Language of document : ECLI:EU:T:2012:529

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 octobre 2012 (*)

« Dumping – Importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Délai pour l’adoption de la décision relative à ce statut – Erreur manifeste d’appréciation – Charge de la preuve – Ajustement des frais – Article 2, paragraphe 5, et paragraphe 7, sous b) et c), du règlement (CE) n° 384/96 [devenus article 2, paragraphe 5, et paragraphe 7, sous b) et c), du règlement (CE) n° 1225/2009] »

Dans l’affaire T‑150/09,

Ningbo Yonghong Fasteners Co. Ltd, établie à Zhouhan (Chine), représentée par Mes F. Graafsma et J. Cornelis, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté de Mes G. Berrisch et G. Wolf, avocats, puis par MM. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de Me Berrisch,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et C. Clyne, en qualité d’agents,

et par

European Industrial Fasteners Institute AISBL (EIFI), établie à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Mes J. Bourgeois, Y. van Gerven et E. Wäktare, puis par Me Bourgeois, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) nº 91/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO L 29, p. 1),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Ningbo Yonghong Fasteners Co. Ltd., est une société de droit chinois qui produit et exporte des éléments de fixation en fer et en acier vers l’Union européenne.

2        À la suite d’une plainte déposée le 26 septembre 2007 par l’European Industrial Fasterners Institute AISBL (EIFI), la Commission des Communautés européennes a publié, le 9 novembre 2007, un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO C 267, p. 31). L’enquête a couvert la période comprise entre le 1er octobre 2006 et le 30 septembre 2007.

3        Le 3 décembre 2007, la requérante a communiqué à la Commission ses réponses au questionnaire d’échantillonnage.

4        À la même date, elle a présenté une demande en vue de l’obtention du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « statut de SEM »).

5        Le 5 décembre 2007, la Commission a indiqué qu’en raison du nombre élevé de producteurs et d’exportateurs en Chine elle avait décidé de recourir à l’échantillonnage, conformément au règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, P. 22)], et en particulier conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009). La requérante a été retenue dans cet échantillon.

6        Le 14 décembre 2007, la Commission a invité la requérante à répondre aux sections A à D du questionnaire antidumping destiné aux producteurs et exportateurs.

7        Le 3 janvier 2008, la requérante a demandé une prorogation du délai jusqu’au 4 février 2008 pour répondre aux sections A à D du questionnaire antidumping. Cette prorogation lui a été accordée par courrier électronique de la Commission du 9 janvier 2008.

8        Par télécopie du 4 janvier 2008, informant la requérante de la visite de vérification programmée pour les 21 et 22 janvier 2008, la Commission a demandé des précisions concernant certains points de la demande de statut de SEM de la requérante. Par courrier électronique du 7 janvier 2008, la Commission a demandé des renseignements complémentaires et a précisé vouloir disposer de toutes les informations au début de la visite de vérification.

9        Le 21 janvier 2008, la requérante a transmis ces renseignements complémentaires ainsi que certaines corrections à sa réponse antérieure concernant le statut de SEM. Le même jour, les services de la Commission ont entamé la visite de vérification.

10      Le 4 février 2008, la requérante a transmis la réponse aux sections A à D du questionnaire antidumping. Par courrier électronique du 26 février 2008, la Commission a demandé des précisions complémentaires concernant cette réponse.

11      Le 25 mars 2008, la requérante a transmis à la Commission sa réponse aux sections E et F du questionnaire antidumping, conformément aux instructions données par cette dernière dans la lettre du 21 février 2008, ainsi que ses réponses aux questions posées dans le courrier électronique de la Commission du 26 février 2008.

12      Entre le 1er et le 4 avril 2008, la Commission a procédé à des contrôles dans les locaux des producteurs du pays analogue, à savoir l’Inde, afin de vérifier les renseignements que ceux‑ci avaient communiqués dans leurs réponses au questionnaire, notamment les informations relatives au prix des matières premières sur le marché indien.

13      Le 7 avril 2008, la Commission a informé la requérante que la visite de vérification relative à la réponse au questionnaire antidumping, programmée pour les 29 avril et 1er mai 2008, avait dû être reportée parce que la Commission n’avait pas encore communiqué ses conclusions sur le statut de SEM à toutes les parties.

14      Le 9 avril 2008, la Commission a demandé des renseignements complémentaires relatifs à la réponse de la requérante aux sections A à D du questionnaire antidumping. La requérante a répondu à ces questions le 23 avril 2008.

15      Par courrier électronique du 30 avril 2008, la Commission a demandé des renseignements et des précisions complémentaires concernant la réponse de la requérante aux sections E et F du questionnaire antidumping.

16      Le même jour, la requérante a reçu le document d’information sur le statut de SEM exposant les faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission a conclu que la requérante ne satisfaisait pas aux critères lui permettant de bénéficier du statut de SEM.

17      Le 8 mai 2008, la Commission a informé la requérante qu’une visite serait effectuée du 20 au 22 mai 2008 pour vérifier la réponse de cette dernière au questionnaire antidumping.

18      Le 16 mai 2008, la requérante a répondu à la demande de renseignements et de précisions complémentaires du 30 avril 2008. Le même jour, elle a aussi transmis ses observations et objections à la décision de la Commission de lui refuser le statut de SEM. Le 18 mai 2008, la Commission a demandé des précisions complémentaires relatives à la réponse de la requérante du 16 mai.

19      Ces précisions ainsi que la rectification d’une erreur ont été fournies à la Commission le 20 mai 2008, lors de la vérification sur place des réponses de la requérante au questionnaire antidumping.

20      Le 4 août 2008, la Commission a adressé à la requérante un document d’information relatif à la non-institution de mesures antidumping provisoires. La requérante a présenté des observations relatives à ce document le 4 septembre 2008.

21      Le 3 novembre 2008, la Commission a adressé à la requérante le document d’information finale exposant les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle avait l’intention de proposer au Conseil de l’Union européenne l’institution d’un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine. Le 18 novembre 2008, la requérante a demandé des renseignements complémentaires concernant le mode de calcul de la valeur normale. La Commission a répondu à cette demande le 21 novembre 2008.

22      Le 24 novembre 2008, la requérante a présenté des observations concernant le document d’information finale du 3 novembre 2008. Le 9 décembre 2008, elle a confirmé sa proposition d’engagement, présentée déjà antérieurement. La Commission a rejeté cette proposition le 18 décembre 2008.

