Language of document : ECLI:EU:T:2018:537

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

13 septembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne consistant en quatre carrés verts sur une balance – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑184/17,

Leifheit AG, établie à Nassau (Allemagne), représentée par Mes G. Hasselblatt, V. Töbelmann et P. Schneider, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté initialement par MM. V. Mensing et A. Schifko, puis par MM. Mensing et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 9 janvier 2017 (affaire R 1115/2016-1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe consistant en quatre carrés verts sur une balance comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias, président, A. Dittrich (rapporteur) et P. G. Xuereb, juges,

greffier : M. T. Bukšek, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mars 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 14 juin 2017,

à la suite de l’audience du 17 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 novembre 2015, la requérante, Leifheit AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est reproduite ci-après :

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3        Dans la demande d’enregistrement, le signe demandé est décrit de la manière suivante :

« La marque de position se compose d’un total de quatre carrés verts apposés sur la face inférieure d’une balance, à chaque coin, près du bord. Les lignes en pointillés indiquent la position de la marque et ne font pas partie de la marque. »

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Balances ; pèse-personnes ; balances de cuisine ; balances de ménage ; trébuchets ; balances de mesure de masse grasse ; appareils de contrôle de chaleur ».

5        Par lettre du 30 novembre 2015, l’EUIPO a informé la requérante que la marque demandée se heurtait aux motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001).

6        Par lettre du 1er février 2016, la requérante a présenté ses observations.

7        Par décision du 25 avril 2016, l’examinateur a refusé, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, l’enregistrement de la marque demandée pour les produits mentionnés au point 4 ci-dessus.

8        Le 25 août 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.

9        Par décision du 9 janvier 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a rejeté le recours.

10      Elle a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, du fait qu’elle se confondait avec l’aspect des produits concernés et ne divergeait pas, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur.

11      À cet égard, en premier lieu, la chambre de recours a relevé que la marque demandée était indissociable de la forme rectangulaire des produits tels que ceux revendiqués, qui serait mise en évidence non seulement par les lignes pointillées, mais aussi dans la description de la marque elle-même, selon laquelle la marque demandée se compose « de quatre carrés verts apposés sur la face inférieure d’une balance, à chaque coin, près du bord ». Selon la chambre de recours, les quatre carrés verts s’adaptent à la forme du produit désigné, en s’insérant dans ses coins, et reprennent la forme des coins. La conclusion selon laquelle la marque demandée se confond avec l’aspect des produits concernés serait d’autant plus vraie si l’on suppose que les quatre carrés verts représentent une partie des produits en cause, à savoir les pieds d’une balance. Ce scénario est, selon la chambre de recours, très vraisemblable pour des raisons de stabilité. La chambre de recours a ajouté que, dans ce cas, la disposition du signe demandé aurait en outre un effet technique et fonctionnel.

12      En second lieu, la chambre de recours a considéré que, en raison de sa configuration simple et purement décorative, le public pertinent ne percevrait pas la marque demandée comme une indication d’origine. Elle a relevé, en substance, que les quatre carrés verts seraient perçus, en raison de leur forme géométrique banale, qui serait souvent utilisée pour la décoration des produits, comme une décoration colorée de la surface ou des pieds d’une balance. La chambre de recours a considéré qu’une coloration en vert vif des pieds d’une balance n’était pas hautement inhabituelle ou originale. Selon elle, les pieds des balances sont souvent noirs, gris ou argenté, mais peuvent également avoir d’autres couleurs, si cela convient mieux dans l’agencement des couleurs. La chambre de recours a considéré qu’il était généralement connu qu’il existait une offre variée de balances vertes dont les pieds étaient normalement également verts. La chambre de recours a ajouté que, en l’espèce, nul ne savait de quelle couleur serait la balance elle-même, ni quel serait le contraste entre celle-ci et les carrés verts.

13      En outre, la chambre de recours a nié la pertinence des décisions de l’EUIPO invoquées par la requérante, étant donné, d’une part, qu’elle ne serait pas liée par une pratique décisionnelle antérieure, et d’autre part, que les décisions mentionnées reposeraient sur des faits non comparables à ceux de l’espèce. Par ailleurs, le refus d’enregistrement de la marque demandée est, selon la chambre de recours, conforme à la jurisprudence constante des juridictions de l’Union européenne et à la pratique décisionnelle de l’EUIPO dans des cas comparables.

