Language of document : ECLI:EU:T:2002:28

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 février 2002 (1)

«Marque communautaire - Forme de lampes de poche - Marque tridimensionnelle - Motif absolu de refus - Caractère distinctif - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94»

Dans l'affaire T-88/00,

Mag Instrument Inc., établie à Ontario (États-Unis d'Amérique), représentée par Mes A. Nette, W. von der Osten-Sacken, H. Stratmann, G. Rahn et U. Hocke, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. von Mühlendahl, E. Joly et Mme S. Bonne, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 14 février 2000 (affaires R-237/1999-2 à R-241/1999-2) refusant l'enregistrement de cinq marques tridimensionnelles constituées par des formes de lampes de poche,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 avril 2000,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 11 août 2000,

à la suite de l'audience du 31 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Le 29 mars 1996, la requérante a présenté, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, cinq demandes de marques tridimensionnelles communautaires à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«Office»).

2.
    Les marques tridimensionnelles dont l'enregistrement a été demandé sont des formes de lampes de poche cylindriques commercialisées par la demanderesse.

3.
    Les produits pour lesquels l'enregistrement a été demandé relèvent, après la modification effectuée par la requérante à cet égard le 18 novembre 1997, des classes 9 et 11 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques,du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent à la description suivante: «Accessoires pour appareils d'éclairage, notamment lampes de poche» et «Appareils d'éclairage, notamment lampes de poche, y compris pièces détachées et accessoires pour les produits précités».

4.
    Par trois décisions du 11 mars 1999 et par deux décisions du 15 mars 1999, l'examinateur a rejeté les demandes au titre de l'article 38 du règlement n° 40/94 au motif que les marques demandées étaient dépourvues de caractère distinctif.

5.
    Le 11 mai 1999, la requérante a formé un recours auprès de l'Office au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94 contre chacune des cinq décisions de l'examinateur.

6.
    Les recours ont été rejetés par décision du 14 février 2000 (ci-après la «décision attaquée»).

7.
    Dans cette décision, la chambre de recours a considéré, après avoir rappelé le contenu de l'article 4 du règlement n° 40/94, que, en l'absence d'usage, et afin que la seule forme d'un produit puisse constituer un signe distinctif de l'origine du produit, cette forme doit présenter des caractéristiques suffisamment différentes de la forme habituelle du produit pour qu'un acheteur potentiel la perçoive d'abord comme étant une indication de l'origine du produit et non comme une représentation du produit lui-même. La chambre de recours a, en outre, estimé que, si la forme ne présente pas suffisamment de différence par rapport à la forme habituelle du produit et, donc, si l'acheteur potentiel ne la perçoit que comme représentant le produit, cette forme est alors descriptive et tombe dans le champ d'application de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, de la même façon qu'un mot uniquement constitué par le nom du produit. Selon la chambre de recours, la question essentielle est celle de savoir si la représentation d'une des marques demandées indique immédiatement à l'acheteur moyen de lampes de poche qu'il s'agit d'une lampe de poche qui provient d'une origine déterminée, ou simplement d'une lampe de poche. La chambre de recours ajoute d'une part, que le fait que le design des produits de la requérante soit attrayant n'implique pas nécessairement qu'il est distinctif de façon intrinsèque. D'autre part, elle affirme que le fait qu'un signe devrait être refusé en vertu de l'article 7, paragraphe 1, sous b), au motif qu'il est dépourvu de tout caractère distinctif, ne signifie pas qu'il faille enregistrer une marque ayant le moindre trait de ce caractère. Elle estime qu'il résulte de l'essence même du règlement n° 40/94 que le niveau de caractère distinctif exigé doit être d'un degré tel que la marque puisse fonctionner comme une indication d'origine. La chambre de recours conclut que, malgré les nombreux attributs attrayants de chaque forme, aucune n'est intrinsèquement distinctive pour l'acheteur moyen d'une lampe de poche (points 11 à 18 de la décision attaquée).