23      Le 2 février 2009, la Commission a répondu aux observations de la requérante du 24 novembre 2008.

24      Le 26 janvier 2009, le Conseil a adopté le règlement (CE) nº 91/2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO L 29, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

25      Dans le règlement attaqué, la demande de statut de SEM de la requérante a été refusée. À cet égard, aux considérants 63, 66, 67 et 68 du règlement attaqué, il est constaté ce qui suit :

« (63) Le statut de [SEM] a été refusé [à la requérante] au motif que les coûts du principal intrant, le fil machine en acier, ne reflétaient pas en grande partie les valeurs du marché, comme l’exige l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), du règlement de base. Il a été établi que les prix du fil machine en acier ou, dans certains cas, du fil tréfilé, facturés sur le marché chinois étaient sensiblement inférieurs à ceux qui étaient facturés sur d’autres marchés, notamment en Europe, en Inde, en Amérique du Nord et au Japon […]

[…]

(66) […] Sur la base de données obtenues et vérifiées au cours de l’enquête et d’informations provenant de sources commerciales indépendantes, telles que le Steel [Business Briefing], il est indiscutable que les prix du fil machine en acier sur le marché intérieur chinois sont sensiblement inférieurs aux prix pratiqués sur d’autres marchés. Vu que la [Chine] ne bénéficie d’aucun avantage comparatif naturel en ce qui concerne le minerai de fer, qu’elle importe aux prix du marché international, il est considéré que rien ne justifie les prix anormalement bas du fil machine en acier, qui ne reflètent pas en grande partie les valeurs du marché. Cette conclusion s’applique aussi bien au secteur dans son ensemble qu’individuellement à toutes les sociétés de l’échantillon qui ont fait l’objet de l’enquête. Par conséquent, il est considéré que le premier critère de l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), n’est pas respecté.

(67) Concernant l’interprétation du concept de ‘valeur du marché’, il convient d’entendre par là un prix de marché non faussé. À cet égard, comme indiqué plus haut, plusieurs sources et études signalent des interventions de l’État dans le secteur de l’acier en Chine. Par ailleurs, comme précisé ci-dessus, certains des plus grands producteurs chinois de fil machine en acier ont bénéficié de différents types de subventions en 2006 et en 2007, ainsi qu’il ressort de leurs états financiers vérifiés. Il convient également de garder à l’esprit qu’il appartient aux producteurs-exportateurs d’apporter la preuve qu’ils opèrent dans les conditions d’une économie de marché et que les coûts de leurs principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché. Cette preuve n’a pas été apportée en l’espèce.

(68) Certains producteurs-exportateurs ont également affirmé que, même s’il y avait une différence entre les prix des matières premières sur le marché intérieur chinois et d’autres marchés internationaux, cette différence pouvait s’expliquer par des différences de qualité. Il est toutefois évident que, même si des différences de qualité existaient, elles ne suffiraient pas à expliquer l’énorme écart de prix constaté entre des catégories similaires d’acier utilisées respectivement par les producteurs-exportateurs chinois et les producteurs communautaires et indiens. De plus, d’après les données publiées, la différence entre les prix du fil machine en acier facturés en Chine et ceux pratiqués sur d’autres marchés est très importante pour le même type de fil machine en acier; selon des données publiées dans le Steel [Business Briefing], les prix intérieurs chinois de fil machine en acier se situaient dans une fourchette de 300 à 350 [euros]/t pendant la période d’enquête, alors que les prix en Amérique du Nord, en Europe et au Japon oscillaient entre 400 et 500 [euros]/t pour la même qualité. Les données obtenues et vérifiées au cours de l’enquête auprès des producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon et auprès des producteurs communautaires correspondent aux données publiées, présentées ci-dessus. Il est donc maintenu que, même s’il existait des différences de qualité, celles-ci ne suffiraient pas à expliquer l’énorme écart entre les prix des matières premières observés sur le marché intérieur chinois et ceux facturés sur d’autres marchés internationaux. »

26      En revanche, le Conseil a estimé que la requérante répondait aux conditions d’octroi du traitement individuel énoncées à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base (devenu article 9, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009) (considérants 80 à 83).

27      Conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement n° 1225/2009], la valeur normale pour la requérante a été déterminée sur la base des informations vérifiées émanant du producteur en Inde (considérants 91 et 92).

28      L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement attaqué a institué un droit antidumping définitif de 78,3 % sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier, autres qu’en acier inoxydable, importés par la requérante dans la Communauté européenne.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 avril 2009, la requérante a introduit le présent recours.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2009, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

31      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 août 2009, l’EIFI a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Dans les observations du 24 septembre 2009, ce dernier n’a pas soulevé d’objections à l’encontre de cette intervention. La requérante n’a pas déposé d’observations en ce sens.

32      Par ordonnance du 14 septembre 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission.

33      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 9 octobre 2009, la Commission a renoncé au dépôt d’un mémoire en intervention.

34      Par ordonnance du 16 novembre 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de l’EIFI. Celui-ci a déposé son mémoire dans le délai imparti.

35      La requérante a demandé, respectivement le 21 septembre 2009, le 14 octobre 2009 et le 26 janvier 2010, que certains éléments confidentiels contenus dans la requête, le mémoire en défense, la réplique et la duplique ainsi que certaines de leurs annexes soient exclus de la communication à l’EIFI. Elle a produit une version non confidentielle de ces différents actes de procédure. La communication à l’EIFI desdits actes de procédure a été limitée à cette version non confidentielle. L’EIFI n’a pas soulevé d’objection à ce sujet.

36      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

37      Le 19 juillet 2011, le Conseil a répondu à la question écrite du Tribunal du 4 juillet 2011.

38      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

39      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 décembre 2011.

40      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

41      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

42      L’EIFI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par lui du fait de son intervention.

 En droit

 Sur l’étendue du chef de conclusions en annulation

43      Sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, le Conseil expose que le recours devrait être déclaré irrecevable en ce que la requérante demande l’annulation du règlement attaqué dans sa globalité et non dans la seule mesure où il la concerne.

44      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le règlement attaqué institue un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier de plusieurs sociétés.

45      La requérante conclut à l’annulation du règlement attaqué dans son intégralité. Dans l’exposé de ses moyens et arguments, elle se limite cependant à contester la légalité du droit antidumping imposé seulement à elle-même.

46      Il convient de considérer, à cet égard, que l’éventuelle illégalité de ce droit n’affecterait la légalité du règlement attaqué que dans la mesure où il impose un droit antidumping à la requérante. Elle n’affecterait pas, en revanche, la légalité des autres éléments du règlement attaqué, à savoir, notamment, les droits antidumping imposés aux autres sociétés destinataires.

47      Il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un règlement instituant un droit antidumping impose des droits différents à une série de sociétés, une société n’est individuellement concernée que par les dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non par celles qui imposent des droits antidumping à d’autres sociétés, de telle sorte que le recours de cette société n’est recevable que dans la mesure où il tend à l’annulation du règlement dans celles de ses dispositions qui la concernent exclusivement (voir arrêt de la Cour du 15 février 2001, Nachi Europe, C‑239/99, Rec. p. I‑1197, point 22, et la jurisprudence citée).

48      Dans ces circonstances, au regard des moyens et arguments avancés par la requérante à l’appui de son recours, il y a lieu d’interpréter le présent recours en annulation en ce sens qu’il ne vise que l’annulation partielle du règlement attaqué, dans la mesure où il impose un droit antidumping définitif à la requérante.

 Sur le fond

49      À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement n° 1225/2009]. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. Le troisième moyen est tiré d’une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement n° 1225/2009].

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base

50      L’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base prévoit que la question de savoir si le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché « doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie communautaire a eu l’occasion de présenter ses observations » et que « [l]a solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête ».

