Language of document : ECLI:EU:T:2012:314



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 juin 2012 (*)

« Programmes opérationnels du Fonds de cohésion et du FEDER gérés par l’Espagne – Demande de paiement intermédiaire – Existence d’éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle – Mesures d’interruption du délai de paiement – Recours en annulation – Recevabilité – Stratégie d’audit – Sécurité juridique – Confiance légitime – Proportionnalité »

Dans les affaires T‑178/10, T‑263/10 et T‑265/10,

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. C. Urraca Caviedes et Mme B. Conte ainsi que, dans l’affaire T‑178/10, par Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des recours formés contre les décisions de la Commission du 12 février 2010 (T‑178/10), du 8 avril 2010 (T‑263/10) et du 15 avril 2010 (T‑265/10) informant les autorités espagnoles de l’interruption du délai pour le règlement de certaines demandes de paiement intermédiaire présentées par le Royaume d’Espagne,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 (JO L 210, p. 25), établit les règles générales régissant les fonds structurels et le Fonds de cohésion.

2        Le 12 février 2010, le directeur général de la direction générale (DG) « Politique régionale » de la Commission européenne a adressé une lettre à la représentation permanente du Royaume d’Espagne auprès de l’Union européenne, par laquelle elle l’informait de sa décision d’interrompre le délai pour le règlement d’une demande de paiement intermédiaire présentée le 17 décembre 2009, pour un montant de 1 318 019 559,51 euros (T-178/10). De même, par lettres de 8 (T‑263/10) et 15 avril 2010 (T‑265/10) (ci-après, considérées ensemble, les « décisions attaquées »), le directeur général de la DG « Emploi, affaires sociales et égalité des chances » de la Commission a indiqué à la représentation permanente du Royaume d’Espagne auprès de l’Union européenne qu’elle interrompait le délai pour le règlement de certaines demandes de paiement intermédiaire pour un montant total de 30 471 635,64 euros.

 Procédure et conclusions des parties

3        Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 21 avril (T‑178/10) et 16 juin 2010 (T‑263/10 et T‑265‑10), le Royaume d’Espagne a introduit les présents recours.

4        Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        déclarer le bien-fondé de la demande de paiement d’intérêts par la Commission, en raison du retard intervenu dans le paiement effectif des demandes intermédiaires indûment paralysées ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        en vertu de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, faire droit à la demande de mesure d’administration de la preuve consistant en ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire les documents établissant que des États membres se trouvent dans une situation identique en ce qui concerne la présentation des audits des systèmes, ainsi que les documents justifiant les mesures adoptées à l’égard de ces États membres.

5        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter les recours comme irrecevables ;

–        à titre subsidiaire, rejeter les recours comme non fondés ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

6        Les parties entendues en leurs observations sur la jonction, le Tribunal considère, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, de son règlement de procédure, qu’il y a lieu de joindre les affaires T‑178/10, T‑263/10 et T‑265/10 aux fins de l’arrêt.

 Sur la recevabilité

7        La Commission, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, soutient que les recours en annulation sont irrecevables au motif que les lettres contestées par lesquelles l’ordonnateur délégué a interrompu le délai des paiements intermédiaires ne sont pas des actes susceptibles de recours.

8        Selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C‑308/95, Rec. p. I‑6513, point 26 ; arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Regione Toscana/Commission, T‑81/97, Rec. p. II‑2889, point 21, et du 29 janvier 2002, Van Parys et Pacific Fruit Company/Commission, T‑160/98, Rec. p. II‑233, point 60).

9        Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, il résulte de cette même jurisprudence que, en principe, ne constituent un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts de la Cour IBM/Commission, point 8 supra, point 10, et du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C‑147/96, Rec. p. I‑4723, point 26 ; ordonnance du Tribunal du 2 juin 2004, Pfizer/Commission, T‑123/03, Rec. p. II‑1631, point 22, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Allemagne/Commission, T‑314/04 et T‑414/04, non publié au Recueil, point 38).

10      Il n’en serait autrement que si des actes ou des décisions pris au cours de la procédure préparatoire non seulement réunissaient les caractéristiques juridiques ci-dessus décrites, mais constituaient eux-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à l’institution de statuer sur le fond (arrêt IBM/Commission, point 8 supra, point 11, et ordonnance Pfizer/Commission, point 9 supra, point 23).

11      Enfin, si des mesures de nature purement préparatoire ne peuvent en tant que telles faire l’objet d’un recours en annulation, les illégalités éventuelles qui les entachent peuvent être invoquées à l’appui du recours dirigé contre l’acte définitif dont elles constituent un stade d’élaboration (arrêts de la Cour IBM/Commission, point 8 supra, point 12, et du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 333 ; arrêt du Tribunal du 24 février 1994, Caló/Commission, T‑108/92, RecFP p. I‑A‑59 et II‑213, point 13, et ordonnance Pfizer/Commission, point 9 supra, point 24).

12      Il y a tout d’abord lieu de souligner que, conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006, les paiements intermédiaires doivent être effectués dans les deux mois à compter de la demande de paiement.

13      Le délai de paiement peut toutefois être interrompu. En effet, l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006 prévoit que le délai de paiement peut être interrompu par l’ordonnateur délégué pour une période maximale de six mois si, dans le rapport d’un organisme d’audit national ou communautaire, il existe des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

14      En l’espèce, la Commission soutient que les décisions attaquées, par lesquelles l’ordonnateur délégué a interrompu le délai de paiement, ne sont pas des actes fixant définitivement sa position, qu’elles n’ont pas de caractère définitif et qu’il s’agit uniquement de mesures préliminaires ou préparatoires.

15      Or, les décisions attaquées ont eu pour effet d’interrompre le délai de deux mois imparti à la Commission pour effectuer les paiements intermédiaires prévus aux articles 85 et suivants du règlement n° 1083/2006. Les lettres contestées ont donc produit des effets juridiques autonomes contraignants de nature à affecter les intérêts du Royaume d’Espagne.

16      À cet égard, la Commission se contente de souligner que les décisions attaquées ont eu pour effet de lui permettre de procéder à certaines vérifications dans le cadre de sa responsabilité générale d’exécution du budget. Cette considération ne remet toutefois pas en cause le fait que lesdites décisions ont produit et continuent de produire des effets juridiques de nature à léser les intérêts du Royaume d’Espagne.

