Language of document :

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

19 février 2024 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑761/20 DEP,

European Dynamics Luxembourg SA, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me M. Sfyri, avocate,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mme I. Koepfer et M. J. Krumrey, en qualité d’agents, assistés de Me A. Rosenkötter, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg (rapporteur) et G. Hesse, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu l’arrêt du 5 octobre 2022, European Dynamics Luxembourg/BCE (T‑761/20, EU:T:2022:606),

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande, fondée sur l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, la défenderesse, la Banque Centrale Européenne (BCE), demande au Tribunal de fixer à la somme de 27 820 euros le montant des dépens récupérables devant être payés par la requérante, European Dynamics Luxembourg SA, au titre des frais qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure dans l’affaire T-761/20.

 Antécédents de la contestation 

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2020 et enregistrée sous le numéro T‑761/20, la requérante a introduit un recours tendant, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, à l’annulation, premièrement, de la décision du comité des marchés publics de la BCE du 1er octobre 2020 portant exclusion de ses offres soumises pour les trois lots dans le cadre de l’appel d’offres pour la fourniture de services et la mise en œuvre de travaux pour la livraison d’applications informatiques (ci-après la « décision du 1er octobre 2020 »), deuxièmement, de la décision de l’autorité de surveillance de la BCE du 9 décembre 2020 (ci-après la « décision du 9 décembre 2020 ») et, troisièmement, de toutes les décisions connexes ultérieures de la BCE et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, à la réparation des préjudices qu’elle aurait subis du fait de cette exclusion.

3        Par arrêt du 5 octobre 2022, European Dynamics Luxembourg/BCE (T‑761/20, EU:T:2022:606), le Tribunal a rejeté le recours et a condamné la requérante à supporter les dépens exposés par la BCE.

4        Par lettre du 23 février 2023, la BCE a informé la requérante que le montant total des dépens récupérables s’élevait à un total de 29 300 euros, dont 27 320 euros au titre de la procédure principale et 1 980 euros au titre de la procédure de taxation de dépens.

5        Par lettre du 10 mars 2023, la requérante a indiqué à la BCE que le montant réclamé était disproportionné au regard des besoins de l’affaire et a proposé de payer la somme de 10 000 euros pour clôturer le litige à l’amiable.

6        Par lettre du 3 avril 2023, la BCE a répondu à la requérante que cette somme de 10 000 euros ne saurait être acceptée au titre de la procédure au principal et a réduit le montant initial de 1 980 euros à 500 euros au titre de la procédure de taxation des dépens car elle a procédé à une révision à la baisse des frais afférents à ladite procédure sur le fondement de la jurisprudence, portant ainsi le montant total réclamé à 27 820 euros.

7        Par lettre du 24 avril 2023, la requérante a proposé une somme de 18 620 euros en expliquant que les honoraires de la seconde avocate externe de la BCE et les frais associés aux lettres portant sur la taxation des dépens ne devaient pas être pris en considération.

8        Le 4 mai 2023, la BCE a rejeté cette proposition et a réclamé le montant indiqué dans sa lettre antérieure. Elle a fixé le délai final du paiement au 22 mai 2023, lequel a expiré sans réaction de la part de la requérante. Ainsi, aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables.

 Conclusions des parties

9        La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens récupérables, dont le remboursement incombe à la requérante, à un total de 27 820 euros, dont 27 320 euros au titre de la procédure principale, et 500 euros au titre de la présente procédure.

–        délivrer à la requérante une copie exécutoire de l’ordonnance.

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens récupérables à 10 062,05 euros au titre de la procédure principale.

–        à titre subsidiaire, condamner la BCE au dépens de la présente procédure.

 En droit

11      Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

12      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et qui ont été indispensables à cette fin (voir ordonnance du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, T‑226/00 DEP et T227/00 DEP, EU:T:2003:61, point 33 et jurisprudence citée).

13      En fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (voir ordonnance du 21 janvier 2015, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T‑459/07 DEP, non publiée, EU:T:2015:68, point 18 et jurisprudence citée).

