Language of document : ECLI:EU:T:2015:645

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

18 septembre 2015 (*)

  « Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Droit de propriété – Modulation des effets dans le temps d’une annulation » 

Dans l’affaire T‑121/13,

Oil Pension Fund Investment Company, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me K. Kleinschmidt, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et J.‑P. Hix, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 71), ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 55), pour autant que ces actes concernent la requérante,


LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 février 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Oil Pension Fund Investment Company, est une société iranienne qui effectue des opérations financières pour le compte d’entreprises de l’industrie pétrolière iranienne.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la république islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1929 (2010) [ci-après la « résolution 1929 »], destinée à élargir la portée des mesures restrictives instituées par les résolutions 1737 (2006), 1747 (2007) et 1803 (2008) du Conseil de sécurité et à instaurer des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de la République islamique d’Iran.

4        Le 17 juin 2010, le Conseil européen a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien et il s’est félicité de l’adoption de la résolution 1929. Rappelant sa déclaration du 11 décembre 2009, il a invité le Conseil de l’Union européenne à adopter des mesures mettant en œuvre celles prévues dans la résolution 1929 ainsi que des mesures d’accompagnement, en vue de contribuer à répondre, par la voie des négociations, à l’ensemble des préoccupations que continue de susciter le développement par la République islamique d’Iran de technologies sensibles à l’appui de ses programmes nucléaire et balistique. Ces mesures devaient porter sur le secteur du commerce, le secteur financier, le secteur des transports iraniens et les grands secteurs de l’industrie gazière et pétrolière, ainsi que sur des désignations supplémentaires, en particulier le Corps des gardiens de la révolution islamique.

5        Le 26 juillet 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), dont l’annexe II énumère les personnes, et les entités, autres que celles désignées par le Conseil de sécurité ou par le comité des sanctions créé par la résolution 1737 (2006), mentionnées à l’annexe I, dont les avoirs sont gelés. Son considérant 22 se réfère à la résolution 1929 et mentionne que cette résolution relève le lien potentiel entre les recettes que la République islamique d’Iran tire de son secteur de l’énergie et le financement de ses activités nucléaires posant un risque de prolifération.

6        Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22). Selon le considérant 13 de cette décision, les restrictions à l’admission et le gel des fonds et des ressources économiques devraient être appliquées à l’égard d’autres personnes et entités qui fournissent un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, en particulier les personnes et entités apportant un soutien financier, logistique ou matériel au gouvernement iranien.

7        L’article 1er, paragraphe 7, sous a), ii), de la décision 2012/35 a ajouté un paragraphe à l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, prévoyant le gel des fonds appartenant aux personnes et entités suivantes :

« c) les autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II. »

8        En conséquence, le Conseil a adopté, le 23 mars 2012, le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1). En vue de mettre en œuvre l’article 1er, paragraphe 7, sous a), ii), de la décision 2012/35, l’article 23, paragraphe 2, de ce règlement prévoit le gel des fonds, notamment, des personnes, entités et organismes énumérés à son annexe IX, qui ont été reconnus :

« d) comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés. »

9        Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58). Selon le considérant 16 de cette décision, il convient d’inscrire d’autres personnes et entités sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413, en particulier les entités détenues par l’État iranien se livrant à des activités dans le secteur du pétrole et du gaz, étant donné qu’elles fournissent une source de revenus substantielle au gouvernement iranien.

10      L’article 1er, paragraphe 8, sous a), de la décision 2012/635 a modifié l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, en insérant dans ledit paragraphe les dispositions suivantes qui mentionnent que certaines personnes et entités feront l’objet de mesures restrictives :

« c) d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II. »

11      Le 21 décembre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/829/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71 ; ci-après la « décision attaquée »). En vertu de l’article 1er de cette décision le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413.

12      Le 21 décembre 2012, le Conseil a également adopté le règlement (UE) n° 1263/2012 modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34). En vertu de l’article 1er, sous 11), du règlement n° 1263/2012, l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 a été modifié, en ce qu’il prévoit le gel des fonds des personnes, entités et organismes énumérés à son annexe IX, qui ont été reconnus « comme étant d'autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui, notamment matériel, logistique ou financier, au gouvernement iranien et comme des entités qu’ils ou elles détiennent ou contrôlent ou des personnes et entités qui leur sont associées ».

13      Conformément à la décision attaquée, le règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 55), a modifié la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, en y ajoutant notamment le nom de la requérante.