17      De plus, ainsi que le souligne à juste titre le Royaume d’Espagne, le fait de considérer qu’une décision visant à interrompre le délai de paiement n’est pas un acte attaquable aurait pour effet d’exclure du contrôle juridictionnel toutes les mesures d’interruption du délai de paiement.

18      La circonstance que l’article 91, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 prévoit que l’interruption du délai de paiement cesse dès que l’État membre a pris les mesures qui s’imposent ou à l’expiration d’un délai maximal de six mois ne remet pas en cause le fait que ces mesures constituent elles-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à l’institution de statuer sur le fond.

19      La Commission fait également valoir en vain qu’il ne s’agit que de mesures provisoires du fait qu’elles pourraient être suivies d’une décision de suspension des paiements intermédiaires, prise sur la base de l’article 92 du règlement n° 1083/2006, voire d’une décision d’annulation de tout ou partie de la participation communautaire au programme opérationnel en application de l’article 99 dudit règlement. En effet, l’existence de mesures éventuelles de suspension du paiement ou d’annulation de la participation communautaire ne remet pas en cause le fait que la mesure d’interruption du délai de paiement relève d’une procédure distincte, qui peut exister de façon autonome. En particulier, l’interruption du délai de paiement n’est pas obligatoirement suivie d’une procédure de suspension. Ainsi qu’il a été souligné au point 18 ci-dessus, si la Commission ne prend aucune décision de suspension dans les six mois à dater de la mesure d’interruption du délai de paiement, le fait de considérer que ladite mesure n’est pas un acte attaquable impliquerait qu’il n’est pas possible de contrôler si l’interruption du délai de paiement était justifiée.

20      En tout état de cause, le caractère provisoire de la mesure n’en fait pas moins une mesure à part entière produisant des effets juridiques (voir, en ce sens et par analogie, en ce qui concerne une mesure de suspension des paiements d’une durée maximale de trois mois, arrêt du Tribunal du 18 juin 2010, Luxembourg/Commission, T‑549/08, Rec. p. II‑2477).

21      En adoptant les décisions attaquées, la Commission ne s’est pas limitée à informer le Royaume d’Espagne qu’elle disposait d’éléments suggérant une insuffisance importante dans les contrôles, mais elle a tiré des conséquences de ce constat sur le plan juridique, à savoir l’interruption des délais de paiement intermédiaire. Il ne s’agit donc pas d’une simple indication que la Commission engage une procédure d’adoption de la décision de réduction du concours communautaire (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 22 novembre 2007, Investire Partecipazioni/Commission, T‑418/05, non publiée au Recueil, point 37).

22      Il convient également de relever que l’interruption du délai de paiement doit être justifiée au regard des critères prévus à l’article 91, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006. Si ces critères ne sont pas remplis, une telle mesure ne saurait être admise. La circonstance qu’il s’agit d’une nouvelle mesure prévue dans le règlement n° 1083/2006 et que cette mesure n’existait pas dans le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1) n’enlève rien au fait qu’elle produit des effets de droit, même si ceux-ci sont limités dans le temps, à savoir de six mois au maximum.

23      Le caractère attaquable de la mesure d’interruption des délais de paiement intermédiaire ne saurait être remis en cause par la circonstance que ladite mesure ne constitue pas une étape obligatoire à l’adoption d’une mesure de suspension et que cette dernière peut donc être directement adoptée sans devoir passer par la phase d’interruption. En effet, lorsque la Commission met en œuvre une mesure d’interruption des délais de paiement intermédiaire, elle est tenue de respecter les critères énoncés à l’article 91, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006.

24      Dans le même sens, s’il est vrai que la condition imposée par l’article 92, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006, à savoir la démonstration de l’existence d’une insuffisance grave du système de gestion et de contrôle du programme opérationnel, est plus restrictive que la simple démonstration de l’existence d’éléments suggérant une telle insuffisance, requise par l’article 91, paragraphe 1, du même règlement, il n’en demeure pas moins que la Commission se doit d’opérer ladite démonstration.

25      Ainsi, la circonstance qu’une telle démonstration puisse reposer sur la satisfaction de critères d’un niveau d’exigence moindre ne peut que demeurer sans incidence sur la nature de la procédure conduisant à l’adoption d’une mesure d’interruption des délais de paiement. Une telle mesure demeure, en effet, le résultat d’une procédure indépendante, mise en œuvre selon des critères qui lui sont propres.

26      Par ailleurs, ne saurait prospérer l’argument de la Commission selon lequel le caractère préliminaire de l’interruption du délai résulterait des décisions attaquées elles-mêmes, en ce que celles-ci indiquent que, à défaut d’observations ou de mesures correctrices, la Commission pourra immédiatement suspendre tout ou partie des paiements intermédiaires en application de l’article 92 du règlement n° 1083/2006. En effet, ce faisant, la Commission se limite à mentionner dans les décisions attaquées qu’une procédure de suspension existe et qu’elle peut l’actionner si elle n’est pas satisfaite des mesures correctrices. Il n’en demeure pas moins, ainsi que le souligne à juste titre le Royaume d’Espagne, qu’il n’existe aucun lien obligatoire entre les démarches préalables à l’ouverture de la procédure prévue audit article 92 du règlement n° 1083/2006 et la déclaration ou l’absence de déclaration de l’interruption du délai de paiement.

27      Il résulte de tout ce qui précède que les recours en annulation contre les décisions attaquées doivent être déclarés recevables.

 Sur le fond

 Sur le chef de conclusions visant à l’annulation des décisions attaquées

28      À l’appui des recours en annulation, le Royaume d’Espagne invoque cinq moyens d’annulation, tirés de la violation, respectivement, de l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006, de la stratégie de contrôle approuvée par la Commission, du principe de sécurité juridique, du principe de protection de la confiance légitime et du principe de proportionnalité.

29      Il y a lieu de préciser que le Royaume d’Espagne s’est désisté d’un sixième moyen, invoqué dans le cadre de l’affaire T-178/10, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006

30      Selon le Royaume d’Espagne, les décisions attaquées violent l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006 au motif que l’interruption du délai de paiement ne serait possible qu’en présence d’un rapport d’audit national ou communautaire permettant de déduire qu’il existe des éléments suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle. Or, le Royaume d’Espagne soutient que de tels rapports n’existaient pas en l’espèce, car aucune activité d’audit n’était exigible et, partant, n’avait été effectuée au 30 juin 2009.

