Language of document : ECLI:EU:T:2022:84

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

23 février 2022 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Concurrence – Marchés des services internationaux de distribution express de petits colis dans l’EEE – Concentration – Décision déclarant la concentration incompatible avec le marché intérieur – Annulation de la décision par un arrêt du Tribunal – Droits de la défense – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑834/17,

United Parcel Service, Inc., établie à Atlanta, Géorgie (États-Unis), représentée par M. A. Ryan, solicitor, Mes F. Hoseinian, W. Knibbeler, A. Pliego Selie et F. Roscam Abbing, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Khan, P. Berghe, M. Farley et R. Leupold Henning, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait subi du fait de l’illégalité de la décision C(2013) 431 de la Commission, du 30 janvier 2013, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express),

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

composé de MM. S. Papasavvas, président, R. da Silva Passos, Mme I. Reine, MM. L. Truchot et M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 28 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Dans l’Espace économique européen (EEE), la requérante, United Parcel Service, Inc. (ci-après « UPS » ou la « requérante ») et TNT Express NV (ci-après « TNT ») sont deux sociétés présentes sur les marchés des services internationaux de distribution expresse de petits colis.

2        Le 26 juin 2012, la Commission européenne a publié un avis de notification préalable d’une concentration (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express) (JO 2012, C 186, p. 9), en application de l’article 4 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), tel que mis en œuvre par le règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 21 avril 2004 (JO 2004, L 133, p. 1).

3        Le 11 janvier 2013, la Commission a informé UPS qu’elle entendait interdire l’opération de concentration projetée entre elle et TNT.

4        Le 14 janvier 2013, UPS a publié cette information au moyen d’un communiqué de presse.

5        Le 18 janvier 2013, le comité consultatif prévu à l’article 19 du règlement no 139/2004 a émis un avis favorable sur le projet de décision de la Commission déclarant incompatible l’opération de concentration entre UPS et TNT.

6        Le 30 janvier 2013, la Commission a adopté la décision C(2013) 431, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express) (ci-après la « décision litigieuse »). La Commission a estimé que l’opération de concentration entre UPS et TNT constituerait une entrave significative à une concurrence effective sur les marchés des services en cause dans quinze États membres, à savoir en Bulgarie, en République tchèque, au Danemark, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, à Malte, aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie, en Slovénie, en Slovaquie, en Finlande et en Suède.

7        Par communiqué de presse du même jour, UPS a annoncé qu’elle renonçait à l’opération de concentration projetée.

8        Le 5 avril 2013, UPS a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision litigieuse, enregistré sous le numéro T‑194/13, et d’une demande de procédure accélérée, laquelle a été rejetée par le Tribunal.

9        Le 7 avril 2015, FedEx Corp. a annoncé une offre d’achat de TNT.

10      Le 4 juillet 2015, la Commission a publié un avis de notification préalable d’une concentration (affaire M.7630 – FedEx/TNT Express) (JO 2015, C 220, p. 15), concernant l’opération par laquelle FedEx devait acquérir TNT.

11      Le 8 janvier 2016, la Commission a adopté la décision déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire M.7630 – FedEx/TNT Express), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2016, C 450, p. 12), portant sur l’opération entre FedEx et TNT.

12      Par l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

13      Le 16 mai 2017, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), que la Cour a rejeté par l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23).

II.    Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2017, UPS a introduit le présent recours.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2018, la Commission a demandé au Tribunal de suspendre la procédure en attendant qu’il soit statué sur le pourvoi dans l’affaire C‑265/17 P ou, à titre subsidiaire, d’adopter une mesure d’organisation de la procédure visant à ce que le Tribunal détermine, premièrement, si les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union européenne en vertu de l’article 340 TFUE étaient satisfaites, hormis l’existence d’un préjudice, et, partant, deuxièmement, si aucune contribution des parties n’était nécessaire sur le montant du préjudice allégué jusqu’à nouvel ordre.

16      Par décision du 6 février 2018, le président de chambre a décidé de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision dans l’affaire C‑265/17 P. En revanche, le Tribunal n’a pas donné suite à la demande de mesures d’organisation de la procédure de la Commission.

17      La Commission a, par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 25 janvier 2019, de nouveau sollicité l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure consistant à ce que le Tribunal détermine, à titre liminaire, si les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union en vertu de l’article 340 TFUE étaient satisfaites, à l’exclusion de toute question portant sur l’existence d’un quelconque préjudice allégué par UPS et, partant, de dispenser les parties de traiter les questions portant sur le montant du préjudice allégué jusqu’à nouvel ordre.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 février 2019, UPS s’est opposée à cette demande et le Tribunal n’a pas donné suite à la demande de mesures d’organisation de la procédure de la Commission.

19      La composition du Tribunal ayant été modifiée, par décision du 17 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

20      Sur proposition de la septième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

21      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties, qui ont répondu dans le délai imparti. Le Tribunal a également posé par écrit une question aux parties, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

22      UPS conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        lui accorder une indemnité d’un montant de 1,742 milliard d’euros, majoré des intérêts applicables ;

–        lui accorder une compensation pour les impôts qui seront perçus sur l’indemnité accordée, en tenant compte du taux d’impôt applicable à la date de la décision du Tribunal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité de certains moyens, arguments et éléments de preuve

24      La Commission fait valoir que les mémoires d’UPS sont confus et ne sont conformes ni aux prescriptions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure ni à celles de l’article 85 de ce règlement et que certains arguments et éléments de preuve présentés à leur appui devraient, par conséquent, être déclarés irrecevables.

1.      Sur le caractère confus de l’argumentation d’UPS

25      La Commission reproche à UPS d’avoir développé son argumentation de manière dispersée, sans respecter l’énonciation des moyens du recours. Le recours reposerait sur trois moyens, correspondant à chacune des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union. Cependant, UPS aurait développé plusieurs arguments hors du moyen auquel ils se rattacheraient par leur substance. UPS aurait ainsi avancé, au stade de la requête, des arguments liés à l’illégalité dans les parties consacrées au lien de causalité. Au stade de la réplique, UPS aurait traité les deux ensembles, tout en invoquant dans la partie consacrée au préjudice des arguments se rapportant aux deux autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union. La Commission estime que le Tribunal ne doit pas regrouper ces arguments, puisque, formellement, ils ne correspondent pas à l’énoncé du moyen dans le cadre duquel ils sont invoqués.

26      En l’occurrence, il est vrai qu’UPS a développé dans la requête une partie de son argumentation relative aux illégalités alléguées dans le cadre de moyens relatifs aux autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, en particulier dans celui relatif au lien de causalité. Si un tel manque de cohérence peut contribuer à rendre le recours confus, il ne saurait entraîner l’irrecevabilité de celui-ci, même partielle, si les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels les conclusions sont fondées sont exposés de manière sommaire, claire et précise, conformément aux dispositions de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, permettant ainsi à la partie défenderesse de sauvegarder ses droits et au Tribunal de trancher le litige. Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant, comme en l’occurrence, à la réparation de dommages prétendument causés par des institutions de l’Union doit contenir les éléments permettant d’identifier tant le comportement que le requérant reproche à ces institutions que les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi (voir arrêt du 14 décembre 2005, FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, T‑69/00, EU:T:2005:449, point 68 et jurisprudence citée).

27      Or, bien que l’organisation de certains arguments de droit et de fait présentés par la requérante manque de rigueur, il n’en demeure pas moins que le Tribunal, ainsi que la Commission, sont en mesure d’identifier les éléments de fait et de droit sur lesquels les conclusions de la requérante sont fondées. La Commission n’invoque d’ailleurs aucune règle spécifique à l’appui de son affirmation selon laquelle le Tribunal ne peut pas regrouper selon leur substance des arguments présentés formellement de manière éparse. En tout état de cause, une telle affirmation est difficilement conciliable avec le fait que, lors de l’examen des moyens du recours, le Tribunal n’est nullement tenu, dans son raisonnement, de suivre l’ordre selon lequel ces moyens ont été exposés (arrêt du 25 mars 2010, Sviluppo Italia Basilicata/Commission, C‑414/08 P, EU:C:2010:165, point 57). Le Tribunal peut, en s’attachant à la substance de l’argumentation, procéder à sa requalification (voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C‑316/97 P, EU:C:1998:558, point 21, et du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, points 92 et 93). Il peut donc également, en s’attachant à la substance de l’argumentation, procéder à son examen selon un ordre qui diffère de celui dans lequel elle avait été présentée.

28      Dans ces conditions, rejeter une partie de l’argumentation de la requérante au seul motif que sa substance ne correspond pas exactement à l’intitulé de la section du mémoire dans laquelle cette argumentation est exposée serait faire preuve d’un formalisme excessif, susceptible de constituer un obstacle à l’exercice du droit à un recours juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

29      La fin de non-recevoir de la Commission tirée du caractère confus du recours est non fondée et doit être rejetée.

2.      Sur la violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure

30      La Commission soutient que les mémoires d’UPS ne sont pas conformes à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, entraînant ainsi l’irrecevabilité de certains arguments et éléments de preuves.

31      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

32      Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, cet exposé sommaire des moyens de la partie requérante doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la juridiction compétente de statuer sur le recours (arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 41).

33      Ainsi, il est notamment nécessaire, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête (arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 40).

34      Il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94, et du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 354). Des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen soulevé devant le Tribunal (arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 41, et du 16 septembre 2020, BP/FRA, C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 54).

a)      Sur la recevabilité de l’argumentation d’UPS sur la violation des droits procéduraux

35      La Commission soutient qu’est irrecevable l’argumentation par laquelle UPS prétend que ses droits procéduraux ont été enfreints au motif que les critères d’évaluation des gains d’efficacité ne lui ont pas été communiqués avant l’adoption de la décision litigieuse. UPS se serait limitée, au point 42 de la requête, à énoncer des critiques générales et abstraites à l’encontre de la décision litigieuse et de certains actes antérieurs à celle-ci. Faute d’identifier avec précision les passages litigieux, cette argumentation ne serait pas conforme aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

36      Force est de relever, toutefois, qu’il ressort de la lecture du point 42 de la requête qu’UPS reproche à la Commission, en substance, de ne pas avoir sérieusement analysé le caractère vérifiable des gains d’efficacité allégués, ni énoncé à l’avance les critères sur la base desquelles ces gains seraient évalués. UPS dénonce ainsi une carence dans l’analyse de la Commission ainsi qu’un manque d’informations sur l’objet et le niveau de preuve requis. Dès lors, il ne saurait être reproché à UPS d’avoir omis d’identifier avec précision dans la requête, parmi les actes adoptés par la Commission, des éléments dont UPS dénonce l’absence.

37      Par ailleurs, il y a lieu de constater que ce point 42 de la requête se réfère à certains passages de la communication des griefs et de la décision litigieuse. UPS a ainsi désigné avec précision les éléments qu’elle estime pertinents afin de les comparer entre eux et de démontrer que ce n’est qu’au stade de la décision litigieuse que la Commission a dévoilé son analyse des gains d’efficacité.

38      Il s’ensuit que les fins de non-recevoir invoquées par de la Commission ne sont pas fondées et doivent, en conséquence, être rejetées.

b)      Sur la recevabilité de l’argumentation d’UPS sur l’erreur d’appréciation des effets de la concentration sur les prix

1)      Sur les points 34 à 37 de la requête

39      La Commission soutient que l’argumentation d’UPS relative à l’analyse des effets de la concentration sur les prix, exposée aux points 34 à 37 de la requête, est tellement laconique qu’elle ne répond pas aux exigences de l’article 76, point d), du règlement de procédure. La requête n’énoncerait pas les raisons pour lesquelles UPS considère que le modèle économétrique utilisé par la Commission était vicié.

40      Toutefois, il y a lieu de relever que, aux points 34 à 37 de la requête, UPS fait valoir que l’analyse de la concentration sur les prix est affectée de graves erreurs. Il apparaît clairement à la lecture de ces points et de la requête prise dans son ensemble qu’UPS soutient que la Commission s’est écartée sensiblement de la pratique économétrique usuelle en utilisant, au stade de l’estimation, un type de variable de concentration distinct de celui utilisé au stade de la prévision et invoque, à titre de preuve, les rapports des deux experts (annexes A.8 et A.9 de la requête). Bien que les points 34 à 37 de la requête soient rédigés de manière concise, ils résument, en termes clairs et précis, la substance des critiques d’ordre technique formulées à l’encontre des choix méthodologiques retenus par la Commission. Cet exposé sommaire est étayé par le renvoi aux rapports de ces experts (annexes A.8 et A.9 de la requête), lesquels contiennent des explications approfondies des erreurs techniques ainsi alléguées.

41      Il découle de ces éléments que les points 34 à 37 de la requête répondent aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Il convient, en conséquence, de rejeter la fin de non-recevoir invoquée par la Commission comme étant non fondée.

2)      Sur le renvoi à l’annexe A.12 de la requête

42      La Commission fait valoir qu’UPS, au point 34 de la requête, s’est référée à l’annexe A.12 de ladite requête, qui consiste en un mémoire produit dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), sans identifier les passages qu’elle entendait spécifiquement invoquer. Par conséquent, cette méconnaissance de l’article 76, sous d), du règlement de procédure entraînerait l’irrecevabilité de ce document.

43      Toutefois, en se référant, au point 34 de la requête, à un document (annexe A.12 de la requête) produit dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), UPS n’a pas cherché à remédier à une quelconque déficience de l’exposé figurant aux points 34 à 37 de la requête par un renvoi global à la lecture de cette pièce. Au contraire, UPS a ainsi souligné que ses critiques à l’encontre du modèle économétrique retenu avaient déjà été avancées dans le cadre de ladite affaire. Cette annexe A.12 est en effet constituée des observations d’UPS, en date du 8 juin 2016, sur les réponses de la Commission du 26 avril 2016 aux questions du Tribunal dans cette affaire. Dans le cadre de ces observations, UPS avait en effet dénoncé l’utilisation au stade de la prédiction d’un modèle distinct de celui utilisé au stade de l’estimation. UPS faisait valoir que la Commission avait ainsi agi d’une manière non conventionnelle et arbitraire. Cette argumentation, qui, comme cela ressort des documents produits dans la présente affaire, avait également été développée par UPS dans le cadre de la procédure de pourvoi dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23), est, dans sa substance, identique à celle exposée aux points 34 à 37 de la requête.

44      Il ressort de ces éléments contextuels qu’UPS a ainsi réitéré les griefs soulevés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), à l’égard de la validité du modèle économétrique utilisé à l’appui de la décision litigieuse et que ces éléments contiennent un exposé suffisamment clair et précis de l’argumentation. Dès lors, la Commission ne saurait prétendre qu’elle n’était pas en mesure d’en comprendre la teneur, ni de préparer sa défense. La fin de non-recevoir invoquée par la Commission doit être rejetée.

3)      Sur le renvoi aux annexes A.8 et A.9 de la requête ainsi qu’aux annexes C.1 et C.2 de la réplique

45      La Commission soutient qu’UPS s’est contentée de renvoyer de manière générale à la lecture de certaines annexes au lieu de développer son argumentation de manière claire et précise dans ses écritures. En réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission prétend, en premier lieu, avoir contesté, au point 22 du mémoire en défense, la recevabilité des annexes A.8 et A.9 de la requête. Les raisons pour lesquelles UPS estime que le modèle économétrique retenu est erroné devraient figurer dans la requête elle-même, conformément à l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Or, les explications fournies au point 36 de la requête seraient insuffisantes à cet égard. La Commission estime qu’un renvoi général aux annexes A.8 et A.9 de la requête ne peut combler cette lacune en lui laissant la charge de deviner les arguments qu’UPS souhaite avancer. La Commission indique avoir souligné ce point dans la duplique. En second lieu, la Commission fait valoir qu’UPS ne pouvait, au stade de la réplique, remédier à ces déficiences en identifiant avec plus de précision les passages pertinents des annexes A.8 et A.9 de la requête ainsi que des annexes C.1 et C.2 de la réplique.

46      Toutefois, il convient de constater que, aux points 24 à 29 du mémoire en défense, la Commission a réfuté le contenu de ces rapports d’experts de manière circonstanciée. Cela démontre que la Commission était en mesure d’assurer la défense de ses intérêts, et qu’elle n’a d’ailleurs pas estimé nécessaire, au stade de la défense, de produire à son tour un ou plusieurs rapports d’expertise afin de contredire ceux d’UPS et d’éclairer ainsi le Tribunal sur les aspects techniques du modèle économétrique retenu.

47      La Commission, aux points 25 à 41 de la duplique, a répondu extensivement aux arguments d’UPS énoncés aux points 45 à 49 de la réplique et étayés par les deux rapports de ces experts (annexes A.8 et A.9 de la requête) ainsi que de leurs avis complémentaires (annexes C.1 et C.2 de la réplique). Quant à l’allégation de la Commission selon laquelle le renvoi aux annexes C.1 et C.2 de la réplique serait insuffisamment précis, elle est directement contredite par le fait que la Commission a identifié, dans la note infrapaginale no 32 de la duplique, les passages de ces annexes spécifiquement invoqués par UPS dans la réplique. Afin de réfuter les allégations concernant la validité de son modèle, la Commission a produit, en annexe à la duplique, deux rapports d’un expert (annexes D.5 et D.6 de la duplique), dont la recevabilité est examinée ci-après au regard de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure.

48      Dans ces conditions, la Commission ne saurait prétendre qu’elle n’a pas été en mesure de préparer sa défense. C’est donc sans méconnaître l’article 76, sous d), du règlement de procédure qu’UPS, s’est référée, dans ses mémoires, aux annexes A.8 et A.9 de la requête ainsi qu’aux annexes C.1 et C.2 de la réplique afin d’étayer les aspects techniques de ses critiques dirigées contre le modèle économétrique retenu par la Commission. La fin de non-recevoir invoquée par la Commission sur ce point n’étant pas fondée, elle doit être rejetée.

4)      Sur le point 84 de la requête

49      La Commission soutient que l’argumentation par laquelle UPS, au point 84 de la requête, critique l’utilisation des données de couverture des marchés de FedEx de 2012 au lieu de celles relatives à l’année 2015 est irrecevable au regard de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Elle affirme que cette argumentation ne figure pas dans la requête, mais dans les mémoires déposés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), sans indiquer précisément les passages de ces mémoires sur lesquels UPS cherche à s’appuyer.

50      Toutefois, force est de constater que, au point 84 de la requête, UPS a reproché d’une manière claire et précise à la Commission d’avoir utilisé, dans le cadre de son analyse des effets de la concentration sur les prix, des données concernant la situation de FedEx en 2012, et ce alors même qu’elle aurait été en possession des projections de FedEx se rapportant à l’année 2015.

