Language of document : ECLI:EU:T:2021:633

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale AGATE – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑592/20,

Univers Agro EOOD, établie à Sofia (Bulgarie), représentée par Me C. Hernández-Martí Pérez, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Shandong Hengfeng Rubber & Plastic Co. Ltd, établie à Dongying (Chine), représentée par Me J. Erdozain López, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 27 juillet 2020 (affaire R 725/2019‑4), relative à une procédure de nullité entre Shandong Hengfeng Rubber & Plastic et Univers Agro,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 10 décembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23 décembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification, le 18 janvier 2021, de la clôture de la phase écrite de la procédure,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021,

ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 mars 2017, la requérante, Univers Agro Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 54, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal AGATE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « bandages pour automobiles ».

4        La marque en question a été enregistrée le 21 juin 2017 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 28 septembre 2017, l’intervenante, Shandong Hengfeng Rubber & Plastic Co. Ltd, titulaire d’une marque figurative chinoise comprenant l’élément verbal « Agate » (ci-après la « marque chinoise Agate »), représentée ci-après et enregistrée en 2009, pour des produits relevant de la classe 12 et désignant un ensemble de bandages, a présenté à l’EUIPOune demande en nullité de cette marque.

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6        La demande en question était fondée sur l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

7        Par ailleurs, l’intervenante invoquait, à l’appui de sa demande, l’article 60, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, lu conjointement avec son article 8, paragraphe 4, sur la base de la marque chinoise Agate utilisée dans la vie des affaires en Bulgarie pour des bandages relevant de la classe 12.

8        Le 21 février 2019, la division d’annulation a accueilli la demande de l’intervenante sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, sans examiner la seconde cause de nullité invoquée, a déclaré la nullité de la marque contestée. En effet, la division d’annulation a considéré que l’intervenante était parvenue à démontrer que la marque contestée avait été déposée de mauvaise foi, au sens des dispositions susmentionnées, dès lors qu’il ressortait du dossier que cette marque avait été déposée avec l’objectif de tirer profit du manque de protection formelle de la marque de l’intervenante en Bulgarie, en accaparant ses clients et la part du marché créée par le partenaire commercial et distributeur de l’intervenante, Omnifak Ltd.

9        Le 1er avril 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 27 juillet 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a rejeté le recours de la requérante et a confirmé la décision de la division d’annulation. En particulier, elle a relevé, d’une part, que la marque contestée et le signe utilisé par l’intervenante étaient identiques, malgré le caractère figuratif dudit signe et, d’autre part, que les produits visés par ces signes étaient à tout le moins fortement similaires. La quatrième chambre de recours a, par la suite, considéré que, au vu des éléments du dossier et de la chronologie des événements telle qu’elle ressortait de ceux-ci, il était pratiquement impossible, d’une part, que la requérante n’ait pas eu connaissance du fait que l’intervenante utilisait la marque chinoise Agate par l’intermédiaire de son distributeur Omnifak en Bulgarie et, d’autre part, qu’elle ait eu l’intention de faire « un usage honnête [de la marque contestée] dans le commerce et non de bloquer l’accès au marché bulgare à l’intervenante et à son distributeur et à récupérer leur part de marché ».

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer la marque contestée valide ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité et

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À titre liminaire, il convient de constater que, par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de « déclarer [la marque contestée] valide ». Au point 4 de la requête, celle-ci précise qu’elle « conclut à ce qu’il plaise au Tribunal » d’« annuler la décision [attaquée] ayant rejeté son recours […] et [de] maintenir l’enregistrement de la marque [contestée] ».

15      Il suffit, à cet égard, de rappeler, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, que le Tribunal n’a compétence, en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, que pour annuler ou réformer les décisions des chambres de recours. Ainsi, dans la mesure où, par son deuxième chef de conclusions, la requérante vise à obtenir un jugement déclaratoire, le Tribunal n’est pas compétent pour en connaître. Partant, il y a lieu de rejeter ledit chef de conclusions pour cause d’incompétence [voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2017, Aydin/EUIPO – Kaporal Groupe (ROYAL & CAPORAL), T‑95/16, non publié, EU:T:2017:388, point 17 et jurisprudence citée].

16      Par ailleurs, dans l’hypothèse où, par ce deuxième chef de conclusions, la requérante entend demander la réformation de la décision attaquée conformément à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, et, partant, le rejet de la demande en nullité litigieuse, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO que, selon la jurisprudence, le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position (voir arrêt du 21 juillet 2016, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO, C‑226/15 P, EU:C:2016:582, point 67 et jurisprudence citée).

17      Or, en l’espèce, la division d’annulation et la chambre de recours n’ont examiné la demande en nullité litigieuse que sur le fondement d’une seule des deux dispositions invoquées par l’intervenante devant elles. Elles ne se sont, ainsi, aucunement prononcées sur l’application éventuelle, en l’espèce, de l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec son article 8, paragraphe 4. Dans ces conditions, même à supposer que, par son deuxième chef de conclusions, la requérante entend demander la réformation de la décision attaquée, sa demande doit, d’emblée, être écartée. Par ailleurs et au vu de ce qui vient d’être exposé, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments présentés par la requérante aux points 63 à 69 de la requête, portant sur l’application en l’espèce de l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.

18      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la requérante présente un moyen unique, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Sur le droit applicable rationae temporis

19      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 7 mars 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée).

20      Par suite, en l’espèce, d’une part, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures, aux dispositions du règlement 2017/1001, comme visant les dispositions, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009. D’autre part, en ce qui concerne les règles de procédure, le litige est notamment régi par les dispositions du règlement 2017/1001.