31      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006, le délai de paiement peut être interrompu par l’ordonnateur délégué pour une période maximale de six mois si, dans le rapport d’un organisme d’audit national ou communautaire, il existe des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

32      Il importe également de rappeler que la règle selon laquelle seules les dépenses effectuées par les autorités nationales en conformité avec les règles communautaires sont à la charge du budget est également applicable à l’octroi d’un concours financier au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds social européen (FSE) et du Fonds de cohésion (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, Rec. p. I‑8027, point 26 ; arrêt Luxembourg/Commission, point 20 supra, point 45).

33      Conformément à l’exigence de bonne gestion financière consacrée à l’article 317 TFUE, qui sous-tend la mise en œuvre des fonds structurels et eu égard aux responsabilités dévolues aux autorités nationales dans cette mise en œuvre, l’obligation des États membres de mettre en place des systèmes de gestion et de contrôle imposée par le règlement n° 1083/2006 ainsi que par le règlement n° 1828/2006, de la Commission, du 8 décembre 2006, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1083/2006 du Conseil portant dispositions générales sur le FEDER, le FSE et le Fonds de cohésion, et du règlement (CE) n° 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif au FEDER (JO L 371, p. 1), revêt un caractère essentiel (voir, par analogie, arrêt Luxembourg/Commission, point 20 supra, point 47).

34      C’est en tenant compte de la jurisprudence citée aux points 32 et 33 ci-dessus qu’il convient d’examiner si, comme le soutient le Royaume d’Espagne, l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006 a été violé au motif prétendu qu’il n’existait pas de rapport d’un organisme d’audit national ou communautaire contenant des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

35      Le raisonnement présenté par le Royaume d’Espagne repose, en substance, sur trois griefs. Dans le cadre d’un premier grief, il fait valoir qu’il n’existe aucun rapport de l’organisme d’audit national espagnol au sens de l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006. Son deuxième grief est fondé sur le fait que la Commission a interprété de façon erronée l’article précité. Quant au troisième grief, il est tiré du fait que les rapports présentés par le Royaume d’Espagne ne contiendraient pas d’éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle. Dans le cadre de ce dernier grief, le Royaume d’Espagne soutient, d’une part, que l’insuffisance importante mentionnée dans les décisions attaquées consisterait uniquement dans le non-respect du calendrier d’audit fixé dans les stratégies d’audit. Il fait valoir, d’autre part, qu’aucune dépense n’avait été certifiée, que les audits des systèmes de gestion et de contrôle n’étaient donc pas exigibles et que, partant, leur absence ne saurait être assimilée à une « insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle » au sens de l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006.

36      En premier lieu, s’agissant de l’existence d’un rapport d’un organisme d’audit national, le Tribunal constate que, en décembre 2009, les autorités d’audit désignées pour les programmes opérationnels du FEDER, du Fonds de cohésion et du FSE ont présenté des rapports annuels au titre de l’article 62, paragraphe 1, sous d), i), du règlement n° 1083/2006. Il y a lieu de rappeler que cette disposition prévoit que l’autorité d’audit d’un programme opérationnel est chargée, en particulier, de présenter à la Commission, au plus tard le 31 décembre de chaque année, durant la période allant de 2008 à 2015, un rapport annuel de contrôle exposant les résultats des audits et contrôles réalisés au cours de la précédente période de douze mois prenant fin le 30 juin de l’année concernée en conformité avec la stratégie d’audit du programme opérationnel et indiquant les lacunes éventuelles constatées dans les systèmes de gestion et de contrôle du programme.

37      Les rapports concernaient respectivement les programmes opérationnels 2007-2013 du FEDER, du Fonds de cohésion et du FSE. Il ressort de ces rapports que les autorités d’audit n’ont pas procédé à l’audit des systèmes de gestion et de contrôle des programmes opérationnels, étant donné qu’il n’existait aucune quantité certifiée au titre des programmes opérationnels en 2008 et que les descriptions des systèmes de gestion et de contrôle n’avaient pas encore été approuvées.

38      Il en résulte également que les autorités d’audit ont estimé ne pas être en mesure de formuler un avis au titre de l’article 62, paragraphe 1, sous d), ii), du règlement n° 1083/2006. Cette disposition indique que l’autorité d’audit d’un programme opérationnel est chargée, au plus tard le 31 décembre de chaque année, durant la période allant de 2008 à 2015, de formuler un avis, sur la base des contrôles et des audits qui ont été effectués sous sa responsabilité, indiquant si le système de gestion et de contrôle fonctionne de manière efficace, de façon à fournir une assurance raisonnable que les états des dépenses présentés à la Commission sont corrects et, par conséquent, une assurance raisonnable que les transactions sous-jacentes sont légales et régulières.

39      Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas contestable qu’il existait, en l’espèce, des rapports annuels d’un organisme national d’audit.

40      En ce qui concerne la question de savoir si les rapports du 22 décembre 2009, mentionnés au point 36 ci-dessus, constituent bien des rapports d’un organisme national d’audit au sens de l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006, force est de relever que cette disposition vise, de façon générale, le « rapport d’un organisme d’audit national ». Il y a donc lieu de considérer que le rapport annuel présenté au titre de l’article 62, paragraphe 1, sous d), i), du règlement n° 1083/2006 correspond bien au type de rapport visé par ledit article 91, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

41      En deuxième lieu, quant au grief tiré de l’interprétation prétendument inexacte du règlement n° 1083/2006 à laquelle se serait livrée la Commission, le Royaume d’Espagne fait valoir à tort que celle-ci, en considérant qu’elle ne serait tenue d’apporter que des preuves suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle et non des preuves d’une telle insuffisance, interpréterait de façon erronée l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006.

42      À l’appui de cette assertion, le Royaume d’Espagne se prévaut de la version espagnole de l’article précité, qui obligerait la Commission à fournir des preuves de l’existence d’une insuffisance importante et non des preuves suggérant l’existence d’une telle insuffisance.