51      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré qu’UPS a cherché à pallier une imprécision de la requête au moyen d’un renvoi global aux mémoires déposés dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144). Non seulement l’argumentation d’UPS était énoncée de manière intelligible, mais elle était également connue de la Commission depuis la procédure dans ladite affaire. Il convient d’ailleurs de relever que la Commission a elle-même renvoyé à la lecture de ses mémoires dans cette affaire, en réponse aux arguments d’UPS. La Commission ne saurait, dès lors, prétendre qu’elle n’a pas été en mesure de préparer sa défense. Eu égard à l’identité des parties et du fondement juridique, à savoir les illégalités reprochées à la Commission, existant entre le recours en annulation et la présente action indemnitaire, il y a lieu d’admettre la recevabilité des renvois opérés par les développements de la requête, eux-mêmes recevables, à l’exposé des moyens développés au soutien du recours en annulation et produits en annexe à la requête dans la présente affaire (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, point 96). La fin de non-recevoir invoquée par la Commission doit donc être rejetée.

c)      Sur la recevabilité de l’argumentation d’UPS relative à l’erreur d’appréciation des gains d’efficacité

1)      Sur le point 46 de la requête

52      La Commission soutient qu’est irrecevable, car contraire à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, l’argumentation par laquelle UPS, au point 46 de la requête, affirme, premièrement, que les preuves produites pendant la procédure administrative excluaient une décision d’incompatibilité, deuxièmement, que la Commission a accepté les synergies en leur principe et, troisièmement, que, si la Commission avait appliqué aux gains d’efficacité l’approche suivie ultérieurement lors du contrôle de la concentration entre FedEx et TNT, elle aurait dû accepter une proportion beaucoup plus élevée des synergies alléguées. La Commission estime que ces allégations sont insuffisamment étayées et souligne les avoir déjà réfutées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144).

53      Il importe de relever, toutefois, que ces critiques de la Commission portent davantage sur la question de savoir si les allégations d’UPS, au point 46 de la requête et concernant l’analyse des gains d’efficacité, sont suffisamment étayées pour emporter la conviction du Tribunal que sur celle de savoir si la requête contient l’exposé sommaire des moyens requis par l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

54      En tout état de cause, force est de constater que le point 46 de la requête est rédigé dans des termes suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. La Commission a ainsi répondu de façon exhaustive à l’argumentation d’UPS aux points 55 à 97 du mémoire en défense. L’argumentation de la Commission est donc dénuée de fondement.

2)      Sur le renvoi à l’annexe C.6 de la réplique

55      La Commission prétend que, au point 82 de la réplique, UPS renvoie à des extraits du formulaire de notification de la concentration joints à l’annexe C.6 de la réplique, sans identifier précisément les passages pertinents de cette annexe qu’elle invoque. Un tel renvoi serait contraire à l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

56      Toutefois, il y a lieu de constater que, aux points 41 à 46 de la requête, UPS a exposé de manière certes sommaire, mais claire et précise, l’argumentation par laquelle elle fait grief à la Commission de ne pas avoir divulgué au cours de la procédure administrative les critères que cette dernière entendait appliquer afin d’évaluer les gains d’efficacité allégués. En particulier, au point 44 de la requête, UPS a fait valoir, d’une part, que la Commission, avant d’adopter sa décision, était tenue d’exposer ses objections quant au caractère vérifiable des gains d’efficacité allégués et de donner aux parties ayant notifié une concentration une réelle possibilité de présenter leurs observations à cet égard. UPS, d’autre part, a soutenu que le dossier démontrait qu’elle avait fourni des éléments de preuves tangibles quant aux gains d’efficacité dès la notification via le formulaire CO. En outre, au point 82 de la réplique, UPS s’est référée expressément à la section pertinente du formulaire CO et, en particulier, au point 96 de celui-ci.

57      Cette énonciation des griefs d’UPS répond aux conditions de clarté et de précision requises par l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Dans ces conditions, la Commission ne saurait raisonnablement prétendre qu’elle n’a pas été en mesure de préparer sa défense, sans préjudice de la question de savoir si la production de l’annexe C.6 de la réplique au stade du dépôt de celle-ci était tardive et, par voie de conséquence, irrecevable, qui sera examinée ci-après au regard de l’article 85 du règlement de procédure.

58      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir de la Commission doit être rejetée.

3)      Sur le renvoi aux annexes C.7 et C.37 de la réplique

59      La Commission prétend qu’UPS, en violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, s’est référée, d’une manière générale, à sa déclaration du 4 juillet 2019 relative aux synergies (annexe C.7 de la réplique), aux points 90, 92 et 107 de la réplique, sans préciser les passages pertinents qu’elle invoquait. Elle fait valoir la même argumentation à l’encontre du renvoi effectué aux points 106 et 108 à 110 de la réplique, de manière prétendument insuffisamment précise, au second rapport d’expert émis par FTI Consulting afin d’évaluer trois rapports d’experts produits par la Commission en annexe à sa défense (ci-après le « second rapport FTI ») (annexe C.37 de la réplique).

60      Toutefois, force est de constater que les points 90 à 98 de la réplique contiennent un exposé détaillé et circonstancié des arguments par lesquels UPS réfute le premier rapport d’expert émis par Oxera afin d’évaluer les synergies qu’UPS espérait retirer de l’acquisition de TNT (ci-après le « premier rapport Oxera ») (annexe B.7 du mémoire en défense) versé aux débats par la Commission au stade du mémoire en défense. Cette argumentation d’UPS est étayée et complétée dans ses diverses dimensions techniques par l’annexe C.7 de la réplique dans laquelle sont exposées les méthodes utilisées par UPS pour évaluer les gains d’efficacité. Contrairement à ce que prétend la Commission, UPS n’a pas éludé son obligation d’exposer son argumentation, de manière sommaire, mais claire et précise, en opérant un renvoi global et imprécis à l’annexe C.7 de la réplique ou en détournant ce document de sa fonction purement probatoire et instrumentale. La Commission ne saurait, dès lors, prétendre qu’UPS a méconnu les dispositions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

61      S’agissant du renvoi au second rapport FTI (annexe C.37 de la réplique), il convient également de constater que les points 108 à 110 de la réplique comportent un exposé sommaire, clair et précis de l’argumentation par laquelle UPS réfute les deux rapports d’experts produits par la Commission (premier rapport Oxera, à l’annexe B.7 du mémoire en défense, et premier rapport Schoutens, à l’annexe B.39 dudit mémoire). Pour des motifs analogues à ceux qui viennent d’être exposés à l’égard du renvoi à l’annexe C.7 de la réplique, l’allégation de la Commission prise d’une violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure n’est pas fondée.

62      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, les griefs de la Commission tirés de la violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure ne sont pas fondés et doivent, dès lors, être rejetés.

3.      Sur la violation de l’article 85 du règlement de procédure

63      La Commission excipe de l’irrecevabilité de plusieurs éléments de preuve produits tardivement par UPS, ce que cette dernière conteste en objectant à son tour que certaines preuves versées tardivement aux débats par la Commission seraient irrecevables.

64      Afin de statuer sur ces griefs, il importe de rappeler que, conformément à l’article 76, sous f), du règlement de procédure, toute requête doit contenir les preuves et offres de preuve, s’il y a lieu. Selon l’article 81, paragraphe 1, de ce règlement, le mémoire en défense doit contenir les moyens et arguments invoqués ainsi que les preuves et offres de preuve, s’il y a lieu.

65      L’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure précise que les preuves et offres de preuves sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. L’article 85, paragraphe 2, de ce règlement ajoute que les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuves dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

66      Si, conformément à la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties doivent motiver le retard apporté à la présentation de leurs preuves ou offres de preuves nouvelles, le juge de l’Union a le pouvoir de contrôler le bien-fondé du motif du retard apporté à la production de ces preuves ou de ces offres de preuves et, selon le cas, le contenu de ces dernières et a également, si cette production tardive n’est pas justifiée à suffisance de droit ou fondée, le pouvoir de les écarter. La présentation tardive, par une partie, de preuves ou d’offres de preuves peut, notamment, être justifiée par le fait que cette partie ne pouvait pas disposer antérieurement des preuves en question ou si les productions tardives de la partie adverse justifient que le dossier soit complété, de façon à ce que soit assuré le respect du principe du contradictoire (arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA, C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 41).

a)      Sur la recevabilité des annexes C.6, C.7 et C.37 de la réplique

67      La Commission prétend qu’UPS a produit les annexes C.6, C.7 et C.37 de la réplique dans le seul but de combler les lacunes de la requête. Une telle production tardive et injustifiée devrait entraîner l’irrecevabilité de ces annexes en application de l’article 85 du règlement de procédure.

68      Toutefois, ainsi qu’il a été précédemment constaté, il ressort du point 82 de la réplique que l’annexe C.6 de la réplique est produite afin de réfuter l’argumentation de la Commission au point 47 du mémoire en défense, selon laquelle UPS n’aurait pas abordé la question des gains d’efficacité dans le formulaire CO. L’annexe C.7 de la réplique vise à réfuter le premier rapport Oxera (annexe B.7 du mémoire en défense) produit par la Commission. Le second rapport FTI (annexe C.37 de la réplique) vise à infirmer deux autres rapports d’experts produits par la Commission (premier rapport Oxera, à l’annexe B.7 du mémoire en défense, et premier rapport Schoutens, à l’annexe B.39 dudit mémoire).

69      Or, la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse dans le mémoire en défense ne sont pas visées par la règle de forclusion, prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure (arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 72, et ordonnance du 21 mai 2019, Le Pen/Parlement, C‑525/18 P, non publiée, EU:C:2019:435, point 48).

70      Par conséquent, les annexes C.6, C.7 et C.37 ne sauraient être considérées comme irrecevables en application de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure.

b)      Sur la recevabilité des rapports de l’expert en économétrie produits par la Commission

71      En réponse aux questions écrites du Tribunal, UPS conteste la recevabilité des deux rapports d’un expert en économétrie produits par la Commission en annexe à la duplique (annexes D.5 et D.6 de la duplique). UPS fait valoir, en substance, que la Commission a produit ces rapports tardivement et sans justification.

72      La Commission soutient que ces deux rapports sont recevables.

73      Toutefois, il y a lieu de rappeler que, en application de l’article 81, paragraphe 1, et de l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, les moyens et arguments ainsi que les preuves et offres de preuve doivent, en principe, être formulés dans le mémoire en défense, la partie défenderesse devant motiver le retard apporté à la présentation de preuves ou d’offres de preuves nouvelles, sous peine d’entraîner leur rejet (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2007, Hongrie/Commission, T‑310/06, EU:T:2007:343, point 164 et jurisprudence citée).

74      En l’occurrence, la Commission a produit, au stade de la duplique, les deux rapports d’un économiste, datés du 16 octobre 2019, c’est-à-dire postérieurement au dépôt du mémoire en défense. La Commission a produit ces rapports pour étayer sa réponse à des moyens et arguments développés, non pas dans la réplique, mais dans la requête.

75      En effet, la Commission, aux points 26 et 27 de la duplique, a déclaré qu’elle entendait répondre à l’argumentation développée par UPS aux points 35 et 36 de la requête, par laquelle cette dernière posait essentiellement la question de savoir si la différence de nature entre la variable de concentration utilisée au stade de l’estimation et celle utilisée au stade de la prévision était acceptable, compte tenu des circonstances spécifiques de l’opération projetée. À cette fin, la Commission a, en substance, avancé deux arguments. Le premier, énoncé aux points 28 à 50 de la duplique, consiste à faire valoir qu’aucun des modèles économétriques successivement proposés par UPS lors de la procédure administrative n’était acceptable. Afin d’étayer cet argument, la Commission a produit le premier rapport de cet expert (annexe D.5 de la duplique). Par un second argument, exposé aux points 39 à 41 de la duplique, la Commission affirme que le modèle qu’elle a fini par adopter était justifié et raisonnable au regard des circonstances particulières de l’opération projetée. Au soutien de cet argument, la Commission invoque le second rapport de cet expert (annexe D.6 de la duplique).

76      Or, force est de constater que cette argumentation de la Commission ne diffère pas de manière significative de celle exposée aux points 21 à 31 du mémoire en défense.

77      Dans ces conditions, il convient d’admettre que les deux rapports de l’expert engagé par la Commission (annexes D.5 et D.6 de la duplique) ont été produits tardivement, sans que la Commission justifie ce retard dans la duplique. Il y a lieu, par conséquent, de constater que ces rapports sont irrecevables.

78      Lors de l’audience, la Commission a déclaré que, si, idéalement, ces deux rapports auraient dû être produits au stade du mémoire en défense, ils ne constitueraient qu’une réfutation des rapports des experts d’UPS (annexe A.8 et A.9 de la requête), ainsi que de leurs avis complémentaires (annexes C.1 et C.2 de la réplique). La Commission a ajouté que, UPS ayant pu prendre position par écrit sur la recevabilité ainsi que sur le fond des rapports de son expert, à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure prise par le Tribunal, la question de la recevabilité de ces rapports ne se posait plus.

79      Toutefois, contrairement à ce que prétend la Commission, les rapports d’expertise qu’elle a produits ne visent pas à répondre de manière spécifique aux deux avis complémentaires d’experts produits par UPS au stade de la réplique (annexes C.1 et C.2 de la réplique). En outre, la circonstance que le Tribunal ait, en l’espèce, invité UPS à prendre position par écrit sur la recevabilité et la substance du premier rapport de l’expert de la Commission ne signifie pas que ce rapport soit recevable. En effet, conformément à l’article 85, paragraphe 4, du règlement de procédure, c’est sans préjudice de la décision du Tribunal à intervenir sur la recevabilité des preuves produites tardivement que les autres parties ont été mises en mesure de prendre position sur celles-ci.

80      L’argumentation d’UPS étant fondée, il y lieu de déclarer irrecevables les rapports versés aux débats par la Commission (annexes D.5 et D.6 de la duplique) en raison de leur production tardive et injustifiée.

B.      Sur le fond

1.      Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

81      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

82      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers et que la violation soit suffisamment caractérisée, que la réalité du dommage soit établie et, enfin, qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 117 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 39 à 42). Le caractère cumulatif de ces conditions implique que, dès lors que l’une d’entre elles n’est pas remplie, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, points 63 et 64, et du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, C‑237/98 P, EU:C:2000:321, point 54).

83      Une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers est établie lorsqu’elle implique une méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, les éléments à prendre en considération à cet égard étant, notamment, la complexité des situations à régler, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’institution de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 50, et du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 30].

84      L’exigence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union découle de la nécessité d’une mise en balance entre, d’une part, la protection des particuliers contre les agissements illégaux des institutions et, d’autre part, la marge de manœuvre qui doit être reconnue à ces dernières afin de ne pas paralyser leur action (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 34).

85      Cette mise en balance se révèle d’autant plus importante que la Commission est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de l’Union en matière de concurrence et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire (arrêt du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C‑425/07 P, EU:C:2009:253, point 31).

86      Il est vrai que faciliter l’engagement de la responsabilité de l’Union en étendant la notion de violation caractérisée du droit de l’Union à tout manquement à une obligation légale, qui, pour regrettable qu’il soit, peut être expliqué, notamment par des contraintes objectives qui pèsent sur la Commission, risquerait de compromettre, voire d’inhiber, l’action de cette institution en matière de contrôle des concentrations. Cependant, un droit à réparation doit être ouvert pour des personnes ayant subi des dommages qui résultent du comportement de la Commission lorsque celui-ci se traduit par un acte qui, sans justification ni explication objectives, est manifestement contraire à la règle de droit et gravement préjudiciable aux intérêts de ces personnes (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, points 123 et 124, et du 9 septembre 2008, MyTravel/Commission, T‑212/03, EU:T:2008:315, points 42 et 43).

87      Une telle définition du seuil d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est de nature à protéger la marge de manœuvre et la liberté d’appréciation dont doit bénéficier la Commission, tant dans ses décisions en opportunité que dans son interprétation et son application des dispositions pertinentes du droit de l’Union en matière de concurrence, sans pour autant laisser peser sur des tiers la charge des conséquences de manquements flagrants et inexcusables (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, point 125).

88      Ainsi, seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 43).

2.      Sur les illégalitésalléguées

89      UPS soutient que la décision litigieuse ainsi que la procédure ayant conduit à son adoption sont entachées de plusieurs illégalités constituant des violations suffisamment caractérisées du droit de l’Union. La Commission aurait violé les droits procéduraux d’UPS, méconnu son obligation de motivation et commis des erreurs relatives à l’appréciation au fond de l’opération de concentration, premièrement, en s’écartant des méthodes économétriques conventionnelles pour l’analyse de la concentration sur les prix, deuxièmement, en examinant la pression concurrentielle exercée par FedEx de manière statique et, troisièmement, en évaluant de manière inadéquate les gains d’efficacité.

90      Il convient d’examiner successivement les allégations relatives aux violations des droits procéduraux d’UPS, à la méconnaissance de l’obligation de motivation et à la validité des appréciations contenues dans la décision litigieuse.

a)      Sur la violation des droits procéduraux d’UPS

91      À l’appui de l’illégalité relative à la violation de ses droits procéduraux, UPS reproche à la Commission, premièrement, l’absence de communication du modèle économétrique retenu, deuxièmement, l’absence de communication des critères d’évaluation des gains d’efficacité et, troisièmement, l’absence de communication de certains documents confidentiels de FedEx.

1)      Sur l’absence de communication du modèle économétrique retenu

92      UPS fait valoir que le Tribunal, puis la Cour, ont déjà jugé que la Commission avait violé ses droits de la défense en ne lui communiquant pas la version finale du modèle économétrique ayant servi à analyser les effets de la concentration sur les prix. Il s’agirait d’une violation manifeste et grave d’une règle de droit destinée à conférer des droits aux particuliers, qui ne peut être justifiée ni par des contraintes de temps ni par la complexité de l’affaire.

93      La Commission soutient que la violation des droits de la défense d’UPS ne saurait être qualifiée de violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, compte tenu, d’une part, du défaut de clarté du droit de l’Union à la date d’adoption de la décision litigieuse par rapport à l’obligation qui lui incomberait de communiquer la version finale du modèle économétrique et, d’autre part, de l’existence de contraintes temporelles dans l’évaluation de l’opération de concentration projetée.

94      Il importe de rappeler que l’illégalité alléguée par UPS a déjà été définitivement établie. En effet, le Tribunal a annulé dans son intégralité la décision litigieuse, au motif que la Commission avait violé les droits de la défense d’UPS en ne lui communiquant pas la version finale de son modèle économétrique (arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, points 221 et 222). Cet arrêt a acquis force de chose jugée à la suite du rejet du pourvoi de la Commission par l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23).

95      Il n’est pas contesté que le principe du respect des droits de la défense, dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations, relève de la catégorie des règles de droit destinées à conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 162).

96      En revanche, les parties s’opposent sur le point de savoir si la violation des droits de la défense d’UPS est suffisamment caractérisée pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

97      À cet égard, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 28).

98      Pour les procédures de contrôle des opérations de concentration, ce principe est posé à l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 139/2004 ainsi que, de manière plus précise, à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 802/2004. Ces dernières dispositions exigent notamment la communication par écrit des objections de la Commission aux parties ayant notifié une concentration, avec indication à ces dernières du délai dans lequel elles peuvent faire connaître leur point de vue par écrit (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 29).

99      Ces dispositions sont complétées par celles relatives à l’accès au dossier, lequel constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense. Il ressort ainsi de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 139/2004 et de l’article 17 du règlement no 802/2004 que l’accès au dossier est ouvert aux parties directement intéressées, après la notification de la communication des griefs, sous réserve, notamment, de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués, cet accès aux documents ne s’étendant ni aux informations confidentielles ni aux documents internes de la Commission ou des autorités compétentes des États membres (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 30).

100    Afin d’analyser de manière prospective les effets d’une concentration sur les facteurs déterminant l’état de la concurrence sur les marchés affectés, le recours à des modèles économétriques permet de parfaire la compréhension de l’opération projetée en identifiant et, le cas échéant, en quantifiant certains de ses effets, et de contribuer ainsi à la qualité des décisions de la Commission. Il est donc nécessaire que, lorsque la Commission entend fonder sa décision sur de tels modèles, les parties ayant notifié une concentration soient mises en mesure de faire connaître leurs observations à cet égard (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 33).

