Language of document : ECLI:EU:T:2016:331

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

2 juin 2016 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran – Restrictions aux transferts de fonds impliquant des établissements financiers iraniens – Compétence du Tribunal – Recours en annulation – Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution – Affectation directe – Intérêt à agir – Recevabilité – Proportionnalité – Obligation de motivation – Garanties juridiques visées à l’article 215, paragraphe 3, TFUE – Sécurité juridique – Interdiction de l’arbitraire – Violation des droits fondamentaux »

Dans l’affaire T‑160/13,

Bank Mellat, établie à Téhéran (Iran), représentée initialement par M. S. Zaiwalla, Mmes P. Reddy, F. Zaiwalla, Z. Burbeza, A. Meskarian, solicitors, MM. D. Wyatt, QC, R. Blakeley et G. Beck, barristers, puis par M. Zaiwalla, Mmes Reddy, Burbeza, Meskarian, MM. Wyatt, Blakeley et Beck,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et I. Rodios, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mme D. Gauci et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

et par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme S. Behzadi-Spencer, M. L. Christie et Mme C. Brodie, puis par Mmes Brodie et V. Kaye, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Lee, barrister,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er, point 15, du règlement (UE) no 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 34), ou d’annulation de ladite disposition dans la mesure où elle ne prévoit pas d’exception s’appliquant au cas de la requérante et une demande de déclaration d’inapplicabilité de l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 58),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Bank Mellat, est une banque commerciale iranienne.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

3        Le 26 juillet 2010, le nom de la requérante a été inscrit sur les listes des entités concourant à la prolifération nucléaire iranienne qui figuraient à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), et à l’annexe V du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1).

4        Le règlement no 423/2007 ayant été abrogé par le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1), le nom de la requérante a été inclus dans l’annexe VIII de ce dernier règlement. Le règlement no 961/2010 ayant, à son tour, été abrogé par le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 88, p. 1), le nom de la requérante a été inclus dans l’annexe IX de ce dernier règlement.

5        Les mesures restrictives existantes visant l’Iran ont été modifiées et de nouvelles mesures restrictives à son égard ont été adoptées par la décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58), et par le règlement (UE) no 1263/2012, du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement no 267/2012 (JO L 356, p. 34, ci-après le « règlement attaqué »). En particulier, l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 a modifié l’article 10 de la décision 2010/413, tandis que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué a modifié l’article 30 du règlement no 267/2012 et ajouté les articles 30 bis et 30 ter à ce dernier.

6        L’article 10 de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635, prévoit, notamment, des restrictions aux opérations financières entre, d’une part, les établissements financiers établis en Iran ainsi que leurs succursales ou filiales et, d’autre part, les établissements financiers de l’Union européenne.

7        Selon le paragraphe 2 de l’article 10 de la décision 2010/413, tel que modifié, peuvent seulement être effectuées, premièrement, les opérations concernant des vivres, des soins de santé ou des équipements médicaux ou répondant à des besoins agricoles ou humanitaires (ci-après les « transferts humanitaires »), deuxièmement, les opérations concernant des transferts de fonds individuels, troisièmement, les opérations concernant l’exécution des dérogations prévues par la décision 2010/413, quatrièmement, les opérations liées à un contrat commercial spécifique non interdit par ladite décision, cinquièmement, les opérations concernant une mission diplomatique ou consulaire ou une organisation internationale et, sixièmement, les opérations concernant les paiements visant à faire droit aux réclamations contre l’Iran, des personnes ou entités iraniennes, et les opérations d’une nature similaire.

8        Selon le paragraphe 3 de l’article 10 de la décision 2010/413, tel que modifié, les transferts de fonds à destination et en provenance de l’Iran effectués par l’intermédiaire de banques et d’institutions financières iraniennes dans le cadre des opérations visées au paragraphe 2 du même article sont soumis, selon les cas et l’objet des transferts, ainsi qu’à partir de différents seuils, à une obligation de notification préalable et à une obligation d’autorisation préalable de la part de l’autorité nationale compétente.

9        Les articles 30 à 30 ter du règlement no 267/2012, tels que modifiés par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, reprennent, en substance, ces restrictions et ces obligations de notification et d’autorisation.

10      Ainsi, l’article 30 du règlement no 267/2012, tel que modifié, prévoit des restrictions aux opérations financières entre, d’une part, les établissements financiers et de crédit et les bureaux de change établis en Iran ainsi que leurs succursales ou filiales et les établissements financiers et de crédit et les bureaux de change contrôlés par des personnes, des entités ou des organismes domiciliés en Iran, et, d’autre part, les établissements financiers de l’Union.

11      En particulier, selon l’article 30, paragraphe 2, du règlement no 267/2012, tel que modifié, seuls peuvent être effectués, premièrement, les transferts humanitaires, deuxièmement, les transferts de fonds individuels, troisièmement, les transferts liés à un contrat commercial spécifique pour autant que le transfert en question ne soit pas interdit par le règlement no 267/2012, quatrièmement, les transferts concernant des missions diplomatiques ou consulaires ou des organisations internationales, cinquièmement, les transferts concernant les paiements visant à faire droit aux réclamations effectuées par ou contre une personne, une entité ou un organisme iranien ou les transferts d’une nature similaire et, sixièmement, les transferts nécessaires à l’exécution des obligations découlant des contrats visés à l’article 12, paragraphe 1, sous b), du règlement no 267/2012.

12      Selon l’article 30, paragraphes 3, 4 et 5, du règlement no 267/2012, tel que modifié, les transferts de fonds qui peuvent être autorisés en vertu du paragraphe 2 du même article sont soumis, selon les cas et leur objet, ainsi qu’à partir de différents seuils, à une obligation de notification préalable et à une obligation d’autorisation préalable de la part de l’autorité nationale compétente.

13      L’article 30 bis du règlement no 267/2012 prévoit, notamment, certaines restrictions aux transferts de fonds entre, d’une part, des personnes, des entités ou des organismes iraniens et, d’autre part, des ressortissants de l’Union, qui ne sont pas visés par l’article 30 du même règlement.

14      Selon l’article 30 ter, paragraphe 1, du règlement no 267/2012, les restrictions prévues aux articles 30 et 30 bis du même règlement ne s’appliquent pas lorsqu’une autorisation a été délivrée conformément aux articles 24, 25, 26, 27, 28 ou 28 bis dudit règlement.

15      Selon l’article 30 ter, paragraphe 3, du règlement no 267/2012, aux fins de l’article 30, paragraphe 3, sous b) et c), et de l’article 30 bis, paragraphe 1, sous c), du même règlement, les autorités compétentes délivrent l’autorisation dans les conditions qu’elles jugent appropriées, sauf si elles sont fondées à croire que le transfert de fonds pour lequel l’autorisation est demandée pourrait violer l’une ou l’autre des interdictions ou obligations prévues par le règlement no 267/2012.

16      Par arrêt du 29 janvier 2013, Bank Mellat/Conseil (T‑496/10, Rec, EU:T:2013:39), le Tribunal a annulé l’inscription du nom de la requérante sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/413, sur celle de l’annexe V du règlement no 423/2007, sur celle de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 et sur celle de l’annexe IX du règlement no 267/2012. Le Tribunal a notamment constaté que les circonstances retenues par le Conseil de l’Union européenne à l’égard de la requérante n’établissaient pas qu’elle avait apporté un appui à la prolifération nucléaire. Par arrêt du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C‑176/13 P, Rec, EU:C:2016:96), la Cour de justice a rejeté le pourvoi contre l’arrêt Bank Mellat/Conseil, précité (EU:T:2013:39), formé par le Conseil.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2013, la requérante a introduit le présent recours, au terme duquel elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, point 15, du règlement attaqué ;

–        annuler l’article 1er, point 15, du règlement attaqué dans la mesure où il ne prévoit pas d’exception s’appliquant au cas de la requérante ;

–        déclarer que l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 est inapplicable à la requérante ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

18      Par mémoire en défense déposé au greffe du Tribunal le 27 juin 2013, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 24 juin et 10 juillet 2013, la Commission européenne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du Conseil. Par ordonnances du 9 septembre 2013, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis leur intervention.

20      La Commission et le Royaume-Uni concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée par décision du 4 octobre 2013.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé, le 23 avril 2015, d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, a posé aux parties des questions pour réponse écrite et orale, en leur demandant notamment leurs observations écrites sur la compétence du Tribunal pour statuer sur le troisième chef de conclusions de la requérante visant à la déclaration d’inapplicabilité de l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635. Les parties ont répondu à cette invitation dans le délai fixé par le Tribunal.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 7 juillet 2015. À cette occasion, la requérante a précisé, d’une part, que ses premier et deuxième chefs de conclusions étaient alternatifs et, d’autre part, que son deuxième chef de conclusions visait à l’annulation de l’article 1er, point 15, du règlement attaqué dans la mesure où cette disposition ne prévoyait pas d’exception s’appliquant à son cas.

24      Avant d’examiner le fond du litige, il y a lieu de vérifier d’office la compétence du Tribunal pour statuer sur le recours ainsi que la recevabilité des deux premiers chefs de conclusions de la requérante, contestée par le Conseil et par les intervenantes.

 En droit

1.     Sur la compétence du Tribunal

25      En réponse à une question écrite du Tribunal, le Conseil et les intervenantes ont fait valoir que le Tribunal n’était pas compétent pour statuer sur le troisième chef de conclusions de la requérante dans la mesure où l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635, en tant que disposition relative à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), était visé par la dérogation à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne prévue à l’article 275 TFUE.

26      Le Royaume-Uni considère, en outre, que l’incompétence du Tribunal pour contrôler la légalité de l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 implique que le Tribunal n’est pas non plus compétent pour statuer sur les chefs de conclusions visant l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, adopté sur sa base.

27      La requérante estime que le Tribunal est compétent pour statuer sur le recours dans son intégralité. Elle fait valoir, en particulier, que, en tant que dérogation à la compétence du juge de l’Union, l’article 275 TFUE doit être interprété strictement. Elle ajoute que l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 vise des personnes naturelles et juridiques, à savoir, notamment, les établissements financiers iraniens et les personnes et entités désireuses d’exécuter des transactions impliquant ces derniers, à l’égard desquelles il produit des effets juridiques. Pour cette raison, il constitue, selon la requérante, une décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE. En outre, selon la requérante, la compétence du Tribunal pour contrôler la légalité de l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 découle également du fait que c’est sur le fondement de cette disposition que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, dont elle est recevable à demander l’annulation, a été adopté.

28      L’article 275 TFUE prévoit ce qui suit :

« La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base.

Toutefois, la Cour est compétente pour contrôler le respect de l’article 40 du traité sur l’Union européenne et se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, du présent traité concernant le contrôle de la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, du traité sur l’Union européenne. »

29      Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

30      En outre, selon l’article 277 TFUE, nonobstant l’expiration du délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

31      En l’espèce, par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de déclarer inapplicable, à son égard, l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635, qui est une disposition relative à la PESC au sens de l’article 275 TFUE. Dans la réplique, la requérante a précisé que cette demande constituait une exception d’illégalité au sens de l’article 277 TFUE.

32      À cet égard, selon la jurisprudence, l’article 275 TFUE introduit une dérogation à la règle de la compétence générale, conférée à la Cour de justice de l’Union européenne par l’article 19 TUE pour assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités, et doit, partant, être interprété strictement (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2014, Parlement/Conseil, C‑658/11, Rec, EU:C:2014:2025, point 70).

33      Or, d’une part, en l’espèce, les mesures arrêtées par l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 sont des mesures de nature générale, leur champ d’application étant déterminé par référence à des critères objectifs, et non pas par référence à des personnes physiques ou morales identifiées. Par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante, l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 ne constitue pas, en lui-même, une décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 25 avril 2012, Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil, T‑509/10, Rec, EU:T:2012:201, point 37, confirmé à cet égard par l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, Rec, EU:C:2013:776, point 99).

