Language of document : ECLI:EU:T:2022:815

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 décembre 2022 (*)

 « Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative NEMPORT LİMAN İŞLETMELERİ – Marque de l’Union européenne verbale antérieure Newport – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑18/22,

Nemport Liman İşletmeleri Ve Özel Antrepo Nakliye Ticaret AŞ, établie à Izmir (Turquie), représentée par Me V. Martín Santos, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Newport Europe BV, établie à Moerdijk (Pays-Bas),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik-Bańczyk, présidente, MM. G. Hesse (rapporteur) et I. Dimitrakopoulos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Nemport Liman İşletmeleri Ve Özel Antrepo Nakliye Ticaret AŞ, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 novembre 2021 (affaire R 562/2021-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 31 juillet 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les services relevant notamment de la classe 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Services de transport par terre, air et eau ; transport par pipelines ; gardiennage, conditionnement et emballage de produits ; transport et entreposage de déchets ; courtage de transport ; services de logistique en matière de transport ; services de transport ; services de transport de conteneur ; stockage ; entreposage de conteneurs ; dépôt de marchandises ; entreposage de chargements ; services portuaires [services de mise à quai] ».

4        Le 11 décembre 2019, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, Newport Europe BV, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure Newport, déposée le 23 novembre 2018 et enregistrée le 19 mars 2019 sous le numéro 17989907 pour les services relevant, notamment, de la classe 39 et correspondant à la description suivante : « Location de conteneurs ; entreposage de conteneurs ; services de transport routier de conteneurs ; remplissage de conteneurs ; transport de conteneurs ; location de conteneurs pour l’industrie du transport ; services de remplissage de conteneurs de fret maritime ; services de transport ; transport de fret par bateaux ; transport et entreposage ; réservations pour le transport ; transports aériens ; transport frigorifique d’aliments ; services de location de véhicules de transport ; emballage et entreposage de marchandises ; services de distribution [livraison] ; dépôt de marchandises ; stockage réfrigéré de marchandises ; entreposage et livraison de marchandises ; entreposage de produits en transit ; stockage de produits dans des entrepôts ; informations en matière d’entreposage ; services de conseils concernant la distribution [livraison] de produits ; services d’agences d’expédition ; services de fret pour l’organisation du transport de marchandises ; distribution de marchandises par voie maritime [transport] ; distribution de marchandises par voie aérienne [transport] ; distribution de marchandises par route [transport] ; transport de marchandises ; services d’entrepreneur de transport routier ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 26 janvier 2021, la division d’opposition a accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour tous les services en cause.

8        Le 26 mars 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Plus particulièrement, elle a considéré qu’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, était établi compte tenu, notamment, du caractère distinctif moyen de la marque antérieure, de l’identité des services en cause et de la similitude des signes.

 Conclusions des parties 

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        considérer recevable le recours ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris aux « frais procéduraux entraînés par [s]es décisions ».

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit 

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours a conclu dans la décision attaquée qu’il existait un risque de confusion pour les services en cause. À cet égard, elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que les marques en conflit étaient similaires sur les plans visuel et phonétique et d’avoir commis une erreur en ne prenant pas en compte les différences conceptuelles.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur la comparaison des services en cause

17      Concernant les services en cause, la chambre de recours a souscrit à la conclusion de la division d’opposition selon laquelle les services visés par la demande d’enregistrement étaient identiques aux services de la marque antérieure relevant de la même classe.

18      Cette appréciation de la chambre de recours n’est pas contestée par la requérante.

 Sur le public pertinent

19      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, la chambre de recours a souscrit, aux points 15 et 31 de la décision attaquée, aux appréciations de la division d’opposition, selon lesquelles, d’une part, le public pertinent était constitué à la fois du grand public se situant sur le territoire de l’Union européenne et du public professionnel possédant une expertise et des connaissances professionnelles spécifiques et, d’autre part, le niveau d’attention de ce public pouvait varier de moyen à élevé en fonction du prix, de la nature spécialisée ou des conditions générales des services achetés. En outre, au point 15 de la décision attaquée, ladite chambre a précisé qu’il convenait d’apprécier l’existence d’un risque de confusion selon la perception du public en Espagne en tant que partie du territoire pertinent.

21      La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent est situé sur le territoire de l’Union. Elle fait valoir que les services en cause ne peuvent pas être réservés par un particulier ou un client non professionnel et que les signes en cause s’adressent strictement aux grandes entreprises ou aux administrations publiques. Par conséquent, selon elle, le public pertinent est composé de professionnels du secteur des activités portuaires ayant un niveau d’attention élevé.

