Language of document : ECLI:EU:T:2012:411

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

6 septembre 2012 (*)

« Recours en annulation – Sixième programme-cadre de recherche, de développement technologique et de démonstration – Lettre annonçant l’intention de la Commission de procéder au recouvrement des sommes ajustées en exécution d’un contrat de financement de recherche – Actes indissociables du contrat – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑657/11,

Technion – Israel Institute of Technology, établi à Haïfa (Israël), Technion Research & Development Foundation Ltd, établie à Haïfa, représentés par Mes D. Grisay et D. Piccinino, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes D. Calciu et  F. Moro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la lettre de la Commission du 19 octobre 2011 annonçant l’émission d’une note de débit pour le remboursement d’une somme de 97 106,72 euros, correspondant au montant des sommes ajustées pour le contrat n° 034984 (Mosaica), à la suite des conclusions de l’audit financier portant, notamment, sur ce contrat, conclu dans le cadre du sixième programme‑cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002‑2006),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi (rapporteur), président, S. Frimodt Nielsen et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérants, Technion – Israel Institute of Technology (ci‑après « Technion ») et Technion Research & Development Foundation Ltd (ci‑après « TRDF »), sont deux entités actives dans l’enseignement et la recherche. Plus particulièrement, Technion est un institut d’éducation supérieure en technologie qui a été créé en 1912, tandis que TRDF, créée en 1952, est une fondation, appartenant totalement à Technion et entièrement financée par ce dernier, qui gère les aspects financier et administratif des projets dans lesquels Technion est engagé.

2        Technion est l’un des membres des différents consortiums de contractants qui, en décembre 2003 et en juillet 2006, ont conclu avec la Commission des Communautés européennes, agissant pour le compte de la Communauté européenne, quatre contrats (à savoir le contrat Terregov, signé le 3 décembre 2003 et portant le numéro 507749 ; le contrat Cocoon, signé le 11 décembre 2003 et portant le numéro 507126 ; le contrat Qualeg, signé le 17 décembre 2003 et portant le numéro 507767, et le contrat Mosaica, signé également le 17 décembre 2003 et portant le numéro 034984) dans le cadre du sixième programme‑cadre de la Communauté pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002‑2006).

3        L’article 12 du contrat n° 034984 (Mosaica) désigne le droit luxembourgeois comme droit applicable, tandis que les articles 12 des contrats n° 507749 (Terregov), n° 507126 (Cocoon) et n° 507767 (Qualeg) désignent le droit belge à cet égard. En outre, l’article 13 de tous ces contrats stipule que les juridictions de l’Union européenne, la Cour ou le Tribunal, ont compétence exclusive pour connaître de tout litige entre les parties relatif à la validité, à l’exécution ou à l’interprétation desdits contrats.

4        Selon l’article 14 de ces contrats, les conditions générales figurant à l’annexe II desdits contrats (ci‑après les « conditions générales FP6 ») font partie intégrante de ceux‑ci.

5        Par lettre du 29 avril 2009, la Commission a informé Technion qu’elle ferait l’objet d’un audit financier en application de l’article II.29 des conditions générales FP6, en ce qui concerne les contrats Qualeg, Cocoon et Mosaica.

6        Au titre de l’article II.29.1 des conditions générales FP6, la Commission a confié à une société d’audit externe, Witkowski & Co. CPA’s (ci‑après l’« auditeur »), la mission d’effectuer un audit financier des coûts déclarés par Technion en vertu desdits contrats.

7        Le 10 mai 2010, l’auditeur a transmis le projet de rapport d’audit, proposant des ajustements de coûts en ce qui concerne les quatre contrats en cause, à Technion, en lui demandant de formuler ses commentaires dans un délai d’un mois. Selon ce rapport, Technion avait amplifié les coûts de personnel invoqués, concernant principalement les activités de M. K., l’une des personnes engagées à titre temporaire pour l’exécution des contrats en cause.