34      D’autre part, la requérante a soulevé l’exception d’illégalité visant l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 à l’appui du recours en annulation formé contre l’article 1er, point 15, du règlement attaqué.

35      À cet égard, il ressort des points 5 à 15 ci‑dessus que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué vise à mettre en œuvre, dans le domaine du traité FUE, l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635.

36      Cela étant, l’article 1er, point 15, du règlement attaqué n’est pas une décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE. En effet, il s’applique aux situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard des catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, dès lors qu’il s’applique, notamment, à l’ensemble des transferts entre une quelconque banque ou institution financière iranienne et un quelconque établissement financier situé dans l’Union, et que sa mise en œuvre ne découle pas d’une appréciation des circonstances propres à un établissement donné par le Conseil.

37      Par conséquent, l’exception d’illégalité visant l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635, formulée par la requérante dans le cadre de son troisième chef de conclusions, n’a pas été soulevée à l’appui d’un recours en annulation formé contre une décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE.

38      Au vu des constats opérés aux points 33 et 37 ci‑dessus, il y a lieu de conclure que le Tribunal n’est pas compétent, en vertu de l’article 275 TFUE, pour statuer sur le troisième chef de conclusions de la requérante.

39      En ce qui concerne la compétence du Tribunal pour statuer sur les premier et deuxième chefs de conclusions, compte tenu également de la jurisprudence rappelée au point 32 ci‑dessus, la dérogation à la compétence du juge de l’Union prévue à l’article 275 TFUE ne saurait être interprétée comme s’étendant jusqu’à exclure le contrôle de légalité d’un acte adopté en vertu de l’article 215 TFUE, tel que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, qui ne relève pas de la PESC, pour la seule raison que l’adoption valable dudit acte est conditionnée par l’adoption préalable d’une décision relevant de la PESC. En effet, une telle interprétation de la dérogation en question se heurterait tant à la compétence générale conférée à la Cour à l’article 19 TUE qu’à la compétence spécifique qui lui est conférée expressément à l’article 263, premier, deuxième et quatrième alinéas, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2014, Sina Bank/Conseil, T‑67/12, EU:T:2014:348, point 41).

40      Par conséquent, il convient de constater que le Tribunal est compétent, en vertu de l’article 263 TFUE, pour statuer sur les premier et deuxième chefs de conclusions de la requérante.

2.     Sur la recevabilité des premier et deuxième chefs de conclusions de la requérante

41      Le Conseil, la Commission et le Royaume-Uni soutiennent que la demande d’annulation de l’article 1er, point 15, du règlement attaqué ne satisfait pas aux conditions de recevabilité posées par l’article 263 TFUE.

42      Le Conseil soutient, en outre, que les premier et deuxième chefs de conclusions sont irrecevables dès lors que, au moment de l’introduction du recours, la requérante n’avait pas intérêt à agir contre l’article 1er, point 15, du règlement attaqué.

43      La requérante répond que son recours est recevable.

 Sur le respect des conditions posées à l’article 263 TFUE

44      Selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

45      En premier lieu, le Royaume-Uni soutient que le règlement attaqué n’est pas un acte réglementaire, mais législatif, ce qui implique que la requérante doit démontrer qu’il la concerne directement et individuellement. Or, une affectation individuelle ferait défaut en l’espèce.

46      La requérante considère que le règlement attaqué est un acte réglementaire et que, au demeurant, elle est individuellement concernée par son article 1er, point 15.

47      À cet égard, l’article 289 TFUE prévoit ce qui suit :

« 1. La procédure législative ordinaire consiste en l’adoption d’un règlement, d’une directive ou d’une décision conjointement par le Parlement européen et le Conseil, sur proposition de la Commission. Cette procédure est définie à l’article 294.

2. Dans les cas spécifiques prévus par les traités, l’adoption d’un règlement, d’une directive ou d’une décision par le Parlement européen avec la participation du Conseil ou par celui-ci avec la participation du Parlement européen constitue une procédure législative spéciale.

3. Les actes juridiques adoptés par procédure législative constituent des actes législatifs.

4. Dans les cas spécifiques prévus par les traités, les actes législatifs peuvent être adoptés sur initiative d’un groupe d’États membres ou du Parlement européen, sur recommandation de la Banque centrale européenne ou sur demande de la Cour de justice ou de la Banque européenne d’investissement. »

48      En l’espèce, le règlement attaqué a été adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE et selon la procédure prévue à cet article, c’est-à-dire par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission.

49      Ainsi, d’une part, le règlement attaqué n’a pas été adopté selon la procédure législative ordinaire, visée à l’article 289, paragraphe 1, TFUE et définie à l’article 294 TFUE.

50      D’autre part, compte tenu de l’absence de toute implication du Parlement européen dans l’adoption du règlement attaqué, il ne saurait être considéré que ce dernier a été adopté en vertu d’une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphe 2, TFUE.

51      Partant, au vu de l’article 289, paragraphe 3, TFUE, il y a lieu de considérer que le règlement attaqué ne constitue pas un acte législatif et il n’y a pas, en conséquence, lieu de se prononcer sur l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle la requérante n’est pas individuellement affectée par l’article 1er, point 15, dudit règlement.

52      En second lieu, le Conseil et les intervenantes soutiennent que, contrairement à ce qu’exige l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’article 1er, point 15, du règlement attaqué ne concerne pas la requérante directement et comporte des mesures d’exécution.

53      Le Conseil et les intervenantes exposent, en effet, que l’interdiction de transférer des fonds, prévue à l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, est assortie d’un certain nombre d’exceptions qui sont mises en œuvre par les autorités compétentes des États membres, dotées d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire à cet égard. Ainsi, l’article 1er, point 15, du règlement attaqué n’empêcherait pas nécessairement que des transferts de fonds soient destinés à la requérante ou qu’elle en effectue. Partant, l’article 1er, point 15, du règlement attaqué ne produirait pas d’effets directs sur la situation juridique de la requérante.

54      La requérante estime que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué l’affecte directement et que sa mise en œuvre ne comporte pas de mesures d’exécution. Elle fait valoir, à cet égard, que cette disposition est applicable sans référence à une loi nationale de transposition, notamment en ce qui concerne l’obligation de demander une autorisation pour tous les transferts de fonds concernés.

55      À cet égard, il ressort, d’une part, des constats opérés au point 36 ci‑dessus, que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué a une portée générale et, d’autre part, du point 51 ci‑dessus, qu’il ne constitue pas un acte législatif. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, par analogie, ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, Rec, EU:T:2011:419, points 56 et 63 et jurisprudence citée).

56      D’une part, s’agissant de la question de savoir si l’article 1er, point 15, du règlement attaqué concerne directement la requérante et ne comporte pas de mesures d’exécution, il ressort d’une jurisprudence constante que l’affectation directe d’un particulier exige que l’acte de l’Union attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte qui sont chargés de sa mise en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (voir ordonnance Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 55 supra, EU:T:2011:419, point 71 et jurisprudence citée).

57      D’autre part, s’agissant de la notion de « mesures d’exécution», l’objectif de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, consiste à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir de mesures d’exécution, cette dernière risquerait d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne disposait pas d’une voie de recours direct devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son égard devant les juridictions nationales (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 27).

58      En revanche, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte devant le juge de l’Union ou devant le juge national, selon les cas (voir, en ce sens, arrêt Telefónica/Commission, point 57 supra, EU:C:2013:852, points 28 et 29).

59      En l’espèce, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, dans la mesure où la requérante est un établissement financier établi en Iran, elle n’est pas visée par les restrictions introduites par l’article 30 bis du règlement no 267/2012, tel que modifié par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué. Par conséquent, la requérante n’est pas affectée directement par l’article 30 bis du règlement no 267/2012, ce qui implique que son recours est irrecevable pour autant que cette disposition est concernée.

60      En outre, le Conseil soutient, à juste titre, que, lorsque, en vertu du régime de restrictions introduit dans le règlement no 267/2012 par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué (ci-après le « régime litigieux »), une demande d’autorisation d’un transfert est présentée à l’autorité nationale compétente, cette dernière dispose d’un pouvoir d’appréciation pour déterminer, selon l’article 30 ter, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 267/2012, si le transfert en question pourrait violer l’une ou l’autre des interdictions ou obligations prévues par le règlement no 267/2012. De même, au terme de cette appréciation, l’autorité compétente adopte une décision qui soit autorise le transfert concerné, soit l’interdit.

61      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’article 30 ter, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 267/2012 ne concerne pas directement la requérante et comporte, en outre, des mesures d’exécution, ce qui implique que le recours est irrecevable pour autant que cette disposition est concernée.

62      En revanche, il convient de relever que le régime litigieux, tel qu’introduit par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, concerne directement la requérante et ne comporte pas de mesures d’exécution à trois autres égards.

63      Ainsi, d’abord, en vertu de l’article 30, paragraphe 1, du règlement no 267/2012, tel que modifié par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, peuvent seulement faire l’objet d’une autorisation des transferts correspondant à l’une des finalités prévues à l’article 30, paragraphe 2, du même règlement. Les transferts ne correspondant pas à l’une de ces finalités sont interdits, par le seul effet du règlement no 267/2012, et ne peuvent pas être autorisés par les autorités nationales compétentes.

64      Ensuite, en vertu de l’article 30, paragraphe 3, sous a), et de l’article 30, paragraphe 5, du règlement no 267/2012, tel que modifié par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, les transferts définis par ces dispositions qui correspondent à ou dépassent le montant de 10 000 euros sont soumis à une obligation de notification préalable. L’obligation de notification découle, de manière automatique, du régime litigieux, n’est pas soumise à l’appréciation des autorités nationales compétentes et ne comporte pas de mesures d’exécution.

65      Enfin, le même constat est applicable à l’obligation de demander l’autorisation préalable, prévue à l’article 30, paragraphe 3, sous b) et c), et à l’article 30, paragraphe 5, du règlement no 267/2012, tel que modifié par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué. En effet, indépendamment du résultat final de la procédure d’autorisation, l’obligation de l’initier, s’agissant de chaque transfert dépassant les seuils déterminés, affecte la position juridique de la requérante, n’est pas soumise à l’appréciation des autorités nationales compétentes et ne comporte pas de mesures d’exécution.

66      Compte tenu de ces constats, il y a lieu de considérer que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué affecte directement la requérante et ne comporte pas de mesures d’exécution en ce qu’il a modifié ou introduit les dispositions du règlement no 267/2012 visées aux points 63 à 65 ci‑dessus.

67      Au vu de tout ce qui précède, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil et par les intervenantes en ce qui concerne les dispositions du règlement no 267/2012 modifiées ou introduites par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, visées aux points 63 à 65 ci‑dessus, et de rejeter le recours comme irrecevable pour le surplus.

 Sur l’existence d’un intérêt à agir au moment de l’introduction du recours

68      Le Conseil soutient que, au moment de l’introduction du recours, la requérante n’avait pas intérêt à contester la légalité de l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, dès lors qu’elle était déjà soumise aux mesures individuelles de gel des fonds adoptées en vertu du règlement no 267/2012.

69      En effet, dans ces circonstances, l’article 1er, point 15, du règlement attaqué ne produirait pas d’effets juridiques supplémentaires à l’égard de la requérante. L’annulation des mesures restrictives individuelles en question, opérée par l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), serait, par ailleurs, sans pertinence à cet égard, dès lors que, au moment de l’introduction du recours, les fonds de la requérante étaient gelés, en vertu de l’article 60 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’attente de la décision de la Cour sur le pourvoi.

70      Par conséquent, le Conseil estime que la demande d’annulation visant l’article 1er, point 15, du règlement attaqué est irrecevable.

71      La requérante répond qu’elle disposait d’un intérêt à agir au moment de l’introduction du recours, et ce d’autant plus que les mesures restrictives individuelles la visant ont été annulées par le Tribunal.

72      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir ordonnance du 30 avril 2007, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission, T‑387/04, Rec, EU:T:2007:117, point 96, et jurisprudence citée).

