Language of document : ECLI:EU:T:2019:620

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

19 septembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale CRUZADE – Marque de l’Union européenne figurative antérieure SANTA CRUZ – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Caractère distinctif accru de la marque antérieure »

Dans l’affaire T‑378/18,

NHS, Inc., établie à Santa Cruz, Californie (États-Unis), représentée par Me P. Olson, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. V. Ruzek et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

HLC SB Distribution, SL, établie à Irún (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 13 avril 2018 (affaire R 1217/2017‑5), relative à une procédure d’opposition entre NHS et HLC SB Distribution,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteure) et M. G. De Baere, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 octobre 2018,

à la suite de l’audience du 10 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

1        Le 4 décembre 2014, HLC SB Distribution, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CRUZADE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Sacs à dos ; sacs de sport ; bagage ; valises ; sacs-ceintures » ;

–        classe 25 : « Vêtements ; chaussures et chapellerie » ;

–        classe 28 : « [et] autres articles de sport ; skateboards et leur pièces ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2014/241, du 22 décembre 2014.

5        Le 19 mars 2015, la requérante, NHS, Inc., a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque de l’Union européenne reproduite ci-après, déposée le 29 mars 2010 et enregistrée le 20 septembre 2010, sous le numéro 8 990 :

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7        Les produits visés par la marque figurative antérieure relèvent notamment de la classe 28 et correspondent à la description suivante : « Planches à roulettes ; jeux de blocs-essieux pour planches à roulettes ; pièces et accessoires de planches à roulettes ; patins à glace ; planches de surf ; surfs des neiges ; genouillères ; coudières ; manchons de protection ; gants de sport et de jeu ».

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et à l’article 8, paragraphes 4 et 5, du même règlement (devenu article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement 2017/1001).

9        Par décision du 6 avril 2017, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

10      Le 6 juin 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 13 avril 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En premier lieu, la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve produits par la requérante n’étaient pas susceptibles d’établir que la marque antérieure jouissait d’une renommée, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, ou d’un caractère distinctif accru, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En second lieu, elle a conclu que les signes en conflit présentaient trop de différences pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, même si certains des produits visés par ces signes étaient identiques. Selon la chambre de recours, cette conclusion ne serait pas affectée quand bien même il serait établi que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif accru. En troisième lieu, la chambre de recours a rejeté l’opposition formée sur le fondement de l’article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’enregistrement de la marque demandée « pour des “skateboards et leurs pièces” » ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la requérante a indiqué qu’elle renonçait au premier moyen invoqué dans la requête au soutien de son premier chef de conclusions pour autant que ledit moyen était fondé sur la renommée de la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

15      Par le deuxième chef de conclusions, la requérante demande, en substance, au Tribunal d’ordonner le rejet de l’enregistrement de la marque demandée pour les « skateboards et leurs pièces ». Une telle conclusion tend donc à ce que le Tribunal adresse une injonction en ce sens à l’EUIPO.

16      Or, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001), de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20 et jurisprudence citée ; arrêt du 5 mai 2017, Globo Media/EUIPO – Globo Comunicação e Participações (GLOBO MEDIA), T‑262/16, non publié, EU:T:2017:315, point 13].

17      Partant, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, le chef de conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne le rejet de l’enregistrement de la marque demandée est irrecevable.

 Sur le fond

18      À l’appui de son recours, la requérante avance deux moyens, tirés, le premier, de ce que la chambre de recours aurait violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en commettant une erreur dans l’appréciation des éléments de preuve présentés à l’appui de l’existence d’un caractère distinctif accru de la marque antérieure et, le second, de ce que la chambre de recours aurait violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en effectuant une appréciation erronée quant à l’existence d’un risque de confusion.

19      À titre liminaire, il convient de relever que, tel qu’il ressort des conclusions formulées par la requérante, ainsi que de divers points de ses écritures, la requérante ne demande l’annulation de la décision attaquée que dans la mesure où celle-ci n’a pas accueilli l’opposition en ce qui concerne les « skateboards et leurs pièces ». Par conséquent, il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante en considérant que sa demande d’annulation se limite à ces produits visés par la marque demandée.

