Language of document : ECLI:EU:T:2019:481

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

3 juillet 2019 (*) (1)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Organisation des services – Dispense de service – Accès à la messagerie électronique et aux connexions informatiques – Procédure précontentieuse – Recevabilité – Sécurité juridique – Droit d’être entendu – Présomption d’innocence – Rapport final de l’OLAF – Obligation de motivation – Responsabilité – Préjudice matériel – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑573/16,

PT, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, représenté par Me E. Nordh, avocat,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. G. Nuvoli, E. Raimond, T. Gilliams et Mme G. Faedo, puis par Mme Faedo et M. M. Loizou, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Johansson, B. Wägenbaur, avocats, et M. J. Currall, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions de la BEI des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015, 6 juin 2016 et 7 février 2017 portant dispense de service du requérant, de la décision de la BEI du 18 juin 2015 de bloquer l’accès du requérant à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI et des décisions de la BEI de ne pas lui communiquer ses bulletins de rémunération et de radier son nom de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 1er mars 2011, le requérant, PT, est entré au service de la Banque européenne d’investissement (BEI). Il a été affecté à la direction des affaires juridiques de la BEI et classé dans la fonction E.

2        À compter du 7 mai 2012, le requérant a été détaché au mécanisme européen de stabilité (MES). Il a été mis fin à ce détachement à compter du 28 février 2013.

3        Du 1er mars 2013 au 30 avril 2014, le requérant a été détaché auprès de la direction générale de la gestion des risques de la BEI (ci-après la « DG RM »), en qualité de conseiller juridique dans le domaine des produits financiers dérivés. À compter du 1er mai 2014, le requérant a, avec son accord, été affecté à l’unité « Produits dérivés/Valorisation » (ci-après l’« unité DER/VAL ») de la division « Produits dérivés » (ci-après la « division RM/FRD ») de la direction « Risques financiers » de la DG RM.

4        Le 26 septembre 2014, le requérant a exprimé ses préoccupations au sujet de risques de « [non-]conformité » à la suite de soupçons de manquements aux meilleures pratiques dans le cadre d’un projet de marché géré par la direction des finances de la BEI.

5        Le 27 septembre 2014, le requérant a soumis au président de la BEI, par la voie d’un courriel dont le directeur de la direction de la conformité (ci-après la « DG OCCO ») était destinataire en copie, une idée de projet en matière d’éthique professionnelle.

6        Le 7 octobre 2014, dans le cadre du projet de marché géré par le requérant, celui-ci a demandé l’avis de la DG OCCO sur l’offre de la société X d’assurer à Dublin (Irlande) une formation spécialement organisée pour certains collaborateurs de la division « Back office trésorerie » de la direction des finances de la BEI. Ces collaborateurs étaient membres du comité de pilotage du projet en question.

7        Le 10 octobre 2014, la DG OCCO a fait savoir qu’elle était d’avis qu’il convenait de décliner l’offre de la société X.

8        Le 13 octobre 2014, le requérant a adressé à deux employés de la société X un courriel indiquant que la formation envisagée s’était heurtée à un obstacle avec la DG OCCO.

9        Le même jour, le requérant aurait, lors d’une réunion, proféré des menaces de violence physique à l’encontre d’un collègue d’un autre service de la BEI. Le requérant conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI.

10      Le 13 novembre 2014, en vue de la préparation d’un rapport final sur le projet de marché dont il était chargé, le requérant a demandé à avoir accès à des rapports portant sur des projets de marché similaires, dont celui concernant un marché avec la société Y (ci-après le « projet de marché Y »).

11      Le même jour, lors d’un entretien avec le chef de la division RM/FRD, le requérant a exprimé son désir d’être promu à la fonction D. À la suite de cet entretien, le requérant a envoyé au chef de cette division un SMS libellé comme suit :

« Si vous m’aidez dans ma promotion, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider dans la vôtre. Quand je me fixe un but, on ne peut pas m’arrêter, l’esprit kamikaze. »

12      Les 15 et 20 novembre 2014, le requérant a adressé des courriels à sa hiérarchie concernant sa promotion, demandant la tenue d’une réunion et annonçant vouloir évoquer le sujet de sa promotion à la fonction D avec le directeur général de la DG RM.

13      Le 17 novembre 2014, le requérant aurait déclaré, en présence du chef de la division RM/FRD et du chef de l’unité DER/VAL de cette division, qu’il était prêt à dénoncer d’éventuelles irrégularités dans le projet de marché Y à un hebdomadaire allemand. Le requérant conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI.

14      Le 20 novembre 2014, le requérant a eu un entretien avec ses supérieurs, à savoir le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM et le chef de la division RM/FRD, pour examiner les possibilités de son avancement dans le cadre de l’exercice d’évaluation 2014. Au cours de cet entretien, la discussion a également porté sur les documents relatifs au projet de marché Y.

15      Par courriel du même jour, le requérant a fait part au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM de son « intense désir d’être promu » lors de l’exercice d’évaluation 2014 et lui a indiqué être « prêt à [consacrer] toute [s]on attention et [s]on énergie à faire [ce qu’il faudrait] pour atteindre cet objectif par tout moyen nécessaire ».

16      Par courriel du 22 novembre 2014, adressé au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM, le requérant a fait part de son étonnement quant au fait que, lors de l’entretien du 20 novembre 2014 (voir point 14 ci-dessus), qui concernait son évaluation, la discussion ait également porté sur le projet de marché Y.

17      Le 24 novembre 2014, le requérant a envoyé au chef de la division RM/FRD un courriel dans lequel il a fait état de son besoin d’être promu.

18      Le même jour, le requérant a adressé un autre courriel, intitulé « Promotion », au chef de la division RM/FRD. Dans ce courriel, le requérant exposait son analyse de la jurisprudence en matière de promotion.

19      Les 21 et 25 novembre 2014, le requérant a adressé à un agent de la division « Coordination » de la DG RM des courriels faisant état de son intention de rédiger une note demandant sa promotion.

20      Par courriel du 9 décembre 2014, le chef de l’unité DER/VAL de la division RM/FRD a informé le requérant que ses objectifs pour 2014 étaient toujours en passe d’être atteints et que son évaluation ne comporterait aucun élément imprévu.

21      Le 18 décembre 2014, le requérant a sollicité l’avis de la DG OCCO sur une possible irrégularité dans la passation du marché Y.

22      Le 19 décembre 2014, le requérant a été convoqué par le chef de la division RM/FRD et par le chef de l’unité DER/VAL de cette division pour son entretien annuel d’évaluation portant sur l’exercice 2014.

23      Le 15 janvier 2015, le requérant a adressé au chef de la division RM/FRD et, en copie, au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM et au chef de l’unité DER/VAL de cette division un courriel relatif à sa promotion. Dans ce courriel, le requérant soulignait, notamment, les avantages globaux qu’une telle promotion comporterait par rapport aux coûts qu’elle engendrerait pour la BEI.

24      Le 31 janvier 2015, le requérant a adressé au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM une note formelle intitulée « Demande de promotion ».

25      Le 24 février 2015, le requérant a été convoqué pour le 2 mars 2015 à un entretien d’évaluation avec le directeur général de la DG RM, le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM et le chef de la division RM/FRD.

26      Le 25 février 2015, le requérant, qui conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI, se serait adressé au chef de la division RM/FRD dans les termes suivants :

« Il me reste encore beaucoup de temps à travailler dans cette Banque et à vivre à Luxembourg. Si vous vous mettez en travers de mon chemin, vous le regretterez ainsi que la deuxième génération et je vous anéantirai. Vous avez choisi le mauvais gars avec qui chercher la bagarre. »

27      Le 27 février 2015, le requérant, qui conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI, serait entré dans le bureau du chef de la division RM/FRD et se serait adressé à lui en ces termes :

« Vous avez pris la mauvaise décision. On se verra à la Cour et [le directeur de la direction “Risques financiers” de la DG RM] sera envoyé en préretraite vu qu’il sera appelé comme témoin. »

28      Le 2 mars 2015, au cours de l’entretien auquel le requérant avait été convoqué le 24 février précédent (voir point 25 ci-dessus), le chef de la division RM/FRD lui a reproché d’avoir commis des fautes professionnelles graves.

29      Le 3 mars 2015, le requérant a été convoqué pour s’entretenir, le même jour, de la « situation dans son unité » avec le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs et un juriste chargé des questions du personnel. Au cours de cet entretien, le requérant s’est vu remettre une liste que sa hiérarchie avait communiquée au service du personnel. Cette liste comportait huit « déclarations et situations » que ladite hiérarchie considérait intimidantes et menaçantes.

30      À la suite de la réunion du 3 mars 2015, le requérant a, par courriel du même jour, dénoncé de possibles tentatives de représailles à son égard, en tant que lanceur d’alerte.

31      Le 4 mars 2015, la BEI a communiqué le projet de compte rendu de la réunion du 3 mars 2015 au requérant, qui a présenté des observations à cet égard le 10 mars 2015.

32      Le 6 mars 2015, l’Inspection générale de la BEI (ci-après l’« Inspection générale ») a ouvert une enquête sur les accusations que le chef de la division RM/FRD avait portées contre le requérant.

33      Le 11 mars 2015, la BEI a saisi l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) afin que ce dernier reprenne l’enquête administrative sur les accusations visées au point 29 ci-dessus.

34      Le même jour, le requérant a saisi formellement le directeur du personnel de la BEI d’une plainte contre de possibles tentatives de représailles à son égard, en tant que lanceur d’alerte.

35      Le 12 mars 2015, le requérant a été convoqué pour le lendemain à une réunion par le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs. Ce dernier a précisé, premièrement, qu’il serait notifié au requérant une décision le libérant temporairement de ses obligations professionnelles jusqu’à ce que l’Inspection générale et la DG OCCO aient conclu leurs enquêtes, deuxièmement, qu’il s’agissait de protéger le requérant et sa hiérarchie et de permettre un « retour à la normale du fonctionnement du service » et, troisièmement, que les « motifs et prochaines étapes » lui seraient expliqués.

36      Par courriel du même jour, le requérant a demandé au directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs si la décision envisagée se fondait sur les articles 38 et/ou 39 du règlement du personnel de la BEI, approuvé le 20 avril 1960, puis modifié à diverses reprises (ci-après le « règlement du personnel »). Le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a répondu au requérant qu’il s’agissait d’une décision visant à éviter toute nouvelle dégradation des relations entre le requérant et sa hiérarchie et à protéger le requérant pendant que les services de la BEI finalisaient leurs enquêtes à son sujet.

37      Le 13 mars 2015, le requérant a adressé au directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs un nouveau courriel dans lequel il s’enquérait, notamment, de la base juridique, de la signification et de la durée de la dispense de service envisagée.

38      Le même jour, la réunion à laquelle le requérant avait été convoqué la veille s’est tenue en sa présence ainsi qu’en celle du directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs, du chef de la division des relations sociales et de deux représentants du personnel. Lors de cette réunion, il a été demandé au requérant de choisir entre la prise d’un congé et une dispense temporaire de ses obligations professionnelles. Le requérant a accepté de prendre un congé jusqu’au 13 avril 2015.

39      Le 26 mars 2015, le chef de la division RM/FRD a communiqué au requérant la version finale de son rapport d’évaluation pour l’exercice 2014.

40      Le 31 mars 2015, le requérant a, une nouvelle fois, dénoncé auprès du directeur du personnel de la BEI de possibles représailles à son égard, en tant que lanceur d’alerte.

41      Le 7 avril 2015, l’OLAF a formellement ouvert une procédure d’enquête contre le requérant.

42      Le 13 avril 2015, le requérant s’est entretenu des « prochaines étapes possibles » avec le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs et avec le chef de la division des relations avec les employés.

43      Le même jour, la BEI a notifié au requérant sa décision de le dispenser de service pour une durée initiale d’un mois, prorogeable jusqu’à la conclusion de l’enquête de l’Inspection générale, dans l’intérêt du service, de la hiérarchie du requérant, du requérant lui-même et du bon déroulement de l’enquête menée par l’Inspection générale (ci-après la « décision du 13 avril 2015 »).

44      Le 15 avril 2015, après que le requérant a répondu à un courriel de nature professionnelle, le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM lui a adressé un « rappel à l’ordre ». En particulier, le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM a indiqué au requérant qu’il n’était « officiellement pas en service » et qu’il n’était pas attendu de lui qu’il travaille ou réponde à ses courriels.

45      Le même jour, le requérant a demandé au président de la BEI de changer d’affectation afin de ne plus avoir à subir les représailles qu’il affirmait subir en tant que lanceur d’alerte.

46      Le 16 avril 2015, le requérant a rencontré un représentant du personnel, qui lui aurait fait part des commentaires négatifs que l’enquêteur interne de l’Inspection générale chargé de l’affaire aurait exprimés à son égard. Par courriel du 18 avril 2015, le requérant a informé le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs et le chef de la division des relations avec les employés qu’il ressortait de ces commentaires que, premièrement, il était considéré comme étant « dangereux », deuxièmement, il valait mieux qu’il soit licencié, troisièmement, le fait que lui, qui était diplômé de l’université Harvard et qui avait travaillé comme avocat dans un cabinet d’avocats à New York (États-Unis), fasse le choix de venir travailler pour la BEI était suspect et pouvait traduire une volonté d’échapper à la justice ou un fort mécontentement de ses anciens employeurs et, quatrièmement, l’Inspection générale n’enquêtait pas sur ses plaintes quant aux représailles qu’il aurait subies en tant que lanceur d’alerte, mais « montait un dossier » contre lui pour étayer les accusations de fautes professionnelles en cherchant à convaincre l’OLAF de se charger de l’enquête.

47      De cette rencontre, il serait également ressorti que le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs de la BEI aurait déclaré au représentant du personnel que, premièrement, les accusations portées par le chef de la division RM/FRD contre le requérant étaient prouvées et avérées, deuxièmement, le requérant était une personne dangereuse, manipulatrice et dérangée mentalement et, troisièmement, les représentants du personnel devaient se garder de soutenir le requérant.

48      Le 18 avril 2015, le requérant a saisi l’Inspection générale d’une plainte formelle concernant des soupçons d’irrégularités et de représailles dont il affirmait faire l’objet en tant que lanceur d’alerte.

49      Le 21 avril 2015, le requérant a dénoncé au comité de vérification de la BEI l’existence d’irrégularités dans le traitement de la dénonciation de représailles contre un lanceur d’alerte au sein de la BEI.

50      Par note du 23 avril 2015, l’OLAF a informé le secrétaire général de la BEI de l’ouverture d’une enquête concernant le requérant. Dans cette note, l’affaire était décrite comme portant sur des « allégations de faute grave d’un agent de la B[EI] ». Selon ladite note, « [l]a personne concernée a[vait] demandé une promotion à sa hiérarchie, en même temps qu’[elle] essayait de la forcer par le chantage à le promouvoir en menaçant d’exposer certains éléments à la presse et de signaler une affaire de fraude qu’[elle] prétend[ait] avoir découverte dans un appel d’offres de la [BEI] ».

51      Le 24 avril 2015, le requérant a été informé par l’OLAF qu’il était concerné par une enquête portant sur des allégations de fautes professionnelles graves et de tentatives de chantage.

52      Par courrier du 28 avril 2015, le président de la BEI a informé le requérant de son refus de donner suite à sa demande de réaffectation du 15 avril 2015.

53      Le 12 mai 2015, le requérant a demandé au président de la BEI que lui soient communiquées les accusations portées contre lui. Le même jour, la BEI a prolongé la dispense de service du requérant d’un mois (ci-après la « décision du 12 mai 2015 »). La BEI a précisé que cette dispense de service pouvait être renouvelée dans l’intérêt du service et pour protéger le bien-être du requérant et de sa hiérarchie jusqu’à ce que les autorités compétentes aient conclu leur enquête.

54      Le 3 juin 2015, le requérant a demandé à la BEI de le réintégrer dans ses fonctions, de lui apporter des clarifications quant à la base juridique sur laquelle se fondait sa dispense de service et a, en substance, contesté que l’administration pût le dispenser de service sans outrepasser les limites de sa compétence.

55      Le 11 juin 2015, l’OLAF a informé la BEI que le cas du requérant « ne rempli[ssai]t pas les conditions des dispositions en matière de dénonciation applicables en vertu du statut […] en raison du fait que cette dénonciation pourrait être entachée d’irrégularités graves et marquée par un manque de bonne foi et un intérêt personnel dans le résultat ».

56      Le 12 juin 2015, le requérant a été convoqué pour le 15 juin suivant à une réunion avec le directeur de la direction des relations sociales et le chef de la division des relations avec les employés.

57      Le 15 juin 2015, le directeur de la direction des relations sociales et le chef de la division des relations avec les employés se sont entretenus avec le requérant afin de faire le point sur sa « situation administrative ». Le requérant a souligné que, ayant été convoqué tardivement à cette réunion, il ne pouvait pas être accompagné d’un représentant. Il a, en conséquence, demandé à pouvoir faire valoir ses observations uniquement après avoir pu s’entretenir avec son représentant.

58      Le 16 juin 2015, la dispense de service du requérant a été prolongée jusqu’à la fin de l’« enquête formelle » de l’OLAF en vue de protéger l’intérêt du service, celui de la hiérarchie du requérant ainsi que l’intérêt du requérant lui-même (ci-après la « décision du 16 juin 2015 »).

59      Le 18 juin 2015, le requérant a cessé d’avoir accès à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI. Après s’être entretenu avec un technicien des services informatiques de la BEI, le requérant a découvert que son accès à ces services avait été bloqué par décision de l’enquêteur interne de l’Inspection générale (ci-après la « décision du 18 juin 2015 »).

60      Le 1er juillet 2015, le requérant a demandé à la BEI, d’une part, des explications sur la décision de bloquer son accès à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI et, d’autre part, le rétablissement de ces services, notamment pour lui permettre d’accéder à sa messagerie et aux documents nécessaires à la préparation du recours qu’il entendait former.

61      Le 9 juillet 2015, des collègues ont informé le requérant que son nom ne figurait plus sur l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI.

62      Le 10 juillet 2015, la BEI a informé le requérant que la décision de bloquer l’accès à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI faisait suite à une demande en ce sens de l’OLAF.

63      Par courrier du 13 juillet 2015, le requérant a demandé la saisine de la commission de conciliation de la BEI, en vertu de l’article 41 du règlement du personnel, et a désigné M. B. en tant que membre de la commission de conciliation. La demande du requérant visait les décisions des 13 avril, 12 mai et 16 et 18 juin 2015 ainsi que l’acte par lequel il aurait été décidé de radier son nom de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI.

64      Le 15 juillet 2015, le requérant s’est rendu compte qu’il ne recevait plus de bulletins de rémunération.

65      Le 20 juillet 2015, le président de la BEI a confirmé l’ouverture de la procédure de conciliation visée au point 63 ci-dessus et a informé le requérant qu’il désignait M. M. en tant que membre de la commission de conciliation.

66      Le 17 août 2015, le requérant a demandé au président de la BEI que ses bulletins de rémunération lui soient de nouveau communiqués.

67      Le même jour, le requérant a « révoqué » la désignation de M. B. en tant que membre de la commission de conciliation et a désigné M. V. pour le remplacer. Le requérant a aussi recommandé que M. B. soit désigné en tant que président de cette commission.

68      Le 20 août 2015, la BEI a informé le requérant du rétablissement de son accès à certaines connexions informatiques de la BEI et lui a transmis ses bulletins de rémunération pour les mois de juin, de juillet et d’août 2015.

69      Le 25 août 2015, le requérant a reçu un courrier de l’OLAF daté du 21 août 2015 auquel était joint un résumé des accusations portées contre lui. Ce courrier invitait le requérant à présenter ses observations écrites sur les faits le concernant, en application de l’article 9, paragraphe 4, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1).

70      Les 26 et 28 août 2015, le requérant s’est plaint auprès de l’OLAF de ce que le « résumé des faits » joint au courrier de ce dernier du 21 août 2015 était en réalité l’exposé des conclusions préliminaires de celui-ci et a sollicité la communication d’informations complémentaires sur les éléments contenus dans ledit courrier.

71      Le 26 août 2015, le président de la BEI a indiqué au requérant qu’il n’était pas possible de désigner M. B. en tant que président de la commission de conciliation. Dans ce contexte, le président de la BEI a demandé au requérant de « reconfirmer [sa] désignation initiale de M. B[.] ou de [l]’informer dans un délai de 7 jours à compter de la réception de la présente lettre de [sa] nouvelle désignation ». Le président de la BEI a ajouté que la procédure de conciliation ne reprendrait qu’à compter du moment où le requérant l’informerait de sa décision.

72      Le 27 août 2015, le requérant a demandé au président de la BEI de saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne afin qu’il désigne le président de la commission de conciliation.

73      Le même jour, la BEI a procédé à la restauration intégrale des accès du requérant aux connexions informatiques de la BEI. Elle en a informé le requérant le lendemain et a précisé que cette restauration couvrait sa messagerie électronique et l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI.

74      Par lettre du 2 septembre 2015, le requérant a répondu à la demande du président de la BEI du 26 août 2015. Dans cette lettre, le requérant a aussi réitéré sa demande tendant à ce que le président de la BEI saisisse le président de la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de la désignation du président de la commission de conciliation.

75      Le 7 septembre 2015, le requérant a demandé au président de la BEI de retirer la dispense de service et d’ordonner une enquête interne sur la mauvaise administration et le harcèlement dont il aurait fait l’objet dans le cadre de la gestion de cette dispense par les services du personnel.

76      Par courrier du 22 septembre 2015, le requérant a informé la BEI qu’il considérait que la procédure de conciliation avait échoué, faute de nomination d’un président de la commission de conciliation.

77      Par courrier du 2 octobre 2015, le requérant a informé le président de la BEI qu’il notait « avec regret » n’avoir pas obtenu de réponse à son courrier du 22 septembre 2015 et considérait qu’il était fondé à supposer que la procédure de conciliation avait échoué. Le requérant a, néanmoins, indiqué qu’il demeurait ouvert à une « proposition de relancer » la procédure de conciliation. Il a ajouté que, dans l’hypothèse où la BEI souhaiterait relancer cette procédure, il « révoqu[ait] » la désignation de M. V. en tant que membre de la commission de conciliation et désignait Mme E. pour le remplacer.

78      Le 12 octobre 2015, le requérant a réitéré sa demande du 7 septembre 2015 de réexaminer la dispense de service dont il faisait l’objet au motif que cette dernière était censée s’appliquer jusqu’à la fin de l’enquête de l’OLAF, laquelle aurait pris fin le 21 août 2015.

79      Par lettre du 20 octobre 2015, la BEI a rejeté la demande du requérant de réexaminer sa dispense de service et a indiqué qu’elle serait maintenue jusqu’à ce que « l’OLAF ait terminé ses travaux » (ci-après la « décision du 20 octobre 2015 »).

80      Par courriel du 28 octobre 2015, Mme E. a informé la BEI qu’elle considérait la décision du 20 octobre 2015 comme étant une « preuve écrite » que la BEI ne souhaitait pas continuer la procédure de conciliation. Par courriel du même jour, en réponse à un courriel par lequel la BEI lui demandait s’il fallait comprendre que le requérant « annul[ait] » sa demande de conciliation, Mme E. a indiqué que tel n’était pas le cas, mais que l’on pouvait se demander si cette demande n’avait pas été « rejetée de facto » au vu de ladite décision.

81      Le 18 mars 2016, soit après l’introduction de la requête introductive d’instance le 22 décembre 2015 (voir point 87 ci-après), l’OLAF a communiqué à la BEI son rapport final d’enquête (ci-après le « rapport de l’OLAF ») et a recommandé l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant.

82      Le même jour, le requérant a été informé des conclusions de l’enquête de l’OLAF.

83      Le 6 juin 2016, la BEI a informé le requérant que, pour préserver la sérénité sur le lieu de travail, la dispense de service qui lui avait été notifiée le 16 juin 2015 devait être « confirmée » jusqu’à ce que le service du personnel se prononce sur la portée des faits constatés dans le rapport de l’OLAF (ci-après la « décision du 6 juin 2016 »).

84      Le 5 septembre 2016, le requérant a demandé que la commission de conciliation de la BEI soit saisie de la décision du 6 juin 2016.

85      Le 9 janvier 2017, le requérant a retiré la demande de conciliation visée au point 84 ci-dessus.

86      Le 7 février 2017, la BEI a décidé de prolonger la dispense de service du requérant « dans l’attente d’une décision définitive » (ci-après la « décision du 7 février 2017 » et, avec les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 et 6 juin 2016, les « décisions portant dispense de service »).

II.    Procédure et conclusions des parties

87      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 22 décembre 2015, le requérant a introduit le présent recours, lequel a été enregistré sous le numéro F‑150/15.

88      Dans la requête, le requérant concluait à ce qu’il plût au Tribunal de la fonction publique :

–        annuler les décisions de la BEI des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 ;

–        annuler la décision du 18 juin 2015 ;

–        annuler les décisions de la BEI de ne pas communiquer au requérant ses bulletins de rémunération et de le radier de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI ;

–        condamner la BEI au versement de la somme de 950 000 euros, majorée des intérêts, en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner la BEI aux dépens.

89      Dans la lettre de couverture accompagnant la requête, le requérant demandait également, en substance, à être dispensé de l’obligation visée à l’article 35, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique d’annexer à la requête la réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et la décision portant réponse à cette réclamation.

90      Par lettre du 3 mars 2016, le greffe du Tribunal de la fonction publique a répondu à cette demande comme suit :

« Pour ce qui concerne la demande de dispense de l’obligation de présenter une réclamation, je vous informe que le greffe du Tribunal de la fonction publique n’est pas habilité à décider dans quelle mesure une action peut être déclarée recevable, ni dans quelle mesure elle peut être rejetée. »

91      Le 13 juin 2016, la BEI a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal de la fonction publique. Dans ce mémoire, la BEI sollicitait la jonction de la présente affaire à l’affaire F‑145/15, PT/BEI, à tout le moins aux fins de la phase orale de la procédure, et concluait à ce qu’il plût au Tribunal de la fonction publique :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux entiers dépens, y compris ceux de la BEI.

