Language of document : ECLI:EU:T:2014:974

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

19 novembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale FUNNY BANDS – Dénomination commerciale nationale antérieure FUNNY BANDS – Nom de domaine Internet national antérieur ‘www.funny-bands.com’ – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009 – Utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale – Article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 – Rejet de l’opposition »

Dans l’affaire T‑344/13,

Out of the blue KG, établie à Lilienthal (Allemagne), représentée par Mes G. Hasselblatt et D. Kipping, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Pohlmann, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Frédéric Dubois, demeurant à Lasne (Belgique), et autre,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 4 avril 2013 (affaire R 542/2012-2), relative à une procédure d’opposition entre Out of the blue KG et M. Frédéric Dubois et autre,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juin 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 9 octobre 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 septembre 2010, Frédéric Dubois et autre ont présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal FUNNY BANDS.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 14, 17, et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, notamment, à la description suivante :

–        classe 14 : « Bijouterie ; bagues [bijouterie], bracelets [bijouterie] » ;

–        classe 17 : « Caoutchouc, gutta-percha, gomme, amiante, mica et produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; produits en matières plastiques mi-ouvrées ; cordes en caoutchouc ; cordons en caoutchouc ; fibres en matières plastiques non à usage textile ; fils de caoutchouc ou de silicone non à usage textiles ; fils élastiques non à usage textiles ; fils en matières plastiques non à usage textile ; matières plastiques mi-ouvrées » ;

–        classe 35 : « Agences d’import-export ; services d’approvisionnement pour des tiers [achat de produits et de services pour d’autres entreprises] ; démonstration de produits ; diffusion [distribution] d’échantillons ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 204/2010, du 29 octobre 2010.

5        Le 21 janvier 2011, la requérante a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus. L’opposition était fondée sur la dénomination commerciale non enregistrée allemande FUNNY BANDS et le nom de domaine Internet « www.funny-bands.com » (ci-après les « droits antérieurs »), désignant notamment et substantiellement les mêmes produits et services que ceux énoncés au point 3 ci-dessus.

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.

7        Le 10 février 2011, la requérante a été invitée par l’OHMI à apporter la preuve qu’étaient réunies les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, à savoir notamment l’utilisation des droits antérieurs dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale.

8        Le 14 juin 2011, la requérante a fourni à l’OHMI des explications détaillées quant à la protection accordée aux prétendus droits antérieurs invoqués et a transmis un certain nombre de documents, à savoir, d’une part, l’extrait d’une base de données portant sur des noms de domaine Internet et contenant des renseignements portant sur le nom de domaine Internet « funny-bands.com » et, d’autre part, six captures d’écran provenant de ce site Internet.

9        Le 17 août 2011, M. Dubois et autre ont transmis à l’OHMI un mémoire en réponse, lequel a été notifié à la requérante le 7 septembre 2011. Le délai pour soumettre une réplique a été fixé au 8 novembre 2011. Le 8 novembre 2011 la requérante a demandé à l’OHMI une prorogation dudit délai jusqu’au 8 janvier 2012 laquelle a été accordée par ce dernier par courrier daté du 29 novembre 2011.

10      Le 9 janvier 2012, soit un jour après l’expiration du délai imparti, la requérante a transmis à l’OHMI ses observations en réplique, auxquelles étaient annexées plusieurs captures d’écran supplémentaires provenant du site Internet « www.funny-bands.com ».

11      Le 23 février 2012, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que les preuves présentées par la requérante n’étaient pas suffisantes pour démontrer que les signes invoqués faisaient l’objet d’un usage sérieux dans la vie des affaires sur le territoire pertinent.

12      Le 19 mars 2012, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’opposition. Les motifs, auxquels ont été jointes les copies de onze factures datées des 8, 14 juin et 20 juillet 2010, ont été déposés le 25 juin 2012.

