Language of document : ECLI:EU:T:2013:621

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

19 novembre 2013 (*)

« Recours en annulation – Concurrence – Ententes – Marché du carbure de calcium et du magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume-Uni – Amendes – Intérêts de retard – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑42/13,

1. garantovaná a.s., établie à Bratislava (Slovaquie), représentée initialement par M. M. Powell, solicitor, Mme G. Forwood, barrister, Mes M. Staroň et P. Hodál, avocats, puis par MM. K. Lasok, QC, J. Holmes, B. Hartnett, barristers, et Me O. Geiss, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka, F. Dintilhac et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre de la Commission du 21 décembre 2012 (affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier), par laquelle celle‑ci a demandé à la requérante de lui verser le montant restant dû de l’amende qu’elle lui avait infligée par sa décision C (2009) 5791 final, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE, majoré d’intérêts de retard, ou de constituer, en sa faveur, une garantie bancaire couvrant ce même montant,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par sa décision C (2009) 5791 final, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier) (ci‑après la « décision du 22 juillet 2009 »), la Commission des Communautés européennes a, notamment, constaté la participation de la requérante, 1. garantovaná a.s., à une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) sur les marchés de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume‑Uni et lui a infligé une amende de 19,6 millions d’euros.

2        Il était précisé à l’article 2 de la décision du 22 juillet 2009 que cette amende était à verser dans un délai de trois mois à compter de la date de sa notification. Cet article ajoutait :

« À l’expiration de ce délai, des intérêts seront automatiquement dus au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement le premier jour du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée majoré de 3,5 points de pourcentage. »

3        Le 2 octobre 2009, la requérante a formé un recours tendant à l’annulation de la décision du 22 juillet 2009 en ce qu’elle la concernait ou, subsidiairement, à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

4        En outre, par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2009, la requérante a introduit une demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la même décision.

5        Par ordonnance du 20 octobre 2009, 1. garantovaná/Commission (T‑392/09 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a ordonné, sur le fondement de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le sursis à l’exécution de l’article 2 de la décision du 22 juillet 2009 en ce qui concerne la requérante, jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

6        Par ordonnance du 2 mars 2011, 1. garantovaná/Commission (T‑392/09 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a sursis à l’obligation pour la requérante de constituer en faveur de la Commission une garantie bancaire pour éviter le recouvrement immédiat de l’amende qui lui a été infligée par l’article 2 de la décision du 22 juillet 2009, jusqu’à ce que le premier des deux événements suivants soit réalisé :

–        l’arrivée à échéance, le 11 juillet 2012, de certains prêts à long terme constitués par une filiale de la requérante au profit de trois autres sociétés ;

–        le prononcé de l’arrêt mettant un terme à la procédure principale ;

à condition, notamment, que la requérante paie à la Commission la somme de 2,1 millions d’euros.

7        Le 21 mars 2011, la requérante a versé à la Commission la somme de 2,1 millions d’euros susmentionnée.

8        Le 12 juillet 2012, la requérante a informé la Commission que les prêts à long terme mentionnés dans l’ordonnance du 2 mars 2011, 1. garantovaná/Commission, point 6 supra, n’avaient pas été remboursés et que, dès lors, elle se voyait dans l’impossibilité de lui verser le montant restant dû de l’amende qui lui avait été infligée. Elle a, en outre, demandé à la Commission de renoncer au recouvrement de ladite amende, en application de l’article 87, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1, ci‑après les « modalités d’exécution »). La Commission n’a pas encore donné une réponse définitive à cette demande.

9        Par son arrêt du 12 décembre 2012, 1. garantovaná/Commission (T‑392/09, non publié au Recueil), le Tribunal a rejeté le recours de la requérante. Cette dernière a formé un pourvoi contre cet arrêt (affaire C‑90/13 P), sur lequel la Cour de justice n’a pas encore statué.

10      Par lettre du 21 décembre 2012 (affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier), la Commission a demandé à la requérante de verser, au plus tard pour le 25 janvier 2013, le montant de 20 293 586,60 d’euros, en règlement du montant restant de l’amende qui lui avait été infligée par la décision du 22 juillet 2009, majoré des intérêts de retard, ou de constituer, en sa faveur, une garantie bancaire couvrant ce même montant, faute de quoi il serait procédé à l’exécution forcée de la même décision.