92      En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑573/16 et attribuée à la quatrième chambre du Tribunal.

93      Le 15 septembre 2016, le requérant a déposé la réplique au greffe du Tribunal. Dans ce mémoire, le requérant a indiqué qu’il entendait regrouper ses deuxième et troisième chefs de conclusions dès lors que les actes visés par ces deux chefs de conclusions devaient être considérés comme constituant, en réalité, une seule décision, adoptée le 18 juin 2015, par laquelle l’accès du requérant aux systèmes informatiques de la BEI avait été bloqué (voir point 88 ci-dessus).

94      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2016, le requérant a introduit une demande visant à obtenir l’anonymat, à laquelle le président de la quatrième chambre a fait droit par décision du 29 novembre 2016.

95      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 14 décembre 2016 (ci-après la « première demande d’adaptation »), le requérant a demandé à pouvoir adapter la requête afin que son recours vise également la décision du 6 juin 2016. Il a aussi indiqué qu’il demandait la condamnation de la BEI, d’une part, au paiement de dommages et intérêts supplémentaires, d’un montant de 475 000 euros majoré d’intérêts moratoires, en réparation du préjudice moral subi du fait de cette décision et, d’autre part, aux dépens supplémentaires exposés.

96      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 février 2017, la BEI a conclu à l’irrecevabilité de la première demande d’adaptation.

97      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 1er mars 2017 (ci-après la « seconde demande d’adaptation »), le requérant a demandé à pouvoir adapter la requête afin que son recours vise également la décision du 7 février 2017. Il a par ailleurs demandé, d’une part, que la présente affaire fasse l’objet d’une communication au Journal officiel de l’Union européenne dans les plus brefs délais et, d’autre part, que la BEI soit condamnée au paiement de dommages et intérêts supplémentaires, d’un montant de 20 000 euros par mois civil entamé à compter du 7 février 2017, en réparation du préjudice moral subi du fait de cette décision, et ce jusqu’au jour de l’annulation de ladite décision, majorés des intérêts moratoires, ainsi qu’aux dépens supplémentaires exposés. En outre, le requérant a produit de nouveaux éléments de preuve.

98      Le 18 mai 2017, la BEI a déposé la duplique au greffe du Tribunal.

99      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, la BEI a conclu à l’irrecevabilité de la seconde demande d’adaptation et, en tout état de cause, à son rejet comme étant non fondée, ainsi qu’au rejet de la « demande de production de nouvelles preuves ».

100    Le même jour, sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure sans accéder à la demande de jonction visée au point 91 ci-dessus aux fins de la phase orale de la procédure.

101    Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 juin 2017, le requérant a déposé, d’une part, une demande au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal aux fins d’être entendu dans le cadre d’une audience de plaidoiries et, d’autre part, de nouvelles preuves. Le requérant a également indiqué qu’il souhaitait être entendu personnellement lors de l’audience, au titre de l’article 110, paragraphe 4, du règlement de procédure, et a demandé au Tribunal d’ordonner à la BEI, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, de se prononcer par écrit sur la légalité de l’enquête de l’OLAF et de communiquer le rapport d’enquête interne de la BEI et l’intégralité du rapport de l’OLAF ainsi que ses annexes.

102    Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2017, la BEI a, premièrement, pris position sur la tenue d’une audience, deuxièmement, présenté ses observations sur les nouvelles preuves produites par le requérant dans la lettre citée au point 98 ci-dessus et, troisièmement, contesté la nécessité des mesures d’organisation de la procédure demandées par le requérant.

103    Le 9 novembre 2017, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’adresser aux parties des questions pour réponse écrite, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

104    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 janvier 2018, le requérant a déposé des observations sur le rapport d’audience.

105    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 janvier 2018.

106    Lors de l’audience, le requérant a, d’une part, déposé une nouvelle pièce, à savoir la grille de rémunération du personnel de la BEI applicable à compter du 1er janvier 2017 et, d’autre part, renoncé à sa demande tendant à ce que la présente affaire fasse l’objet d’une publication au Journal officiel dans les plus brefs délais, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience. La BEI a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations sur la nouvelle pièce produite par le requérant, ce dont il a également été pris acte au procès-verbal d’audience.

III. En droit

A.      Sur la demande de jonction avec l’affaire T571/16, PT/BEI

107    Ainsi qu’il ressort du point 91 ci-dessus, la BEI a demandé la jonction, à tout le moins aux fins de la phase orale de la procédure, de la présente affaire à l’affaire F‑145/15, PT/BEI, laquelle a été enregistrée sous le numéro T‑571/16 à la suite de son transfert au Tribunal en application de l’article 3 du règlement 2016/1192.

108    Le requérant ne s’est pas exprimé à cet égard.

109    Comme il ressort du point 100 ci-dessus, le Tribunal a estimé qu’il n’y avait pas lieu de joindre la présente affaire à l’affaire T‑571/16, PT/BEI, aux fins de la phase orale de la procédure. Le Tribunal considère qu’il n’y a pas davantage lieu de joindre ces deux affaires aux fins de l’arrêt. En effet, lesdites affaires ont pour objet des recours tendant à l’annulation d’actes différents et soulèvent des questions de droit et de fait différentes. La demande de jonction présentée par la BEI est donc rejetée.

B.      Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

110    Ainsi qu’il a été indiqué au point 101 ci-dessus, le requérant a demandé au Tribunal d’ordonner à la BEI, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, de se prononcer par écrit sur la légalité de l’enquête de l’OLAF et de produire plusieurs documents.

111    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (ordonnance du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission, C‑498/09 P, non publiée, EU:C:2010:338, point 138) et qu’il lui appartient d’apprécier la pertinence d’une demande de mesure d’organisation de la procédure par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 320).

112    En l’espèce, eu égard aux pièces jointes par les parties à leurs écritures et à leurs réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, ce dernier s’estime suffisamment éclairé pour statuer sur le recours et décide qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’adoption de mesures d’organisation de la procédure.

C.      Sur la recevabilité

113    Sans formellement soulever d’exception d’irrecevabilité, la BEI invoque plusieurs fins de non-recevoir, portant, premièrement, sur le recours dans son ensemble, deuxièmement, sur les deuxième et troisième chefs de conclusions et, troisièmement, sur les demandes d’adaptation de la requête.

1.      Sur la recevabilité du recours

114    La BEI conteste la recevabilité du recours, au motif que, à la date d’introduction de celui-ci, la procédure de conciliation lancée par le requérant le 13 juillet 2015 était toujours en cours.

115    À l’appui de son argumentation, la BEI invoque l’arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI (T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69). Il ressortirait, en substance, de cet arrêt que l’institution de la procédure de conciliation visée à l’article 41 du règlement du personnel conduit nécessairement à la conclusion que, si un employé demande l’ouverture de cette procédure, le délai pour l’introduction d’un recours devant le Tribunal ne commence à courir qu’à partir du moment où elle a pris fin. Toute autre interprétation conduirait à une situation dans laquelle l’employé de la BEI serait obligé d’introduire un recours devant le juge de l’Union européenne à un moment où il rechercherait encore activement un règlement à l’amiable de l’affaire, ce qui priverait une procédure administrative facultative telle que la procédure de conciliation de son effet utile.

116    Dans ces conditions, le requérant qui a fait le choix de déclencher la procédure de conciliation serait, pour lui donner un effet utile, tenu de la respecter. Il ne saurait donc introduire un recours devant le juge de l’Union avant qu’elle ne soit achevée. Toute interprétation contraire porterait gravement atteinte au principe de sécurité juridique.

117    Au stade de la duplique, la BEI ajoute que le caractère facultatif de la procédure de conciliation ne remet pas en cause cette conclusion. En effet, d’une part, la saisine directe du Tribunal sans procédure administrative préalable ne serait recevable que dans le cas d’un recours dirigé contre les décisions d’un jury de concours. D’autre part, dans la mesure où l’objectif de la procédure de conciliation serait de faciliter les règlements extrajudiciaires, il serait indispensable que ladite procédure puisse arriver à son terme sans qu’une procédure juridictionnelle suive son cours en parallèle.

118    Or, en l’espèce, il serait incontestable que, à la date du dépôt de la requête, la procédure de conciliation engagée par le requérant était encore en cours. En effet, le requérant n’aurait à aucun moment retiré sa demande de conciliation. Au contraire, Mme E. aurait encore adressé à la BEI un courriel à propos de la procédure de conciliation le 28 octobre 2015.

119    La demande par laquelle le requérant aurait sollicité une « dispense de réclamation » (voir point 89 ci-dessus) constituerait d’ailleurs un « aveu d’irrecevabilité » du recours.

120    Lors de l’audience, la BEI a, néanmoins, admis que le recours était recevable en tant qu’il portait sur la décision du 20 octobre 2015, le requérant n’ayant pas déclenché la procédure de conciliation en ce qui concerne cette décision et n’étant pas non plus tenu de le faire. Il en a été pris acte au procès-verbal d’audience.

121    Le requérant soutient que le recours est recevable. À l’appui de son argumentation, il présente en annexe C.7 à la réplique un échange de correspondance, dont il ressortirait que la BEI a cessé de communiquer sur la procédure de conciliation en octobre 2015.

a)      Sur la recevabilité de l’annexe C.7 à la réplique

122    Parmi les pièces que le requérant a produites en annexe à la réplique, aux deux demandes d’adaptation, à la demande de tenue d’une audience de plaidoiries et à sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, seule l’annexe C.7 porte sur la recevabilité du recours. Les autres annexes à ces écritures soit renferment les actes justifiant les deux demandes d’adaptation (annexes AA.1 et AA.2), soit reproduisent des règles de droit et ne sauraient donc être qualifiées de preuves proprement dites (annexes C.2, C.4, C.8, C.26 et BB.5), soit ne se rapportent qu’au fond de la présente affaire (annexes C.1, C.6, C.9 à C.25, C.27, BB.2 à BB.4 et XX.3), à la recevabilité de la première demande d’adaptation (annexe AA.2) ou à la portée des deuxième et troisième chefs de conclusions (annexes XX.1 et XX.2) et ne sont donc pas pertinentes aux fins de l’examen de la présente fin de non-recevoir, soit renferment des documents déjà produits en annexe au mémoire en défense et sont donc superfétatoires (annexes C.3 et C.5), soit portent sur l’éventuelle suspension du requérant au titre de l’article 39 du règlement du personnel dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2009 (ci-après le « règlement du personnel 2009 ») ou sur l’ouverture d’une éventuelle procédure disciplinaire à son égard et ne se rapportent donc ni à la recevabilité du recours, ni à aucun des moyens ou arguments que le requérant soulève à son appui (annexes CC.1 et CC.2). Dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours, le Tribunal se limitera donc à apprécier la recevabilité de la preuve figurant à l’annexe C.7.

123    En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la BEI a fait valoir que le document figurant à l’annexe C.7 était antérieur au dépôt de la requête et aurait donc dû être déposé avec celle-ci. Le requérant étant resté en défaut d’expliquer la production tardive de cette annexe, il y aurait lieu de la rejeter comme étant irrecevable.

124    Quant au requérant, il a, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, souligné que l’annexe C.7 était recevable en tant que preuve contraire visant à infirmer les allégations de la BEI selon lesquelles la procédure de conciliation était encore pendante au jour du dépôt de la requête.

125    Aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. Toutefois, selon l’article 85, paragraphe 2, du même règlement, les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

126    Il ressort, cependant, de la jurisprudence que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse dans le mémoire en défense ne sont pas visées par la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure. En effet, cette disposition concerne les preuves nouvelles et doit être lue à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, dudit règlement, qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées [voir arrêt du 22 juin 2017, Biogena Naturprodukte/EUIPO (ZUM wohl), T‑236/16, EU:T:2017:416, point 17 et jurisprudence citée].

127    Il y a lieu de constater que l’annexe C.7 renferme l’échange de correspondance qui a fait suite au courriel de Mme E. du 28 octobre 2015, que la BEI produit en annexe au mémoire en défense et dont elle déduit que la procédure de conciliation était encore en cours à cette date. Le requérant s’appuie sur cet échange de correspondance aux fins de démontrer que la BEI a cessé de communiquer au sujet de la procédure de conciliation en octobre 2015, si bien que cette dernière a dû prendre fin.

128    Partant, la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure ne trouve pas à s’appliquer à l’annexe C.7, qui doit donc être déclarée recevable.

b)      Sur le caractère prématuré du recours

129    Il convient d’observer que les parties au litige fondent toutes deux leur argumentation relative à la recevabilité du recours sur l’article 41 du règlement du personnel 2009. Il est vrai que le règlement du personnel, et, notamment, son article 41, a entre-temps fait l’objet d’une réforme, entrée en vigueur le 1er juillet 2013 (ci-après le « règlement du personnel 2013 »), soit avant l’introduction du présent recours. Toutefois, le règlement du personnel 2013 comporte des dispositions transitoires. Aux termes de ces dispositions, le règlement du personnel 2013 ne trouve à s’appliquer qu’aux membres du personnel de la BEI qui ont conclu leur contrat de travail le 1er juillet 2013 ou à une date ultérieure ou aux membres du personnel de la BEI qui ont conclu leur contrat de travail à une date antérieure au 1er juillet 2013 et en ont fait la demande. Or, le requérant est entré au service de la BEI le 1er mars 2011 et les parties n’ont à aucun moment soutenu qu’il avait demandé à se voir appliquer le règlement du personnel 2013.

130    Il s’ensuit que, comme en conviennent les parties, c’est l’article 41 du règlement du personnel 2009 qui s’applique au présent litige. Cette disposition est libellée comme suit :

« Les différends de toute nature d’ordre individuel entre la [BEI] et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Les différends, autres que ceux [relatifs à des sanctions disciplinaires], font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la [BEI,] et ce indépendamment de l’action introduite devant la Cour de justice [de l’Union européenne].

La commission de conciliation se compose de trois membres. Lorsque la commission doit se réunir, l’un des membres est désigné par le président de la [BEI], le deuxième par l’intéressé – ces deux désignations ayant lieu dans le délai d’une semaine à partir de la demande d’une des parties à l’autre ; le troisième membre, qui préside la commission, est désigné par les deux premiers dans un délai d’une semaine après la désignation des deux premiers membres ; il peut être choisi en dehors de la [BEI]. Si les deux premiers membres ne peuvent, dans la semaine suivant leur désignation, se mettre d’accord sur la désignation du président, il y est procédé par le président de la Cour de justice [de l’Union européenne].

La procédure de conciliation est considérée, selon le cas, comme ayant échoué :

–        si dans un délai de quatre semaines à dater de la requête qui lui est adressée par le président de la [BEI], le président de la Cour de justice [de l’Union européenne] n’a pas procédé à la désignation du président [de la commission de conciliation] ;

–        si dans les deux semaines de sa constitution, la commission de conciliation n’aboutit pas à un règlement accepté par les deux parties. »

131    Il ressort de cette disposition que tout différend entre la BEI et les membres de son personnel est susceptible d’un recours juridictionnel devant le juge de l’Union et qu’un tel recours peut être précédé d’une procédure amiable devant la commission de conciliation, indépendamment de l’action introduite devant ledit juge (arrêt du 19 juillet 2017, Dessi/BEI, T‑510/16, non publié, EU:T:2017:525, point 30).

132    La recevabilité d’un recours devant le juge de l’Union n’est donc pas subordonnée à l’épuisement de la procédure de conciliation. L’article 41 du règlement du personnel 2009 et la procédure facultative qui y est prévue présentent ainsi un caractère particulier qui les différencie de la procédure précontentieuse obligatoire prévue par les articles 90 et 91 du statut. En effet, à la différence de ces dispositions du statut, le règlement du personnel 2009 ne prévoit pas de procédure précontentieuse obligatoire (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2017, Dessi/BEI, T‑510/16, non publié, EU:T:2017:525, point 31 et jurisprudence citée).

133    Contrairement aux arguments de la BEI, il ne saurait être déduit de l’arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI (T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69), que, malgré son caractère facultatif, l’engagement d’une procédure de conciliation contraint le requérant à la mener à son terme avant d’introduire un recours devant le juge de l’Union. En effet, si, comme le souligne la BEI, il ressort de cet arrêt que le délai pour l’introduction d’un recours devant le juge de l’Union ne commence à courir qu’à partir du moment où la procédure de conciliation amiable de l’article 41 du règlement du personnel 2009 a pris fin, il en résulte uniquement que, dès lors qu’un employé de la BEI a choisi de mener à son terme ladite procédure, il ne peut se voir opposer la forclusion de son action s’il décide de saisir le juge de l’Union à l’issue de cette procédure (arrêt du 19 juillet 2017, Dessi/BEI, T‑510/16, non publié, EU:T:2017:525, point 32).

134    L’argument de la BEI selon lequel la demande de « dispense de réclamation » que le requérant aurait formulée dans la lettre de couverture accompagnant la requête constituerait un « aveu d’irrecevabilité » du recours n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, ledit argument procède d’une lecture erronée de cette lettre. Dans ladite lettre, le requérant ne demandait aucunement à être dispensé d’une hypothétique obligation d’introduire une demande de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel 2009 ou de mener à son terme la procédure de conciliation qu’il avait préalablement lancée. Il se contentait de demander à être dispensé de la règle de présentation formelle visée à l’article 35, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, aux termes de laquelle étaient, s’il y avait lieu, annexées à la requête la réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et la décision portant réponse à cette réclamation.

135    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la BEI, un agent de la BEI qui, tel le requérant, a engagé une procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel 2009 n’est pas tenu d’en attendre l’issue pour être recevable à introduire un recours devant le Tribunal. En juger autrement reviendrait, au demeurant, à subordonner le droit fondamental du requérant à un recours effectif et à accéder à un tribunal indépendant à une condition qui ne ressort pas des textes applicables, ni d’une jurisprudence prévisible et accessible, en violation des articles 47 et 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

136    Il importe d’ajouter, à titre surabondant, que la BEI ne saurait soutenir que la procédure de conciliation lancée le 13 juillet 2015 était toujours en cours à la date d’introduction du présent recours. Comme il ressort du point 130 ci-dessus, l’article 41, troisième alinéa, du règlement du personnel 2009 prévoit que la commission de conciliation est composée de trois membres. Lorsque la commission doit se réunir, l’un des membres est désigné par le président de la BEI et un autre par le membre du personnel concerné, ces deux désignations ayant lieu dans le délai d’une semaine à partir de la demande d’une des parties à l’autre. Le troisième membre, qui préside la commission, est désigné par les deux premiers dans un délai d’une semaine après la désignation de ces derniers ou, à défaut, par le président de la Cour de justice de l’Union européenne, qui est saisi à cet effet par le président de la BEI.

137    Le règlement du personnel 2009 ne prévoit pas de délai dans lequel le président de la BEI doit saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de désigner le président de la commission de conciliation lorsque les deux premiers membres de cette commission ne le désignent pas dans le délai d’une semaine qui leur est imparti. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le silence des textes, l’exigence de sécurité juridique requiert que les institutions de l’Union exercent leurs pouvoirs dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 95 et 96 et jurisprudence citée). Dès lors, il y a lieu de considérer que, lorsque les deux premiers membres de la commission de conciliation ne désignent pas le président de cette commission dans le délai d’une semaine qui leur est imparti, le président de la BEI doit, conformément au principe de sécurité juridique, saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne dans un délai raisonnable, qui court à compter de l’expiration du délai d’une semaine imparti aux deux premiers membres de la commission de conciliation.

138    Conformément à la jurisprudence, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et des différentes étapes procédurales que l’institution de l’Union a suivies, ainsi que du comportement des parties au cours de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, points 28 à 30 et jurisprudence citée).

139    En l’espèce, il y a lieu de constater que, le requérant et le président de la BEI ayant chacun désigné un membre de la commission de conciliation, à savoir M. B. et M. M., conformément à l’article 41, troisième alinéa, du règlement du personnel 2009, il appartenait à ces derniers de désigner, d’un commun accord, le président de la commission de conciliation dans un délai d’une semaine à compter de la désignation de M. M. Cette dernière désignation ayant été effectuée le 20 juillet 2015, le délai dans lequel MM. B. et M. auraient dû désigner le président de la commission de conciliation expirait le 27 juillet 2015. La « révocation » de la désignation de M. B. et de M. V. – à la supposer possible – n’ayant été proposée qu’après l’expiration de ce délai, il n’y a au demeurant pas lieu de se demander si elle peut être considérée comme un motif d’interruption ou de suspension dudit délai. Or, MM. B. et M. ne se sont pas accordés sur la désignation du président de la commission de conciliation dans ledit délai. Dans ces conditions, il appartenait au président de la BEI de saisir, dans un délai raisonnable à compter de l’expiration dudit délai, le président de la Cour de justice de l’Union européenne afin que celui-ci désigne le président de la commission de conciliation.

140    Pour déterminer quand a expiré le délai dans lequel le président de la BEI était tenu de saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne, il convient de tenir compte de ce que la saisine qu’il incombait au président de la BEI d’effectuer ne présentait pas de difficulté particulière, de l’omission du président de la BEI de répondre aux relances du requérant (voir notamment points 72 et 74 ci-dessus) et de l’importance certaine que le litige revêtait pour ce dernier, au vu notamment des conséquences qui pouvaient en résulter pour sa carrière, du préjudice moral dont il se prévalait dans sa demande de conciliation et de ce qu’il était écarté de son activité professionnelle. Il y a, cependant, aussi lieu de prendre en considération la complexité à la fois factuelle et juridique du litige et le comportement du requérant, qui a, notamment, demandé au président de la BEI de retirer sa dispense de service parallèlement à la procédure de conciliation et a entendu « révoquer » la désignation du membre de la commission de conciliation qu’il avait initialement désigné pour ensuite en recommander la désignation comme président de cette commission. Au vu de ces éléments, le Tribunal estime que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le président de la BEI aurait dû saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de la désignation du président de la commission de conciliation dans un délai n’excédant pas deux mois à compter de l’expiration du délai d’une semaine imparti à MM. B. et M., soit au plus tard le 27 septembre 2015.

141    Or, au jour du dépôt de la requête, soit près de cinq mois après l’expiration du délai d’une semaine imparti à MM. B. et M., le président de la BEI n’avait toujours pas saisi le président de la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de la désignation du président de la commission de conciliation.

142    Dès lors, l’inertie du président de la BEI faisant obstacle à toute constitution régulière de la commission de conciliation lorsque les deux premiers membres de la commission de conciliation ne désignent pas le président de cette commission dans le délai d’une semaine qui leur est imparti, il y a lieu de retenir que la procédure de conciliation avait pris fin avant le dépôt de la requête.

143    Contrairement à ce que soutient la BEI (voir point 118 ci-dessus), le courriel de Mme E. du 28 octobre 2015 ne remet pas en cause cette conclusion. En effet, d’une part, le délai dans lequel le président de la BEI doit saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de la désignation du président de la commission de conciliation n’est pas à la disposition des parties, bien que, comme il ressort du point 138 ci-dessus, leur comportement puisse avoir une incidence sur la détermination de son caractère raisonnable. D’autre part et en tout état de cause, dans ses courriels du 28 octobre 2015, Mme E. s’est contentée d’indiquer qu’elle considérait que la décision du 20 octobre 2015 était une « preuve écrite » que la BEI ne souhaitait pas continuer la procédure de conciliation et que l’on pouvait se demander si la demande de conciliation du requérant n’avait pas été « rejetée de facto » au vu de cette décision.

144    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la BEI n’est pas fondée à soutenir que le présent recours est prématuré au motif que la procédure de conciliation était en cours au moment de son introduction.

145    Par conséquent, la présente fin de non-recevoir ne peut qu’être écartée.

2.      Sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requête

146    Par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande l’annulation de la décision du 18 juin 2015. Par son troisième chef de conclusions, il demande l’annulation de l’acte par lequel il aurait été décidé de ne pas lui communiquer ses bulletins de rémunération et de le radier de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI.

147    La BEI conclut à l’irrecevabilité de ces deux chefs de conclusions. Elle soulève quatre fins de non-recevoir à cet égard, tirées, la première, de la perte d’intérêt du requérant à demander l’annulation de l’acte par lequel il aurait été décidé de ne pas lui communiquer ses bulletins de rémunération et de le radier de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI, la deuxième, de ce que cette décision et la décision du 18 juin 2015 sont accessoires à la dispense de service du requérant, la troisième, du caractère purement préparatoire de la décision du 18 juin 2015 et, la quatrième, du caractère tardif du présent recours en tant qu’il tend à l’annulation de la décision du 18 juin 2015.

148    Le requérant conteste l’argumentation de la BEI.

149    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient, aux fins de l’examen des fins de non-recevoir visées au point 147 ci-dessus, de clarifier la portée des deuxième et troisième chefs de conclusions du requérant.

a)      Sur la portée des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requête

150    Il importe d’observer que, dans la réplique, le requérant entend regrouper ses deuxième et troisième chefs de conclusions. Selon le requérant, le blocage de son accès à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI, qui fait l’objet du deuxième chef de conclusions, et la radiation de son nom de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI ainsi que l’omission de la BEI de lui communiquer ses bulletins de rémunération, qui font l’objet du troisième chef de conclusions, doivent être considérés comme résultant d’un seul et même acte, à savoir la décision du 18 juin 2015. Il y a lieu de constater que cette analyse du requérant est corroborée par les réponses de la BEI aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et aux questions orales de ce dernier lors de l’audience. Il ressort de ces réponses que l’omission de communiquer au requérant ses bulletins de rémunération et la radiation de son nom de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI ne sont que de simples conséquences mécaniques du blocage de l’accès du requérant à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI, qui résulte de la décision du 18 juin 2015.