13      Par décision du 4 avril 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours qu’elle a considéré comme étant recevable dans la mesure où la requérante avait invoqué les droits antérieurs en tant que dénomination commerciale et nom de domaine Internet. Toutefois, pour autant que la requérante s’était prévalue du nom de produit FUNNY BANDS, la chambre de recours a, en revanche, considéré le recours comme étant irrecevable, au motif que dans son opposition initiale, la requérante ne s’était pas fondée sur ce nom de produit, lequel aurait été invoqué pour la première fois le 14 juin 2011 et donc postérieurement à l’échéance du délai d’opposition.

14      Quant au fond, la chambre de recours a considéré notamment que, bien que la division d’opposition ait commis une erreur en interprétant la condition « utilisé dans la vie des affaires » de façon analogue à la notion d’« usage sérieux », au sens de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, le recours n’était toutefois pas fondé, dès lors que la requérante n’avait pas suffisamment démontré que l’usage qu’elle avait fait du signe invoqué n’était pas seulement de portée locale. En substance, la chambre de recours était d’avis que le critère d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale », requis par l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, devait être interprété en ce sens que ce terme n’avait pas une dimension seulement géographique, mais également économique, et que la requérante n’avait démontré que la création d’un nom de domaine Internet et la seule présence sur Internet de quelques sites. En l’absence de tout élément de preuve portant sur des activités commerciales effectives menées par la requérante sous la dénomination commerciale FUNNY BANDS ou depuis le site Internet « www.funny-bands.com », il ne serait pas possible de déduire une dimension économique de l’usage du simple fait de la présence des droits invoqués sur Internet sans que soit démontré que le site concerné ait effectivement été consulté par des personnes tierces. Selon la chambre de recours, le même raisonnement s’applique aux éléments de preuve soumis par la requérante de façon tardive le 9 janvier 2012. Quant aux factures présentées comme des éléments de preuve pour la première fois à l’occasion de l’envoi de l’exposé des motifs du recours, la chambre de recours les considère comme étant irrecevables car présentées hors délai. Toutefois, et à titre surabondant, ces factures ne seraient pas non plus susceptibles de démontrer l’usage des droits invoqués, car elles ne feraient aucunement référence à ces droits, mais ne feraient qu’indiquer comme références le site Internet « www.ootb.de » ainsi que la dénomination sociale de la requérante, à savoir Out of the Blue KG.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

16      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. Dans le cadre de ce moyen, elle fait valoir notamment que l’interprétation faite par la chambre de recours de la condition d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale », au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, est erronée. De surcroît, elle reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu l’article 76, paragraphe 2, dudit règlement, en ce que les éléments de preuve fournis par la requérante n’auraient pas dû être considérés comme étant tardifs et auraient, en toute hypothèse, dû être accueillis compte tenu de la marge d’appréciation accordée à la chambre de recours par ladite disposition.

18      Afin de démontrer que la chambre de recours a de manière exagérée interprété la condition d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale », au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, la requérante avance que l’ensemble des éléments qu’elle a fournis, notamment les factures, constitue une indication claire du type d’activités commerciales qu’elle conduit sous la dénomination commerciale FUNNY BANDS ainsi que depuis le site Internet « www.funny-bands.com. Les droits invoqués auraient une « présence réelle » sur le marché caractérisée notamment par un usage, passé et présent, aux fins de commercialisation, de promotion et de communication avec ses clients par le biais d’un média visible et omniprésent. Cette présence aurait été prouvée à suffisance de droit et serait, au sens de la jurisprudence de la Cour, suffisante pour considérer comme étant réunie la condition d’un « usage dont la portée n’est pas seulement locale », au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, Rec, EU:C:2011:189). La requérante souligne notamment que la présence sur Internet est un moyen de promotion très efficace et une voie de communication privilégiée. Le juge de l’Union européenne devrait tenir compte du fait que, en vertu du droit allemand, pour obtenir la protection d’une dénomination commerciale, il serait suffisant de démontrer le commencement d’une activité commerciale sans qu’il soit nécessaire de prouver un degré spécifique d’intensité de ladite activité commerciale.

