Language of document : ECLI:EU:T:2015:33

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 janvier 2015 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété – Droit au respect de la vie privée – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑509/11,

Mohammad Makhlouf, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Mes C. Rygaert et G. Karouni, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-M. Joséphidès et M. G. Étienne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2011/488/PESC du Conseil, du 1er août 2011, mettant en œuvre la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 199, p. 74), de la décision 2011/782/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273/PESC ( JO L 319, p. 56), et de la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782/PESC (JO L 330, p. 21), pour autant que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mai 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Mohammad Makhlouf, est un homme d’affaires de nationalité syrienne.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en divers endroits dans toute la Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. Le nom du requérant n’y figure pas. En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 121, p. 1). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste figurant à l’annexe II dudit règlement est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273 et le nom du requérant n’y figure donc pas. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et examine, par ailleurs, la liste y figurant à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

5        Le 1er août 2011, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2011/488/PESC mettant en œuvre la décision 2011/273 (JO L 199, p. 74). Le nom du requérant figure à la ligne 3 du tableau de l’annexe de ladite décision, ainsi que sa date d’inscription sur la liste en cause, en l’occurrence le 1er août 2011 et les motifs suivants « Proche associé et oncle maternel de Bachar et Mahir Al-Assad, associé d’affaires et père de Rami, Ihab et Iyad Makhlouf ».

6        Le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 755/2011, mettant en œuvre le règlement n° 442/2011 (JO L 199, p. 33). Le nom du requérant figure à la ligne 3 de l’annexe A dudit règlement avec les mêmes informations et motifs que ceux mentionnés dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/488.

7        Le 2 août 2011, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues par la décision 2011/273, mise en œuvre par la décision d’exécution 2011/488, et par le règlement n° 442/2011, mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 755/2011 (JO C 227, p. 3).

8        Le 2 septembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/522/PESC, modifiant la décision 2011/273 (JO L 228, p. 16), et a étendu le champ d’application de cette dernière décision.

9        Par décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires à celles adoptées dans ladite décision 2011/273. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et lesdites mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. Le nom du requérant figure à la ligne 33 du tableau de l’annexe I de la décision 2011/782 avec les mêmes informations et motifs que ceux mentionnés dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/488.

10      Le 2 décembre 2011, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues dans la décision 2011/782 et dans le règlement n° 442/2011, mis en œuvre par le règlement d’exécution (UE) n° 1244/2011 du Conseil, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO C 351, p. 14).

11      Par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO L 330, p. 21), les mesures restrictives en cause ont été regroupées dans un instrument juridique unique. Le nom du requérant figure à la ligne 32 du tableau de l’annexe I de ladite décision, avec les mêmes informations et motifs que ceux mentionnés dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/488.

12      Le 30 novembre 2012, le Conseil a procédé à la publication d’un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues dans la décision 2012/739 et dans le règlement (UE) n° 36/2012 du Conseil, mis en œuvre par le règlement d’exécution (UE) n° 1117/2012 du Conseil, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO C 370, p. 6).

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2011, le requérant a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision d’exécution 2011/488, pour autant que cette décision le concerne.

14      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 20 février 2012, le requérant a adapté ses conclusions en sollicitant l’annulation de la décision 2011/782, pour autant qu’elle le concerne. Dans ses observations sur ce mémoire au sein de sa duplique, déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2012, le Conseil a pris acte de la demande du requérant.

15      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 31 janvier 2013, le requérant a adapté ses conclusions en sollicitant l’annulation de la décision 2012/739, pour autant que cette décision le concerne. Dans ses observations sur ce mémoire déposées au greffe du Tribunal le 26 février 2013, le Conseil a pris acte de cette demande, tout en constatant que le requérant, dans ces conclusions, ne demandait plus l’annulation de la décision 2011/782. Toutefois, en l’absence de toute indication expresse de la part du requérant manifestant sa volonté de se désister de son action contre la décision 2011/782, le Tribunal ne saurait interpréter l’absence de réitération de sa demande en annulation de ladite décision comme un désistement de cette demande.

16      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité le requérant à répondre à certaines questions écrites et à fournir, le cas échéant, certains documents. Le requérant a déféré à ces demandes.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 mai 2014.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’exécution 2011/488, la décision 2011/782 et la décision 2012/739, dans la mesure où ces actes le concernent (ci-après les « actes attaqués »);

–        condamner le Conseil aux dépens.