Conclusions des parties

8.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner l'Office aux dépens.

9.
    L'Office conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

10.
    Dans sa requête, la requérante invoque quatre moyens. La requérante ayant renoncé à trois d'entre eux au cours de l'audience, il n'y a lieu d'examiner que la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Arguments des parties

11.
    La requérante fait valoir d'abord que le principe selon lequel un signe est pourvu de caractère distinctif s'il est apte à être perçu comme indiquant que le produit provient d'une entreprise déterminée est applicable pour les marques tridimensionnelles.

12.
    Ensuite, elle soutient, premièrement, que les marques demandées ne sont pas dépourvues de caractère distinctif.

13.
    À cet égard, la requérante prétend, d'une part, plusieurs arguments à l'appui, que, contrairement à ce qu'affirme l'Office, il n'existe pas de «forme usuelle» pour une lampe de poche et que les formes correspondant aux marques demandées ne constituent pas une «forme générique» de lampes de poche.

14.
    D'autre part, la requérante fait valoir que les exigences établies par le règlement n° 40/94 quant au caractère distinctif des marques tridimensionnelles se limitent au seul motif de refus prévu par l'article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement et qu'il n'existe aucun autre obstacle additionnel à l'enregistrement de ces marques.

15.
    En se référant à la décision attaquée, la requérante estime que celle-ci ne contient pas les critères auxquels doit obéir une marque tridimensionnelle pour qu'on lui reconnaisse un caractère distinctif. En particulier, la requérante considère que la chambre de recours ne présente aucun argument à l'appui de son affirmation relative à l'absence de caractère distinctif d'une forme de lampe de poche. De plus, la chambre de recours omet d'indiquer dans quel cas l'acheteur moyen peutadmettre qu'une forme de lampe de poche indique l'origine du produit. Elle soutient à tort que les termes «dépourvues de caractère distinctif» ne signifient pas que toute marque présentant le moindre signe de caractère distinctif doive être enregistrée. Ensuite, elle n'indique pas les raisons pour lesquelles les marques demandées n'atteignent pas le degré de caractère distinctif nécessaire pour permettre à la marque de signaler la provenance du produit. En procédant de la sorte, elle pose des exigences supérieures quant au caractère distinctif des marques tridimensionnelles, par rapport à celles applicables aux autres marques.

16.
    La requérante considère, au contraire, que, en vertu des effets émotionnels que suscite la perception inconsciente de la forme des objets, celle-ci agit directement et possède un caractère distinctif supérieur à celui des marques verbales. Par conséquent, les exigences quant au caractère distinctif des marques tridimensionnelles doivent être inférieures à celles concernant les signes verbaux ou, tout au plus, égales à celles applicables aux autres catégories de marque. La protection de la marque ne peut donc être refusée que lorsque la marque est «dépourvue de caractère distinctif», un faible niveau de ce caractère étant suffisant pour écarter l'obstacle à l'enregistrement.

17.
    Deuxièmement, la requérante présente un ensemble d'éléments, méconnus par la chambre de recours, tendant à démontrer que les marques demandées sont pourvues de caractère distinctif.

18.
    À cet égard, elle se réfère d'abord à l'expertise du professeur Stefan Lengyel sur l'originalité, la créativité et le caractère distinctif de la forme des lampes de poche en cause et propose son audition comme témoin. Cet expert se prononce, notamment, sur le programme complet de lampes développé par la requérante (le programme Mag), lequel constitue un exemple remarquable de produits de haute qualité technique pour lesquels la fonction sémantique, en tant qu'attribut porteur, s'est réalisée dans la forme esthétique. Il estime que, si toute la gamme des produits Mag Lite se caractérise par une concordance des formes, chacun de ces produits, y compris la lampe de poche «Solitaire», garde le caractère distinctif qui lui est propre. Il se prononce également sur les lampes Mini Maglite et Mag Lite.