22      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Il fait valoir que certains services peuvent également s’adresser au grand public. Selon lui, même si le niveau d’attention à l’égard de certains des services en cause est élevé, cela ne suffit pas pour exclure un risque de confusion, compte tenu notamment de l’identité des services et du degré de similitude existant entre les signes.

23      En premier lieu, quant au choix de la chambre de recours de fonder son appréciation sur la partie du public pertinent situé en Espagne, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que la chambre de recours pouvait limiter, pour des raisons d’économie de procédure, l’appréciation du risque de confusion au public situé en Espagne.

24      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les services en cause s’adressent uniquement aux professionnels, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que certains services comme, par exemple, les services de « transport et [d’]entreposage de marchandises » s’adressent à la fois au grand public et au public professionnel [arrêt du 21 septembre 2017, The Logistical Approach/EUIPO – Idea Groupe (Idealogistic), T‑620/16, non publié, EU:T:2017:635, point 30].

25      En troisième lieu, s’agissant du niveau d’attention du public pertinent, il y a lieu de relever que celui-ci peut varier en fonction du degré de spécialisation et du prix des services pertinents. Les différents services en cause, d’une part, se caractérisent par un prix d’achat élevé et, d’autre part, ne présentent pas un caractère habituel pour le grand public. Dans ces conditions, il convient de constater que le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention compris entre moyen et élevé lors de l’acquisition de ces services, ainsi qu’il a été relevé par la chambre de recours.

 Sur la comparaison des signes en conflit

26      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuel, phonétique et conceptuel [arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30, et du 15 décembre 2010, Novartis/OHMI – Sanochemia Pharmazeutika (TOLPOSAN), T‑331/09, EU:T:2010:520, point 43].

27      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les signes en conflit, considérés chacun dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

28      En l’espèce, la marque antérieure se compose de l’élément verbal « newport ». La marque demandée, quant à elle, se compose de plusieurs éléments verbaux et d’éléments figuratifs. En particulier, la marque demandée contient, dans sa partie supérieure, l’élément verbal « nemport » et, dans sa partie inférieure, l’expression en caractères plus petits « liman işletmeleri », tous écrits en lettres majuscules et dans une police de caractères blanche légèrement stylisée sur un fond rectangulaire horizontal rouge encadré par un rectangle blanc.

 Sur la similitude visuelle

29      La chambre de recours a constaté, au point 23 de la décision attaquée, que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle. Selon elle, l’élément verbal dominant « nemport » dans la marque demandée et la marque antérieure coïncident par la séquence de lettres « n », « e », « p », « o », « r », « t » et diffèrent uniquement par leur troisième lettre, à savoir « w » dans la marque antérieure et « m » dans la marque demandée. Par conséquent, ils coïncident par leur début et leurs quatre dernières lettres, tandis que la seule lettre différente se trouve au milieu, où elle peut être facilement négligée par le consommateur. Elle a noté à cet égard que les signes différaient par l’expression supplémentaire « liman işletmeleri » de la marque demandée, qui en raison de sa plus petite taille et de sa position revêt une importance secondaire, et par ses éléments figuratifs, qui ont très peu d’incidence sur l’impression d’ensemble. Elle a conclu que ces différences n’étaient pas suffisantes pour neutraliser la perception de la similitude entre les signes.

30      La requérante fait valoir que la marque demandée présente une couleur rouge caractéristique et que les lettres sont toutes des majuscules blanches. Cette marque est composée de trois mots qui sont encadrés dans un rectangle blanc. La requérante en conclut que la marque antérieure présente suffisamment de différences avec la marque demandée, car cette dernière contient un élément graphique caractéristique et est composée de plusieurs mots, de sorte que les signes en conflit sont différents.

31      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Il mentionne que lorsqu’un signe est composé d’éléments verbaux et figuratifs, ces derniers jouent, en principe, un rôle secondaire dans la perception du signe et que, en l’espèce, les éléments graphiques de la marque demandée sont purement décoratifs. Il ajoute que la marque antérieure et le premier élément verbal de la marque demandée diffèrent uniquement par leur troisième lettre respective et que ces lettres elles-mêmes présentent des ressemblances sur le plan visuel. Enfin, il fait valoir que les autres éléments verbaux de la marque demandée revêtent une importance secondaire.