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la chambre de recours aurait commis une erreur dans l’appréciation des éléments de preuve présentés à l’appui de l’existence d’un caractère distinctif accru de la marque antérieure

20      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en concluant que les éléments de preuve produits devant l’EUIPO ne démontraient pas, considérés dans leur ensemble, le caractère distinctif accru de la marque antérieure pour les « skateboards et leurs pièces », en particulier au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie.

21      L’EUIPO réfute ces arguments.

22      Selon une jurisprudence constante, ainsi qu’il découle du considérant 11 du règlement 2017/1001, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

23      Il ressort également de la jurisprudence que l’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné. D’autre part, il a été jugé que les facteurs pertinents pour apprécier l’acquisition d’un caractère distinctif élevé par l’usage sont, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 23, et du 7 juin 2018, MIP Metro/EUIPO – AFNOR (N & NF TRADING), T‑807/16, non publié, EU:T:2018:337, point 61 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, les éléments produits par la requérante pour démontrer le caractère distinctif accru de sa marque antérieure, en ce qui concerne les skateboards et leurs pièces, sont énumérés aux points 23 à 25 de la décision attaquée. Il s’agit de déclarations écrites sous serment des distributeurs de la requérante, de factures des ventes et de captures d’écran de matériel promotionnel. Ces éléments ont été considérés par la chambre de recours comme étant insuffisants aux fins d’étayer les allégations de la requérante. En particulier, il ressort des points 31 et 32 de la décision attaquée qu’aucun de ces éléments ne fournissait, selon la chambre de recours, des renseignements fiables quant à la part de marché de la requérante dans les pays où elle exerce ses activités. Plus précisément, la chambre de recours a considéré qu’aucune donnée de marché n’avait été présentée pour l’Espagne et l’Italie, et que les données fournies pour le Royaume-Uni, en ce qui concerne le nombre de personnes ayant participé à la pratique du skateboard entre 2006 et 2015, ne donnaient aucune information pertinente à cet égard. Enfin, la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve produits par la requérante ne provenaient pas de sources indépendantes, en ce que les seules déclarations fournies à ce sujet émanaient de distributeurs européens liés contractuellement à l’opposante et s’avéraient, en outre, ambiguës.

25      Il y a lieu d’examiner, à la lumière des arguments formulés par la requérante, si c’est à juste titre que les éléments de preuve produits ont été considérés par la chambre de recours comme n’étant pas suffisants pour soutenir les allégations de la requérante quant au caractère distinctif accru de sa marque antérieure.

26      S’agissant, en premier lieu, des déclarations écrites sous serment, il ressort du point 23, troisième, cinquième et sixième tirets, et du point 25, troisième tiret, de la décision attaquée qu’il s’agit des déclarations effectuées par MM. C. A, M. B. et L. G. S, distributeurs exclusifs de la requérante au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie respectivement.

27      Selon la jurisprudence, pour apprécier la valeur probante d’un élément doivent être vérifiées la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Dans le cadre de cette vérification, il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, Nanu-Nana Joachim Hoepp/OHMI – Stal-Florez Botero (la nana), T‑196/13, non publié, EU:T:2014:674, point 31 et jurisprudence citée].

28      De même, il ressort de la jurisprudence que les déclarations solennelles qui émanent d’une personne présentant des liens étroits avec la partie concernée sont d’une valeur probante de moindre importance que celles des tiers et ne peuvent dès lors, à elles seules, constituer une preuve suffisante [voir arrêt du 16 juin 2015, H. P. Gauff Ingenieure/OHMI – Gauff (Gauff JBG Ingenieure), T‑585/13, non publié, EU:T:2015:386, point 28 et jurisprudence citée].