151    En effet, d’une part, les membres du personnel de la BEI peuvent consulter leurs bulletins de rémunération au moyen d’un service informatique accessible par les connexions informatiques de la BEI. Le requérant ayant été privé d’accès à ces connexions du fait de la décision du 18 juin 2015, il ne pouvait, par voie de conséquence, consulter ses bulletins de rémunération en ligne. D’autre part, il importe de constater que la radiation du nom du requérant de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI était une conséquence technique du blocage de l’accès du requérant à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI.

152    Il s’ensuit que, comme le soutient le requérant, l’omission de communiquer au requérant ses bulletins de rémunération et la radiation de son nom de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI n’ont pas fait l’objet d’un acte distinct de la décision du 18 juin 2015. Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’interpréter les deuxième et troisième chefs de conclusions comme tendant tous deux à l’annulation de la décision du 18 juin 2015.

153    Cela étant clarifié, il convient d’examiner successivement les quatre fins de non-recevoir visées au point 147 ci-dessus.

b)      Sur la première fin de non-recevoir, tirée de la perte d’intérêt à agir du requérant

154    Par la première fin de non-recevoir visée au point 147 ci-dessus, la BEI soutient, en substance, que le requérant n’a plus intérêt à demander l’annulation de la décision de la BEI de ne pas lui communiquer ses bulletins de rémunération et de radier son nom de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI. En effet, le requérant figurerait désormais sur cet organigramme et pourrait consulter ses bulletins de rémunération.

155    En l’espèce, il y a lieu de constater que la première fin de non-recevoir visée au point 147 ci-dessus ne porte, certes, que sur l’omission de communiquer au requérant ses bulletins de rémunération et la radiation de son nom de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI. Toutefois, il a été constaté aux points 150 à 152 ci-dessus que cette omission n’avait fait l’objet d’aucun acte distinct de la décision du 18 juin 2015, mais était une conséquence mécanique de cette dernière. Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il y a lieu de considérer que, par la présente fin de non-recevoir, la BEI conteste la recevabilité du recours en tant qu’il porte sur la décision du 18 juin 2015.

156    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un recours en annulation n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué (arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 76). Un tel intérêt doit être né et actuel et suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 et 56 et jurisprudence citée), et ce indépendamment de l’absence de nécessité ou de l’impossibilité matérielle, pour l’institution défenderesse, d’adopter des mesures d’exécution de l’arrêt d’annulation au titre de l’article 266 TFUE (arrêt du 6 juin 2013, Ayadi/Commission, C‑183/12 P, non publié, EU:C:2013:369, point 77).

157    Conformément à la jurisprudence, une partie requérante peut justifier d’un intérêt à obtenir l’annulation d’un acte abrogé dans la mesure où l’abrogation d’un acte n’entraîne pas les mêmes effets juridiques qu’une annulation éventuelle par le Tribunal. En effet, l’abrogation d’un acte d’une institution ne constitue pas une reconnaissance de son illégalité et produit un effet ex nunc, alors que son annulation produit, à l’instar d’un retrait, un effet ex tunc (voir arrêt du 17 juillet 2014, Westfälisch-Lippischer Sparkassen- und Giroverband/Commission, T‑457/09, EU:T:2014:683, point 131 et jurisprudence citée, et ordonnance du 30 novembre 2015, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission, T‑215/14, non publiée, EU:T:2015:965, point 37 et jurisprudence citée). Ainsi, contrairement à l’annulation ou au retrait d’un acte, son abrogation laisse subsister, pour les destinataires de l’acte concerné, les effets qu’il a produits pendant la période durant laquelle il a été en vigueur (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 70, et du 13 décembre 2012, AX/BCE, F‑7/11 et F‑60/11, EU:F:2012:195, point 77).

158    De surcroît, dans le cas où un acte est annulé, l’institution dont émane l’acte est tenue de prendre les mesures qu’implique l’exécution de l’arrêt. Ces mesures ont trait, notamment, à l’anéantissement des effets des illégalités constatées dans l’arrêt d’annulation. C’est ainsi que l’institution concernée peut être amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation de la partie requérante ou à éviter qu’un acte identique ne soit adopté (voir arrêt du 17 juillet 2014, Westfälisch-Lippischer Sparkassen- und Giroverband/Commission, T‑457/09, EU:T:2014:683, points 131 et 132 et jurisprudence citée).

159    En l’espèce, il ressort des documents présentés en annexe XX.1 à la réponse du requérant aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, dont la recevabilité n’est pas contestée, que la BEI a transmis au requérant ses bulletins de rémunération pour les mois de juin, de juillet et d’août 2015 le 20 août 2015. Comme il ressort du document présenté en annexe XX.2 à cette réponse, dont la recevabilité n’est pas non plus contestée, la BEI a intégralement restauré l’accès du requérant aux connexions informatiques de la BEI le 27 août 2015. Ainsi qu’il ressort d’un courriel du 27 août 2015 annexé à la réponse de la BEI aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, cette restauration couvrait la messagerie électronique du requérant et l’inclusion de son nom dans l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI. Il s’ensuit que, comme l’a indiqué la BEI en réponse à ces mesures d’organisation de la procédure, la décision du 18 juin 2015 a cessé de produire tout effet le 27 août 2015. Au regard de la jurisprudence citée au point 157 ci-dessus, il y a donc lieu de vérifier si cette décision n’a fait l’objet que d’une abrogation ou si elle a été retirée.

160    À ce sujet, d’une part, la BEI a précisé, lors de l’audience, que le rétablissement de l’accès du requérant à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI ne constituait pas une reconnaissance de l’illégalité de la décision du 18 juin 2015. D’autre part, il ne ressort aucunement des pièces du dossier que ce rétablissement aurait eu un effet ex tunc. Au contraire, ledit rétablissement a laissé subsister, pour le requérant, les effets que la décision du 18 juin 2015 a produits pendant la période durant laquelle elle a été en vigueur. Il en résulte que cette décision n’a été qu’abrogée, et non retirée.

161    Partant l’annulation de la décision du 18 juin 2015 est toujours susceptible de procurer un bénéfice au requérant. Le requérant conserve donc un intérêt à agir en ce qui concerne les effets que la décision du 18 juin 2015 a produits entre la date de son entrée en vigueur et celle de son abrogation, d’autant plus qu’il soutient que cette décision a porté atteinte à son honneur, à sa dignité, à l’estime de lui-même, à sa réputation et à ses possibilités de poursuivre sa carrière au sein de la BEI et qu’une éventuelle annulation de ladite décision pourrait, par suite, contribuer à le réhabiliter dans son milieu professionnel.

162    Il s’ensuit que la première fin de non-recevoir visée au point 147 ci-dessus doit être rejetée.

c)      Sur la deuxième fin de non-recevoir, tirée du caractère accessoire de la décision du 18 juin 2015

163    Par la deuxième fin de non-recevoir visée au point 147 ci-dessus, la BEI fait valoir que la décision du 18 juin 2015 revêt un caractère accessoire à la dispense de service du requérant. À supposer l’irrégularité de la décision du 18 juin 2015 établie, elle n’affecterait donc pas la légalité de cette dispense.

164    À cet égard, d’une part, il importe d’observer que rien dans les écritures de la BEI ne démontre que la décision du 18 juin 2015 est accessoire aux décisions portant dispense de service. Lors de l’audience, la BEI a d’ailleurs admis que la décision du 18 juin 2015 était préparatoire à l’enquête de l’OLAF et ne présentait pas de lien avec les décisions portant dispense de service.

165    D’autre part et en tout état de cause, il y a lieu de constater que la BEI reste en défaut d’expliquer pour quel motif le caractère prétendument accessoire de la décision du 18 juin 2015 emporterait l’irrecevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions. Un tel argument est d’ailleurs dépourvu de tout fondement en droit. En effet, même à le supposer établi, le caractère accessoire de la décision du 18 juin 2015 n’interdirait pas au Tribunal d’en prononcer l’annulation tout en rejetant le recours en tant qu’il vise les décisions portant dispense de service.

166    La deuxième fin de non-recevoir visée au point 147 ci-dessus ne peut donc qu’être rejetée.

d)      Sur la troisième fin de non-recevoir, tirée du caractère préparatoire de la décision du 18 juin 2015

167    Lors de l’audience, la BEI a fait valoir que la décision du 18 juin 2015 revêtait un caractère préparatoire, dans la mesure où elle aurait été adoptée à la demande de l’OLAF aux fins d’une enquête pendante. Selon la BEI, l’OLAF aurait pu, dans le rapport mettant fin à cette enquête, recommander l’adoption d’actes attaquables. Ce ne serait qu’à l’occasion d’un recours en annulation dirigé contre de tels actes que le requérant pourrait exciper de l’irrégularité de la décision du 18 juin 2015.

168    Le requérant conteste l’argumentation de la BEI.

169    En l’espèce, il convient de constater que, contrairement aux allégations de la BEI, l’OLAF n’a pas demandé à la BEI de bloquer l’accès du requérant à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI. En effet, il ressort d’un courriel d’un enquêteur de l’OLAF du 18 juin 2015 que l’OLAF s’est contenté de demander à la BEI de saisir, à titre conservatoire, l’ordinateur de bureau du requérant, son ordinateur portable ou tout autre appareil électronique qu’il utilisait dans l’exercice de ses fonctions.

170    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la BEI selon lequel le requérant ne pouvait pas, sans son ordinateur professionnel, accéder à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI. En effet, cet argument n’explique nullement pourquoi il était nécessaire de bloquer l’accès du requérant à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI pour accéder à la requête de l’OLAF, laquelle ne portait que sur la saisine de son ordinateur de bureau, de son ordinateur portable ou de tout autre appareil électronique qu’il utilisait dans l’exercice de ses fonctions.

171    Par conséquent, il n’est pas établi que la décision du 18 juin 2015 de bloquer l’accès du requérant à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI s’inscrivait dans le cadre de la procédure d’enquête de l’OLAF et revêtait, dès lors, un caractère préparatoire du rapport qui viendrait clore cette enquête.

172    Au regard de ce qui précède, il y a lieu d’écarter la troisième fin de non-recevoir visée au point 147 ci-dessus.

e)      Sur la quatrième fin de non-recevoir, tirée du caractère tardif du deuxième chef de conclusions

173    Par la quatrième fin de non-recevoir visée au point 147 ci-dessus, la BEI soutient que le recours est tardif en tant qu’il est dirigé contre la décision du 18 juin 2015. Il ressortirait de l’article 41 du règlement du personnel et de la jurisprudence de la Cour qu’un recours dirigé contre un acte de la BEI doit être porté devant le juge de l’Union dans un délai raisonnable. Dans l’arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134), la Cour aurait ainsi interprété la notion de délai raisonnable comme visant un délai de trois mois à compter de l’adoption de l’acte attaqué. Or, le présent recours n’aurait été introduit que le 22 décembre 2015, soit six mois et quatre jours après l’adoption de la décision du 18 juin 2015.

174    À cet égard, il importe de souligner que ni le traité FUE ni le règlement du personnel 2009 ne contiennent d’indications sur le délai de recours applicable aux litiges entre la BEI et ses agents. Cependant, la conciliation entre, d’une part, le droit à une protection juridictionnelle effective, qui constitue un principe général du droit de l’Union et requiert que le justiciable dispose d’un délai suffisant pour évaluer la légalité de l’acte lui faisant grief et préparer, le cas échéant, sa requête, et, d’autre part, l’exigence de la sécurité juridique, qui veut que, après l’écoulement d’un certain délai, les actes pris par les instances de l’Union deviennent définitifs, impose que ces litiges soient portés devant le juge de l’Union dans un délai raisonnable (arrêt du 9 juillet 2013, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑234/11 P RENV‑RX, EU:T:2013:348, point 30).

175    Ainsi qu’il ressort du point 138 ci-dessus, le caractère raisonnable du délai de recours applicable aux litiges entre la BEI et ses agents ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire. Lorsque, comme en l’espèce, un agent de la BEI demande l’ouverture d’une procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel 2009, ce délai ne commence à courir qu’à partir du moment où cette procédure a pris fin (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69, point 107). Dès lors qu’il a choisi de mener à son terme une telle procédure, un agent de la BEI ne saurait donc se voir opposer la forclusion de son action juridictionnelle s’il décide de saisir le juge de l’Union à l’issue de cette procédure (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2017, Dessi/BEI, T‑510/16, non publié, EU:T:2017:525, point 32).

176    En l’espèce, il convient de constater, à l’instar de la BEI, que le requérant a introduit le présent recours par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2015, soit six mois et quatre jours après l’adoption de la décision du 18 juin 2015. Il y a, cependant, lieu de rappeler que, avant de saisir le Tribunal d’une demande tendant à l’annulation de la décision du 18 juin 2015, dont il n’avait au demeurant pu prendre connaissance que le 10 juillet 2015, le requérant avait introduit, le 13 juillet 2015, une demande de conciliation en vertu de l’article 41 du règlement du personnel 2009. La procédure de conciliation ainsi engagée par le requérant portait, notamment, sur la décision du 18 juin 2015. Conformément à la jurisprudence citée au point 175 ci-dessus, le délai pour introduire un recours juridictionnel contre la décision du 18 juin 2015 n’a donc commencé à courir qu’à partir du moment où cette procédure de conciliation a pris fin. Le président de la BEI n’ayant pas, comme il ressort des points 138 à 140 ci-dessus, saisi le président de la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de la désignation du président de la commission de conciliation dans un délai n’excédant pas deux mois à compter de l’expiration du délai d’une semaine imparti à MM. B. et M., le 27 juillet 2015, il y a lieu de considérer que la procédure de conciliation a pris fin le 27 septembre 2015.

177    Or, le requérant a porté sa contestation devant le Tribunal le 22 décembre 2015, soit moins de trois mois après que la procédure de conciliation a pris fin. Au vu, notamment, des difficultés tenant à l’identification des effets et de la nature de la décision du 18 juin 2015 (voir, respectivement, points 150 à 152 et 169 à 171 ci-dessus), de l’enjeu du litige pour le requérant, qui estime que cette décision a porté atteinte à son honneur, à sa dignité, à son estime de soi, à sa réputation et à ses possibilités de poursuivre sa carrière au sein de la BEI, et de ce que le requérant a pendant une période prolongée été maintenu dans l’incertitude quant à l’évolution de la procédure de conciliation, il ne saurait être considéré qu’un tel délai, au demeurant inférieur au délai de trois mois dans lequel la BEI estime que le recours aurait dû être introduit, est déraisonnable. Cette conclusion s’impose d’autant plus que le requérant a légitimement pu, dans les circonstances de l’espèce et par souci d’économie de la procédure, demander dans le cadre d’un seul et même recours l’annulation de la décision du 18 juin 2015 et des décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015.

178    Par ailleurs, il convient de relever que le délai dans lequel le requérant a porté devant le Tribunal sa contestation contre la décision du 18 juin 2015 est aussi inférieur au délai de trois mois visé à l’article 41 du règlement du personnel 2013, qui, bien que n’étant pas applicable au présent litige (voir points 129 et 130 ci-dessus), a été évoqué lors de l’audience.

179    Il y a donc lieu de rejeter la quatrième fin de non-recevoir visée au point 147 ci-dessus.

180    L’ensemble des fins de non-recevoir soulevées par la BEI à l’encontre de la demande d’annulation de la décision du 18 juin 2015 ayant été écartées, il y a lieu de la déclarer recevable.

3.      Sur la recevabilité des demandes d’adaptation des conclusions de la requête

181    Par deux fois, le requérant a demandé à adapter ses conclusions.

182    Dans le cadre de la première demande d’adaptation, le requérant a demandé à ce que le recours vise également, d’une part, l’annulation de la décision du 6 juin 2016 et, d’autre part, la condamnation de la BEI au paiement d’un montant de 475 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi, majoré d’intérêts moratoires.

183    Dans le cadre de la seconde demande d’adaptation, le requérant a demandé à ce que le recours vise également, d’une part, l’annulation de la décision du 7 février 2017 et, d’autre part, la condamnation de la BEI au paiement d’un montant supplémentaire de 20 000 euros par mois civil entamé à compter du 7 février 2017, et ce jusqu’au jour de l’annulation de ladite décision, majoré des intérêts moratoires, à titre de réparation du préjudice moral subi du fait de ladite décision.

184    Il y a lieu d’examiner successivement la recevabilité de la première demande d’adaptation et celle de la seconde demande d’adaptation.

a)      Sur la première demande d’adaptation

185    La BEI conclut à l’irrecevabilité de la première demande d’adaptation, aux motifs que, premièrement, le règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, devant lequel le présent recours a été introduit, n’autorisait pas l’adaptation de la requête, deuxièmement, elle a été introduite tardivement, et, troisièmement, en tout état de cause, les conditions de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal ne sont pas satisfaites en l’espèce. À ce sujet, d’une part, la BEI avance que la décision du 6 juin 2016 n’a pas remplacé ou modifié les décisions antérieures de dispense de service, ni n’aurait le même objet que celles-ci. D’autre part, la BEI fait valoir que l’ajout d’une demande indemnitaire tendant à l’octroi de dommages et intérêts supplémentaires d’un montant de 475 000 euros modifie l’objet du litige et relève de l’invocation abusive de l’article 86 du règlement de procédure. En effet, selon la BEI, une demande indemnitaire d’un tel montant ne serait pas justifiée du seul fait de l’adoption de la décision du 6 juin 2016, mais s’apparenterait à une tentative de réparer tardivement une omission affectant la requête.

186    Quatrièmement, lors de l’audience, la BEI a indiqué qu’elle renonçait à contester la recevabilité du premier mémoire en adaptation au motif que son dépôt n’avait pas été précédé d’une demande de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel 2009, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience. Il convient, toutefois, de constater que la BEI n’avait pas préalablement invoqué ce motif pour exciper de l’irrecevabilité de la première demande en adaptation et qu’il n’est pas contesté que, comme il ressort du document présenté en annexe AA.2 à la première demande d’adaptation, dont la BEI n’a pas contesté la recevabilité, le requérant avait saisi la commission de conciliation de la BEI de la décision du 6 juin 2016 le 5 septembre 2016. Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il n’est nécessaire d’examiner que les trois fins de non-recevoir visées au point 185 ci-dessus.

187    À cet égard, premièrement, il convient de relever, à l’instar de la BEI, que le règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique ne comportait pas de dispositions équivalentes à celles de l’article 86 du règlement de procédure, lesquelles autorisent le requérant à adapter la requête en cours de procédure en cas d’adoption de nouveaux actes, afin, le cas échéant, de demander également l’annulation de ces derniers.

188    Il y a, cependant, lieu de rappeler que, en application de l’article 3 du règlement 2016/1192, les affaires pendantes devant le Tribunal de la fonction publique à la date du 31 août 2016 sont transférées au Tribunal et continuent à être traitées par ce dernier dans l’état où elles se trouvent à cette date et conformément à son règlement de procédure. En application de cette disposition, la présente affaire, qui avait été introduite devant le Tribunal de la fonction publique le 22 décembre 2015, a été transférée au Tribunal le 1er septembre 2016 dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016 (voir point 92 ci-dessus). Le Tribunal doit donc continuer à traiter cette affaire conformément à son propre règlement de procédure.

189    Or, la première demande d’adaptation a été présentée le 14 décembre 2016, soit postérieurement au transfert de la présente affaire au Tribunal. Le Tribunal doit donc trancher la recevabilité de cette demande sur le fondement de son propre règlement de procédure et non sur le fondement du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique.

190    Dès lors et sans qu’il soit besoin de déterminer si le requérant aurait pu demander l’adaptation de la requête devant le Tribunal de la fonction publique, il convient de rejeter le premier motif d’irrecevabilité de la première demande d’adaptation.

191    Deuxièmement, il y a lieu de déterminer si, comme le soutient la BEI, la première demande d’adaptation a été présentée tardivement.

192    À cet égard, il importe de souligner qu’une demande d’adaptation présentée au titre de l’article 86 du règlement de procédure doit, à l’instar de la requête, être portée devant le juge de l’Union dans un délai raisonnable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 juillet 2015, Typke/Commission, T‑214/13, EU:T:2015:448, point 28). Conformément à la jurisprudence citée au point 175 ci-dessus, le caractère raisonnable de ce délai, qui ne commence à courir qu’à partir du moment où la procédure de conciliation a pris fin, doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

193    En l’espèce, la première demande d’adaptation a été déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2016, soit six mois et huit jours après la notification au requérant de la décision du 6 juin 2016. Toutefois, avant de saisir le Tribunal de cette demande, le requérant avait introduit, le 5 septembre 2016, une demande de conciliation en vertu de l’article 41 du règlement du personnel 2009. Le délai dans lequel la première demande d’adaptation devait être présentée n’a donc commencé à courir qu’à partir du moment où la procédure de conciliation ainsi engagée a pris fin. Dans l’hypothèse où cette procédure n’aurait pas pris fin préalablement au dépôt de la première demande d’adaptation, il y aurait lieu de constater que la première demande d’adaptation a été présentée avant que ce délai ne commence à courir. La première demande d’adaptation ne saurait alors être considérée comme étant tardive. Pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 129 à 136 ci-dessus, il ne saurait alors être considéré que la première demande d’adaptation était prématurée, au motif qu’une procédure de conciliation était encore en cours à la date de sa présentation.

194    Dans l’hypothèse, en revanche, où l’échec de la procédure de conciliation lancée le 5 septembre 2016 se serait produit préalablement au dépôt de la première demande d’adaptation, il y aurait lieu de constater que la première demande d’adaptation a nécessairement été présentée dans un délai inférieur à trois mois et huit jours à compter de cet échec. Or, pour des motifs analogues à ceux retenus au point 140 ci-dessus, il ne saurait être considéré qu’un tel délai est déraisonnable, quelle que soit la date exacte à compter de laquelle il a commencé à courir après le 5 septembre 2015.

195    Il s’ensuit que, quelle que soit l’hypothèse envisagée, le deuxième motif d’irrecevabilité de la première demande d’adaptation doit être écarté.

196    Troisièmement, il y a lieu de déterminer si, comme le prétend la BEI, la première demande d’adaptation méconnaît les exigences de l’article 86 du règlement de procédure. Le paragraphe 1 de cette disposition prévoit que, « [l]orsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut […] adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau ». Selon la jurisprudence, il serait, dans pareille hypothèse, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait également injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre un acte, adapter l’acte attaqué ou le remplacer par un autre acte et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de ce remplacement pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et des moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 28 et jurisprudence citée).

197    À ce sujet, il importe de souligner que la notion d’acte « remplacé ou modifié par un autre acte », au sens de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure renvoie, d’une part, à la situation dans laquelle une décision individuelle, explicite ou implicite, a été remplacée par une autre décision ayant le même objet, et, d’autre part, à la situation dans laquelle une disposition du droit dérivé est prorogée sans que le principe qu’elle énonce et qui constitue l’essentiel de l’objet du litige soit modifié (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 68).

198    Or, la décision du 6 juin 2016 est un acte individuel qui proroge la dispense de service prévue par plusieurs décisions individuelles antérieures dont le requérant sollicitait déjà l’annulation dans la requête, à savoir les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015. La décision du 6 juin 2016 renvoie d’ailleurs expressément à celle du 16 juin 2015. Contrairement à ce qu’affirme la BEI, il ne saurait donc être considéré que les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 ont un objet différent de celui de la décision du 6 juin 2016. Il s’ensuit que la première demande d’adaptation ne modifie aucunement l’objet du litige en tant qu’elle tend à ce que le recours vise également l’annulation de la décision du 6 juin 2016 et doit être déclarée recevable à cet égard.

199    Contrairement aux allégations de la BEI, la première demande d’adaptation ne modifie pas davantage l’objet du litige en tant qu’elle tend à la condamnation de la BEI au paiement d’un montant de 475 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi.

200    Certes, l’ajout, en cours d’instance, de conclusions indemnitaires aux conclusions en annulation formulées dans la requête est susceptible de modifier l’objet du litige (arrêt du 21 mars 1996, Chehab/Commission, T‑10/95, EU:T:1996:42, point 66). Toutefois, la première demande d’adaptation ne vise pas à opérer un tel ajout. Au contraire, comme le requérant l’a indiqué lors de l’audience, elle vise simplement à adapter le montant demandé dans la requête au titre du préjudice moral pour tenir compte de l’adoption de la décision du 6 juin 2016. En effet, le préjudice moral dont le requérant se prévaut dans la première demande d’adaptation est de même nature que celui dont il sollicitait l’indemnisation dans la requête et résulte, selon lui, de la prorogation de sa dispense de service prévue par la décision du 6 juin 2016. Or, il a été jugé au point 198 ci-dessus que le requérant était recevable à adapter ses conclusions en annulation afin qu’elles visent également l’annulation de la décision du 6 juin 2016. Dans ces conditions, exiger du requérant qu’il introduise un recours séparé pour obtenir réparation du préjudice moral qui résulte prétendument de la prorogation de sa dispense de service prévue par la décision du 6 juin 2016 plutôt que de lui permettre d’adapter à cet effet ses conclusions aux fins d’indemnisation du préjudice moral irait à l’encontre des objectifs de bonne administration de la justice et d’économie de procédure qui sous-tendent l’article 86 du règlement de procédure. Le requérant est donc recevable à adapter le montant demandé au titre du préjudice moral.

201    Quant au montant demandé, dont la BEI estime qu’il traduit une invocation abusive de l’article 86 du règlement de procédure, il relève du fond de l’affaire et ne saurait donc, à lui seul, avoir d’incidence sur la recevabilité de la première demande d’adaptation.

202    Dès lors, la première demande d’adaptation satisfait aux exigences de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure. Le troisième motif d’irrecevabilité de la première demande d’adaptation doit donc être écarté.