32      À titre liminaire, la seule présence des lettres communes ne permet pas en soi de conclure à la similitude visuelle des signes en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 52].

33      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

34      Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus, la comparaison visuelle entre les signes en conflit doit être effectuée sur la base de l’ensemble de leurs différents éléments constitutifs, en tenant compte des éléments dominants.

35      À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours a correctement établi que les termes « nemport » et « newport » coïncidaient dans la quasi-totalité des lettres qui les composaient, à l’exception de leur troisième lettre. Toutefois, les signes en conflit présentent également un certain nombre de différences sur le plan visuel, telles que la présence des mots « liman işletmeleri » dans la marque demandée, qui, contrairement à ce que soutient la chambre de recours, ont une taille plus petite que l’élément verbal « nemport » mais pas pour autant négligeable. Ces deux mots sont écrits en majuscules et sont bien visibles par le public pertinent, de sorte qu’ils sont susceptibles d’attirer l’attention et de mitiger, dans le cadre d’une impression d’ensemble, l’effet produit par les éléments de ressemblance.

36      Il y a lieu, en outre, de rappeler que, selon la jurisprudence, même dans des circonstances où deux marques en conflit comprennent des éléments verbaux revêtant un degré important de similitude, ce fait ne permet pas, à lui seul, de conclure à l’existence d’une similitude visuelle entre les signes en conflit. La présence dans l’un des signes d’éléments figuratifs ayant une configuration particulière et originale est susceptible d’aboutir à ce que l’impression globale fournie par chaque signe soit différente [arrêt du 24 novembre 2005, Simonds Farsons Cisk/OHMI – Spa Monopole (KINJI by SPA), T‑3/04, EU:T:2005:418, point 48 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2003, GIORGIO BEVERLY HILLS, T‑162/01, EU:T:2003:199, point 74].

37      Par ailleurs, contrairement aux allégations de l’EUIPO, les éléments figuratifs de la marque demandée ne jouent pas seulement un rôle décoratif. Il doit être considéré que les éléments figuratifs et verbaux des marques en cause, et plus précisément leurs dispositions et leurs coloris respectifs, contribuent à déterminer l’image que le public pertinent garde en mémoire, sans qu’ils puissent dès lors être négligés lors de la perception de celles-ci.

38      Par conséquent, en l’espèce, à supposer même, ainsi que le prétend l’EUIPO, que l’attention du consommateur se porte plus particulièrement sur le début des éléments verbaux des signes en conflit, eu égard à la différence entre ces éléments verbaux pris globalement et aux différences liées aux éléments figuratifs de la marque demandée, les signes en conflit ne présentent pas, contrairement à l’appréciation de la chambre de recours, un degré moyen de similitude.

39      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que, sur le plan visuel, les signes en conflit sont similaires à un faible degré.

 Sur la similitude phonétique

40      Au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à un degré élevé de similitude phonétique entre les signes en conflit. À cet égard, elle a noté que l’élément dominant de la marque demandée et celui de la marque antérieure coïncidaient par le son des lettres « n », « e », « p », « o », « r », « t », présentes à l’identique dans les deux signes, et par le nombre de syllabes. Ils ont également le même rythme et la même intonation. Elle a également considéré que la prononciation différait par le son de la troisième lettre, à savoir « w » pour l’un et « m » pour l’autre. Selon elle, il est peu probable que l’expression « liman işletmeleri » soit prononcée par le public hispanophone pertinent en raison de sa taille plus petite et de sa position.

41      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours. Elle fait valoir que les éléments clés pour déterminer l’impression phonétique globale d’une marque sont les syllabes, leur séquence particulière et leur accentuation. Elle ajoute que tous les éléments verbaux doivent être pris en considération, indépendamment de leur poids visuel moindre dans l’impact distinctif des marques. La requérante conclut que les signes en conflit sont très différents d’un point de vue phonétique, car ils ne partagent qu’une seule syllabe et diffèrent par toutes les autres.

42      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante. Il fait valoir qu’il est peu probable que le public pertinent fasse référence aux signes en cause du point de vue de la langue anglaise. Par conséquent, la différence au niveau de la troisième lettre, qui est une consonne, sera à peine audible. Il ajoute qu’une partie non négligeable du public pertinent ne prononcera pas les autres mots « liman işletmeleri » lorsqu’elle fera référence à la marque demandée.