101    La divulgation de ces modèles et des choix méthodologiques qui sous-tendent leur élaboration s’impose d’autant plus qu’elle contribue à conférer à la procédure son caractère équitable, conformément au principe de bonne administration énoncé à l’article 41 de la Charte (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 34).

102    Le respect des droits de la défense avant l’adoption d’une décision en matière de contrôle des concentrations exige donc que les parties ayant notifié une concentration soient mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence de tous les éléments sur lesquels la Commission entend fonder sa décision (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 31).

103    La Commission ne peut modifier après la communication des griefs la substance d’un modèle économétrique sur la base duquel elle entend fonder ses objections sans porter cette modification à la connaissance des entreprises intéressées et leur permettre de faire valoir leurs observations à cet égard. Une telle interprétation serait en effet contraire au principe du respect des droits de la défense et aux dispositions de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, lesquelles, d’une part, exigent que la Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations et, d’autre part, prévoient un droit d’accès au dossier ouvert au moins aux parties directement intéressées. Il est également exclu que de tels éléments puissent être qualifiés de documents internes au sens de l’article 17 du règlement no 802/2004 (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 37).

104    Il s’ensuit que la Commission était tenue, avant d’adopter la décision litigieuse, de porter à la connaissance d’UPS les modifications apportées au modèle économétrique utilisé pour évaluer les effets de la concentration sur les prix. Cette obligation découle de l’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, qui impose à la Commission de formuler de manière suffisamment claire et précise ses griefs afin d’assurer à la partie ayant notifié une concentration la possibilité d’être entendue avant l’adoption de la décision litigieuse. La Commission disposait sur ce point d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 166). Ces considérations tendent à démontrer que, en omettant de communiquer son modèle économétrique à UPS, la Commission a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation.

105    La Commission estime cependant que tel n’est pas le cas en l’espèce et avance, à cet égard, deux arguments.

106    Le premier argument consiste à soutenir que, lors de l’adoption de la décision litigieuse, la jurisprudence n’était pas encore clairement fixée sur l’obligation de communiquer les modèles économétriques.

107    Il y a lieu de rappeler que les difficultés d’application ou d’interprétation des règles de droit de l’Union pertinentes dans le cadre de l’adoption d’un acte ultérieurement mis en cause en vue de faire constater la responsabilité non contractuelle de l’Union sont prises en compte dans l’évaluation du comportement de l’institution concernée en vue de déterminer si elle a commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union. Ces paramètres se rapportent tous à la date à laquelle la décision ou le comportement ont été adoptés par cette institution. Il s’ensuit que l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union doit nécessairement être appréciée en fonction des circonstances dans lesquelles l’institution a agi à cette date précise (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, points 44 et 46).

108    Il est vrai que l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), est le premier à avoir examiné la question de savoir si la Commission pouvait s’appuyer sur un modèle économétrique sans avoir au préalable donné à l’entreprise ayant notifié une concentration la possibilité d’être entendue sur des modifications apportées à ce modèle. Cependant, la jurisprudence relative au respect du principe des droits de la défense et au droit d’être entendu était déjà abondante avant le prononcé de cet arrêt. Ainsi, dans un contexte réglementaire et factuel différent de celui de la présente affaire, la Cour et le Tribunal avaient déjà considéré, en substance, que la Commission, en se fondant sur un rapport qu’elle avait modifié de sa propre initiative, sans prendre le soin de s’enquérir auprès de l’entreprise concernée de l’incidence possible de son intervention unilatérale sur la fiabilité des renseignements que cette dernière lui avait fournis, avait commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine, C‑472/00 P, EU:C:2003:399, point 30, et du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, EU:T:2000:240, points 80 à 82).

109    Par ailleurs, il importe de souligner les termes dans lesquels la Cour a rejeté l’argumentation de la Commission dirigée contre les motifs de l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), ayant conduit à annuler la décision litigieuse en raison de la violation des droits de la défense d’UPS. La Cour a considéré que, dans la perspective du respect des droits de la défense, la question de savoir si l’absence de communication aux parties à une opération de concentration d’un modèle économétrique justifiait l’annulation de la décision de la Commission ne dépendait pas de la qualification préalable de ce modèle en tant que pièce à charge ou de pièce à décharge. Compte tenu de l’importance des modèles économétriques pour l’analyse prospective des effets d’une concentration, augmenter le seuil probatoire requis afin d’annuler une décision en raison d’une violation des droits de la défense résultant, comme dans la présente affaire, de l’absence de communication des choix méthodologiques, en particulier s’agissant des techniques statistiques, qui sont inhérentes à ces modèles, comme le préconisait, en substance, la Commission, irait à l’encontre de l’objectif consistant à inciter celle-ci à faire preuve de transparence dans l’élaboration des modèles économétriques utilisés dans les procédures de contrôle des concentrations et nuirait à l’effectivité du contrôle juridictionnel subséquent de ses décisions (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, points 54 et 55).

110    L’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23), ne permet donc pas de considérer que, à la date d’adoption de la décision litigieuse, il existait une incertitude quant à l’interprétation tant du principe du respect des droits de la défense posé, notamment, à l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, que des conséquences à tirer d’une violation des droits de la défense résultant de la non-communication d’un modèle économétrique tel que celui en cause dans la présente affaire.

111    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’allégation de la Commission selon laquelle la violation des droits de la défense d’UPS doit être considérée comme excusable en raison d’un prétendu manque de clarté du droit de l’Union au moment de l’adoption de la décision litigieuse.

112    Le second argument de la Commission consiste à soutenir que, compte tenu de la contrainte temporelle avec laquelle elle devait évaluer dans toute sa complexité l’opération entre UPS et TNT, la violation des droits de la défense d’UPS ne peut être considérée comme une violation suffisamment caractérisée. Selon la Commission, ces contraintes temporelles ne sauraient être minimisées. Ce n’est que deux mois avant l’adoption de la décision litigieuse que la Commission a adopté des modifications supplémentaires au modèle économétrique. Au cours de ces deux mois, elle a dû analyser la réponse à la communication des griefs (346 pages), organiser des réunions-bilans, communiquer ses conclusions provisoires à UPS et évaluer ses propositions d’engagements, consulter les États membres et rédiger la décision litigieuse (450 pages), et ce alors même qu’UPS avait présenté son analyse de la concentration sur les prix à un stade tardif de la procédure.

113    Certes, il incombe à la Commission de concilier l’impératif de célérité qui caractérise l’économie générale du règlement no 139/2004 avec le respect des droits de la défense (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 38).

114    Toutefois, s’agissant des circonstances de la présente affaire, il a déjà été jugé que la version finale du modèle économétrique avait été adoptée le 21 novembre 2012, soit plus de deux mois avant l’adoption de la décision litigieuse. Bien que non négligeables, ces modifications n’ont pas été communiquées à UPS. La Commission n’a fourni aucun élément indiquant les motifs concrets pour lesquels il lui aurait été en pratique impossible, à cette date, d’impartir à UPS un court délai de réponse afin de permettre à cette dernière de formuler des observations sur lesdites modifications (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, points 41 et 42), alors que la communication de la modification apportée au modèle économétrique ne comportait aucune difficulté technique ou administrative et que la Commission disposait alors de suffisamment de temps pour adopter la décision litigieuse après avoir entendu UPS.

115    Compte tenu de ces éléments, la justification prise de l’existence de contraintes temporelles avancée par la Commission n’est pas fondée.

116    La Commission objecte cependant que, compte tenu du contexte dans lequel la décision litigieuse a été adoptée, l’absence de communication des dernières modifications apportées au modèle économétrique ne permet pas de conclure à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union. Elle soutient que l’analyse des effets de la concentration sur les prix dans la décision litigieuse était le résultat d’un processus itératif de dialogue avec UPS, ce qui serait de nature à atténuer l’erreur commise. Après avoir pris en considération les suggestions d’UPS, la Commission aurait finalement décidé de retenir le modèle le plus approprié, pour les raisons exposées aux considérants 727 à 740 de la décision litigieuse.

117    Afin de déterminer si l’illégalité commise par la Commission peut engager la responsabilité de l’Union, il convient de souligner, outre l’importance particulière que revêtent les garanties fondamentales dans l’ordre juridique de l’Union, que les fondements méthodologiques sur lesquels reposent les modèles économétriques utilisés pour l’analyse prospective d’une concentration doivent être aussi objectifs que possible afin de ne pas préjuger, dans un sens ou dans l’autre, de l’issue de cette analyse. Ces éléments contribuent ainsi à l’impartialité et à la qualité des décisions de la Commission, dont dépend, en dernier ressort, la confiance que le public et les entreprises placent dans la légitimité de la procédure de contrôle des concentrations de l’Union (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 53).

118    En s’affranchissant ainsi d’une contrainte procédurale pourtant destinée à garantir la légitimité de la procédure de contrôle des concentrations de l’Union ainsi que son caractère équitable, la Commission a également placé UPS dans une situation ne lui permettant pas de comprendre une partie des motifs de la décision litigieuse.

119    S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel la violation des droits de la défense ne serait pas suffisamment caractérisée, au motif qu’UPS aurait été en mesure de comprendre les modifications apportées dans la version finale du modèle économétrique en raison des discussions qui ont précédé sa mise au point, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a déjà définitivement jugé que, si de nombreuses similitudes existaient entre le modèle économétrique final et ceux discutés antérieurement, les modifications apportées n’étaient pas négligeables et que, à aucun moment de la procédure administrative, l’utilisation de variables de concentration différentes aux différents stades de l’analyse n’avait fait l’objet de discussions itératives (arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, points 204 à 209).

120    En effet, ce n’est que dans le cadre de la procédure dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), qu’UPS a pu prendre connaissance, à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal le 11 avril 2016, des modifications apportées au modèle économétrique dans sa version finale.

121    L’argument de la Commission selon lequel la violation des droits de la défense serait atténuée par la circonstance que la mise au point du modèle économétrique avait été précédée de multiples échanges avec UPS n’est donc pas fondé.

122    Faute d’avoir obtenu la communication de la version finale du modèle économétrique, UPS a ainsi été privée d’une information qui, si elle lui avait été transmise en temps utile, aurait pu lui permettre de faire valoir des résultats différents des effets de l’opération sur les prix, lesquels auraient pu entraîner une reconsidération de la portée des informations qualitatives prises en compte par la Commission et, partant, une baisse du nombre d’États présentant une entrave significative à une concurrence effective (arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, point 218). Il y a lieu, dès lors, de conclure au caractère manifeste et grave de la violation des droits de la défense d’UPS.

123    La méconnaissance des droits de la défense d’UPS constitue donc, de la part de la Commission, une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

2)      Sur l’absence de communication des critères d’évaluation des gains d’efficacité

124    Tout en convenant que la charge de la preuve de gains d’efficacité incombe à la partie ayant notifié une concentration, UPS estime que la Commission est tenue de définir, avant l’adoption de la décision finale, le seuil probatoire qu’elle exige pour que les gains allégués puissent être considérés comme vérifiables au sens des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, C 31, p. 5, ci-après les « lignes directrices »). Sans divulgation préalable de ces critères, la Commission disposerait d’un pouvoir arbitraire lui permettant d’accepter ou de rejeter les gains d’efficacité allégués, sans que la partie ayant notifié une concentration ou le juge de l’Union soient en mesure d’exercer le moindre contrôle. La Commission aurait pu expliquer au stade de la communication des griefs ou de l’exposé des faits, ayant complété cette communication, conformément au point 111 de la communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6), les raisons pour lesquelles elle entendait accepter certains gains d’efficacité et en rejeter d’autres. Pourtant, d’après UPS, elle ne l’a pas fait.

125    À l’instar de ce qui a déjà été jugé à l’égard de la non-communication du modèle économétrique, UPS fait valoir que la non-communication des critères d’évaluation des gains d’efficacité a entraîné une violation de ses droits de la défense. La Commission serait tenue d’exposer ses objections sur le caractère vérifiable des gains d’efficacité allégués et de donner aux parties ayant notifié une concentration la possibilité de formuler des observations à cet égard. La Commission aurait méconnu cette obligation, la plaçant ainsi dans l’impossibilité de démontrer l’existence de gains d’efficacité.

126    Par ailleurs, bien qu’elle ait fourni, dès le dépôt du formulaire de notification, de nombreux éléments de preuve des gains d’efficacité, la Commission se serait bornée à les rejeter comme insuffisants, sans formuler de demande de renseignements. Ce n’est qu’à la fin de la procédure administrative que la Commission aurait tenté d’ouvrir un dialogue limité avec elle au sujet des gains d’efficacité. Cependant, il serait peu plausible que la Commission ait eu le temps de prendre en considération les éléments fournis en dernière date par elle, le 20 novembre 2012, compte tenu de la position qu’elle a prise lors de la réunion-bilan du même jour.

127    Enfin, ce n’est qu’au stade de la procédure contentieuse dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), qu’UPS estime avoir été en mesure d’engager un débat au fond sur ce point avec la Commission.

128    La Commission conteste cette argumentation.

129    Il importe de rappeler que, pour déclarer une concentration incompatible avec le marché intérieur, la Commission doit prouver, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, que la réalisation de la concentration notifiée entraverait de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante (arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 26).

130    Il ressort de la jurisprudence que les décisions de la Commission sur la compatibilité des opérations de concentration avec le marché intérieur doivent être étayées par des éléments suffisamment significatifs et concordants. Ainsi, lorsque la Commission estime qu’une opération de concentration doit être interdite, il lui incombe de fournir des preuves solides au soutien d’une telle conclusion (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 50, et du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, EU:T:2002:146, point 63).

131    Dans ce contexte, la qualité des éléments de preuve produits par la Commission pour établir la nécessité d’une décision déclarant une opération de concentration incompatible avec le marché intérieur est particulièrement importante. Toutefois, il ne saurait en être déduit que la Commission doit se conformer à des exigences de preuves plus élevées en matière de décisions interdisant des opérations de concentration, qu’en matière de décision autorisant de telles opérations. En effet, la jurisprudence rappelée au point 130 ci-dessus reflète simplement la fonction essentielle de la preuve, qui est de convaincre du bien-fondé d’une thèse ou, comme en matière de contrôle des opérations de concentration, de conforter les appréciations qui sous-tendent les décisions de la Commission. À cet égard, la complexité intrinsèque d’une thèse d’entrave à la concurrence postulée à l’égard d’une opération de concentration notifiée constitue un élément dont il convient de tenir compte lors de l’appréciation de la plausibilité des diverses conséquences de cette opération, en vue d’identifier celle dont la probabilité est la plus forte, mais une telle complexité n’a pas, en tant que telle, d’influence sur le niveau de preuve exigé (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, points 50 et 51).

132    Le règlement no 139/2004 ne contient aucune disposition relative aux gains d’efficacité. Son considérant 29 indique cependant ce qui suit :

« Pour déterminer l’effet d’une concentration sur la structure de la concurrence dans le marché commun, il convient de tenir compte des gains d’efficacité probables démontrés par les entreprises concernées. Il est possible que les gains d’efficacité résultant de la concentration contrebalancent les effets sur la concurrence, et notamment le préjudice potentiel pour les consommateurs, qu’elle aurait sinon pu avoir et que, de ce fait, celle-ci n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante. La Commission devrait publier des orientations sur les conditions dans lesquelles elle peut prendre en considération des gains d’efficacité dans l’appréciation d’une concentration. »

133    Les orientations de la Commission mentionnées au considérant 29 du règlement no 139/2004 sont présentées aux paragraphes 76 à 88 des lignes directrices.

134    Il ressort des paragraphes 76 et 77 des lignes directrices qu’il est possible que les gains d’efficacité contrebalancent les effets préjudiciables de la concentration sur la concurrence. La Commission peut ainsi décider qu’il n’y a pas lieu de déclarer une concentration incompatible lorsque cette institution est en position de conclure, sur la base de preuves suffisantes, que les gains d’efficacité générés par l’opération seront à même d’accroître la capacité et l’incitation de l’entité issue de l’opération à adopter un comportement favorable à la concurrence au bénéfice des consommateurs.

135    Pour ce faire, il ressort du paragraphe 78 des lignes directrices que trois conditions cumulatives doivent être satisfaites : ces gains doivent, premièrement, être à l’avantage des consommateurs, deuxièmement, être propres à la concentration et, troisièmement, être vérifiables.

136    La condition tenant au caractère vérifiable des gains d’efficacité fait l’objet des développements aux paragraphes 86 à 88 des lignes directrices. Il ressort du paragraphe 86 de ces lignes que la finalité de cette condition est de permettre à la Commission d’« avoir la certitude, dans une mesure raisonnable, que la concrétisation de ces gains est probable et qu’ils seront suffisamment importants pour contrebalancer l’effet dommageable potentiel de la concentration sur les consommateurs ». Ledit paragraphe indique que la Commission pourra d’autant mieux évaluer les arguments tirés des gains d’efficacité que ces arguments seront précis et convaincants. À cet égard, il précise que, dans la mesure du possible, les gains d’efficacité et le bénéfice en résultant pour les consommateurs devront être « quantifiés » et que, « lorsque les données nécessaires pour permettre une analyse quantitative précise ne sont pas disponibles, il doit être possible de prévoir un effet positif sur les consommateurs, clairement identifiable, et non un effet marginal ».

137    Enfin, la question de la charge de la preuve et la description des éléments de preuve utiles pour l’appréciation des gains d’efficacité font l’objet des paragraphes 87 et 88 des lignes directrices, qui sont libellés comme suit :

« 87. La plupart des informations qui permettraient à la Commission de déterminer si une concentration apportera le type de gains d’efficacité nécessaires pour qu’elle soit autorisée sont exclusivement entre les mains des parties à l’opération. Il appartient donc aux parties ayant notifié une concentration de communiquer, en temps utile, toutes les informations nécessaires afin de prouver que les gains d’efficacité allégués sont propres à l’opération et ont des chances de se réaliser. De même, c’est à elles qu’il incombe de démontrer en quoi les gains d’efficacité sont susceptibles de contrer les effets négatifs que l’opération pourrait, à défaut, produire sur la concurrence, et donc de profiter aux consommateurs.

88. Les éléments de preuve utiles pour l’appréciation des gains d’efficacité comprennent notamment les documents internes que les dirigeants des entreprises ont utilisés pour prendre la décision de lancer une telle opération, les déclarations de la direction aux propriétaires et aux marchés financiers concernant les gains d’efficacité escomptés, des exemples de gains d’efficacité et d’avantages pour les consommateurs générés par le passé, ainsi que les études réalisées par des experts extérieurs avant l’opération de concentration et portant sur le type et l’ampleur des gains d’efficacité et sur l’importance des avantages que les consommateurs sont susceptibles d’en retirer. »

138    Il ressort ainsi clairement des lignes directrices qu’il incombe à la partie ayant notifié une concentration d’apporter des éléments de preuve précis et convaincants permettant, dans la mesure du possible, de quantifier les gains d’efficacité escomptés. Cette situation diffère de la charge de la preuve des effets prévisibles de l’opération de concentration, charge qui incombe à la Commission et dont il découle que les modèles économétriques utilisés à cette fin soient communiqués aux parties ayant notifié une concentration, puisqu’ils constituent un outil d’aide décisionnelle (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 33).

