Language of document : ECLI:EU:T:2014:283

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT TRIBUNAL

23 mai 2014 (*)

« Référé – Subventions – Importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de Chine – Droit compensateur définitif – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l'affaire T‑142/14 R,

SolarWorld AG, établie à Bonn (Allemagne),

Brandoni solare SpA, établie à Castelfidardo (Italie),

Solaria Energia y Medio Ambiente, SA, établie à Madrid (Espagne),

représentées par Mes L. Ruessmann, avocat, et J. Beck, solicitor,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de l’article 2 du règlement d’exécution (UE) n° 1239/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 325, p. 66),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, SolarWorld AG, Brandoni solare SpA et Solaria Energia y Medio Ambiente, SA, sont des producteurs de l’Union de modules photovoltaïques en silicium cristallin et de leurs composants essentiels (ci-après le « produit concerné »).

2        Le 8 novembre 2012, la Commission européenne a annoncé, par un avis publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 340, p. 13), l’ouverture d’une procédure antisubventions concernant les importations, dans l’Union, du produit concerné originaire de Chine, à la suite d’une plainte déposée par EU ProSun au nom de producteurs représentant plus de 25 % de la production totale du produit concerné réalisée dans l’Union.

3        Dans le cadre de la procédure antidumping menée en parallèle, a été adopté le règlement (UE) nº 513/2013 de la Commission, du 4 juin 2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) nº 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 152, p. 5, ci-après le « règlement antidumping provisoire »).

4        À la suite de l’adoption du règlement antidumping provisoire, un groupe de producteurs-exportateurs ayant coopéré, y compris leurs sociétés liées établies en Chine et dans l’Union européenne, en concertation avec la chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques, a offert un engagement commun de prix conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51). L’offre d’engagement a également reçu l’appui des autorités chinoises. L’offre a été acceptée par la décision nº 2013/423/UE de la Commission, du 2 août 2013, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 209, p. 26). Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 septembre 2013, les requérantes ont introduit un recours en annulation dirigé contre ladite décision, enregistrée sous la référence T-507/13.

5        Le même groupe de producteurs, en liaison avec la chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques, a formulé une demande afin que les conditions de l’engagement soient acceptées par la Commission également en vue d’éliminer tout effet préjudiciable des importations subventionnées. La décision d’exécution nº 2013/707/UE de la Commission, du 4 décembre 2013, confirmant l’acceptation d’un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine pour la période d’application des mesures définitives (JO L 325, p. 214, ci-après la « décision de confirmation »), a confirmé l’acceptation de l’engagement, tel que modifié, y compris en ce qui concerne les subventions. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 décembre 2013, les requérantes ont adapté leurs conclusions initiales dans l’affaire T-507/13, de sorte que le recours vise également à l’annulation de la décision de confirmation.

6        Le règlement d’exécution (UE) n° 1239/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 325, p. 66, ci-après le « règlement attaqué »), a institué des mesures compensatoires définitives afin d’empêcher que l’industrie de l’Union continue de subir un préjudice causé par les importations faisant l’objet de subventions. L’article 2 du règlement attaqué exonère du paiement des droits antisubventions les producteurs-exportateurs chinois mentionnés à l’annexe de la décision de confirmation.