14      Enfin, la chambre de recours a relevé que le public pertinent ne semblait pas réceptif à l’effet distinctif des pieds colorés de balances ou des décorations géométriques sur la face inférieure des balances. Selon la chambre de recours, le public pertinent, lorsqu’il entrera en contact pour la première fois avec le signe, ne le gardera pas en mémoire pour pouvoir ensuite fonder sur lui sa décision d’achat. Elle a relevé, par ailleurs, que les possibilités de décoration des surfaces des produits en cause étaient illimitées, que les formes géométriques simples étaient des motifs appréciés et que le consommateur ne partirait pas du principe qu’il y avait lieu de comprendre toutes les décorations non fonctionnelles comme une indication de l’origine.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens. 

 En droit

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyenunique, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

18      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

19      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises [arrêt du 11 juillet 2013, Think Schuhwerk/OHMI (Extrémités rouges de lacets de chaussures), T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376, point 31].

20      Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêt du 16 janvier 2014, Steiff/OHMI (Bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche), T‑433/12, non publié, EU:T:2014:8, point 19].

21      Or, la perception du public pertinent est susceptible d’être influencée par la nature du signe dont l’enregistrement a été demandé. Ainsi, dans la mesure où les consommateurs moyens n’ont pas l’habitude de présumer l’origine commerciale des produits en se fondant sur des signes qui se confondent avec l’aspect de ces mêmes produits, de tels signes sont distinctifs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 seulement s’ils divergent, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur [voir arrêt du 26 février 2014, Sartorius Lab Instruments/OHMI (Arc de cercle jaune en bas d’un écran), T‑331/12, EU:T:2014:87, point 20 et jurisprudence citée].

22      L’élément déterminant pour l’applicabilité de la jurisprudence citée au point 21 ci‑dessus n’est pas la qualification du signe concerné de signe figuratif, tridimensionnel ou autre, mais le fait qu’il se confond avec l’aspect du produit désigné. Ainsi, ce critère a été appliqué, outre aux marques tridimensionnelles, à des marques figuratives consistant en une reproduction bidimensionnelle du produit, ou encore à un signe constitué par un motif appliqué à la surface du produit. De même, la jurisprudence considère que les couleurs et leurs combinaisons abstraites ne peuvent se voir reconnaître un caractère distinctif intrinsèque que dans des circonstances exceptionnelles, étant donné qu’elles se confondent avec l’aspect des produits désignés et qu’elles ne sont pas, en principe, utilisées comme moyens d’identification d’origine commerciale (voir arrêt du 26 février 2014, Arc de cercle jaune en bas d’un écran, T‑331/12, EU:T:2014:87, point 21 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, la marque demandée, telle que reproduite et décrite dans la demande d’enregistrement, vise la protection d’un signe spécifique sur une partie déterminée des produits en cause. Le signe est, en substance, constitué de quatre carrés verts. En ce qui concerne la conception graphique concrète desdits carrés verts, il découle de la reproduction de la marque demandée figurant dans la demande d’enregistrement que chaque carré vert est encadré par trois autres carrés, dont le premier est très fin et de couleur grise, le deuxième est également très fin et de couleur noire et le troisième est plus large et de couleur grise. Les coins des carrés sont légèrement arrondis. En ce qui concerne la position du signe, il découle de la description figurant dans la demande d’enregistrement que les carrés sont placés sur la face inférieure des produits concernés, à chaque coin, près du bord. Les lignes pointillées, qui représentent le produit concerné sous une forme rectangulaire, ne font pas partie de la marque demandée. Toutefois, ils servent de point de référence pour déterminer la position concrète des carrés sur les produits en cause.

24      Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé, sont différents types de balances. Ainsi que la chambre de recours l’a constaté, au point 8 de la décision attaquée, ces produits s’adressent tant au large public qu’au public spécialisé dont le niveau d’attention varie, dès lors, de normal à élevé.