203    L’ensemble des motifs d’irrecevabilité de la première demande d’adaptation soulevés par la BEI ayant été rejetés, il convient de déclarer la première demande d’adaptation recevable.

b)      Sur la seconde demande d’adaptation

204    La BEI soutient que la seconde demande d’adaptation est irrecevable, aux motifs que, premièrement, les conditions de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure ne sont pas satisfaites en ce que, d’une part, la décision du 7 février 2017 n’aurait pas remplacé, ni modifié, les décisions antérieures portant dispense de service et, d’autre part, cette décision n’aurait pas le même objet que les décisions antérieures portant dispense de service, deuxièmement, cette demande ne satisfait pas aux conditions de l’article 86, paragraphes 4 et 5, du règlement de procédure, qui exigerait la présentation de deux actes et non d’un seul, troisièmement, ladite demande n’a pas fait l’objet d’une procédure de conciliation et n’a pas été introduite dans les délais applicables et, quatrièmement, la demande indemnitaire supplémentaire de 20 000 euros par mois civil entamé à compter du 7 février 2017 est insuffisamment intelligible.

205    À cet égard, premièrement, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 196 à 198 ci-dessus. En effet, la décision du 7 février 2017 proroge la dispense de service prévue par les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 et 6 juin 2016. Dès lors, il y a lieu de considérer que ces décisions ont toutes le même objet. La circonstance que les motifs de la dispense de service du requérant aient pu varier à la suite de la décision du 20 octobre 2015 – les décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017 ne faisant plus mention de la poursuite de l’enquête de l’OLAF comme motif de dispense – est sans incidence sur cette conclusion. En effet, l’objet de ces décisions, à savoir la dispense de service du requérant, demeure inchangé.

206    Deuxièmement, il convient d’écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que le requérant n’aurait présenté qu’un seul acte au lieu de deux. À cet égard, il importe de souligner que l’article 86, paragraphe 5, du règlement de procédure dispose que le mémoire en adaptation doit être accompagné de l’acte justifiant l’adaptation de la requête. Or, en l’espèce, le requérant a produit tant un mémoire en adaptation que, en annexe BB.1 à celui-ci, l’acte justifiant l’adaptation de la requête, à savoir la décision du 7 février 2017. Contrairement aux allégations de la BEI, le requérant a donc produit les deux actes visés par l’article 86, paragraphe 5, du règlement de procédure.

207    Troisièmement, s’agissant de la fin de non-recevoir tirée de l’omission du requérant de déclencher une procédure de conciliation et d’introduire la seconde demande d’adaptation dans les délais, d’une part, il convient de constater que, lors de l’audience, la BEI a renoncé à soutenir que le requérant était tenu d’introduire une demande de conciliation avant de porter sa contestation devant le Tribunal, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience. D’autre part, au vu des éléments retenus aux points 177 et 178 ci-dessus, transposables mutatis mutandis à la seconde demande d’adaptation, et notamment de la complexité de l’affaire et des enjeux monétaires et moraux du litige, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des délais applicables ne peut qu’être écartée, le requérant ayant présenté la seconde demande d’adaptation le 1er mars 2017, soit moins d’un mois après l’adoption de la décision du 7 février 2017.

208    Quatrièmement, s’agissant de la fin de non-recevoir tirée du caractère insuffisamment intelligible de la demande indemnitaire supplémentaire de 20 000 euros par mois civil entamé à compter du 7 février 2017, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 86, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement de procédure, le mémoire en adaptation de la requête contient, notamment, les conclusions adaptées ainsi que, s’il y a lieu, les moyens et les arguments adaptés.

209    L’emploi de l’incise « s’il y a lieu » dans le libellé de cette disposition indique que le mémoire en adaptation de la requête ne doit être accompagné de moyens et d’arguments eux-mêmes adaptés que lorsque cela se révèle nécessaire. Lorsque ce mémoire n’est pas accompagné de tels moyens et arguments, il ne peut être exclu que le requérant ait entendu implicitement, mais nécessairement, s’en rapporter aux moyens et aux arguments de la requête.

210    En l’espèce, au point 1 de la seconde demande d’adaptation, le requérant sollicite, en plus de l’indemnité déjà réclamée au titre du préjudice moral subi, « une indemnisation supplémentaire de 20 000 euros par mois civil entamé à compter du 7 février 2017, et ce jusqu’au jour de l’annulation de [la décision du 7 février 2017], montant majoré des intérêts moratoires, en réparation du préjudice moral causé au requérant par ladite décision ».

211    Il est vrai que cette demande d’indemnisation n’est pas assortie d’arguments spécifiques dans la seconde demande d’adaptation. Il ressort, cependant, d’une lecture d’ensemble de la requête et de la seconde demande d’adaptation que le requérant a entendu s’en rapporter à des arguments invoqués au soutien des conclusions en indemnité de la requête. En effet, dans la seconde demande d’adaptation, le requérant avance que la décision du 7 février 2017 a « causé » le préjudice moral « supplémentaire » qu’il prétend avoir subi et dont il chiffre avec précision le montant. Or, d’une part, le requérant soutient dans cette demande que la décision du 7 février 2017 est « un prolongement » des décisions des 16 juin et 20 octobre 2015 et 6 juin 2016. Il fait valoir que, à l’instar des décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 et 6 juin 2016, la décision du 7 février 2017 est entachée d’une violation du droit d’être entendu et méconnaît le principe de la présomption d’innocence.

212    D’autre part, le préjudice dont se prévaut le requérant dans la seconde demande d’adaptation est de même nature que celui dont il sollicitait l’indemnisation dans la requête et dont il a entendu adapter le montant dans la première demande d’adaptation. En effet, le requérant précise que la décision du 7 février 2017 a porté atteinte à son honneur, à sa réputation et au déroulement de sa carrière.

213    Il ressort de ce qui précède que, dans la mesure où elle tend à une « indemnisation supplémentaire », la seconde demande d’adaptation comporte des conclusions suffisamment intelligibles tendant, en réalité, à une nouvelle adaptation du montant demandé dans la requête au titre du préjudice moral prétendument subi.

214    Partant, la présente fin de non-recevoir ne peut qu’être rejetée.

215    Les fins de non-recevoir soulevées par la BEI ayant toutes été rejetées, la seconde demande d’adaptation doit être déclarée recevable.

D.      Sur le fond

1.      Sur les conclusions en annulation

216    Dans la requête, le requérant invoque trois moyens à l’appui de ses conclusions en annulation, tirés, le premier, d’irrégularités de procédure, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation et, le troisième, d’un détournement de pouvoir.

217    Dans la réplique, le requérant a, « pour des raisons d’économie de procédure », renoncé à ses deuxième et troisième moyens. Il a, néanmoins, demandé au Tribunal de considérer les faits exposés dans le cadre de ces moyens comme étant la « conséquence directe » des irrégularités de procédure invoquées dans le cadre du premier moyen. Lors de l’audience, le requérant a clarifié qu’il entendait ainsi demander au Tribunal de prendre en compte, dans le cadre de l’examen du premier moyen, les éléments factuels présentés à l’appui des deuxième et troisième moyens.

218    Dans ces conditions, seul le premier moyen, tiré d’irrégularités de procédure, sera examiné. Dans la requête, ce moyen s’articulait en cinq branches, tirées, la première, d’une violation du principe de sécurité juridique, la deuxième, de la méconnaissance des droits de la défense du requérant, la troisième, de l’absence d’impartialité et du défaut de sollicitude de la BEI, la quatrième, de la violation du principe de la présomption d’innocence et, la cinquième, d’un défaut de motivation.

219    Au point 23 de la réplique, toutefois, le requérant a renoncé à la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’impartialité et du défaut de sollicitude de la BEI, et a entendu regrouper ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches, tirées de violations, respectivement, du principe de sécurité juridique, des droits de la défense, du principe de la présomption d’innocence et de l’obligation de motivation. Le Tribunal n’examinera donc pas la troisième branche du premier moyen.

220    Le Tribunal estime, en revanche, que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il demeure opportun d’examiner séparément et dans l’ordre les première, deuxième, quatrième et cinquième branches de ce moyen. Ainsi, la première branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique, sera examinée avant les deuxième, quatrième et cinquième branches de ce moyen, tirées de violations, respectivement, des droits de la défense, du principe de la présomption d’innocence et de l’obligation de motivation. Cependant, les questions relatives à la motivation des décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 que soulève l’argumentation du requérant quant au respect du principe de sécurité juridique seront traitées dès le stade de l’examen de la première branche du premier moyen.

a)      Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique

221    Dans le cadre de la première branche du premier moyen, le requérant soutient, en substance, que les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 méconnaissent le principe de sécurité juridique. Le requérant n’étend pas cette branche aux décisions des 18 juin 2015, 6 juin 2016 et 7 février 2017. En effet, dans ses deux demandes d’adaptation, le requérant indique expressément « fai[re] le choix » d’invoquer les seuls « irrégularités de procédure » ou « vices de forme » tirés de la violation des droits de la défense et de l’invocation de l’enquête de l’OLAF et du rapport de l’OLAF.

222    Le requérant soulève, en substance, trois arguments au soutien de la première branche du premier moyen. En premier lieu, le requérant avance que les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 comportent des notions et des expressions dont il n’est en mesure d’apprécier ni la portée ni le sens précis. Ainsi, les notions de dispense de service et de dispense d’activité et l’expression « libéré de ses obligations professionnelles » ne figureraient ni dans le règlement du personnel ni dans d’autres sources du droit et seraient une pure création de l’administration. Leur signification ne ressortirait pas non plus des décisions portant dispense de service et la jurisprudence n’apporterait aucun éclairage à cet égard.

223    En deuxième lieu, le requérant fait valoir que les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 sont peu claires et imprécises, en ce qu’elles ne font pas état de manière non ambiguë des incidences de la dispense de service du requérant sur ses droits et ses obligations. Les effets en droit de la dispense de service du requérant n’auraient été ni établis ni manifestes lors de l’adoption de la décision du 13 avril 2015. La BEI n’aurait exposé sa position sur le sens de ces décisions que de manière sporadique, incomplète et a posteriori, alors même qu’il lui aurait incombé d’établir que leur signification a été clairement exposée au requérant en temps utile avant leur adoption et leur entrée en vigueur, afin de lui permettre de prendre connaissance de leurs effets aux fins de préserver ses droits de la défense. Ce ne serait que graduellement que, quelles que soient les expressions employées par la BEI, il serait devenu évident que la dispense de service du requérant n’était guère différente d’une suspension de fonctions au titre de l’article 39 du règlement du personnel 2009, laquelle ne pourrait excéder trois mois, sauf si le membre du personnel fait l’objet de poursuites pénales susceptibles d’aboutir à une condamnation ou à une peine afflictive ou infamante, c’est-à-dire en cas de crime particulièrement grave.

224    En troisième lieu, au stade de la réplique, le requérant fait valoir que, faute d’identification de la base juridique des décisions des 13 avril et 12 mai 2015, il n’a pu ni connaître leurs critères et conditions d’application, ni apprécier la légalité de leurs effets. Ces décisions ne feraient pas état de la base juridique qui les fonde et le requérant n’en aurait pas non plus été informé au préalable, pas même, comme il ressortirait de l’annexe C.18 à la réplique, à sa demande expresse. Le 13 mars 2015, il aurait ainsi demandé des clarifications quant à la base juridique desdites décisions, mais n’aurait pas reçu de réponse de ses interlocuteurs. La base légale de la dispense de service du requérant ne lui aurait été communiquée que bien plus tard, dans la décision du 16 juin 2015.

225    La BEI conteste l’argumentation du requérant. La BEI fait valoir qu’il ressort de l’argumentation du requérant qu’il a parfaitement compris qu’il n’avait provisoirement plus de fonctions au sein de l’institution, mais que sa rémunération était maintenue. La demande du requérant du 15 juin 2015 tendant à un réexamen de la situation démontrerait d’ailleurs qu’il avait déjà compris la portée de la mesure de dispense de service à l’époque. La décision du 16 juin 2015 aurait répondu à cette demande. Elle aurait précisé que la BEI avait décidé de confirmer la libération temporaire du requérant de ses obligations professionnelles et en aurait indiqué les motifs en reprenant une formule similaire qui figurait déjà dans les décisions des 13 avril et 12 mai 2015.

226    En réponse aux questions orales du Tribunal lors de l’audience et dans ses écritures, la BEI a ajouté que, comme il ressortirait de la décision du 16 juin 2016, la dispense de service du requérant se fondait non sur l’article 39 du règlement du personnel 2009, mais sur le large pouvoir d’appréciation dont jouirait l’administration dans l’organisation de ses services et sur le devoir de sollicitude qui lui incombait.

1)      Sur la recevabilité de l’annexe C.18 à la réplique

227    Parmi les pièces que le requérant a produites en annexe à la réplique, aux deux demandes d’adaptation, à la demande de tenue d’une audience de plaidoiries et à sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui se rapportent au fond du recours (voir point 122 ci-dessus), seule l’annexe C.18 présente un lien avec la première branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique. Dans le cadre de l’examen de la présente branche, le Tribunal se limitera donc à apprécier la recevabilité de la pièce figurant à l’annexe C.18.

228    En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la BEI a fait valoir que le document figurant à l’annexe C.18 était antérieur au dépôt de la requête et devrait donc être déclaré irrecevable pour des motifs analogues à ceux indiqués au point 123 ci-dessus.

229    Quant au requérant, il a, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, souligné que l’annexe C.18 était recevable en tant que preuve contraire visant à infirmer des développements figurant dans le mémoire en défense. En particulier, l’annexe C.18 réfuterait les allégations de la BEI quant à la réunion du 13 mars 2015. En effet, cette annexe démontrerait que, avant la tenue de cette réunion, le requérant a formellement demandé à être informé, notamment, de la base juridique de sa dispense de service, de ses effets en droit, de sa date d’entrée en vigueur et de sa durée, mais n’a jamais obtenu de réponse à cet égard.

230    Conformément à la jurisprudence citée au point 126 ci-dessus, il convient d’examiner si la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure fait obstacle à ce que l’annexe C.18 soit déclarée recevable.

231    En l’espèce, il y a lieu de constater que, comme le souligne à juste titre le requérant, l’annexe C.18 vise à répondre à des arguments avancés dans le mémoire en défense au sujet, notamment, de la clarté de la portée de la dispense de service du requérant. En effet, dans la réplique, le requérant s’appuie, notamment, sur cette annexe pour démontrer que, contrairement à ce qui est indiqué dans le mémoire en défense, la BEI l’a maintenu dans un état d’incertitude quant à la portée de sa dispense de service.

232    Partant, la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure ne trouve pas à s’appliquer à l’annexe C.18, qui doit donc être déclarée recevable.

2)      Sur le bien-fondé de la première branche du premier moyen

233    Il y a lieu de rappeler que la sécurité juridique, dont le principe de prévisibilité fait partie intégrante (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 135 et jurisprudence citée), constitue un principe général du droit de l’Union. Ce principe vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques résultant du droit de l’Union (voir arrêt du 4 mai 2016, Andres e.a./BCE, T‑129/14 P, EU:T:2016:267, point 35 et jurisprudence citée) et exige que tout acte de l’administration qui produit des effets juridiques soit clair et précis afin que les intéressés puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2016, DF/Commission, T‑782/14 P, EU:T:2016:29, point 45 et jurisprudence citée). Cette exigence s’impose, en particulier, lorsque l’acte en cause peut avoir sur les intéressés des conséquences défavorables (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 135).

234    Ainsi, d’une part, le principe de sécurité juridique requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une règle du droit de l’Union qui doit expressément être indiquée comme base juridique (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 135 et jurisprudence citée). Cette exigence s’impose également au regard de l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 55).

235    L’omission d’une référence à une disposition précise peut, certes, ne pas constituer un vice substantiel lorsque la base juridique de l’acte en cause peut être déterminée à l’appui d’autres éléments de celui-ci. Une référence explicite est, cependant, indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et le juge de l’Union sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise de cet acte (arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 48).

236    D’autre part, le principe de sécurité juridique exige que les conséquences de l’acte en cause soient prévisibles (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2015, Health Food Manufacturers’ Association e.a./Commission, T‑296/12, EU:T:2015:375, point 86).

237    Toutefois, la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu de l’acte en cause, du domaine auquel il touche et de la qualité de son destinataire. En particulier, cette notion ne s’oppose pas à ce que l’intéressé soit amené à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter de cet acte (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 219).

238    En l’espèce, il y a lieu d’observer, à l’instar du requérant, que la notion de dispense de service ne trouve de fondement expresse ni dans le règlement du personnel 2009, ni dans aucun autre texte du droit de l’Union. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le recours à des mesures telles que la dispense de service du requérant soit une pratique courante ou même connue au sein de la BEI en particulier et des institutions de l’Union en général. Lors des réunions des 13 mars et 15 juin 2015, il a d’ailleurs expressément été fait référence au caractère « spécial » de la dispense de service du requérant.

239    Or, ni la décision du 13 avril 2015, ni celle du 12 mai 2015 ne font état de la base juridique sur laquelle la BEI entendait fonder la dispense de service du requérant. De nature particulièrement succincte, ces décisions ne visent aucune règle de droit, ni ne recèlent d’éléments qui auraient pu permettre au requérant d’identifier une telle base juridique. En effet, dans la décision du 13 avril 2015, la BEI se borne à faire référence à la « situation sur le lieu de travail » du requérant, à l’enquête de l’Inspection générale et à l’intérêt du service et du requérant et indique, sans davantage de précisions, que le requérant est « temporairement libéré de ses obligations professionnelles » et que ses droits statutaires demeurent inchangés. La décision du 12 mai 2015 est plus concise encore, dans la mesure où elle se limite à renvoyer à la poursuite de l’enquête, au bien-être du requérant et de sa hiérarchie et à une éventuelle réaffectation du requérant.

240    Or, malgré l’absence de référence à la base juridique de la dispense de service du requérant dans les décisions des 13 avril et 12 mai 2015, la BEI s’est, pendant plusieurs mois, abstenue de répondre aux demandes de clarification du requérant à cet égard, se contentant de l’informer, par l’intermédiaire du directeur de sa direction des relations sociales et des services administratifs, que sa dispense de service ne constituait pas une suspension au titre de l’article 39 du règlement du personnel 2009. Il n’est ainsi pas contesté que la BEI a, notamment, omis de répondre à un courriel du 13 mars 2015 par lequel le requérant lui demandait expressément de « faire référence à la base juridique de la décision » portant dispense de service que la BEI entendait adopter (voir point 224 ci-dessus). Ce n’est que le 16 juin 2015, soit ultérieurement à l’expiration des décisions des 13 avril et 12 mai 2015 et à la demande expresse des conseils du requérant, que la BEI a identifié le large pouvoir d’appréciation dont jouirait l’administration dans l’organisation de ses services et le devoir de sollicitude qui lui incombait comme fondant la dispense de service du requérant.

241    Dans ces conditions, le requérant ne pouvait pas, avant le 16 juin 2015, malgré sa formation de juriste et même en recourant à des conseils éclairés, lever les doutes qu’il entretenait quant à la base juridique sur laquelle se fondaient les décisions des 13 avril et 12 mai 2015. Il y a donc lieu de conclure que la BEI a laissé le requérant dans une situation d’incertitude prolongée quant à la portée de ces décisions. En conséquence, il lui était impossible de connaître sans ambiguïté ses droits et ses obligations et de prendre ses dispositions en conséquence.

242    Cette conclusion s’impose d’autant plus que, comme le relève en substance le requérant, l’interprétation que la BEI a entendu donner à la notion de dispense (de service) et à l’expression « libéré » (de ses obligations professionnelles) dans les décisions du 13 avril et du 12 mai 2015 s’écarte sensiblement de leur sens ordinaire. En effet, la notion de dispense renvoie, dans son acception ordinaire, à une autorisation de ne pas faire ce qui est prescrit. Quant à l’expression « libéré », elle renvoie, dans son acception ordinaire, à une décharge, au fait de ne plus être tenu de faire ce qui est prescrit. Or, en l’espèce, la BEI a utilisé la notion de dispense et l’expression « libéré » pour décrire une interdiction de faire ce qui était prescrit. Ainsi que la BEI l’a expressément reconnu lors de l’audience, le requérant « ne p[ouvait] pas travailler » du fait de sa dispense de service. La correspondance entre le requérant et la BEI témoigne de cette ambiguïté. Ainsi, la réponse du requérant à un courriel de nature professionnelle le 15 avril 2015 lui a valu un « rappel à l’ordre » du directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM. Toutefois, ce dernier n’a pas indiqué au requérant qu’il lui était interdit de travailler, mais seulement qu’il n’était « officiellement pas en service » et qu’il n’était pas attendu de lui qu’il travaille ou réponde à ses courriels.

243    Il s’ensuit que, faute d’identification de la base juridique utilisée, les décisions des 13 avril et 12 mai 2015 sont entachées d’une violation du principe de sécurité juridique, ainsi que d’un défaut de motivation.

244    En revanche, les décisions des 16 juin et 20 octobre 2015 identifient avec clarté et précision la base juridique qui les fonde ou, à tout le moins, recèlent des indications qui permettent au requérant de l’identifier sans ambiguïté possible.

245    Ainsi, la décision du 16 juin 2015 indique, notamment, ce qui suit :

« De plus, s’agissant de votre demande de clarification de la base juridique de la dispense formulée par vos avocats dans la lettre du 3 juin 2015, vous êtes prié de noter que la BEI, comme toute autre institution de l’Union, dispose de larges pouvoirs discrétionnaires s’agissant de l’organisation de ses services et de son personnel. Ces [pouvoirs] incluent le pouvoir d’adopter une dispense de service, en particulier, en conformité avec la jurisprudence, lorsque l’administration est confrontée à des incidents incompatibles avec l’ordre et la sérénité du service. La BEI est tenue d’intervenir avec toute l’énergie nécessaire et [de] répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’affaire en vue d’établir les faits et, partant, de pouvoir tirer, en toute connaissance de cause, les conséquences appropriées.

En conséquence, dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, la [BEI], d’une part, a pris les mesures administratives provisoires urgentes qu’elle estimait nécessaires pour restaurer des conditions de travail sereines en conformité avec les exigences de bonne administration et de sollicitude. Ces mesures ont été adoptées avec la diligence exigée de la [BEI] lorsqu’elle traite de la situation d’une personne.

D’autre part, la [BEI] a rapidement essayé d’établir les faits pertinents s’agissant des situations ou accusations signalées pour décider de mesures supplémentaires. Au vu de la nature des incidents dans la présente affaire, la [BEI] a procédé avec un soin particulier.

[…]

La présente confirmation de votre dispense est principalement fondée sur :

a)      fort intérêt du service qui exige des mesures de protection formelles de la part de la [BEI] pour traiter la situation sur votre lieu de travail où la relation entre vous et votre hiérarchie était devenue à ce point intolérable qu’un fonctionnement normal du service n’était plus possible. Une restauration du fonctionnement de la division ne pouvait plus être accomplie sans une séparation entre vous et votre hiérarchie directe ;

b)      obligation de prendre en compte [l’]intérêt de votre hiérarchie qui s’était sentie menacée par votre comportement et n’était plus en mesure de mener à bien ses activités professionnelles lorsque vous étiez présent à la [BEI] ;

c)      obligation de prendre en compte vos intérêts au sens où l’administration a une obligation de ne pas vous exposer aux personnes contre lesquelles vous avez fait des allégations. »

246    La décision du 20 octobre 2015 « confirme » la dispense de service du requérant, indique que la question de la base juridique utilisée a été précédemment résolue et apporte les précisions suivantes :

« La dispense entre tout à fait dans le champ des compétences de l’administration de la [BEI] et, plus particulièrement, dans le champ des prérogatives et des compétences du Président [de la BEI] d’administrer le personnel de la [BEI] en sa qualité officielle d’Autorité investie du pouvoir de nomination, en vertu du [protocole no 5 sur les statuts de la BEI] et du règlement intérieur de la BEI (Article 23, paragraphe 3). »

247    Toutefois, la seule circonstance que les décisions des 16 juin et 20 octobre 2015 identifient expressément ou permettent aisément au requérant d’identifier la base juridique utilisée ne suffit pas à conclure qu’elles sont conformes aux exigences du principe de sécurité juridique. Encore eût-il fallu que, conformément à la jurisprudence citée aux points 233, 234 et 236 ci-dessus, le requérant soit en mesure d’apprécier avec un degré de précision suffisant la portée, notamment temporelle, de ces décisions et ainsi de déterminer pendant combien de temps il serait dispensé de service. Cette exigence s’imposait avec d’autant plus d’acuité qu’une dispense de service prolongée telle que celle dont le requérant a fait l’objet non seulement équivaut à une décision de suspension de fonctions au titre de l’article 39 du règlement du personnel 2009 en ce qu’elle le prive de la possibilité de s’acquitter de ses fonctions (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 décembre 2015, DE/EMA, F‑135/14, EU:F:2015:152, points 39 et 40), mais est aussi susceptible d’avoir d’importantes conséquences défavorables sur sa situation professionnelle, administrative et financière.

248    En effet, en premier lieu, une dispense de service prolongée telle que celle dont le requérant a fait l’objet est susceptible d’affecter ses droits statutaires de manière défavorable. Dans la mesure où il lui est interdit de travailler, un membre du personnel de la BEI qui, tel le requérant, est dispensé de service pendant une période prolongée ne saurait être utilement évalué au titre de l’article 22 du règlement du personnel 2009, ni, par suite, bénéficier d’une promotion au mérite au titre de l’article 23 du même règlement.

249    En deuxième lieu, une dispense de service prolongée telle que celle dont le requérant a fait l’objet est susceptible d’affecter ses droits pécuniaires de manière défavorable. Tel serait le cas même si, comme en l’espèce, le salaire de l’intéressé était maintenu durant toute la durée de sa dispense de service. Il convient, en effet, de rappeler que la rémunération d’un membre du personnel de la BEI tel que le requérant peut comprendre non seulement un salaire, mais encore, notamment, les primes annuelles visées à l’annexe II du règlement du personnel 2009. Or, dans la mesure où une dispense de service prolongée telle que celle dont le requérant a été l’objet fait obstacle à ce que ses performances soient évaluées pendant une période prolongée (voir point 245 ci-dessus), il est, en pratique, privé de la possibilité de se voir octroyer de telles primes. Ne pouvant, en pareil cas, pas non plus bénéficier d’une promotion (voir point 248), il est également privé de toute possibilité de se voir octroyer l’augmentation de salaire dont s’accompagne toute promotion en vertu de l’article 23 du règlement du personnel 2009.