7        En parallèle, le 5 décembre 2013, le règlement d’exécution (UE) nº 1238/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 325, p. 1, ci-après le « règlement antidumping définitif ») a confirmé pour l’essentiel les constatations de la Commission figurant dans le règlement antidumping provisoire. L’article 3 du règlement antidumping définitif exonère du paiement des droits antidumping les producteurs-exportateurs chinois mentionnés à l’annexe de la décision de confirmation. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2014, les requérantes ont introduit un recours visant à l’annulation partielle du règlement antidumping définitif, enregistrée sous la référence T-141/14. Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 31 mars 2014, les requérantes ont également introduit une demande en référé, dans laquelle elles concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution de l’article 3 du règlement antidumping définitif jusqu’à l’adoption de la décision mettant fin au litige principal, enregistrée sous la référence T-141/14 R.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2014, les requérantes ont introduit un recours visant à l’annulation partielle du règlement attaqué. À l’appui de leur recours, en substance et en premier lieu, elles font valoir que l’article 2 du règlement attaqué a été pris en violation de l’article 13 du règlement (CE) nº 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 188, p. 93, ci-après le « règlement antisubventions de base »), dans la mesure où il exonère des droits antisubventions les producteurs chinois pour lesquels la Commission a accepté un engagement conjoint, alors même que l’article 13 du règlement antisubventions de base autorise la Commission à accepter des engagements de prix de la part de producteurs-exportateurs individuels. À titre subsidiaire, elles font valoir que la négociation d’un tel engagement conjoint soumet les institutions à un devoir de diligence et d’information encore plus élevé, qui n’a pas été respecté en l’espèce. En deuxième lieu, elles font valoir que le règlement attaqué viole l’article 13 du règlement antisubventions de base, dans la mesure où des producteurs chinois seraient exonérés des droits antisubventions sur la base d’un accord portant sur un engagement conjoint invalide. L’invalidité dudit accord serait liée au fait qu’il aurait fixé des prix minimaux à l’importation à un niveau qui n’aurait pas éliminé le préjudice causé par les importations faisant l’objet de subventions. Il serait en outre fondé, sans justification, sur des données postérieures à la période d’enquête, ainsi que sur le constat erroné que la combinaison des prix minimaux à l’importation postérieurs à la période d’enquête et des niveaux annuels d’importation éliminerait les effets préjudiciables des subventions. En troisième lieu, elles font valoir que l’article 2 du règlement attaqué viole l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où il accorderait à certains producteurs chinois une exonération des mesures de défense commerciale sur la base d’une offre d’engagement, acceptée et confirmée par décisions de la Commission, qui constituerait une entente horizontale sur les prix.

9        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 31 mars 2014, les requérantes ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle elles concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution de l’article 2 du règlement attaqué jusqu’à ce que le Tribunal statue au fond ;

–        condamner le Conseil de l’Union européenne aux dépens.

10      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 11 avril 2014, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, la rejeter comme non fondée ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2014, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

 En droit

12      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la demande en référé après renvoi, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

13      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du président du Tribunal du 17 janvier 2013, Slovénie/Commission, T‑507/12 R, non publiée au Recueil, point 6).

14      En outre, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le juge des référés peut ordonner le sursis à exécution et d’autres mesures provisoires s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 22]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

15      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

16      En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées par le Conseil, il convient d’examiner d’emblée si la condition relative à l’urgence est remplie.

17      À cet égard, il y a lieu de souligner que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire (ordonnance du président de la Cour du 17 juillet 2001, Commission/NALOO, C‑180/01 P‑R, Rec. p. I‑5737, point 52). C’est à cette dernière partie qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président de la Cour du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, Rec. p. I‑6229, point 50).

18      S’il est exact que, pour établir l’existence d’un préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue et qu’il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable [ voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67].

19      En l’espèce, les requérantes soutiennent qu’il y a une urgence particulière à suspendre l’application de l’article 2 du règlement attaqué, étant donné que, dans le cas contraire, leur liberté d’entreprise, consacrée à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que leur droit à un recours juridictionnel effectif, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, subiraient une atteinte grave et irréparable. À cet égard, les requérantes s’appuient sur les ordonnances du président du Tribunal du 11 mars 2013, Pilkington Group/Commission (T‑462/12 R, non encore publiée au Recueil) et du 25 avril 2013, InterMune UK e.a./EMA (T‑73/13 R, non publiée au Recueil), dans lesquelles il a été jugé que, au plus tard depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui a élevé la charte des droits fondamentaux au rang de droit primaire de l’Union et dispose que la charte des droits fondamentaux a la même valeur juridique que les traités, le risque imminent d’une violation grave et irréparable des droits fondamentaux doit être qualifié, en soi, de préjudice justifiant l’octroi de mesures de protection provisoire.

