Language of document : ECLI:EU:T:2016:247

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

27 avril 2016 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Pêche – Conservation des ressources halieutiques – Reconstitution des stocks de thon rouge – Mesures d’urgence interdisant la pêche par les senneurs à senne coulissante – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑316/13,

Salvatore Aniello Pappalardo, demeurant à Cetara (Italie),

Pescatori La Tonnara Soc. coop., établie à Cetara,

Fedemar Srl, établie à Cetara,

Testa Giuseppe E C. Snc, établie à Catane (Italie),

Pescatori San Pietro Apostolo Srl, établie à Cetara,

Camplone Arnaldo & C. Snc di Camplone Arnaldo EC, établie à Pescara (Italie),

Valentino Pesca Sas di Camplone Arnaldo & C., établie à Pescara,

représentés par Mes V. Cannizzaro et L. Caroli, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet et D. Nardi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par les requérants à la suite de l’adoption du règlement (CE) n° 530/2008 de la Commission, du 12 juin 2008, établissant des mesures d’urgence en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante pêchant le thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée (JO L 155, p. 9),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, E. Bieliūnas (rapporteur) et I. S. Forrester, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérants, M. Salvatore Aniello Pappalardo, Pescatori La Tonnara Soc. coop., Fedemar Srl, Testa Giuseppe E C. Snc, Pescatori San Pietro Apostolo Srl, Camplone Arnaldo & C. Snc di Camplone Arnaldo EC et Valentino Pesca Sas di Camplone Arnaldo & C., sont propriétaires de navires faisant partie de la flotte de pêche italienne autorisés à pratiquer la pêche du thon rouge à la senne coulissante. Des quotas leur ont été alloués pour l’année 2008.

2        En application de l’article 7 du règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil, du 20 décembre 2002, relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO L 358, p. 59), la Commission des Communautés européennes a, le 12 juin 2008, adopté le règlement (CE) n° 530/2008, établissant des mesures d’urgence en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante pêchant le thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée (JO L 155, p. 9).

3        L’article 1er de ce règlement énonce :

« La pêche du thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de la Grèce, de la France, de l’Italie, de Chypre et de Malte, ou enregistrés dans ces États membres, est interdite à compter du 16 juin 2008.

Il est également interdit de conserver à bord, de mettre en cage aux fins de l’engraissement ou de l’élevage, de transborder, de transférer ou de débarquer des poissons de ce stock capturés par ces navires à compter [de] cette date. »

4        L’article 2 du même règlement se lit comme suit :

« La pêche du thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de l’Espagne, ou enregistrés dans cet État membre, est interdite à compter du 23 juin 2008.

Il est également interdit de conserver à bord, de mettre en cage aux fins de l’engraissement ou de l’élevage, de transborder, de transférer ou de débarquer des poissons de ce stock capturés par ces navires à compter [de] cette date. »

5        À l’époque des faits, les requérants pratiquaient la pêche du thon rouge à la senne coulissante dans la zone de réglementation, à savoir dans la Méditerranée.

6        La Cour, dans l’arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna (C‑221/09, Rec, EU:C:2011:153), a dit pour droit que le règlement n° 530/2008 était invalide dans la mesure où, ayant été adoptées sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 2371/2002, les interdictions qu’il édictait prenaient effet à compter du 23 juin 2008 en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante battant pavillon espagnol ou enregistrés dans cet État membre et les opérateurs communautaires ayant conclu des contrats avec eux, alors que ces interdictions prenaient effet à compter du 16 juin 2008 pour les senneurs à senne coulissante battant pavillon grec, français, italien, chypriote ainsi que maltais ou enregistrés dans ces États membres et les opérateurs communautaires ayant conclu des contrats avec eux, sans que cette différence de traitement ait été objectivement justifiée, ce qui, dès lors, constituait une violation du principe de non-discrimination.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2013, les requérants ont introduit le présent recours.

8        Par ordonnance du 30 septembre 2013, le président de la troisième chambre du Tribunal, les parties entendues, a ordonné la suspension de la présente affaire jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires C‑611/12 P, Giordano/Commission, C‑12/13 P, Buono e.a./Commission, et C‑13/13 P, Syndicat des thoniers méditerranéens e.a./Commission.