19      L’OHMI conteste ces arguments.

20      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, le titulaire d’un signe autre qu’une marque peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque communautaire si celui-ci remplit quatre conditions. Le signe invoqué doit être utilisé dans la vie des affaires, il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale, le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire et, enfin, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces quatre conditions limitent le nombre des signes autres que des marques qui peuvent être invoqués pour contester la validité d’une marque communautaire sur l’ensemble du territoire de l’Union, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 [arrêt du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, Rec, EU:T:2009:77, point 32]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, ne peut aboutir [arrêt du 30 juin 2009, Danjaq/OHMI – Mission Productions (Dr. No), T‑435/05, Rec, EU:T:2009:226, point 35].

21      La requérante soulève en substance trois arguments. Premièrement, elle considère, en substance, comme erronée l’application faite par la chambre de recours de la jurisprudence de la Cour au critère d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale », en ce que la chambre de recours n’aurait pas estimé suffisant l’établissement d’une présence réelle sur le marché. Deuxièmement, elle considère avoir prouvé à suffisance de droit que cette condition est satisfaite. Troisièmement, elle invoque le droit national selon lequel il ne serait pas nécessaire de démontrer un degré spécifique d’intensité d’activités commerciales.

22      Quant au premier argument concernant la définition du critère d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale », il convient de relever que ce critère a été délimité dans plusieurs arrêts de la Cour et du Tribunal.

23      Dans son arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 19 supra (EU:C:2011:189, point 143), la Cour a notamment jugé que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 ne vise pas l’utilisation « sérieuse » du signe invoqué au soutien de l’opposition et que rien dans le libellé de l’article 42, paragraphes 2 et 3, dudit règlement n’indique que l’exigence de la preuve de l’usage sérieux s’applique à un tel signe. Toutefois, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, le signe qui est invoqué à l’appui de l’opposition doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires. Afin de déterminer si tel est le cas, il doit être tenu compte de la durée et de l’intensité de l’utilisation de ce signe en tant qu’élément distinctif pour ses destinataires que sont tant les acheteurs et les consommateurs que les fournisseurs et les concurrents. À cet égard, sont notamment pertinentes les utilisations faites du signe dans la publicité et la correspondance commerciale (arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 19 supra, EU:C:2011:189, points 159 et 160). La Cour a en outre précisé, dans l’arrêt du 10 juillet 2014, Peek & Cloppenburg/OHMI (C‑325/13 P et C‑326/13 P, EU:C:2014:2059, point 51), que le critère d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale » est une condition autonome qui s’apprécie au regard du droit de l’Union.

24      Préalablement à l’arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 19 supra (EU:C:2011:189), le Tribunal avait déjà jugé que la ratio legis de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 consistait à limiter les conflits entre signes, en empêchant qu’un signe antérieur, qui n’est pas suffisamment important ou significatif, puisse permettre de contester soit l’enregistrement soit la validité d’une marque communautaire (arrêt GENERAL OPTICA, point 21 supra, EU:T:2009:77, point 36). Le Tribunal a, de plus, précisé que la portée d’un signe utilisé pour identifier des activités commerciales déterminées doit être définie par rapport à la fonction d’identification jouée par celui‑ci. Cette considération exige de tenir compte, en premier lieu, de la dimension géographique de la portée du signe, c’est‑à‑dire du territoire sur lequel il est utilisé pour identifier l’activité économique de son titulaire, ainsi que cela ressort d’une interprétation textuelle de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. Ensuite, il convient de tenir compte de la dimension économique de la portée du signe, qui est évaluée au regard de la durée pendant laquelle il a rempli sa fonction dans la vie des affaires et de l’intensité de son usage, au regard du cercle des destinataires parmi lesquels il est connu en tant qu’élément distinctif, à savoir les consommateurs, les concurrents, voire les fournisseurs, ou encore de la diffusion qui a été donnée au signe, par exemple, par voie de publicité ou sur Internet (arrêt GENERAL OPTICA, point 21 supra, EU:T:2009:77, point 37). De plus, le Tribunal a jugé que le fait qu’un signe confère à son titulaire un droit exclusif sur l’ensemble du territoire national est insuffisant en lui‑même pour établir que sa portée n’est pas seulement locale, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009 (arrêt GENERAL OPTICA, point 21 supra, EU:T:2009:77, point 39). Enfin, le Tribunal a précisé que, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, la preuve de l’usage d’un signe antérieur ne peut être apportée par des probabilités et des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui démontrent une utilisation effective et suffisante du signe [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Dimian/OHMI – Bayer Design Fritz Bayer (Baby Bambolina), T‑581/11, EU:T:2013:553, point 29].