51      Force est de constater que le délai de trois mois prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, a été dépassé en l’espèce. En effet, l’enquête a été ouverte le 9 novembre 2007, alors que la décision par laquelle la Commission a exposé à la requérante les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle a conclu que cette dernière ne satisfaisait pas aux critères lui permettant de bénéficier du statut de SEM lui a été adressée le 30 avril 2008. À cet égard, il convient de préciser que, contrairement aux arguments de la requérante, c’est bien ce dernier document qui doit être regardé comme portant décision sur le statut de SEM. Le document d’information relatif à la non-institution de mesures antidumping provisoires du 4 août 2008 et le document d’information finale du 3 novembre 2008 répondaient uniquement aux observations émises par les différentes sociétés sur les faits et considérations essentiels exposés dans la décision du 30 avril 2008.

52      Dès lors, il convient d’examiner quelles doivent être les conséquences du dépassement opéré en l’espèce et, notamment, d’évaluer si ledit dépassement doit entraîner l’annulation du règlement attaqué.

53      À cet égard, le Tribunal a déjà rejeté la thèse selon laquelle tout dépassement du délai de trois mois par la Commission doit emporter automatiquement l’annulation du règlement relatif au réexamen adopté par la suite (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec. p. II‑565, ci-après l’« arrêt Shanghai Excell », points 115 et 126)

54      Même si l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait une demande de réexamen d’un règlement initial en qualité de « nouvel exportateur » au sens de l’article 11, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009), il convient de parvenir à la même conclusion générale sur cette question dans la présente affaire. En effet, il ne saurait être déduit ni du contenu des dispositions pertinentes ni de la finalité et de la structure du règlement de base que le dépassement du délai de trois mois pour la prise de la décision relative au statut de SEM peut entraîner automatiquement l’annulation du règlement attaqué.

55      À cet égard, il convient de préciser que le délai de trois mois a notamment pour objet d’assurer que la question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés audit article ne soit pas tranchée en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 novembre 2006, Nanjing Metalink/Conseil, T‑138/02, Rec. p. II‑4347, point 44 ; Shanghai Excell, point 53 supra, point 127, et du 8 novembre 2011, Zhejiang Harmonic Hardware Products/Conseil, T‑274/07, non publié au Recueil, point 37).

56      La requérante fait valoir que, à la date de la décision relative au statut de SEM, la Commission disposait de tous les renseignements détaillés pour calculer une marge de dumping sur la base des propres chiffres de la requérante et également de données détaillées vérifiées pour calculer une marge de dumping sur la base de données de producteurs du pays analogue. Ainsi, la Commission aurait été en mesure de connaître l’effet que la décision relative au statut de SEM allait avoir sur le calcul de la marge de dumping de la requérante avant de se prononcer sur la demande de statut de SEM. Cette irrégularité due au dépassement du délai de trois mois aurait, selon elle, débouché sur l’imposition d’un droit antidumping qui aurait pu être sensiblement différent si la Commission avait pris une décision relative au statut de SEM avant de disposer de toutes les informations nécessaires pour calculer la marge de dumping.

57      À cet égard, il ressort du dossier que les réponses de la requérante aux sections E et F du questionnaire antidumping, concernant la valeur normale, ont été soumises à la Commission le 25 mars 2008, et ce à la suite de la demande de cette dernière en date du 21 février 2008. Ainsi, il y a lieu de considérer que, pendant la période qui s’est écoulée entre l’expiration dudit délai et la décision relative au statut de SEM, la Commission a disposé des informations lui permettant de savoir quel effet cette décision pourrait avoir sur le calcul de la marge de dumping de la requérante.

58      Dès lors, il convient d’examiner si, en l’espèce, ce fait a pu remettre en cause l’effet utile du délai de trois mois tel qu’il a été relevé par la jurisprudence rappelée au point 55 ci-dessus.

59      Or, tel ne saurait être le cas. À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cas d’espèce, et conformément à l’article 2 du règlement de base, s’il avait été considéré que la requérante opérait dans les conditions d’une économie de marché, la valeur normale de ses produits aurait été déterminée conformément aux règles applicables aux pays connaissant une économie de marché, à savoir sur la base des informations communiquées par elle-même. En revanche, puisque le statut de SEM lui avait été refusé, la valeur normale devait être déterminée, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, sur le fondement des prix payés dans le pays analogue. Ainsi, afin de savoir quel serait l’effet de la décision relative au statut de SEM sur le calcul de la marge de dumping, les institutions devaient disposer des informations concernant les prix payés ou à payer dans le pays exportateur, ainsi que ceux payés ou à payer dans le pays analogue.

60      Le Conseil ne conteste pas le fait que les réponses de la requérante aux sections E et F du questionnaire antidumping, soumises à la Commission le 25 mars 2008, comportaient des informations concernant la valeur normale du produit concerné. Il fait valoir uniquement que ces réponses n’ont été vérifiées que le 20 mai 2008, soit après que la requérante a été informée du rejet du statut de SEM. En outre, il soutient que l’effet de la décision relative au statut de SEM sur le calcul de la marge de dumping en l’espèce était évident, y compris avant l’expiration du délai de trois mois et certainement avant que la Commission n’ait reçu ou analysé les informations de la requérante concernant la valeur normale.

61      À cet égard, il ressort du dossier que, dès le début de l’enquête, la Commission disposait des informations générales indiquant que les prix chinois du fil machine en acier, le principal intrant des éléments de fixation, représentant approximativement 50 % de leur coût de production, étaient sensiblement inférieurs aux prix pratiqués sur d’autres marchés internationaux. Le Conseil ajoute que, en ce qui concerne plus particulièrement la requérante, ce fait ressortait aussi des éléments de preuve qui ont été fournis par cette dernière dans le cadre de sa demande de statut de SEM et vérifiés par la Commission avant l’expiration du délai de trois mois, à savoir lors des visites dans les locaux de la requérante les 21 et 22 janvier 2008. La requérante n’a pas contesté ce fait.

62      Ainsi, la Commission pouvait raisonnablement en déduire que, puisque les coûts de production de la requérante étaient inférieurs à ceux des producteurs d’un pays à économie de marché, qui n’ont pas accès aux matières premières chinoises, la valeur normale et, par conséquent, la marge de dumping en ce qui concerne la requérante seraient vraisemblablement inférieures dans le cas où celle-ci se verrait octroyer le statut de SEM.

63      Dès lors, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, l’effet de la décision relative au statut de SEM concernant la requérante sur la marge de dumping était connu avant la demande et la réception des réponses de la requérante aux sections E et F du questionnaire antidumping.

64      Certes, lesdites réponses ont fourni à la Commission des informations complémentaires, notamment celles concernant les qualités et les types de produits. En outre, lors de l’audience, la requérante a affirmé que les valeurs normales ne dépendaient pas uniquement des coûts de matières premières, mais aussi des prix auxquels les produits concernés étaient vendus sur un marché intérieur et, dans le cas où la valeur était construite, de la marge bénéficiaire sur les ventes intérieures. À cet égard, il convient de rappeler que la possibilité que la question relative à l’octroi du statut de SEM soit tranchée en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping ne présuppose pas la connaissance de la marge de dumping exacte, calculée sur la base d’informations sur la valeur normale de la requérante, mais uniquement la connaissance des informations concernant l’effet que l’octroi du statut de SEM peut avoir sur cette marge selon les deux méthodes de calcul possibles. Or, en l’espèce, il convient d’observer que, selon les informations dont disposait la Commission, les prix chinois du principal intrant étaient tellement inférieurs qu’une marge de dumping inférieure dans le cas d’octroi du statut de SEM à la requérante était la seule hypothèse vraisemblable.