9        Les décisions, dans l’attente desquelles la procédure dans la présente affaire a été suspendue, étant intervenues par arrêts du 14 octobre 2014, Giordano/Commission (C‑611/12 P, Rec, EU:C:2014:2282) et Buono e.a./Commission (C‑12/13 P et C‑13/13 P, Rec, ci-après l’« arrêt Buono », EU:C:2014:2284), les parties ont été invitées à se prononcer, par lettre du 24 octobre 2014, sur les conséquences qu’elles tiraient de ces arrêts pour la présente affaire.

10      La Commission et les requérants ont soumis leurs observations par lettres déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 6 et 10 novembre 2014.

11      Le 27 mars 2015, le Tribunal (troisième chambre) a décidé, en vertu de l’article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure du 2 mai 1991, qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire.

12      Les requérants ayant toutefois introduit une demande de dépôt d’une réplique en vertu de l’article 47, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, il a été fait droit à cette demande le 4 mai 2015.

13      En vertu de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, en l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal peut décider de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en l’absence d’une telle demande, de statuer sans poursuivre la procédure.

14      Dans la requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater la responsabilité non contractuelle de la Commission pour le préjudice causé aux requérants par l’adoption du règlement n° 530/2008 ;

–        en conséquence, condamner la Commission à la réparation des préjudices causés aux requérants pour un montant estimé à :

–        6 663 902 euros, correspondant à la somme des différences, pour chaque navire, entre le quota théorique limitant le droit de pêche en 2008 et la quantité pêchée avant l’entrée en vigueur du règlement n° 530/2008, multipliée par le prix du marché du thon rouge relevé au cours de la période postérieure à la suspension obligatoire de la pêche de 2008, qu’il convient de majorer des intérêts moratoires qui reviennent aux requérants et auquel il convient d’appliquer une réévaluation monétaire ;

–        à titre subsidiaire, 2 989 236, 04 euros, correspondant à la somme des différences, pour chaque navire, entre le quota théorique limitant le droit de pêche en 2008 et la quantité pêchée avant l’entrée en vigueur du règlement n° 530/2008, multipliée par le prix du marché du thon rouge relevé au cours de la période antérieure à la suspension obligatoire de la pêche de 2008, qu’il convient de majorer des intérêts moratoires qui reviennent aux requérants et auquel il convient d’appliquer une réévaluation monétaire ;

–        à titre plus subsidiaire, 1 237 581, 80 euros, correspondant à la somme calculée à partir de critères fondés sur une présomption et décrits dans la requête, qu’il convient de majorer des intérêts moratoires qui reviennent aux requérants et auquel il convient d’appliquer une réévaluation monétaire ;

–        à titre encore plus subsidiaire, pour un montant estimé en équité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

16      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, l’existence d’un préjudice réel et certain et l’existence d’un lien direct de causalité entre le comportement de l’institution concernée et le préjudice allégué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec, EU:C:1982:318, point 16, et du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, Rec, EU:T:2006:121, point 76).

17      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec, EU:C:1994:329, point 81, et du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec, EU:T:2009:491, point 91). En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec, EU:C:1999:402, point 13).

18      En l’espèce, il convient d’examiner tout d’abord la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission.

19      À cet égard, les requérants soutiennent que l’illégalité du comportement reproché à la Commission est issue de l’adoption du règlement n° 530/2008 en violation du principe de non-discrimination, comme l’aurait d’ailleurs constaté l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153).

20      Selon les requérants, ainsi que le Tribunal l’a indiqué dans l’ordonnance du 14 février 2012, Italie/Commission (T‑305/08, EU:T:2012:70), la Cour, dans l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153), aurait déclaré le règlement n° 530/2008 invalide dans son ensemble.

21      En outre, les requérants rappellent que l’ordonnance Italie/Commission, point 20 supra (EU:T:2012:70), a acquis force de chose jugée. Ils en déduisent que cette ordonnance aurait définitivement établi la portée de l’arrêt d’invalidité rendu par la Cour dans l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153).

22      En revanche, l’arrêt Buono, point 9 supra (EU:C:2014:2284), selon lequel, en substance, le règlement n° 530/2008 aurait valablement interrompu la campagne de pêche des navires battant pavillon des États membres autres que l’Espagne, concernerait une affaire autonome et distincte de celle qui a conduit à l’ordonnance Italie/Commission, point 20 supra (EU:T:2012:70), et serait, dès lors, sans pertinence aux fins de la décision dans la présente affaire.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour admettre qu’il est satisfait à la condition relative à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers [arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec, EU:C:2000:361, point 42 ; du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec, EU:C:2007:226, point 47, et du 3 mars 2010, Artegodan/Commission, T‑429/05, Rec, EU:T:2010:60, point 52]. Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation du droit de l’Union doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif pour considérer qu’elle est satisfaite est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Ce qui est donc déterminant pour établir si l’on se trouve en présence d’une telle violation, c’est la marge d’appréciation dont disposait l’institution en cause (voir arrêt Artegodan/Commission, précité, EU:T:2010:60, point 53 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission est liée, notamment, à la question de la validité du règlement n° 530/2008 et, plus particulièrement, de l’interprétation qu’il convient de donner à l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153).