139    Il est vrai que ces indications données dans les lignes directrices exposent, en des termes généraux, que seuls les gains d’efficacité étayés par des éléments de preuve permettent objectivement d’en apprécier l’ampleur et la probabilité. Ces lignes directrices fournissent des exemples indicatifs d’informations pertinentes à cet égard, notamment les documents internes destinés aux entreprises concernées. Cependant, la généralité des formulations retenues dans les lignes directrices est compréhensible, sinon inévitable, en raison de l’hétérogénéité des situations individuelles des entreprises, des gains d’efficacité envisageables et des caractéristiques des marchés sur lesquels la Commission est amenée à effectuer son contrôle lorsqu’une concentration lui est notifiée. Il ne saurait donc être raisonnablement attendu que la Commission, par le biais d’un instrument tel que les lignes directrices, définisse à l’avance, de manière approfondie et détaillée, tous les critères sur la base desquels ces gains d’efficacité peuvent être considérés comme vérifiables.

140    De même, aucune disposition du règlement no 139/2004 et des lignes directrices n’impose à la Commission, lorsque les parties ayant notifié une concentration avancent des arguments tirés de gains d’efficacité, de définir à l’avance, de manière abstraite, les critères spécifiques sur la base desquels elle entend admettre qu’un gain d’efficacité puisse être considéré comme vérifiable.

141    Il convient, à cet égard, de relever qu’il a déjà été jugé, dans le contexte de la réglementation antidumping, que l’institution, lorsqu’elle utilise la marge d’appréciation que lui confère cette réglementation sans expliquer en détail et à l’avance les critères qu’elle envisage d’appliquer dans chaque situation concrète, ne viole pas le principe de la sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250/85, EU:C:1988:464, point 29, et du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, point 118). Cette situation est analogue à celle de l’espèce, dans laquelle le règlement no 139/2004 confère à la Commission une marge d’appréciation pour évaluer les gains d’efficacités allégués par les parties ayant notifié une concentration sans lui imposer de définir à l’avance et de manière abstraite les critères pertinents à cet effet.

142    Dans ces conditions, l’argumentation d’UPS visant à démontrer que la Commission était tenue de lui communiquer les critères spécifiques et les seuils probatoires qu’elle entendait appliquer afin de déterminer si chacun des gains d’efficacité invoqué était vérifiable est dénuée de fondement en droit.

143    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondée, l’argumentation selon laquelle la Commission aurait enfreint les droits procéduraux d’UPS dans l’analyse des gains d’efficacité au motif qu’elle n’aurait pas communiqué les critères d’évaluation de ces gains.

3)      Sur l’absence de communication de certains documents confidentiels de FedEx

144    UPS reproche à la Commission de ne pas lui avoir donné accès à tous les renseignements fournis par FedEx au cours de la procédure administrative, ou du moins de ne pas avoir donné un tel accès à ses avocats, afin de leur permettre de vérifier de manière indépendante leur contenu. UPS estime avoir été privée de la possibilité d’apprécier la valeur probante des informations fournies par FedEx, alors même que celles-ci auraient influencé la décision de la Commission d’abandonner, pour quatorze marchés nationaux, les griefs tenant à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective, tout en les maintenant pour quinze autres marchés nationaux.

145    UPS estime que ces éléments liés à FedEx pourraient également avoir été pertinents dans les quinze autres marchés pour lesquels la Commission aurait, à tort, maintenu ses griefs d’entrave significative à une concurrence effective. UPS affirme que ses soupçons sont renforcés par le caractère changeant des justifications successivement invoquées par la Commission au cours de la procédure afin de contester la pertinence des documents internes de FedEx.

146    Ni UPS ni le Tribunal n’auraient été en mesure de vérifier l’exactitude des informations transmises par FedEx. Si elle avait pu en avoir connaissance, UPS estime qu’elle aurait pu établir que les quinze marchés nationaux pour lesquels la Commission a conclu à une entrave significative à une concurrence effective ne pouvaient être différenciés des quatorze autres. UPS soupçonne FedEx d’avoir cherché à convaincre la Commission d’interdire le projet de concentration entre elle et TNT en minimisant ses projets d’expansion en Europe. UPS invoque certaines contradictions entre les observations de FedEx au cours de la procédure administrative et ses déclarations publiques aux investisseurs.

147    UPS précise que son argumentation ne porte pas sur l’accès aux documents confidentiels de FedEx retenus comme pièces à charge, mais sur la question de savoir si elle pouvait se voir refuser l’accès aux autres documents confidentiels de FedEx, utiles afin d’apprécier la valeur probante de ceux retenus à charge. Elle estime, à cet égard, qu’il n’appartient pas à la Commission de décider quels sont les documents utiles à la défense de l’entreprise ayant notifié une concentration.

148    Ce n’est qu’à la suite des mesures prises par le Tribunal dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), qu’elle aurait pu prendre connaissance de certaines informations transmises par FedEx à la Commission. Les quelques documents ainsi consultés par elle contrediraient la différenciation établie par la Commission entre les marchés nationaux selon qu’ils présentent, ou non, une entrave significative à une concurrence effective.

149    UPS prétend que la Commission ne saurait soutenir qu’il lui incombe de prouver que les pièces auxquelles elle n’a jamais eu accès ont eu une incidence sur la décision litigieuse, tel que cela ressortirait du point 63 de l’arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission (C‑109/10 P, EU:C:2011:686), ni se prévaloir de l’arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission (T‑210/01, EU:T:2005:456), car celui-ci ne concernait pas l’accès à des documents contredisant la valeur à charge des déclarations d’un tiers.

150    Selon UPS, la Commission était entrée en possession des documents de FedEx cinq mois avant l’adoption de la décision litigieuse. Dans ces conditions, cette dernière ne saurait invoquer aucune contrainte temporelle pour excuser l’atteinte aux droits de la défense d’UPS.

151    Ce n’est qu’à partir du moment où elle aura obtenu l’accès à ces documents qu’UPS estime qu’elle sera en mesure d’exposer avec précision le scénario contre-factuel. Elle demande au Tribunal d’ordonner à la Commission, par mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction, de produire tous les documents internes de FedEx dont elle dispose.

152    La Commission réfute toute violation des droits procéduraux d’UPS.

153    Il importe de souligner qu’UPS ne prétend pas que la Commission a omis de communiquer les documents internes de FedEx sur lesquels repose la décision d’incompatibilité de l’opération entre elle et TNT. UPS ne conteste pas non plus le caractère confidentiel des documents internes de FedEx auxquels elle a demandé l’accès lors de la procédure administrative, ou qui lui ont été communiqués dans des versions expurgées ou au moyen de résumés. En revanche, UPS fait valoir que ses droits de la défense ont été enfreints dans la mesure où la Commission ne lui a pas permis de consulter l’intégralité des documents internes de FedEx versés au dossier, dans leurs versions confidentielles non expurgées. Estimant que tous ces documents étaient potentiellement des pièces à décharge, UPS soutient que la Commission aurait dû, pour le moins, lui accorder un accès dit « restreint », visant à permettre à ses conseillers juridiques externes d’examiner de manière indépendante leur valeur probante, tout en respectant leur confidentialité.

154    En matière de contrôle des concentrations, la Commission est tenue de communiquer aux parties ayant notifié une concentration tous les éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision afin de permettre à ces dernières d’être entendues (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 31). En effet, avant d’adopter une décision telle que la décision litigieuse, l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 impose à la Commission de donner « aux personnes, entreprises et associations d’entreprises intéressées l’occasion de faire connaître, à tous les stades de la procédure jusqu’à la consultation du comité consultatif, leur point de vue au sujet des objections retenues [contre elles] ». Selon l’article 18, paragraphe 3, de ce règlement, « la Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations » et « [l]es droits de la défense des intéressés sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure ».

155    S’agissant des pièces autres que celles invoquées au soutien des objections communiquées par la Commission, l’accès au dossier n’est pas automatique, mais doit être demandé. L’article 17, paragraphe 1, du règlement no 802/2004 prévoit en effet que, « sur demande, la Commission accorde l’accès au dossier aux parties auxquelles elle a fait part de ses objections, afin qu’elles puissent exercer leurs droits de la défense » et que l’accès « est accordé après notification de la communication des griefs ». Ces dispositions sont reflétées au point 7 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles[ 101] et [102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement no 139/2004 (JO 2005, C 325, p. 7, ci-après la « communication de la Commission relative à l’accès au dossier »), selon lequel « l’accès au dossier est donné, à leur demande, aux personnes, entreprises ou associations d’entreprises, selon le cas, auxquelles la Commission adresse une communication des griefs ».

156    Cette demande d’accès au dossier doit être présentée à la direction générale (DG) de la concurrence avant d’être, le cas échéant, adressée au conseiller-auditeur. L’article 3, paragraphe 7, de la décision 2011/695/UE du président de la Commission européenne, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines de procédures de concurrence (JO 2011, L 275, p. 29), prévoit en effet que tout problème concernant l’exercice effectif des droits procéduraux des parties concernées sera d’abord soulevé auprès de la DG de la concurrence et, s’il n’est pas réglé, pourra être porté devant le conseiller-auditeur. L’article 7, paragraphe 1, de la décision 2011/695 prévoit à cet égard que, lorsqu’une partie qui a exercé son droit d’accès a des raisons de penser que la Commission détient des documents qui n’ont pas été mis à sa disposition et qui lui sont nécessaires pour exercer utilement son droit d’être entendue, elle peut adresser au conseiller-auditeur une demande motivée d’accès à ces documents. Ces dispositions font, en substance, l’objet du paragraphe 47 de la communication de la Commission relative à l’accès au dossier. Afin de faciliter l’accès au dossier, le paragraphe 45 de la communication de la Commission relative à l’accès au dossier prévoit que cette dernière donne aux parties « une liste énumérative des documents formant le dossier ».

157    Pour garantir l’effectivité du droit d’accès dans les procédures de contrôle des concentrations, une demande d’accès au dossier doit être présentée en temps utile. Ainsi qu’il est rappelé au paragraphe 28 de la communication de la Commission relative à l’accès au dossier, il résulte d’une lecture combinée de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement no 139/2004 et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 802/2004 que les parties ayant notifié une concentration auront accès au dossier à leur demande à chaque phase de la procédure suivant la communication des griefs de la Commission, jusqu’à la consultation du comité consultatif. L’article 3, paragraphe 7, de la décision 2011/695 prévoit, par ailleurs, que les demandes relatives à une mesure pour lesquelles un délai est prévu doivent être présentées, en temps utile, dans le délai initialement prévu. Il s’ensuit qu’une demande d’accès au dossier présentée à la DG de la concurrence ou au conseiller-auditeur après que le comité consultatif a rendu son avis sur le projet de décision de la Commission doit être considérée comme tardive.

158    En l’occurrence, l’argumentation d’UPS est, en partie, trop générale pour permettre de conclure que les documents non communiqués étaient au moins potentiellement nécessaires à l’exercice de ses droits de la défense. UPS fait en effet valoir que tous les documents internes confidentiels de FedEx auraient dû lui être communiqués, car ils lui auraient permis de comprendre sur quels éléments la Commission s’était fondée pour admettre l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective sur quinze marchés nationaux et l’exclure pour quatorze autres, sans fournir davantage de précisions.

159    Cependant, UPS invoque de manière plus spécifique deux groupes de documents confidentiels internes que FedEx aurait transmis à la Commission, pour l’un avant la communication des griefs du 19 octobre 2012 et pour l’autre après cette communication. Selon UPS, ces documents permettraient de comprendre pourquoi la Commission a abandonné les préoccupations initialement exprimées dans la communication des griefs à l’égard de quatorze marchés nationaux.

160    Le premier groupe est constitué, selon UPS, de 484 documents internes de FedEx que la Commission détenait depuis le 10 août 2012. Le second groupe vise certains documents que FedEx a présentés à la Commission les 9 et 15 novembre 2012, relatifs à ses plans d’expansion, auxquels les avocats d’UPS exposent avoir eu partiellement accès, à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal le 11 avril 2016 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144).

i)      Sur l’accès aux 484 documents confidentiels internes de FedEx versés au dossier le 10 août 2012

161    UPS, au point 52 de la requête, fait valoir que la Commission, en possession de la majeure partie des documents internes de FedEx depuis le 10 août 2012, aurait pu lui donner accès aux éléments de preuve à décharge, au plus tard, au moment de l’exposé des faits. Elle aurait toutefois omis de le faire, méconnaissant ainsi de manière manifeste et grave les droits de la défense. Au stade de la réplique, UPS a demandé au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire tous les documents internes de FedEx dont elle disposait. Interrogée par écrit sur ce point, UPS a invoqué 484 documents internes de FedEx concernant les projets d’expansion de cette entreprise.

162    La Commission rétorque, en substance, que la décision litigieuse ne s’appuie sur aucun document de FedEx auquel UPS n’a pas eu accès et que, pour le reste, UPS n’a pas demandé, au cours de la procédure administrative, l’accès aux 484 documents en question.

163    Il importe de constater que les parties s’accordent pour reconnaître que FedEx a transmis les 484 documents en question le 10 août 2012, en réponse à une demande de renseignements de la Commission du 2 août 2012. UPS ne prétend pas que ces documents ne figurent pas sur la liste énumérative des documents formant le dossier. Dans la note en bas de page no 49 de l’annexe A.14 de la requête, UPS indique être parvenue à identifier l’existence de ces documents en consultant la lettre, non confidentielle, des conseils de FedEx du 10 août 2012 accompagnant la transmission des documents en question (document portant la référence ID 6459). Bien que n’ayant pas précisé lors de l’audience à quelle date elle avait pu prendre connaissance de l’existence de ces documents, UPS a déclaré avoir demandé à y accéder au cours de la procédure administrative et avoir saisi le conseiller-auditeur à cette fin le 30 octobre 2012.

164    Toutefois, il y a lieu de constater que la demande d’accès au dossier qu’UPS a adressée le 25 octobre 2012 à la DG de la concurrence ne contient aucune référence à ces documents. Dans sa demande, UPS a demandé l’accès aux 1 122 documents émanant de tiers et qui n’ont pas été divulgués, sans justification de la part de la Commission, sur les 7 299 documents figurant à l’index du dossier administratif.

165    La Commission a répondu à UPS, par courriel du 25 octobre 2012, que, sur l’ensemble des documents figurant au dossier et auxquels elle avait eu un droit d’accès depuis la communication des griefs, seuls 323 documents étaient inaccessibles en raison de secrets d’affaires et 1 177 autres documents étaient accessibles en version non confidentielle.

166    Il y a lieu de constater que, dans sa demande au conseiller-auditeur du 30 octobre 2012, en plus des demandes d’accès portant sur certains documents spécifiques, identifiés par leur référence ou, pour le moins, identifiables, UPS s’est limitée à invoquer, dans des termes généraux, son droit de prendre connaissance, « directement ou par ses conseils, de toute pièce potentiellement à décharge figurant dans le dossier de la Commission, en particulier les données internes relatives à la stratégie de FedEx ».

167    Or, non seulement UPS ne dispose pas d’un tel droit d’accès illimité et absolu aux informations confidentielles qui figurent dans le dossier, mais elle ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le conseiller-auditeur interprète cette demande vague et abstraite comme visant spécifiquement les 484 documents joints par FedEx à sa réponse du 10 août 2012 aux questions de la Commission.

168    UPS n’a pas prouvé avoir, pendant la suite de la procédure administrative, sollicité l’accès aux 484 documents en question, ni dans la demande d’accès adressée à la Commission le 26 novembre 2012 ni dans celle du 4 janvier 2013, en réponse à l’exposé des faits.

169    Il ressort de ces éléments que, faute d’avoir démontré qu’elle a présenté une demande à cet effet, UPS n’a pas exercé son droit d’accès aux 484 documents que FedEx a transmis à la Commission le 10 août 2012 et qui ont été versés au dossier, dans les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 7 de la décision 2011/695.

170    Or, le Tribunal a déjà rejeté, dans le contexte de procédures d’application de l’article 101 TFUE, un moyen d’annulation pris de la violation du droit d’accès au dossier, au motif que la partie qui l’invoquait n’avait pas fait usage de ce droit au cours de la procédure administrative (arrêt du 9 décembre 2014, SP/Commission, T‑472/09 et T‑55/10, EU:T:2014:1040, point 294). Le Tribunal a également jugé qu’une partie qui apprend au cours de la procédure administrative que la Commission détient des documents qui pourraient être utiles pour sa défense est obligée de présenter à l’institution une demande expresse d’accès à ces documents. L’omission d’agir ainsi au cours de la procédure administrative a un effet de forclusion sur ce point pour ce qui concerne le recours en annulation qui sera éventuellement introduit contre la décision définitive (arrêts du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 383, et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115, points 49 et 59).

171    Ces solutions sont transposables à un recours visant à la réparation du préjudice résultant d’une violation alléguée du droit d’accès au dossier dans une procédure de contrôle des concentrations. Une partie ayant notifié une concentration qui omet de saisir la DG de la concurrence, puis, en cas de rejet de sa demande, le conseiller-auditeur d’une demande d’accès au dossier ne saurait prétendre ultérieurement qu’elle remplit les conditions pour obtenir réparation d’un préjudice supposé découler de la violation du droit d’accès, alors qu’elle n’a pas exercé ce droit en temps utile et dans les formes prescrites.

172    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation d’UPS tirée d’une violation du droit d’accès aux 484 documents confidentiels internes de FedEx transmis à la Commission le 10 août 2012.

ii)    Sur l’accès aux documents transmis par FedEx les 9 et 15 novembre 2012

173    Il importe de rappeler que, dans la communication des griefs du 19 octobre 2012, la Commission a considéré (voir, notamment, les sections 7.1.3.2 et 7.1.3.7 de ladite communication) que l’une des raisons pour lesquelles FedEx n’était pas un concurrent suffisamment puissant pour faire contrepoids aux effets de l’opération entre UPS et TNT tenait à la faible couverture de son réseau par rapport à ceux de ses concurrents. La Commission a également relevé, à la section 7.1.3.8 de cette communication, que les acquisitions récentes et les plans d’expansion de FedEx ne permettraient pas à cette dernière de combler l’écart qui la séparait de ses principaux concurrents dans un avenir proche. Sur la base de ces éléments, la Commission a conclu, à la section 7.1.3.9 de ladite communication, que la position de FedEx était trop faible pour imposer une contrainte concurrentielle significative permettant de contrer les effets négatifs pour la concurrence de l’opération projetée.

174    Il ressort des éléments du dossier que, par courriel du 26 octobre 2012, la Commission a adressé à FedEx une demande de renseignements complémentaire concernant les infrastructures de cette entreprise. Cette demande, destinée notamment à éclairer la Commission sur les plans d’expansion de FedEx, visait plus précisément à obtenir pour chaque pays de l’EEE :

–        une carte indiquant la localisation des infrastructures utilisées par FedEx pour la livraison des petits colis, ainsi que celles dont l’utilisation était envisagée avant la fin de l’année 2015 ;

–        la liste des sous-traitants utilisés pour l’enlèvement et la livraison des petits colis (pick up and delivery, ci-après le « PUD »), ainsi que de ceux que FedEx envisageait d’engager avant la fin de l’année 2015, en indiquant pour chacun leur localisation et leur zone de chalandise. Ces informations devaient être fournies sous la forme d’un tableau, organisé selon des rubriques permettant d’identifier et de localiser chaque entreprise et de fournir des données relatives à sa position et à son poids dans le réseau de FedEx (aérien, terrestre, ou local), en indiquant notamment sa capacité de traitement en 2011, sa zone de chalandise, le nombre de routes desservies, les mouvements journaliers de camions et la taille de la flotte de véhicules de livraison. La Commission demandait également à FedEx de préciser la date envisagée pour le début des opérations projetées à partir des installations non encore opérationnelles.

175    Cette demande avait pour objet de compléter les informations sur la base desquelles reposait l’analyse provisoire de la Commission avancée dans la communication des griefs quant à la position concurrentielle de FedEx sur le marché des livraisons expresses à l’intérieur de l’EEE.