29      En l’occurrence, il y a lieu d’entériner l’appréciation de la chambre de recours, telle que formulée au point 32 de la décision attaquée, selon laquelle la valeur probante des déclarations fournies, pour autant qu’elles émanaient de distributeurs liés contractuellement à la requérante, était plus faible que si ces déclarations avaient été fournies par des parties indépendantes. En effet, il ressort du contenu desdites déclarations que les distributeurs étaient responsables de tâches qui englobaient, notamment, la commercialisation et la promotion de la marque de la requérante sur leur territoire respectif. Dans ces circonstances, force est de constater que tant la requérante que ses distributeurs partageaient des intérêts communs et convergents, susceptibles dès lors de vicier le caractère indépendant des déclarations effectuées aux fins de démontrer le caractère distinctif accru de la marque antérieure. À cet égard, il convient d’observer, de surcroît, que, comme l’EUIPO l’a relevé lors de l’audience, sans que cela ait été contesté par la requérante, l’annexe produite relative en particulier à la déclaration du distributeur espagnol suggère que le contenu de celle-ci a été rédigé par la requérante elle-même et renvoyé pour signature, en ce que, dans le préambule de ladite annexe, la requérante demande audit distributeur « [p]lease put this on your letterhead, sign, date and return to me via PDF » (veuillez mettre ceci sous votre papier à en-tête, le signer, le dater et me le retourner en PDF). C’est pour ces raisons, et faute de tout argument contraire avancé par la requérante, que seule une faible valeur probante peut être reconnue aux déclarations écrites qu’elle a produites.

30      Les considérations qui précèdent ne sauraient toutefois aboutir à écarter directement lesdites déclarations aux fins d’établir le caractère distinctif accru de la marque antérieure. En effet, s’agissant des éléments de preuve considérés comme ayant été établis dans l’intérêt de leur auteur, comme en l’espèce, ceux-ci peuvent être considérés comme ayant une valeur probante pleine s’ils sont corroborés par d’autres éléments [voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 57, et du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 68]. Or, force est de constater que de tels éléments supplémentaires, destinés à corroborer le contenu des déclarations effectuées par les distributeurs exclusifs de la requérante, n’ont pas été produits lors de la procédure administrative devant l’EUIPO.

31      Enfin, lors de l’audience, la requérante a invoqué l’arrêt du 15 février 2017, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (Natural Instinct Dog and Cat food as nature intended) (T‑30/16, non publié, EU:T:2017:77, points 44 à 47), dans lequel le Tribunal aurait considéré que la déclaration du seul distributeur et importateur dans l’Union de la requérante dans ladite affaire devait être considérée comme ayant une valeur probante pleine. Or, à cet égard, il suffit de constater que, dans cet arrêt, le Tribunal a fondé sa conclusion sur le fait que ledit distributeur ne gardait, par rapport à la requérante, aucun lien susceptible de mettre en cause son indépendance en ce qu’il était un simple client de celle-ci. Dans la présente espèce, en revanche, une appréciation similaire ne saurait être effectuée, car, ainsi qu’il ressort du point 29 ci-dessus, les distributeurs ayant fourni les déclarations en cause étaient liés à la requérante en tant que clients, mais également engagés dans l’exécution de tâches englobant notamment la commercialisation et la promotion de la marque antérieure, ce qui, pour les raisons déjà exposées, empêche de les considérer comme des sources indépendantes.

32      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant, en substance, lesdites déclarations comme ayant une valeur probante faible.

33      À titre surabondant, il convient de relever que les arguments avancés par la requérante à propos du contenu des déclarations sous serment ne sont pas susceptibles non plus de démontrer le caractère distinctif accru de la marque antérieure.

34      Premièrement, la requérante souligne que la déclaration du distributeur espagnol met en exergue que ce dernier « a dépensé environ 90 000 euros pour commercialiser la marque SANTA CRUZ en Espagne au cours des cinq dernières années ». Or, même à considérer que ce montant ne soit pas négligeable, comme l’EUIPO le reconnaît lui-même, en ce qu’il constitue un investissement de 18 000 euros par an, il n’est pas suffisant à lui seul pour démontrer que la marque antérieure était connue du public espagnol, faute d’informations sur la taille du marché et les parts de marché de ce distributeur sur le territoire concerné.