20      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

21      Au soutien de son recours, le requérant invoque sept moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré d’une violation des droits de la défense et du droit au procès équitable, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une erreur d’appréciation, le quatrième, d’une violation de la garantie afférente au droit à une protection juridictionnelle effective, le cinquième, d’une violation du principe de proportionnalité, le sixième, d’une violation du droit de propriété et, le septième, d’une violation du droit à la vie privée.

22      Le Tribunal estime qu’il conviendra d’examiner ensemble les cinquième, sixième et septième moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

23      Le requérant soutient que le Conseil a violé ses droits de la défense et son droit à un procès équitable prévu par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »), l’article 215 TFUE et les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon lui, les « sanctions » en cause ont été infligées, premièrement, sans qu’il ait préalablement été entendu, ni, deuxièmement, qu’il ait eu l’occasion de se défendre, en raison de l’absence de communication des éléments sur la base desquels ces mesures ont été prises.

24      En effet, le requérant soutient que le Conseil a manqué à l’obligation prévue à l’article 5 de la décision d’exécution 2011/488 de lui communiquer sa décision, y compris les motifs de l’inscription de son nom sur la liste, soit directement, dès lors que, selon lui, son adresse « ne pouvait être ignorée », soit par la publication d’un avis. Toutefois, il n’a pas contesté dans la réplique l’allégation du Conseil selon laquelle le Conseil n’avait pas été en mesure de procéder à une notification individuelle de ladite décision, car il ne disposait pas des coordonnées personnelles du requérant, silence que traduit une renonciation du requérant à invoquer la violation de l’obligation de communiquer l’acte d’inscription.

25      Par ailleurs, le requérant fait valoir que l’atteinte à ses droits de la défense, et notamment à son droit à être entendu, constitue une irrégularité insusceptible d’être régularisée au stade de la procédure devant le Tribunal. En effet, selon le requérant, il conviendrait de distinguer la protection des droits de la défense lors de la procédure administrative, d’une part, de la protection de ces mêmes droits dans le cadre du droit à un recours juridictionnel effectif, d’autre part.

26      Pour conclure, le requérant soutient que la procédure de réexamen devant le Conseil porte atteinte à ses droits de la défense et ne lui permet pas de connaître les motifs exacts à l’origine de l’inscription de son nom. Selon lui, la procédure de réexamen ne saurait remédier à l’atteinte à ses droits de la défense, car cette procédure ne présenterait pas suffisamment de garanties pour assurer un réel examen impartial.

27      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

28      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense, consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, comporte le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir arrêt de la Cour du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt Kadi II », point 99, et la jurisprudence citée).

29      Par ailleurs, le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt Kadi II, point 100, et la jurisprudence citée).

30      L’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt Kadi II, point 101, et la jurisprudence citée).

31      En outre, l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Kadi II, point 102, et la jurisprudence citée).

32      C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’analyser le premier moyen.

33      En premier lieu, en ce qui concerne l’argument, tiré du droit à être entendu préalablement, selon lequel le requérant n’aurait été en mesure de présenter des observations qu’après l’adoption des mesures restrictives prises à son égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union distingue, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur la liste imposant des mesures restrictives et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur ladite liste par des décisions postérieures.

34      Ainsi, premièrement, en ce qui concerne la décision d’exécution 2011/488, inscrivant le nom du requérant sur la liste en cause, il ne saurait être requis des autorités de l’Union qu’elles communiquent les motifs desdites mesures préalablement à l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur la liste imposant des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, non encore publié au Recueil, point 38, et la jurisprudence citée).

35      En effet, une telle communication préalable serait de nature à compromettre l’efficacité des mesures de gel de fonds et de ressources économiques qu’imposent ces décisions (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 39, et la jurisprudence citée).

36      Ainsi, afin d’atteindre l’objectif poursuivi par la décision d’exécution 2011/488, à l’annexe de laquelle a été inscrit le nom du requérant, de telles mesures doivent, par leur nature même, bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 40, et la jurisprudence citée).

37      Pour des raisons tenant à l’objectif poursuivi par cette décision, et à l’efficacité des mesures prévues par ceux-ci, les autorités de l’Union n’étaient dès lors pas tenues d’entendre le requérant préalablement à l’inscription initiale de son nom sur la liste figurant à l’annexe de la décision d’exécution 2011/488 (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Cette absence d’audition préalable ne porte donc pas atteinte aux droits de la défense du requérant.