8        Le 10 juin 2010, le conseil de Technion a demandé à l’auditeur une extension de délai pour répondre au projet de rapport d’audit. En outre, il a demandé à l’auditeur de lui fournir toutes les informations ayant trait au travail effectué par M. K. dans le cadre des prestations réalisées, autres que celles en faveur de Technion, durant la période d’engagement à plein temps avec ce dernier.

9        Le 19 juillet 2010, le chef de l’unité « Audit externe » de la direction générale (DG) « Société de l’information et Médias » (ci‑après « DG INFSO »), faisant référence à ladite lettre envoyée par le conseil de Technion à l’auditeur, a accordé une extension de délai, en expliquant aussi qu’il ne pouvait accéder à la demande de documents visant les activités de M. K. en dehors de Technion, en raison de leur caractère confidentiel. Dans cette lettre, il était, en outre, indiqué qu’il existait la preuve d’un certain nombre d’activités exercées par M. K. pour d’autres entités que Technion pendant la période auditée, ce qui démontrerait que les déclarations concernant les temps et coûts effectués par Technion, pour le travail de M. K., n’étaient ni plausibles ni fiables.

10      Par lettre du 13 août 2010, envoyée en réponse à ladite lettre du chef de l’unité « Audit externe » de la DG INFSO, le conseil de Technion a contesté le caractère confidentiel des documents en cause et demandé à tout le moins un accès partiel à ceux‑ci.

11      Par lettre du 4 octobre 2010, la Commission a répondu en confirmant le caractère confidentiel de ces documents et en refusant leur divulgation sur la base de l’article 4 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), à l’exception de ceux élaborés dans le cadre des projets auxquels Technion participe en tant que contractant, à savoir les rapports de gestion relatifs aux projets Qualeg et Mosaica, et a signalé la possibilité de faire une demande expresse d’accès aux documents auprès du secrétariat général de la Commission.

12      Le 18 octobre 2010, le conseil de Technion a adressé au secrétariat général de la Commission une demande confirmative d’accès aux documents auxquels il est fait référence dans le projet de rapport d’audit.

13      Le 19 octobre 2010, le conseil de Technion a adressé une lettre à la DG INFSO l’informant de la demande confirmative d’accès aux documents et lui expliquant que, en l’absence de la communication de ces documents, Technion ne serait pas en mesure de présenter ses observations sur le projet de rapport d’audit. Or, cela serait contraire aux principes des droits de la défense ainsi que du contradictoire, surtout au vu du fait que la Commission pourrait infliger des sanctions administratives ou financières à Technion, en vertu de l’article 96 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié.

14      Par courriers des 18 novembre et 9 décembre 2010, le secrétariat général de la Commission a annoncé devoir proroger le délai, prévu par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, pour répondre à ladite demande d’accès aux documents.

15      Par lettre du 30 juin 2011, le secrétariat général de la Commission a rejeté la demande d’accès aux documents des requérants sur la base de deux exceptions prévues au règlement n° 1049/2001 et en a fourni une motivation détaillée.

16      Par lettre du 2 août 2011, la Commission a indiqué à Technion qu’elle confirmait les conclusions du rapport d’audit, dont une copie était annexée, relatives aux ajustements nécessaires à opérer, à savoir 57 858,53 euros pour le contrat Cocoon, 99,57 euros pour le contrat Qualeg, 71 782,33 euros pour le contrat Terregov et 97 784,86 euros pour le contrat Mosaica. En outre, la lettre précisait, d’une part, que Technion avait eu l’occasion de présenter ses observations même si elle n’en avait pas formulées officiellement et que, d’autre part, les ajustements se feraient ultérieurement au regard de paiements futurs ou par le biais de recouvrement de créances.

17      Le 26 août 2011, le conseil des requérants a adressé une lettre à la Commission dans laquelle, tout en contestant les conclusions du rapport d’audit, il informait celle‑ci de l’intention des requérants de déposer un recours contre la lettre du 30 juin 2011 du secrétariat général de la Commission et demandait la suspension de la procédure d’audit dans l’attente d’une décision de justice.

18      Le 8 septembre 2011, les requérants ont introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision du secrétariat général de la Commission du 30 juin 2011 (voir point 15 ci‑dessus), enregistré sous la référence T-480/11.