 Sur le moyen unique, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

21      À l’appui de son moyen unique, la requérante invoque deux griefs tirés d’erreurs d’appréciation relatives, respectivement, à sa connaissance présumée de l’existence et de l’utilisation en Bulgarie de la marque chinoise Agate et à ses intentions au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

22      Il convient de rappeler, d’emblée, que, lorsqu’une notion figurant dans le règlement no 207/2009 n’est pas définie par celui-ci, la détermination de sa signification et de sa portée doit être établie conformément à son sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel cette notion est utilisée et des objectifs poursuivis par ce règlement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 43 et jurisprudence citée).

23      Il en va ainsi de la notion de « mauvaise foi » figurant à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en l’absence de toute définition de cette notion par le législateur de l’Union européenne (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 44).

24      Alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, cette notion doit, en outre, être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, les règlements (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), nos 207/2009 et 2017/1001 adoptés successivement s’inscrivent dans un même objectif, à savoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

25      Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine rappelée au point 24 ci-dessus (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

26      L’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

27      À cet égard, dans le cas d’une demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’est nullement requis que le demandeur soit titulaire d’une marque antérieure pour des produits ou des services identiques ou similaires (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 53). Par ailleurs, dans les cas où il s’avère que, au moment de la demande de la marque contestée, un tiers utilisait, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire à cette marque, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public ne doit pas nécessairement être établie pour que l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 puisse s’appliquer (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 54).

28      Il résulte seulement de la jurisprudence que, lorsqu’il est établi qu’une utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires existait et prêtait à confusion, il y a lieu d’examiner, dans le cadre de l’appréciation globale des circonstances pertinentes du cas d’espèce, si le demandeur de la marque contestée en avait connaissance, cet élément n’étant, toutefois, qu’un facteur pertinent parmi d’autres à prendre en considération (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 55).

29      À cet égard, selon la jurisprudence, une présomption de connaissance, par le demandeur d’enregistrement d’un signe, de l’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé peut résulter notamment d’une connaissance générale, dans le secteur économique concerné, d’une telle utilisation, cette connaissance pouvant être déduite, notamment, de la durée d’une telle utilisation. En effet, plus cette utilisation est ancienne, plus il est vraisemblable que le demandeur en aura eu connaissance au moment du dépôt de la demande d’enregistrement (voir, par analogie, arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 39).

30      D’autres facteurs peuvent être pris en compte dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, tel que l’usage antérieur du mot ou du sigle constituant la marque contestée dans le domaine des affaires en tant que marque, notamment par des entreprises concurrentes, ainsi que de la logique commerciale dans laquelle s’inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque de l’Union européenne constituée par ce mot ou par ce sigle [arrêt du 8 mai 2014, Simca Europe/OHMI – PSA Peugeot Citroën (Simca), T‑327/12, EU:T:2014:240, point 39].

31      Par ailleurs, c’est au demandeur en nullité qui entend se fonder sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 qu’il incombe d’établir les circonstances qui permettent de conclure qu’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne a été déposée de mauvaise foi, la bonne foi du déposant étant présumée jusqu’à preuve du contraire [voir arrêt du 23 mai 2019, Holzer y Cia/EUIPO – Annco (ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR), T‑3/18 et T‑4/18, EU:T:2019:357, point 34 et jurisprudence citée].

32      Cela étant, lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par le demandeur en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie la demande d’enregistrement de la marque contestée, il appartient au titulaire de celle-ci de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de ladite marque (arrêt du 23 mai 2019, ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR, T‑3/18 et T‑4/18, EU:T:2019:357, point 36).

33      En effet, le titulaire de la marque est le mieux placé pour éclairer l’EUIPO sur les intentions qui l’animaient lors de la demande d’enregistrement de cette marque et pour lui fournir des éléments susceptibles de le convaincre que, en dépit de l’existence de circonstances objectives telles que celles visées au point 32 ci-dessus, cette intention était légitime (voir arrêt du 23 mai 2019, ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR, T‑3/18 et T‑4/18, EU:T:2019:357, point 37 et jurisprudence citée).

34      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs présentés par la requérante.

 Sur le premier grief, tiré d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours relative à la connaissance de l’existence de la marque chinoise Agate

35      La requérante prétend que, contrairement à ce qui a été constaté dans la décision attaquée, elle n’avait aucune connaissance ni de l’existence de bandages importés sous la marque AGATE, ni de l’existence de l’intervenante et d’Omnifak avant, à tout le moins, le 14 mars 2017, date de la publication de sa demande d’enregistrement, et que c’est uniquement après l’enregistrement de la marque contestée qu’elle était en position de faire valoir ses droits.

36      Tout en admettant que, dans certains cas, la connaissance de l’utilisation d’un signe par le titulaire d’une marque contestée par une demande en nullité telle que la demande litigieuse peut être présumée, la requérante considère que ce n’est pas le cas en l’espèce.

37      Plus spécifiquement, une telle connaissance de la part de la requérante ne saurait être présumée sur la base « d’une connaissance générale du secteur économique concerné ou de la durée de l’utilisation », car le nombre de bandages vendus par Omnifak sous la marque AGATE au cours de la période allant de 2014 à 2017 ne dépasserait pas 0,06 % du nombre total des bandages importés en Bulgarie par an, ce qui serait « presque rien ». Il ne saurait être, dès lors, exigé de la requérante d’avoir connaissance des activités de « tous les concurrents d’importance mineure », ni de tous ses concurrents, et de leurs marques dans l’Union, d’autant plus que l’intervenante n’a jamais fait valoir que sa marque « est une marque connue ».

38      La requérante avance, en tout état de cause, que les documents fournis à l’EUIPO par l’intervenante afin d’établir l’utilisation de sa marque en Bulgarie et, notamment, le nombre de bandages vendus par Omnifak sous la marque chinoise Agate, ont été « modifiés » par l’intervenante, qui aurait « falsifié », à cet égard, « des documents publics et privés ».