176    En réponse, FedEx a transmis à la Commission les cartes et tableaux demandés le 9 novembre 2012. Le 15 novembre 2012, FedEx a produit une version révisée de ces documents.

177    Il est constant que la Commission n’a pas transmis ces documents à UPS au cours de la procédure administrative. Ce n’est que dans le cadre de la procédure dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), qu’UPS a pu finalement prendre connaissance de ces documents, dans leur version non confidentielle, à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure prise par le Tribunal le 11 avril 2016.

178    Cela étant, lors de l’audience, la Commission a fait valoir que toute violation des droits de la défense d’UPS à cet égard pouvait être exclue, faute pour cette dernière d’avoir saisi le conseiller-auditeur afin de contester le refus opposé par la DG de la concurrence. La Commission a souligné que, ce refus datant du 11 janvier 2013, UPS pouvait encore s’adresser au conseiller-auditeur jusqu’au 18 janvier 2013, date de la réunion du comité consultatif, ce qu’UPS aurait omis de faire.

179    Certes, UPS a exercé son droit d’accès au dossier, puisqu’elle a saisi la DG de la concurrence le 4 janvier 2013 d’une demande d’accès restreint en salle d’information dans sa réponse à l’exposé des faits, cette demande portant notamment sur les réponses aux demandes de renseignements portant les références Q30 et Q31.

180    Toutefois, il ressort du dossier qu’UPS n’a pas saisi le conseiller-auditeur du refus opposé par la DG de la concurrence le 11 janvier 2013, et ce alors même qu’UPS disposait d’un délai dont l’échéance était fixée, conformément à l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement no 139/2004 et à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 802/2004, à la date de réunion du comité consultatif, soit, en l’occurrence, le 18 janvier 2013. De surcroît, UPS n’a pas fait valoir que ces règles étaient entachées d’une quelconque illégalité.

181    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, faute d’avoir saisi le conseiller-auditeur d’une demande d’accès au dossier, UPS ne saurait prétendre ultérieurement qu’elle remplit les conditions pour obtenir réparation d’un préjudice supposé découler de la violation de ce droit qu’elle n’a pas exercé en temps utile et dans les formes prescrites.

182    Il découle de ce qui précède que l’argumentation d’UPS prise d’une violation de son droit d’accès aux réponses de FedEx des 9 et 15 novembre 2012 n’est pas fondée.

183    Par ailleurs, dès lors qu’UPS n’a pas saisi au préalable la DG de la concurrence ou, en cas de rejet, le conseiller-auditeur d’une demande d’accès aux 484 documents confidentiels internes de FedEx transmis à la Commission le 10 août 2012 et d’une demande d’accès aux réponses de FedEx des 9 et 15 novembre 2012, il n’est pas nécessaire de faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure d’UPS concernant la production de ces documents.

b)      Sur la violation de l’obligation de motivation

184    UPS soutient que la Commission n’a pas suffisamment motivé la décision litigieuse en ce qui concerne le niveau de preuve requis pour différencier, sur la base de l’analyse des effets de la concentration sur les prix, des gains d’efficacité et de la compétitivité de FedEx, les quinze marchés nationaux présentant une entrave significative à une concurrence effective par rapport aux quatorze autres marchés nationaux. En conséquence, ni elle ni le Tribunal n’auraient été en mesure de vérifier de quelle manière la Commission, en prenant appui sur ces trois éléments, avait opéré une distinction entre ces marchés ainsi que d’apprécier le bien-fondé des conclusions relatives à la proximité de la concurrence. UPS affirme que, si une motivation insuffisante n’entraîne pas à elle seule des dommages, une telle insuffisance souligne en l’espèce la grave méconnaissance par la Commission du principe de primauté du droit.

185    La Commission objecte qu’une insuffisance de motivation n’est pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

186    Il importe de rappeler que, pour déterminer si l’illégalité alléguée est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, le Tribunal doit pouvoir être en mesure de comprendre la portée de la violation invoquée. En effet, il incombe à la requérante d’identifier le comportement reproché, sous peine d’irrecevabilité. Or, l’argumentation d’UPS figurant au point 73 de la requête ne permet pas de déterminer en quoi la violation de l’obligation de motivation reprochée constituerait une violation suffisamment caractérisée. Dans ces conditions, le présent grief est irrecevable.

187    En tout état de cause, il y a lieu de relever que l’argumentation d’UPS relative au défaut de motivation figurant au point 73 de la requête se confond en réalité avec celle développée afin de démontrer l’illégalité de l’absence de communication des critères d’évaluation des gains d’efficacité, de l’appréciation des effets de la concentration sur les prix et du contrepoids concurrentiel susceptible d’être exercé par FedEx. UPS soutient que l’appréciation de l’opération entre elle et TNT est affectée d’erreurs dans l’analyse des effets de la concentration sur les prix et des gains d’efficacité, d’une disparité de traitement par rapport à l’opération entre FedEx et TNT ainsi que d’erreurs d’appréciation de la situation de FedEx. Ainsi, UPS invoque l’existence d’une ou de plusieurs violations suffisamment caractérisées en ce que, dans la décision litigieuse, la Commission a conclu à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective sur les marchés des services en cause dans quinze États membres.

188    À cet égard, il importe de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, cette question relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs ne sont pas étayés ou sont entachés d’erreurs, de tels vices entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181).

189    La violation de la formalité substantielle tenant à l’obligation de motiver les actes de l’Union ne peut entraîner un préjudice matériel distinct de celui découlant de l’absence de fondement de l’acte en question. Une éventuelle insuffisance de motivation d’un acte de l’Union n’est, en principe, pas en soi de nature à engager la responsabilité de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, EU:C:2003:511, point 98 et jurisprudence citée, et du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 103).

190    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter les arguments d’UPS tirés d’une violation de l’obligation de motivation et d’examiner les arguments de cette dernière tirés d’erreurs d’appréciation de l’opération projetée.

c)      Sur les erreurs d’appréciation de l’opération projetée

191    UPS soutient que l’appréciation de l’opération entre elle et TNT est affectée d’erreurs dans l’analyse des effets de la concentration sur les prix et des gains d’efficacité, d’une disparité de traitement par rapport à l’opération entre FedEx et TNT ainsi que d’erreurs d’appréciation de la situation de FedEx, qui, individuellement ou conjointement, seraient de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

1)      Sur l’analyse des effets de la concentration sur les prix

192    UPS invoque deux types d’erreurs affectant le modèle retenu par la Commission. Il s’agit, d’une part, de l’absence de prise en considération de certaines données de FedEx et, d’autre part, d’erreurs de conception du modèle économétrique de la Commission.

i)      Sur l’absence de prise en considération de certaines données de FedEx

193    De l’avis d’UPS, la Commission a exclu certaines données de FedEx pourtant utiles pour la modélisation des effets de la concentration sur les prix. Alors que l’objectif de l’analyse de la concentration sur les prix était de prévoir l’incidence sur les prix pour l’année 2015, la Commission aurait pris en considération les données de FedEx pour l’année 2012. Elle disposait pourtant des informations relatives aux projets de FedEx à l’horizon 2015, mais ne les a pas prises en compte. Sans cette erreur manifeste, le modèle n’aurait indiqué quasiment aucune hausse de prix dans treize des quinze États dans lesquels la Commission a conclu à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective. Si la Commission avait utilisé les données dont elle disposait, elle aurait pu constater qu’il était impossible de prévoir de manière fiable des augmentations de prix et qu’une décision négative était dépourvue de fondement.

194    Il y a lieu de constater que, afin d’estimer la relation entre le niveau de concentration et les prix observés, la Commission s’est appuyée sur les données disponibles au moment de la mise au point du modèle, c’est-à-dire en 2012. S’agissant plus particulièrement de la variable de concentration, la Commission a pris en considération le taux de couverture des réseaux respectifs des concurrents tel qu’il pouvait être observé à l’époque afin d’en donner une image fidèle. Inclure parmi ces données des éléments prospectifs, par nature purement hypothétiques, tels que les projections faites par FedEx sur l’expansion de son réseau au terme de près de trois ans, aurait introduit un degré additionnel d’incertitude difficilement compatible avec l’objectif de parvenir à un modèle fiable. Pour autant, cela ne signifie pas que ces données n’étaient pas pertinentes aux fins de l’analyse de l’opération projetée, puisque la Commission, dans le cadre de son analyse générale ou « qualitative », a examiné l’aptitude de FedEx à exercer à l’avenir un contrepoids concurrentiel à l’entité résultant de l’opération projetée. Dans ces conditions, l’argumentation d’UPS tirée de l’absence de prise en considération, aux fins du modèle économétrique, des projections de FedEx quant à l’expansion de son réseau à l’horizon 2015 doit être rejetée.

ii)    Sur les erreurs de conception du modèle économétrique de la Commission

195    UPS soutient que la Commission a méconnu les limites qui s’imposent à sa marge d’appréciation en utilisant un modèle qui s’écarte sensiblement de la pratique usuelle en économétrie, laquelle consiste à utiliser le même modèle aux deux stades de l’analyse. La Commission aurait utilisé au stade de la prévision un modèle distinct de celui utilisé au stade de l’estimation.

196    UPS prétend, en substance, que la Commission, en utilisant une variable de concentration discrétisée – c’est-à-dire représentée sous la forme d’un entier – au stade de l’estimation, mais continue – représentée sous forme décimale – au stade de la prévision, a commis une erreur manifeste et grave qui affecte la fiabilité du modèle pris dans son ensemble. Pour prévoir les effets de la concentration, la Commission se serait appuyée sur un modèle contraire à la pratique en la matière et dépourvu de fondements empiriques. Aucune administration normalement prudente et diligente n’aurait, dans des circonstances analogues, prédit les effets de la concentration sur les prix en s’appuyant sur un tel modèle.

197    UPS invoque au soutien de ses allégations deux rapports d’experts en économétrie, professeurs d’économie aux États-Unis, respectivement, à l’Université de Chicago et au Massachussetts Institute of Technology. Ces rapports, datés, respectivement, du 30 novembre 2017 et du 1er décembre 2017, ont été initialement préparés, à la demande d’UPS, afin d’assister cette dernière dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23) et ont ensuite été joints en annexe à la requête dans la présente procédure (annexes A.8 et A.9 de la requête). UPS a produit, au stade de la réplique, deux avis complémentaires de ces experts (annexes C.1 et C.2 de la réplique).

198    Selon ces experts, le modèle utilisé par la Commission est contre-intuitif, non conventionnel et arbitraire. Il ressort en effet des deux rapports que la méthodologie ordinairement suivie pour les modèles visant à quantifier les effets prévisibles d’une concentration sur le niveau des prix consiste à utiliser le même modèle à chacun des deux stades et non un modèle différent à chacun de ces stades.

199    Les deux rapports dénoncent également le fait que le modèle de prévision utilisé par la Commission n’a pas été testé, ce qui constituerait une entorse aux méthodes ordinairement employées pour le développement de modèles économétriques.

200    Afin de réfuter ces éléments, la Commission n’a pas versé aux débats des rapports d’experts recevables. Elle fait cependant valoir que la question de savoir si le modèle est conforme à la pratique économétrique ordinaire n’est pas pertinente aux fins du présent recours. Seule serait pertinente la question de savoir si, au vu des circonstances de l’espèce, la combinaison d’une variable de concentration discrétisée au stade de l’estimation et d’une variable de concentration continue au stade de la prévision constitue une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union. Pour répondre à cette question, il importerait de déterminer si cette combinaison est acceptable, non au regard de la pratique ordinairement suivie pour les modèles économétriques, mais au regard des circonstances spécifiques de la concentration examinée. Tout en admettant avoir commis une irrégularité procédurale en ne communiquant pas le modèle économétrique final à UPS, la Commission soutient que son analyse des effets de la concentration sur les prix n’est pas entachée d’une grave erreur matérielle et que l’utilisation de différents types de variables aux deux étapes de l’analyse n’est pas suffisamment caractérisée pour engager la responsabilité de l’Union.

201    Tout d’abord, s’agissant de l’étendue de la marge d’appréciation dont dispose la Commission, il importe de rappeler que, en matière de contrôle des concentrations, la Commission jouit d’une certaine latitude dans le choix des instruments économétriques à sa disposition, ainsi que dans celui des angles d’approche appropriés pour l’étude d’un phénomène, pour autant que ces choix ne soient pas manifestement contraires aux règles admises de la discipline économique et soient mis en œuvre de manière conséquente (arrêt du 9 septembre 2008, MyTravel/Commission, T‑212/03, EU:T:2008:315, point 83).

202    De plus, il y a lieu de constater que la définition du modèle économétrique destiné à prévoir les effets de la concentration sur le niveau des prix ainsi que le contrôle des données qui l’alimentent et les différentes étapes et tests qui sont nécessaires à sa mise au point reposent sur des choix portant sur des éléments à la fois techniques et complexes, choix qui relèvent de la marge d’appréciation de la Commission.

203    Il s’ensuit que l’argumentation d’UPS relative à la conformité du modèle à la pratique ordinairement suivie en la matière est un élément pertinent pour vérifier l’existence d’une violation caractérisée du droit de l’Union. Néanmoins, comme la Commission le souligne à juste titre, toute entorse aux règles admises de la discipline économique n’est pas, en soi, suffisante, pour conclure à l’existence d’une irrégularité suffisamment caractérisée permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

204    Ensuite, les parties s’accordent à reconnaître que le modèle économétrique utilisé par la Commission en l’espèce vise, à partir des données observées sur le marché pertinent relatives à la concentration et au niveau des prix, à établir, à un premier stade dit de l’« estimation », une fonction expliquant la relation entre ces deux variables. Il est alors possible, à un second stade, dit de « prévision », de déterminer l’effet d’une variation donnée du niveau de concentration sur le niveau des prix, sachant que cet effet n’est pas constant, mais peut varier selon le niveau de concentration initial.

205    La Commission fait valoir que l’approche suivie dans le cadre de son modèle économétrique était justifiée au regard des circonstances et des caractéristiques de l’opération entre UPS et TNT. S’agissant du stade de l’estimation, elle explique avoir considéré que l’utilisation d’une variable de concentration continue suscitait des difficultés économétriques. Pour le résoudre dans les contraintes de temps qui s’imposaient à elle, la Commission a considéré qu’il fallait appliquer une variable de concentration discrétisée au stade de l’estimation, afin d’éviter d’aboutir à une erreur matérielle.

206    Il importe toutefois de relever qu’UPS ne conteste pas le recours à la variable de concentration discrétisée utilisée par la Commission au stade de l’estimation.

207    S’agissant du stade de la prévision, la Commission soutient qu’elle ne pouvait recourir à la variable discrétisée utilisée au stade de l’estimation. Avec trois intervalles de concentration, une telle variable discrétisée aurait conduit à ne prévoir aucun effet sur les prix lorsque la variation du niveau de concentration serait restée à l’intérieur d’un intervalle donné. Un tel résultat serait irréaliste et contraire aux observations faites au stade de l’estimation. Dans ces conditions, la Commission explique avoir estimé qu’elle n’avait pas d’autre choix, pour éviter une erreur matérielle, que de revenir à une variable continue au stade de la prévision, en dépit du fait qu’elle avait utilisé une variable de concentration discrétisée au stade de l’estimation. Selon la Commission, cette solution était appropriée et raisonnable. Il n’y aurait donc aucune erreur substantielle, ni, à plus forte raison, caractérisée, et ce indépendamment du point de savoir si cette méthode était conforme à la pratique économétrique.

208    La Commission soutient ainsi que l’affirmation d’un des experts d’UPS selon laquelle elle a modifié les coefficients du modèle entre l’estimation et la prévision est fausse. La Commission affirme avoir utilisé les coefficients issus de l’estimation et, au stade de la prévision, a procédé à leur interpolation. Il s’agirait d’une hypothèse ajoutée au stade de la prévision. Cette hypothèse d’une interpolation linéaire par morceaux visait à compléter le modèle d’estimation pour obtenir un modèle de prévision. Le modèle linéaire segmenté utilisé au stade de la prévision serait une forme de fonction non linéaire.

209    Il y a lieu d’observer que, par ces arguments, la Commission explique les raisons qui l’ont conduite à modifier le modèle de l’estimation afin de prévoir les effets de la concentration sur les prix. La Commission reconnaît avoir ajouté au modèle utilisé pour l’estimation plusieurs caractéristiques afin de pouvoir faire des prévisions en utilisant une variable de concentration continue. Il y a donc lieu de convenir, conformément aux dires des experts d’UPS, que l’estimation et la prévision reposent sur des modèles qui ne sont pas identiques.

210    La Commission ne conteste pas non plus les experts d’UPS lorsqu’ils affirment qu’elle n’a pas suivi la pratique économétrique ordinaire, qui est pourtant à la base des règles de meilleures pratiques que la Commission a elle-même définies.

211    Il convient à cet égard de constater que la Commission a fixé la ligne de conduite qu’elle entendait suivre pour la production de preuves et la collecte de données économiques en publiant un document SEC(2011) 1216 final, du 17 octobre 2011, intitulé « Best practices for the submisssion of economic evidence and data collection in cases concerning the application of articles 101 and 102 TFEU and in merger cases » (Meilleures pratiques pour la production de preuves économiques et la collecte de données dans les affaires concernant l’application des articles 101 et 102 TFUE) (ci-après les « meilleures pratiques »), accompagnant la communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6). Il a déjà été jugé que, par de telles communications, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 211, et du 13 décembre 2012, Expedia, C‑226/11, EU:C:2012:795, point 28).

212    Les meilleures pratiques visent à encadrer l’analyse économique afin de permettre à la Commission et aux juridictions de l’Union d’en apprécier la pertinence et l’importance. Elles sont applicables notamment au contrôle des concentrations, à l’égard tant des parties à la procédure que de la Commission (paragraphes 2 et 6 des meilleures pratiques). Selon le paragraphe 15 des meilleures pratiques, une analyse économique ou économétrique ne répondant pas strictement aux standards énoncés dans ces meilleures pratiques ne bénéficiera normalement que d’une moindre valeur probante et pourrait ne pas être prise en considération.

213    Parmi les moyens envisagés par les meilleures pratiques pour garantir l’utilisation efficace de preuves fiables et pertinentes, figure principalement le respect des techniques standards qui prévalent en matière d’analyse économique ou économétrique (paragraphes 2 et 3 des meilleures pratiques). Outre la qualité des données (paragraphes 20 et 33 des meilleures pratiques), les meilleures pratiques se réfèrent ainsi à la nécessité de ne retenir que des hypothèses testées et cohérentes par rapport aux caractéristiques du marché examiné, de vérifier la qualité des données et des méthodes empiriques et d’examiner les solutions de remplacement envisageables ainsi que la robustesse des résultats obtenus (paragraphes 3, 10, 13, 15, 24 et 26 des meilleures pratiques). Les multiples références à la robustesse des résultats et à la sensibilité de changements de données ou au choix d’une méthode empirique et des hypothèses précises de modélisation (paragraphes 15, 32, 40 et 41 ainsi que sections C et E de l’annexe 1 des meilleures pratiques), révèlent l’importance que la Commission attache à cette notion. En particulier, la section E de l’annexe 1 des meilleures pratiques prévoit que toute étude empirique doit être accompagnée d’une analyse approfondie de robustesse et qu’un modèle économique devrait, en général, être accompagné d’une analyse de sensibilité se rapportant aux variables clés, dans la mesure où seule la valeur plausible et non la valeur exacte de chaque variable peut être déterminée.