73      L’intérêt à agir doit être né et actuel (arrêt du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec, EU:T:1992:95, point 33) et s’apprécie au jour où le recours est formé (arrêt du 16 décembre 1963, Forges de Clabecq/Haute Autorité, 14/63, Rec, EU:C:1963:60, p. 748). Il doit cependant perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée).

74      En l’espèce, au moment de l’introduction du recours, la requérante était visée par des mesures restrictives individuelles découlant de l’inscription de son nom sur la liste de l’annexe IX du règlement no 267/2012 et liées à sa prétendue implication dans la prolifération nucléaire. En effet, si ces mesures restrictives ont été annulées par l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), la prise d’effet de cette annulation était suspendue jusqu’à la décision sur le pourvoi, en vertu de l’article 60 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

75      Partant, il est, certes, vrai que l’adoption du régime litigieux n’a pas eu d’impact immédiat effectif sur la requérante, dès lors que les mesures restrictives individuelles auxquelles elle avait été soumise auparavant prévoyaient des restrictions plus sévères. Tel est d’autant plus le cas que, ainsi qu’il a été relevé au point 14 ci‑dessus, l’article 30 ter, paragraphe 1, du règlement no 267/2012 prévoit que, pour autant qu’un transfert a fait l’objet d’une autorisation accordée dans le cadre du régime des mesures restrictives individuelles, il n’est plus soumis aux restrictions prévues par le régime litigieux.

76      Cela étant, il y a lieu de relever que, en tant que tel, le régime litigieux s’applique à tous les établissements financiers établis en Iran, et, partant, également à la requérante. Ce constat implique notamment que, lorsque, ultérieurement, l’annulation des mesures restrictives individuelles visant la requérante a pris effet, suite au rejet du pourvoi du Conseil contre l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), la requérante a été effectivement soumise audit régime, avec toutes les restrictions en découlant, de plein droit, sans l’intervention d’un quelconque acte juridique supplémentaire.

77      Dans ces circonstances, le fait de constater, dans la présente affaire, l’absence d’intérêt à agir de la requérante contre l’article 1er, point 15, du règlement attaqué aurait pour conséquence une violation de son droit à une protection juridictionnelle effective, dès lors que, après la disparition définitive des mesures restrictives individuelles la visant, elle serait soumise aux effets du régime litigieux, mais ne serait pas recevable à demander l’annulation de l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, en raison de l’expiration du délai de recours.

78      Partant, il convient de conclure que la requérante dispose d’un intérêt à agir pour demander l’annulation de l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, qui est susceptible d’avoir des conséquences juridiques pour elle, et de rejeter, partant, la fin de non-recevoir opposée à cet égard.

3.     Sur le fond

79      Au soutien des premier et deuxième chefs de conclusions, la requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de ce que le régime litigieux est dépourvu de base légale au regard de l’article 215 TFUE en ce qu’il n’a aucun lien logique avec l’objectif de la PESC prétendument poursuivi. Le deuxième moyen est tiré de ce que le régime litigieux est dépourvu de base légale au regard de l’article 215 TFUE en ce qu’il est disproportionné par rapport à l’objectif de la PESC prétendument poursuivi. Le troisième moyen est tiré de ce que le régime litigieux est contraire aux principes généraux du droit de l’Union ainsi qu’à l’article 215, paragraphe 3, TFUE, dans la mesure où il viole les principes de proportionnalité et de sécurité juridique, le principe de l’interdiction de l’arbitraire, l’obligation de motivation, l’exigence selon laquelle toute sanction doit présenter les garanties juridiques nécessaires ainsi que le principe d’égalité de traitement. Le quatrième moyen est tiré d’une violation des droits de propriété de la requérante, de son droit d’exercer des activités économiques, du droit à la libre circulation des capitaux ainsi que du principe de proportionnalité.

80      En outre, dans le cadre de plusieurs des moyens énumérés au point 79 ci‑dessus, la requérante présente des arguments relatifs à la nature du contrôle exercé par le Tribunal et à la charge de la preuve.

81      Avant d’aborder ces arguments et moyens, il convient de préciser la portée et l’articulation des chefs de conclusions et moyens de la requérante.

 Sur la portée et l’articulation des chefs de conclusions et moyens de la requérante

82      En premier lieu, s’agissant de l’articulation et de la portée des premier et deuxième chefs de conclusions, la requérante a précisé, lors de l’audience, que, tandis que le premier chef de conclusions visait à annuler l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, en tant que tel, le deuxième chef de conclusions visait à annuler cette disposition seulement dans la mesure où elle ne prévoyait pas d’exception s’appliquant au cas de la requérante, en tant qu’entité qui n’est pas impliquée dans la prolifération nucléaire et qui exerce la vigilance requise pour qu’elle ne le devienne pas.

83      Cela étant, dans la mesure où l’argumentation de la requérante invoquée au soutien des deux chefs de conclusions se recoupe dans une large mesure, il y a lieu de les examiner conjointement.

84      En second lieu, s’agissant de l’articulation et de la portée des moyens invoqués au soutien des premier et deuxième chefs de conclusions, il ressort de l’énumération figurant au point 79 ci‑dessus que les premier et deuxième moyens sont formulés comme visant une violation de l’article 215, paragraphe 1, TFUE, selon lequel, « [l]orsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne [consacré à la PESC], prévoit l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission, adopte les mesures nécessaires ».

85      En effet, selon la requérante, dans la mesure où le régime litigieux n’a aucun lien logique avec l’objectif de la PESC prétendument poursuivi et est, au demeurant, disproportionné par rapport à ce but, l’article 1er, point 15, du règlement attaqué n’est pas « nécessaire » au sens de l’article 215, paragraphe 1, TFUE, ce qui implique qu’il est dépourvu de base légale.

86      La requérante interprète donc la notion de nécessité visée à l’article 215, paragraphe 1, TFUE comme visant le caractère approprié et nécessaire de la mesure adoptée par rapport à l’objectif poursuivi.

87      Cette interprétation ne saurait être retenue. En effet, il ressort clairement du libellé, de l’économie et de la finalité de l’article 215, paragraphe 1, TFUE que la notion de nécessité visée par cette disposition ne concerne pas la relation entre l’acte adopté en vertu de l’article 215 TFUE et l’objectif de la PESC poursuivi, mais la relation entre ledit acte et la décision PESC sur laquelle il est fondé. Ainsi, la référence aux « mesures nécessaires » vise à garantir que le Conseil n’adopte pas, en vertu de l’article 215 TFUE, de mesures restrictives allant au-delà de celles arrêtées dans la décision PESC correspondante.

88      Or, en l’espèce, la requérante ne prétend pas que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué prévoit des mesures allant au-delà de celles arrêtées par l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635.

89      Une telle conclusion ne ressort pas non plus de l’analyse comparative des deux dispositions en cause. En effet, si l’article 1er, point 15, du règlement attaqué est plus détaillé que l’article 1er, point 6, de la décision 2012/635 en ce qui concerne les modalités pratiques de la mise en œuvre du régime litigieux, il n’y a pas de différences en ce qui concerne la nature des restrictions en cause et leur champ d’application.

90      Dans ces circonstances, la requérante fait valoir à tort, dans le cadre des premier et deuxième moyens, que l’article 1er, point 15, du règlement attaqué est dépourvu de base légale.

91      Cela étant, au vu de l’argumentation de la requérante présentée dans le cadre desdits moyens, telle que résumée aux points 85 et 86 ci‑dessus, il y a lieu de relever que lesdits moyens visent, plutôt que l’existence d’une base légale, la proportionnalité du régime litigieux prévu par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué.

92      En effet, selon la jurisprudence, en vertu du principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, la légalité de l’interdiction d’une activité économique est subordonnée à la condition que les mesures d’interdiction soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec, EU:T:2009:401, point 66 et jurisprudence citée).

93      À cet égard, dans le cadre du premier moyen, la requérante conteste l’existence d’un lien objectif entre la prolifération nucléaire et le régime litigieux et, partant, le caractère approprié de ce dernier pour empêcher la prolifération nucléaire.

94      Le deuxième moyen concerne essentiellement le caractère suffisant des mesures restrictives préexistantes et la portée prétendument excessive du régime litigieux. Ainsi, ledit moyen vise le caractère nécessaire dudit régime pour empêcher la prolifération nucléaire.

95      Par ailleurs, dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soutient, en substance, que le régime litigieux porte une atteinte excessive à l’exercice de ses droits et libertés. Par ce biais, la requérante fait donc valoir que les inconvénients qu’elle subit en raison de l’adoption dudit régime sont démesurés par rapport aux buts visés par le Conseil.

96      Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, les premier, deuxième et quatrième moyens, qui visent tous à contester, en définitive, la proportionnalité du régime litigieux.

97      Dans un second temps, il conviendra de traiter le troisième moyen, qui concerne la motivation de l’adoption du régime litigieux, les garanties juridiques applicables en vertu de l’article 215, paragraphe 3, TFUE, la clarté et la prévisibilité de l’article 1er, point 15, du règlement attaqué et le principe d’égalité de traitement.

 Sur le contrôle exercé par le Tribunal et la charge de la preuve

98      La requérante souligne que le contrôle de la légalité de l’article 1er, point 15, du règlement attaqué doit être complet et rigoureux. Elle fait valoir, à cet égard, que le Conseil est tenu d’établir, par des preuves et informations, que les entités ou les activités visées par une mesure restrictive sont effectivement impliquées dans la prolifération nucléaire, le risque que ce soit le cas n’étant pas suffisant. Elle se réfère, à cet égard, aux arrêts rendus par le Tribunal dans des litiges concernant des mesures restrictives individuelles, et notamment les arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian (C‑280/12 P, Rec, EU:C:2013:775), Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil, point 33 supra (EU:T:2012:201), et Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), qu’elle considère comme transposables au cas d’espèce.

99      Le Conseil, soutenu par les intervenantes, fait valoir qu’il dispose d’un très large pouvoir d’appréciation pour décider si, dans un cas donné, il y a lieu de recourir aux mesures restrictives individuelles ou générales ou à une combinaison des deux types de mesures restrictives ainsi que pour définir les critères permettant leur mise en œuvre. Il soutient que, en vertu de l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 92 supra (EU:T:2009:401, point 36), ce pouvoir d’appréciation n’est soumis qu’à un contrôle juridictionnel restreint.

100    Selon la jurisprudence de la Cour, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité TFUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit de l’Union (arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec, EU:C:2008:461, point 326, et Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 98 supra, EU:C:2013:775, point 58).

101    En l’espèce, il y a lieu de tenir compte de la nature particulière du régime litigieux, qui se distingue tant des mesures restrictives individuelles, visés par la jurisprudence invoquée par la requérante, que des critères généraux permettant l’adoption desdites mesures à l’égard des personnes et entités déterminées, visés par la jurisprudence citée par le Conseil. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort des constats opérés au point 36 ci‑dessus, l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, qui a introduit le régime litigieux, a une portée générale et ne constitue donc pas un acte individuel. D’autre part, il ressort des points 52 à 67 ci‑dessus que, à la différence des critères généraux permettant l’adoption des mesures restrictives individuelles, certaines dispositions du règlement no 267/2012 modifiées ou introduites par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué concernent la requérante directement et ne comportent pas de mesures d’exécution.

102    Dans ces circonstances, si le contrôle exercé par le Tribunal ne saurait être considéré comme restreint, compte tenu de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 100 ci‑dessus, il convient de reconnaître au Conseil un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de l’adoption des mesures restrictives en tant que telle et quant à la détermination des mesures restrictives générales adoptées pour atteindre l’objectif issu du domaine de la PESC qu’il poursuit. En effet, ledit domaine est particulièrement sensible, dès lors qu’il concerne les relations internationales et la sécurité de l’Union et de ses États membres.

103    En outre, il n’y pas lieu de retenir l’argumentation de la requérante relative à la charge de la preuve incombant prétendument au Conseil.