19.
    Ensuite, à l'appui du fait que le caractère distinctif des formes pour lesquelles l'enregistrement a été demandé est reconnu au niveau international, la requérante expose plusieurs éléments, parmi lesquels la référence aux lampes en question faite dans le cadre de plusieurs ouvrages, leur présence dans les collections de différents musées et l'obtention de prix internationaux.

20.
    Troisièmement, la requérante cite des décisions de plusieurs juridictions portant reconnaissance du caractère distinctif de la lampe de poche Mini Maglite.

21.
    Quatrièmement, la requérante fait valoir que l'aptitude des marques demandées à indiquer que le produit provient d'une entreprise déterminée est, en outre,prouvée par le fait que les formes des lampes de poche en cause ont été utilisées comme élément d'indication d'origine. En effet, ainsi qu'il ressort de la publication française Faux ou vrais - Les grandes marques et leurs copies, l'apparition de contrefaçons des modèles originaux de la requérante sur le marché a provoqué une grande confusion sur celui-ci et a abouti à ce que des imitations de faible qualité soient envoyées pour réparation aux distributeurs de la requérante, comme le confirment les déclarations de deux avocats présentées par la requérante. La requérante observe, en outre, que, dans la publication susmentionnée, il est affirmé qu'à ce jour on n'a jamais trouvé une fausse Maglite griffée de la marque originale. Il peut en être déduit qu'il suffit à l'auteur de la copie de reprendre la forme de la lampe qui est pourvue de caractère distinctif indiquant au consommateur que le produit provient d'une entreprise déterminée, à savoir, la requérante.

22.
    Par ailleurs, les auteurs des copies ont souvent fait de la publicité pour leurs produits à l'aide du design original des lampes de poche Mag Lite, comme c'est le cas d'un magasin d'articles de sport, lequel, en 1996, a vanté une copie de ces lampes en indiquant qu'elle «a le design de la lampe culte Mag Lite».

23.
    Cinquièmement et dernièrement, la requérante affirme que les autorités nationales ont également reconnu le caractère distinctif des formes de lampes de poche de la requérante, puisqu'elles ont déjà été enregistrées dans divers pays de l'Union européenne (Allemagne, France, Royaume-Uni, Benelux), aux États-Unis et en Suisse, pays dont la législation établit des conditions d'enregistrement comparables à celles du règlement n° 40/94.

24.
    L'Office souligne, en premier lieu, que les formes demandées comme marques doivent être considérées comme usuelles et ne peuvent, donc, exercer la fonction d'indication de l'origine assignée à la marque.

25.
    En deuxième lieu, l'Office conteste que les formes, en tant que marques, aient, par rapport aux autres signes, une plus grande aptitude à exercer une fonction distinctive. Par ailleurs, les éléments soumis par la requérante concernant la notoriété dont jouissent les formes de lampes de poche concernées peuvent être pris en compte par l'Office mais ne lient aucunement ce dernier.

26.
    En troisième lieu, selon l'Office, les lampes en cause devraient plutôt bénéficier d'une protection par brevet. En revanche, s'agissant des marques, en l'occurrence tridimensionnelles, celles-ci doivent présenter une configuration inhabituelle et arbitraire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

27.
    En dernier lieu, l'Office considère que les enregistrements nationaux de certaines des formes de lampes demandées comme marques ne l'obligent pas à les enregistrer. En particulier, l'Office fait valoir, en ce qui concerne l'enregistrement de celles-ci au Benelux, qu'au moment où il a eu lieu l'Office du Benelux n'examinait pas le caractère distinctif ou descriptif des marques et procédait à leur enregistrement automatique, un tel examen n'ayant été introduit qu'en 1996.S'agissant de l'enregistrement de celles-ci au Royaume-Uni, celui-ci a été obtenu par la démonstration que la forme concernée y aurait acquis le caractère distinctif par l'usage. De même, aux États-Unis, la demande d'enregistrement de la forme a été introduite en 1984 et l'enregistrement obtenu en 1997 ce qui permet de penser que celui-ci a été obtenu parce que la marque est devenue distinctive par l'usage. Quant aux enregistrements en Allemagne et en Suisse, rien n'est précisé en ce qui concerne les circonstances de leur obtention. Par ailleurs, en Allemagne, des documents non officiels (base de données Delmas) laissent croire que des procédures d'annulation sont en cours.