20      Or, force est de constater à cet égard que, saisi, sur pourvoi, des ordonnances Pilkington Group/Commission et InterMune UK e.a./EMA, précitées, le vice-président de la Cour, se référant à la jurisprudence et en particulier à l’ordonnance du président de la Cour du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil [C‑43/98 P(R), Rec. p. I‑1815], a jugé qu’il ne suffit pas d’alléguer, de façon abstraite, une atteinte à des droits fondamentaux pour établir que le dommage qui pourrait en découler a nécessairement un caractère irréparable. La protection renforcée des droits fondamentaux qui découlerait du traité de Lisbonne ne remet pas en cause cette jurisprudence, dès lors que ces droits, et notamment ceux invoqués en l’espèce, étaient déjà protégés dans le droit de l’Union avant l’entrée en vigueur de ce traité [ordonnances du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), non encore publiée au Recueil, point 40, et du 28 novembre 2013, EMA/InterMune UK e.a., C‑390/13 P(R), non encore publiée au Recueil, point 42].

21      Certes, la violation de certains droits fondamentaux, tels que l’interdiction de la torture et des peines ou des traitements inhumains ou dégradants, consacrée à l’article 4 de la charte des droits fondamentaux, est susceptible, en raison de la nature même du droit violé, de donner lieu par elle-même à un préjudice grave et irréparable. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 17 et 18 ci-dessus, il appartient toujours à la partie qui sollicite l’adoption d’une mesure provisoire d’exposer et d’établir la probable survenance d’un tel préjudice dans son cas particulier (ordonnances Commission/Pilkington Group, précitée, point 41, et EMA/InterMune UK e.a., précitée, point 43).

22      En l’espèce, les requérantes sollicitent l’adoption de mesures provisoires en vue de prévenir une atteinte à la liberté d’entreprise. Or, une atteinte à cette liberté ne serait en mesure de causer un préjudice grave et irréparable que dans certaines circonstances, qui dépendent, notamment, de l’importance de l’atteinte ou encore des spécificités de l’activité de l’entreprise sollicitant les mesures provisoires. De plus, il convient de souligner que cette liberté n’apparaît pas comme une prérogative absolue, mais doit être prise en considération par rapport à sa fonction dans la société. Des restrictions peuvent lui être apportée, à condition qu’elles répondent à des objectifs d’intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même de la liberté ainsi garantie (arrêt de la Cour du 14 mai 1974, Nold/Commission, 4/73, Rec. p. 491, point 14).

23      Par conséquent, l’éventuelle violation, par l’article 2 du règlement attaqué, de la liberté d’entreprise, consacré à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux, ne suffirait pas en elle-même à établir le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable dans les circonstances de l’espèce. L’argument des requérantes à cet égard doit donc être rejeté.

24      Par ailleurs, les requérantes prétendent que, en l’absence de suspension de l’article 2 du règlement attaqué, elles subiront une atteinte à leur droit à un recours juridictionnel effectif contre la violation de leur liberté d’entreprise pendant toute la durée de l’instance au fond. En particulier, elles soutiennent que, même en cas d’annulation ex tunc de l’article 2 du règlement attaqué, celui-ci aura déployé son plein effet tout au long de la période d’application et rien ne permettra de réparer le préjudice causé aux droits fondamentaux des requérantes en raison de l’application de ces mesures alors que le litige était encore pendant.

25      Or, il suffit de relever que les conditions de forme et de fond préalables à l’octroi, par le juge des référés de l’Union, d’une mesure provisoire, et notamment celle tenant à l’existence d’un préjudice grave et irréparable, ne peuvent pas, en soi, être qualifiées d’atteinte au droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 9 juin 2011, Eurallumina/Commission, T‑62/06 RENV‑R, non publiée au Recueil, point 51, et du 10 juin 2011, Eurallumina/Commission, T‑207/07 R, non publiée au Recueil, point 54). Le fait que les requérantes sont susceptibles de subir un préjudice ne remplissant pas les conditions pour que soient accordées les mesures provisoires demandées n’est donc pas de nature à constituer une atteinte à leur droit à un recours effectif. Par conséquent, l’argument des requérantes doit être rejeté.

26      Enfin, les requérantes font valoir certains autres éléments afin de démontrer le bien-fondé de leur demande en référé, au regard de la condition de l’urgence.

