Language of document : ECLI:EU:T:2012:146

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

23 mars 2012 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑266/08 P‑DEP,

Petrus Kerstens, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Me C. Mourato, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et G. Berscheid, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens présentée à la suite de l’arrêt du Tribunal du 2 juillet 2010, Kerstens/Commission (T‑266/08 P, non encore publié au Recueil), ainsi qu’une demande de réparation des dommages subis,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, O. Czúcz et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2008, le requérant, M. Petrus Kerstens, a introduit, conformément à l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un pourvoi visant à l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique du 8 mai 2008, Kerstens/Commission (F‑119/06, non encore publié au Recueil), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes du 8 décembre 2005, portant modification de l’organigramme de l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels, de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 6 juillet 2006 rejetant sa réclamation dirigée contre la décision de la Commission du 8 décembre 2005 ainsi que de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 14 juillet 2006 portant changement de son affectation et, d’autre part, au versement d’une indemnité en réparation du préjudice prétendument subi.

2        Par arrêt du 2 juillet 2010, Kerstens/Commission (T‑266/08 P, non encore publié au Recueil), le Tribunal a rejeté le pourvoi et condamné le requérant à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de cette procédure.

3        Par lettre du 5 juillet 2010, la Commission a indiqué au requérant que le montant des dépens exposés dans le cadre de l’affaire T‑266/08 P s’élevait à 260 euros, cette somme correspondant à des frais administratifs divers, tels que des frais de photocopie et des frais de mission. Une note de débit reprenant ces informations a, ensuite, été envoyée le 20 août 2010.

4        Par note du 8 septembre 2010, le requérant s’est plaint auprès de la Commission de plusieurs aspects concernant la note de débit, dont l’authenticité de ce document et le caractère forfaitaire de la somme réclamée au titre des dépens. Le secrétariat général de la Commission lui a répondu le 27 septembre 2010, confirmant tant la régularité de la note de débit que le bien-fondé du montant demandé.

5        Considérant les réponses apportées comme insuffisantes, le requérant a demandé des compléments d’information par note du 28 septembre 2010. Le 28 octobre 2010, la Commission l’a mis en demeure de payer la somme réclamée. Cette mise en demeure, accompagnée d’une demande de paiement des intérêts de retard, a été renouvelée les 24 février et 1er avril 2011.

6        Le 5 avril 2011, la Commission a rejeté la réclamation introduite par le requérant le 20 décembre 2010, contre les notes de la Commission du 27 septembre et 28 octobre 2010, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

7        Par note du 14 avril 2011, le requérant a réitéré ses demandes d’information auprès de la Commission.

8        Le 29 avril 2011, le requérant a introduit une nouvelle réclamation auprès de la Commission, en raison, selon lui, du suivi inadéquat mené par l’administration à propos de sa réclamation introduite le 20 décembre 2010.

9        Le 19 mai 2011, la Commission a envoyé une quatrième mise en demeure au requérant, l’informant qu’il avait été procédé au recouvrement d’un certain montant provenant du décompte d’une mission de service effectuée par le requérant.

10      Aucun accord n’étant intervenu entre les parties sur les dépens récupérables, le requérant a introduit, par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 juin 2011 et en application de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la présente demande de taxation des dépens par laquelle il a, en substance, invité le Tribunal à :

–        fixer le montant des dépens qu’il doit payer à la Commission dans l’affaire T-266/08 P à 109,42 euros ;

–        le dispenser du paiement des intérêts de retard ;

–        reconnaître l’existence d’un dommage moral à son égard, évalué à 1 euro symbolique ;

–        reconnaître l’existence d’un dommage matériel à son égard, évalué à la somme qu’il devrait payer à la Commission au titre des dépens récupérables dans l’affaire T-266/08 P.

11      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 19 août 2011, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer le montant des dépens récupérables par elle dans l’affaire T‑266/08 P à 260 euros ainsi que de rejeter toutes les demandes supplémentaires du requérant comme irrecevables, sinon comme non fondées.

 En droit

12      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

13      Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnances du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 13, et du 10 février 2009, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05 DEP, non publiée au Recueil, point 27).

14      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (ordonnances Airtours/Commission, précitée, point 18, et Centeno Mediavilla e.a./Commission, précitée, point 28).

15      En outre, le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du Tribunal du 31 mars 2011, Tetra Laval/Commission, T‑5/02 DEP et T‑80/02 DEP, non publiée au Recueil, point 54).

16      C’est en fonction de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables que le requérant doit payer à la Commission.