Appréciation du Tribunal

28.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif».

29.
    Une marque est pourvue de caractère distinctif lorsqu'elle permet de distinguer, selon leur origine, les produits ou services pour lesquels son enregistrement a été demandé.

30.
    Le caractère distinctif d'une marque doit être apprécié, d'une part, par rapport à ces produits et services et, d'autre part, par rapport à la perception d'un public ciblé, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services.

31.
    Dans le cadre de cette appréciation, il convient d'observer que la marque ne doit pas nécessairement permettre au public ciblé d'identifier le fabricant du produit ou le prestataire du service, en lui transmettant une indication précise quant à leur identité. En effet, conformément à une jurisprudence constante (voir, notamment, l'arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 28), la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'origine du produit ou du service désigné par la marque. La marque doit permettre au public ciblé de distinguer ces produits ou ces services de ceux qui proviennent d'autres entreprises et de croire que tous les produits ou services qu'elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle du titulaire de cette marque auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité. Ce n'est qu'ainsi que la marque permettra au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d'une acquisition ultérieure, le même choix si l'expérience s'avère positive ou de faire un autre choix si elle s'avère négative.

32.
    Il convient de constater, en outre, que l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, qui établit le refus d'enregistrement pour les marques dépourvues de tout caractère distinctif, ne fait aucune distinction concernant différentes catégories de marques. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'appliquer des critères, ou de poser des exigences, plus sévères lors de l'appréciation du caractèredistinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme des produits eux-mêmes, comme celles demandées en l'espèce, par rapport aux critères ou exigences appliqués à d'autres catégories de marques.

33.
    Cependant, l'appréciation du caractère distinctif d'une marque implique la prise en considération de tous les éléments pertinents liés aux circonstances spécifiques de l'espèce. Parmi ces éléments, il ne saurait être exclu que la nature de la marque dont l'enregistrement est demandé puisse influencer la perception que le public ciblé aura de la marque.

34.
    Conformément aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il s'avère, par ailleurs, suffisant d'établir que la marque a un minimum de caractère distinctif pour que ce motif absolu de refus ne trouve pas à s'appliquer. Il convient donc de rechercher - dans le cadre d'un examen a priori et en dehors de tout usage effectif du signe au sens de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 - si la marque demandée permettra au public ciblé de distinguer les produits ou services visés de ceux provenant d'autres entreprises, lorsqu'il sera appelé à effectuer son choix lors de l'acquisition de ces produits ou services.

35.
    Le caractère distinctif des marques doit être apprécié en tenant compte de l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêts de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 26, et du Tribunal du 7 juin 2001, DKV/OHMI (EuroHealth), T-359/99, point 27, non encore publié au Recueil]. Les produits dont l'enregistrement de la forme a été demandé en tant que marque, en l'espèce, cinq formes de lampes de poche, sont des biens de consommation générale et le public ciblé doit donc être considéré comme étant composé de tous les consommateurs.

36.
    Pour apprécier si les cinq formes de lampes de poche dont l'enregistrement a été demandé en tant que marque peuvent influer sur la mémoire du consommateur moyen en tant qu'indication d'origine, c'est-à-dire, de manière à individualiser les produits et à les associer à une origine commerciale déterminée, il y a lieu de relever d'abord qu'elles se caractérisent par le fait d'être cylindriques. Cette forme cylindrique constitue une des formes habituelles des lampes de poche. Dans quatre des demandes présentées, le corps cylindrique des lampes de poche s'évase à l'extrémité où se situe l'ampoule, alors que, dans la cinquième demande, la lampe ne comporte pas un tel évasement, étant purement cylindrique. Dans toutes ces demandes, les marques correspondent à des formes communément utilisées par d'autres fabricants de lampes de poche présentes sur le marché. Les marques demandées fournissent plutôt ainsi au consommateur une indication sur un produit et ne permettent pas d'individualiser ce produit et l'associer à une origine commerciale déterminée.