38      Deuxièmement, en ce qui concerne les décisions 2011/782 et 2012/739 ayant maintenu le nom du requérant sur la liste des personnes et entités visées par les mesures en cause, il convient de rappeler qu’il ressort de la lecture combinée des points 111 et 113 de l’arrêt Kadi II que, s’agissant d’une décision consistant à maintenir le nom d’une personne sur la liste en cause, contrairement à ce qui est le cas pour une inscription initiale, l’autorité compétente de l’Union est tenue de communiquer à la personne concernée, préalablement à l’adoption de cette décision, les éléments dont cette autorité dispose pour fonder sa décision, et ce afin que cette personne puisse défendre ses droits.

39      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption de tels actes était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une importante incidence sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, Rec p. I‑13427, point 64).

40      En effet, afin d’assurer une protection effective du destinataire de la décision en cause, cette communication a notamment pour objet de permettre audit destinataire de corriger une erreur ou de faire valoir des éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que de tels actes soient adoptés, ne soient pas adoptés ou qu’ils aient tel ou tel contenu (arrêt France/People’s Mojahedin Organization of Iran, précité, point 65). Dès lors, toute décision subséquente de gel de fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge (voir arrêt du Tribunal du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, Rec. p. II‑5555, point 48).

41      Toutefois, lorsque les motifs d’une décision subséquente de gel des fonds sont essentiellement les mêmes que ceux déjà invoqués à l’occasion d’une précédente décision, une simple déclaration à cet effet peut suffire (arrêts du Tribunal du 30 septembre 2009, Sison/Conseil, T‑341/07, Rec. p. II‑3625, point 62, et Fahas/Conseil, précité, point 55).

42      En l’espèce, il convient de constater que la motivation contenue aux annexes des décisions 2011/782 et 2012/739 est la même que celle contenue dans la décision d’exécution 2011/488 inscrivant le nom du requérant sur la liste en cause.

43      Dès lors, il ressort de ce qui précède que l’absence de communication individuelle au requérant de la décision 2011/782 et de la décision 2012/739 n’a entraîné aucune atteinte à ses droits de la défense qui justifierait l’annulation de ces décisions pour autant qu’elles le concernent (voir, en ce sens, arrêt arrêt Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, points 112 et 113). En effet, le requérant n’a pas invoqué l’existence d’une atteinte concrète auxdits droits. L’existence d’une telle atteinte ne ressort par ailleurs pas des éléments du dossier. À cet égard, il est à noter que, en l’espèce, le requérant a été en mesure d’adapter ses conclusions en demandant également l’annulation des deux décisions susmentionnées (voir points 14 et 15 ci-dessus), de sorte que l’absence de communication individuelle de ces actes dont les motifs reprennent à l’identique les motifs initiaux de l’inscription du nom du requérant, sans rien ajouter ou modifier, ne constitue pas une violation matérielle de ses droits. En outre, après qu’il a eu connaissance des décisions de maintenir son inscription sur les listes, rien n’empêchait le requérant de demander au Conseil de réviser lesdites décisions (voir point 46 ci-après). Il y a donc lieu de rejeter le premier argument.

44      En second lieu, s’agissant de l’argument tiré d’une violation des droits de la défense et du droit d’accès au dossier, il convient tout d’abord de rappeler que, selon la jurisprudence concernant les décisions prévoyant le maintien de mesures restrictives, lorsque des observations sont formulées par la personne ou l’entité concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (voir arrêt Kadi II, point 114, et la jurisprudence citée).

45      De plus, il convient de souligner que ce n’est que sur demande de l’intéressé que le Conseil est tenu de lui donner accès aux documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec. p. I‑11381, point 92).

46      En outre, comme le Conseil l’a souligné, une procédure de réexamen est expressément prévue. Ainsi, il convient de relever que l’article 5, paragraphe 3, de la décision 2011/273, mise en œuvre par la décision d’exécution 2011/488, l’article 21, paragraphe 3, de la décision 2011/782 et l’article 27, paragraphe 3, de la décision 2012/739 prévoient identiquement que si des observations sont formulées, ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité concernée.

47      De surcroît, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une communication individuelle n’est pas possible, la publication d’un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquent les mesures restrictives de ce type est suffisante pour attirer l’attention des personnes concernées par les mesures restrictives sur la possibilité de contester la décision du Conseil (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, non encore publié au Recueil, point 62).