65      Il s’ensuit que, dans les circonstances particulières de l’espèce, ce n’est pas le dépassement du délai de trois mois par la Commission qui a permis à celle-ci de trancher la question de savoir si la requérante devait bénéficier du statut de SEM en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping. L’effet utile du délai de trois mois ne saurait donc être remis en cause par la prise de connaissance des informations contenues dans ces réponses.

66      Dans ce contexte, est inopérant l’argument de la requérante selon lequel il ressortirait des demandes détaillées de renseignements complémentaires de la Commission des 9 et 30 avril 2008 que ses services avaient déjà examiné les réponses de la requérante en détail avant l’adoption de la décision relative au statut de SEM.

67      Par ailleurs, la requérante soutient qu’aucune possibilité de prix faussés des intrants en Chine n’était mentionnée dans la plainte et qu’il ressort du document du 4 août 2008 que les allégations de certaines sociétés qui se sont vu refuser le statut de SEM quant à l’existence et à la preuve de tels prix devaient, selon la Commission, encore faire l’objet d’un examen complémentaire de sa part. En outre, le Conseil aurait lui-même affirmé que la décision relative au statut de SEM avait été prise tardivement, notamment, car la question des distorsions sur le marché du fil machine en acier était très complexe et devait être examinée en détail. Toutefois, il y a lieu de rappeler que l’information pertinente quant à l’effet de la décision relative au statut de SEM sur le calcul de la marge de dumping ne portait pas sur les éventuelles distorsions et le caractère faussé des prix des intrants, mais uniquement sur le bas niveau de ces prix.

68      En tout état de cause, il convient de conclure que, en l’absence d’une disposition prévoyant, soit expressément, soit implicitement, les conséquences du dépassement d’un délai procédural tel qu’en l’espèce, le dépassement en question ne peut entraîner l’annulation en tout ou en partie de l’acte dont le processus d’adoption comprend le délai en cause que s’il est établi que, en l’absence de cette prétendue irrégularité, ledit acte aurait pu avoir un contenu différent (voir arrêt Shanghai Excell, point 53 supra, point 138, et la jurisprudence citée).

69      À cet égard, la requérante fait valoir qu’une décision relative au statut de SEM dans le délai de trois mois, ou avant que la Commission n’ait disposé de toutes les informations nécessaires pour calculer la marge de dumping de la requérante, aurait débouché sur l’octroi du statut de SEM à cette dernière, ce qui aurait permis la détermination d’une marge de dumping la concernant sensiblement différente et que, par conséquent, la requérante n’aurait à payer aucun droit antidumping. Plus particulièrement, elle soutient que, en l’absence de cette irrégularité procédurale, la Commission n’aurait pas conclu que les prix d’achat de la requérante du fil machine en acier ne reflétaient pas les prix facturés sur les marchés internationaux pour des catégories similaires et le même type de fil machine, puisque ces informations ne lui auraient été communiquées que le 25 mars 2008.

70      Cette argumentation ne permet pas d’établir que, en l’absence de dépassement du délai de trois mois par la Commission, le Conseil aurait pu adopter un règlement différent plus favorable aux intérêts de la requérante que le règlement attaqué. Il y a lieu de constater que les informations communiquées le 25 mars 2008 ont confirmé celles dont la Commission disposait déjà auparavant, à savoir que les prix du fil machine en acier, le principal intrant des éléments de fixation, en Chine et, plus particulièrement, ceux payés par la requérante, étaient sensiblement inférieurs aux prix pratiqués sur d’autres marchés internationaux. En outre, il convient de préciser que la décision relative au statut de SEM, telle que définie au point 51 ci-dessus, ne s’est pas prononcée sur les différentes catégories ou types de fil en acier.

71      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base et d’une violation de l’obligation de diligence et du principe de bonne administration

72      Ce moyen est composé de deux branches, tirées, respectivement, de l’erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base et d’une violation de l’obligation de diligence et du principe de bonne administration.

73      Selon l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base : « Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de [Chine] la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles du point a) s’appliquent. »

74      L’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base précise que « [l]a requête présentée au titre [de l’article 2, paragraphe 7, sous b),] doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir, notamment, si : […] les décisions des entreprises concernant les prix[,] les coûts [et l]es intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’oeuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché ».

75      Il ressort des dispositions susmentionnées que la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du statut de SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Partant, il n’incombe pas aux institutions de prouver que le producteur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, à ces institutions d’apprécier si les éléments fournis par le producteur concerné sont suffisants pour démontrer que les critères énoncés audit article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, sont satisfaits pour lui reconnaître le statut de SEM et au juge de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêt Shanghai Excell, point 53 supra, point 83, et la jurisprudence citée).

76      En outre, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de l’évaluation des situations de fait d’ordre juridique et politique, qui se manifestent dans le pays concerné, pour déterminer si un exportateur peut bénéficier de l’octroi du statut de SEM, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation. Il en résulte que le contrôle du juge sur de telles appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, points 48 et 49, et la jurisprudence citée).

77      Or, il est également de jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’un tel pouvoir, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figure notamment l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et du Tribunal du 18 septembre 1995, Nölle/Conseil et Commission, T‑167/94, Rec. p. II‑2589, point 73).

78      En l’espèce, le statut de SEM a été refusé à la requérante uniquement au motif qu’elle n’avait pas établi qu’elle satisfaisait à la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement n° 1225/2009] et, plus particulièrement, à celle visant à s’assurer que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché ».

–       Sur la première branche, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base

79      À cet égard, premièrement, la requérante fait valoir que ses prix d’achat de fil machine en acier étaient sensiblement supérieurs aux prix d’achat moyens constatés par la Commission pour le marché chinois. Deuxièmement, ses prix auraient correspondu, et auraient mêmes été supérieurs dans certains cas, aux prix pratiqués sur d’autres marchés internationaux. En concluant que le coût de ce principal intrant ne reflétait pas en grande partie les valeurs du marché au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

80      À l’appui de ses arguments, la requérante a produit plusieurs tableaux de comparaison des prix, issus de la documentation qu’elle avait déjà présentée durant la procédure administrative et faisant état de ses prix d’achat de matières premières ainsi que de ceux répertoriés publiquement pour le marché chinois et les marchés internationaux. Il convient de préciser que les prix la concernant sont indiqués avec la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) incluse et concernent une qualité spécifique de fil machine en acier, réservé à l’emboutissage.