37.
    Ensuite, s'agissant des caractéristiques auxquelles la requérante se réfère pour considérer les formes demandées en tant que marques comme ayant la capacité intrinsèque de distinguer ses produits de ceux de ses concurrents, dont notamment,leurs qualités esthétiques et leur design d'une originalité rare, il y a lieu de relever que de telles formes apparaissent, par ces caractéristiques, plutôt comme des variantes d'une des formes habituelles des lampes de poche que comme des formes capables d'individualiser les produits en cause et de signaler, à elles seules, une origine commerciale déterminée. Le consommateur moyen est habitué à voir des formes analogues à celles en cause, présentant une large variété de design. Les formes dont l'enregistrement a été demandé ne se différencient pas des formes du même type de produits trouvés communément dans le commerce. Il n'est donc pas exact de prétendre, comme le fait la requérante, que les particularités des formes des lampes de poche en cause, dont, notamment, leur esthétique, attirent l'attention du consommateur moyen sur l'origine commerciale des produits.

38.
    Par ailleurs, l'argument de la requérante, selon lequel les formes, en tant que marques, ont un caractère distinctif supérieur à celui des marques verbales, ne saurait être retenu. À cet égard, il convient d'observer que si le consommateur moyen du produit en cause a l'habitude de percevoir les marques verbales comme étant des signes identificateurs du produit, il n'en va pas nécessairement de même en ce qui concerne les marques qui sont constituées par la forme du produit lui-même, comme cela est le cas dans la présente affaire. Les exigences quant au caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme des produits ne sauraient donc être inférieures à celles concernant les marques verbales, dès lors que c'est plutôt sur celles-ci que le consommateur a l'habitude de diriger son attention.

39.
    La possibilité que le consommateur moyen ait pu acquérir l'habitude de reconnaître les produits de la requérante sur la base de leur seule forme ne saurait écarter, en l'espèce, l'application du motif absolu de refus établi par l'article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement n° 40/94. Une telle perception des marques demandées ne pourrait être prise en considération que dans le cadre de l'application de l'article 7, paragraphe 3, dudit règlement, lequel n'a, à aucun moment de la procédure, été invoqué par la requérante. Tous les éléments présentés par la requérante, invoqués ci-dessus aux points 17 à 19, 21 et 22 tendant à démontrer le caractère distinctif des marques demandées, sont liés à la possibilité qu'un tel caractère soit acquis pour les lampes de poche en cause après l'usage qui en aurait été fait et ne sauraient, dès lors, être considérés comme pertinents dans le cadre de l'appréciation de leur caractère distinctif intrinsèque, conformément à l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

40.
    Au vu des considérations qui précèdent, les marques tridimensionnelles demandées en l'espèce ne peuvent donc, telles qu'elles sont perçues par un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, individualiser les produits visés et les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale.

41.
    Cette conclusion ne saurait être infirmée par l'argumentation de la requérante tirée de la pratique de certains offices nationaux des marques et de décisions prises parcertaines juridictions nationales. Il convient de rappeler à cet égard que, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d'un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T-32/00, Rec. p. II-3829, point 47]. Par conséquent, le caractère enregistrable d'un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. Dès lors, l'Office et, le cas échéant, le juge communautaire, ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d'un État membre, voire d'un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale.

42.
    Par conséquent, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a conclu à juste titre que les marques tridimensionnelles demandées sont dépourvues de caractère distinctif. Le recours doit, dès lors, être rejeté.

Sur les dépens

43.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l'Office, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)     Le recours est rejeté.

2)     La partie requérante est condamnée aux dépens.

Mengozzi Tiili Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: l'allemand.