14      Dans la décision attaquée et le règlement d’exécution n° 1264/2012 (ci-après, ensemble, les « actes attaqués »), le Conseil a justifié le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante par les motifs suivants :

« La Oil Industry Pension Fund Investment Company (OPIC, alias Oil Pension Fund, NIOC Pension Fund, Petroleum Ministry Pension Fund) est une société iranienne qui apporte un soutien financier au gouvernement iranien. L’OPIC agit sous le contrôle du ministère iranien du pétrole et de la National Iranian Oil Company (NIOC), qui sont tous deux désignés par l’[Union]. Elle détient des participations dans un certain nombre d’entités désignées par l’[Union]. »

15      Le 22 décembre 2012, le Conseil a publié un avis au Journal officiel de l’Union européenne à l’attention des personnes et des entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives adoptées dans les actes attaqués (JO C 398, p. 8).

16      Par lettre du 3 janvier 2013, le Conseil a informé la requérante de l’inscription de son nom sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (ci-après, les « listes litigieuses ») en y joignant une copie des actes attaqués comprenant les motifs de sa désignation. Dans cette lettre, le Conseil informait la requérante qu’elle avait la possibilité de demander un réexamen de la décision d’inscrire son nom sur les listes litigieuses et de contester cette décision devant le Tribunal. Cette lettre a été renvoyée au Conseil, assortie d’une mention indiquant que le destinataire avait déménagé.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2013, la requérante a introduit le présent recours.

18      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 3 septembre 2013, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal dans l’affaire enregistrée sous la référence T‑578/12 et opposant National Iranian Oil Company au Conseil.

19      L’arrêt National Iranian Oil Company/Conseil (T‑578/12, EU:T:2014:678) ayant été prononcé le 16 juillet 2014, la procédure dans la présente affaire a été repris. Le Tribunal a décidé de recueillir les observations des parties sur les conséquences à tirer de cet arrêt sur le présent recours. Le Conseil et la requérante ont déféré à cette demande respectivement le 6 et le 27 octobre 2014.

20      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 décembre 2014, le Conseil a communiqué un extrait d’un document contenu dans son dossier.

21      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), de son règlement de procédure, le Tribunal a posé par écrit une question au Conseil à laquelle celui-ci a répondu dans le délai imparti.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués, pour autant que ces actes la concernent ;

–        ordonner une mesure d’organisation de la procédure contraignant le Conseil à produire tous les documents relatifs aux actes attaqués et contenus dans son dossier la concernant ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

24      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

25      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation et d’une violation du principe de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré d’une atteinte à sa bonne réputation, ainsi que d’une violation de la liberté d’entreprise, du droit de propriété et des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

26      Il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen. Par ailleurs, dans la mesure où la violation du principe de proportionnalité invoquée dans le cadre de ce moyen résulte, en substance, d’une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de la requérante dont la violation constitue l’objet du troisième moyen, la question de la proportionnalité des mesures restrictives prises à l’encontre de la requérante doit, le cas échéant, être effectuée dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

27      En ce qui concerne le deuxième chef de conclusions de la requérante, par lequel elle demande la production de certains documents, le Conseil a indiqué, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, que, en dehors du document portant la référence Coreu/CFSP/0121/13, transmis à la requérante, son dossier ne contenait aucun autre document susceptible d’avoir une incidence sur la solution du présent litige. Le Tribunal estime par conséquent qu’il n’est pas nécessaire de faire droit à la mesure d’organisation de la procédure visée par le deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation 

28      La requérante soutient que les motifs relatifs à son inscription sur les listes litigieuses tels que mentionnés dans les actes attaqués sont erronés et estime que le Conseil s’est contenté d’adopter la proposition émise par un État membre d’inscrire son nom sur les listes litigieuses sans vérifier l’exactitude des informations transmises à son sujet.

29      À cet égard, elle indique qu’elle n’apporte aucun soutien financier au gouvernement iranien et qu’elle n’est contrôlée, directement ou indirectement, ni par le ministère iranien du pétrole ni par la National Iranian Oil Company (NIOC).