214    Les meilleures pratiques accordent également une importance particulière à la transparence (voir paragraphes 6, 10, 15, 24, 26, 28, 29 et 43 ainsi que sections C et D de l’annexe 1 des meilleures pratiques), considérée comme un facteur de responsabilité et de crédibilité (paragraphes 6 et 43 des meilleures pratiques). Elles précisent ainsi que les choix méthodologiques doivent être expliqués et motivés afin de faire explicitement ressortir leurs avantages et inconvénients (paragraphes 24, 26, 28 des meilleures pratiques), mais aussi leurs limites (paragraphe 43 des meilleures pratiques). L’utilisation de techniques statistiques s’écartant des méthodes généralement acceptées doit être justifiée de manière circonstanciée (paragraphe 29 des meilleures pratiques).

215    En l’occurrence, la Commission n’a pas respecté ses propres règles de meilleures pratiques, puisqu’elle s’est appuyée sur une méthode non conventionnelle, reposant sur des hypothèses non testées et non vérifiées, sans examiner la robustesse de ses résultats et la sensibilité du modèle, ni révéler aux parties ces choix et les motifs susceptibles de les justifier. Il importe de relever le contraste entre, d’une part, l’importance que les meilleures pratiques accordent à la transparence et, d’autre part, la façon dont, en l’espèce, la Commission a unilatéralement modifié le modèle pour le stade de la prévision, sans dévoiler aux parties la nature de ces modifications. Cette entorse aux principes issus des meilleures pratiques est d’ailleurs corroborée par l’argumentation de la Commission dans la présente procédure, lorsque celle-ci reconnaît que, si UPS avait pu prendre connaissance du modèle révisé, des discussions subséquentes auraient alors vraisemblablement porté sur les problèmes liés à ces modifications.

216    En dépit de ces éléments, la circonstance que la décision litigieuse repose en partie sur le modèle économétrique n’est pas suffisante pour conclure à l’existence d’une illégalité de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. C’est à juste titre que la Commission souligne que le modèle économétrique n’est qu’un des éléments pris en considération aux fins de l’appréciation de l’opération projetée. Aussi utile soit-elle pour affiner la compréhension du fonctionnement des marchés affectés par l’opération projetée, une analyse quantitative reposant sur un modèle économétrique, par sa nature même, ne peut généralement pas constituer l’unique preuve à l’appui d’une décision d’incompatibilité. En effet, tout modèle repose sur des simplifications de la réalité, comme le souligne justement la Commission au paragraphe 12 des meilleures pratiques. Cette limitation inhérente à la technique de modélisation implique de conférer aux études économétriques une valeur probante qui ne peut être assimilable à la preuve matérielle d’un fait.

217    En l’espèce, pour conclure à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective sur quinze marchés nationaux sur la base d’effets non coordonnés, la Commission, dans la décision litigieuse, s’est appuyée, d’une part, sur une analyse générale des caractéristiques du marché en cause et, d’autre part, sur une analyse quantitative, permettant de percevoir l’ampleur des effets prévisibles de la concentration sur le niveau des prix, après avoir intégré dans cette analyse les gains d’efficacité allégués.

218    Conformément au paragraphe 24 des lignes directrices, le contrôle de l’existence d’effets non coordonnés sur un marché oligopolistique nécessite, en substance, de vérifier, d’une part, les effets directs de la concentration sur les incitations des parties à la fusion à augmenter leurs prix et, d’autre part, les effets que la concentration peut engendrer sur les incitations des autres membres de l’oligopole à réagir à la concentration en augmentant leurs prix.

219    La Commission a souligné la structure oligopolistique du marché pertinent, sur lequel DHL, UPS, TNT et FedEx détiennent conjointement entre 90 % et 95 % de parts (considérant 509 de la décision litigieuse). DHL était le concurrent le plus important en termes de parts de marché, de couverture géographique ainsi qu’en raison du développement et de la densité de son réseau au sein de l’EEE. TNT et UPS étaient de proches concurrents de DHL (considérants 626 à 630 de la décision litigieuse). En revanche, en raison de réseaux beaucoup plus limités, FedEx était trop éloigné pour rivaliser pleinement avec DHL ainsi qu’avec UPS et TNT (considérants 511 à 625 ; 631 à 635 et 702 à 711 de la décision litigieuse).

220    La Commission a considéré que la concentration réduirait le nombre de fournisseurs de quatre à trois (considérants 712 à 714 de la décision litigieuse) et, sur certains marchés nationaux, de trois à deux, eu égard à la faible position de FedEx (considérants 715 à 720 de la décision litigieuse). Tel est le cas, parmi les quinze marchés nationaux présentant une entrave significative à une concurrence effective, des États membres suivants : République tchèque (considérant 1061 de la décision litigieuse) ; Danemark (considérant 1135 de la décision litigieuse) ; Estonie (considérant 1186 de la décision litigieuse) ; Lettonie (considérant 1359 de la décision litigieuse) ; Lituanie (considérant 1411 de la décision litigieuse) ; Malte (considérant 1430 de la décision litigieuse) ; Pologne (considérant 1627 de la décision litigieuse) ; Slovénie (considérant 1788 de la décision litigieuse), Slovaquie (considérant 1734 de la décision litigieuse) ; Finlande (considérant 1226 de la décision litigieuse) et Suède (considérant 1839 de la décision litigieuse).

221    Dans quatre marchés nationaux présentant une entrave significative à une concurrence effective (République tchèque, Danemark, Lituanie et Pays-Bas), l’entité formée par UPS et TNT deviendrait le leader du marché avec une part de marché supérieure à 50 % (considérants 1048 à 1049, 1121, 1393 à 1394 et 1502 à 1503 de la décision litigieuse).

222    En outre, la Commission a constaté que le marché pertinent était caractérisé par l’existence de hautes barrières à l’entrée et à l’expansion. En raison de la nécessité de construire une infrastructure sur l’ensemble de l’EEE et de disposer de centres de tri et de réseaux informatiques, d’enlèvement et de livraison ainsi que de transport aérien et terrestre, ces barrières étant cumulatives, le marché n’a connu aucun nouvel entrant majeur pendant les 20 dernières années. Sur la base de ces éléments, la Commission a estimé que ni les projets d’expansion de FedEx ni ceux des autres opérateurs ne permettraient de contrer toute stratégie anticoncurrentielle mise en place par les parties à la concentration (considérants 741 à 788 de la décision litigieuse).

223    La Commission a aussi constaté que les clients n’avaient pas une puissance d’achat compensatrice suffisante pour contrer une augmentation des prix sur le marché après la concentration (considérants 791 à 799 de la décision litigieuse).

224    Ces éléments relevant de l’appréciation générale de la concentration sont liés, principalement, à la structure du marché et ne sont pas contestés par UPS. Ils permettent de relativiser l’importance des développements consacrés, aux considérants 721 à 740 de la décision litigieuse, à la quantification des effets prévisibles de la concentration sur le niveau des prix.

225    Il y a également lieu de souligner que certaines limites de l’analyse des effets de la concentration sur les prix sont apparues à la lumière des particularités de certains marchés nationaux. Par exemple, la Commission a relevé que le modèle ne permettait pas d’appréhender les spécificités du marché néerlandais, ni celles du marché suédois (considérants 1545 et 1844 à 1845 de la décision litigieuse).

226    Dans ces conditions, l’affirmation d’UPS selon laquelle, en l’absence des irrégularités affectant l’analyse des effets de la concentration sur les prix, aucune autorité de concurrence ne se serait opposée à l’opération projetée repose sur une lecture erronée de la décision litigieuse. Contrairement à ce que prétend UPS, le seul fait que la Commission a utilisé un modèle entaché d’irrégularités ne suffit pas pour conclure que ces irrégularités sont suffisamment caractérisées pour pouvoir engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

227    Il convient également de garder à l’esprit l’utilité des modèles économétriques, en particulier dans le contexte du contrôle d’une concentration susceptible de donner lieu à des effets non coordonnés sur un marché oligopolistique. La Commission doit disposer d’une marge de manœuvre afin de ne pas paralyser son action ou inhiber son recours à de tels instruments quantitatifs qui, par leur rigueur et leur objectivité, contribuent à la qualité de l’analyse économique.

228    Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et après avoir mis en balance les intérêts en présence, il y a lieu de conclure que les irrégularités alléguées par UPS à l’égard du modèle économétrique de la Commission ne sont pas suffisamment caractérisées pour pouvoir engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. Il convient, dès lors, de rejeter l’argumentation d’UPS.

2)      Sur les gains d’efficacité

i)      Observations liminaires

229    UPS soutient que l’analyse des gains d’efficacité dans la décision litigieuse est affectée d’une illégalité constituant une violation suffisamment caractérisée. Aucune autorité de concurrence normalement prudente et diligente n’aurait conclu que la nature et la quantité des éléments de preuve produits au cours de la procédure administrative ne permettaient pas de considérer, dans une mesure raisonnable, que la concrétisation de ces gains était rationnelle, au sens du paragraphe 86 des lignes directrices.

230    UPS affirme que, si la Commission avait accepté ne fût-ce qu’une fraction des gains d’efficacité allégués autres que les 65 millions d’euros de synergies au titre des transports aériens et des services d’assistance en escale en Europe, elle n’aurait plus été en mesure d’interdire l’opération, en dépit de son analyse erronée et non conventionnelle des effets de la concentration sur les prix. Si la Commission avait évalué l’opération entre elle et TNT avec la même méthodologie que celle utilisée dans l’affaire portant sur l’opération entre FedEx et TNT, elle aurait dû accepter une plus grande proportion des synergies alléguées.

231    UPS conteste que la charge de la preuve en matière de gains d’efficacité incombe entièrement à la partie ayant notifié une concentration. Elle estime qu’une telle interprétation permettrait à la Commission de rejeter toute synergie alléguée sans fournir d’explications.

232    Ainsi qu’il a été précédemment exposé lors de l’examen des griefs relatifs à l’absence de communication des critères d’évaluation des gains d’efficacité, c’est à la partie ayant notifié une concentration qu’il incombe d’apporter des éléments de preuve précis et convaincants permettant, dans la mesure du possible, de quantifier les gains d’efficacité escomptés, nonobstant l’obligation de la Commission d’instruire avec soin et impartialité tous les éléments pertinents et de motiver son appréciation de façon suffisante. Dès lors, l’argumentation d’UPS tirée d’une violation des règles régissant la charge de la preuve n’est pas fondée.

ii)    Sur l’évaluation des gains d’efficacité allégués par UPS

233    UPS soutient que, si elle avait pu prendre connaissance des critères sur la base desquels la plupart des synergies qu’elle escomptait retirer de l’opération entre elle et TNT ont été rejetés comme étant invérifiables par la Commission, elle aurait été en mesure de convaincre cette dernière de l’existence de ces gains.

234    Toutefois, cette argumentation a déjà été rejetée au terme de l’examen des griefs relatifs à l’absence de communication des critères d’évaluation des gains d’efficacité.

235    UPS ajoute que ces synergies constituaient la raison d’être de son projet d’acquisition de TNT. En raison de la complémentarité des réseaux de ces entreprises, UPS affirme qu’elle aurait été en mesure de réduire ses coûts et de concurrencer plus efficacement DHL, son principal rival sur le marché européen. Lors de leurs négociations, son conseil d’administration ainsi que celui de TNT auraient prévu, sur la base d’analyses d’experts, avec prudence et conformément à la réglementation néerlandaise applicable, des synergies comprises entre 400 et 550 millions d’euros par an (la médiane étant de 503 millions d’euros par an), estimation reflétée dans le prix de l’offre publique d’achat de 9,50 euros par action.

236    UPS expose avoir soumis ces prévisions à la Commission, afin que cette dernière en tienne compte dans son appréciation sur l’opération projetée, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 et aux paragraphes 76 et suivants des lignes directrices. La Commission aurait toutefois accepté de ne prendre en considération que les synergies liées au réseau aérien européen et à l’assistance en escale durant les trois premières années suivant la conclusion de l’opération, pour un montant de 65 millions d’euros par an.

237    UPS affirme que, en rejetant de cette manière le solde de 438 millions d’euros de synergies annuelles au motif qu’elles étaient invérifiables, la Commission aurait commis une grave erreur d’appréciation.

238    UPS reproche à la Commission de ne pas avoir pris en considération les synergies suivantes, lesquelles sont examinées plus en détail ci-après :

–        réseau aérien et assistance en escale en Europe (quatrième année) : 43 millions d’euros ;

–        coûts administratifs : 210 millions d’euros ;

–        transport aérien transatlantique : 25 millions d’euros ;

–        transport aérien pour compte d’autrui : 33 millions d’euros ;

–        transport routier de lignes en réseau entre aéroports pivots et lignes d’apport : 22 millions d’euros ;

–        installations : 17 millions d’euros ;

–        réseau en matière de PUD (ci-après le « réseau PUD ») : 40 millions d’euros ;

–        prestations de services externes : 48 millions d’euros.

239    UPS estime que, quand bien même seule une petite fraction des gains d’efficacité rejetés aurait été acceptée comme étant vérifiable, il est clair qu’il n’y aurait pas eu la moindre base pour adopter une décision d’interdiction.

–       Sur le réseau aérien et assistance en escale en Europe (quatrième année)

240    UPS critique la Commission pour avoir rejeté, au considérant 905 de la décision litigieuse, les synergies liées au réseau aérien et à l’assistance en escale au-delà des trois années postérieures à l’opération de concentration entre elle et TNT, au motif qu’un tel horizon de temps impliquait une plus grande incertitude et des bénéfices moins rapides pour les consommateurs. Cette appréciation serait manifestement erronée et contradictoire, puisque, au considérant 902 de cette décision, la Commission aurait reconnu que les synergies seraient les mêmes au cours de la quatrième année, reflétant la mise en œuvre graduelle de l’intégration.

241    Afin de répondre à cette argumentation, il importe de rappeler que la prise en considération des synergies alléguées consiste, par définition, à évaluer la valeur présente de flux futurs, sous la forme de gains ou d’économies, évaluation qui dépend nécessairement de l’horizon temporel ainsi que de la probabilité de réalisation de ces gains ou économies. C’est ainsi que les paragraphes 83 et 87 des lignes directrices soulignent que, d’une manière générale, plus les gains d’efficacité projetés seront éloignés dans le temps, moins la Commission pourra leur accorder de poids ou les considérer comme probables. Aux considérants 905 et 906 de la décision litigieuse, la Commission a choisi de limiter, en principe aux trois premières années, la prise en considération des gains d’efficacité escomptés. En revanche, pour son évaluation générale, la Commission a déclaré prendre en considération les projections relatives à la quatrième année, tout en réduisant le poids qu’il convenait de leur accorder compte tenu des incertitudes et de la complexité de l’intégration des réseaux aériens et des services d’assistance en escale.

242    L’argumentation d’UPS consiste essentiellement à affirmer que la crédibilité de ses projections de gains d’efficacité futurs est supérieure à celle que la Commission lui a effectivement reconnue. Toutefois, compte tenu du caractère incertain de ces gains et de l’horizon temporel invoqué par UPS, aucun des arguments de celle-ci ne permet de conclure que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

–       Sur les coûts administratifs

243    D’après UPS, les synergies administratives résultent de la combinaison, en ce qui la concerne et concerne TNT, des sièges et des fonctions générales centrales en Europe. Les gains d’efficacité escomptés auraient dû atteindre la somme de 210 millions d’euros sur quatre ans grâce à une réduction des effectifs combinés de 11 % pour les fonctions de gestion et de 12 % pour les fonctions administratives, ces objectifs étant inférieurs à l’expérience acquise par elle.

244    Au considérant 891 de la décision litigieuse, la Commission aurait écarté ces économies, au motif qu’elles portaient sur des coûts fixes ne pouvant être répercutés sur les consommateurs. UPS estime que ce raisonnement est erroné et contradictoire. Alors que la Commission a utilisé un taux de répercussion des gains d’efficacité de 67 % sur les coûts moyens totaux (coûts variables et coûts fixes), elle aurait dû appliquer ce taux aux coûts administratifs et considérer que 67 % des économies réalisées sur ceux-ci seraient répercutées sur les consommateurs, le reste étant absorbé par elle. Inversement, si la Commission entendait refuser, conformément au considérant 891 de la décision litigieuse, d’appliquer ce taux aux coûts fixes, elle aurait alors dû, par cohérence, appliquer un taux de répercussion plus élevé sur les coûts variables. Cela aurait alors entraîné de plus grands gains d’efficacité pour elle et une réduction du nombre de marchés potentiellement affectés par une entrave significative à une concurrence effective.

245    Il convient toutefois de rappeler que, au considérant 891 de la décision litigieuse, la Commission a, en substance, reconnu que, d’un point de vue comptable, les coûts administratifs pouvaient être répartis entre les différents services et marchés nationaux selon les volumes de colis traités. Cependant, d’un point de vue économique, ce mode de répartition ne permettait pas de déterminer la manière dont ces coûts fixes contribuaient à déterminer le prix de chaque contrat additionnel. Estimant qu’était incertaine la réponse à la question de savoir dans quelle mesure les économies de coûts administratifs étaient susceptibles d’influer sur les prix des produits pertinents pour justifier qu’elles soient prises en compte, la Commission, au considérant 892 de la décision litigieuse, a estimé que ces économies, telles que présentées par UPS, n’étaient pas vérifiables et ne pouvaient, en conséquence, être prises en compte. Il ressort également de ce considérant de la décision litigieuse que les considérations relatives à la répercussion sur les consommateurs des économies liées aux coûts administratifs n’étaient présentées qu’à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où ces économies auraient été vérifiables.

246    Par leur nature, les synergies liées à la réduction des coûts administratifs à la suite de la fusion se concrétisent par une réduction des coûts fixes de l’entreprise. Or, ainsi qu’il est souligné au paragraphe 80 des lignes directrices, les améliorations de la rentabilité qui aboutissent à des réductions des coûts variables ou marginaux sont plus susceptibles d’être pertinentes pour l’appréciation des gains d’efficacité que les réductions des coûts fixes, car il est en principe plus probable qu’elles entraînent une baisse des prix à la consommation. La Commission n’a donc pas commis d’erreur en rejetant les synergies associées à la réduction des coûts administratifs au motif qu’elles n’étaient pas pertinentes aux fins de l’appréciation des gains d’efficacité. Les critiques d’UPS relatives à la répercussion sur les consommateurs de ces économies étant dirigées contre des appréciations subsidiaires, elles sont dénuées de pertinence et doivent être rejetées.

247    Il s’ensuit qu’aucun élément invoqué par UPS, s’agissant des gains d’efficacité liés à la réduction des coûts administratifs, ne permet de considérer que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

–       Sur le transport aérien transatlantique

248    UPS critique l’appréciation par laquelle la Commission, aux considérants 882 et 883 de la décision litigieuse, a écarté les économies estimées à 25 millions d’euros s’agissant du transport aérien transatlantique, au motif que cette estimation n’était pas vérifiée. UPS rappelle qu’elle entendait supprimer l’unique liaison transatlantique de TNT entre Liège (Belgique) et New York (États-Unis), dans la mesure où elle disposait d’une capacité suffisante pour absorber 75 % du volume de cette ligne. La Commission aurait rejeté les calculs qui avaient conduit à une estimation de 25 millions d’euros, au motif qu’ils reposaient sur l’hypothèse selon laquelle TNT exploitait un Boeing 767, alors qu’en réalité elle exploitait un Boeing 777. Or, les coûts de ce dernier étant supérieurs à ceux de l’autre appareil, les économies réalisées n’auraient été que plus grandes.