25      Sur ce point, il y a lieu de constater que la Cour a, dans l’arrêt Buono, point 9 supra (EU:C:2014:2284), expliqué quelle était la portée exacte de l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153). En particulier, au point 59 dudit arrêt, la Cour a établi que le raisonnement du Tribunal dans l’arrêt du 7 novembre 2012, Syndicat des thoniers méditerranéens e.a./Commission (T‑574/08, EU:T:2012:583), sur le pourvoi duquel la Cour s’est prononcée dans l’arrêt Buono, point 9 supra (EU:C:2014:2284), partait d’une lecture erronée de l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153). La Cour visait plus spécifiquement les points 53 et 54 de cet arrêt dans lesquels le Tribunal, citant précisément l’ordonnance Italie/Commission, point 20 supra (EU:T:2012:70), a rappelé que, à la suite de l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153), le règlement n° 530/2008 était invalide dans son ensemble.

26      Dès lors, en indiquant, aux points 60 et 61 de l’arrêt Buono, point 9 supra (EU:C:2014:2284), que, en substance, le Tribunal avait erronément apprécié l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153), comme déclarant invalide le règlement n° 530/2008 dans son ensemble alors qu’il ne l’était que dans la mesure où il a accordé un traitement plus favorable aux senneurs espagnols, la Cour a entendu remettre en cause l’ensemble du raisonnement du Tribunal et notamment les bases de celui-ci qui, en l’occurrence, étaient constituées par l’ordonnance Italie/Commission, point 20 supra (EU:T:2012:70).

27      Par conséquent, dans la présente affaire, le Tribunal ne saurait prendre en compte l’appréciation qui a été faite dans l’ordonnance Italie/Commission, point 20 supra (EU:T:2012:70), mais doit se fonder sur celle qui résulte de l’arrêt Buono, point 9 supra (EU:C:2014:2284).

28      D’ailleurs, le Tribunal a déjà jugé qu’il ne lui revenait plus de remettre en cause l’interprétation donnée par la Cour du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04, Rec, EU:T:2011:760, point 138). Il ne saurait en être autrement en ce qui concerne l’interprétation des arrêts de la Cour. Or, se fonder sur l’ordonnance Italie/Commission, point 20 supra (EU:T:2012:70), reviendrait précisément à ignorer ou remettre en cause l’interprétation donnée par la Cour de son arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153).

29      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments des requérants relatifs à l’autorité de la chose jugée acquise par l’ordonnance Italie/Commission, point 20 supra (EU:T:2012:70).

30      À cet égard, selon une jurisprudence bien établie, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause (voir ordonnance du 28 novembre 1996, Lenz/Commission, C‑277/95 P, Rec, EU:C:1996:456, point 50 et jurisprudence citée, et arrêt du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, Rec, EU:T:2009:236, point 113 et jurisprudence citée).

31      Or, s’il est indéniable que l’ordonnance Italie/Commission, point 20 supra (EU:T:2012:70), a acquis force de chose jugée dans la mesure où elle est devenue définitive et, partant, exécutoire, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a pas effectivement tranché la question de la validité du règlement n° 530/2008. Cette question a été tranchée par l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153), dans lequel la Cour n’a déclaré invalide le règlement n° 530/2008 que dans la mesure où les senneurs à senne coulissante battant pavillon espagnol ont bénéficié d’une semaine supplémentaire de pêche, tout en rejetant les autres moyens tendant à établir l’invalidité dudit règlement (arrêt Buono, point 9 supra, EU:C:2014:2284, point 59). C’est ce constat d’illégalité partielle du règlement n° 530/2008 qui a, dès lors, acquis autorité de la chose jugée (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec, EU:C:2008:476, point 124).

32      Il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le règlement n° 530/2008 était valable en ce qu’il a édicté l’arrêt de la pêche du thon rouge par les senneurs grecs, français, italiens, chypriotes ainsi que maltais à compter du 16 juin 2008.