250    En troisième lieu, aucune tâche n’étant assignée à un membre du personnel de la BEI qui, tel le requérant, fait l’objet d’une dispense de service prolongée, il peut, nonobstant le maintien de son salaire, se prévaloir d’une atteinte à ses intérêts moraux (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2015, DE/EMA, F‑135/14, EU:F:2015:152, point 42) et au principe de la correspondance entre le grade et l’emploi, selon lequel les fonctions d’un fonctionnaire ou d’un agent de l’Union ne doivent pas être nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur (arrêts du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, EU:C:1988:165, point 7, et du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, EU:T:1998:112, point 104). En effet, contrairement à ce que soutient la BEI, la portée de ce principe n’est en rien limitée aux décisions de réaffectation (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2008, Kerstens/Commission, F‑119/06, EU:F:2008:54, point 45).

251    Or, à la différence non seulement des décisions des 13 avril et 12 mars 2015, dont la durée était expressément limitée à un mois, mais aussi d’une décision de suspension en application de l’article 39 du règlement du personnel 2009, dont la durée maximale est de trois mois sauf poursuites pénales, les décisions des 16 juin et 20 octobre 2015 ne sont assorties d’aucune limitation de durée chiffrée. Certes, ces décisions rappellent la nature provisoire de la dispense de service du requérant et précisent, en substance, que son terme est subordonné à la survenance d’un événement futur. Il y a, cependant, lieu de constater que la date de survenance d’un tel événement n’était pas déterminable avec un degré de précision suffisant à la date d’adoption desdites décisions.

252    En effet, la décision du 16 juin 2015 se limite à subordonner le terme de la dispense de service du requérant à la conclusion de l’« enquête formelle » de l’OLAF. La notion d’enquête formelle ne figure pas dans le règlement no 883/2013, ni dans le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF (JO 1999, L 136, p. 1), qu’il a abrogé. Il ressort, cependant, du compte rendu de la réunion du 15 juin 2015 que, contrairement à ce que laissent entendre les écritures du requérant, cette notion renvoie non pas à celle d’« enquête administrative » définie à l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 883/2013, mais, de manière générique, à la procédure devant l’OLAF, laquelle s’achève par l’établissement d’un rapport d’enquête. En effet, lors de cette réunion, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs de la BEI a indiqué au requérant qu’il était envisagé d’étendre sa dispense de service jusqu’à ce que le rapport de l’OLAF soit disponible.

253    De même, la décision du 20 octobre 2015 se limite à subordonner le terme de la dispense de service du requérant à la finalisation des « travaux » de l’OLAF. La notion de travaux n’est utilisée de cette manière ni dans le règlement no 883/2013, ni dans le règlement no 1073/1999 qu’il a abrogé. Toutefois, au vu des considérations retenues au point 252 ci-dessus, le requérant pouvait comprendre que, à l’instar de la notion d’enquête formelle, la notion de travaux renvoyait, de manière générique, à la procédure devant l’OLAF, laquelle s’achève par l’établissement d’un rapport d’enquête.

254    Or, il convient de constater que le règlement no 883/2013 n’assujettit l’établissement d’un rapport d’enquête de l’OLAF à aucune limite temporelle ferme. Ce règlement se limite à indiquer, sans davantage de précisions, qu’un rapport d’enquête de l’OLAF est établi « [à] l’issue » ou « à la suite » de l’enquête administrative telle que définie à l’article 2, paragraphe 4, dudit règlement et dont la durée n’est pas non plus assujettie à une limite de durée ferme. En effet, l’article 7, paragraphe 8, dudit règlement prévoit que, si une telle enquête ne peut être close dans les douze mois suivant son ouverture, le directeur général de l’OLAF soumet, à l’expiration du délai de douze mois et ensuite tous les six mois, un rapport au comité de surveillance de l’OLAF, en indiquant les raisons pour lesquelles cela n’a pas été possible ainsi que les mesures correctives envisagées en vue d’accélérer l’enquête.

255    Les déclarations du directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs de la BEI lors de la réunion du 15 juin 2015, qui visait à entendre le requérant avant l’adoption de la décision du 16 juin 2015, confirment la difficulté de prévoir avec la moindre précision ou certitude la survenance d’un terme lié à l’achèvement de la procédure devant l’OLAF. En effet, lors de cette réunion, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs de la BEI a indiqué au requérant qu’il était envisagé d’étendre sa dispense de service jusqu’à ce que le rapport de l’OLAF soit disponible et qu’« il était espéré que ce serait le cas avant les vacances d’été, mais [qu’]aucune garantie ne pouvait lui être donnée à cet égard, puisque la B[EI] n’avait aucun contrôle sur la procédure de l’OLAF ».

256    Dans ces circonstances, le requérant ne pouvait déterminer, avec un degré de précision suffisant, la portée temporelle des décisions des 16 juin et 20 octobre 2015. Il lui était donc impossible de connaître sans ambiguïté ses droits et ses obligations et de prendre ses dispositions en conséquence.

257    Par conséquent, les décisions des 16 juin et 20 octobre 2015 sont, à l’instar des décisions des 13 avril et 12 mai 2015, entachées d’une violation du principe de sécurité juridique.

258    L’argument de la BEI selon lequel seule une dispense de service était envisageable pour mettre fin au conflit entre le requérant et sa hiérarchie, au motif qu’il n’aurait été possible ni de le réaffecter auprès d’un autre service, ni de le détacher auprès d’un autre organisme, n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. Le large pouvoir d’appréciation dont la BEI soutient jouir dans l’organisation de ses services en fonction des missions qui lui sont confiées et dans l’affectation en vue de celles-ci du personnel qui se trouve à sa disposition n’est, en effet, pas illimité. Au contraire, ce pouvoir doit s’exercer dans l’intérêt du service et dans le respect du principe de la correspondance entre le grade et l’emploi (voir arrêt du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T‑88/13 P, EU:T:2015:393, point 105 et jurisprudence citée), ainsi que du devoir de sollicitude, des principes généraux du droit de l’Union et des droits fondamentaux de l’intéressé (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, points 26 et 27, du 2 mai 2007, Giraudy/Commission, F‑23/05, EU:F:2007:75, point 141, et du 9 octobre 2007, Bellantone/Cour des comptes, F‑85/06, EU:F:2007:171, point 61). Ledit pouvoir n’était donc pas de nature à permettre à l’administration de s’affranchir des exigences du principe de sécurité juridique ou encore du principe de la correspondance entre le grade et l’emploi pour écarter le requérant de son activité professionnelle pendant une période prolongée, dont la durée n’était pas déterminable avec précision, et avec les importantes conséquences défavorables décrites aux points 247 à 250 ci-dessus.

259    Si la BEI estimait que le comportement du requérant s’apparentait à un motif grave susceptible d’entraîner son licenciement sans préavis, il lui appartenait de diligenter à son égard une procédure disciplinaire et de le suspendre au titre de l’article 39 du règlement du personnel 2009. Si, en revanche, la BEI estimait que, comme elle l’a soutenu lors de l’audience, le comportement du requérant n’entrait pas dans le champ d’application de cette disposition, mais que la poursuite de sa collaboration avec lui était inenvisageable, il lui appartenait, sous réserve du respect des règles applicables, de résilier son contrat en application de l’article 16 du règlement du personnel 2009.

260    Il y a donc lieu d’accueillir la première branche du premier moyen et, par suite, d’annuler les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015.

261    Dans ces conditions, le Tribunal n’est, en principe, tenu d’examiner les deuxième, quatrième et cinquième branches du premier moyen que pour autant qu’elles portent sur les décisions des 18 juin 2015, 6 juin 2016 et 7 février 2017. Le Tribunal estime, néanmoins, qu’il est opportun, à titre surabondant, d’examiner ces branches également en tant qu’elles portent sur les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015.

b)      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la méconnaissance des droits de la défense du requérant

262    Le requérant reproche à la BEI d’avoir violé ses droits de la défense en ne le mettant pas en mesure de faire utilement connaître son point de vue au sujet des décisions portant dispense de service et de la décision du 18 juin 2015, ce que la BEI conteste.

263    À cet égard, il convient de rappeler que les droits de la défense, parmi lesquels compte le droit d’être entendu, figurent au nombre des droits fondamentaux qui font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et sont consacrés par la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, point 32 et jurisprudence citée, et du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 53).

264    Le droit d’être entendu est protégé non seulement par les articles 47 et 48 de la Charte, qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle, mais également par l’article 41 de celle-ci, qui assure le droit à une bonne administration. Le paragraphe 2 de cette disposition prévoit ainsi que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 54 et jurisprudence citée).

265    Le respect de ce droit s’impose dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief, quand bien même la réglementation applicable ne le prévoirait pas. En vertu de ce principe, l’administration doit, dans le cadre d’un échange oral ou écrit lancé par l’autorité compétente et dont la preuve incombe à celle-ci (arrêt du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, C‑59/06 P, EU:C:2007:756, point 47), mettre les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, points 33 et 34 et jurisprudence citée).

266    Pour ce faire, l’administration est tenue de porter à la connaissance de l’intéressé non seulement les divers éléments en cause, mais aussi de lui faire savoir avec une précision suffisante quelles conséquences sont susceptibles d’être tirées de ces éléments au stade où il lui est demandé de faire part de ses observations (arrêt du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 60). L’administration doit ainsi veiller à ce que l’intéressé soit clairement informé de la mesure envisagée (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2015, Pipiliagkas/Commission, F‑96/13, EU:F:2015:29, point 57).

267    Contrairement à ce que soutient la BEI, ces exigences s’appliquent, en principe, à tout acte faisant grief (voir point 265 ci-dessus), que la mesure envisagée soit de nature provisoire ou définitive. L’arrêt du 30 novembre 2009, Wenig/Commission (F‑80/08, EU:F:2009:160), sur lequel s’appuie la BEI, n’infirme pas cette conclusion. Il ressort, en effet, de cet arrêt que le contrôle du juge en matière de bien-fondé d’une mesure de suspension ne saurait être que très restreint, eu égard au caractère provisoire d’une telle mesure (arrêt du 30 novembre 2009, Wenig/Commission, F‑80/08, EU:F:2009:160, point 67). Or, l’étendue du contrôle qu’il incombe au juge d’exercer sur une mesure de cette nature ne saurait déterminer la portée du droit d’être entendu. Au contraire, le large pouvoir d’appréciation qui est le corollaire d’un contrôle juridictionnel restreint rend d’autant plus nécessaire le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, EU:T:2009:313, point 163).

268    Il s’agit, notamment, de permettre à l’administration de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents et à l’intéressé de corriger une erreur ou de faire valoir tels ou tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que l’acte soit pris, ne soit pas pris ou qu’il ait tel ou tel contenu (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, point 74).

269    Il convient, néanmoins, de rappeler qu’une violation du droit d’être entendu ne peut entraîner l’annulation d’un acte que si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2007, Wunenburger/Commission, T‑246/04 et T‑71/05, EU:T:2007:34, point 149 et jurisprudence citée). Pour établir que tel est le cas, la partie requérante doit expliquer quels sont les arguments et les éléments qu’elle aurait fait valoir si ses droits de la défense avaient été respectés et démontrer, le cas échéant, que ces arguments et éléments auraient pu conduire dans son cas à un résultat différent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Georgias e.a./Conseil et Commission, T‑168/12, EU:T:2014:781, point 107).

270    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de déterminer, dans un premier temps, si le requérant a été utilement entendu au sujet des décisions portant dispense de service et, dans un second temps, s’il l’a été au sujet de la décision du 18 juin 2015.

1)      Sur les décisions portant dispense de service

271    Le requérant soutient qu’il ne s’est pas vu offrir la possibilité de défendre efficacement ses intérêts et d’influer sur le processus décisionnel avant l’adoption des décisions portant dispense de service. Ces décisions ne seraient fondées que sur des jugements de valeur subjectifs tenant notamment au caractère du requérant et à ses antécédents professionnels ou sur des interprétations arbitraires et subjectives de déclarations de sa hiérarchie, qui, par nature, étaient susceptibles d’être modifiées. L’issue de la procédure aurait donc pu être différente si le requérant s’était vu offrir la possibilité de s’exprimer utilement. En particulier, il aurait pu répondre à l’allégation de la BEI selon laquelle il était impossible de lui trouver une autre affectation ou un autre détachement. Il aurait également pu contester la véracité et la pertinence des circonstances invoquées ainsi que la justesse de la base légale invoquée, son application et sa pertinence au regard des faits.

272    Au soutien de sa thèse, le requérant invoque, en substance, deux arguments. En premier lieu, le requérant soutient qu’il ne lui a pas été permis de se prononcer utilement au sujet des accusations et des circonstances qui fondaient plusieurs des décisions portant dispense de service. En particulier, premièrement, les allégations sur lesquelles l’Inspection générale s’est prononcée dans un courriel à l’OLAF du 11 mars 2015 et les allégations de chantage et de tentative de chantage sur lesquelles se fonderaient les décisions portant dispense de service n’auraient pas été mentionnées lors des réunions des 3 et 13 mars et 15 juin 2015. Deuxièmement, le requérant n’aurait pas été informé avant l’adoption de la décision du 16 juin 2015 de l’insinuation non étayée qu’elle contenait selon laquelle il ne pouvait être muté dans un autre service, sauf à risquer d’exposer d’autres collègues à son comportement. Troisièmement, le requérant n’aurait pas été informé avant l’adoption de la décision du 20 octobre 2015 des faits invoqués pour la justifier. Le requérant précise que cette décision a substantiellement affecté ses intérêts et a modifié les conditions de sa dispense de service, dans la mesure où elle en a lié le maintien à la finalisation des « travaux » de l’OLAF plutôt qu’à la clôture de son enquête. À l’appui de son argumentation, le requérant cite une lettre de l’OLAF de juin 2016 présentée en annexe C.25 à la réplique.

273    L’allégation de la BEI selon laquelle le requérant aurait pu se prononcer à ce sujet lors des réunions des 3 et 13 mars et 15 juin 2015 ne démontrerait pas qu’il a eu la possibilité de s’exprimer sur tous les faits fondant les décisions dont l’adoption était envisagée, ni que la BEI l’a informé en temps utile, de manière efficace et individuellement, de tous les motifs de ces décisions, ni de toutes les informations figurant au dossier qui auraient pu être utilisables pour sa défense.

274    À cet égard, premièrement, le requérant soutient qu’il n’a pas été utilement entendu lors de la réunion du 3 mars 2015. Tout d’abord, le requérant conteste, en substance, que le projet de compte rendu de la réunion du 3 mars 2015, qui n’a jamais été finalisé, traduise fidèlement les propos tenus lors de cette réunion. À l’appui de son argumentation, le requérant invoque un échange de correspondance figurant aux annexes C.9 et C.10 à la réplique.

275    Ensuite, le requérant n’aurait pas été mis en mesure de faire connaître son point de vue sur la pertinence des faits avancés lors de la réunion du 3 mars 2015. D’une part, il n’aurait eu aucune possibilité concrète de comprendre que les éléments factuels dont il lui était demandé de commenter la véracité étaient susceptibles de conduire à l’adoption d’une mesure de dispense de service. D’autre part, la seule « accusation » avancée lors de la réunion du 3 mars 2015 que le requérant aurait comprise se serait rapportée au caractère prétendument menaçant de certains de ses courriels.

276    Enfin, il ressortirait de la convocation présentée en annexe C.11 à la réplique que le requérant aurait été convoqué à la réunion du 3 mars 2015 sans précision quant à l’objet de celle-ci et avec un préavis très court. Or, pour pouvoir se prononcer utilement au sujet des « accusations » proférées à son égard lors de cette réunion et, notamment, sur la véracité des extraits de courriels invoqués à leur appui, le requérant aurait eu besoin de plus de temps. La BEI ne lui aurait, cependant, pas permis de s’expliquer ultérieurement, que ce soit dans le cadre d’une réunion de suivi en présence du chef de la division RM/FRD ou dans le cadre d’observations écrites. À l’appui de son argumentation, le requérant invoque des courriels datés des 4, 5 et 16 mars 2015 et présentés en annexes C.12 à C.14 et C.22 à la réplique.

277    Deuxièmement, le requérant avance ne pas avoir été utilement entendu lors de la réunion du 13 mars 2015. En effet, tout d’abord, le requérant n’aurait pas été convoqué suffisamment tôt à cette réunion. Ensuite, le requérant n’aurait pas été informé que ladite réunion porterait sur une mesure de dispense de service. Il aurait, au contraire, été indiqué que ladite réunion était motivée par le fait que la hiérarchie du requérant s’était sentie menacée et que la mission des services du personnel était de « gérer cette situation tendue » et « d’éviter toute nouvelle dégradation ». Enfin, il n’aurait pas été indiqué au requérant quels faits la BEI considérait être pertinents pour fonder la mesure envisagée. Quant aux faits allégués et débattus lors de la réunion du 3 mars 2015, ils n’auraient fait l’objet d’aucun débat lors de la réunion du 13 mars 2015.

278    Par ailleurs, la réunion du 13 mars 2015 n’aurait pas eu pour objet d’entendre le requérant. Cette réunion n’aurait visé qu’à lui expliquer les motifs d’une décision qui, comme il ressortirait du projet de décision du 12 mars 2015 présenté en annexe C.21 à la réplique, avait été adoptée la veille et dont la portée n’était pas claire, mais qui ne serait finalement jamais entrée en vigueur, parce que le requérant a accepté de se mettre « volontairement » en congé. En revanche, aucune mention n’aurait été faite de l’adoption future de la décision du 13 avril 2015. La BEI n’aurait pas non plus apporté de réponse aux demandes de précisions du requérant quant à la base légale de la dispense de service dont il était prévu qu’il fasse l’objet, à ses effets juridiques, à son entrée en vigueur et aux garanties de sécurité juridique. À l’appui de son argumentation, le requérant produit, en annexes C.16 à C.20 et C.23 à la réplique, des échanges de courriels.

279    Troisièmement, le requérant avance ne pas avoir été utilement entendu lors de la réunion du 15 juin 2015. Lors de cette réunion, qui aurait duré 25 minutes et à laquelle il aurait, comme il ressortirait du courriel présenté en annexe C.24 à la réplique, été convoqué le 12 juin précédent, le requérant n’aurait pas pu contester la nouvelle décision portant dispense de service que la BEI s’apprêtait à adopter. En effet, le requérant n’aurait pas été informé en temps utile de tous les faits fondant la décision du 16 juin 2015, ni de ses effets juridiques, de sa base légale ou encore de tout autre élément utile pour sa défense. Il n’aurait eu ni le temps ni la possibilité de demander la communication de ces éléments avant l’adoption de la décision du 16 juin 2015. Quant à sa demande de pouvoir faire des observations sur les aspects limités dont il aurait été informé lors de la réunion du 15 juin 2015, elle aurait été ignorée.

280    En second lieu, le requérant soutient, en substance, qu’il n’a pas été entendu avant l’adoption des décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017. Il n’aurait pas été préalablement informé, premièrement, de l’adoption de ces décisions, deuxièmement, de leurs effets en droit et de leur base légale et, troisièmement, des faits et des motifs sur lesquels elles se fondaient.

281    La BEI conteste l’argumentation du requérant. Selon la BEI, le requérant a été entendu avant l’adoption des décisions portant dispense de service oralement dans le cadre de plusieurs réunions, qui auraient eu lieu les 2, 3 et 13 mars et 15 juin 2015. Le requérant aurait également pu s’exprimer par écrit, dans un nombre important de communications qu’il aurait adressées à différents services de la BEI aux fins d’exprimer ses vues sur sa dispense de service. La BEI aurait à tout moment pu retirer cette dispense si le requérant l’avait convaincue que le risque qui les fondait n’existait plus. Or, le requérant n’aurait jamais pu avancer d’argument pertinent à cet effet.

282    À ce sujet, en premier lieu, la BEI avance qu’il était clair pour tous, y compris pour le requérant, que la situation conflictuelle visée dans la décision du 13 avril 2015 était celle à propos de laquelle il avait pu s’exprimer lors de la réunion du 3 mars 2015.

283    Tout d’abord, la BEI fait valoir que, au vu du comportement du requérant et de la peur qu’il semblait inspirer à plusieurs de ses collègues, il existait un risque important pour la sécurité d’autres personnes. Ce risque aurait pu justifier l’exclusion immédiate du requérant. La BEI aurait, néanmoins, préféré prendre des mesures visant à assurer la sécurité de la réunion du 3 mars 2015 aux fins d’entendre le requérant avant de le dispenser de service. La BEI souligne qu’elle était confrontée à une situation d’urgence lorsque la réunion du 3 mars 2015 s’est tenue. Dans un tel contexte, il n’aurait pas été question de procéder à une discussion juridique complexe. Il aurait suffi de vérifier la réalité du risque en cause et que le requérant avait une explication plausible à proposer au sujet des faits dont la BEI avait eu connaissance et qui étaient essentiellement constitués par ses propres communications, dont il avait dès lors parfaitement connaissance et dont il aurait reconnu la réalité.

284    La BEI n’aurait, en toute hypothèse, pas été tenue de permettre au requérant de se prononcer sur l’effet et le fondement juridiques de la mesure envisagée. Le requérant ayant été informé que l’administration avait une obligation de veiller à la sécurité du lieu de travail et ayant pu prendre connaissance des reproches qui lui étaient adressés, il aurait disposé de toutes les informations utiles pour comprendre le contexte et donc s’exprimer en connaissance de cause.

285    Ensuite, il serait patent que la discussion a porté sur les menaces que le requérant aurait proférées à l’encontre de certains membres du personnel de la BEI et sur les mesures que la BEI envisageait de prendre pour prévenir tout risque. Le but de la réunion aurait été clair, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs ayant clairement fait allusion à l’éventuelle nécessité d’adopter des mesures visant le requérant. La mesure la plus évidente aurait été son exclusion temporaire du service, si bien que le requérant n’aurait pu ignorer ce sur quoi il allait se prononcer par la suite. Le requérant aurait d’ailleurs lui-même compris l’objet de la réunion, puisqu’il aurait admis avoir compris qu’elle avait, notamment, pour but de vérifier s’il avait effectivement proféré des menaces à l’encontre de ses collègues.

286    Enfin, la durée de la réunion du 3 mars 2015, de près d’une heure, aurait été suffisante s’agissant d’une mesure provisoire telle qu’une dispense de service et le requérant aurait pu compléter ses réponses par écrit par la suite. La jurisprudence ne prévoyant aucune forme particulière pour l’exercice des droits de la défense, il serait par ailleurs indifférent que le requérant ait, lors de cette réunion, exercé ses droits de la défense en répondant à des questions.

287    En deuxième lieu, la BEI fait référence à la réunion du 13 mars 2015, à laquelle renverrait la décision du 13 avril 2015. Lors de cette réunion, qui aurait concerné la situation au sujet de laquelle le requérant avait déjà pu s’expliquer lors des réunions des 2 et 3 mars 2015 et dont l’objet aurait été de l’entendre à propos des mesures à prendre en conséquence, il aurait été assisté de deux personnes et aurait accepté de prendre un congé dans un premier temps afin de contribuer à apaiser la situation s’il n’était pas possible de lui permettre de travailler à distance. La BEI ajoute que, dans un second temps, il demeurait nécessaire de tenir le requérant à distance, en raison notamment de la poursuite de l’enquête.

288    Quant à la décision du 12 mai 2015, elle renverrait à la décision du 13 avril 2015.

289    En troisième lieu, lors de la réunion du 15 juin 2015, le requérant aurait pu exposer son point de vue à la suite de sa demande du 3 juin 2015, tendant à ce que l’administration réexamine la dispense de service dont il faisait l’objet. Lors de cette réunion, l’administration lui aurait longuement expliqué l’état d’avancement de l’enquête de l’OLAF et il aurait lui-même reconnu que les enquêtes de ce type prenaient souvent un temps considérable. La décision du 16 juin 2015, qui aurait fait suite à ladite réunion, exposerait sur presque trois pages le détail de la situation qui aurait amené l’administration à conclure que la dispense de service devait être maintenue en l’état.

i)      Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la deuxième branche du premier moyen en tant qu’elle vise les décisions portant dispense de service

290    Parmi les pièces que le requérant a produites en annexe à la réplique, aux deux demandes d’adaptation, à la demande de tenue d’une audience de plaidoiries et à sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui se rapportent au fond du recours (voir point 122 ci-dessus), plusieurs l’ont été au soutien de la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation des droits de la défense. Il s’agit des pièces présentées en annexes C.9 à C.14, C.16, C.17 et C.19 à C.25 à la réplique. Quant au document figurant à l’annexe C.18, qui est également invoqué au soutien de la présente branche, il a déjà été déclaré recevable au point 232 ci-dessus. Dans le cadre de l’examen de la présente branche, le Tribunal se limitera donc à apprécier la recevabilité des pièces figurant aux annexes C.9 à C.14, C.16, C.17 et C.19 à C.25.

291    En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la BEI a fait valoir que les éléments de preuve figurant aux annexes C.9 à C.12 et C.16 à C.25 étaient antérieurs au dépôt de la requête et devaient donc être déclarés irrecevables pour des motifs analogues à ceux indiqués au point 123 ci-dessus. Cette conclusion s’imposerait aussi pour les documents figurant aux annexes C.13 et C.14. En effet, le requérant n’aurait pas indiqué qu’il n’avait pas eu accès à ces documents avant le dépôt de la réplique.

