée d’un défaut de motivation, il convient de relever qu’elle a indiqué, dans le cadre des arguments « B9 » et « B10 » soulevés à l’appui de sa demande de réexamen interne, que l’EFSA avait omis de demander l’effet éventuel du soja modifié sur le système reproducteur ainsi que sur le transfert de composés biologiquement actifs dudit soja vers les tissus animaux ou vers les êtres humains par le biais de la consommation. À cet égard, elle a fondé ladite demande de réexamen interne sur le fait que « les graines de soja [étaient] connues de produire plusieurs substances hormonellement actives » et que « l’ADN et l’ARN [étaient] connus d’être transmis des graines de soja génétiquement modifiées vers les tissus animaux […] et [que] l’activité biologique de l’ARN de la plante transférée a[vait] été démontrée au niveau des animaux » en faisant référence à quelques études scientifiques.

239    À cet égard, d’une part, la Commission a, dans l’annexe II de la première décision attaquée, rejeté l’argument portant sur l’effet éventuel du soja modifié sur le système reproducteur en constatant, en substance, qu’aucune différence biologiquement pertinente n’avait été identifiée dans les caractéristiques de composition agronomiques et phénotypiques dudit soja par rapport à celles de son comparateur, excepté, s’agissant des protéines nouvellement exprimées, que, à la lumière de ces données et des études toxicologiques, d’allergénicité et nutritionnelles, l’EFSA avait considéré qu’aucune étude d’endocrinologie spécifique n’était nécessaire et avait suivi le principe exposé dans son document d’orientation de 2006 concernant notamment la demande d’études toxicologiques.

240    D’autre part, s’agissant du rejet de l’argument portant sur le transfert des composés biologiquement actifs, la Commission a considéré que l’étude invoquée par la première requérante ne comportait aucun élément de preuve scientifique montrant des effets qui affecteraient l’innocuité du soja modifié et a fondé sa décision sur le fait que l’EFSA avait démontré que la structure transgénique dudit soja avait été déterminée de manière exhaustive au niveau moléculaire, y compris les données de séquençage, et que cette structure ne suscitait pas d’inquiétude en matière de sécurité.

241    Force est de constater que, dans sa demande de réexamen interne, la première requérante a invoqué, de façon générale, certaines études en faisant référence à titre général aux « graines de soja » ou aux « graines de soja génétiquement modifiées ». La Commission a répondu à ces arguments en se référant aux résultats de l’examen effectué par l’EFSA en l’espèce. Elle constate notamment qu’une des études invoquées par la première requérante n’a pas, à ce jour, été corroborée.

242    Il s’ensuit que la Commission a, même de façon succincte, concrètement répondu aux arguments de la première requérante en cause. Il ne peut donc lui être reproché d’avoir violé son obligation de motivation, la réponse de la Commission respectant les conditions de la jurisprudence exposée aux points 129 et 130 ci-dessus. Dès lors, il y a lieu de conclure que la motivation de la première décision attaquée permet à la première requérante de comprendre, de la façon requise, les raisons pour lesquelles, eu égard à son large pouvoir d’appréciation, la Commission a rejeté l’argument de la première requérante et au Tribunal d’exercer son contrôle.

243    Dans la mesure où l’argument de la première requérante viserait à remettre en cause le bien-fondé des considérations de la Commission dans la première décision attaquée, il y a lieu de constater que, ainsi que cela a été exposé au point 241 ci-dessus, la première requérante a invoqué, de façon générale, certaines études en faisant référence à titre général aux « graines de soja » ou aux « graines de soja génétiquement modifiées ». La Commission a répondu à ces arguments en se référant aux résultats de l’examen effectué par l’EFSA, en l’espèce, et elle a notamment constaté qu’une des études invoquées par la première requérante n’avait pas, à ce jour, été corroborée. La première requérante n’a apporté aucun élément qui pourrait remettre en cause ce constat et n’a donc pas démontré une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission.

244    Le deuxième grief doit donc être rejeté comme étant non fondé.

245    Par le troisième grief, la première requérante fait valoir que la première décision attaquée n’aborde nullement son argument selon lequel l’EFSA n’a pas pris en considération l’existence des éléments de preuve montrant que les toxines Bt sont susceptibles d’avoir des effets délétères sur la santé des animaux mammifères.

246    Il convient de faire observer que la première requérante a soulevé cet argument dans le cadre de l’argument « B2 » de sa demande de réexamen interne de la décision d’autorisation. À cet égard, la Commission a rejeté ledit argument en constatant, en substance, dans la première décision attaquée que la première requérante n’avait présenté aucune information scientifique nouvelle susceptible de modifier les conclusions de l’EFSA relatives à l’évaluation de la toxicité du soja modifié et que l’innocuité de la protéine Cry1Ac avait été abordée dans des avis scientifiques antérieurs.