27      En premier lieu, les requérantes avancent que l’article 2 du règlement attaqué, en supprimant les droits antisubventions pour certaines entreprises, forcera les producteurs de l’Union à réduire leur production ou à fermer leur usine. Elles avancent également que le mécanisme d’ajustement des prix minimaux à l’importation prévu par cette disposition entraînera, à terme, une élimination totale et rapide des producteurs de l’Union du produit concerné encore en activité. À l’appui de ces affirmations, les requérantes produisent une liste d’entreprises européennes du secteur de l’énergie solaire photovoltaïque qui, depuis la période d’enquête, auraient fait faillite, auraient cessé totalement ou partiellement leur activité dans l’industrie de l’énergie solaire photovoltaïque, notamment en arrêtant leur activité de production ou en cédant leurs activités liées au produit concerné.

28      Il est de jurisprudence constante que la condition relative à l’urgence doit être appréciée par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. Afin d’établir l’urgence liée à sa demande, une telle partie ne peut invoquer que des intérêts qui lui sont propres (ordonnance du président de la Cour du 4 mai 1964, Ley/Commission de la CEE, 12/64, Rec. 1965 p. 175, 176, et ordonnance du président du Tribunal du 2 octobre 1997, Eurocoton e.a./Conseil, T‑213/97 R, Rec. p. II‑1609, points 43 et 46). Dès lors, les arguments présentés par les requérantes et tirés de l’effet du règlement attaqué sur l’évolution de la situation d’entreprises tierces sont inopérants et doivent être rejetés.

29      En deuxième lieu, les requérantes avancent qu’elles cesseront d’exister en raison du préjudice matériel causé par des importations faisant l’objet d’un dumping ou d’une subvention. À cet égard, elles s’appuient, d’abord, sur l’allégation selon laquelle, depuis l’adoption de la décision nº 2013/423, qui aurait dû éliminer les effets préjudiciables des subventions, d’importants producteurs de l’Union sont en cessation de paiement ou ont totalement mis fin à leur production dans l’Union. Elles invoquent, ensuite, le fait que l’une des requérantes, Solaria Energia y Medio Ambiente, a dû fermer une unité de production en Espagne et licencier l’ensemble de ses salariés à la mi-février 2014, en raison des pertes subies en 2012 et en 2013 du fait des importations inéquitables en provenance de Chine et de l’absence des mesures correctives, qui auraient dû être mises en place par l’article 2 du règlement attaqué.

30      Il convient de rappeler, à cet égard, que, si un préjudice de caractère financier ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 24), une mesure provisoire se justifie néanmoins s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la partie qui la sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (ordonnance du président de la Cour du 23 mai 1990, Comos-Tank e.a./Commission, C‑51/90 R et C‑59/90 R, Rec. p. I‑2167, point 24).

31      Toutefois, pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué présente un caractère grave et irréparable, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation financière de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 20 avril 2012, Fabricela/Commission, C‑507/11 P(R), non publiée au Recueil, point 35, et du président du Tribunal du 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P(R), non publiée au Recueil, points 37 et 39].

32      Or, les affirmations imprécises et laconiques des requérantes et les éléments documentaires produits, consistant en un article de six lignes tiré d’un bulletin d’information en ligne, ne suffisent pas à établir qu’une exécution immédiate du règlement attaqué serait de nature à mettre en péril leur viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale. En effet, les requérantes ne fournissent pas la moindre indication concrète permettant réellement d’apprécier leur situation financière ou l’incidence du règlement attaqué sur celle-ci, et ainsi, de fonder le pronostic quant aux possibilités de leur survie jusqu’à l’arrêt à intervenir dans la procédure principale. Dès lors, l’argument des requérantes, tiré de la menace pesant sur leur existence, doit être rejeté.

33      Il s’ensuit que les requérantes ne démontrent pas qu’elles subiraient un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution demandé n’était pas octroyé.

34      Au vu de tout ce qui précède, la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions du sursis à exécution sollicité sont remplies, ni de statuer sur la demande d’intervention de la Commission.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 23 mai 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.