104    En effet, les arrêts invoqués par la requérante et cités au point 98 ci‑dessus concernent des mesures restrictives individuelles adoptées par le Conseil sur la base du critère visant les entités « participant, étant directement associées ou apportant un appui » à la prolifération nucléaire. Ainsi, dans les affaires en question, le Tribunal et la Cour étaient appelés à vérifier le bien‑fondé des allégations et appréciations du Conseil selon lesquelles des personnes ou entités spécifiques étaient effectivement impliquées dans la prolifération nucléaire et satisfaisaient, partant, au critère prévu pour l’adoption des mesures restrictives individuelles. Cette vérification ne pouvait être effectuée que sur la base des preuves et informations concrètes concernant les activités des personnes ou entités en question.

105    Or, le régime litigieux n’étant pas une mesure restrictive individuelle, mais un acte de portée générale, les restrictions qui en découlent ne sont pas fondées sur une appréciation ou des allégations concrètes du Conseil portant sur l’implication de personnes ou entités déterminées dans la prolifération nucléaire, mais sur une appréciation générale quant aux mécanismes permettant le financement de cette dernière et quant aux mesures générales susceptibles de l’empêcher.

106    Par conséquent, il n’y a pas lieu de transposer au cas d’espèce la jurisprudence citée au point 98 ci‑dessus, de sorte qu’il n’y a notamment pas lieu d’exiger du Conseil qu’il établisse que les entités affectées par le régime litigieux sont effectivement impliquées dans la prolifération nucléaire.

107    La requérante objecte encore, à cet égard, qu’une mesure restrictive générale, telle que le régime litigieux, ne saurait être soumise à des exigences moins strictes que les mesures restrictives individuelles en cause dans les arrêts cités au point 98 ci‑dessus, dans la mesure où les deux types de mesures ont des conséquences comparables sur les personnes et entités qu’elles affectent.

108    Or, d’une part, cette allégation n’est pas fondée. En effet, les restrictions découlant pour la personne ou l’entité visée de l’adoption des mesures restrictives individuelles sont considérablement plus étendues. Ainsi, les fonds de la personne ou de l’entité concernée sont gelés et une dérogation est requise pour chaque transfert les impliquant, les catégories de transferts qui peuvent faire l’objet d’une dérogation étant relativement étroites. Le régime litigieux, quant à lui, ne comporte pas de gel des fonds, prévoit une liste des finalités autorisées plus large que dans le cas des mesures restrictives individuelles et réserve l’obligation d’autorisation aux transferts dépassant certains seuils.

109    D’autre part, en tout état de cause, il y a lieu de relever que les éléments sur lesquels doit porter l’examen du Tribunal ainsi que l’existence éventuelle d’une charge de la preuve particulière et son objet ne dépendent pas de la sévérité des conséquences d’une mesure restrictive donnée, mais de la question de savoir si cette mesure est de portée individuelle ou générale et, partant, si elle a été adoptée à la suite de l’appréciation des circonstances particulières d’une personne ou entité spécifique. Or, ainsi qu’il ressort de l’examen mené ci‑dessus, le régime litigieux est une mesure de portée générale.

110    Au vu de ce qui précède, ainsi que des développements figurant aux points 82 à 97 ci‑dessus, le Tribunal doit, en l’espèce, d’une part, vérifier la proportionnalité du régime litigieux, et, partant, examiner si le Conseil pouvait considérer, à juste titre, que son adoption était appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à empêcher la prolifération nucléaire et son financement et qu’elle ne causait pas d’inconvénients démesurés aux personnes et entités affectées, dont la requérante.

111    D’autre part, il convient d’examiner si l’article 1er, point 15, du règlement attaqué est affecté par les vices invoqués dans le cadre du troisième moyen.

 Sur les premier, deuxième et quatrième moyens

 Sur le premier moyen, concernant le caractère approprié du régime litigieux

112    La requérante soutient, en substance, que le régime litigieux n’est pas approprié pour atteindre l’objectif de la PESC poursuivi par le Conseil, dès lors qu’il n’a aucun lien logique avec la prolifération nucléaire ou avec son financement. Son argumentation porte sur deux objectifs qui auraient pu être poursuivis par le Conseil en adoptant le régime litigieux.

113    Ainsi, d’une part, la requérante ne conteste pas la légitimité d’un objectif visant à empêcher des transferts de fonds susceptibles, en tant que tels, de contribuer à la prolifération nucléaire (ci-après le « premier objectif »), mais estime qu’il n’est pas effectivement poursuivi par l’adoption du régime litigieux, dès lors que ce dernier est trop général pour l’atteindre. Par conséquent, selon la requérante, il n’existe pas de lien entre le régime litigieux et le premier objectif.

114    D’autre part, la requérante estime que l’adoption du régime litigieux a été effectivement motivée par un objectif plus large, consistant à exercer une pression économique sur l’Iran en empêchant l’accès des établissements financiers et, plus généralement, des opérateurs économiques iraniens au marché financier de l’Union, indépendamment de la question de savoir si les transferts affectés étaient, en tant que tels, liés à la prolifération nucléaire (ci-après le « second objectif »). Elle soutient qu’un tel objectif n’est pas légitime.

115    La requérante allègue, en outre, en se fondant sur plusieurs éléments, que, pour être appropriées, les mesures restrictives visant la prolifération nucléaire doivent cibler spécifiquement des activités relatives à cette dernière.

116    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste le bien‑fondé des arguments de la requérante. Il estime, notamment, que le régime litigieux poursuit tant le premier que le second objectif et que ces deux objectifs sont légitimes. Les intervenantes indiquent, à cet égard, que l’adoption du régime litigieux est motivée par l’échec des mesures restrictives antérieures, et notamment des mesures restrictives individuelles, et vise à contraindre l’Iran à engager des négociations relatives à la prolifération nucléaire, voire à l’abandonner, faute de moyens suffisants pour la poursuivre.

–       Sur le premier objectif

117    Ainsi qu’il a été relevé au point 113 ci‑dessus, la légitimité du premier objectif n’est pas contestée par la requérante. En tout état de cause, l’objectif visant à empêcher des transferts de fonds susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire s’inscrit clairement dans le cadre de l’objectif légitime visant à empêcher ladite prolifération en tant que telle et son financement, qui sous-tend l’ensemble des dispositions de la décision 2010/413 et du règlement no 267/2012.

118    S’agissant de la question de savoir si le régime litigieux poursuit effectivement le premier objectif, il y a lieu de relever, en premier lieu, qu’un tel lien entre ledit objectif et le régime litigieux ressort du libellé du considérant 12 de la décision 2012/635, à laquelle renvoie le considérant 7 du règlement attaqué. Le considérant 12 de la décision 2012/635 se lit comme suit :

« Afin d’empêcher le transfert de tous fonds, autres actifs ou ressources économiques susceptibles de contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, il y a lieu d’interdire les opérations entre les banques et les institutions financières de l’Union et de l’Iran, à moins qu’elles n’aient été préalablement autorisées par l’État membre concerné. Ceci ne devrait pas empêcher la poursuite du commerce qui n’est pas interdit par la décision 2010/413/PESC. »

119    Il ressort explicitement de cette disposition que l’adoption d’un régime général prévoyant des restrictions aux transferts de fonds impliquant les banques et les institutions financières de l’Union et de l’Iran, à savoir l’adoption du régime litigieux, poursuit le premier objectif.

120    Au-delà de cette considération générale, le Conseil invoque deux circonstances qui sont, selon lui, pertinentes pour apprécier l’existence d’un lien entre le régime litigieux et le premier objectif.

121    Ainsi, d’une part, le Conseil soutient que le financement de la prolifération nucléaire dépend obligatoirement des services fournis par les banques iraniennes, en particulier celles disposant, comme la requérante, d’une présence internationale. D’autre part, compte tenu de la nature clandestine des activités concernées, il ne saurait être exclu que la banque en question ignore que les transferts de fonds qu’elle réalise sont liés à la prolifération nucléaire.

122    Ces deux prémisses, à les supposer avérées, sont effectivement de nature à corroborer l’existence d’un lien entre le régime litigieux et le premier objectif. En effet, s’il existe un risque non négligeable que les établissements financiers iraniens soient utilisés, le cas échéant, à leur insu, pour réaliser des transactions liées à la prolifération nucléaire, un contrôle plus systématique des transferts de fonds dans lesquels ils sont impliqués, grâce à un système de notification et d’autorisation préalables, permettra aux autorités compétentes des États membres d’obtenir les informations pertinentes sur les transferts en question et leur donnera une chance d’identifier et d’interdire ceux dont elles suspectent qu’ils sont susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire. Un tel mécanisme sera alors susceptible de rendre plus difficile le financement de la prolifération nucléaire.

123    La requérante conteste, néanmoins, que les deux circonstances mises en avant par le Conseil puissent être prises en considération. Elle soutient que ces circonstances sont hypothétiques et ne sont pas étayées par une quelconque preuve concrète, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence, et notamment les arrêts cités au point 98 ci‑dessus.

124    À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, qu’il ressort des points 98 à 109 ci‑dessus que les arrêts invoqués par la requérante concernaient des mesures restrictives individuelles, ce qui implique que les règles qu’ils prévoient en matière de la charge de la preuve ne sauraient être transposées au cas d’espèce.

125    D’autre part, il y a lieu de relever que le bien-fondé des prémisses avancées par le Conseil est confirmé par les circonstances en cause dans l’affaire ayant abouti à l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), sur lequel la requérante appuie elle-même sa position.

126    En effet, l’un des motifs retenus par le Conseil à l’égard de la requérante lors de l’adoption des mesures restrictives individuelles la visant était le fait qu’elle fournissait des services de gestion des comptes à Novin Energy Company (ci-après « Novin »), visée elle-même par des mesures restrictives adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité »). La requérante a admis avoir fourni les services en cause, mais a contesté avoir été au courant de l’implication de Novin dans la prolifération nucléaire avant l’adoption des mesures restrictives visant celle‑ci par le Conseil de sécurité. En l’absence d’éléments de preuve ou d’information précis et concrets suggérant que la requérante savait ou pouvait raisonnablement suspecter que Novin participait à la prolifération nucléaire à une date antérieure, le Tribunal a accepté l’allégation de la requérante sur ce point. Il a considéré, par voie de conséquence, que les services fournis par la requérante à Novin avant l’adoption des mesures restrictives visant cette dernière ne constituaient pas un appui à la prolifération nucléaire au sens de la décision 2010/413 et du règlement no 267/2012 et ne justifiaient pas, par conséquent, l’adoption des mesures restrictives individuelles visant la requérante (arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra, EU:T:2013:39, points 119 à 138).

127    Ces faits, établis dans le cadre d’une procédure devant le Tribunal, confirment, d’une part, que les entités iraniennes impliquées dans la prolifération nucléaire utilisent les services financiers fournis par les banques iraniennes et, d’autre part, que ces dernières peuvent fournir de tels services, qui incluent l’exécution des ordres de virement, à leur insu, ce qui implique qu’elles peuvent être amenées à effectuer des transferts de fonds susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire.

128    Ainsi, les services financiers fournis par la requérante à Novin, visés par l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), corroborent les deux prémisses invoquées par le Conseil ainsi que, par conséquent, l’existence d’un lien entre le premier objectif et le régime litigieux.

129    Pour contester l’existence de ce lien, la requérante soutient encore, en premier lieu, que le régime litigieux n’est pas approprié pour atteindre le premier objectif parce qu’il est excessivement général dans la mesure où il ne vise pas uniquement des transferts de fonds susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire, mais l’ensemble des transferts entre les banques iraniennes et les banques de l’Union.

130    Or, cet argument est inopérant dans le contexte du présent moyen dans la mesure où il ne vise pas l’existence même d’un lien entre le premier objectif et le régime litigieux, et donc le caractère approprié de ce dernier, mais la question de savoir si le régime litigieux est nécessaire pour atteindre ledit objectif ou si des mesures moins générales auraient été suffisantes. Par conséquent, il y a lieu d’examiner l’argument en question dans le cadre du deuxième moyen, avec les autres arguments visant le champ d’application du régime litigieux (voir points 187 à 199 ci-après).