14      En l’espèce, dans la demande de taxation des dépens, la BCE demande le remboursement des honoraires d’avocats encourus dans le cadre de la procédure au principal et de la présente procédure de taxation des dépens.

15      À cet égard, il est de jurisprudence constante que le juge de l’Union est habilité non à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens (voir ordonnance du 20 mai 2022, Moi/Parlement, T‑17/19 DEP, non publiée, EU:T:2022:352, point 11 et jurisprudence citée).

16      En outre, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties [voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nürburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 11 et jurisprudence citée].

17      C’est en fonction de ces considérations qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

 Sur les dépens afférents à la procédure au principal

18      La BCE demande le remboursement de dépens d’un montant de 27 320 euros au titre de la procédure principale, correspondant aux honoraires d’avocat encourus.

 Sur l’objet et la nature du litige, son importance sous l’angle du droit de l’Union et les difficultés de la cause, ainsi que sur l’intérêt économique du litige pour la BCE

19      En premier lieu, l’affaire au principal portait sur le droit des marchés publics et tendait, d’une part, à l’annulation, premièrement, de la décision du 1er octobre 2020, deuxièmement, de la décision du 9 décembre 2020 et, troisièmement, de toutes les décisions connexes ultérieures de la BCE, et d’autre part à l’indemnisation du préjudice prétendument subi par la requérante.

20      En deuxième lieu, s’agissant des difficultés soulevées par l’affaire au principal, il y a lieu de relever que le contexte dans lequel s’inscrivait l’affaire T-761/20, ayant trait à la décision de la BCE d’exclure les offres de la requérante pour les trois lots de la procédure de passation de marché en cause, présentait des éléments de complexité sous le prisme du droit de l’Union. Ainsi, la rédaction de la défense et, pour cela, l’examen des quatre motifs d’exclusion, et, en particulier, le motif relatif aux « tentatives d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marchés » au sens de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, lu en combinaison avec l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision ainsi que l’identification des règles applicables en droit de l’Union, avait présenté une certaine difficulté pour les avocates externes de la BCE.

21      En troisième lieu, en ce qui concerne l’importance de l’affaire au principal sous l’angle du droit de l’Union, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante :

–        une affaire présente une importance faible lorsque, en substance, la question de droit qu’elle soulève n’est pas nouvelle et ne présente aucune complexité particulière (ordonnance du 13 décembre 2013, Marcuccio/Commission, T‑402/09 P-DEP, non publiée, EU:T:2013:683, point 36) ;

–        une affaire présente une certaine importance pour le droit de l’Union lorsque, en substance, elle contient une question de droit relativement nouvelle, qui n’était pas entièrement tranchée au moment de l’introduction du recours (voir ordonnances du 14 mars 2016, Grazyte/Commission, T‑86/13 P‑DEP, non publiée, EU:T:2016:162, point 21, et du 21 janvier 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑110/12 DEP, non publiée, EU:T:2015:61, point 16) et lorsqu’elle constitue l’une des premières affaires portant sur un certain domaine du droit de l’Union (voir ordonnance du 20 octobre 2015, Kwang Yang Motor/OHMI, T‑11/08 DEP, non publiée, EU:T:2015:831, point 16).

22      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, à l’appui de ses demandes en annulation dans le cadre de l’affaire au principal, la requérante a soulevé trois moyens, lesquels étaient tirés, respectivement, le premier, d’erreurs manifestes d’appréciation, le deuxième, de l’introduction d’un critère nouveau, vague et inconnu au stade de l’évaluation des offres, et le troisième, d’un détournement de pouvoir.

23      Ceci étant précisé, il convient de souligner que l’affaire T-761/20 revêtait une certaine importance du point de vue du droit de l’Union en ce qui concerne sa partie relative à l’analyse de la troisième branche du premier moyen portant sur l’application par la BCE, dans le cadre de la décision BCE/2016/2, du motif d’exclusion relatif aux tentatives d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché au titre de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, lu en combinaison avec l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision. En effet, il s’agissait d’une question de droit relativement nouvelle qui n’avait pas encore été tranchée au moment de l’introduction du recours.