292    Quant au requérant, il a, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, avancé que les annexes C.9 à C.14, C.16, C.17 et C.19 à C.25 étaient recevables au motif qu’elles visaient à l’ampliation d’éléments précédemment invoqués ou en tant que preuves contraires visant à infirmer les arguments avancés dans le mémoire en défense en réponse à la deuxième branche du premier moyen et, en particulier, l’allégation de la BEI selon laquelle le requérant aurait été utilement entendu lors de la réunion du 3 mars 2015. Le requérant ajoute que la production de plusieurs de ces preuves (annexes C.13, C.14, C.21 et C.25) au stade de la réplique est justifiée, dans la mesure où il n’en aurait obtenu communication qu’après le dépôt de la requête.

293    Conformément à la jurisprudence citée aux points 125 et 126 ci-dessus, il convient d’examiner si la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure fait obstacle à ce que les annexes C.9 à C.14, C.16, C.17 et C.19 à C.25 soient déclarées recevables.

294    En l’espèce, il y a lieu d’observer que, comme le souligne à juste titre le requérant, les annexes C.9 à C.14, C.16, C.17 et C.19 à C.25 visent, notamment, à réfuter les arguments avancés dans le mémoire en défense en réponse à la deuxième branche du premier moyen.

295    En effet, dans la réplique, premièrement, le requérant invoque les annexes C.9 à C.14 et C.22 pour démontrer que, contrairement à ce que soutient la BEI dans le mémoire en défense, il n’a pas été utilement entendu lors de la réunion du 3 mars 2015. Ainsi, les annexes C.9 et C.10 renferment un échange de correspondance entre la BEI et le requérant, dont ce dernier se prévaut aux fins de prouver, notamment, qu’il n’est pas incontesté que le projet de compte rendu de la réunion du 3 mars 2015 reflète fidèlement les propos échangés lors de cette réunion. L’annexe C.11 renferme la convocation du requérant à la réunion du 3 mars 2015, que le requérant invoque pour prouver qu’il n’a pas été mis en mesure d’anticiper l’objet de cette réunion. Les annexes C.12, C.13 et C.14 renferment des courriels des 4 et 5 mars 2015, que le requérant invoque aux fins de démontrer qu’il ne lui a pas été donné le temps et la possibilité de faire connaître son point de vue au sujet des questions qui ont fait l’objet de la réunion du 3 mars 2015. Quant à l’annexe C.22, elle renferme un courriel de la BEI du 16 mars 2015, que le requérant invoque pour démontrer que la BEI savait qu’il entendait réfuter par écrit les accusations portées contre lui lors de la réunion du 3 mars 2015.

296    Deuxièmement, le requérant s’appuie sur les annexes C.16 à C.21 et C.23 pour réfuter l’argument de la BEI selon lequel il aurait été utilement entendu lors de la réunion du 13 mars 2015. Les annexes C.16 à C.20 et C.23 renferment des échanges de correspondance entre la BEI et le requérant, qui les invoque aux fins de prouver, notamment, qu’il n’a pas, préalablement à la réunion du 13 mars 2015 ou au cours de celle-ci, été entendu au sujet de la dispense de service dont il a par la suite fait l’objet, n’a pas reçu de réponse à sa tentative d’obtenir un règlement à l’amiable et d’être informé de la base légale, des effets juridiques, de la date d’entrée en vigueur et de la durée de la dispense de service envisagée. Quant à l’annexe C.21, elle renferme un projet de décision portant dispense de service daté du 12 mars 2015, sur lequel le requérant s’appuie pour démontrer que la BEI avait décidé de le dispenser de service dès avant la réunion du 13 mars 2015.

297    Troisièmement, le requérant invoque l’annexe C.24, qui renferme la convocation à la réunion du 15 juin 2015, pour démontrer qu’il n’a pas été mis en mesure d’anticiper ce qui serait discuté lors de cette réunion et ainsi infirmer l’argument de la BEI selon lequel il aurait été utilement entendu dans le cadre de ladite réunion.

298    Quatrièmement, l’annexe C.25 renferme une lettre de juin 2016, dans laquelle l’OLAF lui aurait indiqué que son enquête était close. Le requérant s’appuie sur cette lettre aux fins de démontrer que la décision du 20 octobre 2015 a emporté une substantielle modification de la portée temporelle de sa dispense de service dont il n’a pas été informé au préalable et ainsi démontrer que, contrairement à ce que soutient la BEI, il n’a pas été entendu à cet égard.

299    Partant, la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure ne trouve pas à s’appliquer aux annexes C.9 à C.14, C.16, C.17 et C.19 à C.25, qui doivent donc être déclarées recevables.

ii)    Sur le bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen en tant qu’elle vise les décisions portant dispense de service

300    À titre liminaire, il convient de relever que, dans la mesure où le requérant se plaint de n’avoir pas été entendu au sujet des accusations et des circonstances sur le fondement desquelles la BEI aurait adopté les décisions portant dispense de service, son argumentation procède d’une prémisse erronée.

301    Les circonstances et accusations auxquelles le requérant fait référence sont, en substance, celles sur lesquelles ont porté la réunion du 3 mars 2015 et l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF. La réunion du 3 mars 2015 a principalement porté sur des « déclarations et situations » que la hiérarchie du requérant considérait comme intimidantes et menaçantes (voir point 29 ci-dessus). Quant à l’enquête de l’OLAF, il ressort d’une note du directeur général de l’OLAF du 23 avril 2015, qu’elle se fondait sur les allégations suivantes :

« Allégations d’inconduite grave par un membre du personnel de la B[EI]. La personne concernée a demandé une promotion à sa hiérarchie, tout en essayant de la faire chanter en menaçant d’exposer certains éléments à la presse et de signaler une fraude qu’il prétend avoir découvert[e] dans un appel d’offres de la B[EI]. »

302    Or, la dispense de service du requérant ne se fonde ni sur les « déclarations et situations » qui ont fait l’objet d’une discussion lors de la réunion du 3 mars 2015, ni sur les allégations d’inconduite grave qui ont fait l’objet de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF. Au contraire, ainsi qu’il ressort expressément de la décision du 16 juin 2015, la dispense de service du requérant a été décidée à la fois comme une mesure administrative de protection du requérant et de sa direction et comme une mesure administrative provisoire visant à permettre le déroulement serein de la procédure devant l’OLAF.

303    Il est vrai que, dans la décision du 16 juin 2015, la BEI fait référence aux allégations d’inconduite grave qui ont fait l’objet de l’enquête de l’OLAF. Toutefois, dans cette décision, la BEI se limite à citer ces allégations pour décrire la portée de l’enquête de l’OLAF, sans jamais prendre position au sujet de leur véracité, ni attribuer l’éventuelle responsabilité des faits allégués au requérant. Dans la décision du 16 juin 2015, la BEI ne se prononce pas non plus sur la véracité des « déclarations et situations » sur lesquelles a porté la réunion du 3 mars 2015 ou sur la question de savoir à qui en incombe l’éventuelle responsabilité. Tout au plus la BEI fait-elle référence, sans davantage de précisions, à des « incidents », au sentiment de la hiérarchie du requérant d’être menacée et aux « situations ou accusations signalées ».

304    Les décisions des 13 avril, 12 mai et 20 octobre 2015 se fondent sur des motifs en substance identiques à ceux sur lesquels se fonde la décision du 16 juin 2015 et ne font aucunement référence aux faits allégués. Le requérant reconnaît d’ailleurs lui-même, dans le cadre de la cinquième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation, que les décisions des 13 avril et 12 mai 2015 ne font pas état des circonstances de fait liées à l’enquête en cours pouvant justifier une mesure de dispense de service.

305    Quant aux décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017, elles reprennent le motif tenant à la nécessité de protéger le requérant et sa hiérarchie, mais substituent au motif tenant à la nécessité de permettre à l’OLAF de conclure la procédure concernant le requérant un motif tenant, en substance, à la nécessité de permettre à la BEI de tirer les conséquences du rapport de l’OLAF. À l’instar des décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015, ces décisions ne prennent pas position sur la véracité des faits allégués, ni n’en attribuent l’éventuelle responsabilité au requérant. Ainsi, dans la décision du 6 juin 2016, la BEI se limite à indiquer que, « [s]elon le rapport de l’OLAF, les allégations contre [le requérant] sont fondées ». Elle ajoute que le requérant sera entendu pour permettre à l’administration de déterminer les conséquences qu’il y a lieu de tirer de ce rapport. Dans la décision du 7 février 2017, la BEI ne fait pas référence aux faits allégués.

306    Le requérant ne saurait donc soutenir que les décisions portant dispense de service sont fondées sur les allégations qui faisaient l’objet de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF ou sur les « déclarations et situations » sur lesquelles a porté la réunion du 3 mars 2015. Il s’ensuit que la BEI n’était pas tenue d’entendre le requérant à leur sujet avant d’adopter les décisions portant dispense de service.

307    Cela étant précisé, il convient, conformément à la jurisprudence citée aux points 265 à 268 ci-dessus, d’examiner si le requérant a été utilement entendu au sujet des éléments sur lesquels la BEI entendait fonder les décisions portant dispense de service.

308    S’agissant de la décision du 13 avril 2015, il ressort de la convocation du requérant à la réunion du 3 mars 2015 que cette dernière, d’une part, faisait suite à la réunion du 2 mars 2015, laquelle portait expressément sur la demande de promotion du requérant, et, d’autre part, avait pour objet la situation au sein de l’unité du requérant. Lors de la réunion du 3 mars 2015, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a ajouté que, parmi les raisons justifiant la convocation d’une nouvelle réunion, figurait la volonté de permettre au requérant de commenter plusieurs déclarations prétendument « intimidantes et menaçantes » dont il serait l’auteur et dont sa hiérarchie avait communiqué la teneur au service du personnel à la suite de la réunion du 2 mars 2015. Le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a, certes, ajouté qu’il était « de l’obligation du [service du] personnel de réagir à ces prétendues déclarations en vue de garantir un environnement de travail sûr ». Toutefois, il n’a à aucun moment informé le requérant des éventuelles mesures qu’il était envisagé de prendre à cet effet. Or, contrairement à ce que soutient la BEI, la forme que de telles mesures étaient susceptibles de prendre n’avait rien d’évident. En effet, d’une part, le requérant ne s’est, lors de la réunion du 3 mars 2015, vu communiquer aucune information quant à la manière dont l’administration entendait « garantir un environnement de travail sûr ». D’autre part, la BEI n’explique pas comment le requérant aurait pu comprendre qu’elle envisageait de prendre à son égard une mesure qui ne trouve aucun fondement exprès dans les textes, dont il n’est pas établi que l’utilisation soit courante ou même connue et qui, de l’aveu même du directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs, revêt un caractère « spécial » (voir point 238 ci-dessus).

309    Par conséquent, lors de la réunion du 3 mars 2015, la BEI a omis d’informer le requérant avec un degré de précision suffisant des conséquences qui étaient susceptibles d’être tirées des éléments qui ont fait l’objet d’une discussion dans le cadre de cette réunion. Il ne saurait donc être considéré que le requérant a été utilement entendu lors de ladite réunion.

310    À l’inverse, il ressort de la décision du 13 avril 2015, du compte rendu de la réunion du 13 mars 2015 et de la correspondance que le requérant et l’administration ont échangée entre les 12 et 16 mars 2015, que cette réunion portait sur une éventuelle dispense de service du requérant et sur les raisons qui la justifiaient. En particulier, le 12 mars 2015, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a répondu à un courriel du requérant quant à l’objet de ladite réunion, premièrement, qu’il lui serait notifié une décision le libérant temporairement de ses obligations professionnelles jusqu’à ce que l’Inspection générale et la DG OCCO aient conclu leurs enquêtes, deuxièmement, qu’il s’agissait de protéger le requérant et sa hiérarchie et de permettre un « retour à la normale du fonctionnement du service » et, troisièmement, que les « motifs et prochaines étapes » lui seraient expliqués.

311    Lors de la réunion du 13 mars 2015, le requérant s’est vu communiquer de manière détaillée les motifs sur lesquels la BEI entendait fonder la dispense de service envisagée, à savoir, premièrement, la nécessité de gérer la situation tendue entre le requérant et sa hiérarchie et d’éviter toute nouvelle détérioration de leur relation et, deuxièmement, la nécessité de permettre à l’Inspection générale de conclure son enquête. Contrairement à ce que soutient, en substance, le requérant, il ne s’agissait pas uniquement de le mettre devant le fait accompli sans lui permettre d’exprimer son point de vue. En effet, d’une part, le requérant a, en acceptant de prendre un congé à l’issue de la réunion du 13 mars 2015, pu convaincre la BEI de ne pas immédiatement le dispenser de service, si bien que le projet de décision du 12 mars 2015 présenté en annexe C.21 à la réplique n’est jamais entré en vigueur. D’autre part, il ressort du compte rendu de cette réunion que le requérant s’est exprimé au sujet de la dispense de service envisagée et a, notamment, fait valoir qu’elle devait être proportionnée à l’objectif poursuivi.

312    Contrairement à ce que soutient le requérant, il a aussi pu faire connaître utilement son point de vue au sujet de la base juridique de la décision du 13 avril 2015. En effet, dans deux courriels, datés l’un du 12 mars 2015 et l’autre du 13 mars 2015, le requérant s’est enquis de la base juridique de cette décision. Il aurait également été loisible au requérant de contester la compétence de la BEI pour adopter ladite décision, ce qu’il a d’ailleurs fait par courrier du 3 juin 2015, soit avant d’obtenir des clarifications à cet égard dans la décision du 16 juin 2015 (voir points 244 à 246 ci-dessus). La question de savoir si la BEI a laissé le requérant dans l’incertitude quant à la base juridique précise de la décision du 13 avril 2015 ne relève pas du respect des droits de la défense, mais de celui du principe de sécurité juridique et de l’obligation de motivation, que le Tribunal a examiné aux points 238 à 243 ci-dessus.

313    Par ailleurs, le requérant ne saurait tirer argument de sa convocation prétendument tardive à la réunion du 13 mars 2015 pour soutenir qu’il n’a pas été utilement entendu sur la décision du 13 avril 2015. En effet, d’une part, le requérant a pu solliciter et obtenir en temps utile des précisions quant à l’objet de cette réunion et a pu se faire accompagner de deux représentants du personnel. D’autre part, dans le mois qui a suivi ladite réunion et a précédé l’adoption de la décision du 13 avril 2015, le requérant avait tout le loisir de compléter par écrit les éléments dont il avait préalablement fait part à l’administration par voie orale. La circonstance que la BEI n’a pas, à l’issue de ladite réunion, informé le requérant qu’il était envisagé de le dispenser de service à son retour de congé n’infirme pas cette conclusion. En effet, la BEI n’a pas renoncé à le dispenser de service à l’issue de ladite réunion. Comme l’admet expressément le requérant, la BEI lui a simplement indiqué que l’entrée en vigueur de la dispense envisagée serait « suspendue » s’il acceptait de prendre un congé.

314    Il y a donc lieu de conclure que le requérant a pu faire connaître utilement son point de vue sur la décision du 13 avril 2015. Il ne saurait donc être conclu à la violation du droit du requérant d’être entendu préalablement à l’adoption de cette décision.

315    La même conclusion s’impose s’agissant de la décision du 12 mai 2015, qui se fonde sur des motifs substantiellement identiques à ceux de la décision du 13 avril 2015, au sujet de laquelle le requérant a été utilement entendu.

316    Il en va de même de la décision du 16 juin 2015. En effet, d’une part, préalablement à l’adoption de cette décision, par courrier du 3 juin 2015, le requérant s’est, une nouvelle fois, enquis de la base juridique de sa dispense de service et a, en substance, contesté que l’administration pût le dispenser de service sans outrepasser les limites de sa compétence.

317    D’autre part, lors de la réunion du 15 juin 2015, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a répondu à la demande du requérant du 3 juin 2015 d’être réintégré dans ses fonctions, lui a communiqué les motifs pour lesquels la BEI entendait prolonger sa dispense de service et lui a permis de s’exprimer à ce sujet. Il ressort, en effet, du compte rendu de cette réunion que le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a rappelé le contexte de la dispense de service du requérant, lui a fourni des précisions quant à l’enquête de l’OLAF et aux efforts infructueux entrepris par la BEI pour le réintégrer dans ses fonctions, lui a indiqué qu’il était envisagé d’étendre cette dispense jusqu’à ce que le rapport de l’OLAF soit disponible et l’a invité à exprimer son point de vue.

318    Il est vrai que, lors de la réunion du 15 juin 2015, le requérant a indiqué, d’une part, que la convocation du 12 juin 2015 avait été trop tardive pour lui permettre d’être accompagné par la personne de son choix et, d’autre part, qu’il prenait note des propos du directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs, mais réservait sa position dans l’attente d’avoir pu consulter ses conseils. Toutefois, ces circonstances, même à les supposer avérées, n’étaient pas de nature à faire obstacle à ce que le requérant puisse utilement s’exprimer. En effet, d’une part, il y a lieu de constater que ces propos portaient sur des sujets dont le requérant avait déjà connaissance. Tout d’abord, il convient de relever que le requérant était au courant du contexte de sa dispense de service et que les motifs de la décision du 16 juin 2015, dont le requérant a été informé lors de cette réunion, ne différaient pas substantiellement de ceux des décisions des 13 avril et 12 mai 2015, au sujet desquelles le requérant a été utilement entendu (voir points 310 à 315 ci-dessus). Ensuite, le requérant avait été informé de l’ouverture de l’enquête de l’OLAF dès le 24 avril 2015. Enfin, l’éventuelle réintégration du requérant avait fait l’objet d’échanges écrits avant la réunion du 15 juin 2015, notamment dans le cadre des lettres des 15 et 28 avril et 3 juin 2015.

319    D’autre part, il importe de souligner que le requérant s’est exprimé quant à l’extension envisagée de la durée de sa dispense de service lors de la réunion du 15 juin 2015, concédant qu’il était probablement trop optimiste d’espérer une résolution rapide de l’affaire, dans la mesure où il serait notoire que les enquêtes de l’OLAF « prennent beaucoup de temps ».

320    Quant à la durée prétendument trop courte de la réunion du 15 juin 2015, le requérant ne saurait en tirer argument. En effet, il ne ressort pas du compte rendu de cette réunion que le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs et le chef de la division des relations avec les employés auraient prématurément mis fin à la discussion ou auraient refusé une demande du requérant tendant à la prolonger. Au contraire, il ressort de ce compte rendu que, à la fin de ladite réunion, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a demandé au requérant s’il avait d’autres « commentaires ou questions » et l’a invité à ne pas hésiter à le contacter s’il avait des questions ou préoccupations particulières au sujet des propos échangés et, plus généralement, des prochaines étapes.

321    Le requérant n’est pas non plus fondé à soutenir que la décision du 20 octobre 2015 est entachée d’une violation du droit d’être entendu. En effet, tout d’abord, cette décision se fonde sur la base juridique identifiée dans la décision du 16 juin 2015. La décision du 20 octobre 2015 développe, certes, le raisonnement exposé à cet égard dans la décision du 16 juin 2015, mais n’en modifie aucunement la substance. Or, le requérant a fait part au président de la BEI de son point de vue à ce sujet par lettre du 7 septembre 2015.

322    Ensuite, la décision du 20 octobre 2015 s’appuie sur les deux mêmes motifs que la décision du 16 juin 2015, tenant, le premier, à la nécessité de permettre à l’OLAF de mener à bien la procédure concernant le requérant et, le second, à la nécessité de restaurer des conditions de travail sereines sur le lieu de travail du requérant et de protéger le requérant et sa hiérarchie de toute nouvelle escalade du conflit qui les opposait. Or, le requérant s’est utilement prononcé à cet égard. En effet, dans sa lettre du 7 septembre 2015 au président de la BEI, le requérant a décrit de manière détaillée sa perception des circonstances pertinentes et des mesures que la BEI avait prises à son égard. De même, dans sa lettre du 12 octobre 2015 au président de la BEI, le requérant s’est exprimé quant au motif relatif à la procédure devant l’OLAF.

323    Enfin, l’argument du requérant selon lequel il n’aurait pas été entendu au sujet de la substantielle modification que la décision du 20 octobre 2015 aurait apporté à la portée temporelle de sa dispense de service procède d’une prémisse erronée. En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision du 20 octobre 2015 n’a emporté aucune modification de la portée temporelle de la dispense de service du requérant. Comme il ressort des points 252 et 253 ci-dessus, tant la décision du 16 juin que celle du 20 octobre 2015 doivent être interprétées en ce sens qu’elles subordonnent le terme de la dispense de service du requérant à l’achèvement de la procédure devant l’OLAF.

324    En revanche, le requérant est fondé à soutenir qu’il n’a pas été entendu sur les décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017. Comme le souligne à juste titre le requérant, l’adoption de ces décisions n’a pas été précédée d’un échange oral ou écrit visant à mettre le requérant en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels la BEI entendait les fonder. En effet, le requérant n’a pas même été prévenu de l’adoption imminente desdites décisions.

325    Or, tout d’abord, comme le reconnaît la BEI au point 10 de ses observations sur la seconde demande d’adaptation, les décisions du 6 juin 2016 et du 7 février 2017 reposent sur un motif qui ne figure pas dans les précédentes décisions portant dispense de service. En effet, dans ces décisions, qui sont postérieures à l’établissement du rapport de l’OLAF, il est substitué au motif tenant à la nécessité de permettre à l’OLAF de conclure la procédure concernant le requérant un motif tenant, en substance, à la nécessité de permettre à la BEI de tirer les conséquences du rapport de l’OLAF.

326    Ensuite, il y a lieu de constater que l’inclusion, dans les décisions du 6 juin 2016 et du 7 février 2017, du nouveau motif décrit au point 325 ci-dessus, emporte une modification sensible de la portée temporelle de la dispense de service du requérant. Ainsi, la décision du 6 juin 2016, qui est postérieure à la clôture de l’enquête de l’OLAF et à l’établissement du rapport de l’OLAF, « confirme » la dispense de service du requérant jusqu’à ce que le service du personnel ait « évalué les implications des faits établis » dans ce rapport. Quant à la décision du 7 février 2017, elle indique simplement que la BEI « étudie soigneusement les recommandations de l’OLAF et évalue les résultats du[dit] rapport […], en prenant en compte [les] commentaires [du requérant] sur le rapport avant de déterminer les prochaines étapes le cas échéant ». À l’inverse, les décisions des 16 juin et 20 octobre 2015 subordonnaient le maintien de la dispense de service du requérant à la poursuite de la procédure devant l’OLAF. La décision du 16 juin 2015 indiquait ainsi expressément que la dispense de service du requérant était « directement liée à la conclusion de l’enquête formelle » de l’OLAF et que la BEI avait appelé l’attention de l’OLAF sur l’« importance de conclure l’affaire rapidement » aux fins de « limiter la durée de la dispense de service » du requérant.

327    Enfin, il y a lieu de considérer que, si le second motif sur lequel se fondent les décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017 ne diffère pas en lui-même substantiellement du second motif de la décision du 20 octobre 2015, au sujet duquel le requérant a été utilement entendu (voir point 322 ci-dessus), la BEI aurait, néanmoins, dû entendre le requérant une nouvelle fois à cet égard. En effet, d’une part, dans la décision du 6 juin 2016, la BEI a invoqué une considération nouvelle au soutien de ce motif. La BEI a ainsi « confirmé » la dispense de service du requérant sur le fondement, « principalement […] de la nécessité de prévenir toute nouvelle détérioration de la relation entre [le requérant] et [s]a hiérarchie, laquelle est telle qu’un fonctionnement normal du service serait difficile à rétablir, compte tenu des résultats de [l’enquête] de l’OLAF ». Or, ces résultats n’ont été communiqués au requérant que le 18 mars 2016, soit près de cinq mois après l’adoption de la décision du 20 octobre 2015. Le requérant n’a donc pas été mis en mesure de se prononcer en temps utile sur leur incidence sur le maintien de sa dispense de service.

328    D’autre part et en tout état de cause, compte tenu de la nature de la dispense de service du requérant et des importantes conséquences défavorables qu’elle emportait sur la situation professionnelle, administrative et financière du requérant (voir points 247 à 250 ci-dessus), il incombait à la BEI de mettre le requérant en mesure de s’exprimer quant à la question de savoir si, au regard de l’évolution de la situation et alors qu’une période prolongée s’était écoulée depuis l’adoption de la décision du 20 octobre 2015, le maintien de la dispense de service demeurait nécessaire pour protéger le requérant et sa hiérarchie.

329    Il s’ensuit que, en adoptant les décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017 sans mettre en mesure le requérant de s’exprimer au préalable, la BEI a méconnu le droit d’être entendu.

330    Or, il ressort des pièces du dossier que, si le requérant avait été utilement entendu avant l’adoption des décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017, il aurait pu, comme il l’a fait valoir dans les deux demandes d’adaptation, contester la réalité et la pertinence des deux motifs de ces décisions et ainsi remettre en cause le fondement de ces décisions. Il aurait également pu se prévaloir du caractère disciplinaire ou arbitraire de sa dispense de service et ainsi démontrer qu’une nouvelle prorogation de cette dernière était à proscrire. Il s’ensuit que, en l’absence de l’irrégularité constatée au point 329 ci-dessus, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

331    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, la BEI n’ayant invoqué aucune circonstance particulière ou urgence qui aurait pu justifier que le requérant ne soit, à titre exceptionnel, pas entendu, il y a lieu d’accueillir la deuxième branche du premier moyen en tant qu’elle porte sur les décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017. Il convient donc d’annuler ces décisions.

2)      Sur la décision du 18 juin 2015

332    Le requérant soutient que, préalablement à l’adoption de la décision du 18 juin 2015, il n’a été informé ni des faits ni des bases légales qui la fondaient. Il n’aurait pas même été prévenu qu’il était envisagé d’adopter cette décision. Dans ces conditions, il ne se serait pas vu offrir la possibilité de défendre efficacement ses intérêts avant l’adoption de ladite décision, ni n’aurait été mis en mesure d’influer sur le processus décisionnel. Or, il ne serait pas exclu que le requérant eût pu exercer une influence sur la décision en cause s’il avait été utilement entendu.