35      En outre, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle les ventes auprès des grossistes s’élèveraient à environ 2,5 millions d’euros sur les dix dernières années, il convient de remarquer que ce montant ressort d’une extrapolation des données qui, dans la déclaration du distributeur espagnol, ne sont fournies que pour les cinq dernières années. En tout état de cause, il y a lieu de considérer que le montant d’environ 250 000 euros par an n’est pas de nature à prouver, en soi et en raison de son caractère relatif par rapport au reste du marché concerné, que la marque antérieure est connue du public, sans d’autres études ou éléments de preuve étayant, par exemple, la taille dudit marché.

36      Deuxièmement, des conclusions similaires à celles établies aux points qui précèdent doivent être tirées également en ce qui concerne la déclaration sous serment fournie par le distributeur italien de la requérante.

37      En effet, les chiffres avancés dans cette déclaration correspondent à 94 707 euros de ventes en Italie entre 2012 et 2015, ce qui n’est pas susceptible de démontrer un caractère distinctif accru de la marque antérieure, en l’absence d’éléments de preuve supplémentaires relatifs à la taille du marché. En outre, si la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir évalué les nombreuses captures d’écran provenant des médias sociaux italiens jointes à cette déclaration, force est de constater que des captures d’écran publiées en tant que newsletters sur Facebook ou Instagram ne constituent pas des éléments concluants permettant d’établir que la marque antérieure a acquis un caractère distinctif accru en raison de son usage. À cet égard, il convient de relever que ce qui importe est l’incidence de telles activités sur la connaissance de la marque par le public, qui, en l’absence de données relatives au degré d’exposition du public aux messages publicitaires en question, n’est pas quantifiable.

38      Troisièmement, il convient de relever que l’affirmation de la requérante selon laquelle, en substance, la marque SANTA CRUZ est la marque de skateboard numéro un de ses distributeurs au Royaume-Uni et en Espagne, outre le fait de ne pas pouvoir être interprétée, comme le prétend la requérante, comme signifiant que ladite marque était la plus vendue sur les marchés espagnol et du Royaume-Uni, elle n’est corroborée par aucun élément de preuve provenant de sources indépendantes, telles que des informations quant aux parts de marché, des études de marché ou des déclarations d’associations professionnelles ou de chambres de commerce et d’industrie, comme le requiert la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus. À cet égard, force est de constater que la requérante n’a produit, en tant qu’élément de preuve, aucun des éléments qui, d’ordinaire, sont considérés comme étant les plus pertinents aux fins d’étayer la connaissance que le public a d’une marque au sens de ladite jurisprudence.

39      Il s’ensuit que, outre la valeur probante faible des déclarations écrites des distributeurs de la requérante, leur contenu n’est pas susceptible, en tant que tel, de démontrer les allégations formulées par celle-ci quant au caractère distinctif accru de la marque antérieure.

40      S’agissant, en deuxième lieu, des factures des ventes, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en ce qu’elle n’a pas dûment pris en compte les factures présentées pendant la procédure administrative devant l’EUIPO, lesquelles constitueraient des preuves « solides » du caractère distinctif accru de la marque antérieure en ce qui concerne les skateboards et leurs pièces.

41      Or, d’une part, il convient d’observer que toutes les factures produites par la requérante comme éléments de preuve portent sur des articles qui ne se limitent pas aux skateboards et à leurs pièces et, surtout, qui ne sont pas uniquement des produits portant la marque antérieure. Les chiffres avancés dans les observations de la requérante ne reflètent dès lors pas avec exactitude les montants qui correspondent à chaque type de produit, en particulier à ceux visés par la marque antérieure.

42      D’autre part, et en tout état de cause, il y a lieu de considérer, à l’instar de l’EUIPO, que les factures ne constituent pas les éléments de preuve les plus pertinents aux fins de l’établissement de la connaissance de la marque antérieure, sauf à mettre en rapport la valeur des ventes avec la taille du marché concerné, donnée qui n’a pas été fournie par la requérante. En effet, si les factures permettent, certes, de conclure qu’une marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux, elles ne permettent pas d’établir, en elles-mêmes, qu’une telle marque jouissait d’un caractère distinctif accru au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En l’espèce, le montant total reflété dans ces factures, outre le fait d’être indiqué en dollars américains, comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 24 de la décision attaquée, n’est pas de nature à justifier, en soi, la constatation d’un caractère distinctif accru s’agissant du public visé par la marque antérieure.