24      Ainsi, il y a lieu de considérer que l’affaire au principal comportait un degré de difficulté moyen et qu’elle revêtait une importance particulière sous l’angle du droit de l’Union dans son ensemble.

25      En quatrième lieu, s’agissant des intérêts économiques en jeu, il y a lieu de constater que le litige revêtait un intérêt économique important pour les parties. En effet, la valeur totale estimée de l’appel d’offres s’élevait à 598 millions d’euros (hors TVA), et le montant des dommages et intérêts atteignait la somme de 14,09 millions d’euros.

26      Certes, la requérante indique que dans la mesure où la valeur estimée des contrats était calculée par référence à la durée totale de 48 mois et qu’elle était en droit de les résilier sans motif, il n’existait aucune certitude quant au fait que les contrats dureraient 48 mois. À cet égard, il y a toutefois lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les intérêts financiers que les parties avaient dans la procédure doivent être déterminés en tenant compte de la valeur du marché ayant fait l'objet de la procédure de passation de marchés publics en cause au principal (voir ordonnance du 4 novembre 2008, European Dynamics/Commission, T-303/04 DEP, non publiée, EU:T:2008:471, point 39).

27      Il s’ensuit dès lors que, pour les mêmes raisons, l’argument de la requérante selon lequel la somme de 15 millions, laquelle correspondait environ au montant des dommages et intérêts demandés par la requérante dans le cadre de la procédure au principal devant le Tribunal, ne représenterait pas un risque à la lumière de ses comptes annuels doit être rejeté.

28      Par conséquent, il convient de constater que l’affaire au principal comportait un degré de difficulté moyen, une importance particulière sous l’angle du droit de l’Union et un intérêt économique important pour les parties.

 Sur l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu engendrer pour les avocates externes de la BCE

29      En ce qui concerne l’ampleur du travail que l’affaire au principal a pu engendrer pour les avocates externes de la BCE, il convient de rappeler que le juge de l’Union n’est pas lié par le décompte déposé par la partie qui entend récupérer des dépens. Il lui appartient de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont été réparties (voir ordonnance du 10 mai 2023, Electroquimica Onubense/ECHA, T‑481/18 DEP, non publiée, EU:T:2023:271, point 25 et jurisprudence citée).

30      Il importe également de rappeler que la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (voir ordonnance du 13 janvier 2006, IPK-München/Commission, T‑331/94 DEP, EU:T:2006:11, point 46 et jurisprudence citée).

31      En l’espèce, la BCE produit quatre notes d’honoraires, émises par le cabinet d’avocats FPS Fritze Wicke Seelig Partnerschaftsgesellschaft von Rechtsanwälten mbB (ci-après « FPS ») les 10 mars, 17 août, 16 septembre 2021 et 1er décembre 2022 et adressées à la BCE. Ces factures font état d’honoraires d’avocat d’un montant total de 27 320 euros hors TVA, ce qui correspond à 143,9 heures de travail à un taux horaire de 189,85 euros. Devant le Tribunal, elle produit le décompte détaillé de ces heures de travail ainsi que la liste des prestations fournies aux étapes du travail pour la période allant de janvier 2021 à octobre 2022. Selon ce décompte, les heures de travail sont réparties entre ses deux avocates externes, Me Rosenkötter et Me Fritz, lesquelles se prévalent respectivement de 62,3 heures et 81,6 heures de travail. Les tâches effectuées par ces dernières sont décrites comme suit : « examen de la requête », « recherches juridiques relatives aux dommages et intérêts », « rédaction du mémoire en défense », « finalisation du premier projet [du mémoire en défense] », « partie juridique concernant l’influence indue et la fausse déclaration », « examen du document d’appel d’offre, du formulaire de soumission et du rapport d’évaluation », « recherche juridique concernant les motifs d’exclusion dans les procédures antérieures », « examen supplémentaire des documents », « examen de la réplique », « rédaction de la duplique », « examen de la duplique [par la seconde avocate externe] », « rédaction des réponses à la question complémentaire du Tribunal », « examen de la compétence en matière d’exclusion fondée sur des divergences relative à l’offre », […].