 Sur le caractère forfaitaire des frais d’un agent de la Commission

17      Le requérant conteste le caractère forfaitaire de la somme réclamée par la Commission.

18      À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence bien établie que, ainsi qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, les institutions de l’Union sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre alors dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure (voir ordonnances du Tribunal du 24 mars 1998, International Procurement Services/Commission, T‑175/94 DEP, Rec. p. II‑601, point 9, et la jurisprudence citée, et du 11 décembre 2006, APOL/Commission, T‑61/00 DEP, non publiée au Recueil, point 14).

19      En revanche, lorsqu’elles estiment plus conforme à leurs intérêts de se faire représenter dans un litige devant les juridictions de l’Union par des membres de leur personnel, la situation est différente. Ces membres du personnel, soumis à une réglementation qui régit leur situation pécuniaire, ont pour mission de conseiller et d’assister l’institution dont ils relèvent et d’exécuter les tâches qui leur sont confiées dans le domaine de ses activités, ce qui comprend, avec la représentation devant les juridictions de l’Union, la défense des intérêts de l’institution qu’ils représentent. L’exécution de l’ensemble de ces tâches trouve sa contrepartie dans la rémunération qui leur est allouée, de sorte que les frais afférents à l’activité des membres du personnel ne peuvent être considérés comme des frais exposés aux fins de la procédure et dès lors récupérables (ordonnance de la Cour du 7 septembre 1999, Commission/Sveriges Betodlares et Henrikson, C‑409/96 P‑DEP, Rec. p. I‑4939, point 12).

20      Ainsi, en dehors des frais détachables de l’activité interne d’une institution, tels que les frais de déplacement et de séjour nécessités par la procédure, la rémunération d’un fonctionnaire habilité à représenter un État ou une institution de l’Union devant les juridictions de l’Union ne rentre pas dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure (ordonnance Commission/Sveriges Betodlares et Henrikson, précitée, point 14).

21      Il ressort donc de la jurisprudence que seuls les frais détachables de l’activité interne d’une institution, tels que les frais de déplacement et de séjour nécessités par la procédure, entrent dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure. Par conséquent, ces frais ne peuvent avoir un caractère forfaitaire. En effet, un tel caractère conduirait à permettre à la Commission d’y englober des frais internes, tels que des frais de secrétariat ou des frais administratifs, qui ne peuvent faire l’objet de remboursement au titre des dépens récupérables (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 26 novembre 2004, BEI/De Nicola, C‑198/02 P(R)‑DEP, non publiée au Recueil, point 20).

22      En outre, contrairement à l’analyse qu’en donne la Commission dans ses observations sur la présente demande, l’ordonnance du Tribunal du 22 mars 2000, Sinochem/Conseil (T‑97/95 DEP II, Rec. p. II‑1715), ne reconnaît pas le caractère forfaitaire desdits frais. En effet, le fait que le Tribunal ne se fonde pas sur un calcul précis des frais supportés par le Conseil dans cette affaire résulte de son pouvoir d’appréciation des dépens récupérables au regard des critères rappelés au point 14 ci-dessus. Cependant, il ne saurait en être déduit la possibilité pour une partie de ne pas fournir d’indications précises quant à la justification de ces frais, ces dernières étant prises en considération par le juge dans l’évaluation de leur montant (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 24 octobre 2011, Marcuccio/Commission, T‑176/04 DEP II, non publiée au Recueil, point 31).

 Sur le montant des dépens récupérables

23      Afin d’apprécier le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur (voir, en ce sens, ordonnances de la Cour du 17 février 2004, DAI/ARAP e.a., C‑321/99 P‑DEP, non publiée au Recueil, point 23, et du 20 mai 2010, Tetra Laval/Commission, C‑12/03 P‑DEP et C‑13/03 P‑DEP, non publiée au Recueil, point 65). Comme il a été rappelé ci-dessus, la Commission est soumise aux mêmes règles de preuve que celles qui s’appliquent à toutes autres parties au litige quant à la réalité de leurs dépens.

24      Au titre des dépens récupérables exposés dans l’affaire T‑266/08 P, la Commission réclame un montant de 260 euros. Cependant, elle reconnaît que cette somme est l’application d’un forfait et n’a fourni aucun document détaillant les frais réellement exposés.

25      Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (voir ordonnance Marcuccio/Commission, précitée, point 27, et la jurisprudence citée).

26      En l’espèce, le requérant a fourni un certain nombre de documents aux fins d’évaluation stricte des frais possiblement engagés par la Commission, au titre du déplacement de son agent ainsi que de la réalisation de photocopies, à hauteur de 109,42 euros. La Commission n’émet aucune observation quant à ces informations.