247    Au regard du fait que la Commission a, par conséquent, répondu à l’argument de la première requérante, il convient de rejeter également le troisième grief.

248    Dès lors, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen.

–       Sur la pertinence des documents fournis lors de l’audience

249    Lors de l’audience, les requérantes ont fourni au Tribunal, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, deux documents à l’appui du deuxième moyen. Le premier document est une lettre de la Commission du 25 février 2016 à l’EFSA lui demandant de fournir un avis scientifique sur les effets des résidus de glyphosate dans les aliments pour animaux sur la santé des animaux. Le deuxième document est un article scientifique, mis en ligne le 16 mars 2016, qui, selon les requérantes, confirme que l’insecte daphnia magna est affecté de façon négative par une exposition chronique aux toxines Cry purifiées. Les deux documents en cause ont été créés en 2016 et sont postérieurs à la clôture de la phase écrite de la procédure en l’espèce.

250    L’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure prévoit que, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

251    Il convient de constater que la production de preuves avant la clôture de la phase orale de la procédure est soumise à la condition, d’une part, que le retard dans la présentation soit justifié et, d’autre part, que la production tardive soit justifiée par des circonstances exceptionnelles. Concernant la seconde condition de recevabilité, à savoir l’affirmation de circonstances exceptionnelles justifiant la production lors de l’audience, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, le caractère exceptionnel d’une telle production implique qu’il était impossible pour la requérante de produire les documents en cause devant le Tribunal avant l’audience ou qu’une production antérieure ne pouvait pas raisonnablement être exigée de la requérante. Il incombe à la partie qui souhaite produire les documents en cause devant le Tribunal d’apporter la preuve, au moment où les nouvelles preuves sont offertes, que cette condition est remplie.

252    En l’espèce, les requérantes n’ont fait valoir ni apporté aucun élément démontrant qu’il leur était impossible de produire les documents en cause devant le Tribunal avant l’audience ou qu’il aurait été excessif d’exiger une production antérieure. Dès lors, il convient de rejeter les deux documents mentionnés au point 249 ci-dessus comme étant irrecevables.

253    En tout état de cause, par la lettre du 25 février 2016, mentionnée au point 249 ci-dessus, la Commission a confié à l’EFSA le mandat de fournir un avis scientifique sur les effets des résidus de glyphosate dans les aliments pour animaux sur la santé des animaux. Ainsi que la Commission le soutient dans ses observations, ledit mandat ne concerne pas l’évaluation des risques relative au soja modifié, mais il concerne le réexamen des limites maximales existantes pour les résidus concernant le glyphosate, conformément au règlement n° 396/2005.

254    S’agissant de l’article scientifique mentionné au point 249 ci-dessus et ainsi que la Commission le fait valoir dans ses observations, d’une part, celui-ci concerne d’autres protéines Cry que celle présente dans le soja modifié. D’autre part, la première décision attaquée concerne une autorisation de mise sur le marché de produits « contenant de ce soja » aux fins de son importation comme denrée alimentaire ou aliment pour animaux, à l’exclusion de la culture. L’article scientifique concerné concerne donc l’insecte daphnia magna, qui est un organisme dont l’exposition audit soja sera négligeable.

255    Partant, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont apporté aucun argument relatif aux deux documents mentionnés au point 249 ci-dessus qui serait susceptible de remettre en cause la première décision attaquée.

256    Il découle des constatations exposées aux points 176 à 255 ci-dessus que, d’une part, le deuxième moyen doit partiellement être rejeté comme étant irrecevable. Pour le reste, il en ressort, d’autre part, que la première requérante n’a pas démontré, par ses arguments soulevés dans le cadre du présent moyen, que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié et en s’abstenant d’exiger une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible », qu’elle avait violé son obligation, découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1829/2003, consistant à garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux susceptibles d’avoir un effet négatif sur la santé humaine, sur la santé animale ou sur l’environnement, ne doivent pas être mis sur le marché de l’Union, qu’elle n’avait pas, en violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, satisfait à l’obligation de prendre en compte toute disposition pertinente de la législation de l’Union, y compris les dispositions demandant aux institutions de respecter « leurs propres orientations », qu’elle n’aurait pas, en violation de l’article 168 TFUE, respecté son obligation consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et qu’elle aurait violé les attentes légitimes de la première requérante.