131    En second lieu, selon la requérante, le régime litigieux n’est pas approprié pour atteindre le premier objectif parce qu’il est inefficace dans la mesure où il ne vise que les relations avec les établissements financiers de l’Union et qu’il n’est pas suffisant pour faire cesser les activités des personnes ou entités impliquées dans la prolifération nucléaire.

132    Or, d’abord, la circonstance qu’une mesure n’est pas, en elle-même, suffisante pour atteindre un objectif n’implique nullement qu’elle est inappropriée pour l’atteindre au sens de la jurisprudence rappelée au point 92 ci‑dessus. Ainsi, le fait que le régime litigieux ne soit que l’une des mesures restrictives, tant générales qu’individuelles, adoptées par le Conseil pour empêcher la prolifération nucléaire et son financement n’implique pas qu’il serait illégal.

133    Ensuite, pour autant qu’il faut comprendre que la requérante soutient que le régime litigieux aurait dû s’appliquer également à des transferts de fonds impliquant des ressortissants de l’Union autres que des établissements financiers ou de crédit, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 13 ci‑dessus, l’article 30 bis du règlement no 267/2012 prévoit que de tels transferts sont soumis à des restrictions analogues, même si pas strictement identiques, à celles découlant du régime litigieux.

134    Enfin, pour autant qu’il y aurait lieu d’interpréter l’argument de la requérante en ce sens que le Conseil aurait dû adopter des mesures visant les relations entre les établissements financiers iraniens et ceux des pays tiers, il suffit d’observer que l’Union n’a a priori pas de compétence par rapport à de telles relations, au-delà des hypothèses visées à l’article 49 du règlement no 267/2012, qui définit le champ d’application de ce dernier.

135    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le régime litigieux est lié au premier objectif, qui est un objectif légitime de la PESC, et qu’il est donc approprié pour l’atteindre, au sens de la jurisprudence citée au point 92 ci‑dessus.

–       Sur le second objectif

136    Ainsi qu’il a été observé au point 114 ci‑dessus, le second objectif consiste à exercer une pression économique sur l’Iran en limitant l’accès des établissements financiers et, plus généralement, des opérateurs économiques iraniens au marché financier de l’Union, indépendamment de la question de savoir si les transferts affectés sont, en tant que tels, liés à la prolifération nucléaire.

137    La requérante considère que le régime litigieux poursuit le second objectif et estime que ce dernier n’est pas légitime, dès lors, notamment, qu’il ne vise pas la prolifération nucléaire, mais qu’il a une motivation économique et qu’il n’est, par conséquent, pas envisagé par la décision 2010/413 et par le règlement no 267/2012. Elle ajoute que le second objectif serait de nature à justifier toute mesure visant à nuire à l’Iran, à son économie et à son gouvernement, ainsi que toute interdiction des relations commerciales.

138    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, estime que, si le régime litigieux poursuit effectivement le second objectif, à la suite de l’échec des mesures restrictives antérieures, ledit objectif est, toutefois, légitime, en ce qu’il vise à contraindre l’Iran à engager des négociations relatives à la prolifération nucléaire, voire à l’abandonner.

139    Or, si les parties, dont le Conseil, en tant qu’auteur de la décision 2012/635 et du règlement attaqué, s’accordent sur le fait que le régime litigieux poursuit le second objectif, leur considération en ce sens n’est cependant pas étayée par l’examen des dispositions pertinentes de ces textes.

140    En effet, le libellé du considérant 5 de la décision 2012/635, qui est mis en œuvre par le règlement attaqué, se réfère, certes, en général, au fait que l’Iran ne s’est pas engagé sérieusement dans des négociations relatives à son programme nucléaire, en tant que motif de l’adoption de mesures restrictives supplémentaires.

141    Toutefois, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 118 ci‑dessus, le considérant 12 de la décision 2012/635, qui vise spécifiquement le régime litigieux, se réfère au fait qu’il convient d’« empêcher le transfert de tous fonds, autres actifs ou ressources économiques susceptibles de contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires », étant entendu qu’il n’y a pas lieu d’« empêcher la poursuite du commerce qui n’est pas interdit par la décision [2010/413] ». Ce libellé ne se réfère pas à la volonté d’exercer une pression économique généralisée sur l’Iran et mentionne même explicitement que le commerce légitime ne doit pas être empêché.

142    Le fait que le régime litigieux ne poursuit pas le second objectif est confirmé, sur les plans contextuel et téléologique, par l’analyse de la nature et de l’impact des restrictions qui en découlent. En effet, ledit régime ne prévoit pas la confiscation ou le gel des fonds des établissements financiers iraniens ou d’autres entités iraniennes, mais limite certaines des finalités permissibles des transferts de fonds les impliquant et soumet ces transferts à des obligations de notification et d’autorisation préalables. De même, en vertu de l’article 30 ter, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 267/2012, introduit par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, l’unique hypothèse permettant le refus d’un transfert poursuivant une finalité permissible est qu’il serait susceptible de violer les interdictions prévues par le règlement no 267/2012. Ainsi, si le régime litigieux comporte des charges administratives supplémentaires pour les entités visées et s’il restreint éventuellement la possibilité d’effectuer certains transferts, il n’apparaît pas qu’il viserait, en tant que tel, à exercer une pression économique sur l’Iran en empêchant généralement l’accès des opérateurs économiques iraniens au marché financier de l’Union.

143    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, nonobstant les allégations des parties, qui ne sauraient pas prévaloir sur une interprétation littérale, contextuelle et téléologique des dispositions pertinentes, le second objectif n’est pas poursuivi par le régime litigieux. Par conséquent, cet objectif ne peut être pris en considération dans la suite de l’examen du présent recours et l’argumentation de la requérante le concernant, invoquée dans le cadre du présent moyen, doit être rejetée comme étant inopérante.

–       Sur l’exigence d’un lien spécifique entre le régime litigieux et les activités relatives à la prolifération nucléaire

144    La requérante soutient qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 98 ci‑dessus, ainsi que de la déclaration no 25, intitulée « Déclaration ad articles 75 et 215 du traité [FUE] », annexée à l’acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 (JO 2008, C 115, p. 346), que les mesures restrictives visant la prolifération nucléaire doivent cibler spécifiquement des activités relatives à cette dernière.

145    Le même constat ressortirait des recommandations de méthodes de travail en vue de l’adoption de sanctions autonomes de l’Union, adoptées par le Conseil le 21 décembre 2011 (document 18920/11, ci-après les « recommandations »), et des lignes directrices du Conseil concernant la mise en œuvre de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la PESC, du 15 juin 2012 (document 11205/12, ci-après les « lignes directrices »). En effet, selon ces documents, des mesures restrictives ciblées seraient plus efficaces et auraient des conséquences négatives moins importantes pour les tiers que des restrictions générales. Par conséquent, les mesures restrictives adoptées devraient viser les politiques et les activités qui sont à l’origine de la décision de l’Union et les personnes et entités responsables de ces politiques et actions, et ne devraient pas avoir une motivation économique. Or, selon la requérante, le régime litigieux ne vise spécifiquement ni la prolifération nucléaire ni les personnes qui en sont responsables, mais l’ensemble du secteur financier iranien. De même, ledit régime serait motivé par des considérations essentiellement économiques.

146    À cet égard, il y a lieu de relever, d’abord, qu’il ressort des points 98 à 109 ci‑dessus que, s’il revient au Tribunal de vérifier que le régime litigieux est approprié pour atteindre l’objectif consistant à empêcher la prolifération nucléaire et son financement, cela n’implique pas, pour autant, que le Conseil serait tenu de démontrer que les entités affectées par le régime litigieux sont effectivement impliquées dans la prolifération nucléaire.

147    Ensuite, il ressort de l’examen mené aux points 117 à 135 ci‑dessus que le régime litigieux vise à atteindre le premier objectif, c’est-à-dire à empêcher des transferts de fonds susceptibles, en tant que tels, de contribuer à la prolifération nucléaire. Dès lors, ledit régime vise la prolifération nucléaire et son financement et n’est pas motivé par des considérations économiques, dès lors, notamment, qu’il ne poursuit pas le second objectif.

148    Pour autant que la requérante soutient, dans ce contexte, que le régime litigieux vise l’ensemble du secteur financier iranien et qu’il s’agit d’une mesure adoptée « sans discrimination », ses arguments seront examinés dans le cadre du deuxième moyen, avec les autres arguments visant le champ d’application du régime litigieux (voir points 187 à 199 ci-après).

149    Enfin, la déclaration no 25, intitulée « Déclaration ad articles 75 et 215 du traité [FUE] », exige, notamment, que les décisions soumettant une personne ou une entité à des mesures restrictives doivent s’appuyer sur des critères clairs et distincts. Or, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 36 ci‑dessus, l’article 1er, point 15, du règlement attaqué, qui a introduit le régime litigieux, ne constitue pas une décision au sens de la déclaration en question, dès lors qu’il ne vise pas des personnes ou des entités déterminées, mais prévoit un régime de portée générale. D’autre part, en tout état de cause, la question de savoir si les dispositions prévoyant le régime litigieux sont suffisamment claires sera examinée dans le cadre du troisième moyen ci-après.

150    Les recommandations et les lignes directrices, quant à elles, précisent, certes, que des mesures restrictives ciblées permettent de limiter les conséquences négatives pour les personnes qui ne sont pas responsables des politiques et actions ayant déclenché l’action de l’Union et sont plus efficaces que des mesures imposées sans discrimination. Cela étant, ce constat général n’implique nullement que des mesures restrictives générales ne sont pas appropriées pour atteindre l’objectif poursuivi par le Conseil, voire que le Conseil ne pourrait, sous aucune hypothèse, adopter de telles mesures restrictives générales, nonobstant la compétence qui lui est conférée par l’article 215, paragraphe 1, TFUE.

151    Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante portant sur l’exigence d’un lien spécifique entre le régime litigieux et les activités relatives à la prolifération nucléaire.

152    Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que le régime litigieux poursuit le premier objectif, qui est légitime. Dans ces circonstances, ledit régime est approprié au sens de la jurisprudence citée au point 92 ci‑dessus, ce qui implique que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, concernant le caractère nécessaire du régime litigieux

153    La requérante soutient que, même à supposer que le régime litigieux présente un lien logique avec l’objectif de la PESC poursuivi par le Conseil, il n’est pas nécessaire pour l’atteindre, ce qui implique qu’il est disproportionné.

154    Au soutien de sa position, la requérante invoque trois griefs. Premièrement, elle fait valoir que les mesures restrictives existant au moment de l’adoption du régime litigieux étaient suffisantes pour atteindre l’objectif poursuivi par le Conseil. Deuxièmement, elle soutient que le régime litigieux n’est pas nécessaire dans la mesure où son champ d’application est excessivement général en ce qu’il inclut également des transferts et entités qui n’ont pas de rapport avec la prolifération nucléaire. Troisièmement, la requérante fait valoir que le régime litigieux aurait des effets néfastes disproportionnés sur l’ensemble de l’économie et de la population iraniennes.

155    Les autres parties contestent le bien-fondé des arguments de la requérante.

156    À titre liminaire, il y a lieu de relever que le troisième grief de la requérante est, pour l’essentiel, inopérant dans le cadre du présent moyen. En effet, à supposer que le régime litigieux soit effectivement à l’origine des effets néfastes excessifs, cette circonstance n’implique pas qu’il n’est pas nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, mais que, indépendamment de la question de sa nécessité, il cause des inconvénients démesurés aux personnes et entités qu’il affecte. Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner le troisième argument dans le cadre du quatrième moyen, consacré à la gravité des inconvénients causés (voir les points 204 à 214 ci-après).