39      Plus spécifiquement, l’intervenante aurait « sciemment manipulé les déclarations de douane et [aurait] transmis des faux à l’EUIPO ». Il serait « évident que [l’intervenante et Omnifak] ont créé de toute pièce les documents produits par la suite » à l’EUIPO et ce dernier devrait douter de la véracité de ces éléments de preuve et de leur valeur probante. La requérante aurait demandé, en vain, aux services douaniers bulgares de lui fournir le nombre réel des importations effectuées par Omnifak ainsi qu’à l’EUIPO de prendre contact avec lesdits services à cette fin. Elle demande, d’ailleurs, au Tribunal de requérir cette information auprès du service compétent du ministère des Finances bulgare.

40      La requérante relève, par ailleurs, qu’elle a fait preuve de diligence avant l’enregistrement de la marque contestée, en procédant, par l’intermédiaire d’un avocat spécialisé en droit des marques, à une recherche d’antériorité préalable, afin de vérifier la disponibilité de la marque AGATE « dans le monde entier ». Selon les conclusions de ce rapport, il n’existerait aucun droit concurrent ni en Europe ni en Chine, mais uniquement « au Japon, en Russie et au Mexique », détenu par des tiers. La requérante ne pouvait avoir connaissance de l’existence de la marque antérieure chinoise « car elle n’apparaissait pas sur son rapport de recherche, et son utilisation en Bulgarie avait une portée seulement locale ».

41      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation présentée par la requérante.

42      À cet égard, il y a lieu de relever que, afin d’aboutir à la conclusion selon laquelle la requérante devait avoir connaissance de la marque contestée à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière, la chambre de recours a tenu compte des trois éléments exposés ci-après.

43      Premièrement, la chambre de recours a tenu compte du fait que la requérante alléguait avoir exercé ses activités dans le cadre du même marché de niche que l’intervenante, à savoir dans le marché de la vente de bandages et, qui plus est, dans le même territoire que le distributeur de l’intervenante, Omnifak, c’est-à-dire la Bulgarie. La chambre de recours a considéré que, étant donné l’exercice de cette activité, la requérante « devait connaître l’existence de son concurrent dans ce domaine, d’autant plus qu’elle et Omnifak étaient toutes deux basées à Sofia ».

44      Deuxièmement, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a tenu compte du fait que la requérante avait prétendu, d’une part, s’être lancée dans le commerce des bandages en Bulgarie en 2016 à la suite d’un accord conclu avec un fabricant chinois et, d’autre part, également commercialiser, sur le site Internet www.annite.bg, des bandages pour poids lourds sous la marque ANNAITE. Or, selon la chambre de recours, des courriers électroniques échangés entre ledit fabricant chinois et le représentant de la requérante, et déposés devant elle par la requérante, laisseraient supposer que ce dernier « connaissait déjà les fabricants de bandages chinois et les produits proposés par ses concurrents sur le marché bulgare, étant donné [qu’il] indiqu[ait] explicitement qu’il a[vait] déjà contacté et reçu des offres d’autres fabricants chinois lors de la négociation des conditions [de l’accord avec son correspondant] ».

45      Il convient, à cet égard, de constater que, au vu de ces deux éléments mentionnés dans la décision attaquée, à savoir du caractère relativement restreint du marché de vente de bandages de véhicules en Bulgarie ainsi que de la provenance commune de Chine des bandages censés être commercialisés à la fois par la requérante et l’intervenante, c’est à bon droit que la chambre de recours a pu présumer que, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, la requérante avait connaissance des activités de son concurrent direct en Bulgarie et, notamment, de la commercialisation de bandages de fabrication chinoise sous une marque fortement similaire à la marque contestée.

46      Certes, les éléments fournis par l’intervenante ne témoignent, en réalité, que d’une utilisation de la marque chinoise Agate en Bulgarie entre 2014 et 2017, à savoir pendant une période qui peut paraître relativement courte. Toutefois, selon la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, la durée de l’utilisation d’un signe ne constitue qu’une des considérations qui peuvent être prises en compte afin d’en présumer la connaissance pour les fins d’application de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Il convenait, ainsi, de tenir compte, en l’espèce, d’autres éléments, tels que, d’une part, l’utilisation de la marque chinoise Agate par une entreprise exerçant son activité dans le même marché que la requérante, à savoir par une entreprise concurrente au sens de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, et, d’autre part, le fait que les produits à la fois visés par la marque chinoise Agate et ceux commercialisés, selon les allégations de la requérante, par cette dernière étaient fabriqués en Chine, à savoir par des fabricants qui étaient, par définition, en situation de concurrence. Ces deux éléments sont suffisants pour restreindre raisonnablement le cercle des concurrents dont les activités commerciales peuvent être présumées connues de la requérante, même à admettre, à l’instar de cette dernière (voir point 37 ci-dessus) qu’il ne saurait être exigé d’elle de connaître l’ensemble de ses concurrents et leurs activités.

47      Les arguments avancés par la requérante ne sauraient remettre en cause les conclusions de la chambre de recours à cet égard.

48      En ce qui concerne, plus particulièrement, l’argumentation de la requérante selon laquelle elle n’aurait pas pu avoir connaissance de l’utilisation de la marque chinoise Agate dans le territoire bulgare, car le nombre de bandages vendus par Omnifak, sous cette marque, au cours de la période allant de 2014 à 2017, serait minime (voir point 37 ci-dessus), il suffit de relever que la chambre de recours a indiqué, au point 41 de la décision attaquée, qu’Omnifak avait importé de Chine et vendu en Bulgarie, au cours de la période allant de 2014 à 2017, 23 000 bandages « AGATE » sur un total de 340 000 bandages importés de Chine dans ledit marché, quantité qui ne saurait être considérée comme étant négligeable. Par ailleurs, il convient de souligner que cette constatation de la chambre de recours n’a pas été contestée par la requérante et que, en tout état de cause, cette dernière n’a pas démontré le contraire.