 Sur la première branche du moyen unique

25      Par la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la marque demandée se confondait avec l’aspect des produits concernés et qu’elle ne remplissait pas sa fonction essentielle d’origine, étant donné qu’elle ne divergeait pas, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur. En conséquence, la chambre de recours a constaté l’absence de caractère distinctif de la marque demandée en se fondant sur la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus.

26      Dans le cadre de la première branche de son moyen, la requérante conteste l’applicabilité de cette même jurisprudence à la marque demandée.

27      En premier lieu, il convient de rejeter, ainsi que le soutient l’EUIPO, l’argument de la requérante tiré de ce que les particularités de la marque demandée en tant que marque de position s’opposeraient à l’application de la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus, développée à l’égard d’autres types de marques. Il découle de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, également invoquée par la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, que ce n’est pas la qualification de la marque demandée de figurative, tridimensionnelle ou autre, mais le fait qu’elle se confond avec l’aspect du produit concerné, qui conduit à ce qu’une telle marque ne soit distinctive que si elle diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine. Dès lors, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir méconnu la nature de la marque demandée en tant que marque de position.

28      En second lieu, s’agissant de la question de savoir si la marque demandée se confond avec l’aspect des produits qu’elle désigne, la chambre de recours a considéré, aux points 16 et 17 de la décision attaquée, en substance, que la marque demandée était inséparable de la forme rectangulaire des produits concernés en ce que les quatre carrés verts s’adapteraient à la forme des produits en cause, en s’insérant dans leurs coins, et en reprenant la forme de ceux-ci. Cette conclusion s’appliquerait, a fortiori, si les carrés coïncidaient avec les pieds des balances et représentaient, dès lors, une partie des produits en cause.

29      La requérante conteste cette argumentation et soutient que la marque demandée est aisément dissociée de la forme des produits concernés. Selon elle, dans le cas d’une modification de la forme du produit, par exemple si celui-ci possédait des côtés concaves ou convexes, les carrés verts ne s’adapteraient pas automatiquement à cette forme, mais conserveraient la leur. Selon la requérante, la marque demandée est un signe autonome. Le fait que les carrés sont situés dans les coins du produit ne permettrait pas, dès lors, de conclure que la marque demandée se confond avec le produit concerné. La requérante ajoute que les coins des produits concernés ne doivent même pas être à angle droit. Par ailleurs, la requérante fait valoir que, en raison de leur couleur identique et de leur positionnement parallèle, les carrés seront perçus comme formant une unité, qui se démarque clairement du reste du produit.

30      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante et fait valoir, en substance, que, en raison de son positionnement, le public pertinent percevra la marque demandée comme correspondant aux pieds des produits concernés.

31      À cet égard, il convient de relever qu’il découle des caractéristiques objectives décrites au point 23 ci-dessus que la marque demandée, qui vise la protection d’un signe spécifique sur une partie déterminée des produits en cause, se confondra, aux yeux du public pertinent, avec l’aspect de ce produit.

32      D’une part, il convient de relever que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était indissociable de la forme de la face inférieure d’une balance. Ainsi, il ressort de la nature même de la marque demandée en tant que marque de position que les lignes pointillées, qui ne font pas, en soi, partie de la marque demandée, sont déterminantes pour définir, conjointement avec la description figurant dans la demande d’enregistrement, le positionnement concret de la marque demandée. Il s’ensuit que, quelle que soit la forme des produits dans le cas d’espèce, chaque carré sera placé sur la face inférieure de ceux-ci, à chaque coin, très proche du bord. Ainsi la forme et la taille de la face inférieure du produit déterminent le positionnement des quatre carrés verts. Par conséquent, il convient d’écarter l’affirmation de la requérante selon laquelle la marque demandée peut aisément être dissociée de la forme des produits concernés.

33      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante tiré de ce que, si les produits en cause sont conçus avec des côtés convexes ou concaves, la marque demandée conservera sa forme. En effet, il ne découle pas de la jurisprudence invoquée par la requérante à cet égard, à savoir des arrêts du 15 juin 2010, X Technology Swiss/OHMI (Coloration orange de la pointe d’une chaussette) (T‑547/08, EU:T:2010:235), du 11 juillet 2013, Extrémités rouges de lacets de chaussures (T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376), et du 26 février 2014, Arc de cercle jaune en bas d’un écran (T‑331/12, EU:T:2014:87), qu’une marque ne se confond avec l’aspect du produit concerné que si elle s’adapte automatiquement à tout changement de forme.

