Language of document : ECLI:EU:T:2014:1112

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

28 novembre 2014 (*)

« Intervention – Demande de confidentialité »

Dans l’affaire T‑142/14,

SolarWorld AG, établie à Bonn (Allemagne),

Brandoni solare SpA, établie à Castelfidardo (Italie),

Solaria Energia y Medio Ambiente SA, établie à Madrid (Espagne),

représentées par Me L. Ruessmann, avocat et M. J. Beck, solicitor,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représenté par MM. J.-F. Brakeland, T. Maxian Rusche et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 2 du règlement d'exécution (UE) n° 1239/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, (JO L 325, p. 66)

LE PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Les antécédents du litige

1        Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 6 septembre 2012 (JO C 269, p. 5), la Commission a annoncé l’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de [Chine].

2        Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 8 novembre 2012 (JO C 340, p. 13), la Commission a annoncé l’ouverture d’une procédure antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de [Chine].

3        Le 4 juin 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 513/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de [Chine] et modifiant le règlement (UE) n° 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de [Chine] (JO L 152, p. 5, ci-après le « règlement antidumping provisoire »).

4        Par sa décision 2013/423/UE, du 2 août 2013, la Commission a accepté dans le cadre de la procédure antidumping, l’offre d’engagement formulée par un groupe de producteurs‑exportateurs chinois ayant coopéré et qui sont énumérés en annexe à cette décision, en concertation avec la Chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques (JO L 209, p. 26) (ci-après la « CCCME »).

5        Le règlement (UE) n° 748/2013 de la Commission, du 2 août 2013, (JO L 209, p. 1) a modifié le règlement antidumping provisoire pour tenir compte de la décision 2013/423. En substance, pour autant que certaines conditions soient remplies, l’article 6 de ce règlement, tel que modifié, prévoit que les importations de produits relevant actuellement du code NC ex 3818 00 10 (codes TARIC 3818 00 10 11 et 3818 00 10 19) et du code NC ex 8541 40 90 (codes TARIC 8541 40 90 21, 8541 40 90 29, 8541 40 90 31 et 8541 40 90 39) déclarées pour la mise en libre pratique et facturées par des sociétés dont les engagements ont été acceptés par la Commission et qui sont énumérées à l’annexe de la décision 2013/423, sont exonérées du droit antidumping provisoire institué par l’article 1er.

6        Il découle du considérant 4 de la décision d'exécution 2013/707/UE de la Commission, du 4 décembre 2013, confirmant l'acceptation d'un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de [Chine] pour la période d'application des mesures définitives (JO L 325, p. 214), qu’à la suite de l'adoption des mesures antidumping provisoires, la Commission a poursuivi l'enquête sur le dumping, le préjudice et l'intérêt de l'Union, ainsi que la procédure antisubventions menée parallèlement. Les wafers ont été exclus du champ des deux enquêtes, et par conséquent, du champ d'application des mesures définitives.

7        Il ressort des considérants 7 à 10 et de l’article 1er de cette décision qu’à la suite de la notification des conclusions finales des procédures antidumping et antisubventions, les producteurs-exportateurs, en concertation avec la CCCME, ont présenté une notification en vue de modifier leur offre d'engagement initiale. La Commission a accepté les termes de l'engagement en vue d'éliminer également les effets préjudiciables des importations faisant l'objet de subventions. En outre, un certain nombre de producteurs-exportateurs additionnel a demandé à participer à cet engagement. La CCCME et les producteurs exportateurs ont demandé par ailleurs une révision de l'engagement de façon à tenir compte de l'exclusion des wafers du champ de l'enquête.

8        Les conclusions définitives de l'enquête sont exposées dans le règlement d'exécution (UE) n° 1238/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit antidumping définitif sur les importations, dans l'Union, de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de Chine (JO L 325, p. 1).

9        Par son règlement d'exécution (UE) n° 1239/2013, du 2 décembre 2013, le Conseil a également institué un droit compensateur définitif sur les modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de Chine, (JO L 325, p. 66, ci-après le « règlement attaqué » ou le « règlement définitif »). Ce règlement a clôturé la procédure antisubvention.