49      La requérante allègue que, en tout état de cause, les documents par lesquels l’intervenante cherche à prouver les ventes en question sont « faux », « falsifiés » et « manipulés » (voir points 38 et 39 ci-dessus). Elle demande, d’ailleurs, au Tribunal de requérir des informations à ce sujet auprès des autorités bulgares compétentes.

50      Il convient, à cet égard, de relever ce qui suit.

51      D’une part, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas celle de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui [voir arrêt du 29 avril 2020, Kerry Luxembourg/EUIPO – Döhler (TasteSense By Kerry), T‑108/19, non publié, EU:T:2020:161, point 32 et jurisprudence citée]. Certes, il ne saurait être exclu qu’une partie puisse invoquer, devant le Tribunal, l’existence d’éléments susceptibles de remettre en cause l’exactitude du contenu ou la valeur probante de preuves prises en compte par les instances de l’EUIPO en demandant que des mesures d’instruction soient adoptées afin que ces éléments soient produits, pour la première fois, devant le Tribunal. Cependant, dans un tel cas, la partie qui demande l’adoption de telles mesures doit expliquer de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles le contenu des éléments de preuve pris en compte par l’EUIPO ne correspond pas, selon elle, à la réalité ou les raisons pour lesquelles elle considère que la valeur probante de ces preuves n’est pas établie.

52      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que « [l]es factures, les déclarations en douane et les tableaux certifiés par Omnifak sont clairement liés les uns aux autres », que « [l]es factures émises par Omnifak ont été correctement mentionnées dans les registres de vente soumis par cette société auprès de l’administration fiscale bulgare » et, enfin, que « [l]a plupart des déclarations en douane portent le cachet et la signature d’une autorité officielle ». Force est de constater que la requérante ne présente aucun argument et n’invoque aucun élément susceptible de remettre en cause ou, à tout le moins, de susciter des doutes, quant à l’authenticité des documents qui ont été, selon elle, « falsifiés » ou « manipulés » par l’intervenante et, ainsi, de remettre en cause les constatations susmentionnées de la chambre de recours.

53      D’autre part, et dans l’hypothèse où la requérante entend se plaindre du fait que l’EUIPO n’a décidé d’adopter des mesures d’instruction à cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 97 du règlement 2017/1001, la demande de renseignements et la production de documents constituent des mesures d’instruction qui peuvent être prises dans toute procédure devant l’EUIPO. Or, s’il est, certes, possible pour les parties à toute procédure devant les instances de l’EUIPO de demander ou de proposer de telles mesures d’instruction afin d’établir des faits pertinents pour l’affaire en cause, les dispositions applicables n’imposent pas aux instances de l’EUIPO une obligation de prendre de telles mesures à la suite d’une telle demande [voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2017, Kasztantowicz/EUIPO – Gbb Group (GEOTEK), T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, point 56].

54      En effet, les instances de l’EUIPO disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider si, dans le cadre d’une procédure devant elles, il est pertinent de procéder à une demande de renseignement ou de production de documents. La prise d’une telle mesure d’instruction demeure une faculté pour l’EUIPO qui n’y procède que lorsqu’il l’estime justifié et non automatiquement à la suite d’une demande en ce sens par une partie (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2017, GEOTEK, T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, point 57 et jurisprudence citée).

55      Le large pouvoir d’appréciation dont disposait la chambre de recours à cet égard ne soustrait, certes, pas son appréciation au contrôle du juge de l’Union. Cette circonstance restreint cependant ce contrôle quant au fond à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2017, GEOTEK, T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, point 58 et jurisprudence citée).

56      Or, en l’espèce, il ne saurait être considéré que la chambre de recours a ignoré les allégations de la requérante selon lesquelles les documents en cause avaient été « falsifiés » ou « manipulés » par l’intervenante. Au contraire, ainsi qu’il ressort du point 52 ci-dessus, c’est après avoir constaté que la requérante n’avait fourni aucun élément de preuve et n’avait présenté aucun argument à l’appui de ces allégations, et après avoir examiné lesdits documents, que la chambre de recours a conclu qu’elle n’avait aucune raison de remettre en cause leur authenticité. Par conséquent, il y a lieu de constater que, dans ces conditions, la chambre de recours n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation quant à l’application de l’article 97 du règlement du règlement 2017/1001.

57      En ce qui concerne, par ailleurs, la prétendue diligence dont aurait fait preuve la requérante avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée (voir point 40 ci-dessus), la chambre de recours a, en substance, relevé, au point 46 de la décision attaquée, que la requérante n’expliquait aucunement la raison pour laquelle le rapport, qu’elle avait produit devant les instances de l’EUIPO et devant le Tribunal, ne comportait aucune information s’agissant de la marque chinoise Agate, alors que la recherche d’antériorité préalable qu’elle avait commandée était censée porter sur le marché global et que le fabricant de bandages qui allait être son fournisseur était une société chinoise et, de ce fait, un concurrent direct de l’intervenante.

58      À cet égard, il y a lieu de relever que ni le champ géographique de la recherche commandée par la requérante ni l’étendue exacte de la demande de celle-ci ne ressortent du rapport susmentionné ou d’autres éléments du dossier. Il en va ainsi, en particulier, du mémoire d’honoraires y afférent, qui ne fait état que d’une « recherche préliminaire de la marque AGATE » (Preliminary search of AGATE trademark) sans plus de précision sur l’étendue de celle-ci.

59      Il convient de constater, du reste, premièrement, que le rapport en question indique que la recherche effectuée n’a pas révélé d’enregistrement ou de demande d’enregistrement de signes similaires ou identiques à la marque contestée auprès de l’autorité bulgare compétente. Deuxièmement, le rapport fait état de l’existence de trois marques européennes qui, selon le signataire du rapport, ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque contestée. Troisièmement, il y est indiqué qu’aucun enregistrement international ou demande d’enregistrement international de marque similaire ou identique à la marque contestée n’a été retrouvé. Quatrièmement, le signataire du rapport indique que la recherche effectuée a révélé l’existence des marques « non valides sur le territoire de la République de Bulgarie et de l’Union », à savoir une marque nationale mexicaine, une marque nationale russe et une marque nationale japonaise, toutes les trois à tout le moins fortement similaires à la marque contestée.