81      À titre liminaire, il convient de constater qu’il ressort du dossier que, d’un côté, les institutions ont comparé les prix des matières premières des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon avec ceux des producteurs de l’Union et de l’Inde. Ces prix, qui étaient fondés sur les réponses aux questionnaires et les informations transmises par l’ensemble de ces opérateurs, étaient indiqués hors TVA et concernaient le fil machine en acier pour emboutissage qui est la qualité utilisée par les producteurs d’éléments de fixation. Cette comparaison a permis au Conseil de conclure qu’il existait un énorme écart de prix entre des catégories similaires d’acier utilisées respectivement par les producteurs-exportateurs chinois et les producteurs communautaires et indiens (considérant 68 du règlement attaqué). De l’autre côté, cette conclusion a été confirmée par les données publiques issues de la publication Steel Business Briefing qui reprend les prix pour une autre qualité du fil machine en acier, pour treillis, et indique les prix avec la TVA incluse pour le marché chinois et hors TVA pour tous les autres marchés. Sur la base de cette comparaison, le Conseil a constaté que « la différence entre les prix du fil machine en acier facturés en Chine et ceux pratiqués sur d’autres marchés est très importante pour le même type de fil machine en acier » pour lequel « les prix intérieurs chinois […] se situaient dans une fourchette de 300 à 350 [euros]/t pendant la période d’enquête, alors que les prix en Amérique du Nord, en Europe et au Japon oscillaient entre 400 et 500 [euros]/t pour la même qualité » (considérant 68 du règlement attaqué).

82      Ainsi, au considérant 63 du même règlement, le Conseil a conclu qu’il a été établi « que les prix du fil machine en acier ou, dans certains cas, du fil tréfilé, facturés sur le marché chinois, étaient sensiblement inférieurs à ceux qui étaient facturés sur d’autres marchés, notamment en Europe, en Inde, en Amérique du Nord et au Japon ». Cette conclusion était basée sur les données publiques de la publication Steel Business Briefing et sur celles obtenues et vérifiées auprès des sociétés qui ont fait l’objet de l’enquête.

83      Or, contrairement à ce que soutient la requérante concernant la comparaison entre ses prix et ceux pratiqués sur le marché chinois, par cette dernière conclusion, le Conseil n’a pas affirmé que les prix d’achat du fil machine en acier payés par la requérante correspondaient aux prix du fil machine en acier pratiqués sur le marché intérieur chinois. Il en va de même pour le considérant 66 du règlement attaqué, dans lequel il a été constaté que « les prix du fil machine en acier sur le marché intérieur chinois [étaient] sensiblement inférieurs aux prix pratiqués sur d’autres marchés » et que la conclusion selon laquelle « rien ne justifi[ait] les prix anormalement bas du fil machine en acier, qui ne reflét[ai]ent pas en grande partie les valeurs du marché [,] s’appliqu[ait] aussi bien au secteur dans son ensemble qu’individuellement à toutes les sociétés de l’échantillon qui [avaient] fait l’objet de l’enquête ».

84      En revanche, force est d’observer que le Conseil a, effectivement, considéré au considérant 68 du règlement attaqué que « [l]es données obtenues et vérifiées au cours de l’enquête auprès des producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon correspond[ai]ent aux données publiées », ces dernières se référant au marché chinois en général.

85      Toutefois, la comparaison des prix présentée par la requérante ne saurait remettre en cause la conclusion du Conseil mentionnée au point précédent, puisque, comme il a été rappelé aux points 80 et 81, les prix qu’elle indique avoir payés et ceux auxquels le Conseil se réfère concernant le marché chinois, à savoir les prix publiés dans le Steel Business Briefing, ne concernent pas la même qualité de fil machine en acier. À cet égard, il ressort d’une comparaison entre les données du règlement attaqué et celles contenues dans une note de la Commission jointe au dossier non confidentiel que les prix du fil machine en acier pour emboutissage pratiqués, à titre d’exemple, dans l’Union dépassent d’au moins 100 euros/tonne ceux du fil machine en acier pour treillis. Même si la requérante tente de remettre en doute l’écart de prix lié à cette différence de qualité du fil machine en acier, elle n’apporte pas d’éléments de nature à prouver le contraire.

86      En toute hypothèse, il ressort de la lecture combinée, notamment, des considérants 63 et 68 du règlement attaqué que les institutions n’ont pas fondé le refus d’octroyer le statut de SEM aux producteurs-exportateurs l’ayant demandé sur la conclusion selon laquelle les prix spécifiques du fil machine en acier payés par ces producteurs correspondaient aux prix généralement pratiqués sur le marché intérieur chinois, mais sur celle que les prix communiqués par les mêmes producteurs qui, dans leur ensemble, correspondaient à ceux constatés sur le marché chinois ne reflétaient pas en grande partie les valeurs du marché, comme l’exige l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base.

87      Cela est confirmé aussi par l’affirmation de la Commission, du 3 novembre 2008, selon laquelle le prix d’achat moyen que la requérante, dans ces observations à la décision relative au statut de SEM, indique avoir payé « demeure très en deçà des prix moyens pratiqués sur d’autres marchés internationaux » (voir points 21 ci-dessus et 103 ci-après).

88      Par conséquent, il convient d’examiner si les institutions ont commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les prix payés par la requérante pour le fil machine en acier étaient sensiblement inférieurs à ceux qui étaient facturés sur d’autres marchés, notamment en Europe, en Inde, en Amérique du Nord et au Japon, et que, comme tels, ils ne reflétaient pas en grande partie les valeurs du marché.

89      Or, le Tribunal estime que la requérante n’a pas apporté suffisamment de preuves permettant de démontrer une telle erreur manifeste.

90      En effet, ainsi que le fait remarquer le Conseil, dans les documents présentés, la requérante a comparé le prix qu’elle payait pour le fil machine en acier pour emboutissage et qui inclut la TVA avec les prix facturés sur les marchés internationaux pour le fil machine en acier pour treillis, répertoriés dans la publication Steel Business Briefing qui, en ce qui concerne ces marchés, mentionne des prix hors TVA.

91      À cet égard, premièrement, quant à la comparaison des prix que la requérante indique avoir payés avec ceux mentionnés dans le règlement attaqué et facturés en Europe, en Amérique du Nord et au Japon, il suffit de constater que les premiers restent en moyenne plus bas que les seconds et que cet écart devient encore plus important en comparant ces prix à base égale en termes de TVA. En effet, force est de constater que, en prenant en compte le prix moyen indiqué par la requérante hors TVA de 17 % qui correspond au taux appliqué en Chine, celui-ci rentre dans la fourchette des prix indiquée par les institutions pour le marché chinois dans le règlement attaqué. De plus, ces prix ne concernant pas la même qualité, une telle comparaison demeure approximative.

92      Deuxièmement, les constatations énoncées au point précédent sont valables aussi en ce qui concerne la comparaison des prix payés par la requérante avec ceux facturés sur d’autres marchés, notamment celui de l’Asie de l’Est. En outre, même en admettant que l’écart avec ces prix soit un peu moins important que celui concernant les marchés de l’Europe, de l’Amérique du Nord et du Japon, il convient de constater que la requérante n’a pas fourni davantage d’éléments permettant de calculer une moyenne des prix pour le fil machine en acier pour emboutissage, TVA incluse, sur tous les marchés internationaux confondus, permettant une comparaison correcte avec les prix qu’elle indique avoir payés elle-même.