–       Sur le caractère suffisant des mesures restrictives existant au moment de l’adoption du régime litigieux

157    Selon la requérante, au moment de l’adoption du régime litigieux, des mesures restrictives individuelles visant des entités impliquées dans la prolifération nucléaire étaient déjà en place et de nouvelles mesures individuelles visant d’autres entités pouvaient, le cas échéant, être adoptées. Selon l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 92 supra (EU:T:2009:401, point 68), de telles mesures seraient à même de garantir que les fonds des entités visées ne seront plus utilisés pour promouvoir la prolifération nucléaire.

158    Dans ce contexte, la requérante estime que l’allégation du Conseil selon laquelle d’autres personnes sont impliquées dans la prolifération nucléaire que celles identifiées comme telles dans le cadre des mesures restrictives individuelles ne saurait être prise en considération, dès lors qu’elle permettrait de contourner l’obligation impartie au Conseil d’établir l’implication des personnes et entités concernées dans ladite prolifération, consacrée par la jurisprudence.

159    La requérante ajoute que, avant l’adoption du régime litigieux, le règlement no 267/2012 prévoyait déjà un système de notification et de contrôle complexe qui restreignait les transferts de fonds ainsi que la fourniture de services financiers à destination et en provenance de personnes et entités iraniennes. Selon la requérante, en vertu de ces règles, les banques européennes étaient déjà tenues, à tout le moins implicitement, de contrôler les paiements et les relations commerciales en question, ce qui implique qu’il n’était pas nécessaire d’adopter le régime litigieux.

160    Par ailleurs, l’efficacité des mesures restrictives, tant générales qu’individuelles, mises en œuvre avant l’adoption du régime litigieux n’aurait jamais été mise en cause et aurait même été confirmée par l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 92 supra (EU:T:2009:401). De même, il ressortirait des lignes directrices que les mesures restrictives individuelles sont plus efficaces et causent une atteinte moins sérieuse au commerce légitime que des mesures générales adoptées sans discrimination.

161    Premièrement, s’agissant des mesures restrictives individuelles, il y a lieu de remarquer, à l’instar du Conseil, que leur mise en œuvre présuppose que la personne ou entité en question ait été identifiée, préalablement, comme satisfaisant à l’un des critères prévus par la réglementation applicable. Dès lors, si, ainsi qu’il ressort du point 68 de l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 92 supra (EU:T:2009:401), le gel des fonds des entités qui ont été reconnues comme participant, étant directement associées ou apportant un appui à la prolifération nucléaire est à même de garantir que les fonds de ces entités ne seront plus utilisés pour promouvoir la prolifération nucléaire, il n’est pas, en revanche, susceptible d’empêcher une telle utilisation des fonds des personnes et des entités dont l’implication dans la prolifération nucléaire n’est pas encore connue. Or, ainsi qu’il ressort de l’exposé des circonstances dans lesquelles la requérante avait fourni des services financiers à Novin, figurant aux points 125 à 128 ci‑dessus, l’existence de telles personnes et entités n’est pas hypothétique, mais a, au contraire, été établie dans le cadre d’une procédure devant le Tribunal.

162    Deuxièmement, il est, certes, vrai que, au moment de l’adoption du régime litigieux, des mesures restrictives générales réglementant les transferts de fonds impliquant une personne ou entité iranienne étaient déjà prévues à l’article 30 du règlement no 267/2012 (ci-après le « régime antérieur »). Le régime antérieur prévoyait, notamment, une obligation de notification préalable à partir d’un seuil de 10 000 euros et une obligation d’autorisation préalable pour les transferts d’un montant égal ou supérieur à 40 000 euros autres que les transferts humanitaires. L’autorisation en question pouvait être refusée si l’autorité compétente était fondée à croire que le transfert de fonds en question pouvait violer l’une ou l’autre des interdictions ou obligations prévues par le règlement no 267/2012.

163    À cet égard, il ressort d’une comparaison du régime antérieur avec le régime litigieux que ce dernier ne constitue pas un régime qualitativement nouveau, ainsi que le laisse entendre la requérante, mais repose sur des aménagements partiels visant à renforcer le régime antérieur.

164    En effet, en ce qui concerne les établissements financiers iraniens, dont la requérante, l’adoption du régime litigieux n’a renforcé les restrictions existantes prévues par le régime antérieur qu’à trois égards, à savoir, d’abord, en énumérant limitativement les catégories de transferts pouvant être effectués, ensuite, en introduisant un seuil d’autorisation pour les transferts humanitaires et, enfin, en abaissant le seuil d’autorisation pour certaines catégories des transferts. En outre, l’effet de la première modification est atténué par le fait que l’énumération des finalités permissibles est large, notamment en ce qu’elle inclut les transferts liés à un contrat commercial spécifique.

165    Cette analyse comparative tend à mettre en cause l’allégation de la requérante quant au caractère excessivement général et, partant, non nécessaire, du régime litigieux. En effet, dans la mesure où la requérante ne conteste pas explicitement le caractère nécessaire du régime antérieur et affirme même que celui-ci était susceptible, avec d’autres mesures, d’atteindre l’objectif poursuivi par le Conseil, elle ne saurait alléguer, à bon droit, l’absence de nécessité du régime litigieux, qui ne se distingue pas, quant à ses caractéristiques essentielles, du régime antérieur.

166    Troisièmement, pour autant que l’argumentation de la requérante doive être interprétée en ce sens qu’elle conteste la nécessité tant du régime litigieux que, implicitement, du régime antérieur, en ce qu’ils soumettent tous les deux les transferts entre les établissements financiers iraniens et ceux de l’Union à la surveillance systématique des autorités compétentes des États membres, plutôt qu’à une surveillance interne desdits établissements, également prévue par le règlement no 267/2012, le Conseil invoque deux circonstances pour justifier ce choix.

167    Il fait valoir, d’une part, qu’il ne peut pas se fier aux banques iraniennes pour exercer des contrôles préalables, compte tenu des lacunes dans le système iranien de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, constatées par le Groupe d’action financière (GAFI), une organisation intergouvernementale chargée de déterminer les standards et de promouvoir l’application effective des mesures législatives, réglementaires et opératives pour combattre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et d’autres menaces liées posant un risque à l’intégrité du système financier international.

168    D’autre part, le Conseil estime que, nonobstant l’obligation de surveillance imposée aux établissements financiers de l’Union, ces derniers peuvent ne pas être en mesure d’identifier et de traiter les transferts suspects, et ce d’autant plus que les entités impliquées dans la prolifération nucléaire tentent de dissimuler l’identité des parties aux opérations concernées.

169    S’agissant du premier argument du Conseil, la requérante ne conteste pas les conclusions du GAFI. Elle soutient, toutefois, qu’elles ne sont pas pertinentes, dans la mesure où le régime litigieux ne vise ni le blanchiment des capitaux ni le financement du terrorisme, mais la prolifération nucléaire.

170    Cet argument ne saurait prospérer. En effet, si les domaines en question sont certes distincts, ils sont néanmoins étroitement liés en ce qu’ils impliquent, tous les trois, l’utilisation des fonds financiers afin d’atteindre des objectifs clandestins. Cette circonstance est, d’ailleurs, reflétée dans la définition des tâches du GAFI ainsi que dans le fait que les discussions menées au sein de cette organisation concernent également le financement de la prolifération des armes de destruction massive.

171    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que les conclusions du GAFI peuvent être transposées au cas d’espèce et permettent donc de conclure que, compte tenu des lacunes dans le système iranien de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, les entités iraniennes, et en particulier les établissements financiers, courent également le risque accru d’être conduites à prendre part, volontairement ou à leur insu, à des transferts susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire. Tel est d’autant plus le cas que, dans la mesure où les activités liées à la prolifération nucléaire sont gérées par le gouvernement iranien, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que ce même gouvernement prenne des mesures législatives ou administratives pour l’empêcher.

172    Quant au second argument du Conseil, il y a lieu de relever que l’extrait du rapport du GAFI présenté par lui invite notamment à ce que, outre une surveillance renforcée effectuée par les établissements financiers, les juridictions membres du GAFI appliquent des contre-mesures efficaces pour protéger leurs secteurs financiers contre les risques émanant d’Iran. Ce constat implique que, de l’avis du GAFI, les établissements financiers ne sont pas capables, à eux seuls, de faire face au risque en question de manière adéquate.

173    Dans ce contexte, il a été rappelé au point 161 ci‑dessus que la requérante elle-même a été amenée à fournir, à son insu, des services de gestion des comptes à une entité iranienne impliquée dans la prolifération nucléaire, nonobstant ses systèmes de contrôle interne. Dans ces circonstances, il ne saurait être exclu qu’un établissement financier de l’Union soit, tout aussi involontairement, amené à participer à un transfert de fonds susceptible de contribuer à la prolifération nucléaire.

174    Partant, les circonstances mises en avant par le Conseil établissent qu’un régime tel que le régime litigieux était nécessaire, nonobstant les obligations parallèles de surveillance interne imposées aux établissements financiers de l’Union.

175    En dernier lieu, les arguments de la requérante résumés au point 160 ci‑dessus, tirés de ce que l’efficacité des mesures restrictives mises en œuvre avant l’adoption du régime litigieux n’aurait jamais été mise en cause et aurait été confirmée par les lignes directrices, ne sauraient être retenus.

176    Ainsi, d’abord, si le Conseil n’a pas présenté d’éléments spécifiques démontrant que l’efficacité des mesures restrictives aurait fait l’objet de contestations ou de réserves, il n’en demeure pas moins que, depuis l’adoption du règlement no 423/2007, qui était le premier règlement concernant la prolifération nucléaire, ces mêmes mesures ont été progressivement élargies, renforcées et précisées, ce qui suggère que le Conseil cherchait constamment à augmenter leur efficacité.

177    Ensuite, ainsi qu’il ressort du point 161 ci‑dessus, l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 92 supra (EU:T:2009:401), a seulement confirmé l’efficacité des mesures restrictives individuelles par rapport aux fonds des personnes et entités visées par ces mêmes mesures. En revanche, il ne permet pas de tirer de conclusions valables sur l’efficacité en général du régime des mesures restrictives visant la prolifération nucléaire.

178    Enfin, le constat, figurant dans les lignes directrices, selon lequel, en substance, les mesures restrictives individuelles sont généralement plus efficaces et causent une atteinte moins sérieuse au commerce légitime que des mesures restrictives adoptées sans discrimination, d’une part, n’implique nullement que des mesures restrictives générales ne sont pas nécessaires pour atteindre l’objectif poursuivi par le Conseil, notamment lorsque des mesures restrictives individuelles s’avèrent, à elles seules, insuffisantes à cette fin, comme c’est le cas en l’espèce. D’autre part, en tout état de cause, ainsi qu’il ressort de l’examen des arguments visant le champ d’application du régime litigieux effectué aux points 187 à 199 ci-après, la requérante qualifie à tort le régime litigieux de mesure adoptée « sans discrimination ».

179    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les arguments de la requérante ne démontrent pas que l’adoption du régime litigieux ou, plus généralement, d’un régime qui soumet les transferts entre les établissements financiers iraniens et ceux de l’Union à la surveillance systématique des autorités compétentes des États membres ne serait pas nécessaire en raison de l’existence des autres mesures restrictives mises en œuvre dans le cadre du règlement no 267/2012.

180    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur le champ d’application du régime litigieux

181    La requérante soutient que le régime litigieux ne vise pas des transferts de fonds contribuant à la prolifération nucléaire, mais constitue, en réalité, un embargo général, empêchant toute activité économique et tout transfert de fonds entre les établissements financiers de l’Union et l’Iran. En effet, dans la mesure où le régime litigieux vise le secteur financier iranien dans son intégralité, le Conseil aurait imposé à tort des interdictions globales sur la base de généralisations concernant l’ensemble des banques d’un pays. Ainsi, le régime litigieux amènerait à suspecter, de manière injustifiée, pratiquement toutes les banques iraniennes d’une implication dans la prolifération nucléaire et le blanchiment d’argent. 