43      Or, d’une part, le sens que veut donner le Royaume d’Espagne à l’extrait de l’article concerné dans sa version espagnole ne semble pas apparaître de manière aussi manifeste qu’il le prétend. En effet, ledit article comporte les termes « existan pruebas que indiquen la existencia » (mot à mot « il existe des preuves qui indiquent l’existence ») et non « existan pruebas de la existencia » (« il existe des preuves de l’existence »). D’autre part, selon une jurisprudence constante, la nécessité d’une interprétation uniforme des actes de l’Union exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément et exige, au contraire, qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriental Foods Trading, C‑375/07, Rec. p. I‑8691, point 46, et du 21 octobre 2010, Latchways et Eurosafe Solutions, C‑185/08, non encore publié au Recueil, point 57). En l’espèce, d’autres versions linguistiques, telles que les versions en langues allemande, française, italienne, néerlandaise, polonaise, slovène et anglaise, énoncent de façon non équivoque qu’il faut qu’il existe des éléments probants « suggérant » une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

44      En troisième lieu, en ce qui concerne la question de savoir si les rapports présentés par le Royaume d’Espagne contiennent des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle, il convient, premièrement, d’examiner si, comme le soutient le Royaume d’Espagne, l’insuffisance importante invoquée par la Commission dans les décisions attaquées consiste uniquement dans le non-respect du calendrier fixé dans les stratégies d’audit. En effet, le Royaume d’Espagne soutient que les décisions attaquées ne sont ainsi fondées que sur le fait que l’absence d’audit des systèmes serait constitutive d’un retard significatif dans l’exécution des stratégies d’audit des programmes opérationnels.

45      Il ressort d’une simple lecture des décisions attaquées que les affirmations du Royaume d’Espagne à cet égard sont erronées.

46      En effet, les décisions attaquées mentionnent le fait que les autorités d’audit ont indiqué, dans les rapports annuels de contrôle pour l’année 2009, qu’aucun travail d’audit n’avait été effectué durant l’année en question. La Commission souligne ainsi, d’abord, qu’elle n’a reçu aucun rapport et que l’absence d’audit des systèmes est constitutive d’un retard significatif dans l’exécution des stratégies d’audit des programmes opérationnels qu’elle avait approuvés respectivement le 27 juillet et les 6 et 19 novembre 2009 (T‑178/10), le 17 août 2009 (T‑263/10) et le 16 novembre 2009 (T‑265/10). Elle relève, ensuite, que les stratégies d’audit indiquaient clairement quels étaient les organismes de gestion et de contrôle des programmes opérationnels qui devaient faire l’objet d’un audit en 2009. Elle rappelle que l’article 62, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1083/2006 impose d’effectuer les audits de façon régulière, tout au long de la période des programmes opérationnels, et constate que la période de programmation était déjà très avancée et que le niveau des dépenses déclarées dans les états transmis à la Commission au 31 décembre 2009 était très élevé. Elle indique, enfin, que l’absence d’audit des systèmes de contrôle a eu une incidence sur la garantie raisonnable dont aurait dû disposer la Commission quant à l’exactitude des déclarations de dépenses.

47      Dans les décisions attaquées, la Commission souligne également que, en raison de cette absence d’audit, les autorités d’audit n’ont pas formulé l’avis prévu à l’article 62, paragraphe l, sous d), ii), du règlement n° 1083/2006, afin d’attester du fonctionnement efficace des systèmes de gestion et de contrôle et de présenter ainsi l’assurance raisonnable que les états des dépenses présentés à la Commission étaient corrects et que les opérations étaient légales et régulières.

48      Les décisions attaquées mentionnent en conclusion le fait que, au vu de ce qui précède, la Commission ne disposait pas d’un élément de poids lui garantissant que le système de gestion et de contrôle en question avait fonctionné efficacement au cours de la période de référence couverte par le rapport annuel de contrôle.

49      Au vu de ces éléments, force est de constater que, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, les éléments probants mentionnés dans les décisions attaquées, suggérant l’insuffisance importante dans les systèmes de gestion et de contrôle ne se limitent pas seulement au non-respect du calendrier d’exécution des stratégies d’audit, mais reposent également sur l’absence d’informations sur l’activité de contrôle et sur le fait que les autorités d’audit avaient elles-mêmes estimé ne pas être en mesure d’exprimer un avis sur le fonctionnement efficace desdits systèmes.

50      Ainsi, il convient, deuxièmement, de déterminer si la Commission a constaté à juste titre que les rapports contenaient des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

51      Il ressort des décisions attaquées que ladite insuffisance réside non seulement dans l’absence d’audit des systèmes de gestion et de contrôle, laquelle absence « a des répercussions directes sur la fiabilité dont la Commission a besoin pour pouvoir se fier à l’exactitude des demandes de paiement qu’elle reçoit », mais également dans le fait que « l’autorité d’audit n’a pas formulé l’avis prévu à l’article 62, paragraphe 1, sous d), […] ii), du règlement […] n° 1083/2006 » en raison de l’absence d’audit. Or, l’obligation des demandeurs et des bénéficiaires de concours communautaires de s’assurer qu’ils fournissent à la Commission des informations suffisamment précises, afin que le système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d’octroi du concours sont remplies puisse fonctionner correctement, est inhérente au système de concours du FEDER et du Fonds de cohésion et est essentielle pour son bon fonctionnement (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 6 juin 2007, Mediocurso/Commission, T‑251/05 et T‑425/05, non publié au Recueil, point 67, et la jurisprudence citée, et Luxembourg/Commission, point 20 supra, point 61).

52      Compte tenu de cette absence d’informations sur les activités de contrôle et de l’absence d’avis des autorités d’audit sur celles-ci, la Commission pouvait légitimement conclure à l’existence d’éléments probants suggérant une insuffisance dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

53      À cet égard, le Royaume d’Espagne ne peut raisonnablement soutenir que l’absence d’avis des autorités d’audit n’implique pas une appréciation défavorable sur le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle. En effet, ainsi que le souligne la Commission, elle ne peut déduire de l’absence d’avis des autorités d’audit qu’il existe des garanties raisonnables quant à l’efficacité du fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle et, partant, à l’exactitude des déclarations de dépenses.

54      Troisièmement, il convient de déterminer si l’absence d’audit des systèmes de gestion et de contrôle et l’absence d’avis des autorités d’audit sur ceux-ci peuvent constituer des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

55      Il ressort de l’article 62, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement n° 1083/2006 que l’autorité d’audit du programme opérationnel concerné a l’obligation de s’assurer que les audits sont réalisés en vue de vérifier le fonctionnement efficace du système de gestion et de contrôle et qu’elle doit présenter dans les neuf mois suivant l’approbation du programme opérationnel une stratégie d’audit couvrant notamment la planification indicative des audits et des contrôles pour garantir que les principaux organismes sont contrôlés et que les audits et les contrôles sont répartis de façon régulière pendant toute la période de programmation. Il s’ensuit que les audits des systèmes de gestion et de contrôle doivent être effectués de façon régulière pendant toute la période de programmation.