33      Cela ne saurait toutefois conduire à considérer le recours des requérants comme manifestement non fondé, ainsi que le soutient la Commission.

34      En effet, l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers doit être considérée comme acquise en l’espèce dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 6 ci-dessus, la Cour a déclaré, dans l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153), que la différence établie entre les senneurs à senne coulissante battant pavillon espagnol et ceux battant pavillon des autres États membres concernés par le règlement n° 530/2008 a été édictée en violation du principe de non-discrimination, qui est un principe général de droit de l’Union visant la protection des particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Dole Fresh Fruit International/Conseil et Commission, T‑56/00, Rec, EU:T:2003:58, point 73).

35      Par conséquent, conformément à la jurisprudence rappelée au point 23 ci-dessus et eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose, selon une jurisprudence constante, le législateur de l’Union dans le domaine de l’agriculture, y compris la pêche (voir arrêt AJD Tuna, point 6 supra, EU:C:2011:153, point 80 et jurisprudence citée), il reste à examiner si la Commission a méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation lors de l’adoption du règlement n° 530/2008.

36      À cet égard, il convient, tout d’abord, de prendre en compte le fait que, dans la mise en œuvre de mesures prises sur le fondement de l’article 7 du règlement n° 2371/2002, une différence de traitement peut être justifiée si elle permet de mieux atteindre les objectifs de conservation des ressources aquatiques vivantes ou de protection de l’écosystème marin (arrêt AJD Tuna, point 6 supra, EU:C:2011:153, point 96).

37      Dès lors, édicter deux dates différentes d’interdiction de la pêche pour les senneurs grecs, français, italiens, chypriotes et maltais, d’une part, et pour les senneurs espagnols, d’autre part, ne constituait pas en soi une violation manifeste du principe de non-discrimination. En ce sens, il est caractéristique que le règlement n° 530/2008 répond à l’objectif d’intérêt général d’éviter, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 2371/2002, une menace grave pour la conservation et la reconstitution du stock de thon rouge dans l’Atlantique Est et en mer Méditerranée (arrêt Giordano/Commission, point 9 supra, EU:C:2014:2282, point 50) et non à celui de protéger les prérogatives liées à l’activité économique de pêche de certains senneurs à senne coulissante par rapport à d’autres. Par ailleurs, il convient de souligner que la Cour, dans l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153), ne s’est pas simplement fondée sur l’existence de deux dates différentes d’arrêt de la pêche pour considérer que le règlement n° 530/2008 a été adopté en violation du principe de non-discrimination en tant qu’il a permis aux senneurs espagnols de pêcher une semaine supplémentaire, mais a examiné les raisons avancées par la Commission afin de justifier cette différence de traitement (arrêt AJD Tuna, point 6 supra, EU:C:2011:153, points 92, 95 et 96).

38      Ensuite, il y a lieu de constater que la discrimination sanctionnée par la Cour dans l’arrêt AJD Tuna, point 6 supra (EU:C:2011:153), portait uniquement sur le report, pour les senneurs espagnols, au 23 juin 2008 de l’entrée en vigueur des mesures d’interdiction afin de mieux protéger les stocks de thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée, et non sur le fait qu’ils auraient échappé à l’arrêt de la pêche au thon rouge, à l’inverse des senneurs battant pavillon des autres États membres visés par le règlement n° 530/2008.

39      Enfin, si les senneurs espagnols ont pu bénéficier d’une semaine supplémentaire de pêche par rapport aux autres senneurs, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été contraints d’arrêter leur pêche avant la fin de la période normale, à savoir avant le 30 juin 2008.

40      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le principe de non-discrimination n’a pas été violé d’une manière suffisamment caractérisée en l’espèce.

41      Les requérants ayant ainsi échoué à établir la méconnaissance manifeste et grave du pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission en l’espèce, il s’ensuit que la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’a pas été entièrement établie.

42      Dès lors, le recours des requérants doit être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Salvatore Aniello Pappalardo, Pescatori La Tonnara Soc. coop., Fedemar Srl, Testa Giuseppe E C. Snc, Pescatori San Pietro Apostolo Srl, Camplone Arnaldo & C. Snc di Camplone Arnaldo EC et Valentino Pesca Sas di Camplone Arnaldo & C. sont condamnés aux dépens.

Papasavvas

Bieliūnas

Forrester

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.