249    Toutefois, il importe de relever que, aux considérants 881 à 883 de la décision litigieuse, la Commission n’a pas rejeté l’existence des gains d’efficacité allégués. Elle a estimé que ces gains n’étaient pas vérifiables, car UPS avait fondé ses calculs sur la situation du réseau de TNT en 2007, sans prendre en considération le fait qu’ultérieurement TNT avait utilisé des avions de plus grande capacité.

250    Afin de démontrer le caractère erroné de cette appréciation, UPS a versé à l’appui de la requête plusieurs calculs visant à étayer l’ampleur des gains qu’elle escomptait des synergies tirées des services de transport aérien transatlantique. Or, il y a lieu de constater que ces éléments n’ont pas été soumis à la Commission au cours de la procédure administrative, nonobstant le fait que la communication des griefs, dans son point 725, attirait l’attention d’UPS sur le caractère difficilement vérifiable de ses estimations de gains d’efficacité. UPS produit ainsi plusieurs feuilles de calcul relatives à l’utilisation de sa capacité de transport aérien transatlantique en 2012 (annexe A.35 de la requête), qui, de l’aveu même d’UPS, n’ont pas été produites au cours de la procédure administrative. Il appartenait cependant à UPS d’apporter la preuve, au cours de la procédure administrative, non seulement de l’existence des gains d’efficacité dont elle alléguait l’existence, mais également des éléments vérifiables sur la base desquels elle s’appuyait pour les quantifier. L’argumentation d’UPS relative aux services aériens transatlantiques n’est pas fondée et doit être rejetée.

–       Sur le transport pour compte d’autrui

251    UPS escomptait réaliser des économies en transportant sur ses propres appareils les colis que TNT acheminait sur des vols commerciaux opérés par des tiers. La Commission, au considérant 889 de la décision litigieuse, aurait écarté ces économies, au motif qu’UPS n’avait pas démontré pouvoir absorber le volume de TNT sur ses propres appareils. UPS critique la Commission pour ne pas avoir soulevé cette question pendant la procédure administrative alors qu’elle disposait de tous les éléments pour y répondre de manière convaincante.

252    Contrairement à ce que prétend UPS, il n’incombait pas à la Commission de l’inviter à fournir les éléments de preuves permettant d’étayer les gains d’efficacité allégués. Il appartenait à UPS d’apporter la preuve, non seulement de l’existence des gains d’efficacité dont elle alléguait l’existence, mais également des éléments vérifiables sur la base desquels elle s’appuyait pour les quantifier. L’argumentation d’UPS n’est pas fondée et doit donc être rejetée.

–       Sur le transport routier de lignes en réseau

253    Selon UPS, l’acquisition projetée lui aurait permis de rationaliser son réseau de transport routier de lignes à l’intérieur de l’EEE en le combinant avec celui de TNT, grâce à son modèle logistique « hub feeder network optimisation model » (modèle d’optimisation du réseau d’un pôle de collecte, ci-après le « modèle HFNO ») appliqué aux données de trois marchés (Allemagne, Italie et Royaume-Uni), lesquels constituent un bon échantillon des réseaux des différents marchés européens. Aux considérants 866 et 867 de la décision attaquée, la Commission aurait écarté ces économies, au motif que les justifications fournies étaient partielles et peu fiables. UPS conteste cette appréciation. Elle affirme que les estimations de son futur réseau unique étaient solides, prudentes et fiables. UPS expose être parvenue à estimer, avec une marge de prudence, des synergies de coûts de l’ordre de 15 %. Même si elle a dû les modifier à la lumière des données fournies par TNT, UPS considère toutefois que les différences ainsi observées ne sont pas significatives et s’expliquent par des divergences méthodologiques entre elle et TNT.

254    La Commission conteste ces allégations. Elle soutient notamment qu’UPS affirme, mais ne démontre pas que les marchés de l’Allemagne, de l’Italie et du Royaume-Uni constituent un « bon échantillon », en l’absence de tout élément permettant de vérifier la véracité de cette affirmation.

255    À cet égard, il y a lieu de constater que, selon les considérants 865 et 866 de la décision litigieuse, les gains d’efficacité allégués ont été calculés par UPS grâce à son modèle HFNO, à partir des données relatives à trois marchés nationaux. UPS a considéré que ces résultats pouvaient être étendus à tous les autres marchés, sans en donner la raison. La Commission a ainsi invoqué, en substance, l’absence de preuve de la représentativité de l’échantillon utilisé par UPS.

256    Il apparaît cependant que, dans sa réponse à la communication des griefs, UPS a fourni un document (annexe 4.8 de la communication des griefs) qui explique les raisons qui ont conduit à la sélection des trois marchés nationaux qui composent l’échantillon. Il ressort en effet de ce document que ces marchés illustrent trois cas de figure caractérisant les rapports entre les volumes d’UPS et ceux de TNT, à savoir des volumes supérieurs (Allemagne), inférieurs (Italie) et égaux (Royaume-Uni). Ces trois marchés ont ensuite été modélisés comme constituant un réseau unique. Dans ces conditions, la Commission ne saurait prétendre qu’UPS a omis, au cours de la procédure administrative, de fournir des explications sur la méthodologie suivie pour sélectionner un échantillon des trois marchés qu’elle estimait représentatifs.

257    Abstraction faite de cette erreur, il convient de relever que, selon le considérant 867 de la décision litigieuse, la Commission a invité UPS à préciser ses calculs fondés sur cet échantillon en prenant en compte les données de TNT. À l’issue de cet exercice, il est apparu que, pour certains marchés nationaux, les résultats ainsi obtenus présentaient d’importantes différences par rapport aux estimations initiales d’UPS. En raison de ces différences, la Commission a estimé que la quantification des gains d’efficacité escomptés était incertaine.

258    Il y a lieu de constater que l’existence de ces différences, qualifiées d’ « importantes », est de nature à faire douter de la validité de l’estimation des gains d’efficacité allégués par UPS à partir de son modèle HFNO. Si UPS conteste l’importance de ces différences, elle n’a toutefois pas développé d’arguments spécifiques à cet égard, ni avancé d’éléments chiffrés permettant de remettre en cause le bien-fondé du constat opéré au considérant 867 de la décision litigieuse. UPS, tout en reconnaissant l’existence de telles différences, a soutenu que celles-ci n’étaient pas dues à des différences substantielles entre les données estimées et les données réelles, mais plutôt au choix d’une base différente sur laquelle TNT a réparti ses coûts.

259    Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer qu’UPS n’est pas parvenue à démontrer que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, lorsqu’elle a décidé que l’estimation des gains d’efficacité relatifs au réseau routier de lignes en réseau était trop incertaine pour pouvoir être considérée comme vérifiée. L’argumentation d’UPS doit donc être rejetée.

–       Sur les installations

260    UPS reproche à la Commission d’avoir écarté, au considérant 863 de la décision litigieuse, comme étant non vérifiées, les économies projetées tenant à la rationalisation des installations devenues redondantes du fait de l’opération de concentration projetée, au motif que les données fournies couvraient quelques pays. UPS fait valoir que cette appréciation est fausse : elle affirme avoir remis à la Commission des calculs détaillés pour 112 des 118 installations qu’elle envisageait de fermer.

261    Il y a lieu de relever que, au considérant 862 de la décision litigieuse, la Commission a exposé qu’UPS avait calculé les économies attendues de la rationalisation de ses installations à partir d’une estimation du coût annuel par installation multiplié par le nombre total d’installations destinées à être fermées. Le chiffre ainsi atteint a ensuite été multiplié par la valeur annuelle moyenne des frais de fonctionnement d’une installation, évaluée à 330 000 euros. Le résultat de cette opération (18 millions d’euros) a ensuite été ajusté et réduit à 17 millions d’euros.

262    La Commission, aux considérants 863 et 864 de la décision litigieuse, a considéré que cette méthode était imprécise à deux égards. Premièrement, cette méthode s’appuyait sur les données relatives à un petit nombre ou à un groupe de pays en dépit du fait que les économies escomptées étaient propres à chaque pays. Deuxièmement, cette méthode reposait sur la prémisse selon laquelle l’intégralité des coûts associés à un site voué à la fermeture constituerait une économie. Or, comme les volumes traités par ces installations devaient être transférés vers d’autres installations, il aurait fallu calculer l’économie nette en comparant les coûts de traitement avant la fusion avec les coûts supplémentaires après la fusion.

263    Cette seconde objection de la Commission revient, en substance, à reprocher à UPS de ne pas avoir suffisamment distingué dans son évaluation des économies projetées entre celles portant sur les coûts fixes et celles portant sur les coûts variables. Or, ainsi qu’il a été précédemment rappelé s’agissant des gains d’efficacité relatifs aux synergies de coûts administratifs, les améliorations de la rentabilité qui aboutissent à des réductions des coûts variables ou marginaux sont plus susceptibles d’être pertinentes pour l’appréciation des gains d’efficacité que pour les réductions des coûts fixes.

264    Force est toutefois de constater que l’argumentation d’UPS élude cette question et se concentre exclusivement sur le premier problème soulevé par la Commission. Dans ces conditions, cette argumentation ne permet pas de considérer que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, en considérant que l’estimation des économies liées à la fermeture d’installations redondantes ne pouvait être retenue en raison de son manque de fiabilité.

–       Sur le réseau PUD

265    UPS reproche à la Commission d’avoir écarté, aux considérants 853 et 854 de la décision litigieuse, la quantification des synergies escomptées de la rationalisation du réseau PUD, au motif que ses calculs ne pouvaient être vérifiés.

266    UPS soutient, premièrement, que la Commission n’a pas remis en cause l’existence de ces synergies, mais uniquement leur évaluation. La Commission aurait omis d’exposer le critère sur le fondement duquel elle était prête à accepter de tels calculs et à lui poser des questions.

267    Toutefois, il n’incombait pas à la Commission d’inviter UPS à fournir les éléments de preuve permettant d’étayer les gains d’efficacité allégués. Il appartenait à UPS d’apporter la preuve, non seulement de l’existence des gains d’efficacité dont elle alléguait l’existence, mais également des éléments vérifiables sur la base desquels elle s’appuyait pour les quantifier. Ce premier argument d’UPS doit donc être rejeté.

268    Deuxièmement, s’agissant de l’argument d’UPS selon lequel les justifications invoquées par la Commission à l’appui du rejet des gains d’efficacité ne lui auraient jamais été communiquées au cours de la procédure administrative, il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été rejeté au terme de l’analyse des griefs relatifs à l’absence de communication des critères d’évaluation des gains d’efficacité.

269    Troisièmement, UPS fait valoir que les motifs par lesquels la Commission a écarté la prise en compte des gains d’efficacité relatifs au réseau PUD sont manifestement erronés.

270    Il convient de rappeler que, aux considérants 851 et 852 de la décision litigieuse, la Commission a reconnu l’existence de gains d’efficacité résultant des synergies relatives à la combinaison des réseaux PUD. Cependant, aux considérants 853 et 854 de la même décision, elle a rejeté l’évaluation de leur montant par UPS, en raison de leur manque de fiabilité. La Commission a plus spécifiquement souligné la faible représentativité et l’ancienneté des données fournies par UPS.

271    S’agissant de la représentativité des données, il ressort du considérant 824 de la décision litigieuse qu’UPS s’est appuyée sur une estimation des économies de chauffeurs réalisées sur chaque marché national (45 millions d’euros), ajustée à la baisse pour parvenir à une estimation de 40 millions d’euros. La Commission a cependant relevé que ce calcul ne reposait sur des données détaillées que s’agissant des marchés allemand, français, du Benelux (regroupant Belgique, Luxembourg et Pays-Bas) ainsi que d’Irlande et du Royaume-Uni. Le reste du marché était réparti en deux groupes, à savoir celui de l’« Europe de l’Est » et celui du « reste de l’Europe », pour lesquels UPS a procédé à une estimation de la réduction moyenne des chauffeurs, sans fournir d’explication à ce sujet. Les économies liées au réseau PUD étant étroitement liées aux conditions de chaque marché, la Commission a estimé, au considérant 853 de la décision litigieuse, qu’UPS aurait dû se fonder sur les données relatives à chaque marché plutôt que d’appliquer une estimation à un groupe de pays. La Commission en a déduit que l’estimation des synergies relatives au réseau PUD n’était pas fiable pour ces deux groupes.

272    À cet égard, UPS fait observer que les pays relevant des catégories « Europe de l’Est » et « reste de l’Europe » ne représentaient que 9 des 40 millions d’économies prévues, les autres pays étant répartis entre quatre groupes selon les caractéristiques de leurs réseaux (à savoir nombre de conducteurs et nombre d’arrêts par mile).

273    Il convient toutefois de relever qu’UPS ne conteste pas l’objection principale de la Commission tenant à l’absence de prise en compte des données propres à chaque marché, en dépit des différences de coûts existant entre ces marchés. Or, l’évaluation des gains d’efficacité allégués a pour but de vérifier, sur les marchés donnant lieu à une entrave significative à une concurrence effective, si ces gains sont de nature à contrebalancer les effets anticoncurrentiels que la concentration risquerait de produire. Lorsque, comme en l’espèce, ces effets anticoncurrentiels sont localisés sur le territoire de certains États membres, il est nécessaire de pouvoir vérifier, sur chacun de ces marchés nationaux, si les gains allégués se traduiront par un avantage net pour les consommateurs.

274    Dès lors, en l’absence d’indice contraire produit par UPS, il y a lieu de convenir que l’approche suivie par UPS, consistant à privilégier l’application pour un ensemble de pays d’un taux unique dérivé d’un modèle constitué à partir de quatre groupes de marchés nationaux, paraît moins précise et moins fiable que celle consistant à se fonder sur les données de chaque marché pour arriver à une estimation moyenne applicable à tous.

275    En outre, il y a lieu de relever que, sur les quinze marchés nationaux présentant une entrave significative à une concurrence effective, seuls les Pays-Bas ne relevaient ni de la catégorie de l’« Europe de l’Est » ni de la catégorie du « reste de l’Europe ». Or, ainsi qu’UPS l’a admis elle-même, la valeur totale des gains d’efficacité liés au réseau PUD n’atteignait que 9 millions d’euros pour ces deux groupes de marchés nationaux. Dès lors, il est très peu probable que le marché des Pays-Bas puisse, à lui seul, représenter des économies justifiant que les synergies soient évaluées à concurrence des 40 millions d’euros allégués par UPS. Il s’ensuit que les gains d’efficacité pertinents pour évaluer la situation des marchés nationaux dans lesquels la Commission a conclu à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective sont vraisemblablement d’une mesure considérablement inférieure aux 40 millions de gains allégués. L’argument d’UPS ne permet donc pas d’infirmer la validité de l’appréciation, énoncée au considérant 855 de la décision litigieuse, selon laquelle les données relatives aux marchés autres que l’Allemagne, la France, l’Irlande et le Royaume-Uni ne permettent pas d’établir le caractère vérifiable des gains d’efficacité estimés pour les autres marchés.

276    S’agissant de l’ancienneté des données, il ressort du considérant 854 de la décision litigieuse que la Commission a relevé qu’UPS s’était fondée sur un modèle élaboré en 2007 sur la base de données de 2002, pour évaluer les gains résultant de l’optimisation du réseau PUD dans le cadre de discussions qui portaient déjà sur la possibilité d’acquérir TNT.

277    Afin d’actualiser ces résultats en fonction de la situation en 2011, UPS aurait réduit ces estimations dans des proportions variant d’un marché à l’autre, sans expliquer la méthode appliquée autrement qu’en la qualifiant de « conservatrice ».

278    UPS affirme que ses calculs étaient détaillés, fiables et prenaient en compte ses taux de croissance entre 2007 et 2011, ainsi que les variations dans la densité du réseau PUD.

279    Toutefois, les deux documents invoqués par UPS au soutien de ces allégations (annexes A.38.1 et A.38.2 de la requête) confirment la description de la méthodologie faite au considérant 854 de la décision litigieuse. Ces documents ne contiennent pas d’indications précises sur la manière dont les résultats de l’étude réalisée en 2007 ont été actualisés en 2011. Ils se limitent à affirmer que, les bases de cette analyse étant saines, UPS avait pris la décision de simplement ajuster à la baisse et de manière importante ces estimations initiales d’économies de coûts afin de refléter les incertitudes résultant des changements des conditions de marché.

280    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure qu’UPS n’est pas parvenue à démontrer que la Commission a commis sur ce point une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

–       Sur les prestataires de services externes

281    Aux considérants 857 à 861 de la décision litigieuse, la Commission a indiqué que l’estimation par UPS des gains d’efficacité liés à la rationalisation des coûts en matière de PUD soumis à la sous-traitance est encore plus incertaine que celle des gains d’efficacité tirés de son propre réseau PUD, dans la mesure où cette estimation repose sur des hypothèses extrêmement simplifiées plutôt que sur des données propres à chaque marché national. La Commission a ainsi relevé qu’aucune explication n’était avancée par UPS au soutien de la réduction alléguée de 6 %, cette dernière s’étant bornée à affirmer que ce taux reflétait les volumes combinés plus élevés ainsi que les bénéfices qui en découlaient pour le tri. En outre, les consultants engagés par UPS ont révélé que les données relatives aux volumes de TNT différaient de celles utilisées afin de calculer les gains d’efficacité, sans pour autant qu’UPS ait essayé d’utiliser ces données pour parvenir à une mesure plus réaliste des gains d’efficacité. La Commission en a déduit qu’elle n’était pas en mesure de vérifier l’ordre de magnitude des gains d’efficacité liés aux prestataires de services externes et a rejeté, comme étant invérifiables, les gains allégués par UPS.

282    UPS reproche à la Commission d’avoir considéré que ses projections ne reposaient pas sur une analyse détaillée par pays, mais sur un taux moyen de 6 % et paraissaient peu fiables. UPS estime que cette analyse est manifestement erronée.

283    UPS soutient, premièrement, que l’utilisation d’un taux moyen pour tous les pays serait conforme à l’approche décrite précédemment à l’égard du réseau PUD pour les pays relevant de la catégorie du « reste de l’Europe ».

284    Il importe de rappeler que, conformément aux principes régissant la charge de la preuve des gains d’efficacité, il appartenait à UPS de justifier l’application du taux de 6 % à tous les marchés nationaux, en particulier en raison des différences de coûts existant entre ces marchés. Il y a lieu de considérer, à l’instar de ce qui a été précédemment exposé s’agissant du réseau PUD, que l’utilisation d’un taux d’économie moyen applicable à un ensemble de pays, sans justifications particulières, paraît moins précise et moins fiable que celle consistant, à partir des données de chaque marché, à calculer une estimation moyenne applicable à tous. Il s’ensuit que l’argument d’UPS n’a révélé aucun élément permettant de considérer que les motifs exposés par la Commission au considérant 858 de la décision litigieuse sont erronés.

285    Deuxièmement, UPS dénonce une incohérence méthodologique. La Commission aurait accepté l’utilisation de taux moyens pour un même groupe de pays, s’agissant du réseau aérien et de l’assistance en escale en Europe (quatrième année), mais l’aurait rejeté, s’agissant de l’enlèvement et de la livraison par des prestataires de services externes.

286    Toutefois, ainsi qu’il a été précédemment relevé s’agissant des gains d’efficacité liés aux coûts en matière de PUD, il ressort des considérants 824, 853 et 858 de la décision litigieuse que ces coûts sont étroitement liés aux conditions locales qui prévalent dans chaque marché national. La Commission fait observer que cette situation n’est pas comparable à celle du réseau aérien européen, ni à celle des services d’assistance en escale, sans qu’UPS ait opposé de réfutation sur ce point. Au vu de ces justifications, il convient d’admettre que, en raison de ces différences, l’argumentation d’UPS ne permet pas de révéler l’existence d’une incohérence méthodologique pouvant constituer une erreur d’appréciation présentant un caractère manifeste et grave.