60      Or, il ressort de ce qui précède que le rapport susmentionné n’exclut pas catégoriquement l’existence de marques similaires ou identiques à la marque contestée enregistrées dans d’autres pays tiers et qu’il est formulé sur ce point de manière plus réservé que pour ce qui est des conclusions liées à la recherche d’enregistrements internationaux. Il s’ensuit que, au vu de l’ensemble de ces constatations, la prétendue diligence de la requérante ne saurait être considérée comme établie.

61      Troisièmement, la chambre de recours a tenu compte du court laps de temps entre, d’une part, le dépôt de la marque contestée et son enregistrement, respectivement les 7 mars et 21 juin 2017, et, d’autre part, la demande de mesures coercitives déposée par la requérante auprès des autorités douanières bulgares à l’encontre de l’intervenante et de son distributeur, le 5 juillet 2017, ainsi que l’action en contrefaçon déposée le 6 juillet 2017 devant l’office bulgare des brevets à l’encontre dudit distributeur. Selon la décision attaquée, le fait que, si peu de temps après l’enregistrement de la marque contestée, la requérante a visé par ces actions l’intervenante et son distributeur « montre qu’elle avait prévu de les prendre pour cible et qu’elle savait déjà que la demanderesse en nullité utilisait la marque [chinoise Agate] d’Omnifak » en Bulgarie.

62      Il importe de relever, à l’instar de l’intervenante, que la requérante se contente d’affirmer, à cet égard, qu’elle a eu connaissance de l’utilisation de la marque chinoise Agate en Bulgarie par le distributeur de l’intervenante seulement après la publication, le 14 mars 2017, de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Elle explique, par ailleurs, que c’est seulement après l’enregistrement de cette marque, le 21 juin 2017, qu’elle était en mesure, selon la réglementation en vigueur, de faire valoir ses droits (voir point 35 ci-dessus).

63      Toutefois, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la requérante n’explique aucunement dans ses écritures dans quelles conditions et par quels moyens elle a eu connaissance de l’existence de l’utilisation de la marque chinoise Agate en Bulgarie seulement après la publication de la demande d’enregistrement de la marque contestée. En effet, la requérante ne se prévaut d’aucun événement spécifique qui aurait pu attirer son attention sur les activités du distributeur de l’intervenante et qui serait survenu après le 6 mars 2017, date de la signature du rapport mentionné aux points 57 à 59 ci-dessus, produit par la requérante aux fins d’établir que, au 7 mars 2017, elle n’avait aucune connaissance de l’utilisation de la marque chinoise Agate en Bulgarie. Partant, indépendamment du fait que la requérante avait, après l’enregistrement de la marque contestée, le droit d’entreprendre des actions afin de protéger la marque contestée, il y a lieu d’approuver le fait que, dans le cadre de son appréciation globale, la chambre de recours a tenu compte également de la chronologie des événements exposés ci-dessus.

64      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier grief.

 Sur le second grief, tiré d’une erreur d’appréciation relative aux intentions de la requérante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée

65      Par le second grief, la requérante se plaint d’erreurs prétendument commises par la chambre de recours dans son appréciation de divers éléments de preuve fournis par l’intervenante ainsi que des conclusions que la chambre de recours en aurait tirées s’agissant des intentions de la requérante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Elle met, en outre, en exergue des éléments et des circonstances dont la chambre de recours n’aurait pas dû tenir compte dans le cadre de son appréciation globale aux fins de l’application de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

66      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments avancés par la requérante.

67      Plus spécifiquement, en premier lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir tenu compte, dans le cadre de son appréciation, du fait qu’elle n’aurait pas fait usage de la marque contestée, ce qui serait, pourtant, normal avant l’enregistrement de celle-ci et ne saurait être considéré comme un indice de mauvaise foi lors de l’enregistrement. Le fait que la requérante a entamé une procédure en Bulgarie à l’encontre du distributeur de l’intervenante ne signifierait pas que cette marque a été enregistrée de mauvaise foi. Elle aurait procédé à ces démarches après que l’enregistrement de la marque contestée, car, antérieurement, elle n’aurait pas pu « opposer ses droits ».

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la mauvaise foi, le titulaire d’une marque contestée dans le cadre d’une demande en nullité, telle que la demande litigieuse, n’est pas tenu de prouver l’usage de cette marque. En effet, dans le cadre d’une telle appréciation, il ne s’agit pas tant d’examiner l’usage qui a été fait de cette marque, que de rechercher l’intention d’en faire usage au moment du dépôt de la demande de son enregistrement [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, non publié, EU:T:2012:689, points 57 et 58].

69      Il ne saurait, ainsi, être exclu que, dans un cas comme celui de l’espèce, l’absence d’une telle intention puisse être déduite des circonstances de l’affaire et, plus particulièrement, de l’absence totale d’éléments de preuve portant sur les activités commerciales du titulaire de la marque contestée. De tels éléments sont, en effet, susceptibles d’être pertinents pour l’appréciation de la logique commerciale dans laquelle s’inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, au sens de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus.

70      En l’espèce, il est vrai que la chambre de recours a tenu compte, dans le cadre de son appréciation globale, du fait que la requérante n’a pas produit d’élément susceptible d’établir l’usage de la marque contestée ou la vente de bandages de sa part sous une autre marque. La requérante ne semble, d’ailleurs, pas contester de manière circonstanciée cette constatation de la chambre de recours. Or, il y a lieu de relever que le fait évoqué ci-dessus n’a pas été apprécié par la chambre de recours isolément, mais uniquement en tant qu’élément susceptible de témoigner de la stratégie commerciale de la requérante. Ainsi, la chambre de recours a pu constater que la requérante n’avait établi son activité ni dans le domaine de la vente de bandages ni dans le domaine agricole, ce qui était pourtant censé être son centre d’activités, à tout le moins avant 2015.