11      Cette lettre comportait en annexe, notamment, un tableau indiquant comment le montant total exigé par la Commission avait été calculé. Concrètement, il ressort de ce tableau que, pour la période allant du 28 octobre 2009 au 21 mars 2011, la Commission avait majoré le montant initial de l’amende d’intérêts de retard, calculé au taux de 4,5 %, de 1 232 383,56 d’euros. Elle avait, ensuite, imputé le paiement de 2,1 millions d’euros (point 7 ci‑dessus), d’abord sur ces intérêts, puis sur le montant initial. Ainsi, le montant restant de l’amende a été porté à 18 732 383,56 d’euros. Enfin, elle avait calculé, au taux sus-indiqué, des intérêts de retard pour la période allant du 22 mars 2011 au 25 janvier 2013 sur le montant restant dû de l’amende. La somme de ces intérêts s’élevait à 1 561 203,04 d’euros. En ajoutant ce dernier montant au montant restant dû de l’amende, la Commission est arrivée à la somme de 20 293 586,60 d’euros, indiquée dans sa lettre.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2013, la requérante a introduit le présent recours, dans lequel elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre de la Commission du 21 décembre 2012 en ce qu’elle applique un taux d’intérêt de 4,5 % aux périodes durant lesquelles le président du Tribunal avait sursis à l’exécution de la décision du 22 juillet 2009, fixe à 20 293 586,60 euros le solde qu’elle doit payer et la met en demeure de verser, au plus tard pour le 25 janvier 2003, cette somme ou de constituer une garantie bancaire la couvrant ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 19 avril 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      La requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 17 juin 2013.

 En droit

15      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Aux termes du paragraphe 4 du même article, le Tribunal statue sur la demande ou la joint au fond.

16      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

17      Par son recours, la requérante demande l’annulation de la décision contenue, selon elle, dans la lettre de la Commission du 21 décembre 2012, au motif que cette dernière ne disposerait d’aucune base juridique pour lui imposer des intérêts de retard pour la période durant laquelle le président du Tribunal avait sursis à l’exécution de la décision du 22 juillet 2009 et que cette imposition prive ce sursis à l’exécution de son effet utile. Elle reproche, en outre, à la Commission une violation des principes de la protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

18      La Commission excipe de l’irrecevabilité du recours, au motif que la lettre du 21 décembre 2012 n’a pas produit d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique et, par conséquent, n’est pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE.

19      À cet égard, il y a lieu de rappeler que toute lettre d’une institution de l’Union ne constitue pas une décision au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ouvrant ainsi à son destinataire la voie du recours en annulation (ordonnance de la Cour du 27 janvier 1993, Miethke/Parlement, C‑25/92, Rec. p. I‑473, point 10, et ordonnance du Tribunal du 11 décembre 1998, Scottish Soft Fruit Growers/Commission, T‑22/98, Rec. p. II‑4219, point 34). En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, le recours en annulation est ouvert à l’égard de toutes dispositions prises par les institutions de l’Union, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit (voir arrêt de la Cour du 6 avril 2000, Espagne/Commission, C‑443/97, Rec. p. I‑2415, point 27, et la jurisprudence citée).

20      Ce n’est donc que s’il devait être démontré que la lettre du 21 décembre 2012 a produit, à son égard, des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, que la requérante serait recevable à former, à son égard, un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, Rec. p. II‑1047, point 35).

21      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et aux associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions des articles 81 CE ou 82 CE.

22      En outre, l’article 71, paragraphe 4, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci‑après le « règlement financier »), dispose que les conditions dans lesquelles des intérêts de retard sont dus à l’Union sont précisées dans les modalités d’exécution, arrêtées en vertu de l’article 183 du même règlement.

23      À cet égard, l’article 86, paragraphes 2 à 5, des modalités d’exécution, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 1248/2006 de la Commission, du 7 août 2006, modifiant les modalités d’exécution (JO L 227, p. 3), énonce ce qui suit :

« 2.      Le taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date limite […] est le taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C, en vigueur le premier jour de calendrier du mois de la date limite, majoré de :

a)      sept points de pourcentage lorsque la créance a pour fait générateur un marché public de fournitures et de services visés au titre V ;

b)      trois points et demi de pourcentage dans tous les autres cas.