93      Par ailleurs, la requérante soutient qu’elle a correctement comparé ses prix TVA incluse avec les prix hors TVA sur les autres marchés, puisque la TVA payée sur les achats de matières premières constituerait un coût qui ne serait pas entièrement remboursé ni récupérable. Or, cet argument ne saurait être pris en compte par le Tribunal, puisque la requérante n’a fourni aucun élément de preuve à cet égard ni aucun calcul des prix résultant d’une telle particularité.

94      Enfin, la requérante soutient que les institutions n’ont pas pris en compte tous les facteurs qui pourraient expliquer les différences de prix, tels que les différences de qualité. Il convient de rappeler que, à la suite de l’examen de ces arguments, les institutions ont considéré que, même si des différences de qualité existaient, elles ne suffisaient pas à expliquer « l’énorme écart de prix constaté entre des catégories similaires d’acier » utilisées respectivement par les producteurs-exportateurs chinois et les producteurs communautaires et indiens. De plus, elles ont constaté que la différence entre les prix du fil machine en acier facturés en Chine et ceux pratiqués sur d’autres marchés « [était] très importante pour le même type de fil machine en acier » (considérant 68 du règlement attaqué). Force est de constater que la requérante n’apporte pas d’éléments supplémentaires à l’appui de son argumentation qui pourraient remettre en cause les conclusions des institutions. Notamment, le tableau qu’elle produit à cet égard ne se réfère pas aux différents types de matières premières, mais à ceux du produit concerné.

95      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que les institutions ont pu conclure que les prix que la requérante payait pour le principal intrant, le fil machine en acier, ne reflétaient pas en grande partie les valeurs du marché.

96      Dès lors, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’obligation de diligence et du principe de bonne administration

97      La requérante soutient que, en s’abstenant d’examiner avec soin et impartialité tous les arguments et preuves pertinents qui leur ont été soumis quant à la situation spécifique de la requérante, les institutions ont violé leurs obligations de diligence et le principe de bonne administration.

98      Il ressort du dossier que, par courriers du 16 mai et du 4 septembre 2008, la requérante a contesté les conclusions que la Commission a exposées dans la décision relative au statut de SEM et lui a transmis des données concernant ses prix pour les matières premières. Il convient en outre de relever que, si la Commission n’a pas contesté l’exactitude de ces données, elle a néanmoins considéré que ces dernières ne remettaient pas en cause ses conclusions quant au statut de SEM.

99      À cet égard, le Tribunal a déjà jugé qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base que les institutions sont tenues, dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, de conduire un examen au cas par cas, la Chine ne pouvant pas encore être considérée comme un pays connaissant une économie de marché. La valeur normale d’un produit provenant de Chine ne peut donc être déterminée conformément aux règles applicables aux pays connaissant une économie de marché que « s’il est établi […] que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs » (voir, en ce sens, arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 76 supra, point 52).

100    Ainsi qu’il a été rappelé aux points 75 à 77 ci-dessus, la jurisprudence a, certes, souligné l’importance de l’obligation, pour l’institution compétente qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Toutefois, il convient également de prendre en considération la circonstance que la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du statut reconnu aux entreprises évoluant en économie de marché.

101    Dans ce cadre, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle les institutions n’auraient fait aucune référence aux informations qu’elle a transmises pendant l’enquête et elles n’auraient effectué aucun examen individuel de sa situation spécifique.

102    En effet, il ressort du dossier que, tout d’abord, au point 3.1 de la décision relative au statut de SEM qui concerne la requérante, la Commission a examiné les prix auxquels cette dernière achetait le fil en acier auprès des différents fournisseurs qui, pour la plupart, étaient basés dans la même région. Il en résultait, selon la Commission, que même si ces prix correspondaient à ceux facturés aux autres producteurs-exportateurs ou groupes sous enquête, ils ne reflétaient pas les prix sur les marchés internationaux. Elle a ajouté que, en effet, le prix moyen du fil en acier facturé sur le marché intérieur chinois était sensiblement inférieur au prix moyen pratiqué sur d’autres marchés, tels que l’Union et l’Inde. Ensuite, dans le document d’information relatif à la non-institution de mesures antidumping provisoires du 4 août 2008, la Commission a pris note de ce que « [l]es sociétés qui se sont vu refuser le statut de SEM pour des raisons fondées exclusivement, ou notamment, sur le premier critère, ou pour lesquelles le rejet de ce statut est envisagé exclusivement, ou notamment, pour ces motifs, […] font valoir […] que, dans leur cas particulier, [l]es prix [des intrant(s) concerné(s)] ne sont nullement faussés ». Selon la Commission, ces allégations devaient faire l’objet d’un examen complémentaire.

103    De plus, dans le document portant des informations spécifiques en réponse aux observations de la requérante sur les conclusions préliminaires de l’enquête et accompagnant le document d’information finale, en date du 3 novembre 2008, la Commission a considéré que le prix d’achat moyen que la requérante indique avoir payé « demeure très en deçà des prix moyens pratiqués sur d’autres marchés internationaux » (voir points 21 et 87 ci-dessus). À ce propos, elle a invité la requérante à se référer au document d’information finale exposant plus en détail les raisons du refus du statut de SEM. La requérante reconnaît elle‑même que cette référence expresse démontre clairement que la décision de la Commission de rejeter sa demande de statut de SEM est basée sur les données relatives au prix d’achat fournies par elle et que ces informations constituaient un élément de preuve pertinent soumis aux institutions.

104    Enfin, aux considérants 66 et 68 du règlement attaqué, qui reprennent les conclusions exposées dans le document d’information finale du 3 novembre 2008, le Conseil a affirmé que la conclusion sur les coûts des principaux intrants « s’appliqu[ait] aussi bien au secteur dans son ensemble qu’individuellement à toutes les sociétés de l’échantillon qui [avaient] fait l’objet de l’enquête » et que, concernant plus particulièrement les éventuelles différences de qualité, les données concernant les coûts « obtenues et vérifiées au cours de l’enquête auprès des producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon et auprès des producteurs communautaires correspond[ai]ent aux données publiées » concernant les prix intérieurs chinois de fil machine en acier (voir point 25 ci-dessus).

105    De la même manière, ne saurait être retenue l’argumentation de la requérante selon laquelle les institutions se seraient fondées uniquement sur les données relatives aux prix pratiqués sur les marchés européen, japonais et nord-américain, en excluant, notamment, et sans justification, le marché des importations de l’Asie de l’Est, et selon laquelle elles n’auraient pas pris en compte tous les facteurs qui pourraient expliquer les différences des prix, tels que les différences de qualité.

106    En effet, il ressort du considérant 60 du document d’information finale ainsi que du considérant 68 du règlement attaqué (voir points 25, 94 et 104 ci-dessus) que les institutions se sont prononcées sur les éventuelles différences de qualité évoquées par certains producteurs-exportateurs. Quant aux prix des matières premières sur d’autres marchés internationaux, ils ne représentaient pas une base valable de comparaison avec les prix que la requérante indiquait avoir payés, puisqu’ils étaient issus des données publiques et étaient, comme tels, indiqués avec la TVA incluse et pour une autre catégorie de fil machine en acier. Par conséquent, les institutions n’étaient pas obligées de s’exprimer à leur égard.