71      En tout état de cause, selon la chambre de recours, la requérante n’a fourni, aux instances de l’EUIPO, aucune explication raisonnable concernant l’extension de ses activités commerciales du domaine agricole au secteur des bandages, alors qu’il ressortirait des éléments produits par la requérante que « les sociétés qui produisent des bandages pour camions ne proposent pas de bandages [pour de véhicules] agricoles ». C’est en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, et non seulement de l’absence d’usage de la marque contestée, que la chambre de recours a pu conclure que la demande d’enregistrement de la marque contestée ne répondait à aucune logique commerciale. Partant, les arguments y afférents présentés par la requérante doivent être écartés.

72      Il en va de même s’agissant de l’argument de la requérante consistant à contester la prise en compte, dans l’appréciation de sa prétendue mauvaise foi, du fait qu’elle a entamé des procédures à l’encontre du distributeur de l’intervenante en Bulgarie.

73      À cet égard, la chambre de recours n’a tenu compte des démarches de la requérante qu’en ce qu’elles s’inséraient dans le contexte de l’ensemble des activités de celle-ci en rapport avec la marque contestée. La chambre de recours a pu, ainsi, conclure sans commettre d’erreur que, vu le court laps de temps écoulé entre le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et la prise de mesures drastiques de défense de celle-ci après son enregistrement, il était raisonnable de considérer que la requérante « avait prévu de […] prendre pour cible [l’intervenante et son distributeur] et qu’elle savait déjà que [l’intervenante] utilisait la marque [chinoise Agate] par l’intermédiaire d’Omnifak ». La chambre de recours a, en effet, considéré que, au vu de ces démarches de la requérante, placées dans le contexte de la présente affaire, la requérante « n’entendait pas simplement empêcher préalablement toute violation de sa marque tout juste enregistrée, mais bien tirer profit, de manière préméditée, du fait que [l’intervenante] n’avait pas réussi à obtenir la protection de la marque [chinoise Agate] en Bulgarie ».

74      Il ressort de ce qui vient d’être exposé que la chambre de recours n’a pas remis en cause le droit de la requérante de défendre la marque contestée en tant que tel. Elle n’a fait, à cet égard, que tenir compte des circonstances susmentionnées dans le cadre de son appréciation globale et est arrivée à la conclusion selon laquelle, étant donné que « [l]a demande [d’enregistrement de la marque contestée] ne sembl[ait] s’inscrire dans aucune stratégie commerciale » (voir point 70 ci-dessus) et que la seule activité de la requérante en lien avec ladite marque était « celle de faire barrage à des tiers », la requérante « était animée d’intentions malhonnêtes ». Partant, les arguments y afférents présentés par la requérante doivent également être écartés.

75      En ce qui concerne, en deuxième lieu, les arguments présentés par la requérante en vue de remettre en cause les allégations de l’intervenante selon lesquelles des agents liés à la requérante auraient contacté des représentants de clients d’Omnifak dans le but de les démarcher au détriment de l’intervenante, il y a lieu de relever ce qui suit.

76      Ces allégations présentées par l’intervenante lors de la procédure administrative sont fondées sur des déclarations sous serment signées par cinq représentants des clients concernés d’Omnifak. Selon ces déclarations, entre avril et juin 2017, des clients d’Omnifak ont reçu la visite de personnes liées à A, le représentant de la requérante, et à la requérante, qui leur ont fait une offre pour mettre fin à leurs relations commerciales avec Omnifak et pour remplacer les bandages fournis par cette dernière par des bandages fournis « par ces personnes et les sociétés liées à elles ».

77      Il y a lieu, à cet égard, de rappeler que, selon la jurisprudence, pour apprécier la valeur probante d’un document tel que ceux produits par l’intervenante, il faut d’abord vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 13 juin 2012, Süd-Chemie/OHMI – Byk-Cera (CERATIX), T‑312/11, non publié, EU:T:2012:296, point 29 et jurisprudence citée]. Par ailleurs, si une telle déclaration est signée par une personne liée à la partie qui la produit en tant qu’élément de preuve, il ne peut lui être, en général, attribué une valeur probante que si son contenu est corroboré par d’autres éléments de preuve [voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2012, CERATIX, T‑312/11, non publié, EU:T:2012:296, point 30 et jurisprudence citée, et du 17 décembre 2015, Bice International/OHMI – Bice (bice), T‑624/14, non publié, EU:T:2015:998, points 55 à 59 et jurisprudence citée].

78      Or, en l’espèce, aucun élément susceptible de remettre en cause la valeur probante des déclarations produites par l’intervenante dans leur ensemble ne ressort du dossier. Par ailleurs, les entités concernées par les déclarations en question étant des entités distinctes de l’intervenante et de son distributeur, aucun élément susceptible de suggérer un lien, au sens de la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, entre les signataires de ces déclarations et l’intervenante ou Omnifak ne ressort non plus du dossier.

79      Les arguments présentés par la requérante ne sauraient remettre en cause ces conclusions.

80      Premièrement, la requérante remet en question la valeur probante de ces déclarations, en contestant l’existence même de « deux d’entre [ces sociétés, à savoir IRG TRANS Ltd et PELETI TRANS Ltd] [qui] ont, en fait, la même adresse », alors que « d’autres n’interviennent pas dans le domaine des bandages, ni même dans l’industrie du transport ». Elle souligne, en outre, que, s’agissant de la déclaration prétendument signée par le gérant de PELETI-TRANS, elle comporte des erreurs quant au « numéro de TVA » de cette société et au prénom de son gérant.