48      En l’espèce, conformément à cette jurisprudence, la décision d’exécution 2011/488 a été dument communiquée au requérant par la publication, le 2 août 2011, jour de la publication de ladite décision, d’un tel avis dans la série C du Journal officiel, donnant aux personnes concernées l’opportunité d’adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur la liste en question (voir point 38 ci-dessus). Le Conseil a procédé de la même façon concernant les décisions 2011/782 et 2012/739, en publiant au Journal officiel des avis du même type. Or, il convient de rappeler à cet égard que le défaut de communication individuelle de ces deux dernières décisions n’a pas privé le requérant de la possibilité concrète de présenter des observations et de se prévaloir de son droit à une protection juridictionnelle effective ainsi qu’il a été constaté au point 42 ci-dessus).

49      Par ailleurs, il convient de relever que le requérant n’a fait qu’une utilisation tardive des procédures prévues à l’article 5, paragraphe 3, de la décision 2011/273 et à l’article 27, paragraphe 3, de la décision 2012/739. Il ressort en effet des pièces du dossier qu’aucune demande de réexamen n’a été introduite par le requérant. En outre, il n’a demandé la communication des éléments qui ont motivé la décision prise à son égard que par l’intermédiaire de trois lettres des 6 juin, 18 et 21 juillet 2013. Dans la mesure où le requérant n’a fait qu’un usage tardif desdites procédures, il ne saurait se plaindre de leur caractère inefficace devant le Tribunal. Enfin, le requérant n’a pas étayé son affirmation selon laquelle la procédure de réexamen ne garantirait pas une analyse impartiale. C’est donc à tort que le requérant soutient que le Conseil a violé ses droits de la défense. Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième argument.

50      Il ressort de ce qui précède que le premier moyen est non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

51      Premièrement, le requérant soutient que la motivation contenue dans les actes attaqués est vague et générale, puisqu’elle n’indique pas les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil aurait considéré, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, qu’il devait faire l’objet des mesures restrictives en cause. Ce caractère vague serait renforcé par le fait que le Conseil use d’une motivation systématique et générique.

52      Selon le requérant, ses liens familiaux ainsi que ses relations d’affaires ne sauraient suffire à fonder la décision du Conseil, un tel motif étant fondé, dans une logique de responsabilité collective, uniquement sur les liens du sang, et non sur une participation directe dans la répression à l’encontre des populations civiles en Syrie. En effet, le requérant fait valoir que les liens familiaux sont insuffisants pour justifier l’inscription de son nom sur les listes en cause. De même, le requérant considère que la seule référence à ses fonctions professionnelles sans que le Conseil s’appuie sur des faits concrets n’est pas de nature à respecter l’obligation de motivation.

53      Deuxièmement, le requérant souligne que les motifs mentionnés dans les annexes des actes attaqués ne lui permettent pas de connaître de manière détaillée la nature et la cause de l’accusation portée contre lui et, à ce titre, ne respectent donc pas l’obligation de motivation.

54      En outre, le requérant considère que, même dans l’hypothèse où la publication détaillée des griefs ne pourrait se faire en raison de considérations impérieuses d’intérêt général touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres, il est toutefois nécessaire que la motivation soit spécifique et concrète et portée à sa connaissance.

55      À ce titre, le requérant fait valoir qu’aucune considération de ce type ne permet de justifier une telle limitation de la publication des motifs et que par ailleurs aucune motivation supplémentaire ne lui a été communiquée.

56      Troisièmement, il souligne que le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important qu’elle constitue l’unique garantie pour le requérant dès lors que ce dernier ne peut pas être entendu au préalable.

57      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

58      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 60, et la jurisprudence citée).

59      Selon une jurisprudence également constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 61, et la jurisprudence citée).

60      Dans la mesure où la personne ou l’entité concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel de fonds et de ressources économiques, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 62, et la jurisprudence citée).

61      Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds et de ressources économiques doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 63, et la jurisprudence citée).

62      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 64, et la jurisprudence citée).

63      Il n’est donc pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 65, et la jurisprudence citée).

64      Il convient également de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celle-ci relevant de la légalité interne de l’acte litigieux (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p.  I‑1719, point 67 ; du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 146).

65      En outre, selon une jurisprudence constante, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 66, et la jurisprudence citée).