34      D’autre part, il convient de relever que, au regard de l’utilisation la plus probable de la marque demandée, cette dernière est indissociable des quatre pieds d’une balance qui constituent une partie intégrante de la forme et de la représentation figurative dudit produit, ce que la requérante a confirmé lors de l’audience. Cette conclusion est corroborée par les caractéristiques objectives de la marque demandée.

35      Premièrement, il importe de souligner le fait que, selon la reproduction de la marque demandée, chaque carré vert est encadré par trois autres carrés. Ces carrés ne sont pas monochromes. Ainsi, le carré extérieur présente des nuances de gris claires à foncées. Un examen plus attentif permet de constater que les deux autres carrés plus fins présentent également différentes nuances de couleurs. Ces particularités sont difficilement conciliables avec l’idée que les carrés verts seront posés à plat sur la face inférieure des balances en cause. En revanche, elles produisent l’impression d’une structure tridimensionnelle ayant la forme d’un cube ou d’une pyramide tronquée à base carrée, dont la face placée sur le sol est de couleur verte.

36      Deuxièmement, et en tout état de cause, le positionnement concret des carrés, à savoir sur la face inférieure de la balance concernée, aux coins, près du bord, indique qu’ils coïncident avec les pieds d’une balance. En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, ils occupent les parties des produits concernés qui sont, en règle générale, réservées aux pieds d’une balance. Ce constat est confirmé par une vaste majorité des exemples figurant dans les annexes 1 et 2 des observations de la requérante devant l’EUIPO, à l’annexe A 2 de la requête et à l’annexe B 1 de la réponse. Même si un positionnement différent des pieds n’est pas exclu, celui-ci serait, en l’espèce, inhabituel et très improbable pour des raisons de stabilité.

37      Dans ces conditions, le public pertinent ne sera pas en mesure d’identifier un signe qui diffère de l’aspect du produit lui-même. Il y a lieu de constater que la marque demandée se confond, dès lors, avec l’aspect des produits concernés. Contrairement à ce que soutient la requérante, dans ce contexte, la question de savoir si les carrés verts seront perçus comme formant une unité en raison de leur couleur identique et de leur positionnement parallèle est sans pertinence. Le fait que le public pertinent peut distinguer les différents composants d’un produit ne s’oppose pas à la conclusion selon laquelle la marque demandée se confond avec l’aspect dudit produit.

38      En résumé, il convient d’entériner l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée se confond avec l’aspect des produits qu’elle désigne. La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours de s’être appuyée dans la décision attaquée sur la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus.

 Sur la seconde branche du moyen unique

39      S’agissant de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré que le public pertinent ne percevrait pas la marque demandée comme une indication d’origine, mais plutôt comme un élément décoratif. Elle a relevé, en substance, que ni la forme ni la couleur de la marque demandée ne divergeaient de manière significative des habitudes du secteur concerné, que le public pertinent n’était pas habitué à considérer la couleur des pieds d’une balance comme une indication de son origine commerciale et que le refus d’enregistrement de la marque demandée était conforme à la pratique décisionnelle de l’EUIPO et des juridictions de l’Union dans des cas comparables.

40      Dans le cadre de la deuxième branche de son moyen unique, la requérante conteste cette appréciation et soutient que la marque demandée est susceptible de remplir sa fonction d’origine.