107    En toute hypothèse, il ne saurait être fait grief aux institutions de s’être fondées sur les informations en leur possession. Sur la base des conclusions de la Commission, l’obligation principale était celle impartie à la requérante de fournir des éléments démontrant que les conditions permettant l’octroi de ce statut étaient remplies. Or, ainsi qu’il ressort de l’analyse des arguments avancés dans le cadre de la première branche du présent moyen, la requérante n’a pas produit de preuves suffisantes à cette fin.

108    Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que les institutions ont examiné avec soin et impartialité toutes les preuves pertinentes qui leur ont été soumises par la requérante.

109    Dès lors, il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen et, par conséquent, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base

110    Ce moyen est composé de trois branches, tirées, respectivement, d’une violation de l’obligation d’apprécier la demande du statut de SEM au niveau spécifique de chaque entreprise, de la violation du principe de non-imposition d’une charge de la preuve déraisonnable et de la pertinence des ajustements au titre de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009).

–       Sur la première branche, tirée d’une violation de l’obligation d’apprécier la demande du statut de SEM au niveau spécifique de chaque entreprise

111    Certains arguments tirés de l’obligation d’apprécier la demande du statut de SEM au niveau spécifique de chaque entreprise ont déjà été analysés dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen. Le Tribunal confirme que les conditions pour l’obtention du statut de SEM doivent être appréciées individuellement pour chaque producteur-exportateur l’ayant demandé et que, dans le cas d’espèce, une telle appréciation a bien été effectuée par les institutions. Dans la mesure où les conclusions ainsi développées répondent aussi partiellement à la présente branche, il convient de renvoyer aux points 97 à 108 du présent arrêt.

112    En outre, la requérante fait valoir que les arguments concernant l’ensemble d’un pays ou d’une branche industrielle ne peuvent être invoqués pour déterminer l’octroi éventuel du statut de SEM. Ainsi, la conclusion selon laquelle les prix des matières premières seraient faussés en raison de politiques gouvernementales menées à l’échelle nationale qui affecteraient le marché en amont ne saurait lui être opposée.

113    Cette argumentation ne saurait prospérer.

114    Dans la mesure où l’un des critères énoncés par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base consiste en ce que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché », il découle nécessairement d’une interprétation littérale du règlement de base que la référence au « marché » dans le cadre spécifique de ce critère ne peut se comprendre que par référence au marché des intrants et non au marché du produit concerné.

115    Il est, dès lors, tout à fait conforme à l’intention du législateur que les institutions vérifient la manière dont les prix des principaux intrants sont fixés sur le marché national. En effet, un producteur chinois dont la valeur des principaux intrants est artificiellement diminuée en raison d’une intervention étatique n’est pas dans une situation analogue à celle d’un producteur opérant dans un pays connaissant une économie de marché.

116    En outre, il convient de relever qu’il résulte de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base que la méthode de détermination de la valeur normale diffère selon que les producteurs intéressés établissent ou non qu’ils satisfont aux critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement et, partant, que les conditions d’une économie de marché prévalent à leur égard (arrêt Nanjing Metalink International/Conseil, point 55 supra, point 40). Ainsi, les producteurs doivent prouver qu’ils sont dans une situation analogue à celle applicable aux pays connaissant une économie de marché, ce qui justifie que la valeur normale du produit soit fixée de la même manière qu’à l’égard de ceux-ci.

117    Dans ce cadre, les institutions peuvent prendre en compte des considérations macroéconomiques pouvant expliquer un écart entre les prix acquittés pour les principaux intrants par la société demandant le statut de SEM et ceux acquittés sur les marchés non faussés. Toutefois, il convient de préciser que, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, le refus du statut de SEM ne pourrait pas être fondé uniquement sur ces considérations macroéconomiques, mais sur la constatation, telle que celle réalisée en l’espèce, que les coûts des principaux intrants de la société en question ne reflètent pas les valeurs du marché.

118    À cet égard, la requérante fait valoir que, dans la pratique constante des institutions, les éléments qui ne sont pas propres à une entreprise donnée, tels que les politiques gouvernementales nationales qui affectent le marché en amont, n’ont jamais été évoqués pour rejeter une demande de statut de SEM. Les procédures antérieures citées montreraient clairement que les distorsions de prix des intrants, qu’elles résultent ou non de l’intervention de l’État, n’ont jamais constitué un obstacle à l’octroi du statut de SEM dès lors qu’il n’y avait pas d’intervention directe de l’État dans les décisions commerciales de la société demandant le statut de SEM.      

119    Cette argumentation ne saurait être accueillie. La pratique antérieure des institutions ne saurait avoir d’incidence sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base. Il ressort de cette disposition que les institutions doivent refuser le statut de SEM au producteur-exportateur n’ayant pas démontré que les coûts des ses principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché (voir point 114 ci-dessus). À supposer même que, dans les procédures antérieures, les institutions aient pu privilégier une autre interprétation de la disposition en cause, cela ne pourrait pas, de facto, priver d’effet une condition expressément prévue par le règlement de base.

120    Par ailleurs, étant donné que les conditions pour l’obtention du statut de SEM doivent être appréciées individuellement pour chaque producteur-exportateur l’ayant demandé, la requérante ne saurait se prévaloir du fait que, dans la pratique antérieure de l’examen des demandes du statut de SEM, les institutions n’avaient pas retenu certaines politiques gouvernementales nationales comme facteur déterminant pour statuer sur le statut de SEM.

121    Enfin, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la conclusion du Conseil selon laquelle les prix payés par elle pour le principal intrant ne reflétaient pas, en grande partie, les valeurs du marché n’est en rien incompatible avec la constatation de la Commission, dans la décision relative au statut de SEM, selon laquelle «[a]ucune intervention de l’État n’a été constatée dans la fixation des prix de vente ou des quantités par la société » et « il n’existe pas d’intervention directe de l’État au niveau de [la requérante] ». Il s’agit, en effet, de deux conditions distinctes pour l’obtention du statut de SEM, qui doivent être examinées séparément.

122    Dès lors, il y a lieu de rejeter la première branche du présent moyen.

–       Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de non-imposition d’une charge de la preuve déraisonnable

123    La requérante fait valoir que l’interprétation faite par le Conseil de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base lui imposait de démontrer non seulement qu’elle exerçait ses activités dans les conditions du marché, mais également l’absence d’intervention de l’État dans l’industrie en amont qui approvisionnait ses fournisseurs. Une telle charge de la preuve serait déraisonnable.

124    Selon la jurisprudence, il découle du principe de bonne administration qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union que la charge de la preuve que les institutions imposent aux producteurs-exportateurs demandant le statut de SEM ne peut pas être déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié au Recueil, point 77).

125    En l’espèce, il convient de rappeler qu’il incombait à la requérante d’apporter les éléments de preuve démontrant que les coûts de ses principaux intrants reflétaient les valeurs de marché et, éventuellement, à la suite de la décision relative au statut de SEM, que les différences constatées par la Commission entre les prix des matières premières étaient dues à des raisons autres que l’intervention de l’État. Dans ce cadre, il n’était pas nécessaire pour la requérante de démontrer l’absence d’intervention de l’État dans l’industrie en amont, mais uniquement que le niveau bas des prix d’achat des matières premières était justifié.