182    Dans ce contexte, l’allégation du Conseil selon laquelle des personnes autres que celles identifiées dans le cadre des mesures restrictives individuelles seraient impliquées dans la prolifération nucléaire ne saurait justifier le champ d’application du régime litigieux, selon la requérante. En effet, cette allégation ne concernerait pas spécifiquement les banques, qui sont pourtant le plus affectées par le régime litigieux, mais des personnes ou entités en général. Par conséquent, le régime litigieux ne serait pas adapté à l’objectif poursuivi, dès lors qu’il tendrait à affecter, avec certitude, de nombreuses entités non impliquées dans la prolifération nucléaire et des transferts qui n’y sont pas liés, afin d’affecter, éventuellement, certains qui le sont.

183    La requérante fait valoir, à cet égard, que le critère prévu à l’article 30 ter, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 267/2012, introduit par le règlement attaqué, selon lequel peut être interdit tout transfert de fonds qui « pourrait violer » l’une ou l’autre des interdictions ou obligations prévues par le règlement no 267/2012, est spéculatif et trop général. De l’avis de la requérante, pour être compatible avec le principe de proportionnalité, l’interdiction en question ne devrait viser que les transferts de fonds qui « violeraient » les interdictions ou obligations en question.

184    La requérante ajoute que son cas permet de démontrer le champ d’application excessif du régime litigieux. En effet, à supposer qu’elle ait été effectivement impliquée dans la prolifération nucléaire, comme le prétendait le Conseil, les mesures restrictives individuelles la visant auraient été à la fois appropriées et suffisantes pour éviter le risque lié aux transferts de fonds qu’elle réalisait et des mesures supplémentaires n’étaient pas nécessaires. Or, dans la mesure où il ressort de l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), qu’elle n’était pas impliquée dans la prolifération nucléaire, il n’est pas, a fortiori, nécessaire de limiter ses activités légitimes par le biais du régime litigieux. Tel serait d’autant plus le cas que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt de la United Kingdom Supreme Court (Cour suprême du Royaume-Uni) concernant les mesures restrictives du Royaume-Uni la visant, elle a mis en place un système permettant d’éviter toute violation des mesures restrictives mises en place par le Conseil de sécurité.

185    Dans ce contexte, la requérante soutient, à titre subsidiaire, que le Conseil aurait dû, à tout le moins, l’exclure de l’application du régime litigieux, dans la mesure où elle est une banque qui, selon les constatations du Tribunal et des juridictions britanniques, n’est pas impliquée dans la prolifération nucléaire et exerce la vigilance requise pour qu’elle ne le devienne pas.

186    La requérante souligne, en dernier lieu, qu’il est manifestement disproportionné que le régime litigieux empêche des paiements et investissements licites au sein de l’Union.

187    À titre liminaire, il convient de constater que l’argumentation de la requérante relative à l’interprétation du critère prévu à l’article 30 ter, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 267/2012, présentée lors de l’audience et résumée au point 183 ci‑dessus, est irrecevable pour les raisons exposées aux points 60 et 61 ci‑dessus.

188    S’agissant des autres arguments, en premier lieu, la requérante prétend à tort, par son argument rappelé au point 181 ci‑dessus, que le régime litigieux est un « embargo général » qui empêcherait toute activité économique et tout transfert de fonds entre les établissements financiers de l’Union et l’Iran. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 30 du règlement no 267/2012, tel que modifié par le règlement attaqué, le régime litigieux permet explicitement d’effectuer les transferts correspondant aux finalités qu’il définit, qui incluent, notamment, le transfert de fonds individuels ainsi que les transferts de fonds liés à un contrat commercial spécifique.

189    En outre, si le régime litigieux vise, certes, à empêcher les transferts susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire effectués par des établissements financiers iraniens, son adoption ne comporte, pour autant, aucune suspicion du Conseil quant à l’implication volontaire ou consciente de ces derniers dans ladite prolifération.

190    En deuxième lieu, quant aux obligations d’ordre procédural, il est, certes, vrai que l’obligation de notification s’applique à tous les transferts définis à l’article 30, paragraphe 3, sous a), du règlement no 267/2012. De même, l’obligation de demander l’autorisation préalable s’applique à tous les transferts visés à l’article 30, paragraphe 3, sous b) et c), du règlement no 267/2012. Ainsi, ces deux obligations s’appliquent tant aux transferts susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire qu’à ceux qui ne le sont pas.

191    Toutefois, cette circonstance est inévitable au vu de la finalité des obligations en question, qui visent à fournir aux autorités nationales compétentes les informations nécessaires pour identifier préalablement les transferts susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire et les interdire. En effet, à défaut de disposer soit d’une notification préalable d’un transfert, soit d’une demande d’autorisation préalable le concernant, lesdites autorités ne peuvent pas l’évaluer pour déterminer s’il peut ou non être effectué.

192    Dans ces circonstances, le fait que l’obligation de notification et l’obligation de demander l’autorisation concernent des transferts qui ne sont pas susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire n’implique pas que lesdites obligations ne sont pas nécessaires. En outre, dans la mesure où les dispositions prévoyant ces obligations n’interdisent pas, en tant que telles, d’effectuer des transferts, elles n’établissent pas, non plus, un quelconque « embargo général ».

193    En troisième lieu, pour autant que la requérante fait valoir, au point 182 ci‑dessus, que le Conseil se fonde sur des allégations qui ne concernent pas spécifiquement les banques, mais des personnes ou entités en général, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 13 ci‑dessus, l’article 30 bis du règlement no 267/2012, introduit par le règlement attaqué, prévoit des restrictions similaires visant les personnes, entités ou organismes iraniens ne relevant pas du champ d’application du régime litigieux.

194    En outre, le choix du Conseil de prévoir que le régime litigieux doit s’appliquer aux transferts impliquant les établissements financiers iraniens, alors que les autres transferts sont soumis à un régime restrictif se distinguant sur certains aspects, relève du pouvoir qu’il convient de lui reconnaître à cet égard, ainsi qu’il ressort du point 102 ci‑dessus. Au demeurant, ce choix est justifié par le risque particulier posé par les établissements financiers iraniens, tel que relevé au point 171 ci‑dessus.

195    En quatrième lieu, les circonstances particulières de la requérante, invoquées par elle au point 184 ci‑dessus, tendent à corroborer le caractère nécessaire du régime litigieux, plutôt qu’à l’infirmer. En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 125 à 127 ci‑dessus, la requérante a fourni des services financiers de gestion de compte, qui incluent l’exécution d’ordres de virement, à une entité impliquée dans la prolifération nucléaire, avant que cette implication ait été connue publiquement. De ce fait, la requérante a été amenée, à son insu, à effectuer des transferts qui étaient susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire, nonobstant le système interne de contrôle dont elle se prévaut.

196    Dans ces circonstances, le fait de soumettre les transferts de fonds entre la requérante et les établissements financiers de l’Union au régime litigieux ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour empêcher les transferts de fonds susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire, nonobstant le fait que le Conseil n’a pas démontré son implication dans cette dernière, ainsi que l’ont constaté tant le Tribunal que les juridictions du Royaume-Uni.

197    Par conséquent, la requérante soutient à tort que le Conseil était tenu de l’exclure spécifiquement du champ d’application du régime litigieux.

198    En cinquième lieu, s’agissant de l’argument concernant les paiements et les investissements au sein de l’Union, rappelé au point 186 ci‑dessus, il suffit d’observer qu’il ressort des points 141 et 142 ci‑dessus que le régime litigieux ne vise pas à empêcher le commerce légitime et, partant, à interdire les transferts licites.

199    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief et, par voie de conséquence, le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, concernant les inconvénients causés par le régime litigieux

200    En premier lieu, s’agissant des inconvénients causés par le régime litigieux en général, la requérante soutient que ce dernier est généralisé, indifférencié et non ciblé, dès lors qu’il vise le secteur financier iranien dans son intégralité. Ainsi, ledit régime tend à affaiblir significativement l’économie iranienne et, par là, à nuire inévitablement aux personnes iraniennes qui ne sont ni liées à la prolifération nucléaire ni susceptibles d’influencer la politique poursuivie par le régime iranien. Or, un tel effet néfaste, qui serait susceptible d’atteindre, au-delà du secteur économique, le domaine humanitaire, par exemple en ce qui concerne la disponibilité de médicaments vitaux, serait manifestement disproportionné et contraire à la nécessité d’éviter de telles conséquences, rappelée constamment par l’Union.

201    La requérante ajoute, dans ce contexte, que les exceptions prévues par le régime litigieux ne sont pas suffisantes pour le rendre proportionné, dès lors qu’elles sont extrêmement limitées, qu’elles sont octroyées à l’entière discrétion des autorités compétentes et que, ainsi qu’il ressort du troisième moyen, elles sont contraires aux exigences de sécurité juridique et à l’interdiction de l’arbitraire.

202    En second lieu, s’agissant des inconvénients causés à elle-même, la requérante fait valoir qu’il ne fait aucun doute que l’exercice de ses droits et libertés a été restreint de manière considérable, dès lors que le régime litigieux interdit, en définitive, tout transfert de fonds entre elle-même et l’Union. Or, dans la mesure où le régime litigieux ne serait pas nécessaire pour empêcher la prolifération nucléaire ou son financement, il ne constituerait ni la mesure la moins contraignante ni l’atteinte minimale à ses droits, et ce d’autant plus qu’elle n’a jamais apporté un appui à la prolifération nucléaire, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39).

203    Les autres parties contestent le bien-fondé des arguments de la requérante.

204    Selon la jurisprudence, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui sont susceptibles de causer des préjudices à des parties dont la responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des mesures en cause n’a pas été établie. L’importance des objectifs poursuivis par la réglementation litigieuse est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, Rec, EU:T:2009:266, point 111 et jurisprudence citée).

205    S’agissant des inconvénients causés par le régime litigieux à l’économie iranienne en général, il est, certes, vrai que le régime litigieux est susceptible d’avoir un certain impact sur l’économie iranienne, dans la mesure où il soumet les transferts de fonds concernés à des formalités supplémentaires et où son application peut se traduire par l’interdiction de certains transferts. Toutefois, cet impact est limité à deux égards.

206    D’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 164 ci‑dessus, l’énumération des finalités permissibles dans le cadre du régime litigieux est large, dès lors qu’elle inclut notamment les transferts humanitaires, les transferts de fonds individuels et les transferts liés à un contrat commercial spécifique.

207    Il convient de souligner, dans ce contexte, que les transferts humanitaires, qui constituent une finalité permissible, incluent spécifiquement les transferts concernant des soins de santé ou des équipements médicaux. Ainsi, la pénurie de médicaments essentiels en Iran, invoquée par la requérante, ne saurait être attribuée au régime litigieux en tant que tel.

208    D’autre part, ainsi qu’il ressort des points 187 à 199 ci‑dessus, le régime litigieux n’est pas un embargo généralisé, indifférencié et non ciblé, dès lors notamment qu’il ne vise pas à ce que le commerce licite soit empêché, conformément à ce qu’exige le considérant 12 de la décision 2012/635, qu’il met en œuvre.

209    Par ailleurs, il ressort de l’examen du troisième moyen ci-après que le régime litigieux n’est pas contraire aux exigences de sécurité juridique et à l’interdiction de l’arbitraire en ce que sa mise en œuvre serait laissée à l’entière discrétion des autorités compétentes.

210    S’agissant des inconvénients prétendument causés à la requérante elle-même, il y a lieu d’admettre que son activité économique, en tant qu’établissement financier, peut être rendue plus difficile par la mise en œuvre du régime litigieux, qui la soumet à des formalités supplémentaires.

211    Cela étant, d’une part, la requérante ne présente aucun élément concret qui tendrait à établir l’étendue des inconvénients qu’elle serait susceptible de subir du fait du régime litigieux.

212    D’autre part, ces inconvénients sont susceptibles d’être contrebalancés par les éléments évoqués aux points 206 à 208 ci‑dessus.

213    Dans ces circonstances, étant donné l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, qui sont les objectifs ultimes sous‑jacents aux mesures visant à empêcher la prolifération nucléaire et son financement, les inconvénients causés tant à l’économie iranienne en général qu’à la requérante ne sont pas démesurés par rapport aux buts visés.