41      En premier lieu, elle fait valoir que la marque demandée est comparable à un logo apposé sur la face inférieure des produits. Les carrés vert vif sont, selon la requérante, frappants et ressortiraient clairement de l’impression visuelle globale donnée par le produit, en raison du contraste de couleurs par rapport au reste du produit. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la marque demandée est distinctive même s’il est considéré qu’elle se confond avec l’aspect des balances qu’elle désigne et qu’elle peut être perçue comme désignant les pieds de celles-ci. À cet égard, elle fait valoir que, en raison de sa couleur vert vif, la marque demandée diverge de manière significative de la norme du secteur pertinent, à savoir des pieds de couleur neutre, telle que le noir ou gris. La marque demandée domine, selon la requérante, l’impression d’ensemble du produit sur le plan visuel et restera dans la mémoire du public pertinent, qui ne la percevra pas comme une variante de décoration, mais comme l’indication d’origine commerciale. Enfin, la requérante affirme que l’intérêt général ne s’oppose pas non plus à l’enregistrement de la marque demandée, étant donné que, du fait que la couleur verte ne remplirait aucune fonction technique et ne serait pas descriptive des produits concernés, il n’existerait aucun impératif de disponibilité concret. En troisième lieu, la requérante soutient que le raisonnement de la chambre de recours dans la décision du 20 novembre 2002 dans l’affaire R 983/2001-3 (point rouge), qui repose, selon la requérante, sur des faits très similaires à ceux qui sont à l’origine du présent litige, est transposable en l’espèce, et il n’existerait aucune raison de s’écarter de cette pratique décisionnelle.

42      L’EUIPO conteste cette argumentation.

43      En l’espèce, il y a lieu d’examiner si la marque demandée diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur et, si tel est le cas, si elle est, de ce fait, susceptible de remplir sa fonction essentielle d’identification de l’origine des produits visés par celle-ci.

44      À titre liminaire, il convient de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y ait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (arrêt du 16 janvier 2014, Bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche, T‑433/12, non publié, EU:T:2014:8, point 18).

45      En ce qui concerne, en premier lieu, la forme de la marque demandée et celle de ses éléments, il importe de rappeler, tout d’abord, la jurisprudence selon laquelle un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il n’ait acquis un caractère distinctif par l’usage [arrêt du 9 décembre 2010, Fédération internationale des logis/OHMI (Carré convexe vert), T‑282/09, non publié, EU:T:2010:508, point 20].

46      En l’espèce, comme le soutient à juste titre l’EUIPO, la forme carrée des éléments de la marque demandée constitue une telle forme de base. Les caractéristiques de la marque demandée, décrites aux points 23 et 35 ci-dessus, ne sont pas aptes à individualiser la forme carrée de ces éléments de manière telle qu’elle serait susceptible de transmettre un message dont les consommateurs pourraient se souvenir. En revanche, aux yeux du public pertinent la forme des carrés verts qui désigneraient les pieds d’une balance ne sort pas de l’ordinaire. En effet, ces éléments possèdent des formes qui viennent naturellement à l’esprit lorsque le public pertinent visualise le concept d’une balance. Il découle, d’ailleurs, des exemples fournis par la requérante, figurant dans les annexes 1, 2 et A 2, que les pieds des balances ont habituellement une forme de cube, de pavé ou de cylindre.

47      Le fait que la marque demandée se compose de plusieurs carrés, agencés de manière à former un rectangle, n’est pas non plus susceptible de conférer un caractère distinctif à la marque demandée. Il s’agit d’une combinaison simple qui constitue, au regard des exemples fournis par la requérante, la norme dans le secteur pertinent.

48      En ce qui concerne, en second lieu, le positionnement du signe, il convient de relever que, bien que les carrés soient apposés sur une partie précise des produits en question, il découle des constats effectués au point 35 ci-dessus que la marque demandée est positionnée de sorte à coïncider avec le positionnement habituel des pieds des balances, assurant la stabilité et le fonctionnement des produits concernés. Ainsi que le fait valoir l’EUIPO, ce positionnement n’est donc pas apte à susciter l’impression, chez le public pertinent, qu’il s’agit d’une identification de l’origine commerciale desdits produits.

49      En ce qui concerne, en troisième lieu, la couleur du signe, il convient de rappeler que, si les couleurs sont propres à susciter certaines associations d’idées et à générer des sentiments, en revanche, de par leur nature, elles sont peu aptes à véhiculer des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis [arrêt du 12 novembre 2008, GretagMacbeth/OHMI (Combinaison de 24 carrés de couleur), T‑400/07, non publié, EU:T:2008:492, point 35]. En l’espèce, la couleur verte choisie par la requérante, qui n’est pas définie à l’aide d’un code couleur, est une couleur de base. Certes, il s’agit d’un vert clair. Toutefois, cette constatation ne saurait suffire, à elle seule, à conclure, à l’instar de la requérante, que cette couleur est particulièrement vive et frappante. En effet, il n’est pas établi que cette couleur se distingue des couleurs habituelles des produits en cause. Parmi les exemples fournis par les parties, se trouvent plusieurs images de balances dont la couleur peut être considérée comme vive. La couleur verte choisie par la requérante est, par exemple, comparable à celle de la balance de cuisine KH8000-Grün AAA du fabriquant G&G, figurant sur la page 1 de l’annexe B 2 de la réponse. En conséquence, il y a lieu de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la couleur du signe n’est pas de nature à attirer particulièrement l’attention du consommateur ciblé ou à conférer à la marque demandée un caractère distinctif.