257    Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, portant sur l’absence de réalisation d’une évaluation immunologique exhaustive

258    La première requérante affirme, premièrement, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié et en s’abstenant d’exiger une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible », deuxièmement, qu’elle a violé son obligation, découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1829/2003, consistant à garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux susceptibles d’avoir un effet négatif sur la santé humaine, sur la santé animale ou sur l’environnement ne doivent pas être mis sur le marché de l’Union, troisièmement, qu’elle n’a pas, en violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, satisfait à l’obligation de prendre en compte toute disposition pertinente de la législation de l’Union, y compris les dispositions demandant aux institutions de respecter « leurs propres orientations », quatrièmement, qu’elle n’a pas, en violation de l’article 168 TFUE, respecté son obligation consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et, cinquièmement, qu’elle a violé les attentes légitimes de la première requérante. Plus spécifiquement, la Commission aurait confirmé ladite autorisation, même si, premièrement, l’évaluation immunologique de l’EFSA serait viciée en ce que, en violation de ses propres orientations, l’EFSA n’aurait aucunement examiné les effets possibles comme adjuvant, étant donné que le soja constituerait l’un des aliments les plus puissamment allergéniques qui soient, deuxièmement, l’évaluation entreprise par l’EFSA concernant l’allergénicité du soja modifié serait entachée par le fait que, en violation de ses propres orientations, l’EFSA n’aurait procédé à aucune évaluation du risque allergénique spécifique que ferait courir ledit soja aux enfants en bas âge et aux autres sous-populations vulnérables et, troisièmement, l’EFSA se serait abstenue d’imposer des recherches complémentaires sur l’allergénicité de ce soja.

259    La Commission conteste ces arguments.

–       Sur la première branche du troisième moyen

260    Par la première branche du troisième moyen, la première requérante estime, en substance, que la première décision attaquée ne tranche nullement la question de l’absence d’une analyse immunologique par l’EFSA concernant le caractère d’adjuvant du soja modifié.

261    La Commission fait valoir que la présente branche est irrecevable du fait qu’elle n’apparaît pas dans la demande de réexamen interne de la première requérante.

262    À cet égard, il convient de relever que les pages 48 et 49 de la demande de réexamen interne auxquelles la première requérante fait référence dans la requête concernent une introduction au moyen portant sur l’« analyse insuffisante des risques immunologiques » ainsi qu’à sa première branche relative aux « tests insuffisants des réactions allergiques ». Plus spécifiquement, elle demande dans ce contexte des tests supplémentaires pour trois motifs, à savoir pour des incertitudes de l’analyse des risques des plantes parentales, parce que le contenu de Cry1Ac est plus élevé dans le soja modifié et parce que les effets combinatoires dudit soja sont susceptibles de causer des réactions imprévisibles au système immunitaire. Certes, l’introduction comprend deux citations, issues de commentaires formulés par les représentants du Royaume de Belgique et du Royaume de Norvège au sujet de l’allergénicité, dans lesquelles était abordée la question des effets des adjuvants. Or, la première requérante ne développe aucun argument spécifique par rapport auquel la Commission aurait dû reconnaître qu’elle était tenue d’y répondre dans le cadre de la première décision attaquée.

263    Il s’ensuit que la demande de réexamen interne de la première requérante ne contient aucune indication spécifique suivant laquelle le réexamen interne à effectuer devrait viser explicitement des effets adjuvants potentiels du soja modifié. Une référence générique relative à l’absence d’une analyse immunologique suffisante dans ladite demande de réexamen interne n’infirme pas ce constat.

264    Dès lors et ainsi que cela a été expliqué au point 68 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de développer des considérations sur ce point dans la première décision attaquée et il y a lieu de rejeter la présente branche comme étant irrecevable.

–       Sur la deuxième branche du troisième moyen

265    Par la deuxième branche du troisième moyen, la première requérante fait valoir, en substance, que l’EFSA a entièrement omis d’évaluer le risque allergénique spécifique soulevé par le soja modifié chez les enfants en bas âge et chez d’autres sous-populations vulnérables et de demander la réalisation d’études concernant ce risque. Selon elle, la Commission a constaté dans la première décision attaquée que l’EFSA avait respecté les orientations adoptées dans le cadre du Codex alimentarius de 2009, mais a ignoré les conditions de l’avis scientifique, du 30 juin 2010, du groupe scientifique de l’EFSA sur les OGM et sur l’évaluation de l’allergénicité des plantes et micro-organismes génétiquement modifiés ainsi que des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale qui en sont dérivés [The EFSA Journal 2010 ; 8(7):1700 ; ci-après l’« avis scientifique sur l’allergénicité »], qui lie l’EFSA et qui requiert de telles études.

266    D’une part, la Commission estime que la présente branche est irrecevable dans la mesure où elle concerne les sous-populations autres que les jeunes enfants alors que la demande de réexamen interne n’a soulevé des préoccupations particulières qu’au sujet de ces derniers. D’autre part, elle considère qu’elle a répondu dans la première décision attaquée, en détail, à la question portant sur le risque allergénique potentiel pour les jeunes enfants, en précisant que l’analyse du potentiel allergisant se fonde sur une approche relative à la valeur probante des éléments de preuve appliqués (weight-of-evidence approach), qui a dûment été suivie par l’EFSA, et que l’avis scientifique sur l’allergénicité n’est pas d’application, en l’espèce, au motif qu’il n’avait pas encore été publié lorsque Monsanto a introduit sa demande d’autorisation.