3.      Le montant des intérêts est calculé à partir du jour de calendrier suivant la date limite […], jusqu’au jour de calendrier du remboursement intégral de la dette.

4.      Tout paiement partiel est imputé d’abord sur les intérêts de retard, déterminés selon les dispositions des paragraphes 2 et 3.

5.       Dans le cas des amendes, lorsque le débiteur constitue une garantie financière acceptée par le comptable en lieu et place d’un paiement provisoire, le taux d’intérêt applicable à compter de la date limite […], est le taux visé au paragraphe 2 du présent article, majoré seulement d’un point et demi de pourcentage. »

24      Au regard de ces dispositions, il convient de constater que, dans la décision du 22 juillet 2009, la Commission a constaté la participation de la requérante à une infraction aux règles de la concurrence, lui a infligé une amende pour sanctionner cette infraction et a déterminé la date limite pour le paiement de cette amende. En revanche, elle n’avait pas à décider et n’a pas décidé quoi que ce soit au sujet des intérêts de retard qui seraient dus en cas de non-paiement de cette amende au plus tard à la date limite ainsi déterminée. En effet, le taux d’intérêt applicable et, par conséquent, le montant de ces intérêts à une date déterminée découlent directement des dispositions pertinentes, rappelées au point précédent, sans qu’il soit besoin pour la Commission de les fixer et de modifier, ainsi, la situation juridique des intéressés, dont la requérante. Au regard de ces considérations, il convient de faire observer que la dernière phrase de l’article 2 de la décision du 22 juillet 2009, reproduite au point 2 ci‑dessus, ne constituait qu’un simple rappel de la disposition de l’article 86, paragraphe 2, sous b), des modalités d’exécution.

25      La lettre du 21 décembre 2012 ne contient pas non plus, au sujet desdits intérêts, une quelconque décision susceptible de modifier la situation juridique de la requérante. Cette lettre constitue une simple mise en demeure d’exécuter la décision antérieure du 22 juillet 2009 ou, du moins, de constituer une garantie bancaire susceptible d’assurer cette exécution sur simple demande de la Commission. Ainsi que l’a confirmé la Cour dans son arrêt du 6 décembre 2007, Commission/Ferriere Nord (C‑516/06 P, Rec. p. I‑10685, point 29), un tel acte ne saurait être considéré comme ayant produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’un destinataire de la décision concernée, en l’occurrence de la requérante. En effet, il ne constitue, en réalité, qu’un acte préparatoire à un acte de pure exécution (voir, en ce sens, arrêt Commission/Ferriere Nord, précité, point 29).

26      Certes, dans cette même lettre, la Commission a indiqué la somme exacte que la requérante devait lui verser pour s’acquitter du montant restant dû de l’amende ainsi que des intérêts de retard desquels celui-ci devrait être majoré. Ainsi, elle a nécessairement pris position quant à la manière selon laquelle ces intérêts devaient être calculés et, plus particulièrement, quant aux périodes pendant lesquelles le montant de l’amende devait être majoré des intérêts de retard. Il ressort de la requête que la position de la requérante sur ces questions est différente. Elle considère, en substance, que le montant de l’amende ne devait pas être majoré d’intérêts de retard pour la période durant laquelle le président du Tribunal avait, ainsi qu’il est relevé aux points 5 et 6 ci‑dessus, sursis à l’exécution, à l’égard de la requérante, de la décision du 22 juillet 2009.

27      Toutefois, cela ne suffit pas pour conférer à la lettre du 21 décembre 2012 un caractère décisionnel. Ce qui importe n’est pas le fait que la Commission a, par cette lettre, pris position sur une question faisant l’objet d’une controverse entre les parties. Seule importe la question de savoir s’il appartenait à la Commission de déterminer les intérêts de retard sur le montant de l’amende restant dû. Or, pour les motifs exposés au point 24 ci‑dessus, cette question doit recevoir une réponse négative. Le montant auquel s’élèvent les intérêts de retard en question résulte, en définitive, de l’application des dispositions rappelées au point 23 ci‑dessus et il ne revenait pas à la Commission de le déterminer par un acte produisant des effets juridiques obligatoires. La lettre du 21 décembre 2012 ne constitue, à cet égard, qu’une simple indication de sa position, dépourvue de caractère décisionnel, quant à l’interprétation et à l’application correctes, au cas d’espèce, des dispositions concernées.