43      Premièrement, il convient de relever, à l’instar de la requérante, que les signes en conflit diffèrent par leur première syllabe et n’ont en commun que la seconde syllabe du premier terme. En particulier, la marque antérieure est prononcée « nju port » et la marque demandée « nem port li man is let me le ri » . Ainsi, la présence des mots « liman işletmeleri » dans la seule marque demandée induit une différence significative dans la prononciation de ces signes.

44      Deuxièmement, s’il est vrai que le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots, cette considération ne saurait valoir dans tous les cas [arrêt du 16 mai 2007, Trek Bicycle/OHMI – Audi (ALLTREK), T‑158/05, non publié, EU:T:2007:143, point 70], et cela ne peut en aucun cas remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit tenir compte de l’impression d’ensemble produite par celles-ci, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails [voir arrêt du 10 décembre 2008, Giorgio Beverly Hills/OHMI – WHG (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑228/06, non publié, EU:T:2008:558, point 28 et jurisprudence citée].

45      Or, en l’espèce, la simple coïncidence de la prononciation « port » en cause, laquelle ne correspond qu’à une syllabe dans les éléments verbaux, ne permet pas de conclure, contrairement à l’appréciation de la chambre de recours, à un degré élevé de similitude.

46      Par conséquent, il convient de conclure que les signes en conflit présentent une similitude phonétique faible.

 Sur la similitude conceptuelle

47      La chambre de recours a relevé, au point 26 de la décision attaquée, que la comparaison entre les signes en conflit était neutre sur le plan conceptuel, ceux-ci ne véhiculant aucune signification particulière pour le public pertinent.

48      La requérante avance que les marques comparées ont des significations très différentes. La marque antérieure véhiculerait la signification de « nouveau », un concept qui serait absent de la marque demandée. Elle ajoute que les consommateurs comprendront la signification de la marque Newport  et diviseront le signe en deux mots, à savoir « new » et « port ». De plus, il serait possible qu’une partie des consommateurs donne également à cette marque antérieure la signification d’un lieu en bord de mer ou le nom d’une ville. La requérante considère de plus que les différences conceptuelles qui distinguent les marques peuvent être telles qu’elles neutralisent les similitudes visuelles et phonétiques et permettent la coexistence des signes distinctifs sur le marché et dans le registre.

49      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Il fait valoir qu’aucun des signes en conflit n’a de signification pour le public hispanophone. Selon lui, il est peu probable que le public pertinent hispanophone discerne l’élément verbal « new » dans le signe antérieur, alors même qu’il s’agit d’un mot anglais de base parce que l’autre élément est dépourvu de signification et ne facilite donc pas la séparation de ce signe en deux termes significatifs. En outre, rien dans la représentation du signe antérieur ne pourrait suggérer, pour le public pertinent, qu’il est composé de deux termes distincts. Il ajoute qu’il est également peu probable que le public pertinent en cause perçoive le signe antérieur comme une référence à un lieu géographique. Il conclut que les marques en cause ne peuvent pas être comparées sur le plan conceptuel et que cet aspect n’influence donc pas l’appréciation de la similitude globale entre elles.

50      À cet égard, il est probable, comme le fait valoir la requérante, que le public pertinent comprenne les mots anglais « new » et « port » dans la marque antérieure. En ce qui concerne « new », il s’agit d’un mot anglais de base, comme l’admet également la chambre de recours. Il en va de même pour le mot « port », d’autant plus à cause de sa similitude avec sa traduction espagnole (puerto). Or, contrairement à ce que soutient la chambre de recours, ces deux mots ont une signification sémantique et renvoient aux « services portuaires » comme une partie des services en cause, au moins pour une partie non négligeable du public pertinent.

51      S’agissant des éléments verbaux présents dans la marque demandée, la requérante ne conteste pas les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles ils sont dépourvus de signification pour le public pertinent concerné.

52      Il résulte des éléments qui précèdent concernant la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel que ceux-ci sont différents.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

53      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’une marque ou d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cette marque ou de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de la marque ou de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du 14 septembre 2017, Aldi Einkauf/EUIPO – Weetabix (Alpenschmaus), T‑103/16, non publié, EU:T:2017:605, point 48 et jurisprudence citée].

54      Ainsi, le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important. Donc, comme la protection d’une marque enregistrée dépend, selon l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de l’existence d’un risque de confusion, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance dont elles font l’objet sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18).