66      C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’examiner le deuxième moyen.

67      En premier lieu, concernant la connaissance par le requérant du contexte général dans lesquelles les mesures restrictives sont imposées, il convient de relever que les trois premiers considérants de la décision 2011/273, à laquelle font référence la décision d’exécution 2011/488, la décision 2011/782 et la décision 2012/739, exposent clairement les motifs généraux de l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie par l’Union :

« (1)      Le 29 avril 2011, l’Union européenne a exprimé sa profonde préoccupation face à la situation actuelle en Syrie et au déploiement d’unités militaires et de forces de sécurité dans un certain nombre de villes du pays.

(2)      L’Union condamne fermement la répression violente, y compris par l’usage des tirs à balles réelles, des manifestations pacifiques en divers endroits dans toute la Syrie, qui s’est traduite par la mort de plusieurs manifestants, par des blessés et par des détentions arbitraires. Elle lance un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la répression.

(3)      Compte tenu de la gravité de la situation, il convient d’instituer des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne. » 

68      De plus, selon l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2011/273, telle que modifiée par la décision 2011/522 et à laquelle renvoie la décision d’exécution 2011/488, « sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et aux personnes et entités qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent. »

69      Par ailleurs, l’article 19, paragraphe 1, de la décision 2011/782ainsi que l’article 25, paragraphe 1, de la décision 2012/739 prévoient en des termes similaires que « sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et à des personnes et entités qui leur sont liées, dont les listes figurent aux annexes I et II, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent. »

70      Il peut être présumé que le contexte général auquel font référence la décision d’exécution 2011/488, la décision 2011/782 et la décision 2012/739 était connu des personnalités importantes de la société syrienne. Or, le requérant est, ainsi qu’il ressort du dossier, l’oncle du président syrien Bachar Al-Assad et le père de Rami, Ihab et Iyad Makhlouf, qui ont également fait l’objet de mesures de gels de fonds respectivement depuis le 23 et le 9 mai 2011. Dès lors, le requérant était nécessairement informé des motifs des décisions en matière de gel des fonds prises à son égard, étant donné son rôle de doyen auprès desdites familles. Ainsi, le contexte général auquel font référence lesdites décisions était nécessairement connu du requérant.

71      En second lieu, s’agissant du contexte spécifique, il ressort d’une jurisprudence constante que, pour s’acquitter correctement de son obligation de motiver un acte imposant des mesures restrictives, le Conseil doit mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de ces mesures et les considérations qui l’ont amené à les prendre (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T-390/08, Rec. p. II-3967, point 81, et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que, en principe, la motivation d’un tel acte doit porter non seulement sur les conditions légales d’application des mesures restrictives, mais également sur les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, que la personne intéressée doit faire l’objet de telles mesures (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 146 ; Fahas/Conseil, précité, point 53, et du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, non encore publié au Recueil, point 68).

72      Toutefois, selon la jurisprudence, une publication détaillée des griefs retenus à la charge des intéressés pourrait non seulement se heurter aux considérations impérieuses d’intérêt général touchant à la sûreté de l’Union et de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales, mais aussi porter atteinte aux intérêts légitimes des personnes et des entités en question, dans la mesure où elle est susceptible de nuire gravement à leur réputation, de sorte qu’il convient d’admettre exceptionnellement que seuls le dispositif ainsi qu’une motivation générale doivent figurer dans la version de la décision de gel des fonds publiée au Journal officiel, étant entendu que la motivation spécifique et concrète de cette décision doit être formalisée et portée à la connaissance des intéressés par toute autre voie appropriée (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, précité, point 147, et du 8 juin 2011, Bamba/Conseil, T‑86/11, Rec. p. II‑2749, point 53).

73      En l’espèce, le Conseil fonde l’inclusion du nom du requérant dans les listes en cause sur les trois motifs mentionnés initialement à l’annexe I de la décision 2011/782 et à l’annexe unique de la décision d’exécution 2011/488, repris à l’annexe I de la décision 2012/739, à savoir « Proche associé et oncle maternel de Bachar et Mahir Al-Assad, associé d’affaires et père de Rami, Ihab et Iyad Makhlouf ». Il convient de relever que ceux-ci tiennent au fait, premièrement, que le requérant est l’oncle de Bachar et Mahir Al-Assad, deuxièmement, qu’il entretient des relations d’affaires avec ses fils et troisièmement, qu’il est le doyen du clan Makhlouf.