30      Le Conseil soutient que les motifs de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses sont étayés par plusieurs documents accessibles au public. Ainsi, il ressort d’un rapport du mouvement People’s Mojahedin Organization of Iran du 10 octobre 2012 que le ministre du Pétrole iranien a nommé M. Vahid Dastjerdi en tant que président du conseil d’administration de la requérante et que ce dernier a lui-même nommé M. Nasser Maleki en tant qu’administrateur délégué de la requérante. Ce rapport décrit également comment le ministère de la Défense iranien et NIOC ont organisé la requérante aux fins de faire bénéficier le gouvernement iranien d’importants moyens financiers et de contourner ainsi les sanctions adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran.

31      Le Conseil ajoute que, selon un article du Jerusalem Post du 27 février 2013, la requérante détenait une participation de 2,5 % dans la Bank Saderat, une entité désignée par l’Union au titre des mesures restrictives.

32      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, EU:C:2013:518, point 119).

33      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Commission e.a./Kadi, point 32 supra, EU:C:2013:518, points 121 à 123).

34      En outre, il convient de rappeler que la légalité d’un acte attaqué ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels il a été adopté, et non sur le fondement d’éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2012, arrêt Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, Rec, EU:T:2012:579, point 29).

35      En l’espèce, le nom de la requérante a été inscrit sur les listes litigieuses aux motifs que :

–        elle apporte un soutien financier au gouvernement iranien ;

–        elle agit sous le contrôle du ministère du Pétrole iranien et de NIOC ;

–        elle détient des participations dans des entités désignées par l’Union au titre de la mise en œuvre de mesures restrictives.

36      S’agissant du premier motif, relatif au soutien financier que la requérante apporterait au gouvernement iranien, le Tribunal constate que le Conseil n’a produit aucun élément susceptible d’étayer cette allégation. Le seul document contenu dans le dossier du Conseil et communiqué à la requérante, à savoir le document portant la référence Coreu/CFSP/0121/13, ne contient en effet aucune information allant au-delà de la motivation reprise dans les actes attaqués. Pris isolément, ce premier motif ne saurait dès lors justifier l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses.

37      S’agissant du deuxième motif, le Tribunal considère que le soutien financier qu’apporterait la requérante au gouvernement iranien ne saurait, comme l’a soutenu le Conseil à l’audience, résulter du contrôle qu’exercerait le ministère du Pétrole iranien et/ou NIOC sur la requérante dès lors que l’existence de ce contrôle, mentionné en tant que deuxième motif dans les actes attaqués, n’a pas davantage été établie par le Conseil.

38      À cet égard, tout d’abord, il ressort des écrits du Conseil que le seul élément avancé pour soutenir l’allégation selon laquelle la requérante agit sous le contrôle du ministère du Pétrole iranien et de NIOC est un rapport du mouvement People’s Mojahedin Organization of Iran du 10 octobre 2012 selon lequel le président du conseil d’administration de la requérante a été nommé par le ministre du Pétrole iranien. Or, le Conseil a lui-même affirmé à l’audience que ce rapport ne faisait pas partie de son dossier lors de l’adoption des actes attaqués, mais qu’il constituait seulement un élément contextuel. Partant, ledit rapport, dont le contenu est par ailleurs contesté par la requérante et ne comporte aucune information concernant, notamment, le pouvoir de contrôle qu’exercerait NIOC sur la requérante ou l’origine du pouvoir de nomination dont disposerait le ministre du Pétrole iranien, ne saurait suffire à démontrer le bien-fondé du deuxième motif.

39      Ensuite, s’agissant de l’argumentation développée par le Conseil lors de l’audience, selon laquelle le contrôle exercé par le ministère du Pétrole iranien et par NIOC s’exercerait par l’intermédiaire de Petroleum Industry Pension Saving Fund, la société mère de la requérante dont le conseil d’administration serait composé des mêmes membres que celui de NIOC, le Tribunal considère qu’elle ne saurait être accueillie.

40      En effet, d’une part, il y a lieu de constater que cette argumentation s’éloigne des motifs repris dans les actes attaqués. Or, selon la jurisprudence, la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels ils ont été adoptés. Le Tribunal ne saurait dès lors procéder à une substitution des motifs sur lesquels ces actes se fondent (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2013, North Drilling/Conseil, T‑552/12, EU:T:2013:590, point 25). D’autre part, il y a lieu de souligner que, en tout état de cause, aucun élément de preuve n’a été avancé par le Conseil lors de l’audience pour étayer son argumentation.