32      Dans ces conditions, il convient d’apprécier le caractère récupérable des dépens dont la requérante demande le remboursement.

–       Sur le caractère récupérable des honoraires d’avocats

33      La requérante considère que les honoraires d’avocats réclamés ne sont pas tous récupérables, car tant leur réalité que leur légalité seraient discutables.

34      En premier lieu, en ce qui concerne la réalité des frais exposés, la requérante met en doute le fait que l’une des deux avocates externes de la BCE ait effectué les prestations pour lesquelles les dépens sont réclamés. Au soutien de son allégation, elle indique que, à la lecture du mémoire en défense, de la duplique et des observations écrites de la BCE sur lesquelles figurent les réponses aux mesures d’organisation de la procédure posées par le Tribunal, la seconde avocate externe de la BCE n’aurait pas participé à l’affaire étant donné que sa signature n’apparaît pas sur les documents susmentionnés. Dès lors, elle avance qu’il n’existe aucune preuve que les frais du second conseil étaient indispensables dans le cadre de l’affaire au principal.

35      À cet égard, il y a tout d’abord lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, dans les situations où il est fait recours à plusieurs avocats, conseils ou agents, la limitation posée par la jurisprudence ne concerne pas en soi le nombre d’intervenants, mais la récupération des frais cumulés par l’ensemble de ces personnes. En outre, une telle récupération ne fait pas l’objet d’une interdiction per se, une approche concrète de la détermination des frais indispensables étant préférée. En effet, comme précisé au point 29 ci-dessus, il est constant que, lors de la fixation du montant des dépens récupérables, il convient de tenir compte du nombre total d’heures de travail correspondant aux prestations effectuées et considérées comme objectivement indispensables aux fins des procédures concernées, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels ces prestations ont pu être réparties (ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission, T‑498/09 P‑DEP, non publiée, EU:T:2012:147, point 19).

36      Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence bien établie que, ainsi qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, les institutions de l’Union sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre alors dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure (voir ordonnances du Tribunal du 24 mars 1998, International Procurement Services/Commission, T‑175/94 DEP, EU:T:1998:63, point 9, et la jurisprudence citée, et du 11 décembre 2006, APOL/Commission, T‑61/00 DEP, non publiée, EU:T:2006:380, point 14).

37      Dès lors, si le fait pour la BCE d’avoir fait intervenir deux avocates externes, lesquelles font partie du même cabinet d’avocats, peut avoir un impact sur la détermination du montant des dépens exposés aux fins de la procédure à recouvrer in fine, cette circonstance est, en revanche, dénuée de conséquence sur la nature potentiellement récupérable de ces dépens, rien ne permettant de les exclure par principe.

38      De plus, selon la jurisprudence, si en principe, la rémunération d’un seul avocat est recouvrable, il se peut que, suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats puisse être considérée comme entrant dans la notion de « frais indispensables » au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure (voir, par analogie, ordonnance du 21 juillet 2016, Panrico/Bimbo, C‑591/12 P‑DEP, non publiée, EU:C:2016:591, point 28 et jurisprudence citée).

39      Pour procéder à la taxation des dépens dans ces circonstances, il incombe au Tribunal d’examiner la mesure dans laquelle les prestations effectuées par l’ensemble des conseils concernés étaient nécessaires pour le déroulement de la procédure judiciaire et de s’assurer que l’engagement des deux catégories de conseils n’a pas entraîné une duplication inutile des frais (ordonnances du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 44, et du 3 mai 2012, CSL Behring/Commission et EMA, T-264/07 DEP, non publiée, EU:T:2012:211, point 26).

40      En l’espèce, il convient tout d’abord de rappeler que, selon le décompte mentionné au point 31 ci-dessus, les heures de travail sont réparties entre les deux avocates externes de la BCE, Me Rosenkötter et Me Fritz, lesquelles se prévalent respectivement de 62,3 heures et 81,6 heures de travail.