126    Une telle charge de la preuve ne saurait être considérée comme déraisonnable.

127    Par ailleurs, les faits qui, selon la Commission, ne permettaient pas d’octroyer le statut de SEM à la requérante étaient clairement identifiés dans la décision relative au statut de SEM. Le fait que la requérante les ait, par la suite, contestés, confirme qu’elle a pu valablement les identifier. En outre, par courrier du 3 novembre 2008, la Commission a répondu à la requérante que le prix d’achat moyen que la requérante indiquait avoir payé demeurait très en deçà des prix moyens pratiqués sur d’autres marchés internationaux. Dès lors, la requérante ne saurait affirmer que la Commission n’a pas respecté ses obligations découlant de la jurisprudence rappelé au point 124 ci-dessus.

128    Or, premièrement, quant aux prix payés par la requérante pour la matière première, il ressort des considérations qui précèdent que les éléments qu’elle a présentés n’étaient pas suffisants pour prouver que cette condition était remplie en ce qui la concerne. Deuxièmement, en ce qui concerne l’intervention de l’État, il ressort du dossier que la requérante s’est limitée à affirmer, de manière générale et sans éléments à l’appui, que les prix prétendument inférieurs des matières premières en Chine ne résultaient pas nécessairement de subventions, mais auraient pu être imputables à un certain nombre de facteurs tels que l’inefficacité des producteurs d’acier de l’Union et de l’Inde, la capacité excédentaire en Chine qui entraînerait des prix plus bas ainsi que les exigences en matière d’environnement plus coûteuses à respecter au sein de l’Union. Selon elle, aucun de ces facteurs n’aurait été examiné par la Commission. Toutefois, de telles affirmations non étayées ne sauraient constituer des éléments de preuve suffisants dans le cadre d’une demande de statut de SEM. Troisièmement, il convient de rappeler qu’il ressort du considérant 68 du règlement attaqué que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’affirmation selon laquelle les différences des prix pourraient s’expliquer par des différences de qualité a été examinée par les institutions, qui ont toutefois estimé qu’elles ne suffisaient pas à expliquer les différences des prix constatées (voir point 94 ci-dessus).

129    Il s’ensuit que la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.

–       Sur la troisième branche, tirée de la pertinence des ajustements au titre de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base

130    La requérante fait valoir que l’interprétation faite par le Conseil de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et le rejet subséquent de la demande du statut de SEM de la requérante au motif que les prix du fil machine en acier sur le marché chinois ne reflètent pas les valeurs sur les marchés internationaux rend superflu l’article 2, paragraphe 5, du même règlement. Cela serait, selon elle, contraire au principe de l’effet utile des dispositions du traité.

131    Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec. p. I‑4983, point 41, et la jurisprudence citée).

132    Par ailleurs, dès lors que les interprétations littérale et historique d’un règlement, et en particulier de l’une de ses dispositions, ne permettent pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu d’interpréter la réglementation en cause en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 168, et du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 148).

133    Enfin, il y a également lieu de rappeler que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec. p. I‑2549, point 21).

134    L’article 2, paragraphe 5, du règlement de base a été modifié par le règlement (CE) n° 1972/2002 du Conseil, du 5 novembre 2002 (JO L 305, p. 1), qui a ajouté la phrase suivante après la première phrase :

« Si les frais liés à la production et à la vente d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la partie concernée, ils sont ajustés ou déterminés sur la base des frais d’autres producteurs ou exportateurs du même pays, ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs. »

135    Il convient de préciser que, par le même règlement, le législateur a aussi modifié l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1225/2009) qui régit le calcul de la valeur normale, notamment, lorsque les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable, du fait d’une situation particulière du marché. Ainsi, à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, la phrase suivante a été ajoutée : « Il peut être considéré qu’il existe une situation particulière du marché pour le produit concerné au sens de la phrase précédente, notamment lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux. »

136    En effet, les deux modifications sont liées, ainsi qu’il ressort du considérant 4 du règlement n° 1972/2002 qui est rédigé de la manière suivante :

« Il convient de fournir des indications sur la marche à suivre si, conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement [de base], les registres ne tiennent pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans des cas où, du fait d’une situation particulière du marché, les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable […] »

137    Or, ces modifications, qui sont intervenues postérieurement à celle apportée par le règlement (CE) n° 905/98 du Conseil, du 27 avril 1998, portant modification du règlement de base (JO L 128, p. 18), qui a introduit la disposition de l’article 2, paragraphe 7, sous c), dans le règlement de base, n’ont en rien modifié cette dernière disposition.

138    Si l’article 2, paragraphe 5, et paragraphe 7, sous c), du règlement de base fait partie des dispositions consacrées à la détermination de la valeur normale, il régit cependant deux questions différentes devant être traitées en deux phases distinctes dans le cadre de cette détermination. En effet, l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base vise le calcul de la valeur normale d’une société exportatrice opérant en économie de marché, alors que l’article 2, paragraphe 7, sous c), du même règlement prévoit les conditions devant être remplies par une société exportatrice basée, notamment, en Chine afin que l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base (devenu article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement n° 1225/2009) puisse lui être appliqué.

139    Ainsi, l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base ne saurait être compris comme donnant aux institutions la possibilité d’ignorer une condition pour l’obtention du statut de SEM fixée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du même règlement. L’article 2, paragraphes 1 à 6 du règlement de base régit la détermination de la valeur normale concernant les sociétés opérant en économie de marché. Dans ce cadre, l’article 2, paragraphe 5, du même règlement régit, notamment, le calcul des frais dans le cas où, du fait d’une situation particulière du marché, ceux-ci ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la société.

140    Par conséquent, la disposition de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, dans sa partie concernant les coûts des principaux intrants, ne rend en rien superflue celle contenue dans l’article 2, paragraphe 5, du même règlement, tel que modifié.

141    Aucun autre argument de la requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.

142    Premièrement, la requérante fait valoir que la possibilité offerte par l’article 2, paragraphes 3 et 5, du règlement de base d’ajuster les coûts liés à la production avait souvent été utilisée par les institutions lorsqu’elles avaient estimé que certains coûts de production ne correspondaient pas aux valeurs sur les marchés internationaux. Or, en ce qui concerne les ajustements effectués dans le cadre des dossiers relatifs aux importations en provenance des pays ayant une économie de marché, ceux-ci ne sont pas pertinents dans le cas d’espèce. Quant aux ajustements de frais des sociétés chinoises auxquelles le statut de SEM avait été octroyé, il suffit de renvoyer au point 119 ci-dessus.

143    Deuxièmement, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ne ressort pas de la jurisprudence du Tribunal qu’une société qui demande le statut de SEM devrait l’obtenir si l’ajustement des coûts de production effectué en application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base rend possible l’utilisation de données propres à une société pour déterminer la valeur normale.

144    Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du troisième moyen et, par conséquent, le troisième moyen dans son ensemble.

145    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil et l’EIFI, conformément aux conclusions de ces derniers.

147    La Commission supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ningbo Yonghong Fasteners Co. Ltd supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne et par l’European Industrial Fasteners Institute AISBL.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.