267    En premier lieu, s’agissant de la recevabilité de la présente branche pour autant qu’elle concerne les sous-populations autres que les jeunes enfants, il importe de constater que, dans sa demande de réexamen interne, la première requérante n’a explicitement invoqué que l’argument selon lequel les risques spécifiques liés à l’allergénicité éventuelle pour les enfants en bas âge n’avaient fait l’objet d’aucune évaluation. En outre, la première requérante ne développe aucun argument suffisamment spécifique indiquant à la Commission qu’elle était tenue d’y répondre dans le cadre de la première décision attaquée. Au vu des considérations exposées au point 70 ci-dessus, il convient donc de rejeter comme étant irrecevable la présente branche dans la mesure où elle porte sur des sous-populations vulnérables autres que les enfants en bas âge.

268    En second lieu, s’agissant de la pertinence en l’espèce de l’avis scientifique sur l’allergénicité, il convient de relever que celui-ci prévoit dans son préambule qu’il se réfère à certains aspects des allergies et des allergènes alimentaires et qu’il révise les méthodes pour évaluer le potentiel d’allergénicité des protéines nouvellement exprimées ainsi que des denrées et des aliments pour animaux génétiquement modifiés dans leur globalité.

269    L’avis scientifique sur l’allergénicité reconnaît qu’il y a lieu de prendre en considération le risque spécifique de l’allergénicité des denrées alimentaires génétiquement modifiées chez les enfants en bas âge et donc de tenir compte des différences dans la physiologie digestive de ces sous-groupes de population. En effet, une première sensibilisation dans l’intestin d’enfants en bas âge pourrait, selon l’avis, être favorisée par l’immaturité du système immunitaire local ainsi que par la fonction protectrice incomplète de la muqueuse intestinale et la dégradation inachevée des protéines par la pepsine dans l’estomac en raison d’un pH gastrique supérieur aux valeurs observées chez les adultes.

270    Certes, déjà selon son libellé, l’avis scientifique sur l’allergénicité ne prétend pas contenir des lignes directrices qui seront appliquées par l’EFSA dans l’examen de chaque dossier. De plus, ainsi que cela a été expliqué aux points 110 à 118 ci-dessus, un avis scientifique de l’EFSA n’est pas susceptible de lier la Commission dans son examen d’une demande d’autorisation ou d’une demande de réexamen interne. Dès lors, dans la mesure où la première requérante fait valoir que la Commission aurait été liée dans son examen des demandes de réexamen interne par l’avis scientifique sur l’allergénicité, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé.

271    Or, dans l’hypothèse où la première requérante indique que la Commission aurait dû évaluer le risque allergénique spécifique soulevé par le soja modifié chez les enfants en bas âge, il y a lieu de faire observer que, selon la première décision attaquée, l’évaluation de l’allergénicité repose sur une approche basée sur la valeur probante des éléments de preuve, conformément au Codex alimentarius de 2009. Compte tenu de l’ensemble des informations disponibles, et retenant une approche basée sur la valeur probante des éléments de preuve, l’EFSA aurait conclu que les protéines nouvellement exprimées dans ledit soja n’étaient pas susceptibles d’être allergènes. La Commission fait donc implicitement sien l’avis de l’EFSA selon lequel il n’était pas nécessaire de procéder à des études complémentaires. De plus, la Commission a constaté, en faisant référence à sa réponse au grief « C1 » dans l’annexe II de la première décision attaquée, que les données disponibles à l’EFSA avaient montré que l’allergénicité globale des sojas parentaux du soja modifié n’était probablement pas différente de celle de leurs produits conventionnels de référence et des variétés de soja commerciales correspondantes et que l’EFSA avait jugé peu probable la survenue dans le soja modifié d’interactions potentielles susceptibles de modifier l’allergénicité de cette plante.

272    De plus, s’agissant de l’examen de l’allergénicité de la plante entière, l’EFSA a conclu, dans la section 5.1.5.2 de son avis scientifique du 25 janvier 2012, après avoir expliqué les détails de son examen, que le groupe scientifique estimait peu probable que des interactions susceptibles de modifier l’allergénicité de l’ensemble de la culture se produisent dans le soja modifié.

273    À cet égard, il y a lieu de constater, ainsi que la Commission le clarifie dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, que l’évaluation de l’EFSA sur l’allergénicité, sur laquelle la Commission fonde son évaluation, englobe les risques potentiels pour tous les segments de la population, y compris les enfants en bas âge. Il convient donc de rejeter l’argument de la première requérante selon lequel aucune référence n’a été faite dans la première décision attaquée aux risques des sous-groupes vulnérables.