25      Il découle de cette jurisprudence, comme la chambre de recours l’a constaté à bon droit, que sont à exiger de la part de la partie qui invoque l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, notamment des preuves portant sur la dimension économique de l’utilisation du droit antérieur. Il ressort également des arrêts mentionnés au point 24 ci-dessus qu’il ne suffit pas de présenter des moyens de preuve qui ne démontrent que l’existence d’un droit antérieur ou la possibilité de le faire valoir vis-à-vis de tiers. Pour démontrer le fait qu’un signe antérieur est effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires, au sens de la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus, il est, en revanche, nécessaire de prouver l’existence d’activités commerciales effectives et suffisantes.

26      Dès lors, la chambre de recours n’a pas interprété la jurisprudence de façon erronée en estimant que la dimension économique du critère d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale » n’a pas été suffisamment démontrée par le seul fait de la présence ou de la création d’un droit antérieur. En particulier, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la simple présence d’un site Internet ne démontre pas si celui-ci a été consulté par des personnes tierces, ni combien de fois il l’a été, est un argument conforme à la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus. Partant, le premier argument soulevé par la requérante dans le cadre du moyen unique doit être rejeté.

27      Quant au deuxième argument de la requérante, selon lequel elle aurait démontré à suffisance de droit que les signes invoqués ont été utilisés dans la vie des affaires d’une manière significative, il convient d’examiner les différents éléments de preuve présentés par elle.

28      En premier lieu, la requérante a présenté, dans le délai imparti par l’OHMI, d’une part, l’extrait de la base de données WHOIS, dont il résulte que le nom de domaine « funny-bands.com » a été créé le 25 mai 2010 et qu’elle était le titulaire de ce dernier, et, d’autre part, six captures d’écran tirées du site Internet « www.funny-bands.com ». Il résulte des deux premières captures d’écran que celles-ci datent du 14 juin 2011. Les quatre autres captures d’écran n’indiquent aucune date.

29      Il résulte donc de ces documents que le nom de domaine Internet existe depuis le 25 mai 2010, que le site Internet « www.funny-bands.com » était accessible le 14 juin 2011, que, à l’époque, la requérante était le titulaire du nom de domaine Internet et que ledit site était destiné, au moins au jour indiqué, à la commercialisation de produits sous le nom FUNNY BANDS, à savoir des bracelets multicolores en silicone, destinés aux publics germanophone, anglophone, francophone, hispanophone et italophone, étant donné que la description des produits était disponible en allemand, en anglais, en français, en italien et en espagnol. Néanmoins, comme la chambre de recours l’a exposé à juste titre et contrairement aux dires de la requérante, il n’est pas possible de déduire de la simple présence d’un site Internet l’existence d’activités commerciales effectives, et encore moins d’activités possédant une certaine dimension économique. L’existence d’un site Internet établie par la présentation des captures d’écran n’établit pas l’intensité de la prétendue utilisation commerciale des droits invoqués, qui pourrait être démontrée notamment par un certain nombre de connexions sur le site, des courriels reçus à travers le site ou le volume d’affaires générées. Dès lors, les éléments mentionnés au point 29 ci-dessus ne permettent pas de prouver un « usage dont la portée n’est pas seulement locale », tel que ce critère a été défini dans la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus.