19      Le 22 septembre 2011, la Commission a répondu qu’elle ne pouvait pas accéder à la demande de suspension de la procédure d’audit, puisque les documents déjà transmis démontraient à suffisance l’inéligibilité des coûts et la non-fiabilité des temps de travail déclarés par Technion à la Commission.

20      Le 11 octobre 2011, les requérants ont introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision prétendument contenue dans la lettre de la Commission du 2 août 2011 (voir point 16 ci‑dessus), enregistré sous la référence T-546/11. Ce recours a été rejeté comme irrecevable par ordonnance du Tribunal du 14 juin 2012 (Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑546/11, non publiée au Recueil).

21      Par lettre du 19 octobre 2011, qui est l’acte attaqué en l’espèce, la Commission a informé Technion de son intention de recouvrer le montant de 97 106,72 euros, correspondant au montant ajusté pour le projet Mosaica à la suite du rapport d’audit. Dans cette lettre, il était précisé que, en l’absence d’autres observations de la requérante dans le délai de deux semaines à compter de sa réception, la Commission lui enverrait une note de débit correspondant audit montant pour l’inviter à payer dans le délai fixé dans cette note de débit. Il y était, en outre, précisé que les sommes dues à la Commission ainsi que les intérêts de retard pouvaient être compensés par les sommes dues au contractant ou faire l’objet d’une procédure de recouvrement forcé.

22      Le 2 novembre 2011, le conseil des requérants a demandé à la Commission de suspendre la procédure de recouvrement dans l’attente de la décision de justice dans l’affaire T‑546/11.

23      Par lettre datée du 22 décembre 2011, la Commission a répondu à la requérante que, en l’absence d’éléments de nature à modifier les conclusions de l’audit, elle ne s’estimait pas en mesure de suspendre les mesures d’exécution ni de reporter l’émission de l’ordre de recouvrement annoncé dans sa lettre du 19 octobre 2011.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2011, les requérants ont introduit le présent recours, dans lequel ils concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision contenue dans la lettre de la Commission du 19 octobre 2011 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 24 avril 2012, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

26      Les requérants ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 6 juin 2012. Ils concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours en annulation recevable.

 En droit

27      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

28      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par la Commission sans ouvrir la procédure orale.

29      La Commission soulève une exception d’irrecevabilité tirée, à titre principal, de la nature contractuelle du litige l’opposant aux requérants, qui implique que le Tribunal n’est pas compétent pour se prononcer sur celui‑ci dans le cadre d’un recours en annulation, au titre de l’article 263 TFUE. À titre subsidiaire, elle soutient que, dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que la lettre attaquée d’après les requérants est un acte se détachant des contrats conclus avec Technion, le recours serait irrecevable du fait de la nature préparatoire dudit acte. Enfin, à titre extrêmement subsidiaire, la Commission fait valoir que TRDF est irrecevable à intenter un recours dans la présente affaire que ce soit sur la base de l’article 263 TFUE, car elle n’est pas concernée par l’acte attaqué, ou sur la base de l’article 272 TFUE, car elle est étrangère aux contrats en cause.

30      Les requérants rétorquent que, bien que la lettre de la Commission du 19 octobre 2011 (ci‑après la « lettre attaquée ») s’inscrive dans le cadre des suites à donner à un audit contractuel réalisé en vue de vérifier l’éligibilité des coûts réclamés par les requérants, elle est une décision basée sur une lettre de clôture d’audit (voir point 16 ci‑dessus) qui, d’une part, mettrait fin à une procédure administrative d’audit et, d’autre part, adopterait, de manière arbitraire et en violation des droits de la défense, les conclusions issues du rapport d’audit tel que rédigé par l’auditeur auquel il avait été confié. La lettre attaquée serait, ainsi, empreinte de partialité et de prérogative de puissance publique et, de ce fait, détachable de la relation contractuelle des parties.