274    Il convient donc de conclure que, dans la première décision attaquée, la Commission a évalué le risque allergénique soulevé par le soja modifié chez les enfants en bas âge et que la première requérante n’a apporté aucun élément spécifique indiquant que cette évaluation était inadéquate. Partant, il y a lieu d’observer que la première requérante ne démontre aucune erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission à cet égard.

275    Dès lors, il convient de rejeter la deuxième branche du troisième moyen comme étant non fondée.

–       Sur la troisième branche du troisième moyen

276    Par la troisième branche du troisième moyen, la première requérante estime que l’EFSA n’a pas demandé de recherches complémentaires sur l’allergénicité éventuelle du soja modifié. En effet, selon elle, la réponse de la Commission ne saurait satisfaire leur attente légitime selon laquelle l’EFSA devrait respecter ses propres orientations. La Commission se contenterait de constater que l’EFSA avait prétendument respecté l’approche sur la valeur probante des éléments de preuve appliqués dans le cadre du Codex alimentarius et que les publications scientifiques évoquées par elle et portant sur les effets immunologiques ne contiendraient aucune information nouvelle susceptible de modifier les conclusions de l’EFSA.

277    Il convient de constater qu’il ressort des points 220 et 224 de la requête que la présente branche se réfère à l’argument « C1 » soulevé dans la demande de réexamen interne de la première requérante portant sur les recherches complémentaires sur l’allergénicité. En ce qui concerne cet argument, la Commission explique, en substance, dans la première décision attaquée que les données disponibles ont montré qu’il était improbable que l’allergénicité globale des sojas parentaux soit différente de celle de leurs produits conventionnels de référence et des variétés de soja commerciales correspondantes. Compte tenu de l’ensemble des informations fournies, l’EFSA aurait également jugé peu probable la survenue dans le soja modifié d’interactions potentielles susceptibles de modifier l’allergénicité de cette plante. De plus, toutes les méthodologies expérimentales présentées dans le dossier ont, selon la Commission, été décrites de façon correcte et les normes scientifiques ont été évaluées par l’EFSA et considérées comme adéquates. La Commission a donc considéré que les requérantes n’avaient fourni aucun élément de preuve au soutien de leur allégation et que l’EFSA avait réalisé l’évaluation scientifique des risques de façon exhaustive.

278    Il y a lieu de relever que les arguments soulevés dans le cadre de la troisième branche du troisième moyen ne concernent pas la première décision attaquée dans la mesure où elle répond à l’argument « C1 » de la demande de réexamen interne de la première requérante. S’agissant des recherches complémentaires sur l’allergénicité notamment, la Commission ne fait aucune référence, dans la première décision attaquée, à l’approche sur la valeur probante des éléments de preuve appliqués (weight-of-evidence approach) ou à des publications scientifiques évoquées par les requérantes.

279    Or, il importe de faire observer que les arguments soulevés par la première requérante dans le cadre de la présente branche visent en réalité la partie de la première décision attaquée qui concerne l’argument « C4 » soulevé dans la demande de réexamen interne de la première requérante portant sur l’absence d’évaluation des effets immunologiques supplémentaires.

280    Étant donné que les arguments soulevés par la première requérante concernent la réponse de la Commission aux arguments portant sur l’absence d’évaluation des effets immunologiques supplémentaires et non celle portant sur les recherches complémentaires sur l’allergénicité, la troisième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée du fait que la première requérante n’a apporté aucun élément démontrant une erreur manifeste dans le raisonnement de la Commission en cause.

281    En tout état de cause et en toute hypothèse, il y aurait également lieu de rejeter l’argument de la première requérante selon lequel elle disposait d’attentes’légitimes à ce que l’EFSA respecte ses propres orientations pour les raisons exposées aux points 110 à 118 ci-dessus.

282    Il découle des constatations exposées aux points 260 à 281 ci-dessus que, d’une part, le troisième moyen doit partiellement être rejeté comme étant irrecevable. Pour le reste, il en ressort que, d’autre part, la première requérante n’a pas démontré par ses arguments soulevés dans le cadre du présent moyen, premièrement, que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié et en s’abstenant d’exiger une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible », deuxièmement, qu’elle avait violé son obligation, découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1829/2003, consistant à garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux susceptibles d’avoir un effet négatif sur la santé humaine, sur la santé animale ou sur l’environnement ne doivent pas être mis sur le marché de l’Union, troisièmement, qu’elle n’avait pas, en violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, satisfait à l’obligation de prendre en compte toute disposition pertinente de la législation de l’Union, y compris les dispositions demandant aux institutions de respecter « leurs propres orientations », quatrièmement, qu’elle n’avait pas, en violation de l’article 168 TFUE, respecté son obligation consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et, cinquièmement, qu’elle avait violé les attentes légitimes de la première requérante. Partant, il convient de rejeter le présent moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, portant sur l’absence de contrôle de la consommation postérieure à l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié

283    La première requérante estime que la Commission n’a pas examiné au fond son argument selon lequel elle aurait dû exiger un plan de contrôle postérieur à la mise sur le marché de produits contenant du soja modifié portant, en général, sur les différences statistiquement significatives identifiées entre ledit soja et son produit conventionnel de référence et, en particulier, sur la question de savoir si ce soja était susceptible de contenir des résidus des traitements par pulvérisation contenant du glyphosate. Dès lors, d’une part, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1829/2003, la Commission aurait dû veiller à ce que l’EFSA impose à Monsanto, postérieurement à la commercialisation, l’instauration d’un plan de contrôle de la consommation de ce soja par les êtres humains et par les animaux, au vu des différences statistiquement significatives identifiées entre le même soja et son produit conventionnel de référence. D’autre part, en raison de l’illégalité de la décision d’autorisation telle qu’expliquée dans les trois premiers moyens, elle n’aurait pas pu conclure à ce qu’un tel contrôle n’était pas nécessaire.

284    La Commission considère avoir répondu, de façon très détaillée, dans la première décision attaquée, à la question de savoir dans quelles hypothèses un contrôle était prescrit.

285    Il convient de relever que, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, sous k), du règlement n° 1829/2003, le demandeur d’une autorisation est tenu, le cas échéant, de fournir une proposition de monitorage de l’utilisation de la denrée alimentaire dans la consommation humaine consécutive à sa mise sur le marché. Selon l’article 6, paragraphe 5, sous e), du même règlement, l’avis de l’EFSA comprend, notamment et « s’il y a lieu », les exigences de monitorage consécutif à la mise sur le marché fondées sur les conclusions de l’évaluation des risques. L’article 9, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que de telles conditions ou restrictions doivent être imposées dans l’autorisation.

286    En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission n’a pas examiné au fond l’argument soulevé dans la demande de réexamen interne de la première requérante selon lequel elle aurait dû exiger un plan de contrôle postérieur à la mise sur le marché portant sur la question de savoir si le soja modifié était susceptible de contenir des résidus de ces traitements par pulvérisation contenant du glyphosate, il y a lieu de constater que la première requérante fait valoir, en substance, que la première décision attaquée n’est pas suffisamment motivée.

287    Toutefois, la Commission a notamment expliqué, à l’annexe I de la première décision attaquée, qu’elle considérait que, à la lumière du produit et des utilisations qui était couverts par la demande d’autorisation et compte tenu du résultat de l’avis de l’EFSA qui avait estimé qu’il n’était pas approprié d’exercer une surveillance concernant l’utilisation des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, les obligations de surveillance prévues dans le plan de monitorage pour le soja modifié exigé par l’article 4 de la décision d’autorisation satisfaisaient aux dispositions du règlement n° 1829/2003. Elle a également estimé que l’EFSA avait correctement mené l’évaluation scientifique d’une manière conforme à son document d’orientation de 2006. De plus, elle a estimé que le contrôle des résidus de pesticides contenus dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux importés des pays tiers, parmi lesquels figuraient les denrées alimentaires et les aliments pour animaux dérivés de plantes génétiquement modifiées, était déterminé selon les dispositions du règlement n° 396/2005 et que ce règlement prévoyait l’évaluation des risques associés aux résidus de pesticides dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux et fixait des limites maximales pour les résidus applicables à toutes les denrées alimentaires et à tous les aliments pour animaux mis sur le marché.

288    D’une part, à la lumière des conditions prévues par la jurisprudence exposée aux points 129 et 130 ci-dessus, il convient de relever que la motivation de la première décision attaquée permet à la première requérante de comprendre de la façon requise pourquoi, eu égard à son large pouvoir d’appréciation, la Commission a rejeté son argument et au Tribunal d’exercer son contrôle. D’autre part, la première requérante n’explique pas en quoi elle considère que lesdites explications ne sont pas adéquates.

289    En toute hypothèse, dans la mesure où l’argument de la première requérante viserait à remettre en cause le bien-fondé des considérations de la Commission, il y a lieu de constater que, au vu des considérations exposées au point 287 ci-dessus, la première requérante ne démontre aucune erreur manifeste d’appréciation dans la première décision attaquée. De plus, ainsi que cela a été expliqué au point 233 ci-dessus, des essais et ajustements pour établir une teneur maximale en résidus, en vertu des dispositions du règlement n° 396/2005, pour le soja modifié afin de tenir compte des sojas tolérants au glyphosate ou aux herbicides devraient être faits dans le cadre d’un examen en vertu dudit règlement et non dans le cadre du règlement n° 1829/2003.

290    Partant, il y a lieu de rejeter l’argument de la première requérante selon lequel la Commission n’a pas examiné au fond l’argument soulevé dans sa demande de réexamen interne, selon lequel elle aurait dû exiger un plan de contrôle postérieur à la mise sur le marché portant sur la question de savoir si le soja modifié était susceptible de contenir des résidus des traitements par pulvérisation contenant du glyphosate.