56      Or, dans les rapports et les avis annuels relatifs à la période allant du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, les autorités d’audit reconnaissent qu’elles n’ont pas contrôlé le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle dans le cadre des programmes opérationnels et qu’elles n’étaient donc pas en mesure de formuler un avis sur l’efficacité de leur fonctionnement.

57      Les arguments présentés par le Royaume d’Espagne visant à justifier le fait que, à ce stade, les autorités d’audit n’avaient pas encore l’obligation de s’assurer que des audits étaient réalisés en vue de vérifier le fonctionnement efficace du système de gestion et de contrôle ne sauraient prospérer.

58      Tout d’abord, le Royaume d’Espagne se prévaut en vain du fait que les audits des systèmes de gestion et de contrôle n’étaient pas exigibles en raison de ce que, à la date du 30 juin 2009, les descriptions des systèmes de gestion et de contrôle des programmes opérationnels n’avaient pas encore été approuvées par la Commission.

59      En effet, il convient de rappeler que, selon l’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006, les États membres doivent transmettre à la Commission, avant la présentation de la première demande de paiement intermédiaire ou au plus tard dans les douze mois suivant l’adoption de chaque programme opérationnel, une description des systèmes qui présente l’organisation et les procédures des autorités de gestion et de certification et de l’autorité d’audit. Le paragraphe 2 du même article prévoit que la description visée au paragraphe 1 s’accompagne d’un rapport qui présente les résultats d’une évaluation de la mise en place des systèmes et contient un avis sur leur conformité avec les dispositions relatives aux systèmes de gestion et de contrôle. Il prévoit également que ledit rapport est réputé accepté et le premier paiement intermédiaire est effectué dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci, lorsque l’avis ne contient aucune réserve et en l’absence d’observations de la part de la Commission.

60      Force est de relever que l’absence d’approbation de la description des systèmes de gestion et de contrôle par la Commission n’a pas d’incidence sur l’obligation de s’assurer que les audits sont réalisés pour vérifier l’efficacité du fonctionnement desdits systèmes.

61      Ainsi que le souligne en substance la Commission, le fait que les descriptions des systèmes de gestion et de contrôle n’ont pas été formellement approuvées par la Commission ne signifie pas pour autant que lesdits systèmes n’étaient pas opérationnels. À cet égard, la Commission se réfère à un rapport définitif de l’audit des systèmes de gestion et de contrôle relatif à l’organisme intermédiaire du programme opérationnel FEDER en Galice (Espagne). Il en ressort que l’autorité d’audit a constaté que les systèmes de gestion et de contrôle avaient été opérationnels pendant deux périodes distinctes, l’une durant laquelle la description desdits systèmes n’avait pas encore été approuvée par la Commission, l’autre après approbation de ces systèmes.

62      Ensuite, le Royaume d’Espagne est mal fondé à se prévaloir de l’approbation tardive de la description des systèmes de gestion et de contrôle, dès lors que le retard lui est essentiellement imputable. En effet, les programmes opérationnels ont, en l’espèce, été approuvés en novembre et en décembre de l’année 2007 et la première version de la description des systèmes de gestion et de contrôle a été présentée en février et en décembre 2009, c’est-à-dire nettement au-delà du délai maximal de douze mois fixé à l’article 71 du règlement n° 1083/2006.

63      Enfin, doit également être rejeté l’argument selon lequel les audits des systèmes de gestion et de contrôle n’étaient pas exigibles au motif allégué que, à la date du 30 juin 2009, l’autorité de certification n’avait pas présenté d’états des dépenses.

64      D’une part, il ne ressort pas du règlement n° 1083/2006 que, pour que les autorités d’audit puissent procéder à un audit des systèmes de gestion et de contrôle en vue d’en contrôler leur bon fonctionnement, il faut nécessairement que des dépenses aient été certifiées. Ainsi que le souligne la Commission, les programmes opérationnels étaient déjà appliqués et, dans le cadre de ceux-ci, des demandes de paiement avaient été présentées et des dépenses avaient été engagées. Or, la Commission peut difficilement approuver une dépense si elle n’a pas la certitude que les systèmes de gestion et de contrôle fonctionnent correctement.

65      À cet égard, si, comme le prétend le Royaume d’Espagne, il fallait nécessairement que des dépenses soient certifiées pour que les autorités d’audit puissent procéder à l’examen du fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle, elles auraient dû prendre en compte les dépenses certifiées à partir du 1er juillet 2009 et informer la Commission des résultats des audits effectués au cours de la seconde moitié de l’année 2009. Force est en effet de souligner que l’obligation prévue par l’article 62, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1083/2006 s’imposait au Royaume d’Espagne dès le lancement du programme opérationnel et celui-ci ne pouvait décider d’y satisfaire quand il l’estimait opportun. Il ne peut donc sérieusement se prévaloir du fait que la période de référence concernée par les rapports d’audit s’étendait du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 pour asseoir l’argument selon lequel l’obligation de s’assurer que des audits étaient réalisés en vue de vérifier le fonctionnement efficace du système de gestion et de contrôle n’était pas encore remplie et n’avait pas à l’être à ce stade.

66      D’autre part, il importe de souligner que les premiers états certifiés de dépenses ont été présentés en octobre 2009. Des demandes de paiement relatives à des montants extrêmement importants ont été faites au cours du dernier trimestre de l’année 2009.

67      Or, en application de l’article 62, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006, l’autorité d’audit doit s’assurer que les travaux d’audit et les contrôles tiennent compte des normes d’audit internationalement reconnues. Parmi celles-ci, la norme internationale d’audit 560 de la Fédération internationale des experts-comptables [International Federation of Accountants (IFAC)] exige, pour établir un avis d’audit, la prise en compte de tout résultat d’audit, y compris des résultats obtenus tardivement ou postérieurement à la période de référence. A fortiori, eu égard à l’importance des montants concernés par les demandes de paiement, l’application de cette norme se justifie d’autant plus, en l’espèce. Le Royaume d’Espagne ne saurait donc se prévaloir de l’affirmation selon laquelle les audits des systèmes de gestion et de contrôle, en vue d’examiner leur bon fonctionnement, n’étaient pas exigibles.