43      S’agissant, en troisième lieu, des captures d’écran provenant du site Internet du Royaume-Uni pixelstv.com, très populaire, selon la requérante, pour les « skaters » du Royaume-Uni, ainsi que de la vidéo du 40e anniversaire de la marque SANTA CRUZ, force est de constater que la popularité dudit site s’appuie sur une simple allégation de la requérante qui n’est corroborée par aucun élément probant. De plus, comme le soutient l’EUIPO, il ne saurait être déduit du simple fait que la marque a célébré son 40e anniversaire que celle-ci a été présente dans l’Union pendant toutes ces années, étant donné que la marque de la requérante a été fondée aux États-Unis.

44      Il ressort des éléments de preuve produits par la requérante lors de la procédure d’opposition, considérés dans leur ensemble, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la requérante n’avait pas produit les éléments de preuve suffisants et appropriés aux fins de constater que la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif accru pour les skateboards au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie.

45      Le premier moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de l’appréciation erronée quant à l’existence d’un risque de confusion

46      La requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur dans son appréciation de la similitude des signes et quant à l’appréciation globale du risque de confusion.

47      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

48      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

49      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir arrêt du 5 mai 2015, Skype/OHMI – Sky et Sky IP International (SKYPE), T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 18 et jurisprudence citée].

50      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés (voir arrêt du 5 mai 2015, SKYPE, T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 17 et jurisprudence citée).

51      En outre, cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services couverts. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement. Par conséquent, il convient d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l’appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché et du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés (voir, par analogie, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 19).

 Sur le public pertinent

52      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

53      En l’espèce, il convient de relever, d’emblée, que, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a considéré, aux points 43 à 45 de la décision attaquée, que le public pertinent était constitué tant par des « skateboarders sérieux » que par le grand public, les premiers faisant preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne lors de l’achat des produits en cause. Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause cette appréciation, que la requérante ne conteste, par ailleurs, pas.

 Sur la comparaison des produits

54      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés  [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

55      En l’espèce, s’agissant de la comparaison des produits, il est constant entre les parties que, comme il ressort du point 42 de la décision attaquée, une partie des produits concernés par la marque antérieure sont identiques à ceux qui sont visés par la marque demandée. Il y a donc lieu d’entériner l’appréciation de la chambre de recours en ce qui concerne la comparaison des produits en cause.

 Sur la comparaison des signes

56      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

57      En présence d’une marque complexe composée à la fois d’éléments verbaux et figuratifs, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée).

58      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, au point 41 de la décision attaquée, qu’il existait une certaine similitude entre les signes en cause, reposant sur le fait que le mot « cruz » apparaissait dans le signe verbal demandé CRUZADE, cette similitude étant toutefois faible.

59      La requérante conteste une telle appréciation en faisant valoir, en substance, que davantage de poids aurait dû être accordé, dans le cadre de la comparaison visuelle, au fait que les signes partagent le terme « cruz ». De plus, elle soutient qu’il peut être raisonnablement présumé que les consommateurs ignoreront le premier élément de la marque antérieure, à savoir l’élément « santa », lors de l’appréciation de la similitude phonétique des signes, raison pour laquelle la différence entre la prononciation du terme « cruz » et celle du mot « cruzade » dans le signe contesté serait négligeable. Enfin, la requérante estime que, dans la mesure où le mot « cruzade » n’a aucune signification pour les consommateurs lusophones et hispanophones, il est probable que ces derniers discerneront immédiatement l’élément « cruz » de la marque demandée et qu’ils établiront un lien conceptuel avec le terme « croix » de la marque antérieure.

60      En premier lieu, sur le plan visuel, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours au point 36 de la décision attaquée, que la marque antérieure est une marque figurative se composant de deux mots distincts, « santa cruz », lesquels sont représentés dans une police de caractère spécifique et entourés d’un cercle. Quant au signe contesté, celui-ci est un signe verbal consistant en un seul terme, « cruzade », dont les quatre premières lettres coïncident avec le second mot de la marque antérieure. Toutefois, en ce qui concerne le signe contesté, le terme « cruz », commun aux deux signes, se fond dans le terme « cruzade », de sorte que, comme l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours, aucun indice visuel ne permet d’isoler l’élément verbal « cruz ».