55      En l’espèce, au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, compte tenu du fait que la marque antérieure était dépourvue de signification pour les services en cause, son caractère distinctif devait être considéré comme moyen.

56      La requérante conteste le caractère distinctif de la marque antérieure dans son ensemble et estime que celui-ci n’est que très faible. Elle indique que l’élément verbal « new » n’est pas distinctif et que l’élément verbal « port » n’est pas fantaisiste non plus en ce qui concerne les « services portuaires ».

57      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante. Il fait valoir que le public pertinent hispanophone ne décomposera pas la marque antérieure et la percevra comme un mot dépourvu de signification.

58      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que les termes « new » et « port » font partie du vocabulaire de base anglais et sont connus dans l’ensemble de l’Union. Certes, il y a lieu d’observer qu’une partie substantielle du public pertinent comprendra la signification du terme « port » comme un « abri naturel ou artificiel pour les bâtiments de navigation, muni des installations nécessaires à l’embarquement et au débarquement du fret et des passagers », ainsi que le définit le dictionnaire Larousse. Ainsi, le terme équivalent en espagnol, à savoir « puerto », est également similaire. À cet égard, il est probable que le public pertinent associe ce terme aux services concernés qui comprennent surtout des services portuaires, comme le fait valoir à juste titre la requérante.

59      Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’argument de la requérante s’agissant du caractère distinctif faible de la marque antérieure est fondé.

 Sur le risque de confusion

60      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

61      Par ailleurs, le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24).

62      En plus, dans l’appréciation globale du risque de confusion, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids. Il importe d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché. L’importance des éléments de similitude ou de différence des signes peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux‑ci ou des conditions de commercialisation des produits ou services que les marques en conflit désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins en libre-service où le consommateur choisit lui-même le produit et doit dès lors se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance. Si, en revanche, le produit visé est surtout vendu oralement, il sera normalement attribué plus de poids à une similitude phonétique des signes [arrêt du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, EU:C:2004:293, point 49].

63      En l’espèce, aux points 30 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion compte tenu de l’identité des services en cause, de la similitude visuelle moyenne et de la similitude phonétique élevée entre les signes en conflit ainsi que du caractère distinctif moyen de la marque antérieure.

64      La requérante souligne que les signes en conflit sont différents sur le plan visuel, phonétique et conceptuel. Ainsi, selon elle, le public est composé exclusivement de professionnels et son niveau d’attention est très élevé. Par conséquent, il n’existerait aucun risque de confusion.

65      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Il fait valoir que les marques en conflit présentent un degré moyen de similitude visuelle et un degré élevé de similitude phonétique et que l’aspect conceptuel ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de la similitude globale entre elles. En outre, la marque antérieure posséderait un degré normal de caractère distinctif étant donné qu’elle sera perçue comme un élément verbal dépourvu de signification. Il conclut que, compte tenu de l’identité des services concernés, il existe un risque de confusion même pour la partie du public pertinent faisant preuve d’un niveau d’attention élevé.

66      En l’espèce, il convient de relever que, comme cela est constaté aux points 17 et 18 ci-dessus, les services en cause sont identiques. Compte tenu, d’une part, de ce que les signes en conflit sont faiblement similaires sur les plans visuel (voir point 39 ci-dessus) et phonétique (voir point 46 ci-dessus) et différents sur le plan conceptuel (voir point 52 ci-dessus) et, d’autre part, de ce que la marque antérieure a un caractère distinctif faible et de ce que le niveau d’attention du public pertinent va varier de moyen à élevé, il convient de considérer, en application du principe d’interdépendance des facteurs à prendre en considération tel que rappelé au point 60 ci-dessus, qu’aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent ne saurait être constaté.

67      Par conséquent, le moyen unique invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, est fondé.

68      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens 

69      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      L’EUIPO ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

71      En outre, la requérante a conclu à ce que l’EUIPO soit condamné à supporter, outre les « dépens exposés […] dans le cadre du présent recours », les « frais procéduraux entraînés par [s]es décisions ». Elle doit ainsi être regardée comme demandant au Tribunal de condamner l’EUIPO aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure administrative devant lui.

72      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’EUIPO, ayant succombé en ses conclusions, soit condamné aux dépens de la procédure administrative devant lui ne peut être accueillie que s’agissant des dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 novembre 2021 (affaire R 562/2021-4) est annulée.



2)      L’EUIPO est condamné aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Dimitrakopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.