28      Il doit, en outre, être rappelé que la décision du 22 juillet 2009 forme, ainsi que le rappelle son article 4, second alinéa, titre exécutoire, conformément à l’article 256 CE. Le différend existant entre les parties quant au montant exact des intérêts de retard dus devra, ainsi, être tranché dans l’hypothèse de l’exécution forcée de ladite décision. Or, il ressort de l’article 256, quatrième alinéa, que le contrôle de la régularité des mesures d’exécution relève de la compétence des juridictions nationales. Il revient dès lors à celles-ci, et non au Tribunal, de trancher, le cas échéant, ce différend, sans préjudice de la possibilité de poser des questions préjudicielles à la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE.

29      Il ressort des considérations qui précèdent que le présent recours, dirigé contre un acte ne produisant pas d’effets de droit, au sens de la jurisprudence citée au point 19 ci‑dessus, doit être rejeté comme irrecevable.

30      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la requérante. Celle-ci s’appuie sur l’arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, CB/Commission (T‑275/94, Rec. p. II‑2169, points 28 à 35). Elle fait valoir que, de même que la lettre de la Commission contestée dans l’affaire ayant donné lieu à ce dernier arrêt, la lettre du 21 décembre 2012 contient un élément nouveau, dans la mesure où elle révèle une position de la Commission que ni la décision du 22 juillet 2009 ni la lettre de sa notification n’avaient fait apparaître de manière explicite. Concrètement, il s’agirait du fait que le montant de l’amende qui lui a été infligée serait majoré d’intérêts de retard lors de la période pendant laquelle le président du Tribunal avait sursis à l’exécution de la décision du 22 juillet 2009. Il s’ensuit, selon la requérante, que la lettre du 21 décembre 2012 a produit un effet analogue à celui produit par la lettre de la Commission en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CB/Commission, précité, et peut faire l’objet d’un recours en annulation, si bien que le présent recours doit être jugé recevable. La requérante soutient, en outre, que les arguments de la Commission tendant à démontrer que l’arrêt CB/Commission, précité, concerne un cas de figure distinct ne convainquent pas.

31      Cette argumentation ne saurait prospérer. Il y a, en effet, lieu de replacer l’arrêt CB/Commission, point 30 supra, dans son propre contexte réglementaire, différent de celui de la présente affaire.

32      Il convient de rappeler, à cet égard, que la décision de la Commission, infligeant une amende à la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CB/Commission, point 30 supra, avait été arrêtée sous l’empire du règlement financier, du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 356, p. 1), abrogé par le règlement financier. Le règlement financier du 21 décembre 1977 ne comportait pas de disposition analogue à celle de l’article 71, paragraphe 4, du règlement financier (point 22 ci‑dessus). Ainsi, contrairement à ce qui est le cas en l’espèce, il n’existait pas de dispositions prévoyant que les créances résultant de l’imposition d’une amende étaient majorées d’intérêts de retard et déterminant le taux applicable.

33      Toutefois, dans son arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission (107/82, Rec. p. 3151, point 141), la Cour a jugé qu’une entreprise pouvait avoir un avantage considérable à retarder le plus possible le paiement d’une amende et que si l’on devait estimer que des mesures visant à compenser cet avantage n’étaient pas admissibles, on faciliterait l’introduction de recours manifestement non fondés, dont le seul but serait celui de retarder le paiement de l’amende. Selon la Cour, on ne saurait penser qu’un tel résultat ait été voulu par les dispositions concernant les voies de recours contre les actes des institutions.

34      C’est ainsi que le Tribunal a considéré, dans le même contexte, que le pouvoir dont était investie la Commission, d’infliger des amendes aux entreprises commettant une infraction aux règles de la concurrence, comprenait la faculté de déterminer, notamment, la date de prise de cours des intérêts de retard et de fixer le taux de ces intérêts (arrêt CB/Commission, point 30 supra, point 47).