41      Ensuite, il ressort des éléments fournis par la BCE dans ses observations sur la présente demande, et notamment de la liste des prestations effectuées par les deux avocates externes figurant dans l’état des dépens annexé à sa demande de taxation des dépens (ci-après l’ « état des dépens »), que la seconde avocate externe a, outre le fait d’avoir entrepris des recherches juridiques complémentaires, procédé principalement à un second examen des documents préparés par la première avocate externe et apporté des modifications auxdits documents. À cet égard, il convient de constater que l’intervention des deux avocates pour la rédaction des mémoires en défense et en duplique n’a certes pas donné lieu à une stricte duplication des tâches facturées. Cependant, la seconde avocate intervenait, principalement, à un stade avancé, aux fins de la relecture, assortie, le cas échéant, de commentaires. Dès lors, il y a lieu de considérer que les frais de la seconde avocate externe n’étaient pas complètement indispensables dans le cadre de l’affaire au principal et qu’ils constituaient pour partie une duplication des frais.

42      En revanche, il ne saurait être déduit de l’absence de signature des écritures de la BCE par l’avocate externe une quelconque incidence sur la réalité des dépens exposés, cette formalité étant en outre facultative.

43      En second lieu, en ce qui concerne la légalité des frais exposés, il y a lieu de constater que la BCE demande le remboursement d’environ 143,9 heures se rapportant au travail effectué par ses deux avocates externes pour la préparation et la rédaction de mémoires durant la période allant du 5 janvier 2021 au 5 octobre 2022.

44      La requérante soutient quant à elle que les frais concernant la période postérieure au dernier acte de procédure, à savoir la communication des réponses aux mesures d’organisations de la procédure posées par le Tribunal ne devraient pas faire l’objet d’un remboursement. Plus précisément, la requérante avance que, selon la BCE, 143,9 heures de travail auraient été fournies durant la période allant des mois de janvier 2021 à octobre 2022 alors même que le dernier acte de procédure de la BCE auraient eu lieu le 25 février 2022.

45      Sur ce point, il y a lieu de constater, à la lumière de l’état des dépens, que 0,40 heure a été consacrée à l’examen de l’arrêt rendu par le Tribunal le 5 octobre 2022.

46      Or, selon une jurisprudence constante, seules les prestations relatives à la procédure devant le Tribunal peuvent donner lieu à une récupération. Par conséquent, les dépens afférents aux heures consacrées à l’examen de l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 2022 ainsi qu’à la discussion avec le client au sujet de cet arrêt ne sont pas considérées comme des frais indispensables exposés aux fins de la procédure et doivent être exclus du montant des dépens récupérables (voir ordonnances du 10 avril 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T-279/04 DEP, non publiée, EU:T:2014:233, point 39 et jurisprudence citée ; du 7 mai 2020, Gibson Brands/EUIPO – Wilfer (Forme d’un corps de guitare), T-340/18 DEP, non publiée, EU:T:2020:206, point 25, et du 20 octobre 2023, Malacalza Investimenti/BCE, T-552/19 OP-DEP, non publiée, EU:T:2023:668, point 39).

47      Il y a ainsi lieu d’exclure du montant des dépens récupérables les honoraires se rapportant à ces tâches.

48      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de déduire 0,40 heure du total des heures dont la BCE demande le remboursement au titre des dépens récupérables.

–       Sur le montant des honoraires d’avocats récupérables

49      Il y a lieu maintenant d’examiner si les dépens récupérables réclamés par la BCE constituent des frais indispensables au sens de l’article 140, point b), du règlement de procédure, en particulier si le taux horaire appliqué dans ce cadre était justifié et si le nombre d’heures de travail des avocats qui a été facturé était objectivement nécessaire par rapport aux prestations fournies (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2020, Spiegel-Verlag Rudolf Augstein et Sauga/BCE, T‑116/17 DEP, non publiée, EU:T:2020:168, point 18).