 Sur la nature du présent recours, tel qu’introduit par les requérants

31      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il appartient de faire le choix du fondement juridique de son recours et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (arrêt de la Cour du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C‑160/03, Rec. p. I‑2077, point 35 ; ordonnances du Tribunal du 26 février 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑205/05, non publiée au Recueil, point 38, et du 10 avril 2008, Imelios/Commission, T‑97/07, non publiée au Recueil, point 19).

32      En l’espèce, il ressort des écrits des requérants devant le Tribunal que leur recours, qui tend à l’annulation de la lettre attaquée, est expressément fondé sur l’article 263 TFUE.

33      En vertu de cet article, les juridictions de l’Union européenne contrôlent la légalité des actes adoptés par les institutions destinés à produire des effets juridiques obligatoires à l’égard des tiers, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (ordonnance du Tribunal du 6 octobre 2008, Austrian Relief Program/Commission, T‑235/06, non publiée au Recueil, point 34 ; arrêt du Tribunal du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, Rec. p. II‑2431, point 51, et ordonnance du Tribunal du 30 juin 2011, Cross Czech/Commission, T‑252/10, non publiée au Recueil, point 36).

34      Comme cela a été constaté par une jurisprudence constante, cette compétence ne concerne que les actes visés par l’article 288 TFUE que les institutions sont amenées à prendre dans les conditions prévues par le traité FUE (ordonnances du Tribunal du 9 janvier 2001, Innova/Commission, T‑149/00, Rec. p. II‑1, point 28 ; du 10 mai 2004, Musée Grévin/Commission, T‑314/03 et T‑378/03, Rec. p. II‑1421, point 63, et Cross Czech/Commission, point 33 supra, point 37).

35      En revanche, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE (ordonnances Musée Grévin/Commission, point 34 supra, point 64 ; Austrian Relief Program/Commission, point 33 supra, point 35, et arrêt CEVA/Commission, point 33 supra, point 52).

36      Dans ces circonstances, il convient, dès lors, d’examiner si la décision prétendument contenue dans la lettre attaquée figure au nombre des actes visés qui peuvent être annulés par le juge de l’Union, en vertu de l’article 263 TFUE, ou si, au contraire, elle revêt une nature contractuelle (voir, en ce sens, ordonnances Musée Grévin/Commission, point 34 supra, point 66 ; Evropaïki Dynamiki/Commission, point 31 supra, point 42, et Imelios/Commission, point 31 supra, point 23).

37      En l’espèce, il convient de relever que, par la lettre attaquée, la Commission a informé Technion de son intention de recouvrer le montant des sommes ajustées, à la suite des conclusions du rapport d’audit, pour le contrat Mosaica, à savoir 97 106,72 euros, précisant que, en l’absence d’autres observations de sa part dans le délai de deux semaines à compter de la réception de ladite lettre, elle lui enverrait une note de débit correspondant audit montant pour l’inviter à payer dans le délai fixé par cette note de débit. Dans cette lettre, il était en outre précisé que le recouvrement des sommes dues à la Commission ainsi que des intérêts de retard pouvait se faire soit par compensation, soit par recouvrement forcé.

38      Or, force est de constater que la lettre attaquée, qui fait suite à un audit financier prévu par les conditions générales FP6 et réalisé en vue de vérifier l’éligibilité des coûts réclamés par les requérants, s’inscrit dans le cadre du contrat en cause conclu avec Technion.

39      À cet égard, il résulte de l’article II.29 des conditions générales FP6 que, « [à] tout moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut faire procéder à des audits [...] se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat ». Cette disposition contractuelle prévoit également que « [l]es montants qui seraient dus à la Commission en raison des résultats de ces audits peuvent faire l’objet d’un recouvrement comme indiqué à l’article II.31 ».

40      Il en est de même pour ce qui est des ajustements des coûts excédentaires qui pourraient être effectués par les services de la Commission et des modalités moyennant lesquelles ces ajustements pourraient être opérés. En effet, l’article II.31 des conditions générales FP6, ayant trait au remboursement de la Commission et aux ordres de recouvrement, oblige, notamment, tout contractant à rembourser la Commission des sommes qui lui auraient été indûment versées et précise que le recouvrement des sommes dues à la Commission – ainsi que, le cas échéant, des intérêts de retard – peut se faire par compensation avec les sommes dues au contractant, après que celui‑ci en a été informé et sans que son accord préalable soit nécessaire.