68      Au surplus, il convient de rappeler que, selon l’article 73 du règlement n° 1083/2006, la Commission coopère avec les autorités d’audit des programmes opérationnels pour coordonner leurs plans et méthodologies d’audit respectifs et échange immédiatement les résultats des audits réalisés sur les systèmes de gestion et de contrôle, afin d’utiliser au mieux les ressources et d’éviter toute répétition inutile des mêmes travaux. Il résulte de cette disposition, interprétée en liaison avec l’article 62, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, que les résultats des audits des systèmes et des contrôles des opérations sont immédiatement échangés entre la Commission et les États membres. Il serait contraire à l’exigence de bonne coopération entre ceux-ci imposée par lesdites dispositions d’admettre que le Royaume d’Espagne ne devait pas transmettre d’informations sur les audits réalisés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2009. En effet, ces informations auraient permis à la Commission de constater que le Royaume d’Espagne vérifiait le bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle du programme opérationnel.

69      Compte tenu de ce qui précède, le premier moyen tiré de la violation de l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006 doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des stratégies d’audit approuvées par la Commission

70      Le Royaume d’Espagne soutient que, pour adopter les décisions attaquées, la Commission s’est fondée sur le fait que l’absence d’audit des systèmes aurait constitué un retard significatif dans l’exécution des stratégies d’audit qu’elle avait approuvées. Or, selon le Royaume d’Espagne, les audits des systèmes de gestion et de contrôle ne pouvaient être exigés avant le 30 juin 2010. Il s’appuie à cet égard sur les calendriers prévus dans les stratégies d’audit, desquels il ressortirait que les premières activités d’audit devaient être effectuées au cours de l’année 2010 et qu’elles ne pouvaient, en tout état de cause, commencer avant que la Commission n’ait accepté les descriptions des systèmes de gestion et de contrôle ainsi que l’évaluation de leur conformité respective.

71      En premier lieu, le Royaume d’Espagne affirme à tort que les décisions attaquées reposent uniquement sur le fait que l’absence d’audit des systèmes aurait constitué un retard significatif dans l’exécution des stratégies d’audit. En effet, il ressort des considérations formulées aux points 44 à 49 ci-dessus que les éléments probants suggérant l’insuffisance importante dans les systèmes de gestion et de contrôle sur lesquels sont fondées les décisions attaquées ne reposent pas seulement sur le non-respect des calendriers d’exécution des stratégies d’audit, mais également sur l’absence d’informations sur les activités de contrôle et sur le fait que les autorités d’audit ont elles-mêmes reconnu ne pas être en mesure d’exprimer un avis.

72      En deuxième lieu, il convient de rappeler que l’article 62, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 1083/2006 prévoit que l’autorité d’audit d’un programme opérationnel est chargée de procéder à l’audit des systèmes de gestion et de contrôle du programme opérationnel, en vue de vérifier leur fonctionnement efficace, d’une part, et de s’assurer que des contrôles des opérations sont réalisés sur la base d’un échantillon approprié pour vérifier les dépenses déclarées, d’autre part. L’article 62, paragraphe 1, sous c), du même règlement prévoit que l’autorité d’audit présente à la Commission une stratégie d’audit qui couvre les organismes qui procéderont à l’audit des systèmes de gestion et de contrôle du programme opérationnel, d’une part, et au contrôle des opérations pour vérifier les dépenses déclarées, d’autre part. Cette disposition prévoit également que la stratégie d’audit couvre la méthode d’échantillonnage pour les contrôles des opérations et la planification indicative des audits et des contrôles pour garantir que ceux-ci sont répartis de façon régulière pendant toute la période de programmation. Cette disposition énonce enfin que la stratégie d’audit doit être présentée à la Commission dans les neuf mois suivant l’approbation du programme opérationnel.

73      Premièrement, ainsi qu’il a été rappelé au point 55 ci-dessus, il ressort expressément de cet article que l’audit des systèmes de gestion et de contrôle et les contrôles des opérations doivent être effectués de façon régulière pendant toute la période de programmation. De même, il résulte de cette disposition que la planification des audits et des contrôles que couvre la stratégie d’audit est indicative.

74      Deuxièmement, l’article 62, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1083/2006 ne conditionne pas la mise en œuvre des travaux d’audit à l’approbation des stratégies d’audit. Dès lors, ainsi que le souligne la Commission, l’autorité d’audit est tenue de commencer l’audit des systèmes de gestion et de contrôle dès la mise en œuvre des programmes opérationnels, alors même que les stratégies d’audit n’auraient pas encore été approuvées.

75      Certes, comme le fait observer le Royaume d’Espagne, la stratégie d’audit est un outil indispensable pour organiser le travail d’audit. Il n’en reste pas moins que, si la présentation de la stratégie d’audit à la Commission est obligatoire en application de l’article 62, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1083/2006, rien n’indique que l’exécution des obligations prévues au même paragraphe, sous a) et b), dudit article dépende de la position que va adopter la Commission sur la stratégie d’audit qui lui est présentée. En effet, l’article 62, paragraphe 4, du règlement n° 1083/2006 indique seulement que la Commission transmet ses observations sur la stratégie d’audit au plus tard dans les trois mois suivant sa réception et que, en l’absence d’observations dans ce délai, la stratégie est réputée acceptée. Ainsi, les obligations prévues à l’article 62, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 1083/2006 doivent être respectées dès la mise en œuvre d’un programme opérationnel.

76      À cet égard, le Royaume d’Espagne soutient en vain que, si les autorités d’audit avaient sélectionné les échantillons et commencé leurs activités d’audit dans le cadre des programmes opérationnels avant l’approbation des stratégies d’audit par la Commission, aucun des audits portant sur les opérations de ces échantillons n’aurait été valable. Si la stratégie d’audit finalement approuvée par la Commission comporte des différences ou des adaptations par rapport à celle appliquée au début du programme opérationnel, il conviendra, pour l’autorité d’audit, d’adapter le mode de fonctionnement de l’audit initialement appliqué en se conformant à la stratégie d’audit acceptée par la Commission. Cela n’implique pas pour autant qu’il faille considérer que les résultats des premières activités d’audit soient d’office invalides. En effet, en imposant à l’autorité d’audit de mettre en œuvre un système d’audit dès le commencement de la mise en œuvre d’un programme opérationnel, même s’il s’avère que ledit système doit ensuite être adapté, le règlement n° 1083/2006 garantit l’existence d’un contrôle permettant à la Commission de se faire une opinion, à un stade précoce de la mise en œuvre du programme opérationnel, sur le fonctionnement des systèmes d’audit.

77      En outre, il convient de noter que, en l’espèce, les stratégies d’audit ont été adressées à la Commission après le délai de neuf mois prévu à l’article 62, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1083/2006.