50      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence mentionnée au point 29 ci-dessus, le juge de l’Union n’est pas lié par le décompte déposé par la partie qui entend récupérer des dépens. Il lui appartient de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont été réparties (voir ordonnance du 10 mai 2023, Electroquimica Onubense/ECHA, T‑481/18 DEP, non publiée, EU:T:2023:271, point 25 et jurisprudence citée).

51      Afin de déterminer le nombre d’heures indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, il convient de tenir compte, notamment, du nombre de pages des mémoires rédigés par les avocats, du nombre de moyens soulevés, des difficultés des questions juridiques posées, du nombre d’échanges de mémoires et du fait que les avocats de la partie demanderesse représentaient ou non celle-ci lors de la phase précontentieuse [ordonnance du 22 décembre 2022, Team Beverage/EUIPO (Team Beverage), T-359/20 DEP, non publiée, EU:T:2022:857, point 24].

52      Comme indiqué au point 31 ci-dessus, la BCE réclame, au titre d’honoraires d’avocats, le remboursement d’un montant de 27 320 euros, correspondant à 143,9 heures de travail pour les deux avocates externes de la BCE, facturés au taux horaire de 189,85 euros. À cet égard, il y a lieu de relever que, dans l’état des dépens, la BCE indique, avec précision, le nombre d’heures se rapportant à la préparation de chacun des documents ayant été transmis au Tribunal dans le cadre de l’affaire au principal. Devant le Tribunal, elle produit le décompte détaillé de ces heures de travail ainsi que la liste des prestations fournies aux étapes du travail pour la période allant de janvier 2021 à octobre 2022.

53      La requérante allègue pour sa part que les prestations des avocates externes ne nécessitaient pas 143,9 heures de travail et soutient que 53 heures de travail auraient été suffisantes et objectivement indispensables afin de répondre aux besoins de l’affaire et, par conséquent, elle considère que le montant récupérable au titre des honoraires d’avocats devrait s’élever à 10 062,05 euros.

54      En l’espèce, il y a lieu de relever que la procédure au principal devant le Tribunal a uniquement comporté une phase écrite. Pendant celle-ci, la BCE a tout d’abord procédé à l’examen de la requête, déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2020, d’une longueur totale de 34 pages qui contenaient, par ailleurs, un exposé des faits et de la procédure, 22 pages d’argumentation et de nombreux extraits de textes relatifs à la procédure de passation de marché. La requête comportait trois moyens, dont le premier était subdivisé en cinq branches et portaient sur quatre motifs d’exclusion. Cette requête était, en outre, accompagnée de 33 annexes de 603 pages au total, dont l’examen a exigé un travail important de la part des avocates externes de la BCE, car elles comprenaient notamment les décisions du 1er octobre et du 9 décembre 2020, les preuves de soumission des offres en réponse aux trois lots de l’appel d’offre, les invitations à soumissionner et ses annexes, les formulaires de soumission des offres, ainsi que de nombreuses lettres rédigées par la requérante et adressées à la BCE et inversement, lesquelles étaient relatives notamment aux demandes d’informations complémentaires concernant les prix paraissant anormalement bas, et au motif d’exclusion portant sur les tentatives d’influencer indûment la prise de décision de la BCE dans la procédure d’appel d’offres.

55      Ensuite, la BCE a répondu à la requête par un mémoire en défense, déposé au greffe du Tribunal le 10 mai 2021, d’une longueur totale de 45 pages, qui contenait 28 pages d’argumentation. Ce mémoire était, en outre, accompagné de 23 annexes de 361 pages au total. Ces dernières contenaient notamment, outre certains documents contenus dans les annexes de la requête, à savoir des annexes aux invitations à soumissionner, et des questions/réponses relatives aux offres du soumissionnaire, les formulaires de soumission des offres, et d’autres lettres rédigées par la requérante et adressées à la BCE et inversement, lesquelles étaient principalement relatives aux demandes d’informations complémentaires concernant les prix paraissant anormalement bas, et au motif d’exclusion portant sur les tentatives d’influencer indûment la prise de décision de la BCE dans la procédure d’appel d’offres.