41      S’agissant du troisième motif, selon lequel la requérante détient des participations dans des entités désignées par l’Union au titre de la mise en œuvre de mesures restrictives, le Conseil a indiqué lors de l’audience que, du fait de ces participations, la requérante devait être considérée comme associées à ces entités. Toutefois, force est de constater que, comme les autres motifs, cette allégation n’est étayée par aucun élément de preuve. En effet, l’unique document avancé par le Conseil au soutien de son argumentation à cet égard est un article du Jerusalem Post daté du 27 février 2013. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, ce document ne saurait être pris en considération dès lors qu’il est postérieur à l’adoption des actes attaqués et que le Conseil n’a donc pas pu en avoir connaissance à la date de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses.

42      Au vu de tout ce qui précède, il y a donc lieu de conclure qu’aucun des motifs figurant dans les actes attaqués n’est étayé à suffisance de droit et que l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses n’était donc pas justifiée.

43      Par conséquent, il convient d’annuler les actes attaqués sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par la requérante.

 Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

44      En vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Il résulte de la jurisprudence que cette disposition permet au juge de l’Union de décider de la date de prise d’effet de ses arrêts en annulation (arrêt du 12 décembre 2013, Nabipour e.a./Conseil, T‑58/12, EU:T:2013:640, points 250 et 251).

45      En l’espèce, le Tribunal considère, pour les raisons exposées ci-après, qu’il est nécessaire de maintenir les effets des actes attaqués dans le temps jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu’au rejet de celui-ci.

46      En effet, il convient de rappeler que le programme nucléaire mis en œuvre par la République islamique d’Iran est une source de préoccupations vives tant sur le plan international que sur le plan européen. C’est dans ce contexte que le Conseil a graduellement élargi le nombre de mesures restrictives prises à l’encontre de cet État, en vue de faire obstacle au développement d’activités mettant en péril la paix et la sécurité internationale, dans le cadre de la mise en œuvre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

47      Dès lors, l’intérêt de la requérante à obtenir une prise d’effet immédiate de l’annulation des actes attaqués en ce qu’ils la concernent doit être mis en balance avec l’objectif d’intérêt général poursuivi par la politique de l’Union en matière de mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran. La modulation des effets dans le temps de l’annulation d’une mesure restrictive peut ainsi se justifier par la nécessité d’assurer l’efficacité des mesures restrictives et, en définitive, par des considérations impérieuses touchant à la sûreté ou à la conduite des relations internationales de l’Union et de ses États membres, ainsi que cela a pu être le cas, par analogie, en ce qui concernait la justification apportée à l’absence d’obligation de communication préalable à l’intéressé des motifs de l’inscription initiale de son nom sur les listes de personnes ou d’entités faisant l’objet de mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, Rec, EU:C:2011:853, point 67).

48      Or, l’annulation avec effet immédiat des actes attaqués en ce qu’ils concernent la requérante permettrait à cette dernière de transférer tout ou partie de ses actifs hors de l’Union, sans que le Conseil puisse, le cas échéant, appliquer en temps utile les dispositions de l’article 266 TFUE en vue de remédier aux irrégularités constatées dans le présent arrêt, de sorte qu’une atteinte sérieuse et irréversible risquerait d’être causée à l’efficacité de tout gel d’avoirs susceptible d’être, à l’avenir, décidé par le Conseil à l’égard d’une telle entité.

49      En effet, s’agissant de l’application de l’article 266 TFUE dans le cas d’espèce, il y a lieu de relever que l’annulation par le présent arrêt de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses découle du fait que les motifs de cette inscription ne sont pas étayés par des preuves suffisantes (voir points 28 à 43 ci-dessus). Bien qu’il appartienne au Conseil de décider des mesures d’exécution de cet arrêt, une nouvelle inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses ne saurait ainsi être exclue d’emblée. En effet, dans le cadre de ce nouvel examen, le Conseil a la possibilité de procéder à une réinscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses en se fondant sur des motifs étayés à suffisance de droit.

50      Il s’ensuit que les effets des actes attaqués doivent être maintenus à l’égard de la requérante, et ce jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi est introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

 Sur les dépens

51      L’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulée en ce qu’elle a inscrit le nom d’Oil Pension Fund Investment Company sur la liste figurant dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC.

2)      Le règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulé en ce qu’il a inscrit le nom d’Oil Pension Fund Investment Company sur la liste figurant dans l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010.

3)      Les effets de la décision 2012/829 et du règlement d’exécution n° 1264/2012 sont maintenus en ce qui concerne Oil Pension Fund Investment Company, jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

4)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Oil Pension Fund Investment Company.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.