214    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le troisième moyen

215    La requérante soutient que le régime litigieux viole les principes de proportionnalité et de sécurité juridique, le principe de l’interdiction de l’arbitraire, l’obligation de motivation, l’exigence selon laquelle toute sanction doit présenter les garanties juridiques nécessaires et le principe d’égalité de traitement.

216    Premièrement, elle précise que le Conseil n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles l’adoption des mesures restrictives générales était nécessaire ou appropriée à la réalisation de l’objectif poursuivi.

217    Deuxièmement, elle fait valoir que le régime litigieux ne présente pas, par nature, les garanties juridiques tant matérielles que procédurales consacrées par l’article 215, paragraphe 3, TFUE et jugées essentielles par le Tribunal afin de protéger les personnes et entités visées par les mesures restrictives. En particulier, selon la requérante, dans la mesure où ledit régime décharge le Conseil de l’obligation de déterminer si l’imposition d’une mesure à l’encontre d’une banque déterminée est justifiée, nécessaire et proportionnée, il opère un renversement de la charge de la preuve. De même, le régime litigieux ne prévoirait que des exceptions excessivement limitées à l’interdiction qu’il prévoit.

218    La requérante ajoute, dans ce contexte, que des mesures restrictives individuelles visant des banques iraniennes, dont notamment elle-même, ont été annulées par le Tribunal en raison de la violation des droits et garanties juridiques profitant à ces dernières, consacrées par l’article 215, paragraphe 3, TFUE. Or, en remplaçant les mesures restrictives individuelles par le régime litigieux, le Conseil n’a pas pris de mesures supplémentaires afin de remédier aux défaillances reprochées par le Tribunal, nonobstant le fait que le régime litigieux a, dans sa globalité, des effets néfastes analogues à ceux des mesures restrictives individuelles.

219    Dans ces circonstances, la requérante estime que, dans la mesure où la compétence du Conseil pour adopter des mesures restrictives générales n’est pas plus étendue que sa compétence pour adopter des mesures individuelles, l’illégalité des mesures restrictives individuelles la visant, constatée dans l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), implique l’illégalité du régime litigieux à son égard.

220    Troisièmement, selon la requérante, le régime litigieux ne satisfait pas aux exigences de clarté, de sécurité juridique et d’interdiction de l’arbitraire consacrées par la jurisprudence.

221    En effet, aucune disposition ne limiterait le pouvoir discrétionnaire des autorités nationales de refuser un transfert donné, dès lors que les dispositions pertinentes se bornent à se référer aux fonds « susceptibles de contribuer » à la prolifération nucléaire et au fait que les autorités nationales compétentes sont « fondées à croire » qu’un transfert « pourrait violer l’une ou l’autre des interdictions ou obligations » prévues. Des critères ainsi définis sont, selon la requérante, arbitraires et aléatoires.

222    Quatrièmement, la requérante soutient que le régime litigieux viole le principe d’égalité de traitement à deux égards.

223    En effet, d’une part, ledit régime serait discriminatoire dans la mesure où il ne vise que les banques iraniennes, alors que des banques établies dans d’autres États courent le même risque d’être conduites à soutenir la prolifération nucléaire. En l’absence d’une justification fournie par le Conseil, la requérante estime qu’une telle différence de traitement constitue une discrimination fondée sur la nationalité.

224    D’autre part, en l’absence de critères suffisamment précis et clairs, l’obligation d’autorisation préalable prévue par le régime litigieux serait discriminatoire, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 1er juin 1999, Konle (C‑302/97, Rec, EU:C:1999:271, point 49).

225    Les autres parties contestent le bien-fondé des arguments de la requérante.

226    En premier lieu, s’agissant de la motivation de l’adoption du régime litigieux, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, Rec, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

227    La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Conseil/Bamba, point 226 supra, EU:C:2012:718, point 50 et jurisprudence citée).

228    En l’espèce, il ressort du considérant 12 de la décision 2012/635, à laquelle renvoie le considérant 7 du règlement attaqué, que, « [a]fin d’empêcher le transfert de tous fonds, autres actifs ou ressources économiques susceptibles de contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, il y a lieu d’interdire les opérations entre les banques et les institutions financières de l’Union et de l’Iran, à moins qu’elles n’aient été préalablement autorisées par l’État membre concerné ».

229    Cette motivation est suffisante s’agissant de l’adoption d’un acte de portée générale tel que le régime litigieux. En effet, elle a été comprise par la requérante, qui a été en mesure de mettre en cause, de manière détaillée, la légalité du régime litigieux, et notamment sa prétendue incompatibilité avec le principe de proportionnalité. De même, le Tribunal est en mesure de contrôler la légalité du régime litigieux.

230    Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier grief de la requérante.

231    En deuxième lieu, s’agissant des garanties juridiques exigées par l’article 215, paragraphe 3, TFUE, l’argumentation de la requérante relative au prétendu lien entre l’illégalité des mesures restrictives individuelles et le régime litigieux ne saurait être retenue.

232    En effet, tant dans l’arrêt Bank Mellat/Conseil, point 16 supra (EU:T:2013:39), que dans les autres arrêts annulant des mesures restrictives individuelles visant des banques iraniennes, invoqués par la requérante, l’annulation était fondée sur l’absence de preuve de ce que l’entité concernée remplissait effectivement le critère mis en œuvre à son égard par le Conseil, ainsi que sur certaines violations des droits procéduraux reconnus à ladite entité dans le cadre de cette mise en œuvre. Or, ainsi qu’il ressort des points 36 et 105 ci‑dessus, en tant que mesure de portée générale, le régime litigieux prévu par l’article 1er, point 15, du règlement attaqué n’est pas fondé sur l’application d’un quelconque critère au cas spécifique de la requérante ou d’une autre entité, ce qui implique qu’il n’est pas mis en œuvre de la même manière que les mesures restrictives individuelles.

233    Dans ces circonstances, l’annulation des mesures restrictives individuelles visant la requérante ou d’autres banques iraniennes n’a pas, en tant que telle, d’impact sur la légalité du régime litigieux, et ce d’autant plus que, ainsi qu’il a été relevé au point 108 ci‑dessus, les effets du régime litigieux sont considérablement moins étendus que ceux d’un gel des fonds.

234    Quant aux garanties prétendument applicables au régime litigieux lui-même, d’une part, il ressort des points 98 à 109 ci‑dessus qu’il n’y a pas lieu de transposer au cas d’espèce la jurisprudence relative aux mesures restrictives individuelles, ce qui implique qu’il n’y a notamment pas lieu d’exiger que le Conseil établisse que les entités affectées par le régime litigieux sont effectivement impliquées dans la prolifération nucléaire. Pour les mêmes raisons, le Conseil n’était pas tenu d’apprécier cette même circonstance au moment de l’adoption du régime litigieux.

235    Il revenait plutôt au Conseil, au stade de l’adoption du régime litigieux, de vérifier sa proportionnalité et, partant, d’examiner si son adoption était appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à empêcher la prolifération nucléaire et son financement et qu’elle ne causait pas d’inconvénients démesurés aux personnes et entités affectées, dont la requérante.

236    Or, l’examen effectué dans le cadre des premier, deuxième et quatrième moyens ci‑dessus, qui a porté également sur l’étendue des finalités permissibles de transferts, n’a pas révélé que le régime litigieux serait incompatible avec le principe de proportionnalité.

237    D’autre part, la requérante ne présente pas d’arguments spécifiques quant aux garanties procédurales qui devraient être applicables au régime litigieux. En tout état de cause, ainsi qu’il a été rappelé au point 232 ci‑dessus, en tant que mesure de portée générale, le régime litigieux n’est pas fondé sur l’application individuelle d’un critère donné au cas spécifique de la requérante ou d’une autre entité. Dans ces circonstances, à la différence de la procédure d’adoption des mesures restrictives individuelles, les garanties juridiques requises par l’article 215, paragraphe 3, TFUE n’incluent pas l’obligation pour le Conseil de donner des motifs concrets et spécifiques pour chaque personne ou entité affectée, l’obligation d’accorder un accès au dossier ni la possibilité pour les personnes et entités affectées de présenter des observations et l’obligation pour le Conseil de prendre de telles observations en considération.

238    En effet, s’agissant d’un acte de portée générale tel que le régime litigieux, la garantie juridique d’ordre procédural essentielle est constituée par le contrôle juridictionnel effectif de la légalité de l’acte en question.

239    Or, cette garantie est assurée, d’une part, par le présent recours et, d’autre part, par la possibilité de contester les refus d’autorisation de transferts individuels adoptés par les autorités des États membres devant le juge national compétent, qui peut, le cas échéant, poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne portant sur la validité ou l’interprétation des dispositions pertinentes du règlement no 267/2012.

240    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le régime litigieux n’est pas contraire à l’article 215, paragraphe 3, TFUE, ce qui implique que le deuxième grief de la requérante doit être rejeté.

241    En troisième lieu, pour autant que les arguments de la requérante relatifs aux exigences de clarté, de sécurité juridique et de l’interdiction de l’arbitraire concernent le critère prévu à l’article 30 ter, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 267/2012, ils sont irrecevables pour les raisons exposées aux points 60 et 61 ci‑dessus.

242    En ce qui concerne les autres aspects du régime litigieux, il y a lieu de relever que le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union et qui exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (arrêt du 18 novembre 2008, Förster, C‑158/07, Rec, EU:C:2008:630, point 67), est, certes, applicable en ce qui concerne les mesures restrictives telles que celles prévues par ledit régime.

243    Or, en l’espèce, l’article 30, paragraphe 2, du règlement no 267/2012, tel que modifié par le règlement attaqué, énumère limitativement les hypothèses dans lesquelles un transfert peut être autorisé, tandis que son article 30, paragraphes 3 et 4, prévoit les seuils en-deçà desquels une notification ou une autorisation préalables ne sont pas exigées. Ainsi, ces dispositions définissent, d’une manière suffisamment claire et précise, le champ d’application des restrictions et obligations qu’elles prévoient.

244    Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le troisième grief de la requérante.

245    En quatrième lieu, en ce qui concerne le grief tiré d’une prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, ce principe constitue un principe fondamental de droit et interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 92 supra, EU:T:2009:401, point 56).

246    Or, d’une part, s’agissant de la prétendue discrimination fondée sur la nationalité, il a été constaté au point 171 ci‑dessus que les entités iraniennes, et en particulier les établissements financiers, courent le risque accru d’être conduites à prendre part, volontairement ou à leur insu, à des transferts susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire. Cette circonstance justifie le traitement inégal des établissements financiers iraniens prévu par le régime litigieux.

247    D’autre part, l’obligation d’autorisation préalable prévue dans le cadre du régime litigieux est applicable à l’ensemble des transferts entre un quelconque établissement financier établi en Iran et un quelconque établissement financier situé dans l’Union, dépassant les seuils déterminés, indépendamment de l’identité de ces entités. Dans ces circonstances, la requérante prétend à tort que cette obligation est discriminatoire, et ce d’autant plus que les dispositions qui la prévoient sont suffisamment claires et précises, ainsi qu’il a été constaté au point 243 ci‑dessus.

248    Ce constat n’est pas, par ailleurs, susceptible d’être remis en cause par l’arrêt Konle, point 224 supra (EU:C:1999:271), cité par la requérante. En effet, cet arrêt porte sur un système d’autorisation préalable à l’acquisition de biens fonciers et a donc été rendu dans des circonstances factuelles différant substantiellement de celles en cause en l’espèce, ce qui implique qu’il n’est pas pertinent.

249    Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le quatrième grief et, par voie de conséquence, le troisième moyen dans son intégralité.

250    Tous les moyens étant rejetés, il convient de rejeter le recours.

 Sur les dépens

251    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

252    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Par conséquent, il y a lieu de décider que le Royaume-Uni et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bank Mellat supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juin 2016.


* Langue de procédure : l’anglais.