35      En d’autres termes, dans le contexte réglementaire dans lequel s’insère l’arrêt CB/Commission, point 30 supra, le taux des intérêts de retard dont serait majoré l’amende en cas de non-paiement à la date limite prévue, était arrêté par la Commission elle-même et ne découlait pas automatiquement, comme c’est le cas en l’espèce, de l’application des dispositions pertinentes. C’est ainsi que le Tribunal a pu considérer, dans l’arrêt CB/Commission, point 30 supra (point 32), que les lettres visées par le recours en annulation dans cette affaire ne se bornaient pas à confirmer les dispositions prises par la Commission à l’égard des intérêts de retard dans sa décision infligeant l’amende et dans sa lettre de notification, mais contenaient un élément nouveau, dans la mesure où elles révélaient, de manière claire et explicite, la position de la Commission sur une question ayant surgi postérieurement, c’est-à-dire celle de savoir si les dispositions quant aux intérêts de retard arrêtées à l’égard de l’amende infligée par la décision de la Commission, s’appliquaient également à l’amende moins élevée, fixé par le Tribunal à la suite d’un recours de l’intéressé contre cette dernière décision (arrêt CB/Commission, point 30 supra, points 29 à 33).

36      Or, la question qui s’était posée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CB/Commission, point 30 supra, à savoir celle de savoir si les actes visés par le recours étaient, ou non, confirmatifs d’une décision antérieure, ne se pose pas en l’espèce, dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé au point 24 ci‑dessus, il n’existe aucune décision antérieure de la Commission fixant les modalités de calcul des intérêts de retard dont sera, le cas échéant, majorée le montant de l’amende infligée à la requérante par la décision du 22 juillet 2009. Il est, dès lors, superflu de s’interroger sur la question de savoir si la lettre du 21 décembre 2012 est, ou non, confirmative d’une décision antérieure, qui s’avère inexistante.

37      En tout état de cause, il convient de relever que l’arrêt CB/Commission, point 30 supra, ne saurait être interprété en ce sens que de remettre en question les considérations clairement exprimées par la Cour dans son arrêt Commission/Ferriere Nord, point 25 supra, qui lui est, au demeurant, postérieur.

38      La requérante fait encore valoir que, dans les circonstances de l’espèce, il serait contraire à l’intérêt d’une bonne administration de la justice de considérer que le recours n’est pas recevable. Selon elle, dans une telle hypothèse, son seul moyen de contestation de la position de la Commission dans le cas d’une tentative d’exécution forcée de la décision du 22 juillet 2009 serait d’introduire un recours devant la juridiction nationale compétente, laquelle, très probablement, saisirait la Cour d’une question préjudicielle, en vertu de l’article 267 TFUE. Il est dès lors, selon la requérante, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de résoudre, d’ores et déjà, au fond, le différend l’opposant à la Commission.

39      Cet argument ne saurait convaincre. Il y a lieu de rappeler que les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 256 TFUE, tel que précisé par l’article 51 du statut de la Cour de justice. En application de ces dispositions, le Tribunal n’est compétent pour statuer sur un recours en annulation que dans le respect des conditions énoncées à l’article 263 TFUE et la jurisprudence y afférente, dont celle tenant à l’existence d’un acte visant à produire des effets de droit. Faute de quoi, le Tribunal étendrait sa compétence juridictionnelle au-delà des litiges dont la connaissance lui est limitativement réservée et empiéterait sur la compétence des juridictions nationales de connaître des litiges dont il est question à l’article 299, quatrième alinéa, TFUE (voir, par analogie, ordonnances du Tribunal du 3 octobre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑186/96, Rec. p. II‑1633, point 47, et du 12 décembre 2005, Natexis Banques Populaires/Robobat, T‑360/05, non publiée au Recueil, point 12).

40      Partant, il convient de conclure que le présent recours est irrecevable et doit être rejeté pour ce motif.

 Sur les dépens

41      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      1. garantovaná a.s. supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 19 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       D. Gratsias


* Langue de procédure : l’anglais.