81      Il convient de relever que la requérante n’a fourni, à cet égard, qu’un extrait du registre commercial émis par le ministère de la Justice bulgare comportant des informations sur la société PELETI-TRANS. Il est, certes, vrai que le numéro « UIC/PIC » qui apparaît sur la déclaration fournie par l’intervenante aux instances de l’EUIPO, auquel semble se référer la requérante dans ses écritures en utilisant l’expression « numéro de TVA », ne correspond pas exactement au numéro qui apparaît sur ledit extrait du registre commercial bulgare. Il en va de même du prénom du gérant de cette société. En effet, le prénom de celui-ci tel qu’il apparaît sur l’extrait du registre commercial fourni par la requérante ne correspond pas à celui qui est affiché sur la déclaration fournie par l’intervenante aux instances de l’EUIPO.

82      Toutefois, en ce qui concerne le numéro « UIC/PIC », l’inexactitude indiquée par la requérante, qui consiste en la simple inversion de deux chiffres, est susceptible, de par sa nature, de relever d’une simple erreur typographique. Une telle erreur ne saurait être exclu non plus s’agissant du prénom du gérant de cette société, dans la mesure où les deux prénoms affichés sur les deux documents susmentionnés commencent et finissent par les mêmes lettres. Force est de constater que ces inexactitudes ne remettent pas véritablement en cause le contenu de la déclaration du gérant de la société concernée et encore moins le contenu des autres déclarations fournies par l’intervenante mentionnées au point 76 ci‑dessus.

83      Il en va de même des autres éléments invoqués par la requérante à cet égard. En effet, en l’absence d’autres éléments probants, le fait que deux des sociétés concernées par les déclarations fournies par l’intervenante ont leur siège à la même adresse ne remet en cause ni le contenu des déclarations de leurs gérants ni la valeur probante de ces déclarations. Enfin, la requérante ne produit aucun élément susceptible d’appuyer ses allégations selon lesquelles certaines de ces sociétés ne sont pas actives sur le marché pertinent en l’espèce.

84      Deuxièmement, la requérante produit une déclaration signée devant notaire par A, son représentant, selon laquelle ce dernier ne connait aucun des signataires des déclarations susmentionnées et ne les a jamais rencontrés, ces documents constituent des fausses déclarations et la requérante ne dispose pas d’agents commerciaux, étant donné qu’il effectue personnellement l’ensemble des opérations commerciales faites au nom de celle-ci.

85      Or, ainsi que la chambre de recours l’a indiqué au point 44 de la décision attaquée, la déclaration du représentant de la requérante n’est pas susceptible de remettre en cause le contenu des déclarations fournies par l’intervenante devant les instances de l’EUIPO, dans la mesure où cette déclaration n’exclut pas que d’autres personnes, pas nécessairement des agents commerciaux, liées à la requérante aient pu contacter les clients concernés d’Omnifak. Du reste, au vu de la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, et en l’absence d’autres éléments susceptibles de corroborer le contenu de la déclaration du représentant de la requérante, la valeur probante de ce document demeure relative et, partant, ne saurait remettre en cause la valeur probante des déclarations produites par l’intervenante.

86      Troisièmement, la requérante produit une déclaration signée par un des signataires des déclarations mentionnées au point 76 ci-dessus, par laquelle cette personne « renonce aux circonstances déclarées par [elle] » et déclare « que [cette] information est exacte et correcte ». Selon la requérante, il convient d’en déduire que cette personne « a menti et qu’[elle] ne veut pas se rendre coupable de violation de serment ».

87      Or, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, même à considérer qu’un des clients d’Omnifak est revenu sur ses déclarations, ce n’est pas le cas de quatre autres signataires des déclarations mentionnées au point 76 ci-dessus. Qui plus est, le contenu de sa seconde déclaration ne contient aucun élément susceptible de remettre en cause les quatre autres déclarations produites par l’intervenante. À cet égard, même à considérer que l’authenticité d’une de ces quatre déclarations aurait pu être remise en cause en raison d’erreurs qu’elle comporte (voir points 81 et 82 ci-dessus), il importe de rappeler que la requérante n’a pas su remettre en cause le contenu et la valeur probante d’au moins trois des déclarations mentionnées au point 76 ci-dessus.

88      Quatrièmement, la requérante aurait « engagé des poursuites pénales en Bulgarie contre chacu[n des signataires des déclarations mentionnées au point 76 ci-dessus] pour fausses accusations ». Or, le procureur compétent aurait décidé, pour des raisons qui ne relèvent pas du fond de l’affaire, de ne pas examiner ses plaintes. La requérante produit, à cet égard, un document provenant du bureau du procureur ayant été saisi de ses plaintes. Selon ce document, les déclarations prétendument fausses des personnes mentionnées au point 76 ci-dessus n’avaient pas été faites auprès d’une « autorité » au sens de l’article 286 du code pénal bulgare et ne sauraient, dès lors, être qualifiées d’actes criminels sur le fondement de cette disposition, raison pour laquelle la plainte de la requérante aurait été laissée sans suite.

89      Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ce dernier document, produit, ainsi que le relève l’EUIPO, pour la première fois devant le Tribunal, force est de constater qu’il ne comporte aucun élément susceptible de remettre en cause la valeur probante des déclarations mentionnées au point 76 ci-dessus. En effet, aucune conclusion ne saurait être tirée de ce document concernant l’exactitude du contenu de ces déclarations ou les circonstances dans lesquelles elles ont été signées. Le fait que la requérante a choisi d’engager des procédures pénales à l’encontre des signataires de ces déclarations ne saurait suffire à lui seul pour susciter des doutes concernant leur valeur probante.