50      Enfin, en quatrième lieu, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble produite par la marque demandée afin de déterminer si elle diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur et si, de ce fait, elle est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’identification de l’origine des produits concernés.

51      Dans ce contexte, premièrement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les carrés verts de la marque demandée sont toujours en fort contraste avec le reste du produit et ressortent donc clairement dans l’impression visuelle globale produite par le produit concerné. En effet, ainsi que l’a constaté à bon droit la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée, la demande d’enregistrement ne contient aucune indication relative à la couleur du reste du produit ou relative au contraste entre celle-ci et les carrés verts. Dès lors, il est possible que les couleurs des carrés et du reste du produit soient identiques, similaires ou harmonieuses. Même en supposant qu’il existe un contraste de couleur entre les carrés verts et le reste du produit concerné, il convient de relever que le public pertinent est habitué à des balances multicolores. La requérante elle‑même présente de tels exemples, notamment en annexe A 2 de la requête, et fait valoir que le consommateur est habitué à ce que les pieds d’une balance soient d’une couleur différente de celle du reste du produit. Il s’ensuit que l’éventuel contraste entre les carrés verts et le reste du produit n’est pas apte à conférer à la marque demandée un caractère distinctif.

52      Deuxièmement, il convient d’examiner si, ainsi que le soutient la requérante, la marque demandée doit être considérée comme étant distinctive du fait que la couleur verte des pieds d’une balance serait absolument inhabituelle dans le secteur concerné.

53      À cet égard, la chambre de recours a considéré, au point 19 de la décision attaquée, qu’il existait une offre variée de balances vertes dont les pieds sont également verts. Certes, les exemples fournis par la requérante, notamment ceux figurant à l’annexe A 2 de la requête, indiquent qu’il existe plusieurs balances dont la partie principale est d’une couleur vive tandis que les pieds sont de couleur neutre. En outre, il convient de relever que l’EUIPO ne conteste pas que le public pertinent soit habitué à ce que les pieds d’une balance soient de couleur neutre et il ne présente aucun exemple de balance possédant des pieds verts. Il convient de souligner que l’examen des images fournies par l’EUIPO représentant des balances vertes, figurant à l’annexe B 2 de la réponse, ne permet pas de déterminer si les pieds de celles-ci sont également verts. Toutefois, à supposer même que la requérante soit le seul fabriquant de balances à pieds verts, il y a lieu de rappeler que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut également qu’elle se démarque de l’aspect habituel du produit concerné de manière significative, de sorte qu’elle permette au public pertinent de distinguer le produit concerné de ceux d’autres entreprises.

54      Dès lors, il y a lieu d’apprécier si le public pertinent percevra le fait qu’une balance possède des pieds de couleur verte et non de couleur neutre comme une indication de son origine commerciale.

55      À cet égard, il convient de tenir compte du fait que, à supposer même qu’il existe une norme du secteur selon laquelle des balances ont des pieds de couleur neutre, la différence entre la marque demandée et cette norme se limiterait à l’inversion ou bien à l’extension du concept classique de coloration. Au lieu d’une balance avec une surface colorée et des pieds de couleur neutre, la marque demandée se démarquerait de cette norme seulement dans la mesure où elle serait perçue comme représentant des produits à surface neutre ou colorée et à pieds colorés. Par conséquent, il s’agit d’une variante plutôt simple des balances habituellement proposées dans le secteur pertinent.