74      Premièrement, en ce qui concerne le motif selon lequel le requérant est un des associés d’affaire de ses fils, il y a lieu de constater que ce motif est clair et précis au sens de la jurisprudence, dans la mesure où le requérant a eu la possibilité de contester l’existence de cette affirmation. De plus, il y a lieu de tenir compte de la motivation retenue s’agissant de l’inscription du nom de ses fils sur les listes en cause pour analyser si l’obligation de motivation est remplie. Or, il ressort clairement de cette motivation que, selon le Conseil, Rami, Ihab et Iyad Makhlouf, les fils du requérant, sont des hommes d’affaires reconnus et bien établis en Syrie. Il ressort notamment de la décision 2012/739 que, d’une part, Rami Makhlouf contrôle le fonds d’investissement Al Mahreq, les sociétés Bena Properties, Cham Holding, Syriatel et Souruh Company et, d’autre part, Ihab Makhlouf est le président de Syriatel. Dès lors, la motivation de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ne saurait être analysée indépendamment de la motivation de celle relative à l’inscription du nom de ses fils sur ces mêmes listes.

75      Deuxièmement, en ce qui concerne les motifs fondés sur les liens familiaux du requérant, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 4 de la décision 2011/273, de l’article 19, paragraphe 1, de la décision 2011/782 ainsi que de l’article 25, paragraphe 1, de la décision 2012/739 que sont notamment visées par les mesures de gel de fonds en cause les personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et les personnes et entités qui leur sont liées. L’extrême proximité de liens entre les personnes faisant précédemment l’objet de mesures de gel de fonds et le requérant permet à ce dernier de comprendre la motivation réelle de l’inscription de son nom et de la contester devant le juge compétent.

76      Il s’ensuit que la motivation des actes attaqués satisfait aux règles rappelées aux points 59 à 66 ci-dessus. Ainsi, elle a permis au requérant et au Tribunal de comprendre les raisons pour lesquelles son nom était inscrit sur les listes en cause, à savoir ses liens avec des personnes dirigeantes ou responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie. En outre, elle a également permis au requérant de contester la réalité de ces motifs ainsi qu’il ressort de son argumentation au cours de la procédure.

77      Il ressort de ce qui précède que le requérant était en mesure de contester les affirmations du Conseil. Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

78      Le requérant fait valoir qu’il s’est retiré du monde des affaires, depuis près de dix ans, et que c’est donc de manière erronée que les annexes des actes attaqués mentionnent qu’il est « proche associé » et « associé d’affaires », ainsi que son implication dans la répression, ce qui révèle l’absence de bien-fondé de ces motifs.

79      Il soutient également que l’amalgame opéré avec d’autres personnes visées par les mesures litigieuses fondé sur un lien de parenté ne peut être considéré comme admissible en droit.

80      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

81      L’effectivité du contrôle juridictionnel garantie par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes de personnes visées par des sanctions, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide ; cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt Kadi II, point 119).

82      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits par l’autorité en question étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Kadi II, points 121 à 123).

83      En l’espèce, concernant en premier lieu, le motif d’inscription du nom du requérant sur les annexes des actes attaqués relatif à ses liens familiaux, non contestés par lui, avec, d’une part, le président Bachar Al-Assad et son frère Mahir et, d’autre part, avec Rami, Ihab et Iyad Makhlouf, ses fils, il convient de rappeler que l’inscription du nom d’une personne sur les annexes des actes attaquées peut être fondée sur une présomption relative aux membres de sa famille et que cette présomption permet de répondre aux objectifs desdits actes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 mars 2014, Al-Assad/Conseil, T‑202/12, non encore publié au Recueil, points 88, 96, 97 et 105).

84      S’agissant des mesures restrictives visant un pays tiers, les catégories de personnes physiques susceptibles d’être frappées par de telles mesures incluent celles dont le lien de rattachement au pays tiers en cause s’impose de toute évidence, c’est-à-dire, notamment, les individus qui sont liés aux dirigeants dudit pays (arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, non encore publié au Recueil, point 68, et arrêt Al-Assad/Conseil, précité, point 92).

85      Il convient de constater que le requérant est manifestement une personne liée aux dirigeants du régime syrien, en raison de son lien familial avec le président en exercice. Ainsi, le simple fait que le requérant soit l’oncle de Bachar Al-Assad et, par là même, le doyen de la famille dirigeante, suffit pour que le Conseil puisse considérer qu’il est lié aux dirigeants syriens dès lors que la gestion familiale du pouvoir est un fait notoire dont le Conseil pouvait tenir compte (voir, en ce sens, arrêt Al-Assad/Conseil, précité, point 96).