41      Les considérations qui précèdent, desquelles il ressort que la lettre attaquée est de nature purement contractuelle, ne sont nullement remises en cause par les divers arguments avancés par les requérants dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité.

42      Tout d’abord, s’agissant de l’argument que les requérants essaient de tirer de l’arrêt de la Cour du 22 avril 1997, Geotronics/Commission (C‑395/95 P, Rec. p. I‑2271), il convient de relever que le contexte juridique de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt diffère de manière substantielle de celui du cas d’espèce. En effet, ainsi qu’il a été précisé par la Cour, même si l’acte mis en cause dans cette affaire s’inscrivait dans le cadre d’une procédure de nature contractuelle, devant aboutir à la conclusion d’un marché national (dans le cadre du programme PHARE), il était détachable de ce contexte dans la mesure où, d’une part, il avait été adopté par la Commission dans l’exercice de ses compétences propres et où, d’autre part, il visait spécifiquement une entreprise individuelle qui perdait, du seul fait de l’adoption de cet acte, toute chance effective de se voir attribuer le marché. Dans ces conditions, la Cour a considéré que la décision de la Commission d’exclure Geotronics du bénéfice du financement communautaire avait produit par elle‑même des effets juridiques obligatoires à l’égard de cette entreprise et était donc susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Or, la solution retenue par la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Geotronics/Commission, précité, se référant à un contexte totalement différent de celui de la présente affaire, où l’acte attaqué a été adopté dans le cadre de l’exécution d’un contrat entre Technion et la Commission, n’est pas transposable au cas d’espèce.

43      Selon les requérants, la lettre attaquée constitue un acte pouvant faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal, dès lors que celle‑ci constitue un ordre de recouvrement, pris à la suite de la décision prétendument contenue dans la lettre du 2 août 2011 mettant fin à la procédure administrative d’audit et adoptant les conclusions du rapport d’audit, qui auraient été approuvées de manière arbitraire et en violation de ses droits de la défense.

44      Or, à cet égard, il convient de rappeler, premièrement, que, en vertu du contrat même en cause, ainsi qu’il a été précisé aux points 39 et 40 ci‑dessus, la Commission peut, afin de s’assurer de la bonne exécution du projet et du contrat, à tout moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, faire procéder à des audits soit par des auditeurs externes, soit par ses services, y compris l’Office européen de lutte antifraude, et procéder, le cas échéant, au recouvrement de toute somme indûment perçue ou dont la récupération est justifiée en application du contrat.

45      Il s’ensuit que l’ajustement des coûts excédentaires, faisant suite à l’audit financier effectué par l’auditeur choisi par la Commission, et les modalités moyennant lesquelles ces ajustements peuvent être opérés, telles qu’encadrées par l’article II.31 des conditions générales FP6 (voir point 41 ci-dessus), relèvent de l’exercice, par la Commission, de ses droits découlant du contrat en cause et s’inscrivent, partant, dans le cadre contractuel défini par celui‑ci (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 février 2010, Alisei/Commission, T‑481/08, Rec. p. II‑117, point 54).

46      Par conséquent, la lettre attaquée n’est pas, contrairement à ce que font valoir les requérants, dissociable du cadre contractuel constitué par lesdits contrats et ne saurait être qualifiée d’acte pouvant faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance Alisei/Commission, point 45 supra, point 55).