10      Son article 1er institue un droit compensateur définitif spécifique aux producteurs‑exportateurs allant de 3,5 % à 11,5 %.

11      En substance, pour autant que certaines conditions soient remplies, l’article 2 du règlement définitif, tel que modifié, prévoit que les importations de produits relevant actuellement du code NC ex 8541 40 90 (codes TARIC 8541 40 90 21, 8541 40 90 29, 8541 40 90 31 et 8541 40 90 39) déclarées pour la mise en libre pratique et facturées par des sociétés dont les engagements ont été acceptés par la Commission et qui sont énumérées à l’annexe de la décision 2013/707 sont exonérées du droit antisubvention institué par l’article 1er, c’est-à-dire du droit compensateur.

 Procédure devant le Tribunal

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 avril 2014, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Le président de la cinquième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 4 juin 2014, fait droit à cette demande.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2014, la CCCME a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

15      Dans leurs observations déposées au greffe du Tribunal respectivement le 23 juillet et le 5 août 2014, ni le Conseil ni la Commission n’ont soulevé d’objections quant à cette demande.

16      Toutefois, des objections à cette demande d’intervention ont été soulevées par les requérantes dans leurs observations déposées au greffe du Tribunal le 8 août 2014. Par lettre du même jour, les requérantes ont également demandé un traitement confidentiel et ont fourni une version non confidentielle de la requête, de la défense, et de la réplique.

 En droit

17      La demande d’intervention a été introduite conformément à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

18      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

19      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec, EU:T: 2003:38, point 26, et la jurisprudence citée).

20      Selon une jurisprudence constante, est admise l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers. Plus particulièrement, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, si son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et, donc, si les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (voir ordonnance du 28 novembre 2005, Microsoft/Commission, EU:T:2005:427, point 31, et jurisprudence citée).

21      Par ailleurs, c’est au demandeur à l’intervention d’apporter les éléments nécessaires pour prouver qu’il satisfait aux conditions rappelées aux points précédents [voir, en ce sens, ordonnance du 17 octobre 2011, Gesamtverband der Deutschen Textil‑ und Modeindustrie e.a./Conseil e.a., C-3/11 P(I), EU:C:2011:665, point 31].

22      Pour démontrer son intérêt direct et spécifique à la solution du présent litige, la CCCME se présente, tout d’abord, comme une association qui regroupe et représente, entre autres, les intérêts communs des producteurs chinois de panneaux solaires, ses membres, dans le commerce international. En tant que représentante des intérêts des principaux producteurs chinois de panneaux solaires, elle aurait été une partie intéressée à l’enquête ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué et à laquelle elle aurait activement participé. Dans ce cadre, elle aurait introduit plusieurs mémoires et aurait été entendue à plusieurs reprises par la Commission. À ce titre, elle aurait également été mentionnée à plusieurs reprises dans le règlement attaqué.

23      Ensuite, la CCCME aurait joué un rôle majeur au cours des négociations qui ont conduit à l’acceptation de l’engagement faisant l’objet du présent litige. En particulier, elle fait valoir qu’elle a proposé un engagement que la Commission a accepté. De surcroît, aux termes du règlement attaqué, la CCCME serait l’organisme responsable de la délivrance des certificats d’engagement à l’exportation.

24      Enfin, la CCCME fait valoir que ses membres qui produisent les panneaux solaires seraient directement touchés si l’article 2 du règlement attaqué était annulé.

25      À cet égard, à titre liminaire, les requérantes font valoir à bon droit que, faute d’être un producteur‑exportateur chinois du produit concerné, bénéficiant de l’engagement litigieux, la CCCME n’est pas touchée directement par l’article 2 du règlement attaqué. Cette conclusion est corroborée par l’article 2 de ses statuts joints à la demande d’intervention, selon lequel la CCCME ne poursuit pas de but lucratif. En outre, ainsi que cette dernière l’indique elle-même, elle est intervenue dans la procédure antisubvention afin de représenter les intérêts de ses membres et non ses propres intérêts.