86      En tout état de cause, concernant, en deuxième lieu, le motif fondé sur les relations d’affaires entre le requérant et Rami, Ihab et Iyad Makhlouf, force est de constater, que le Conseil, dans son mémoire en défense, explique précisément non seulement comment le requérant fait partie de la classe économique dirigeante en Syrie, mais aussi le caractère indéniable de ses liens avec le régime dès lors qu’il exerce une influence déterminante, en tant que principal conseiller, sur l’ensemble du premier cercle de dirigeants du régime syrien, et notamment sur ses fils.

87      En outre, il ressort des pièces du dossier et notamment des documents diplomatiques américains fournis en annexe du mémoire en défense par le Conseil et non contestés par le requérant, ainsi que des débats lors de l’audience, que le requérant a été le principal conseiller lors de l’ouverture du marché syrien des télécommunications dont son fils, Iyad, est le principal bénéficiaire, du fait de l’attribution de la première licence de téléphonie à l’entreprise qu’il dirige. À ce titre, le requérant bénéficie également des politiques menées par le régime.

88      Par conséquent, l’ensemble des éléments fournis par le Conseil permettait de considérer raisonnablement que le requérant entretient des liens avec les dirigeants du régime ou le soutient économiquement. Les arguments du requérant tirés d’une erreur manifeste d’appréciation ne peuvent donc être accueillis.

89      Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de la garantie afférente au droit à une protection juridictionnelle effective

90      Le requérant soutient que, en l’absence de toute indication, dans les actes attaqués, des motifs spécifiques et concrets qui la justifient, il n’a pas été mis en mesure d’introduire un recours effectif devant ce Tribunal.

91      En outre, il fait valoir que le contrôle du Tribunal doit être un contrôle plein et non un contrôle restreint et que les garanties procédurales sont trop sommaires au regard des articles 6 et 13 de la CEDH.

92      Le Conseil fait notamment valoir que la saisine par le requérant du Tribunal dans la présente instance suffit à contester le grief tiré de l’absence de procès équitable, démontrant que le requérant dispose bien d’un recours juridictionnel effectif.

93      Premièrement, il y a lieu de rappeler que l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Kadi II, point 102, et la jurisprudence citée).

94      Deuxièmement, ainsi qu’il a été rappelé précédemment au point 82, le Tribunal procède à un contrôle entier du bien-fondé des motifs fondant les actes en cause.

95      Troisièmement, il convient de constater que les avis publiés par le Conseil mentionnés aux points 7 et 12 ci-dessus prévoyaient explicitement la possibilité, pour les personnes concernées, de demander un réexamen par celui-ci de l’inscription de leur nom sur les listes en cause, ainsi qu’il a été rappelé au point 48 ci-dessus, et d’introduire un recours en annulation devant le Tribunal. En tout état de cause, un tel recours a pu être introduit dans les conditions prévues à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE, comme il ressort du présent recours en annulation. Ainsi, la saisine par le requérant du Tribunal permet, en l’espèce, de démontrer que ce dernier disposait bien d’un recours juridictionnel effectif.

96      Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur les cinquième, sixième et septième moyens, tirés en substance d’une violation des droits fondamentaux, notamment du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit à la vie privée

97      En substance, le requérant soutient que le Conseil a violé plusieurs de ses droits fondamentaux parmi lesquels le principe de proportionnalité, le droit de propriété et le droit à la vie privée.

98      Premièrement, concernant l’atteinte au principe de proportionnalité, le requérant soutient que les mesures restrictives adoptées à son égard ne sont pas proportionnées aux objectifs poursuivis par le Conseil, consistant à condamner la répression violente exercée contre la population civile syrienne. Ces mesures ne seraient pas non plus conformes au principe de proportionnalité dès lors que le lien entre le requérant et le régime politique syrien n’est pas suffisamment établi.

99      Deuxièmement, le requérant considère que les mesures restrictives prises à son égard, et notamment le gel de ses fonds, constituent une ingérence dans son droit de propriété et une atteinte disproportionnée à son droit fondamental de disposer librement de ses biens, garanti par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux et l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH. De plus, le requérant fait valoir que le principe de proportionnalité, qui implique une mise en balance de l’intérêt général et de la sauvegarde des droits fondamentaux, n’est pas respecté.