78      Eu égard à ces considérations, le Royaume d’Espagne ne saurait se prévaloir, pour justifier l’absence d’activités d’audit, du fait que les stratégies d’audit n’avaient pas encore été approuvées.

79      En troisième lieu, le Royaume d’Espagne se prévaut en vain des calendriers prévus par les stratégies d’audit, devant être réalisés tout au long de la période de programmation, et du fait que ceux-ci ont été approuvés par la Commission, pour soutenir que les rapports annuels de contrôle, qui devaient être émis, conformément à l’article 62 du règlement n° 1083/2006, avant le 31 décembre 2009 et sur lesquels les avis à formuler par les autorités d’audit devaient être fondés, ne devaient reprendre que les constatations des audits effectués avant le 30 juin 2009 et que lesdits audits ne devaient avoir pour objet que les états des dépenses transmis à la Commission avant le 31 décembre 2008.

80      Compte tenu des considérations exposées dans le cadre du premier moyen ainsi que de celles mentionnées aux points 71 et suivants ci-dessus, le Royaume d’Espagne présente à tort les stratégies d’audit comme un cadre impératif faisant écran entre lui et la Commission et qui lui permettrait de s’exonérer des obligations qui découlent du règlement n° 1083/2006.

81      En quatrième lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir à tort que, en tout état de cause, les premières activités d’audit n’auraient pu commencer avant que la Commission n’ait accepté les descriptions des systèmes de gestion et de contrôle ainsi que l’évaluation de leur conformité respective, et que la Commission n’a approuvé la description desdits systèmes qu’à la fin de l’année 2009 et au début de l’année 2010.

82      Ainsi qu’il a été exposé aux points 58 et 59 ci-dessus, le fait que les descriptions des systèmes de gestion et de contrôle n’ont pas été formellement approuvées par la Commission ne signifie pas pour autant que lesdits systèmes n’étaient pas opérationnels.

83      En outre, pour les raisons exposées au point 62 ci-dessus, le Royaume d’Espagne ne peut reprocher à la Commission d’avoir tardivement approuvé les descriptions des systèmes de gestion et de contrôle.

84      À la lumière de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen tiré de la violation des stratégies d’audit.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

85      Le Royaume d’Espagne avance un troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique. Il fait valoir que, en lui imposant de réaliser les audits des systèmes avant les dates prévues dans les calendriers convenus avec elle-même, la Commission aurait violé le principe de sécurité juridique. Il rappelle que la Commission se serait d’ailleurs elle-même référée auxdits calendriers pour expliquer les systèmes de contrôle lors d’un séminaire.

86      Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique fait partie des principes généraux du droit de l’Union, dont le Tribunal doit assurer le respect. Il requiert que tout acte qui vise à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition dudit droit, qui doit être expressément indiquée comme base légale de l’acte, et prescrit la forme juridique que celui-ci doit revêtir (arrêt de la Cour du 16 juin 1993, France/Commission, C‑325/91, Rec. p. I‑3283, points 26 et 30, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, Rec. p. II‑5089, point 123).

87      En particulier, le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation faisant partie du droit de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose. Les justiciables doivent, en effet, pouvoir connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt de la Cour du 21 juin 2007, ROM-projecten, C‑158/06, Rec. p. I‑5103, point 25).

88      En l’espèce, d’une part, il ressort clairement des décisions attaquées qu’elles ont pour base légale l’article 91 du règlement n° 1083/2006. Comme le souligne à juste titre la Commission, l’interruption des délais de paiement est le résultat d’un mécanisme prévu par la réglementation que le Royaume d’Espagne connaît parfaitement. Outre la base juridique précitée, les motifs et les mesures à prendre pour mettre fin à ladite interruption sont indiqués de façon non équivoque dans les décisions attaquées.

89      D’autre part, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission aurait exigé de lui qu’il anticipe les audits des systèmes par rapport aux calendriers prévus doit être rejeté. Ainsi qu’il a été exposé dans le cadre des premier et deuxième moyens, il appartenait en l’espèce au Royaume d’Espagne d’entamer les audits des systèmes de gestion et de contrôle dès le début de la mise en œuvre des programmes opérationnels, sans attendre que la Commission approuve formellement les descriptions des systèmes de gestion et de contrôle des programmes opérationnels et les stratégies d’audit.

90      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

91      À l’appui du quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission a approuvé les stratégies d’audit et les calendriers que celles-ci contiennent, qu’elle n’a remis en cause à aucun moment les systèmes de contrôle élaborés pour les stratégies adoptées et qu’elle ne pouvait donc exiger que les audits des systèmes lui soient présentés de manière anticipée par rapport au calendrier approuvé.

92      Il y a lieu de rappeler que le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêts du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, Rec. p. II‑2555, point 102 ; du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec. p. II‑319, point 77, et Luxembourg/Commission, point 20 supra, point 71).

93      Tout d’abord, il ressort des considérations relatives aux premier et deuxième moyens que le Royaume d’Espagne devait entamer les audits des systèmes de gestion et de contrôle dès le début de la mise en œuvre des programmes opérationnels.

94      Ensuite, s’il est vrai que les calendriers contenus dans les stratégies d’audit approuvées par la Commission n’imposaient pas que les audits des systèmes de gestion et de contrôle soient effectués immédiatement, il n’en reste pas moins que l’article 62, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1083/2006 mentionne bien le fait que la planification desdits audits n’est qu’indicative. De même, en application de l’article 62, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006, il est prévu que l’autorité d’audit tienne compte des normes internationalement reconnues. Or, comme il a été rappelé au point 67 ci-dessus, il ressort de la norme internationale d’audit 560 IFAC que, pour établir un avis d’audit, il convient de prendre en compte tout résultat d’audit, y compris des résultats obtenus tardivement ou postérieurement à la période de référence.

95      Enfin, la Commission s’appuie, à juste titre, sur plusieurs documents qui confirment que le Royaume d’Espagne ne peut raisonnablement soutenir qu’elle lui a donné des assurances précises, inconditionnelles et concordantes en vertu desquelles il n’avait pas l’obligation d’opérer des audits des systèmes de gestion et de contrôle dès la mise en œuvre des programmes opérationnels. D’une part, il n’est pas contesté par le Royaume d’Espagne que, dans les lettres d’approbation des stratégies d’audit du 27 juillet et des 6 et 19 novembre 2009, la Commission a indiqué que, compte tenu de la coopération prévue à l’article 73 du règlement n° 1083/2006, elle estimait nécessaire que l’autorité d’audit lui transmette les rapports des audits de systèmes, comme celle-ci l’avait fait durant la période de programmation précédente.