56      De plus, la réplique à laquelle la BCE a répondu comportait 3 pages d’observations préliminaires relatives au contexte factuel présenté par la BCE et 20 pages d’argumentation. Elle était en outre accompagnée de 5 annexes.

57      Par ailleurs, la duplique contenait quant à elle 2 pages concernant des précisions supplémentaires relatives aux allégations faites par la requérante dans sa réplique et 7 pages et demie d’argumentation relatives aux arguments contenus dans la réplique de la requérante. La duplique comprenait en outre 2 annexes.

58      Ainsi, si les deux avocates externes de la BCE n’ont dû ni préparer ni participer à une audience dans l’affaire au principal, il reste que la préparation et la rédaction du mémoire en défense et de la duplique a nécessairement impliqué, entre autres, la lecture des pièces du dossier, l’étude des documents relatifs à la procédure de passation de marchés (642 pages au total), en ce compris les nombreuses annexes, lesquelles étaient volumineuses, ainsi que, l’analyse des différents moyens, l’évaluation de quatre motifs d’exclusion différents, et plus particulièrement du motif de « tentatives d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marchés », lequel n’avait jamais été traité dans la jurisprudence de l’Union auparavant.

59      Enfin, il y a lieu de relever que, comme le mentionne à juste titre la BCE, les deux avocates externes n’avaient pas été impliquées dans les procédures administratives devant l’organe de contrôle des marchés publics de la BCE dans le cadre de cette affaire de sorte qu’elles ne disposaient pas d’une connaissance approfondie du dossier.

60      Toutefois, il n’en reste pas moins qu’il ne saurait être exclu, à la lumière des notes d’honoraires, que l’intervention des deux avocates externes ait pu donner lieu, à une certaine duplication des efforts entrepris, ce qui pourrait ressortir du nombre considérables d’heures allouées à la seconde avocate externe, laquelle était principalement chargée de la relecture des mémoires en défense et en duplique rédigés par la première avocate externe, et de l’imprécision de certaines tâches effectuées par la seconde avocate externe correspondant à la rédaction de « examen supplémentaire des documents » et « examen des emails ». Si, certes, une stricte duplication des tâches facturées peut être exclue, l’ensemble des heures facturées ne saurait être regardé comme indispensable.

61      Dès lors, en tenant compte d’une certaine duplication des efforts entrepris, le nombre d’heures avancées par la BCE apparaît excessif pour ce qui est de l’appréciation des dépens récupérables.

62      Partant, au vu des pièces du dossier et des circonstances de l’espèce, de la description des tâches que contiennent les quatre factures mentionnées au point 31 ci-dessus, couplée aux précisions à cet égard figurant dans la demande de taxation des dépens, il sera fait une juste appréciation du temps objectivement indispensable aux fins de la procédure au principal en le fixant à 112,5 heures.

63      S’agissant du taux horaire applicable, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en l’absence, dans l’état actuel du droit de l’Union, de barème à cet égard, ce n’est que dans l’hypothèse où le taux horaire moyen facturé apparaît manifestement excessif que le Tribunal peut s’en écarter et fixer ex aequo et bono le montant des honoraires récupérables [voir, ordonnance du 17 mai 2023, Heitec/EUIPO - Hetec Datensysteme (HEITEC), T-520/19 DEP, non publiée, EU:T:2023:272, point 37 et jurisprudence citée].

64      La BCE indique que le taux horaire appliqué pour les services fournis par ses deux avocates externes dans le cadre de la procédure au principal est de 189,85 euros.

65      Il convient de souligner que la requérante ne conteste pas ce taux horaire dans la mesure où elle le considère comme proportionné aux besoins de l’affaire.

66      Au vu des caractéristiques de la présente affaire, notamment celles rappelées aux points 54 à 59 et 65 ci-dessus, le Tribunal considère que le taux facturé n’apparaît pas manifestement excessif.

 Conclusion sur les dépens afférents à la procédure au principal

67      Il s’ensuit que le montant des dépens récupérables par la BCE dans le cadre de la procédure au principal est fixé à 21 358,12 euros.