47      Ensuite, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel la Commission aurait exercé une activité relevant de ses prérogatives de puissance publique en fondant la lettre attaquée sur une décision qui, d’une part, clôturait la procédure d’audit et, d’autre part, approuverait les conclusions dudit audit alors que celui-ci se fondait sur des documents qui ne leur avaient pas été transmis, il suffit de relever qu’un tel argument ne saurait remettre en question le fait que la lettre attaquée est un acte indissociable du cadre contractuel dans lequel il s’inscrit et n’est donc pas susceptible de fonder la compétence du Tribunal au titre de l’article 263 TFUE. Il en est de même pour ce qui est de l’argument des requérants selon lequel, sur la base de l’ordre de recouvrement contenu dans la lettre attaquée, la Commission aurait la possibilité de prononcer à leur égard un défaut grave d’exécution de leurs obligations et, partant, de leur infliger des sanctions administratives en application de l’article 96 du règlement n° 1605/2002. De surcroît, il convient de constater que, à supposer que cette disposition soit applicable au cas d’espèce, les requérants ne se réfèrent qu’à une situation purement hypothétique qui n’a jamais été évoquée par la Commission.

48      Aucun élément dans la lettre attaquée ne permet de conclure que la Commission a agi, en l’espèce, en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique. En effet, la Commission s’est, en substance, bornée à informer Technion de son intention de recouvrer les sommes ajustées pour le contrat Mosaica, après avoir précisé, dans sa lettre du 2 août 2011, qu’elle confirmait les conclusions de l’audit financier ainsi que la suite de la procédure. Ce faisant, la Commission a donc agi uniquement dans le cadre des droits et obligations nés du contrat en cause, prévoyant la possibilité d’un recouvrement par la Commission des sommes indûment perçues par le contractant, conformément à l’article II.31 des conditions générales FP6 (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 31 août 2011, IEM/Commission, T‑435/10, non publiée au Recueil, point 42). Par ailleurs, pour autant que le grief concernant l’exercice par la Commission d’une prérogative de puissance publique vise la décision de refus d’accès aux documents, il convient de relever que celle‑ci fait l’objet d’un autre recours introduit par les requérants devant le Tribunal (voir point 18 ci‑dessus). En tout état de cause, un tel grief est inopérant dans le cadre du présent litige.

49      S’agissant, enfin, du grief visant à critiquer l’approche suivie dans le rapport d’audit, en ce qui concerne l’utilisation des documents qui en auraient constitué la base, il convient de relever que, à supposer même que les allégations des requérants soient recevables et fondées, dans la mesure où la lettre du 2 août 2011 confirmant les conclusions de l’audit financier serait à la base de la lettre attaquée, elles ne démontrent nullement que cette dernière contient une décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal. Tout au plus, de telles affirmations pourraient tendre à démontrer le caractère irrégulier de l’audit effectué par l’auditeur externe à la demande de la Commission. Or, ainsi qu’il a été précisé au point 39 ci‑dessus, cet audit s’inscrit dans un cadre contractuel dont il est indissociable.

50      En conclusion, aucun des arguments avancés par les requérants ne parvient à remettre en cause le fait que la lettre attaquée s’inscrit dans un cadre purement contractuel dont elle est indissociable. Il s’ensuit qu’elle n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE.

51      En conclusion, dès lors qu’il tend à l’annulation, sur le fondement de l’article 263 TFUE, de la lettre attaquée, le présent recours est irrecevable.

 Sur la demande, à titre subsidiaire, des requérants de requalifier le présent recours en recours en vertu d’une clause compromissoire, au titre de l’article 272 TFUE

52      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants demandent, à titre subsidiaire, de requalifier le présent recours en recours en vertu d’une clause compromissoire, au titre de l’article 272 TFUE.

53      Eu égard à la clause compromissoire prévue à l’article 13 du contrat Mosaica, qui prévoit la compétence des juridictions de l’Union pour trancher tout litige relatif à la validité, à l’application ou à toute interprétation de celui‑ci, il convient donc d’examiner si le présent recours peut être requalifié de recours au titre de l’article 272 TFUE.

54      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que le soulignent les requérants, le Tribunal, lorsqu’il a été saisi d’un recours en annulation, alors que le litige était, en réalité, de nature contractuelle, a déjà accepté de requalifier le recours si les conditions d’une telle requalification étaient réunies (arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Lecureur/Commission, T‑26/00, Rec. p. II‑2623, point 38, et CEVA/Commission, point 33 supra, point 57 ; ordonnances du Tribunal Musée Grévin/Commission, point 34 supra, point 88, et du 9 juin 2005, Helm Düngemittel/Commission, T‑265/03, Rec. p. II‑2009, point 54).