333    La BEI conteste l’argumentation du requérant.

334    Il y a lieu de constater que la décision du 18 juin 2015 affecte défavorablement et de manière sensible les intérêts du requérant. En effet, cette décision a privé le requérant d’accès à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI et a eu pour effet de le radier de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI et d’interrompre la transmission de ses bulletins de rémunérations.

335    Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier si le requérant a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels la BEI a fondé la décision du 18 juin 2015.

336    En l’espèce, la BEI n’établit, ni même n’allègue, avoir lancé un échange oral ou écrit aux fins de mettre le requérant en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels elle entendait fonder la décision du 18 juin 2015. Au contraire, la BEI est restée en défaut, préalablement à l’adoption de cette décision, de porter à la connaissance du requérant tant les divers éléments en cause que les conséquences qu’elle envisageait d’en tirer. En effet, ce n’est que postérieurement à l’adoption de ladite décision, à la suite d’une réunion avec un technicien de la BEI, que le requérant a appris que le blocage de son accès aux connexions informatiques de la BEI et à sa messagerie électronique résultait d’une décision de l’administration. Et ce n’est que plusieurs jours plus tard, le 10 juillet 2015, et à la demande expresse du requérant, que la BEI l’a informé des motifs de cette décision. Or, même à cette occasion, la BEI n’a pas demandé au requérant de lui faire part de ses observations.

337    Il s’ensuit que la BEI n’a pas mis le requérant en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels se fondait la décision du 18 juin 2015. Dès lors, la BEI n’ayant invoqué aucune circonstance particulière ou urgence qui aurait pu justifier que le requérant ne soit, à titre exceptionnel, pas entendu, il y a lieu de conclure à une violation du droit du requérant d’être entendu.

338    Or, si le requérant avait été entendu préalablement à l’adoption de la décision du 18 juin 2015, il aurait, notamment, pu faire valoir, comme il l’a fait dans la requête et lors de l’audience, que cette décision ne pouvait se fonder sur la demande de l’OLAF de saisir, à titre conservatoire, l’ordinateur de bureau du requérant, son ordinateur portable ou tout autre appareil électronique qu’il utilisait dans l’exercice de ses fonctions. Dans la mesure où cet argument était de nature à remettre en cause le fondement de la décision du 18 juin 2015, il y a lieu de considérer que, en l’absence de l’irrégularité constatée au point 337 ci-dessus, cette décision aurait pu avoir un contenu différent ou ne pas être adoptée.

339    Il y a donc lieu d’accueillir la deuxième branche du premier moyen en tant qu’elle porte sur la décision du 18 juin 2015 et, partant, d’annuler cette dernière.

c)      Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de la présomption d’innocence

340    Le requérant fait grief à la BEI d’avoir violé le principe de la présomption d’innocence en adoptant les décisions portant dispense de service et la décision du 18 juin 2015. Or, pour le requérant, ces décisions auraient pu avoir un contenu différent si la BEI n’avait pas violé ce principe. Le requérant soulève, en substance, deux griefs à l’appui de son argumentation.

341    En premier lieu, le requérant soutient que, comme il ressortirait notamment de la lettre du président de la BEI du 5 septembre 2016 présentée en annexe C.15 à la réplique, la BEI a fondé la décision du 16 juin 2015 sur des accusations dont la véracité n’était pas établie dès lors qu’elles faisaient l’objet d’une enquête pendante et qui seraient également à la base des décisions des 13 avril, 12 mai, 18 juin et 20 octobre 2015. Il serait particulièrement contestable que la décision du 16 juin 2015 se fonde sur une déclaration de l’Inspection générale, dont l’enquêteur interne chargé du dossier du requérant aurait de toute évidence été partial.

342    La BEI aurait, dès l’ouverture de l’enquête, pris le parti de la culpabilité du requérant quant aux accusations portées contre lui. Au soutien de son argumentation, le requérant invoque des déclarations que l’enquêteur interne de l’Inspection générale chargé du dossier du requérant et le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs auraient faites en avril 2015.

343    Au stade de la réplique, le requérant invoque aussi un courriel du 11 mars 2015 adressé à l’OLAF dans lequel l’Inspection générale désignerait clairement le requérant comme étant coupable de chantage et de tentative de chantage, alors même que la véracité de cette conclusion ne serait pas établie et que le requérant n’aurait pas été entendu à ce sujet. Toujours dans la réplique, le requérant se réfère à un échange de courriels présenté en annexe C.1, dont il ressortirait que le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs avait, dès le 2 mars 2015, indiqué que le requérant était de plus en plus menaçant à l’égard de ses supérieurs, qui en seraient à craindre pour leur sécurité.

344    En second lieu, le requérant reproche, en substance, à la BEI de s’être appuyée sur l’enquête illégale de l’OLAF et sur le rapport de l’OLAF qui serait tout aussi illégal pour fonder ou, à tout le moins, motiver les décisions portant dispense de service. Il aurait été impossible pour la BEI d’ignorer, dans le cadre de la rédaction des décisions portant dispense de service, qu’une enquête avait au préalable été ouverte par l’Inspection générale, puis confiée à l’OLAF. À l’appui de son argumentation, le requérant invoque l’arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a. (T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 63), dont il ressortirait que cette circonstance constitue une illégalité de nature à justifier l’annulation de ces décisions.

345    Selon le requérant, l’enquête de l’OLAF et le rapport de l’OLAF étaient entachés d’illégalité pour trois motifs. Premièrement, l’enquête de l’OLAF serait fondée sur une base légale irrégulière.

346    Deuxièmement, la décision d’ouvrir l’enquête de l’OLAF se fonderait sur des informations erronées et sur des accusations non étayées que la BEI lui aurait transmises sans entendre le requérant. À l’appui de cet argument, le requérant présente, en annexes BB.3 et BB.4 à la seconde demande d’adaptation, des procès-verbaux d’entretiens conduits par l’OLAF.

347    Troisièmement, l’enquête de l’OLAF serait entachée de graves irrégularités. L’OLAF n’aurait jamais rencontré, ni interrogé le requérant. Le requérant ignorerait les faits qui ont fondé les conclusions de l’OLAF et n’aurait jamais été informé des éléments de preuve fondant les accusations portées contre lui. Il ressortirait des lettres et des courriels produits en annexes C.6 et C.27 à la réplique et XX.3 à la réponse du requérant aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal qu’il n’a pas obtenu de réponse à sa demande tendant à se faire communiquer ces éléments et n’aurait pas même pu avoir accès au dossier ou obtenir le rapport de l’OLAF dans son intégralité. Néanmoins, les parties de ce rapport dont le requérant a eu connaissance confirmeraient que l’OLAF a fondé ses conclusions sur des allégations dont le requérant ignorait l’existence et sur lesquelles il n’avait aucune possibilité de se prononcer.

348    La BEI conteste l’argumentation du requérant.

1)      Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la quatrième branche du premier moyen

349    Parmi les pièces que le requérant a produites en annexe à la réplique, aux deux demandes d’adaptation, à la demande de tenue d’une audience de plaidoiries et à sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui se rapportent au fond du recours (voir point 122 ci-dessus), plusieurs l’ont été au soutien de la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de la présomption d’innocence. Il s’agit des pièces présentées en annexes C.1, C.6, C.15 et C.27 à la réplique, BB.2 à BB.4 à la seconde demande d’adaptation et XX.3 à la réponse du requérant aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal. Quant aux documents figurant aux annexes C.13 et C.14, qui sont également invoqués au soutien de la présente branche, ils ont déjà été déclarés recevables au point 299 ci-dessus. Dans le cadre de l’examen de la présente branche, le Tribunal se limitera donc à apprécier la recevabilité des pièces figurant aux annexes C.1, C.6, C.15, C.27, BB.2 à BB.4 et XX.3.

350    En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la BEI a fait valoir que les éléments de preuve figurant aux annexes C.1, C.6 et C.27 étaient antérieurs au dépôt de la requête et devraient donc être déclarés irrecevables pour des motifs analogues à ceux indiqués au point 123 ci-dessus. En revanche, la BEI ne conteste pas la recevabilité des annexes C.15, BB.2 à BB.4 et XX.3.

351    Quant au requérant, il a, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, avancé que les annexes en cause étaient recevables en tant que preuves contraires ou en tant que preuves tendant à l’ampliation d’éléments précédemment invoqués (annexes C.1, C.6, C.15, BB.3, BB.4 et XX.3) ou au motif que leur production tardive était justifiée, dans la mesure où le requérant n’en aurait obtenu communication qu’après le dépôt de la réplique (annexes C.1, C.15, C.27 et BB.2 à BB4). S’agissant, en particulier, de l’annexe XX.3, le requérant ajoute qu’il aurait pu la produire au stade de la réplique, mais estime que, au vu de son « importance majeure », elle doit, néanmoins, être déclarée recevable.

352    Conformément à la jurisprudence citée au point 126 ci-dessus, il convient d’examiner si la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure fait obstacle à ce que les annexes C.1, C.6, C.15, BB.2 à BB.4 et XX.3 soient déclarées recevables.

353    En l’espèce, il y a lieu d’observer que, comme le souligne à juste titre le requérant, les annexes C.1, C.6, C.15, C.27, BB.2 à BB.4 visent, notamment, à réfuter les arguments avancés dans le mémoire en défense en réponse à la quatrième branche du premier moyen.

354    En effet, le requérant invoque les annexes C.1 et C.15 pour réfuter l’argument de la BEI selon lequel les décisions portant dispense de service ne préjugent pas de la culpabilité ou de la responsabilité du requérant. L’annexe C.1 renferme des courriels qui démontreraient que le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a, dès le 2 mars 2015, présenté les faits allégués comme étant établis pour prendre des mesures préparatoires à la dispense de service du requérant. L’annexe C.15 renferme une lettre du président de la BEI du 5 septembre 2016, dont il ressortirait que, contrairement à ce que soutient la BEI, les faits sur lesquels portait l’enquête de l’Inspection générale ont fondé la dispense de service du requérant. À l’annexe C.6 figure une lettre du requérant au président de la BEI, qui est invoquée aux fins de démontrer que la BEI a erronément qualifié dans le mémoire en défense une recommandation de l’OLAF de « rapport de l’OLAF ».

355    Il en va de même des annexes BB.3 et BB.4, qui comportent des procès-verbaux d’entretiens conduits par l’OLAF et qui, comme il ressort de l’annexe BB.2, n’ont été communiqués au requérant qu’après le dépôt de la réplique et de la première demande d’adaptation et n’auraient, dès lors, pu être produits en annexe à celles-ci.

356    En revanche, le requérant ne se prévaut pas de l’inapplicabilité à l’annexe C.27 de la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure. Il y a donc lieu de vérifier si l’annexe C.27 est recevable au titre de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui précise que les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

357    Or, contrairement aux allégations de la BEI, l’échange de courriels figurant à l’annexe C.27 est postérieur au dépôt de la requête. Le retard dans la présentation de cette pièce est donc justifié.

358    Il s’ensuit que les annexes C.1, C.6, C.15, C.27, BB.3 et BB.4 doivent être déclarées recevables.

359    En revanche, le requérant reconnaît lui-même qu’il aurait pu produire l’annexe XX.3 au stade de la réplique, mais qu’il a « omis de le faire ». Dans ces conditions, le requérant ne saurait se prévaloir ni de l’inapplicabilité de la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, ni de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, qui prévoit que, à titre exceptionnel, les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. La prétendue « importance majeure » de l’annexe XX.3 relevant du fond de la présente affaire, elle ne saurait infirmer cette conclusion. Il y a donc lieu de déclarer irrecevable l’annexe XX.3.

2)      Sur le bien-fondé de la quatrième branche du premier moyen

360    Il convient de rappeler que le principe de la présomption d’innocence, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect (arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 121). Selon ces dispositions, le respect de la présomption d’innocence exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

361    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les deux griefs du requérant, tirés, le premier, de ce que la BEI se serait fondée sur des accusations faisant l’objet d’une enquête pendante et, le second, de ce que la BEI se serait fondée sur une enquête irrégulière de l’OLAF et sur le rapport de l’OLAF, qui serait tout aussi irrégulier.

i)      Sur le premier grief, tiré de ce que la BEI se serait fondée sur des accusations faisant l’objet d’une enquête pendante

362    Il y a lieu de rappeler que, comme il ressort des points 300 à 305 ci-dessus, les décisions portant dispense de service ne sont pas fondées sur les allégations qui faisaient l’objet de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF. Dans la mesure où le requérant reproche à la BEI d’avoir violé le principe de la présomption d’innocence en fondant les décisions portant dispense de service sur ces allégations, il procède donc d’une prémisse erronée.

363    Contrairement à ce que soutient le requérant, la lettre du président de la BEI du 5 septembre 2016 ne remet aucunement en cause cette conclusion. En effet, dans cette lettre, le président de la BEI n’a pas admis que les accusations qui faisaient l’objet de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF avaient « motivé » la dispense de service du requérant, mais s’est contenté d’indiquer que la BEI n’avait pas pris de position définitive sur la responsabilité du requérant dans les événements et les comportements qui ont conduit à sa dispense de service.

364    La même conclusion s’impose s’agissant de la décision du 18 juin 2015. Il ressort, en effet, de la lettre de la BEI du 10 juillet 2015 que cette décision est fondée sur un motif unique, qui, bien qu’inexact (voir points 169 à 171 ci-dessus), est distinct des allégations sur lesquelles portait l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF.

365    Les décisions portant dispense de service et la décision du 18 juin 2015 n’étant pas fondées sur les allégations qui faisaient l’objet de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF, elles ne sauraient être entachées d’une violation du principe de la présomption d’innocence au motif que l’enquêteur interne de l’Inspection générale chargé du dossier du requérant avant que l’OLAF n’en soit saisi et le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs auraient pris position à leur sujet.

366    Il s’ensuit que les décisions portant dispense de service et la décision du 18 juin 2015 ne préjugent en rien de la culpabilité ou de la responsabilité du requérant. Le premier grief doit donc être rejeté.

ii)    Sur le second grief, tiré de ce que la BEI se serait fondée sur une enquête irrégulière de l’OLAF et sur le rapport de l’OLAF

367    Il y a lieu de rappeler que des irrégularités procédurales et des violations de formalités substantielles, dont il serait soutenu qu’elles ont entaché un rapport d’enquête de l’OLAF, ne peuvent être contestées qu’à l’appui d’un recours dirigé contre un acte attaquable ultérieur, dans la mesure où elles auraient influencé son contenu et non de façon indépendante en l’absence d’un tel acte (voir arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 55 et jurisprudence citée).

368    Cette conclusion s’applique, à plus forte raison, à la décision d’ouverture d’une enquête interne de l’OLAF et aux différents actes de conduite de cette enquête, y compris au refus allégué de l’OLAF de notifier à l’intéressé certains actes relatifs à ladite enquête et de lui permettre de se défendre dans le cadre de celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 18 décembre 2003, Gómez-Reino/Commission, T‑215/02, EU:T:2003:352, points 50 et 55).

369    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que le requérant demande l’annulation des décisions portant dispense de service, qui ne se fondent pas sur les allégations qui faisaient l’objet de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF (voir points 300 à 305 ci-dessus). Or, à l’appui du présent grief, le requérant se contente d’invoquer des irrégularités qui entacheraient le rapport de l’OLAF, la décision d’ouverture de l’enquête de l’OLAF et différents actes de conduite de cette enquête sans établir, ni même expliquer, à aucun moment, en quoi elles auraient néanmoins pu influencer le contenu de ces décisions. Par conséquent, le requérant ne saurait contester le rapport de l’OLAF, la décision d’ouverture de l’enquête de l’OLAF et les différentes irrégularités qui auraient entaché la conduite de cette enquête dans le cadre des présentes conclusions en annulation.

370    Contrairement à ce que soutient le requérant, l’arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a. (T‑261/09 P, EU:T:2010:215), ne remet pas en cause cette conclusion. Au contraire, dans cet arrêt, le Tribunal a considéré qu’un acte qui s’inscrivait dans le cadre d’une enquête de l’OLAF, à savoir une décision de transmission d’informations aux autorités judiciaires nationales au titre de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999, ne comportait d’effets juridiques obligatoires ni sur la carrière ni sur la situation matérielle des intéressés et ne leur faisait donc pas grief (arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, points 62 à 64).

371    Il est vrai que, dans le cadre de l’examen du caractère d’acte faisant grief d’une telle décision, le Tribunal a considéré qu’une éventuelle prise en compte, lors de l’évaluation d’un fonctionnaire, du fait que certaines informations ont été transmises aux autorités nationales constituerait une illégalité de nature à justifier l’annulation du rapport d’évolution de carrière (arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 63). Toutefois, cette hypothèse diffère fondamentalement de celle du cas d’espèce. En effet, dans la présente affaire, il n’est pas question de la prise en compte, dans un rapport d’évaluation, d’une décision de transmission d’informations aux autorités judiciaires nationales au titre de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999. Au contraire, dans la présente affaire, il est question d’actes par lesquels une institution entend assurer le déroulement serein d’une enquête de l’OLAF sans pour autant prendre position sur les faits sur lesquels porte cette enquête ou en tirer de conséquences.

372    Partant, il convient d’écarter le second grief, ainsi que, par suite, la quatrième branche du premier moyen dans son ensemble.

d)      Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

373    Le requérant soutient que les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 et 18 juin et 20 octobre 2015 sont entachées d’une violation de l’obligation de motivation. Le requérant n’étend pas cette branche aux décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017 (voir point 221 ci-dessus).

374    À cet égard, il importe de souligner que l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE et rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte est un principe essentiel du droit de l’Union (ordonnance du 24 avril 2017, Dreimane/Commission, T‑618/16, non publiée, EU:T:2017:293, point 36), qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, EU:C:2004:555, point 39 et jurisprudence citée).

375    La motivation d’une décision s’apprécie au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 70 et jurisprudence citée).

376    Il y a, cependant, lieu de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 1er mars 2017, Silvan/Commission, T‑698/15 P, non publié, EU:T:2017:131, point 17 et jurisprudence citée).

377    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer, dans un premier temps, si les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 sont suffisamment motivées et, dans un second temps, si la décision du 18 juin 2015 l’est.

1)      Sur les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015

378    Le requérant fait valoir que la BEI n’a pas motivé à suffisance les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015.

379    À cet égard, en premier lieu, dans les décisions des 13 avril et 12 mai 2015, l’administration n’aurait ni exposé les circonstances de fait liées à l’enquête en cours pouvant justifier une mesure de dispense de service, ni expliqué en quoi les relations de travail entre le chef de la division RM/FRD et le requérant étaient à ce point insupportables qu’elles auraient justifié une telle mesure. Selon le requérant, ces relations ne se sont détériorées qu’en raison des accusations que le chef de la division RM/FRD a portées contre lui, ce que le requérant a fait savoir à l’administration lors de la réunion du 3 mars 2015.

380    En deuxième lieu, la décision du 16 juin 2015 prendrait position sur la véracité de deux accusations portées contre le requérant. Il s’agirait, d’une part, du chantage allégué du requérant à l’égard du chef de la division RM/FRD et, d’autre part, de l’absence de droit du requérant d’être, en tant que lanceur d’alerte, protégé contre des représailles. Or, la décision du 16 juin 2015 étant insuffisamment motivée, le Tribunal ne pourrait examiner la matérialité des faits invoqués, ni vérifier si l’appréciation de l’administration est entachée d’erreur manifeste ou d’excès de pouvoir.

381    En troisième lieu, dans la décision du 20 octobre 2015, la BEI n’aurait pas exposé pourquoi la dispense de service a été prolongée après le 21 août 2015, alors que, de toute évidence, l’OLAF avait achevé son enquête, ce qui, selon les termes de la décision du 16 juin 2015, aurait dû avoir pour effet de mettre fin à cette mesure.

382    La BEI conteste l’argumentation du requérant.

383    Aucun des arguments du requérant ne saurait prospérer. En premier lieu, ces arguments ne sont pas de nature à démontrer que les décisions des 13 avril et 12 mai 2015 sont entachées d’une violation de l’obligation de motivation. La décision du 13 avril 2015 rappelle que, lors de la réunion du 13 mars 2015, il a été convenu que le requérant prendrait congé aux fins de « dégonfler la situation entre [lui] et [sa] hiérarchie » et dans l’attente de l’enquête de l’Inspection générale. Il est précisé que, bien que la situation sur le lieu de travail du requérant se soit partiellement apaisée, elle n’est pas entièrement résolue du fait de la poursuite de cette enquête. Il est ajouté que, dans un courriel du 13 mars 2015 adressé au service du personnel de la BEI, le requérant a précisé combien il était important pour lui que la situation actuelle n’ait pas d’impact sur sa réputation et sa carrière et que, compte tenu de ces éléments et de l’intérêt du service, la BEI a décidé de lui accorder une dispense d’exécution de service d’une durée d’un mois à compter du 13 avril 2015. Quant à la décision du 12 mai 2015, d’une part, elle indique que la BEI a décidé de prolonger la dispense de service du requérant pour une durée d’un mois, au motif que l’enquête se poursuivait. D’autre part, cette décision précise que la prolongation de la dispense de service du requérant peut être renouvelée dans l’intérêt du service et aux fins de protéger le bien-être du requérant et celui de sa hiérarchie jusqu’à ce que les autorités compétentes aient mis fin à leur enquête.

384    Il est vrai que les décisions des 13 avril et 12 mai 2015 n’apportent pas de précisions quant à l’état de dégradation des relations entre le requérant et le chef de la division RM/FRD, ni ne recensent les circonstances liées à l’enquête en cours. Il y a, cependant, lieu de constater que, lors de la réunion du 13 mars 2015, à laquelle la décision du 13 avril 2015 fait expressément référence, il a été indiqué au requérant que sa hiérarchie se sentait menacée par lui et il a été convenu de l’« urgente nécessité de désamorcer la situation et d’avoir une période de refroidissement dès que possible ». Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence citée au point 375 ci-dessus, il convient de conclure que, au regard du libellé des décisions des 13 avril et 12 mai 2015 et du contexte dans lequel elles sont intervenues, le requérant était pleinement en mesure de comprendre pourquoi la BEI considérait que l’état des relations entre le requérant et sa hiérarchie s’était dégradé au point de justifier l’éloignement du requérant.

385    Quant aux circonstances liées à l’enquête en cours, il y a lieu de rappeler que, comme il ressort des points 300 à 305 et 362 à 365 ci-dessus, elles ne fondent pas les décisions portant dispense de service. Il ne saurait donc être reproché à la BEI de n’avoir pas fait état de ces circonstances dans l’une ou plusieurs de ces décisions.

386    En deuxième lieu, dans la décision du 16 juin 2015, premièrement, la BEI n’a aucunement pris position sur la véracité des allégations de chantage portées contre le requérant (voir point 303 ci-dessus).

387    Deuxièmement, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la BEI a enfreint l’obligation de motivation en prenant position sur la véracité d’une « accusation » relative à la protection dont il pourrait ou non bénéficier en tant que lanceur d’alerte. En effet, d’une part, il ne s’agit pas là d’une accusation dont la véracité pourrait ou non être établie, mais d’une question d’appréciation juridique.

388    D’autre part, il y a lieu de constater que, dans la décision du 16 juin 2015, la BEI a, certes, considéré qu’il n’était pas probable que le requérant puisse bénéficier de la protection réservée aux lanceurs d’alerte. La BEI a, cependant, indiqué que cette appréciation résultait de ce que, selon l’OLAF, le cas du requérant « ne satisfai[sai]t pas aux exigences des dispositions » relatives aux lanceurs d’alerte figurant dans le statut et de ce que l’Inspection générale avait confirmé qu’il ne remplissait pas non plus, de prime abord, les exigences prévues à cet effet par la politique de signalement de la BEI. La décision du 16 juin 2015 précise que l’appréciation de l’OLAF était fondée sur la circonstance que la « dénonciation [effectuée par le requérant] pourrait être entachée d’irrégularités graves et marquée par un manque de bonne foi et un intérêt personnel dans le résultat ». Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision est suffisamment motivée à cet égard pour permettre au Tribunal d’en contrôler le bien-fondé.

389    En troisième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la BEI aurait, dans la décision du 20 octobre 2015, omis d’exposer pourquoi la dispense de service a été prolongée après le 21 août 2015, alors que l’OLAF avait achevé son enquête, il repose sur la prémisse erronée selon laquelle le maintien de cette dispense était subordonné à la poursuite de l’enquête administrative de l’OLAF (voir points 252, 253 et 323 ci-dessus).

390    Dès lors, au vu des points 383 à 389 ci-dessus, mais sous réserve de la conclusion énoncée au point 243 ci-dessus, il ne saurait être conclu que les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015 sont entachées d’une violation de l’obligation de motivation. Par conséquent, la cinquième branche du premier moyen doit, en tant qu’elle porte sur ces décisions, être rejetée.

2)      Sur la décision du 18 juin 2015

391    Le requérant fait grief à la BEI d’avoir motivé la décision du 18 juin 2015 de manière inexacte en indiquant qu’elle faisait suite à une demande en ce sens de l’OLAF. En effet, selon le requérant, l’OLAF ne semble pas avoir adressé de demande de cette nature à la BEI.

392    Le requérant ajoute que l’acte par lequel il a été décidé de ne plus lui communiquer ses bulletins de rémunération et de radier son nom de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI ne lui a jamais été communiqué et est totalement dépourvu de motivation.

393    La BEI conteste l’argumentation du requérant.

394    En l’espèce, s’agissant de la radiation du nom du requérant de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI ainsi que de l’omission de la BEI de lui communiquer ses bulletins de rémunération, il suffit de rappeler que, comme le requérant l’a lui-même reconnu dans la réplique, elles ne sont qu’une simple conséquence mécanique de la décision du 18 juin 2015 (voir points 150 à 152 ci-dessus).