26      Par ailleurs, le simple fait d’être intervenu dans la procédure administrative au soutien des entreprises qu’elle représente ne lui confère pas encore un intérêt individuel autonome à intervenir dans la présente affaire (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2010, Cixi Jiangnan Chemical Fiber e.a./Conseil, T-537/08, EU:T:2010:514, points 5, 6, et 16 à 18). En effet, en l’absence d’implications concrètes résultant de la procédure antisubvention en question pour ses membres ou pour les producteurs-exportateurs qu’elle représente, elle n’aurait eu aucune raison autonome de vouloir intervenir dans le présent litige.

27      C’est donc au regard des conditions, auxquelles est soumise l’admission à intervenir des associations représentatives, qu’il faudra examiner la présente demande.

28      Premièrement, les requérantes relèvent à juste titre que dans le cadre de la démonstration de sa représentativité, la demanderesse en intervention est restée en défaut de produire devant le Tribunal une liste de ses membres, ou des mandats de représentation de producteurs-exportateurs qui ne seraient pas ses membres. Cependant, la CCCME a fourni une version non-confidentielle de l’engagement litigieux, qui comporte en son annexe X une liste de 171 producteurs-exportateurs chinois qui ont souscrit audit engagement. Prenant en considération la circonstance que la CCCME a activement participé aux différents stades de l’enquête ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, qu’elle a mené des négociations ayant abouti à l’acceptation, par les institutions de l’Union, de ce même engagement, et qu’elle a été un interlocuteur important de ces dernières, qui l’ont également chargé de la délivrance des certificats d’engagement à l’exportation, il ne saurait être raisonnablement nié que la CCCME assure effectivement la représentation d’un nombre considérable de producteurs-exportateurs chinois du produit concerné.

29      Cette conclusion est corroborée par les requérantes elles-mêmes qui indiquent au point 33 de leur requête que « dans la présente affaire, la Commission a négocié un accord collectif avec le gouvernement chinois et la CCCME, cette dernière agissant au nom de plus d’une centaine de producteurs-exportateurs chinois qui détenaient une part de marché dans l’Union européenne bien supérieure à 50 % au cours de la période d’enquête ».

30      Ainsi, la CCCME doit être considérée comme une association représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné.

31      Deuxièmement, les requérantes font valoir qu’aucun document n’a été présenté par la CCCME pour démontrer que la défense de ses membres en justice compte parmi ses objectifs. Néanmoins, bien que cet objectif ne soit pas mentionné explicitement, il est suffisamment couvert par les articles 3 et 6, paragraphes 3 et 4 de ses statuts. Selon ces derniers, l’objectif de la CCCME est de représenter ses membres, de protéger leurs intérêts, de les organiser en vue de répondre aux enquêtes étrangères en matière d’antidumping et d’antisubventions concernant les exportations chinoises et de protéger une concurrence juste.

32      Troisièmement, la CCCME soutient à juste titre que l’annulation éventuelle de l’article 2 du règlement attaqué aurait des répercussions négatives pour les producteurs-exportateurs du produit concerné qu’elle représente. La légalité de cette disposition est donc sans aucun doute une question de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné.

33      La demande d’intervention devant être admise dans les conditions prévues par l’article 116, paragraphes 2 à 4, du règlement de procédure, la communication à la CCCME des actes de procédure signifiés aux parties doit, à ce stade, être limitée à la version non confidentielle produite par les requérantes. Une décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des observations qui pourraient être présentées à ce sujet.

 Sur les dépens

34      L’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit qu’il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance ne mettant pas fin à l’instance, tous les dépens doivent être réservés.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La Chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques est admise à intervenir dans l’affaire T-142/14 au soutien des conclusions du Conseil de l’Union européenne.

2)      Le greffier communiquera à la partie intervenante une version non confidentielle de tout acte de procédure signifié aux parties.

3)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour présenter ses observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 28 novembre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’anglais.