56      Par ailleurs, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, que le public pertinent sera sensible au fait que les pieds des balances, tout comme les autres éléments desdits produits, peuvent en principe être de toutes les couleurs. Par conséquent, le public pertinent n’attribuera pas une importance particulière au fait que les pieds d’une balance soient de couleur verte et non de couleur neutre.

57      En outre, il convient de relever que rien n’indique que le public pertinent se fonde, afin de déterminer l’origine commerciale d’une balance, sur la couleur des pieds de ce produit. À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que le consommateur des produits concernés est habitué à une grande variété de couleurs. D’autre part, il découle des exemples fournis par les parties que les producteurs apposent, de manière générale, leur nom sur la face supérieure des produits, normalement près de l’indicateur de poids. S’agissant de la face inférieure d’une balance, il convient de relever que le public pertinent est habitué à y trouver des informations techniques ou la mention du nom du fabriquant dans une écriture standard et non une marque telle que la marque demandée.

58      Partant, il y a lieu de constater que la marque demandée n’est pas apte à individualiser les produits de la requérante et ne permet pas au public ciblé de les distinguer, sans confusion possible, de ceux d’autres entreprises. La coloration des pieds sera plutôt perçue, dans le contexte de la très grande diversité que présentent ces produits, des différents modèles et de leurs configurations possibles, comme une forme d’ornementation et non comme divergeant, de manière significative, de la norme ou des habitudes de ce secteur. Le public pertinent considérera, dès lors, la marque demandée comme une simple variante des balances habituellement proposées dans le secteur, et non comme l’indication de l’origine commerciale des produits désignés.

59      Pour ces raisons, le fait que les pieds du produit qui sont censés être représentés par la marque demandée soient de couleur verte et non de couleur neutre n’est pas suffisamment caractéristique ou marquant pour conférer à la marque demandée un degré minimal de caractère distinctif.

60      Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

61      Premièrement, il convient d’écarter les arguments de la requérante selon lesquels la marque serait distinctive en raison de sa conception inhabituelle et extrêmement marquante, qui conduirait à ce que la marque demandée domine l’impression d’ensemble produite par le produit, reste dans la mémoire du public pertinent et possède une « valeur de signal » sur le marché. En effet, il découle des observations effectuées aux points 45 à 58 ci-dessus que la conception de la marque demandée n’est ni inhabituelle ni marquante. Pour les mêmes raisons, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée serait comparable à un logo apposé sur la face inférieure du produit.

62      Deuxièmement, en ce qui concerne les arguments de la requérante tirés de la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO, et notamment de la décision du 20 novembre 2002 dans l’affaire R 983/2001-3 (point rouge), il convient de relever qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [voir arrêt du 8 novembre 2017, Pempe/EUIPO – Marshall Amplification (THOMAS MARSHALL GARMENTS OF LEGENDS), T‑271/16, non publié, EU:T:2017:787, point 64 et jurisprudence citée]. En tout état de cause, il convient de relever que les circonstances ayant donné lieu à la décision du 20 novembre 2002 dans l’affaire R 983/2001-3 (point rouge), constatant qu’un point rouge figurant à l’intersection des deux parties d’une paire de ciseaux possédait un caractère distinctif, diffèrent substantiellement de celles de l’espèce. À cet égard, il y a lieu de relever que cette décision reposait sur le fait que le point rouge avait été développé et utilisé par le demandeur depuis 1983 ainsi que sur les observations selon lesquelles le point rouge est perçu comme un élément étranger qui, d’une part, se démarque de la forme habituelle de l’intersection des deux éléments d’une paire de ciseaux, caractérisée par la présence d’une vis ou d’un rivet, et, d’autre part, masque et fait disparaître cette partie du produit concerné. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

63      Troisièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’intérêt général ne s’opposerait pas à l’enregistrement de la marque demandée dès lors que la couleur verte ne remplirait aucune fonction technique et ne serait pas descriptive des produits concernés, il suffit de relever que, même si tel était le cas, cela n’a aucune incidence sur l’applicabilité du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en l’espèce.

64      Il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours, confirmant la décision de la division d’examen, a refusé l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

65      Il y a donc lieu d’écarter le moyen unique soulevé par la requérante comme non fondé et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Leifheit AG est condamnée aux dépens.

Gratsias

Dittrich

Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.