291    En second lieu, concernant l’argument selon lequel le maintien par la Commission de l’autorisation du soja modifié signifie qu’il n’a été procédé à aucune évaluation adéquate de la nécessité d’instaurer postérieurement à la mise sur le marché un contrôle de la consommation par l’homme, il y a lieu de constater que, conformément à la jurisprudence exposée au point 145 ci-dessus, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci est fondé ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même.

292    À cet égard, la première requérante n’explique pas quelles sont les « différences statistiquement significatives identifiées entre le soja modifié et son produit conventionnel de référence » par rapport auxquelles un plan de contrôle de la consommation dudit soja par les êtres humains et par les animaux aurait dû être effectué, quels sont les arguments soulevés dans le cadre des trois premiers moyens du présent recours ayant, selon elle, pour conséquence que l’autorisation a été maintenue et qu’« aucune évaluation adéquate de la nécessité d’instaurer postérieurement à la mise sur le marché un monitorage de la consommation par l’homme n’a été effectuée » ou les conditions en vertu desquelles elle considère qu’un plan de monitorage aurait été « approprié ». Il y a lieu de relever qu’une telle demande peu précise, au vu de la complexité de la matière en cause, ne remplit pas les conditions prévues à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, qui exige que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours est fondé ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même.

293    Il convient donc de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble dans la mesure où il concerne la première décision attaquée.

294    Partant, il y a lieu de rejeter le présent recours dans la mesure où il concerne la première décision attaquée comme étant, en partie, inopérant, comme étant, en partie, irrecevable et, pour le reste, comme étant non fondé.

 Sur les demandes d’annulation des deuxième et troisième requérantes

295    À la suite d’une question écrite posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, les parties principales se sont mis en désaccord’ quant à la question de savoir si l’objet du présent litige concernait seulement l’annulation de la première décision attaquée, adressée à la première requérante, mentionnée au point 9 ci-dessus, ou s’il concernait également les deuxième et troisième décisions adressées aux deuxième et troisième requérantes, mentionnées au point 11 ci-dessus.

296    La Commission soutient que le recours est irrecevable en ce qui concerne les deuxième et troisième requérantes du fait qu’elles n’ont pas qualité pour introduire le présent recours qui vise exclusivement l’annulation de la première décision attaquée.

297    Les requérantes estiment, en substance, que le recours est dirigé contre « trois décisions identiques (en barrant le nom du destinataire) » et qu’elles ont fait référence dans la requête à la seule lettre figurant à l’annexe PD/7 de la requête en tant que décision attaquée par souci de concision et pour éviter la répétition.

298    Sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir si le présent recours vise également les deuxième et troisième décisions adressées aux deuxième et troisième requérantes et est, par conséquent, recevable dans la mesure où il a été introduit par les deuxième et troisième requérantes, il convient de constater que le contenu de la première décision attaquée et des deuxième et troisième décisions est, en substance, identique et que les moyens invoqués par les requérantes sont les mêmes. Il y a donc lieu, en tout état de cause, de le rejeter, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 37 à 294 ci-dessus, dans son ensemble au motif que les moyens soulevés sont, en partie, irrecevables et, pour le reste, non fondés.

 Sur les dépens

299    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

300    Selon l’article 135, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider, à titre exceptionnel et lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. De plus, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

301    Les requérantes font observer, dans la réplique, que les conclusions de la Commission quant aux dépens, ou au moins quant à la totalité de ses dépens, sont contraires à l’obligation imposée par’« Aarhus » destiné à empêcher que l’accès à la justice en matière environnementale soit onéreux. Lors de l’audience, elles ont précisé que, même dans l’hypothèse où le présent recours devrait être rejeté, chaque partie devrait être condamnée à supporter ses propres dépens, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

302    S’agissant des critères pertinents d’appréciation de la question de savoir si les coûts de la présente procédure seraient prohibitifs au sens de l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, il a été jugé que l’appréciation effectuée par le Tribunal ne saurait être portée uniquement par rapport à la situation économique de l’intéressé, mais doit également reposer sur une analyse objective du montant des dépens. Les coûts d’une procédure ne doivent pas apparaître, dans certains cas, comme étant objectivement déraisonnables. Ainsi, le coût d’une procédure ne doit ni dépasser les capacités financières de l’intéressé ni apparaître, en tout état de cause, comme objectivement déraisonnable. Quant à l’analyse de la situation économique de l’intéressé, l’appréciation ne peut reposer uniquement sur les capacités financières estimées d’un requérant « moyen », dès lors que de telles données peuvent n’avoir qu’un lointain rapport avec la situation de l’intéressé. Par ailleurs, le Tribunal peut tenir compte de la situation des parties en cause, des chances raisonnables de succès du demandeur, de la gravité de l’enjeu pour celui-ci ainsi que pour la protection de l’environnement, de la complexité du droit et de la procédure applicables ainsi que du caractère éventuellement téméraire du recours à ses différents stades (voir, par analogie, arrêt du 11 avril 2013, Edwards et Pallikaropoulos, C‑260/11, EU:C:2013:221, points 40 à 42).