61      Dans ces circonstances, tout d’abord, si la comparaison visuelle des signes en conflit révèle, certes, une coïncidence dans leur élément verbal commun « cruz », il y a lieu de considérer que, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, les signes ne présentent qu’une similitude visuelle minime. En effet, la similitude visuelle due à cet élément verbal commun « cruz » est compensée, en particulier, par la différence de longueur et de configuration des signes dans leur ensemble, ainsi que par les éléments figuratifs de la marque antérieure. D’une part, alors que le signe contesté ne présente qu’un seul terme, la marque antérieure se compose de deux mots, dont le premier, « santa », ne présente aucune similitude avec le signe contesté. Or, il ressort de la jurisprudence que le consommateur prête généralement plus d’attention à la partie initiale d’une marque [voir arrêt du 13 mai 2015, Deutsche Post/OHMI – PostNL Holding (TPG POST), T‑102/14, EU:T:2015:279, point 42 et jurisprudence citée]. D’autre part, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours au point 36 de la décision attaquée, bien que les éléments figuratifs d’une marque complexe soient moins distinctifs que ses éléments verbaux [arrêt du 6 juin 2018, Uponor Innovation/EUIPO – Swep International (SMATRIX), T‑264/17, non publié, EU:T:2018:329, point 56], l’effet produit par les éléments figuratifs de la marque antérieure, à savoir une police de caractère spécifique et le cercle entourant les éléments verbaux, n’est pas totalement négligeable, et accentue l’impression visuelle globale différente entre les deux signes.

62      Ensuite, alors que la requérante soutient que l’appréciation de la similitude aurait dû être effectuée par la chambre de recours sur la seule base de l’élément dominant « cruz », il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence constante que ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude peut se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, même à supposer que l’élément « santa » de la marque antérieure puisse être considéré comme moins distinctif que l’élément « cruz », le Tribunal ne saurait conclure que l’élément « santa » est négligeable aux yeux des consommateurs, comme le prétend la requérante.

63      Enfin, en ce qui concerne la référence faite par la requérante aux lignes directrices de l’EUIPO, selon lesquelles, lorsqu’une marque figurative et un signe verbal sont comparés, « la question qui se pose est celle de savoir si les signes ont en commun un nombre significatif de lettres dans la même position et si l’élément verbal du signe figuratif est hautement stylisé », il suffit de constater que celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48). En outre, il y a lieu de remarquer que l’élément verbal « cruz » partagé par les deux marques ne se situe pas dans la même position, à savoir qu’il constitue le second mot de la marque antérieure, et la première partie de la marque demandée. De surcroît, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qu’avance la requérante et comme il a été précisé au point 61 ci-dessus, les éléments figuratifs de la marque antérieure sont stylisés et accentuent la disparité entre les marques en conflit.

64      En deuxième lieu, sur le plan phonétique, les signes ont en commun la prononciation de l’élément verbal « cruz ». Toutefois, si les éléments figuratifs de la marque antérieure ne jouent naturellement aucun rôle de ce point de vue [arrêt du 22 juin 2005, Plus/OHMI – Bälz et Hiller (Turkish Power), T‑34/04, EU:T:2005:248, point 57], les signes présentent dans l’ensemble des différences considérables. D’abord, bien que l’élément « cruz » soit prononcé dans les deux marques, en ce qui concerne la marque demandée, il aura tendance à se fondre, dans sa prononciation en anglais ou en espagnol, avec l’élément « ade ». Ensuite, l’élément « cruz » ne se situe pas dans la même position dans les deux signes. Alors qu’il constitue la partie initiale du signe contesté, il se situe en seconde position au sein de la marque antérieure. Enfin, les deux signes ne présentent pas le même nombre de syllabes, en ce que la marque antérieure se compose de trois syllabes, alors que le signe contesté n’en contient que deux. Dès lors, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes présentaient également un faible degré de similitude phonétique en ce que les différences phonétiques compensent et neutralisent l’identité due à la présence de l’élément verbal « cruz » que les signes ont en commun.