30      En deuxième lieu, la requérante a présenté, le 9 janvier 2012, des captures d’écran supplémentaires qu’elle avait obtenues par l’intermédiaire du service Internet « Wayback Machine » et qui montraient le site Internet « www.funny-bands.com » tel qu’il apparaissait les 26 juin, 27 juillet, 28 août, 18 septembre, 17 octobre et 11 novembre 2010. Ces captures d’écran ne diffèrent pas de façon significative des captures d’écran mentionnées au point 29 ci-dessus.

31      Il y a lieu de relever à cet égard que la chambre de recours a considéré à bon droit que ces captures d’écran ne comportaient aucun élément de preuve quant à l’intensité de la prétendue utilisation des droits invoqués pour les motifs exposés au point 30 ci-dessus. Elles ne permettent dès lors pas de prouver un usage « dont la portée n’est pas seulement locale », au sens de la jurisprudence citée aux points 23 et 24 ci-dessus.

32      En troisième lieu, la requérante a présenté pour la première fois devant la chambre de recours, en annexe à son mémoire en recours déposé auprès de l’OHMI le 25 juin 2012, onze factures, trois datant du 8 juin, une du 14 juin et sept du 20 juillet 2010, sur lesquelles le nom et la rue du destinataire ont à chaque fois été effacés. Trois de ces factures, dont celle du 14 juin 2010, étaient adressées à des personnes établies en Autriche. Les autres factures indiquent comme destinations des villes qui se trouvent dans différentes régions d’Allemagne. Toutes ces factures, libellées en allemand, indiquent comme expéditeur la requérante, à savoir Out of the Blue. Ces factures contiennent également les logos OUT OF THE BLUE, ROXON et happynature. Le descriptif des produits facturés est à chaque fois « Gummiarmband ‘Funny Bands’ » (bracelet en silicone « Funny Bands »). En haut des factures, référence est faite au site Internet « www.ootb.de » et à l’adresse électronique « info@ootb.de ».

33      Quant à ces factures, la chambre de recours a constaté, à juste titre, qu’elles ne font ni référence au nom de domaine Internet « www.funny‑bands.com », ni au nom commercial FUNNY BANDS. En effet, le libellé uniforme de toutes les factures présentées fait uniquement référence à un produit appelé « bracelet en silicone ‘Funny Bands’ ». Dès lors, ces factures ne sont susceptibles de prouver que l’utilisation du nom de produits FUNNY BANDS. Il résulte cependant de l’article 5, paragraphe 2, du Markengesetz (loi sur les marques allemande) que sont protégés par cette disposition invoquée par la requérante, outre les titres d’œuvres qui ne font pas l’objet du présent litige, en tant que dénomination commerciale, « des signes qui, dans la vie des affaires, sont utilisés en tant que nom commercial, dénomination sociale ou désignation particulière d’une activité commerciale ou d’une entreprise ». De plus, la requérante a exposé dans sa requête qu’une dénomination commerciale au sens de l’article 5, paragraphe 2, du Markengesetz identifie une entreprise ou une branche d’activité d’une entreprise. De même, un nom de domaine Internet est considéré par la jurisprudence allemande et la doctrine allemande citées par la requérante comme une enseigne d’entreprise. Dès lors, il résulte des éléments fournis par la requérante qu’une dénomination commerciale et un nom de domaine Internet tels que ceux protégés par le droit allemand ne sont pas assimilables à un nom de produit. La requérante était donc tenue d’apporter la preuve d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale » par rapport à la dénomination commerciale au sens de l’article susmentionné et au nom de domaine Internet, et non par rapport à un nom de produit, pour lequel d’ailleurs, comme il ressort des points 18 et 19 de la décision attaquée, qui n’ont pas été mis en cause par la requérante, l’opposition a été déclarée irrecevable par la chambre de recours.