90      Cinquièmement, la requérante allègue qu’il ressort des sites Internet de l’intervenante et de son distributeur que les sociétés concernées par les déclarations mentionnées au point 76 ci‑dessus « ne promeuvent, ni ne vendent, de produits de la marque AGATE  ». Qui plus est, aucun support promotionnel, tel que des catalogues ou des publicités, n’aurait été fourni par l’intervenante démontrant l’utilisation de sa marque en Bulgarie. L’intervenante aurait, ainsi, « créé artificiellement, au moyen d’écrits sous seing privé, l’apparence d’une commercialisation de bandages AGATE en Bulgarie ».

91      Il suffit, à cet égard, de relever que la chambre de recours a indiqué, aux points 43 et 53 de la décision attaquée, que l’intervenante et son distributeur ont cessé, en raison des menaces de poursuites à leur égard, l’exportation, l’importation et la distribution de bandages sous la marque chinoise Agate sur le marché bulgare, ce qui constitue, en toute logique, une explication plausible des faits invoqués par la requérante. Du reste, la requérante a beau contester de manière générale l’usage de la marque chinoise Agate en Bulgarie au cours de la période allant de 2014 à 2017, elle n’a, cependant, pas été en mesure d’apporter des éléments susceptibles de remettre en cause les preuves fournies à cet égard par l’intervenante (voir points 49 à 56 ci-dessus).

92      En troisième lieu, la requérante allègue que l’EUIPO ne saurait fonder son appréciation en l’espèce uniquement sur le fait qu’elle n’aurait pas expliqué « comment elle a eu l’idée du nom de la marque [contestée], puisque cela n’est pas important ». La requérante explique, pourtant, qu’elle a choisi le nom « AGATE » « qui signifie pierre précieuse en bulgare » parce que le terme « amberstone », que comportait une des marques de bandages d’origine chinoise qu’elle vendait depuis 2015, signifie également « “pierre précieuse” en bulgare ».

93      Il suffit de constater, à cet égard, que, ainsi qu’il ressort de tout ce qui précède, la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation uniquement sur le fait que la requérante n’aurait pas expliqué le processus selon lequel elle aurait conçu la marque contestée.

94      En quatrième lieu, la requérante soutient que la chambre de recours aurait pris, à tort, en considération l’allégation de l’intervenante selon laquelle « [le] 26 juillet 2018, [la requérante lui] a proposé de payer un montant déraisonnable (36 millions [d’euros]) aux fins du transfert de la [marque] contestée ». La requérante conteste la véracité de cette allégation, en faisant valoir que l’élément de preuve avancé à cet égard par l’intervenante, à savoir un courriel provenant de l’avocate bulgare de celle-ci et d’Omnifak, une personne, dès lors, liée à ces sociétés, est un document sous seing privé, qui ne cite aucun nom et n’a aucune valeur probante. Or, la chambre de recours l’aurait considéré comme une preuve valable.

95      Il y a lieu, à cet égard, de relever que, à la lumière de la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, il ne saurait être exclu que la valeur probante d’un courriel envoyé à une partie intéressée par son représentant légal soit minimisée, notamment si les informations qu’il comporte ne sont pas corroborées par d’autres éléments de preuve. En l’espèce, certes, tout en indiquant la provenance des informations mentionnées au point 94 ci-dessus ainsi que le fait que celles-ci n’étaient pas corroborées par d’autres éléments du dossier, la chambre de recours s’y est référée en détail. Toutefois, ces informations, même à supposer qu’elles ne sont pas avérées, ne constituent qu’un des éléments dont a tenu compte la chambre de recours dans le cadre de son appréciation globale, et cette circonstance ne saurait, à elle seule, remettre en cause les conclusions auxquelles cette dernière est parvenue, conclusions qui sont, ainsi qu’il ressort de l’ensemble des analyses qui précèdent, étayées à suffisance de droit par les autres éléments du dossier.

96      En cinquième lieu, la requérante soutient que l’intervenante n’est pas intéressée par le marché de l’Union et a pour seul motif de l’exclure de ce marché. D’après ses recherches, l’intervenante aurait déposé depuis 2009 au moins 90 demandes d’enregistrement pour au moins huit marques différentes pour des produits relevant de la classe 12, dans différents pays. Toutes ces marques auraient été demandées en Bulgarie et dans l’Union, alors que l’intervenante n’avait déposé aucune demande pour l’enregistrement de la marque Agate en Bulgarie avant l’enregistrement de la marque contestée. Partant, il serait difficile de croire que l’intervenante, possédant plus de 90 marques et ayant investi des sommes importantes pour leur protection, a fait usage d’une marque pendant quatre ans en Bulgarie sans en demander l’enregistrement dans ce pays ou dans l’Union.

97      À cet égard, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas, et n’était pas tenue d’examiner en détail, aux fins de l’application de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la stratégie commerciale et les intentions spécifiques de l’intervenante. En tout état de cause, la chambre de recours a indiqué, au point 53 de la décision attaquée, que « [l]e fait qu’Omnifak et [l’intervenante], en septembre 2017, aient protégé la [marque chinoise Agate] en déposant des demandes d’enregistrement en Bulgarie sembl[ait] constituer une réaction de défense logique de [leur] part […] face aux agissements de la [requérante] ». Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette conclusion et la requérante ne fournit aucun élément spécifique à cet égard. Du reste, en ce qui concerne plus particulièrement la présence et l’intérêt de l’intervenante pour le marché européen, ainsi qu’il a été indiqué au point 91 ci-dessus, la requérante n’a pas été en mesure de remettre en cause les éléments produits par l’intervenante visant à établir l’usage de la marque chinoise Agate en Bulgarie.

98      Au vu de l’ensemble des considérations exposées ci-dessus, il y a lieu de rejeter le second grief et, ainsi, de conclure que c’est sans commettre d’erreur que, dans le cadre de son appréciation globale, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’annulation et a rejeté le recours introduit par la requérante devant elle.

99      Il y a donc lieu de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et, partant, le présent recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

100    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

101    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Univers Agro EOOD est condamnée aux dépens.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.