96      D’autre part, il ressort d’une note d’information concernant les rapports annuels de contrôle et l’avis d’audit qui devaient être présentés avant le 31 décembre 2009 que, dans l’hypothèse où un État membre déclarerait des dépenses importantes avant cette date, des audits des systèmes permettant de vérifier le fonctionnement efficace des systèmes de gestion et de contrôle devaient être disponibles.

97      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

98      Le Royaume d’Espagne fait valoir que la mesure d’interruption des délais de paiement serait démesurée, en ce qu’elle ne serait pas nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, à savoir améliorer la protection des intérêts financiers de l’Union et prévenir toute atteinte aux ressources de celle-ci.

99      Or, il convient de souligner que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, Rec. p. I‑2211, point 60 ; arrêt Italie/Commission, point 86 supra, point 153).

100    Aux fins du contrôle juridictionnel des conditions précitées, il convient de tenir compte de ce que le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir normatif pour définir les règles générales applicables aux fonds structurels, qui correspond aux responsabilités politiques que l’article 177 TFUE lui attribue. Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt National Farmers’ Union e.a., point 99 supra, point 61 ; arrêt Italie/Commission, point 86 supra, point 154).

101    Il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, il ressort des rapports annuels de contrôle qui devaient être émis pour le 31 décembre 2009, présentés par les autorités espagnoles à la Commission, que le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle des programmes opérationnels n’a pas été examiné et que les autorités d’audit n’ont donc exercé aucune activité d’audit en 2009. Or, le montant des dépenses déclarées à la Commission à la fin de l’année 2009 était extrêmement important, puisqu’il s’élevait à près de 1 400 000 000 euros. En raison de l’absence d’activité d’audit sur lesdits systèmes de gestion et de contrôle, la Commission a estimé à juste titre qu’il existait des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans leur fonctionnement et, partant, qu’il n’était pas possible de garantir la régularité des dépenses déclarées.

102    Eu égard au risque encouru par le budget de l’Union, c’est donc sans violer le principe de proportionnalité que la Commission a pris la décision d’interrompre le délai des paiements intermédiaires.

103    Il convient d’ajouter que, en vertu de l’article 91, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006, la mesure d’interruption des délais de paiement contenue dans les décisions attaquées était provisoire, puisqu’elle était d’une durée maximale de six mois et que les décisions attaquées donnaient la possibilité au Royaume d’Espagne de prendre des mesures afin qu’il soit mis fin à la décision d’interruption du délai des paiements intermédiaires.

104    Il s’ensuit que le Royaume d’Espagne n’est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées contiennent des mesures disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi par la Commission.

105    Eu égard à ces considérations, il convient également de rejeter comme inopérant l’argument selon lequel la Commission aurait dû faire application de l’article 72, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 et procéder ainsi elle-même aux contrôles.

106    À cet égard, même s’il ressort de l’article 72, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 que les fonctionnaires de la Commission peuvent procéder à des contrôles sur place pour vérifier le fonctionnement efficace des systèmes de gestion et de contrôle, l’existence de cette disposition n’exonère pas pour autant les États membres des obligations prévues par ledit règlement et n’empêche nullement la Commission de sanctionner l’État membre par une mesure d’interruption du délai des paiements intermédiaires si celui-ci ne remplit pas lesdites obligations et que cette déficience implique une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

107    Partant, le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité, doit être rejeté, comme doivent l’être par suite, dans leur ensemble, les conclusions tendant à l’annulation des décisions attaquées.

 Sur le chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne une mesure d’instruction fondée sur l’article 64 du règlement de procédure

108    Le Royaume d’Espagne demande que, dans le cadre de mesures d’instruction, le Tribunal ordonne à la Commission de produire les documents établissant que des États membres se trouvent dans une situation identique en ce qui concerne la présentation des audits des systèmes de gestion et de contrôle, ainsi que les documents justifiant les mesures adoptées à l’égard de ces États membres.

109    Il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, Rec. p. I‑10005, point 77, et la jurisprudence citée). Or, il résulte, d’une part, des éléments du dossier et, d’autre part, de tout ce qui précède, que ces mesures ne présentent aucune utilité pour la solution du litige.

110    Au surplus, le point de savoir si la Commission a également procédé à l’interruption des délais des paiements intermédiaires à l’égard d’autres États membres ne saurait avoir d’incidence sur la légalité des décisions attaquées.

111    Par conséquent, les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne lesdites mesures d’instruction doivent être rejetées.

 Sur le chef de conclusions visant à reconnaître le bien-fondé des demandes de paiement d’intérêts de retard

112    Le Royaume d’Espagne estime que, en raison du caractère injustifié de l’interruption des délais de paiement, la Commission devrait s’acquitter des intérêts de retard. Il estime que, sans préjudice de son droit de réclamer les intérêts de retard par la voie administrative auprès de la Commission, il appartient au Tribunal d’analyser la question et de se prononcer sur l’exigibilité desdits intérêts.

113    Il y a lieu de relever que, par ses conclusions visant à faire reconnaître le bien-fondé des demandes de paiement d’intérêts de retard, le Royaume d’Espagne requiert du Tribunal qu’il rende un arrêt déclaratoire. Il suffit de constater que le contentieux de l’Union ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position par le biais d’une déclaration générale ou de principe (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, Infront WM/Commission, T‑33/01, Rec. p. II‑5897, point 171 ; ordonnances du Tribunal du 3 septembre 2008, Cofra/Commission, T‑477/07, non publiée au Recueil, point 21, et du 24 mai 2011, Nuova Agricast/Commission, T‑373/08, non publiée au Recueil, point 46). Partant, ce chef de conclusions doit être rejeté, le Tribunal étant manifestement incompétent pour en connaître.

114    En tout état de cause, il ressort des considérations formulées lors de l’examen des moyens présentés dans le cadre du chef de conclusions visant à l’annulation des décisions attaquées que ces dernières ne sont entachées d’aucune illégalité.

115    Il s’ensuit que les demandes visant à ce que le Tribunal reconnaisse le bien-fondé des intérêts de retard doivent être rejetées.

116    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter les recours dans leur intégralité.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑178/10, T‑263/10 et T‑265/10 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l'espagnol.