34      Or, il y a lieu d’observer que la requérante reconnait, au point 11 de sa requête, qu’« il ressort clairement de ces factures qu[‘elle] utilisait le signe FUNNY BANDS pour les produits concernés ». Au point suivant de la requête, la requérante déduit du seul fait de la commercialisation d’un produit sous le nom FUNNY BANDS, qu’elle « utilisait de façon active la dénomination Funny Bands sur le marché allemand, comme un nom de domaine et comme la dénomination commerciale de sa branche d’activités du même nom aux fins de la commercialisation active des bracelets ‘Funny Bands’ ». Cependant, une telle déduction n’est pas possible, comme la chambre de recours l’a, à juste titre, conclu au point 66 de la décision attaquée, car, en l’absence de toute référence au nom de domaine Internet « www.funny-bands.com » ou à la dénomination commerciale FUNNY BANDS sur les factures soumises, le seul fait de commercialiser un produit sous le nom FUNNY BANDS n’établit pas l’intensité de l’utilisation des droits invoqués et ne démontre dès lors nullement une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale » par rapport à ces droits. À cet égard, il convient de préciser que la question, soulevée par la chambre de recours, de savoir s’il pouvait être suffisant de démontrer une certaine probabilité d’une utilisation dont la portée n’est pas seulement locale ne se pose pas, car la seule coexistence du site Internet « www.funny-bands.com », qui propose à la vente des produits dits FUNNY BANDS, et de factures se référant à ceux-ci n’implique pas forcément que les produits facturés ont été achetés sur ledit site Internet, étant donné que sur ces factures est indiqué le site « www.ootb.de », circonstance qui semble plutôt indiquer que les produits facturés ont été achetés sur ce dernier site.

35      Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que l’ensemble des preuves fournies par la requérante, y compris celles présentées de façon tardive, étaient insuffisantes pour prouver un usage dont la portée n’est pas seulement locale. Partant, le deuxième argument soulevé par la requérante dans le cadre du moyen unique doit également être rejeté.

36      Quant au troisième argument, selon lequel le juge de l’Union devrait tenir compte des conditions prévues par le droit national, il y a lieu de rappeller la jurisprudence de la Cour selon laquelle, contrairement à ce qu’avance la requérante, le critère relatif à l’usage dont la portée n’est pas seulement locale ne doit pas être interprété à la lumière du droit national, mais seulement à la lumière du droit de l’Union (arrêt Peek & Cloppenburg/OHMI, point 24 supra, EU:C:2014:2059, point 51). Partant, le troisième argument soulevé par la requérante dans le cadre du moyen unique doit également être rejeté.

37      Par conséquent, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 en considérant que la requérante n’était pas parvenue à prouver que les conditions énoncées par l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 étaient réunies. Dès lors, le moyen unique invoqué par la requérante et, partant, le recours dans son intégralité, doivent être rejetés.

38      Cette conclusion n’est d’ailleurs pas remise en cause par l’argument avancé par la requérante à titre surabondant selon lequel la chambre de recours a méconnu l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. En effet, même à supposer que la chambre de recours n’ait pas été en droit de considérer comme étant irrecevables lesdites factures, il ressort clairement de la décision attaquée qu’elle a effectivement pris en considération tous les éléments présentés par la requérante. Au point 53 de la décision attaquée, elle a pris en compte les éléments de preuve fournis par la requérante de façon tardive en date du 9 janvier 2012. Quant aux factures présentées par la requérante pour la première fois devant la chambre de recours, celle-ci les a certes considérées comme étant des moyens de preuve irrecevables car tardifs, mais elle les a néanmoins examiné à titre surabondant aux points 63 à 65 de la décision attaquée et constaté à juste titre que même ces factures ne démontraient pas à suffisance de droit l’usage des droits invoqués.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Out of the blue KG est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 novembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.