303    Toutefois, il convient de relever que, en vertu de l’article 170 du règlement de procédure, le Tribunal n’effectue une analyse objective du montant des dépens récupérables que par voie d’ordonnance, dans l’hypothèse où ceux-ci sont contestés. Il s’ensuit que l’analyse de la situation économique de l’intéressé ainsi que l’analyse objective du montant des dépens récupérables ne sont effectuées que dans le cadre d’une procédure en vertu dudit article et dans la mesure où les parties ne trouvent pas entre elles un accord à l’amiable relatif à la hauteur des coûts récupérables.

304    En tout état de cause, il y a lieu de constater que, à ce stade, les requérantes n’ont pas expliqué comment, en l’espèce, les dépens à exposer par la Commission seraient trop onéreux pour elles et en quoi, concrètement, une condamnation auxdits dépens les priverait d’accès à la justice en matière environnementale.

305    À la lumière de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure qu’il n’est pas opportun, en application de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, de ne pas appliquer, en l’espèce, des dispositions générales prévues à l’article 134 du même règlement. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, tel que cela a été conclu par cette dernière.

306    Conformément à l’article 138, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, le Royaume-Uni, l’EFSA et Monsanto supporteront chacun leurs propres dépens.

307    Dans la mesure où la Commission fait valoir un abus de la procédure du fait que, ainsi que cela a été exposé au point 20 ci-dessus, la première requérante avait publié sur son site Internet le mémoire en défense, il suffit de constater que, si un tel abus de la procédure avait été constaté (arrêt du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T‑174/95, EU:T:1998:127, points 135 à 137, et ordonnance du 16 mars 2016, One of Us e.a./Commission, T‑561/14, EU:T:2016:173, points 49 à 51), il en résulterait comme seule conséquence que la première requérante serait condamnée à supporter une partie supplémentaire des dépens. En l’espèce, il n’est donc pas nécessaire de procéder à un tel constat.

308    Toutefois, dans la mesure où la première requérante a confirmé dans sa lettre du 27 novembre 2013 ne pas avoir l’intention de publier la défense « aussi longtemps que la procédure judiciaire n’est pas encore terminée », il y a lieu de rappeler que l’obligation de ne pas rendre publiques les pièces de procédure n’expire aucunement à la fin de la procédure devant le juge de l’Union.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TestBioTech eV, European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility eV et Sambucus eV supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ainsi que Monsanto Europe et Monsanto Company supporteront leurs propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité de la demande d’annulation de la première requérante

Sur l’irrecevabilité partielle du présent recours du fait que la première requérante ne peut contester la décision d’autorisation

Sur l’irrecevabilité des arguments qui n’ont pas été soulevés dans la demande de réexamen interne

Sur l’examen au fond de la demande d’annulation de la première requérante

Observations liminaires

– Sur l’étendue du contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision rejetant comme non fondée une demande de réexamen interne en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006

– Sur le régime en matière de preuve dans le cadre d’un réexamen interne d’un acte administratif introduit en vertu de l’article 10 du règlement n° 1367/2006

– Sur les dispositions légales invoquées de façon générale et transversale dans plusieurs moyens

– Sur la valeur juridique des orientations de l’EFSA

Sur le premier moyen, portant sur la considération de l’EFSA selon laquelle le soja modifié est « substantiellement équivalent » à son produit de référence conventionnel

– Sur la première branche du premier moyen

– Sur la deuxième branche du premier moyen

– Sur la troisième branche du premier moyen

– Sur la quatrième branche du premier moyen

– Sur la cinquième branche du premier moyen

Sur le deuxième moyen, portant sur le fait que les effets synergiques ou combinatoires n’ont pas été pris en compte ou qu’aucune évaluation toxicologique appropriée n’a été exigée

– Observations liminaires

– Sur la première branche du deuxième moyen

– Sur la deuxième branche du deuxième moyen

– Sur la troisième branche du deuxième moyen

– Sur la pertinence des documents fournis lors de l’audience

Sur le troisième moyen, portant sur l’absence de réalisation d’une évaluation immunologique exhaustive

– Sur la première branche du troisième moyen

– Sur la deuxième branche du troisième moyen

– Sur la troisième branche du troisième moyen

Sur le quatrième moyen, portant sur l’absence de contrôle de la consommation postérieure à l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié

Sur les demandes d’annulation des deuxième et troisième requérantes

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.