65      Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le public concerné ne tiendra pas compte du terme « santa » lorsqu’il prononcera la marque antérieure. Comme indiqué au point 62 ci-dessus, l’élément « santa » ne saurait être négligé dans le cadre de la comparaison entre les signes. Il s’agit, en outre, de la partie initiale de la marque antérieure, à laquelle, comme indiqué au point 61 ci-dessus, le consommateur prête généralement une plus grande attention.

66      En troisième lieu, sur le plan conceptuel, la requérante soutient que, dans la mesure où le signe CRUZADE n’a aucune signification pour les consommateurs lusophones et hispanophones, il est probable que ces derniers discerneront immédiatement l’élément « cruz » de la marque demandée et qu’ils établiront un lien conceptuel avec le mot « croix » de la marque antérieure.

67      Cependant, il y a lieu d’approuver l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit ne présentent aucun lien conceptuel. En effet, comme le relève l’EUIPO, il est peu vraisemblable que le consommateur pertinent établisse un tel lien conceptuel, dans la mesure où le signe CRUZADE est dépourvu de signification dans son ensemble. À supposer que certains consommateurs espagnols ou portugais puissent isoler le terme « cruz » dans les marques en conflit, dans le sens allégué par la requérante, ils comprendraient également le signe SANTA CRUZ comme une référence à un lieu géographique, notamment à la capitale de l’île espagnole de Ténériffe.

68      Il s’ensuit que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la chambre de recours aurait commis une erreur en concluant, au point 41 de la décision attaquée, que les signes en conflit ne présentent qu’une faible similitude.

 Sur le risque de confusion

69      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

70      La chambre de recours a considéré, au point 54 de la décision attaquée, que la présence, dans les deux marques, de l’élément verbal « cruz » ne permettait pas, en l’espèce, de conclure à l’existence d’un risque de confusion, même en ce qui concerne les produits identiques. Elle a estimé que les signes SANTA CRUZ et CRUZADE seraient mémorisés par les consommateurs dans leur ensemble, sans séparer l’élément verbal « cruz » du reste des signes.

71      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir procédé à une appréciation globale du risque de confusion et soutient qu’elle a exclu à tort tout risque de confusion entre les marques en conflit.

72      À cet égard, compte tenu du faible degré de similitude visuelle et phonétique et l’absence de similitude conceptuelle entre les marques en conflit, il y a lieu de conclure, dans le cadre d’une appréciation globale de ces facteurs et à la lumière du principe d’interdépendance des facteurs à prendre en compte visé au point 69 ci-dessus et du souvenir imparfait des marques en conflit qu’aura le consommateur, que c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, au point 46 de la décision attaquée, l’absence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

73      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante. Premièrement, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il convient de remarquer qu’il ressort clairement de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé, aux points 46 à 54 de ladite décision, à une appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit, et a dûment pris en considération tous les facteurs pertinents.

74      Deuxièmement, même si certains des produits visés par les marques en conflit sont identiques, il y a lieu d’approuver l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, en substance, cette identité partielle des produits en cause est contrebalancée et neutralisée par la faible similitude entre les signes. En effet, s’agissant du signe demandé, l’élément « cruz » sera amalgamé au reste du signe, étant donné que rien ne permet de considérer que ledit élément sera séparé du terme « cruzade ». S’agissant de la marque antérieure, les termes « santa cruz » seront lus dans leur ensemble.

75      Troisièmement, il convient de relever que, dans la mesure où un caractère distinctif accru ne peut pas être reconnu à la marque antérieure, conformément à la conclusion établie au point 44 ci-dessus, l’appréciation du risque de confusion ne peut pas être modifiée dans le sens des allégations formulées par la requérante.

76      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que tout risque de confusion entre les marques en conflit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pouvait être exclu.

77      Le second moyen doit dès lors être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu, conformément aux conclusions de l’EUIPO, de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      NHS, Inc., est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.