 Sur les dépens afférents à la présente procédure de taxation des dépens

68      Pour la conduite de la présente procédure de taxation des dépens, la BCE demande le remboursement de dépens d’un montant de 500 euros qui correspond à 12 heures de travail.

69      À l’appui de sa demande, elle produit trois factures, émises par le cabinet d’avocats FPS les 2 et 20 février 2023 et adressées à la BCE, lesquelles font état d’honoraires d’avocat d’un montant total de 500 euros hors TVA, correspondant à 12 heures de travail réalisées par l’un des deux avocates externes de la BCE au sein dudit cabinet pendant les périodes du 1er au 31 décembre 2022 et du 1er janvier au 20 février 2023. Les factures n’indiquent pas le taux horaire.

70      La requérante estime, en substance, que les dépens relatifs à la préparation de la demande de taxation des dépens ne constituent pas des dépens récupérables en ce qu’ils ne sont pas afférents à la procédure devant le Tribunal. Elle fait également valoir que le temps consacré à la préparation de la demande de taxation des dépens et le montant réclamé par la BCE à cet égard sont déraisonnables.

71      À cet égard, il convient de rappeler que, en fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (voir ordonnance du 11 avril 2019, Stada Arzneimittel/EUIPO – Urgo recherche innovation et developpement (Immunostad), T‑403/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:249, point 31 et jurisprudence citée).

72      Selon une jurisprudence constante, une demande de taxation des dépens présente un caractère plutôt standardisé et se distingue, en principe, par l’absence de toute difficulté pour l’avocat qui a déjà traité du fond de l’affaire (voir ordonnance du 11 avril 2019, Immunostad, T‑403/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:249, point 32 et jurisprudence citée).

73      En l’espèce, la demande de taxation des dépens de la BCE, déposée au greffe du Tribunal le 17 août 2023, comporte 4 pages dont 3 pages sont consacrées aux arguments de la BCE et présentent une brève argumentation concernant les dépens réclamés par celle-ci. La BCE a joint à sa demande de taxation des dépens trois annexes présentant les factures émises par le cabinet d’avocat FPS, contenant chacune 3 pages. Il ressort principalement des trois factures que l’avocate externe de la BCE a consacré 12 heures de travail pour effectuer des recherches relatives aux dépens récupérables, envoyer des courriels concernant la finalisation de la « lettre de remboursement », et rédiger la demande de taxation des dépens.

74      Dès lors, eu égard à l’ensemble de ces éléments, le Tribunal considère que le total de 12 heures de travail consacré à la présente procédure, tel que retenu dans la demande de taxation des dépens introduite par la BCE, n’est pas excessif.

75      Il s’ensuit que le montant total des dépens récupérables au titre de la présente procédure de taxation des dépens est fixé à 500 euros.

 Conclusion

76      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par la BCE en fixant leur montant à 21 858,12 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

 Sur la demande d’expédition de l’ordonnance aux fins d’exécution

77      Dans son second chef de conclusions, la BCE demande à ce que soit délivrée à la requérante une expédition de la présente ordonnance.

78      À cet égard, d’une part, il suffit de constater que, conformément à l’article 280 TFUE, la présente ordonnance a force exécutoire dans les conditions fixées à l’article 299 TFUE. D’autre part, même si l’article 170, paragraphe 4, du règlement de procédure offre expressément la faculté aux parties de demander une expédition de l’ordonnance aux fins d’exécution, il n’y a pas lieu de statuer formellement sur une telle demande, puisque celle-ci est de nature purement administrative et se situe en dehors de l’objet du présent litige portant sur la taxation des dépens récupérables des parties [voir, en ce sens, ordonnance du 6 juin 2019, Damm/EUIPO – Schlossbrauerei Au, Willibald Beck Freiherr von Peccoz (EISKELLER), T‑859/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:402, point 32 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par la requérante est fixé à 21 858,12 euros.

Fait à Luxembourg, le 19 février 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

K. Kowalik-Bańczyk



*      Langue de procédure : l’anglais.