55      Plus particulièrement, tel que cela a été reconnu par la jurisprudence, en présence d’un litige d’une telle nature, le Tribunal est dans l’impossibilité de requalifier un recours en annulation soit lorsque la volonté expresse du requérant de ne pas fonder sa demande sur l’article 272 TFUE s’oppose à une telle requalification (voir, en ce sens, arrêt CEVA/Commission, point 33 supra, point 59 ; ordonnances du Tribunal Musée Grévin/Commission, point 34 supra, point 88, et du 2 avril 2008, Maison de l’Europe Avignon Méditerranée/Commission, T‑100/03, non publiée au Recueil, point 54), soit lorsque le recours ne s’appuie sur aucun moyen tiré de la violation des règles régissant la relation contractuelle en cause, qu’il s’agisse des clauses contractuelles ou des dispositions de la loi nationale désignée dans le contrat (voir, en ce sens, arrêt CEVA/Commission, point 33 supra, point 59 ; ordonnances Evropaïki Dynamiki/Commission, point 31 supra, point 57, et Imelios/Commission, point 31 supra, point 33).

56      En l’espèce, il convient de constater, tout d’abord, que les requérants, confrontés à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, se sont limités, à titre principal, à défendre la recevabilité du recours en ce qu’il serait fondé, à juste titre, sur l’article 263 TFUE. Ce n’est qu’à titre subsidiaire que les requérants ont demandé la requalification du recours en recours sur le fondement de l’article 272 TFUE.

57      À cet égard, il y a lieu d’observer que, à l’appui de leur demande en annulation de la lettre attaquée, les requérants invoquent deux moyens. Le premier moyen s’articule en deux branches, la première tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et la seconde du défaut de motivation de la lettre attaquée. Le second moyen est tiré de la violation du principe de l’interdiction de l’enrichissement sans cause par la Commission. Or, contrairement à ce que prétendent les requérants, ces moyens tendent à demander au Tribunal d’exercer ses compétences en matière de contrôle de légalité, compétences dont celui‑ci ne dispose pas dans le cadre d’un litige contractuel.

58      D’ailleurs, comme le souligne à juste titre la Commission, les requérants n’exposent, même de manière sommaire, aucun moyen, argument ou grief tiré de la violation des dispositions du contrat en cause ou de celles du droit luxembourgeois, auxquelles il est soumis en vertu de son article 12, contrairement à ce que prévoit l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑353/10, non encore publiée au Recueil, point 37).

59      À cet égard, aux points 62 et 63 de leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, ils se bornent à renvoyer à leur requête, tout en précisant que les moyens d’annulation repris par celle‑ci correspondraient à des principes qui pourraient également être évoqués comme moyens de défense dans le cadre de litiges contractuels et se retrouveraient également dans les dispositions des lois nationales, sans toutefois préciser lesquelles, désignées dans les contrats en cause, à savoir en l’espèce les dispositions de droit luxembourgeois. Ce n’est que dans le cadre du second moyen, tiré de la violation du principe de l’interdiction de l’enrichissement sans cause par la Commission, que les requérants font valoir, à titre tout à fait incident, qu’aucune disposition contractuelle ou légale n’interdisait à M. K. de cumuler plusieurs emplois auprès de différentes entités, même à plein-temps.

60      Or, de tels renvois, tout à fait génériques, ne sont pas suffisants à considérer comme remplies les conditions fixées par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

61      Au vu des considérations qui précèdent et conformément à la jurisprudence citée au point 55 ci‑dessus, il convient de conclure qu’il n’est pas possible de requalifier le présent recours de recours au titre de l’article 272 TFUE.

62      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et, par conséquent, de rejeter comme irrecevable le présent recours, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments de la Commission portant sur la recevabilité.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Technion – Israel Institute of Technology et Technion Research & Development Foundation Ltd sont condamnés aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 septembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      J. Azizi


* Langue de procédure : le français.