395    Cela étant rappelé, il y a lieu de constater que le requérant ne se prévaut pas d’une violation de l’obligation de motivation qui entacherait la décision du 18 juin 2015. Au contraire, en invoquant l’inexactitude de la motivation de cette décision, le requérant entend, en réalité, en contester le bien-fondé, ce qu’il ne saurait faire, conformément à la jurisprudence citée au point 376 ci-dessus, que dans le cadre d’un moyen portant sur la légalité au fond de ladite décision. Or, dans la réplique, le requérant a renoncé à contester le bien-fondé de ladite décision.

396    Au regard de ce qui précède, il n’est pas établi que la décision du 18 juin 2015 est entachée d’un défaut de motivation.

397    Il s’ensuit que la cinquième branche du premier moyen doit être rejetée dans son ensemble.

2.      Sur les conclusions en indemnité

398    Le requérant conclut à la condamnation de la BEI à réparer les préjudices matériel et moral qu’il aurait subis en conséquence des décisions portant dispense de service et de la décision du 18 juin 2015. Dans la requête, il évalue le préjudice moral à 950 000 euros, mais ne chiffre pas le préjudice matériel, dont il estime cependant qu’il est « considérable ». Dans la réplique, il estime qu’il appartient au Tribunal d’apprécier ex æquo et bono le « montant raisonnable de l’indemnisation ». Dans la première demande d’adaptation, le requérant a augmenté l’indemnisation sollicitée en réparation du préjudice moral prétendument subi de 475 000 euros. Dans la seconde demande d’adaptation, il a augmenté l’indemnisation sollicitée en réparation de ce préjudice de 20 000 euros par mois civil entamé à compter du 7 février 2017.

399    La BEI conclut au rejet des conclusions en indemnité comme étant irrecevables et, en tout état de cause, non fondées.

a)      Sur les fins de non-recevoir soulevées par la BEI

400    La BEI soutient que les conclusions en indemnité sont irrecevables, aux motifs, premièrement, que le requérant a omis de suivre le déroulement régulier d’une procédure précontentieuse et, deuxièmement, qu’il est resté en défaut d’exposer une argumentation intelligible sur l’existence d’une faute de service indépendante de l’illégalité invoquée dans le cadre des moyens d’annulation.

401    Le requérant conteste l’argumentation de la BEI.

402    À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la fin de non-recevoir tirée de l’omission du requérant de suivre le déroulement régulier d’une procédure précontentieuse, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 132 ci-dessus, la procédure précontentieuse prévue à l’article 41 du règlement du personnel 2009 ne revêt qu’un caractère facultatif et ne saurait donc conditionner la recevabilité de conclusions en indemnité telles que celles que présente le requérant dans le cadre du présent recours.

403    En second lieu, s’agissant de la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’une argumentation intelligible quant à l’existence d’une faute de service indépendante de l’illégalité invoquée dans le cadre des moyens d’annulation, il y a lieu d’observer que le recours en annulation et le recours en indemnité constituent des voies de recours autonomes et qu’il est loisible à l’intéressé de choisir soit l’une, soit l’autre, soit les deux conjointement (arrêt du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, EU:C:1975:131, point 11). En particulier, lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnisation, cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, EU:T:1998:112, point 157). Tel est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, les illégalités dont la partie requérante se prévaut au soutien de ses conclusions en indemnité comptent parmi celles qu’elle invoque dans le cadre de ses conclusions en annulation. Il ne saurait donc être reproché au requérant, au stade de la recevabilité, de n’avoir pas soulevé de faute de service indépendante des illégalités invoquées au soutien des conclusions en annulation et, encore moins, d’avoir omis d’exposer une argumentation intelligible à cet égard.

404    Il y a donc lieu d’écarter les deux fins de non-recevoir visées au point 400 ci-dessus.

b)      Sur le bien-fondé des conclusions en indemnité

405    De jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52). Ces conditions devant être cumulativement remplies, il suffit que l’une d’entre elles fasse défaut pour rejeter un recours en indemnité (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

406    C’est à la lumière de ces principes que le Tribunal examinera, dans un premier temps, les conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi et, dans un deuxième temps, les conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice moral prétendument subi. Dans un troisième temps, le Tribunal statuera, le cas échéant, sur la demande du requérant tendant à ce que l’indemnisation obtenue soit augmentée d’intérêts moratoires.

1)      Sur les conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi

407    Le requérant soutient, en substance, qu’il a été empêché de travailler pendant une période prolongée du fait des décisions portant dispense de service. Il aurait, en conséquence, perdu le droit à voir ses prestations évaluées en 2015, en 2016 et en 2017 et aurait, par suite, été privé de la possibilité d’une évolution de carrière, d’augmentations de salaire et d’attribution de primes. Dans la mesure où il serait impossible de déterminer la durée qui sera celle de la dispense de service dont le requérant a fait l’objet, il ne pourrait qu’être constaté que le préjudice matériel ainsi subi est « considérable ».

408    Au stade de la réplique, d’une part, le requérant ajoute que ce préjudice ne revêt pas un caractère matériel. Il serait, en effet, également impossible de savoir quelles auraient été ses prestations au cours de la période pendant laquelle il a été dispensé de service. Le requérant estime, toutefois, que, à la lumière de ses performances antérieures, il est vraisemblable qu’elles auraient été « très satisfaisantes ».

409    D’autre part, le préjudice en cause aurait été aggravé en raison du fait que les limites temporelles de la dispense de service du requérant ont régulièrement fait l’objet de modifications ou de nouvelles interprétations et n’ont finalement pas été appliquées et que cette dispense s’est poursuivie même après que le motif qui l’avait fondée, à savoir l’enquête de l’OLAF, a disparu.

410    La BEI conteste l’argumentation du requérant. Selon elle, le maintien de la rémunération du requérant exclut tout préjudice matériel du fait des décisions de dispense de service. Le préjudice invoqué, tenant à la privation de la possibilité d’être promu, serait trop spéculatif pour être pris en considération.

411    En l’espèce, le Tribunal estime opportun de vérifier d’abord si la condition relative au préjudice invoqué est satisfaite.

412    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le préjudice dont il est demandé réparation doit être réel et certain ainsi qu’évaluable. C’est à la partie requérante qu’il incombe d’apporter des éléments de preuve afin d’établir l’existence et l’ampleur dudit préjudice (voir arrêt du 26 octobre 2011, Dufour/BCE, T‑436/09, EU:T:2011:634, point 192 et jurisprudence citée).

413    En l’espèce, il convient d’emblée de constater que le préjudice dont se prévaut le requérant résulte non de la perte d’un droit à ce que se réalisent les éventualités favorables tenant à l’octroi de primes, à une évolution de carrière et à l’obtention d’augmentations de salaire, mais de la disparition d’une chance que ces éventualités se produisent. Ce préjudice s’analyse donc en une perte de chance (voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 1998, Conseil/de Nil et Impens, C‑259/96 P, EU:C:1998:224, point 28, et du 10 novembre 2010, OHMI/Simões Dos Santos, T‑260/09 P, EU:T:2010:461, points 104 à 107). Or, contrairement à ce que soutient le requérant, un tel préjudice revêt un caractère matériel (arrêt du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, points 55 et 56).

414    Aux fins de déterminer l’étendue d’un préjudice de cette nature, il convient, en principe, de déterminer la différence entre la rémunération que la partie requérante aurait perçue dans l’hypothèse où ses chances d’être promue et de se voir octroyer des primes se seraient réalisées et celle qu’elle a effectivement perçue, puis, le cas échéant, d’appliquer au montant ainsi obtenu un coefficient reflétant la probabilité que ces chances se réalisent (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, points 58 et 119).

415    Or, le requérant est resté en défaut d’indiquer tant la rémunération qu’il perçoit et celle qu’il aurait perçue dans l’hypothèse où ses chances d’être promu et de se voir octroyer des primes se seraient réalisées que d’apprécier la chance qu’il avait de voir ces chances se réaliser. Tout au plus le requérant a-t-il produit, lors de l’audience et sans en tirer la moindre conclusion, la grille de rémunération du personnel de la BEI applicable à compter du 1er janvier 2017. Le requérant n’a pas non plus évalué le montant du préjudice matériel dont il demande réparation, se contentant de le qualifier de « considérable ».

416    Il est vrai que, dans des circonstances particulières, tenant notamment à la difficulté de chiffrer le préjudice allégué, il n’est pas indispensable de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice allégué et de chiffrer le montant de la réparation demandée (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Inalca et Cremonini/Commission, C‑460/09 P, EU:C:2013:111, point 104 et jurisprudence citée). Il appartient, néanmoins, à la partie requérante d’établir ou à tout le moins d’invoquer, dans sa requête, l’existence de telles circonstances (voir arrêt du 8 février 2001, Ferrandi/Commission, T‑183/98, EU:T:2001:46, point 82 et jurisprudence citée).

417    En l’espèce, le requérant fait, certes, valoir que le préjudice matériel allégué n’a pas pu faire l’objet d’une évaluation. En particulier, il serait impossible de connaître la durée de sa dispense de service et de savoir quelles auraient été ses prestations s’il n’avait pas été dispensé de service. Toutefois, de telles circonstances n’étaient pas de nature à l’empêcher d’indiquer la rémunération qu’il percevait et d’estimer, même de manière approximative, celle qu’il aurait perçue dans l’hypothèse où ses chances d’être promu et de se voir octroyer des primes se seraient réalisées.

418    Il s’ensuit que les écritures du requérant ne contiennent manifestement pas les éléments nécessaires à l’administration de la preuve de l’étendue du préjudice matériel allégué.

419    Le requérant ne s’étant pas réservé la possibilité de préciser ultérieurement l’étendue du préjudice en cause en demandant un arrêt interlocutoire (voir, en ce sens, ordonnance du 18 février 2009, IMS/Commission, T‑346/06, non publiée, EU:T:2009:38, point 37), il y a lieu de conclure que la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union tenant à l’existence d’un préjudice réel et certain n’est pas satisfaite en l’espèce et que les conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi doivent, par suite, être rejetées comme étant manifestement non fondées.

420    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’ajouter que les conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi sont, en tout état de cause, manifestement irrecevables pour contrariété aux exigences de précision qui découlent tant de l’article 76 du règlement de procédure que de l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, EU:C:2004:555, point 62, et ordonnance du 18 octobre 2006, Staelen/Parlement, T‑32/05, non publiée, EU:T:2006:328, points 60 et 61).

2)      Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral prétendument subi

421    Le requérant estime qu’il a, du fait des décisions portant dispense de service et de la décision du 18 juin 2015, subi un préjudice moral qui ne saurait être réparé de manière adéquate et suffisante par la simple annulation de ces décisions, ce que la BEI conteste.

422    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient de débuter par l’examen de la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’institution défenderesse.

i)      Sur l’illégalité des décisions portant dispense de service et de la décision du 18 juin 2015

423    Selon une jurisprudence constante applicable mutatis mutandis aux litiges entre la BEI et les membres de son personnel, le contentieux entre l’Union et ses agents, quel que soit le régime d’emploi appliqué à ces derniers, obéit à des règles particulières et spéciales par rapport à celles découlant des principes généraux régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union dans le cadre de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. En effet, à la différence de tout autre particulier agissant au titre de ces dernières dispositions, le fonctionnaire ou l’agent de l’Union est lié à l’institution ou à l’agence dont il dépend par une relation juridique d’emploi comportant un équilibre de droits et d’obligations réciproques spécifiques, qui est reflété par le devoir de sollicitude de l’institution à l’égard de l’intéressé. Cet équilibre est essentiellement destiné à préserver la relation de confiance qui doit exister entre les institutions et leurs agents aux fins de garantir aux citoyens le bon accomplissement des missions d’intérêt général dévolues aux institutions. Il s’ensuit que, lorsque l’Union agit en tant qu’employeur, elle est soumise à une responsabilité accrue, qui se manifeste par l’obligation de réparer les dommages causés à son personnel par toute illégalité commise en sa qualité d’employeur (arrêts du 16 décembre 2010, Commission/Petrilli, T‑143/09 P, EU:T:2010:531, point 46, et du 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, point 103) et non uniquement, comme cela est le cas pour les recours introduits au titre de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour les seules violations suffisamment caractérisées d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

424    En l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant attribue le préjudice moral dont il demande réparation, notamment, à la violation du principe de sécurité juridique et de l’obligation de motivation et à la méconnaissance du droit d’être entendu que le Tribunal a constatées dans le cadre de l’examen des conclusions en annulation. Il s’ensuit que la première condition de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’institution défenderesse, est satisfaite en l’espèce.

425    Dans ces conditions, il convient d’examiner si les illégalités dont les décisions portant dispense de service et la décision du 18 juin 2015 sont entachées ont causé un dommage au requérant.

ii)    Sur le préjudice moral allégué et l’existence d’un lien de causalité

426    Le requérant invoque, en substance, un préjudice moral de trois ordres. En premier lieu, le requérant fait valoir que, malgré leur caractère provisoire, les décisions portant dispense de service reposent nécessairement sur des allégations de fautes graves à son égard et peuvent donc entraîner des conséquences importantes sur sa personne, tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. Ces accusations ainsi que la décision du 18 juin 2015 auraient ainsi porté atteinte à son honneur, à sa dignité, à son estime de soi, à sa réputation tant au sein de la BEI que sur le marché du travail et dans sa vie privée ainsi qu’à ses possibilités de poursuivre sa carrière au sein de la BEI.

427    Au stade de la réplique, le requérant précise que son absence longue et inexpliquée et sa disparition du serveur de messagerie électronique et de l’organigramme publié sur l’intranet de la BEI ont suscité bon nombre de spéculations particulièrement gênantes à son égard. Il aurait ainsi été obligé de démentir des rumeurs de « révocation » et d’absence pour emprisonnement.

428    En deuxième lieu, le requérant avance que la BEI ne peut nier les sentiments d’injustice et les tourments occasionnés par le fait que le requérant a dû mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus. Ce préjudice pourrait être déduit du seul fait que la BEI a commis une illégalité.

429    En troisième lieu, le requérant avance que la nature des illégalités commises, à savoir la violation par la BEI des droits fondamentaux que le requérant tire de l’article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a) et c), et de l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, ainsi que les circonstances dans lesquelles elles ont été commises, engendreraient pour lui un état grave d’incertitude et d’inquiétude.

430    Au stade de la réplique, d’une part, le requérant ajoute que la durée indéterminée de sa dispense de service et la modification régulière de sa portée temporelle lui ont causé des « sentiments bien naturels de frustration ». D’autre part, le requérant souligne que la violation systématique de ses droits fondamentaux, et notamment de ses droits de la défense et de son droit à une bonne administration, ainsi que les autres vices de procédure allégués, visaient à permettre à la BEI d’occulter tant les appréciations manifestement erronées ayant fondé les décisions portant dispense de service et la décision du 18 juin 2015 que les abus du pouvoir d’appréciation qui trouvaient à s’exprimer dans ces décisions.

431    La BEI conteste l’argumentation du requérant. D’une part, la BEI observe que le requérant ne semble pas soutenir que la décision du 18 juin 2015 est détachable aux fins d’une éventuelle indemnisation. Le requérant resterait, en effet, en défaut de démontrer en quoi cette décision serait source d’un préjudice distinct de celui qu’il attribue aux décisions portant dispense de service. En tout état de cause, ces décisions auraient été justifiées.

432    D’autre part, à supposer qu’elles existent, les atteintes alléguées à la réputation du requérant ne seraient qu’une simple et inéluctable conséquence de sa dispense de service. Or, cette dispense serait justifiée.

433    Selon la jurisprudence, l’Union ne peut être tenue pour responsable que du préjudice qui découle de manière suffisamment directe du comportement irrégulier de l’institution concernée (voir arrêt du 7 décembre 2017, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission, T‑401/11 P RENV‑RX, EU:T:2017:874, point 67 et jurisprudence citée). Il incombe à la partie requérante d’établir que, sans la faute commise, le préjudice allégué ne se serait pas produit et que cette faute est la cause déterminante du préjudice subi (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T‑149/96, EU:T:1998:228, points 116 à 121). Tel est, notamment, le cas lorsque ce préjudice est la conséquence inéluctable et immédiate de la faute commise (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, EU:T:1999:146, point 59).

434    En l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant reste en défaut d’établir que les décisions portant dispense de service auraient pu porter atteinte à son honneur, à sa dignité, à son estime de soi et à sa réputation ainsi qu’à ses possibilités de poursuivre sa carrière au sein de la BEI. En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, ces décisions ne sont pas fondées sur les allégations qui faisaient l’objet de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF. Au contraire, comme il a été constaté aux points 300 à 305 et 362 à 366 ci-dessus, il ressort desdites décisions qu’elles procèdent du souci d’aplanir des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service et de faciliter le bon déroulement de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF.

435    Quant au sentiment d’injustice et aux tourments prétendument occasionnés par le fait que le requérant a dû mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le caractère moral du dommage prétendument subi n’est pas susceptible de renverser la charge de la preuve quant à l’existence et à l’étendue du dommage qui incombe à la partie requérante. En effet, comme il ressort du point 433 ci-dessus, la responsabilité de l’Union n’est engagée que si la partie requérante est parvenue à démontrer la réalité de son préjudice (arrêt du 29 avril 2015, CC/Parlement, T‑457/13 P, EU:T:2015:240, points 49). Or, en l’espèce, le requérant n’apporte aucun élément de preuve tendant à établir la réalité du préjudice qu’il prétend avoir subi du fait qu’il a dû mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, pour voir ses droits reconnus. Il s’ensuit que le requérant ne saurait être indemnisé à ce titre.

436    En revanche, l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel s’est trouvé le requérant ainsi que les sentiments de frustration dont il se plaint sont la conséquence inéluctable et immédiate d’actes qui, telles les décisions portant dispense de service, sont susceptibles d’avoir d’importantes conséquences défavorables sur la situation juridique et financière de leur destinataire. Pour deux d’entre elles, ces décisions sont entachées d’une violation du droit d’être entendu (voir points 324 à 331 ci-dessus). Pour quatre d’entre elles, ces décisions soit n’identifient pas la base juridique qui les fonde, soit ne sont assujetties à aucune limitation de durée précise (voir points 238 à 257 ci-dessus).

437    Il y a donc lieu de conclure que le requérant a subi un préjudice moral en raison de l’état prolongé d’incertitude et d’inquiétude dans lequel l’ont placé, puis maintenu, les décisions portant dispense de service, ainsi que des sentiments de frustration qu’elles ont occasionnés.

438    Il convient, cependant, de rappeler que l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé. Tel ne saurait, toutefois, être le cas lorsque la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant cette annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette dernière (arrêts du 16 mai 2017, CW/Parlement, T‑742/16 RENV, non publié, EU:T:2017:338, point 64, et du 14 septembre 2017, Bodson e.a./BEI, T‑504/16 et T‑505/16, EU:T:2017:603, point 77). Il peut notamment en être ainsi lorsque l’acte entaché d’illégalité comporte une appréciation explicitement négative des capacités ou du comportement de l’intéressé susceptible de le blesser (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 et 28, et du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, EU:T:2005:447, points 205 et 206) ou que l’illégalité censurée est d’une gravité particulière (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, EU:T:2004:283, point 68).

439    En l’espèce, le requérant fait valoir que les décisions portant dispense de service reposent nécessairement sur des allégations de fautes graves à son égard. Toutefois, d’une part, il n’établit, ni même n’allègue que ces décisions comportent effectivement des appréciations explicitement négatives de ses capacités ou de son comportement susceptibles de le blesser (voir également point 434 ci-dessus). D’autre part, il convient de rappeler que lesdites décisions ne se fondent pas sur les allégations qui faisaient l’objet de l’enquête que l’Inspection générale a confiée à l’OLAF (voir points 297 à 302 et 359 à 363 ci-dessus).

440    En revanche, le requérant est fondé à se prévaloir de la gravité des illégalités dont sont entachées les décisions portant dispense de service, tenant à une violation du principe de sécurité juridique, de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu. En effet, comme il ressort des points 238 à 257, 324 à 331 et 436 ci-dessus, la méconnaissance du droit du requérant d’être entendu avant l’adoption des décisions des 6 juin 2016 et 7 février 2017, le défaut d’identification de la base juridique des décisions des 13 avril et 12 mai 2015 ainsi que l’absence de limitation de durée précise des décisions des 16 juin et 20 octobre 2015 ont placé, puis maintenu le requérant dans un état prolongé d’inquiétude, d’incertitude et de frustration, au mépris de ses droits pécuniaires et statutaires et du principe de la correspondance entre le grade et l’emploi, tout en permettant à la BEI de s’affranchir des contraintes procédurales et de durée qui auraient encadré son action si elle avait décidé de suspendre le requérant de ses fonctions, de diligenter à son égard une procédure disciplinaire ou de le licencier.

441    Il convient donc de conclure que la seule annulation des décisions portant dispense de service ne saurait constituer en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral résultant de la violation du principe de sécurité juridique, de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu dont ces décisions sont entachées.

442    Cette conclusion ne saurait, toutefois, être étendue au préjudice moral que le requérant prétend avoir subi du fait de l’illégalité de la décision du 18 juin 2015. En effet, dans ses écritures, le requérant se contente d’alléguer que cette décision a suscité des rumeurs et des spéculations gênantes à son sujet, sans apporter le moindre élément de preuve à cet égard.

443    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que seules les décisions portant dispense de service ont causé au requérant un préjudice détachable de l’illégalité qui fonde leur annulation et qu’il y a lieu de réparer par l’octroi de dommages et intérêts. Évaluant ce préjudice ex æquo et bono, le Tribunal estime que, au vu de la gravité de l’illégalité constatée et de la durée pendant laquelle le requérant a été écarté de son activité professionnelle, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant de condamner la BEI au paiement de dommages et intérêts d’un montant de 25 000 euros au titre du préjudice moral subi.

c)      Sur les intérêts moratoires

444    Le Tribunal ayant jugé qu’il y avait lieu d’indemniser le requérant du préjudice moral subi, il convient de statuer sur sa demande tendant à ce que l’indemnisation obtenue soit, le cas échéant, augmentée d’intérêts moratoires. Le Tribunal estime qu’il convient de faire droit à cette demande et d’augmenter les montants octroyés d’intérêts moratoires au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, majoré de 3,5 points. En l’absence d’indication de la date à partir de laquelle ces intérêts devraient courir, il convient de retenir à cet égard la date du prononcé du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2017, CW/Parlement, T‑742/16 RENV, non publié, EU:T:2017:338, point 67 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

445    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

446    La BEI a succombé pour l’essentiel de ses conclusions et le requérant a conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Dès lors, il y a lieu de condamner la BEI aux dépens, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande du requérant tendant, en substance, à ce que le Tribunal constate qu’il n’était pas justifié que la BEI fasse appel à des avocats externes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la Banque européenne d’investissement (BEI) des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015, des 6 juin 2016 et 7 février 2017, portant dispense de service de PT, ainsi que la décision de la BEI du 18 juin 2015 de bloquer l’accès de PT à sa messagerie électronique et aux connexions informatiques de la BEI sont annulées.

2)      La BEI est condamnée à verser à PT, au titre du préjudice moral subi, un montant de 25 000 euros augmenté d’intérêts moratoires, à compter de la date du prononcé du présent arrêt, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE)pour les opérations principales de refinancement, majoré de 3,5 points.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La BEI est condamnée aux dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2019.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la demande de jonction avec l’affaire T571/16, PT/BEI

B. Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

C. Sur la recevabilité

1. Sur la recevabilité du recours

a) Sur la recevabilité de l’annexe C.7 à la réplique

b) Sur le caractère prématuré du recours

2. Sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requête

a) Sur la portée des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requête

b) Sur la première fin de non-recevoir, tirée de la perte d’intérêt à agir du requérant

c) Sur la deuxième fin de non-recevoir, tirée du caractère accessoire de la décision du 18 juin 2015

d) Sur la troisième fin de non-recevoir, tirée du caractère préparatoire de la décision du 18 juin 2015

e) Sur la quatrième fin de non-recevoir, tirée du caractère tardif du deuxième chef de conclusions

3. Sur la recevabilité des demandes d’adaptation des conclusions de la requête

a) Sur la première demande d’adaptation

b) Sur la seconde demande d’adaptation

D. Sur le fond

1. Sur les conclusions en annulation

a) Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique

1) Sur la recevabilité de l’annexe C.18 à la réplique

2) Sur le bien-fondé de la première branche du premier moyen

b) Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la méconnaissance des droits de la défense du requérant

1) Sur les décisions portant dispense de service

i) Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la deuxième branche du premier moyen en tant qu’elle vise les décisions portant dispense de service

ii) Sur le bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen en tant qu’elle vise les décisions portant dispense de service

2) Sur la décision du 18 juin 2015

c) Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de la présomption d’innocence

1) Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la quatrième branche du premier moyen

2) Sur le bien-fondé de la quatrième branche du premier moyen

i) Sur le premier grief, tiré de ce que la BEI se serait fondée sur des accusations faisant l’objet d’une enquête pendante

ii) Sur le second grief, tiré de ce que la BEI se serait fondée sur une enquête irrégulière de l’OLAF et sur le rapport de l’OLAF

d) Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

1) Sur les décisions des 13 avril, 12 mai, 16 juin et 20 octobre 2015

2) Sur la décision du 18 juin 2015

2. Sur les conclusions en indemnité

a) Sur les fins de non-recevoir soulevées par la BEI

b) Sur le bien-fondé des conclusions en indemnité

1) Sur les conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi

2) Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral prétendument subi

i) Sur l’illégalité des décisions portant dispense de service et de la décision du 18 juin 2015

ii) Sur le préjudice moral allégué et l’existence d’un lien de causalité

c) Sur les intérêts moratoires

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le suédois.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.