100    En outre, selon le requérant, les mesures prises à son égard l’empêcheraient de jouir paisiblement de ses biens et de toute réelle liberté économique, d’autant que, compte tenu de son grand âge et des dommages à sa réputation causés par l’inscription de son nom sur les listes en cause, il serait dans l’impossibilité de se procurer les fonds nécessaires pour subvenir aux besoins de sa vie courante en exerçant une activité professionnelle.

101    Troisièmement, le requérant considère que la décision de gel de fonds dont il fait l’objet est contraire au droit à la vie privée consacré à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux et à l’article 8 de la CEDH. En effet, une telle mesure l’empêcherait d’assurer à sa famille un niveau de vie comparable à celui dont elle disposait avant l’application de la décision d’exécution 2011/488. Le requérant fait également valoir que cette décision de gel de fonds porte atteinte à sa liberté d’aller et venir et, en cela, porte une atteinte radicale au respect de sa vie privée.

102    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

103    À titre liminaire, il convient tout d’abord de rappeler que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 98). Par ailleurs, le droit de propriété fait partie des principes généraux du droit de l’Union et se trouve consacré par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux. Enfin, en ce qui concerne le droit au respect de la vie privée, l’article 7 de la charte des droits fondamentaux reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 décembre 2012, O et S, C‑356/11 et C‑357/11, non encore publié au Recueil, point 76).

104    À ce titre, le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union. Or, selon la jurisprudence, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 97).

105    Il a déjà été considéré que, lorsqu’un acte imposant des mesures restrictives a été adopté sans fournir aucune garantie réelle permettant à l’intéressé d’exposer sa cause aux autorités compétentes, l’imposition de telles mesures constitue une restriction injustifiée de son droit (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 369 et 370).

106    Il convient également de rappeler que si, selon une jurisprudence constante, le droit de propriété est garanti par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux, il ne jouit pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ce droit, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 97, et la jurisprudence citée).

107    C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’analyser le présent moyen.

108    En l’espèce, il convient de constater, premièrement, que l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien du régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 100, et la jurisprudence citée).

109    Deuxièmement, les mesures en cause revêtent également un caractère nécessaire, dès lors que les mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas d’atteindre aussi efficacement l’objectif poursuivi, à savoir la lutte contre le financement du régime syrien, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 101, et la jurisprudence citée).

110    En outre, les actes attaqués comportant les mesures restrictives en cause ont été adoptés en respectant toutes les garanties permettant au requérant d’exercer ses droits de défense, comme il a déjà été relevé aux points 93 à 96 ci-dessus.

111    Troisièmement, les actes attaqués prévoient la possibilité d’autoriser l’utilisation des fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques et de réviser l’inclusion du nom des personnes concernées sur les listes en cause périodiquement, en vue d’assurer que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer dans lesdites listes en soient radiées (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, précité, point 105).

112    Quatrièmement, concernant l’atteinte au droit à la vie privée, c’est à tort que le requérant assimile cette atteinte à la réduction de son niveau de vie. En effet, le droit à la vie privée n’a pas pour vocation de protéger le justiciable contre une perte de son pouvoir d’achat.

113    Par ailleurs, les actes attaqués prévoient également que l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée sur son territoire notamment pour des raisons urgentes d’ordre humanitaire, ce qui a pour effet de limiter ainsi l’atteinte portée au droit à la vie privée du requérant (voir, en ce sens, arrêt Al-Assad/Conseil, précité, point 119).

114    Dès lors, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie et des dérogations envisagées par les actes attaqués, les restrictions au droit de propriété et au respect de la vie privée du requérant causées par les actes attaqués ne sont pas disproportionnées au regard du but poursuivi.

115    Enfin, en ce qui concerne l’atteinte à la réputation du requérant, telle que dénoncée aux points 139 et 140 de la réplique, il convient de constater qu’une telle atteinte est d’abord conditionnée par le requérant à la radiation de son nom des listes en cause, c’est qui n’est pas le cas. Il y a également lieu de relever que les actes attaqués n’ont pas un caractère permanent, puisque la radiation du nom du requérant des listes annexées à ces actes est toujours possible. Enfin, selon la jurisprudence, les mesures en cause ne sont pas des mesures pénales et, à ce titre, ne constituent pas une alternative au procès (arrêts du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, point 101, et Fahas/Conseil, précité, point 67).

116    Il y a lieu de rejeter les présents moyens et partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mohammad Makhlouf est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 janvier 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le français.