27      Dès lors, au regard des circonstances particulières de l’espèce, le Tribunal estime que les documents présentés par le requérant vont dans le sens d’une évaluation stricte des dépens de la Commission. Il est donc approprié d’en fixer le montant à 109,42 euros.

 Sur la demande de réparation des dommag es moral et matériel allégués

28      Le requérant considère avoir subi un dommage moral du fait du manque de sollicitude de la Commission et de voies de fait commises par cette dernière. Il évalue ce préjudice à 1 euro symbolique.

29      Il estime, en outre, avoir subi un dommage matériel en raison du paiement des honoraires et frais de son avocat, dans la mesure où il a été contraint d’introduire la présente demande de taxation des dépens. Il évalue ce préjudice en équité à un montant équivalant à celui dû à la Commission au titre des dépens récupérables.

30      Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la réalité des dommages allégués, il suffit de relever que, comme la Commission le souligne à juste titre, toute demande de dommages-intérêts dans le cadre de la procédure en taxation des dépens est irrecevable. En effet, une telle demande constitue un détournement de procédure dans la mesure où la procédure prévue à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure permet seulement au Tribunal de statuer sur les dépens récupérables, définis par l’article 91 de ce même règlement. Or, il convient de constater que les dommages allégués n’entrent pas dans la notion de frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure.

31      En outre, une demande de dommages-intérêts est soumise à des procédures spécifiques. En l’espèce, le requérant aurait dû suivre les procédures prévues aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union.

32      Dès lors, les demandes de réparation du dommage moral et du dommage matériel allégués doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur les dépens engagés au titre de la procédure de taxation des dépens

33      À titre surabondant, et contrairement à ce qu’envisage la Commission, la demande formulée au titre de la réparation d’un éventuel dommage matériel ne saurait se comprendre comme une demande de condamnation de la Commission aux dépens exposés par le requérant dans le cadre de la présente procédure. En effet, il convient d’observer que le requérant ne demande le remboursement des honoraires et des frais de son avocat relatifs à la présente procédure qu’au titre de la compensation du dommage matériel allégué qu’il évalue en équité à un montant équivalant à celui dû à la Commission au titre des dépens récupérables.

34      Il est vrai, cependant, que l’attitude de la Commission n’a pas été entièrement irréprochable dans le déclenchement de l’introduction de la présente demande. En effet, le requérant a, à plusieurs reprises, demandé des précisions quant à la somme réclamée par la Commission sans cependant les obtenir. Dans la situation inverse, il ne fait pas de doute que la Commission ne se serait pas acquittée de la somme réclamée sans obtenir d’autre précision que le montant forfaitaire qu’un demandeur lui aurait réclamé. En outre, il ressort de la présente procédure qu’en l’absence d’indications précises, il ne peut être fait droit au recouvrement de la totalité de la somme réclamée par la Commission.

35      Néanmoins, il convient de relever que, en tout état de cause, d’une part, la preuve documentaire soutenant une éventuelle demande de condamnation de la Commission aux dépens exposés par le requérant dans le cadre de la présente procédure fait défaut et, d’autre part, au regard des éléments du dossier, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de réduire plus encore le montant des dépens récupérables.

 Sur les intérêts de retard

36      Dans sa requête, le requérant a abordé la question des intérêts de retard portant sur le montant demandé au titre des dépens dans l’affaire T‑266/08 P.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le droit de la Commission au remboursement de la somme fixée à 109,42 euros au titre des dépens dans l’affaire T‑266/08 P ayant son fondement juridique dans la présente ordonnance, les intérêts légaux ne peuvent courir qu’à compter du prononcé de ladite ordonnance (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 8 juillet 2004, De Nicola/BEI, T‑7/98 DEP, T‑208/98 DEP et T‑109/99 DEP, RecFP p. I‑A‑219 et II‑973, point 45, et du 24 juin 2010, Gogos/Commission, T‑66/04 DEP, non publiée au Recueil, point 35, et la jurisprudence citée).

38      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation de l’intégralité des dépens récupérables par la Commission en fixant leur montant à 109,42 euros.

39      Dès lors que ce montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à ce jour, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais exposés par les parties aux fins de la présente procédure de taxation des dépens (voir ordonnance du Tribunal du 2 mars 2009, Fries Guggenheim/Cedefop, T‑373/04 DEP, non publiée au Recueil, point 32, et la jurisprudence citée).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par M. Petrus Kerstens à la Commission européenne au titre des dépens récupérables dans l’affaire T‑266/08 P est fixé à 109,42 euros.

2)      Ladite somme porte intérêts de retard de la date de signification de la présente ordonnance à la date du paiement.

3)      Toutes les autres demandes sont rejetées.

Fait à Luxembourg, le 23 mars 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.