287    Troisièmement, UPS explique les raisons pour lesquelles, après l’utilisation des données de TNT, les résultats issus de son modèle n’ont pas été altérés de manière significative. La principale modification intervenue aurait concerné le critère de répartition des synergies sans que pour autant l’évaluation globale de son montant soit modifiée.

288    Toutefois, cette argumentation ne permet pas de remettre en cause les éléments énoncés aux considérants 859 et 860 de la décision litigieuse, dont il ressort que, en dépit de données relatives aux volumes actuels de TNT très différentes de celles estimées initialement par UPS et, par voie de conséquence, d’une révision importante des économies initialement projetées, notamment pour les marchés allemand et d’Irlande et du Royaume-Uni, UPS n’a pas cherché à évaluer plus précisément les gains attendus pour chacun des marchés nationaux pertinents.

289    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure qu’UPS n’est pas parvenue à démontrer l’existence d’erreurs dans l’appréciation du caractère vérifiable des gains d’efficacité allégués qui soient susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

3)      Sur la disparité de traitement par rapport à l’opération entre FedEx et TNT

290    UPS dénonce une disparité de traitement entre la concentration entre elle et TNT et celle entre FedEx et TNT. Alors que, au terme d’un travail d’estimation rigoureux, elle aurait publiquement annoncé qu’elle escomptait tirer 503 millions d’euros de synergies de l’acquisition de TNT dès la première année, FedEx n’aurait divulgué aucune estimation au public de son côté. La Commission aurait pourtant accepté les synergies avancées par FedEx, après lui avoir posé des questions, sur la base des travaux de consultants engagés pour la procédure de contrôle de cette concentration et qui n’avaient jamais été divulgués publiquement, ce qui serait inexplicable pour une entreprise cotée en bourse.

291    UPS reproche à cet égard à la Commission d’avoir évalué les synergies sur la base d’un critère beaucoup plus strict que celui qu’elle a utilisé pour la concentration entre FedEx et TNT. Si la Commission avait traité UPS de la même manière que FedEx, elle aurait dû accepter tous les gains d’efficacité allégués. Dans le cadre de l’opération entre FedEx et TNT, la Commission aurait accepté bon nombre de synergies qui n’étaient pourtant pas étayées d’éléments aussi probants que ceux invoqués par elle. FedEx aurait refusé de publier toute quantification des synergies potentielles dès son offre d’achat et n’aurait jamais présenté de documents internes à cet égard.

292    La Commission, dans la décision portant sur l’opération entre FedEx et TNT, aurait accepté des synergies relatives au transport aérien transatlantique à partir des capacités de transport de l’acquéreur, sans demander de calculs détaillés. En l’absence de plus amples informations dans la version publique de la décision portant sur l’opération entre FedEx et TNT, UPS suggère au Tribunal d’obtenir ces renseignements par la voie d’une mesure d’instruction.

293    S’agissant du réseau PUD, UPS fait observer que, dans l’affaire portant sur l’opération entre FedEx et TNT, la Commission a accepté de prendre en considération ce type de synergies en dépit de la présentation de preuves moins détaillées que celles avancées par elle.

294    Il convient de rappeler que la Commission doit analyser chaque opération de concentration à la lumière de ses propres caractéristiques et de celles du marché pertinent. En effet, toute concentration doit être appréciée individuellement et à la lumière des circonstances factuelles et juridiques applicables (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2018, Deutsche Lufthansa/Commission, T‑712/16, EU:T:2018:269, point 131). Lorsque la Commission statue sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur sur la base d’une notification et d’un dossier propres à cette opération, une partie requérante n’est pas en droit de remettre en cause ses constatations au motif qu’elles diffèrent de celles faites dans une autre affaire, sur la base d’une notification et d’un dossier différents, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 118, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 142).

295    En l’occurrence, bien que portant sur le même marché, les opérations entre UPS et TNT et FedEx et TNT, notifiées à environ trois ans d’écart, n’impliquent pas les mêmes parties. Or, par nature, les gains d’efficacité sont directement liés aux caractéristiques individuelles des parties à la concentration.

296    En raison, notamment, des caractéristiques de FedEx ainsi que de la proximité concurrentielle entre UPS et TNT, la Commission a conclu que l’opération entre FedEx et TNT ne donnait pas lieu à une entrave significative à une concurrence effective. L’entité résultant de cette fusion reste confrontée à deux rivaux puissants, DHL et UPS (considérants 444 à 446 et 630 à 689 de la décision portant sur l’opération entre FedEx et TNT), alors que FedEx et TNT, bien que concurrents, offrent dans une certaine mesure des services complémentaires et ne sont pas des concurrents proches. FedEx est spécialisée dans les liaisons entre l’EEE et le reste du monde, alors que l’offre de TNT est centrée sur les liaisons internationales à l’intérieur de l’EEE (considérants 590,591 et 687 à 689 de la décision portant sur l’opération entre FedEx et TNT), sans que TNT puisse par ailleurs être considérée comme un concurrent susceptible de détenir une position concurrentielle particulière de « franc-tireur » ou une importante source d’expansion dans le marché (considérants 650, 692 à 714 de la décision portant sur l’opération entre FedEx et TNT). L’analyse des effets de la concentration sur les prix n’a pas démontré un impact statistiquement significatif sur les prix et, en tout état de cause, la Commission indique que les gains d’efficacité escomptés compenseraient cet impact (considérants 468 à 497, 515 à 588 et 771 à 805 de la décision portant sur l’opération entre FedEx et TNT).

297    Force est donc de constater que les concentrations entre UPS et TNT et entre FedEx et TNT diffèrent de manière significative sur de nombreux points, en particulier sur le fait que FedEx et TNT n’étaient pas des concurrents proches, point pertinent pour l’examen des synergies résultant de la combinaison de ces entreprises et qu’UPS ne conteste pas.

298    En outre, la requérante n’étaye pas son argumentation selon laquelle les éléments de preuve qu’elle a soumis à la Commission s’agissant des synergies escomptées ont été appréciés à l’aune d’un standard de preuve différent de celui appliqué dans le cadre de la concentration entre FedEx et TNT. En particulier, elle ne démontre pas que les éléments de preuve qu’elle a fournis s’agissant du transport aérien transatlantique et du réseau PUD revêtaient une force probante et une pertinence similaires à ceux qui avaient été acceptés dans le cadre de cette concentration, de sorte que la Commission aurait traité des éléments de preuve identiques ou similaires de manière différente.

299    En l’absence de tout indice susceptible de révéler une inégalité de traitement, d’une allégation ou d’un élément de preuve afférent à un autre motif d’illégalité, le constat de différences d’appréciation des gains d’efficacité entre la décision portant sur l’opération entre FedEx et TNT et la décision litigieuse ne permet pas de conclure à l’existence de l’inégalité dont UPS prétend avoir fait l’objet. Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation d’UPS sur ce point, sans qu’il soit nécessaire de faire droit aux demandes d’UPS d’ordonner une mesure d’instruction.

4)      Sur la situation de FedEx

i)      Sur la proximité concurrentielle de FedEx et d’UPS

300    UPS soutient que la Commission, en concluant dans la décision litigieuse que, contrairement à FedEx, UPS, TNT et DHL étaient des concurrents proches, a commis une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union. Cette conclusion reposait sur l’hypothèse selon laquelle DHL s’adapterait aux hausses de prix résultant de la concentration entre UPS et TNT mais que FedEx ne serait pas en mesure de les contrecarrer. Or, la Commission ne disposait, de l’avis d’UPS, d’aucune base permettant de conclure à une hausse des prix résultant de la concentration entre UPS et TNT. Au contraire, l’analyse des effets de la concentration sur les prix et l’analyse des gains d’efficacité auraient démontré que l’opération serait favorable à la concurrence.

301    UPS rappelle avoir plaidé en ce sens dans le cadre du troisième moyen de son recours dans l’affaire T‑194/13 et démontré le manque de rigueur avec lequel la Commission a analysé les réponses au questionnaire de marché, en particulier s’agissant des marchés tchèque, bulgare, danois et maltais. Le refus de la Commission d’expliquer en quoi les réponses au questionnaire pour ces États membres justifiaient la constatation d’une entrave significative à une concurrence effective rendrait impossible la compréhension du seuil de preuve requis pour aboutir à une telle constatation. UPS produit, au stade de la réplique, un compte rendu des réponses des grands et petits clients à l’étude de marché de phase II pour les marchés bulgare, tchèque, danois et maltais, qui confirmeraient qu’il n’était pas raisonnable de conclure que FedEx n’était pas un concurrent proche d’UPS.

302    UPS fait grief à la Commission d’avoir considéré que TNT était un proche concurrent d’UPS, mais que FedEx ne l’était pas. Même sur le marché tchèque, pour lequel la Commission estimait son analyse particulièrement forte, les réponses au questionnaire indiqueraient de manière univoque qu’il n’y avait aucune preuve qu’elle et TNT étaient en concurrence étroite. Au contraire, les réponses indiqueraient que les entreprises l’envisageaient ainsi que TNT, FedEx et DHL comme étant parfaitement substituables, en raison de certaines caractéristiques des services offerts, ou que ses concurrents les plus proches ou ceux de TNT ne fournissaient pas de services présentant ces caractéristiques. Il en irait de même s’agissant des marchés bulgare, danois et maltais.

303    Il importe de rappeler que, dans la décision litigieuse, après être parvenue à la conclusion selon laquelle le marché intra-EEE de la livraison expresse de petits colis était dominé par quatre intégrateurs, à savoir DHL, UPS, TNT et FedEx (considérant 510 de la décision litigieuse), la Commission a considéré que, parmi ces entreprises, FedEx était un concurrent beaucoup plus faible et éloigné d’UPS, de TNT et de DHL. La Commission s’est appuyée sur le chiffre d’affaires de FedEx sur le marché intra-EEE (considérants 513 à 517 de la décision litigieuse), sa couverture du marché de l’EEE de la livraison expresse de petits colis (considérants 518 à 527 de la décision litigieuse) et la faiblesse de son réseau dans l’EEE par rapport à ceux des trois autres intégrateurs (considérants 528 à 533 de la décision litigieuse). Par ailleurs, la Commission a relevé que, FedEx opérant à une échelle plus réduite, elle avait des coûts d’enlèvement et de livraison nettement plus élevés que ceux de ses concurrents, limitant ainsi sa capacité à exercer une pression concurrentielle sur le marché, et ce nonobstant l’adoption, en 2011, d’un plan d’expansion organique s’étendant jusqu’en 2017 (considérants 534 à 546 et 599 à 625 de la décision litigieuse).

304    La Commission a, en outre, souligné la faible présence de FedEx sur les marchés intérieurs ainsi qu’en matière de livraison différée (considérants 547 à 552 de la décision litigieuse), sa présence étant nettement plus forte sur le segment des services à destination de pays hors EEE (considérants 553 à 564 de la décision litigieuse). Ces éléments ont été confirmés par l’enquête de marché, qui démontre que les clients perçoivent FedEx comme étant plus faible que les autres intégrateurs sur le marché des services de livraison expresse à l’intérieur de l’EEE (considérants 565 à 576 et 590 à 598 de la décision litigieuse) ainsi que par les déclarations de ses concurrents (considérants 578 à 589 de la décision litigieuse).

305    Par contraste avec la situation de FedEx, la décision litigieuse démontre qu’UPS et TNT sont des concurrents proches (considérants 631 à 702 de la décision litigieuse). Pour appuyer ce constat, la Commission a retenu les réponses des clients à l’enquête de marché (considérants 636 à 652 de la décision litigieuse) ainsi que la similarité entre DHL, UPS et TNT en termes d’offres de services et de couverture (considérants 653 à 659 de la décision litigieuse). Selon ce dernier critère, FedEx est la plus faible de ces quatre entreprises dans vingt et un marchés de l’EEE et, dans dix-sept de ces marchés, l’écart entre FedEx et son concurrent le plus proche est d’au moins 20 points de pourcentage (considérant 654 de la décision litigieuse).

306    La Commission a également souligné les similitudes entre UPS et TNT en termes d’offres de services de livraison matinale (considérants 660 à 665 de la décision litigieuse) ainsi que les caractéristiques qualitatives des services offerts (considérant 666 de la décision litigieuse). S’agissant des procédures de marchés, la Commission a souligné que DHL, UPS et TNT étaient de proches concurrents, alors que la situation de FedEx était plus éloignée (considérants 667 à 684 de la décision litigieuse).

307    La Commission a réfuté les conclusions tirées d’une analyse par TNT des indications fournies par ses anciens clients quant au point de savoir quelles étaient les entreprises offrant des services concurrents, estimant que cette enquête d’opinion était d’une utilité réduite, en raison des limitations inhérentes à la méthodologie employée (considérants 685 à 701 de la décision litigieuse).

308    Aux considérants 705 à 707 de la décision litigieuse, la Commission a rejeté les observations en réponse à la communication des griefs par lesquels UPS soutenait que l’analyse de la proximité de la concurrence ne prenait pas suffisamment en considération l’influence de la différenciation des services sur la représentativité des parts de marchés comme indicateur de la proximité concurrentielle, mais aussi les ratios de diversion des concurrents et l’absence de quantification du nombre de clients pour lesquels DHL ne serait pas une solution de remplacement viable au détriment d’elle-même et de TNT.

309    Enfin, aux considérants 708 à 711 de la décision litigieuse, la Commission a réfuté certains arguments additionnels avancés par UPS en réponse à la communication des griefs concernant l’analyse de la proximité de la concurrence. UPS soutenait en effet ne pas être un proche concurrent de TNT, les deux entreprises ayant des profils fondamentalement différents. Elle reprochait à la Commission d’avoir suivi une approche binaire (« in » ou « out ») et de s’être focalisée uniquement sur le segment long-courrier du marché.

310    UPS critique l’évaluation portée par la Commission sur les réponses aux questionnaires relatifs aux marchés bulgare, tchèque, danois et maltais. Cependant, quand bien même ces erreurs seraient-elles établies, il suffit de constater, sur la base de l’ensemble des éléments de la décision litigieuse qui viennent d’être rappelés, que les questionnaires de marché ne constituent que l’un des éléments sur lesquels s’est appuyée la Commission. Or, si les enquêtes de ce type permettent de cerner la perception qu’ont les consommateurs ou les producteurs de leurs positions respectives et de collecter des données à cet égard, leur utilité réside dans le fait qu’elles permettent de compléter et d’améliorer la compréhension d’éléments objectifs tels que les parts de marchés, la densité des réseaux ou la structure de l’offre, sans pour autant se substituer à ces éléments. Dans ces conditions, à supposer même qu’une erreur d’appréciation puisse être établie dans l’analyse des réponses aux questionnaires concernant ces quatre marchés, une telle erreur n’est en toute hypothèse pas de nature à remettre en cause les autres éléments sur la base desquels la Commission a conclu que FedEx n’était pas un concurrent proche d’UPS, de TNT et de DHL, éléments qu’UPS n’a d’ailleurs pas contestés.

311    Aucun des arguments invoqués par UPS dans le cadre du présent recours ne permet donc d’infirmer la validité de l’appréciation de la proximité concurrentielle de FedEx.

ii)    Sur les projets d’expansion de FedEx

312    UPS conteste les motifs par lesquels la Commission a estimé qu’il était peu probable que FedEx se développât en Europe de manière à contrecarrer les effets de la concentration entre elle-même et TNT tendant à créer une entrave significative à une concurrence effective dans quinze États membres. UPS expose plus en détail ses arguments relatifs à chacun des six points repris ci-après sur le rôle de FedEx.

–       Sur la progression de FedEx en Europe

313    De l’avis d’UPS, il était erroné pour la Commission d’affirmer, au considérant 611 de la décision litigieuse, que les projets d’expansion de FedEx en Europe étaient en recul. Cette appréciation serait directement contredite par les déclarations des dirigeants de FedEx du 19 juin 2012 et des 9 et 10 octobre 2012, selon lesquelles FedEx s’attendait à retirer près de 75 % des 350 millions de dollars des États-Unis (USD) de bénéfices supplémentaires de ses activités internationales dès la fin de l’exercice 2015. UPS insiste sur le fait qu’il convient d’accorder une importance particulière à de telles déclarations publiques en raison de la réglementation des États-Unis applicable aux valeurs mobilières.

314    Il est vrai que des déclarations de dirigeants d’entreprises destinées aux investisseurs peuvent constituer des indices pertinents pour l’appréciation des effets d’un projet de concentration. Toutefois, la circonstance que ces déclarations entrent dans le champ d’application d’une réglementation relative aux valeurs mobilières qui vise, notamment, à en assurer l’exactitude, le cas échéant sous peine de sanctions, ne signifie pas pour autant que la Commission soit tenue, du fait de cette réglementation, de présumer l’exactitude ou la crédibilité de telles déclarations. Comme tout autre élément pertinent, il incombe en effet à la Commission de procéder avec toute la diligence requise pour examiner la pertinence, mais aussi la crédibilité et la vérifiabilité de telles déclarations aux fins de la procédure de contrôle.

315    Or, en l’espèce, il ressort du dossier que la Commission a pris connaissance de propos de dirigeants de FedEx qui, s’adressant aux investisseurs, avaient décrit l’avancement et les projections relatives aux plans d’expansion dans des termes plus optimistes que ceux utilisés jusqu’alors dans le cadre de la procédure relative à la fusion entre UPS et TNT. Compte tenu de cette dissonance dénoncée par UPS, la Commission a demandé des renseignements complémentaires à FedEx, notamment sur les déclarations d’octobre 2012 (documents portant les références ID 7399 et 7400), demande à laquelle cette dernière s’est conformée (document portant la référence ID 7418). La Commission a donné à UPS un accès restreint à cette réponse confidentielle lors de la procédure de salle d’information qui s’est déroulée les 26 et 29 octobre 2012.

316    La Commission a poursuivi ses investigations en demandant à FedEx, le 16 novembre 2012, des informations complémentaires (demande portant la référence Q30) sur les modifications apportées aux projets d’expansion ainsi que le dernier rapport sur l’état d’avancement de ces projets présentés à la direction. Dans sa réponse du 19 novembre 2012, FedEx a confirmé que ses objectifs initiaux ne seraient pas atteints, en raison, d’une part, du fait qu’ils reposaient sur des hypothèses qui s’étaient révélées exagérément optimistes et, d’autre part, d’une détérioration de ses résultats et des conditions économiques.

317    Force est de constater qu’il ressort de cette réponse que FedEx a révisé à la baisse ses objectifs de parts de marché et de chiffre d’affaires pour le marché des services intra-EEE. Il s’ensuit que les propos imputés à FedEx au considérant 611 de la décision litigieuse correspondent exactement aux termes figurant dans la réponse de FedEx du 19 novembre 2012, à laquelle UPS a eu accès, sous forme non confidentielle, au stade de l’exposé des faits.

318    Il convient également de relever que les déclarations des dirigeants de FedEx invoquées par UPS portaient, non sur le marché pertinent, mais sur l’ensemble des activités de FedEx à l’exception des États-Unis. Contrairement à ce que prétend UPS, ces déclarations tenues par les dirigeants de FedEx dans le cadre de leurs rencontres périodiques avec les investisseurs ne contredisent, ni n’infirment la valeur probante des éléments recueillis par la Commission et qui tendent à démontrer les difficultés rencontrées par FedEx dans la mise en œuvre de son plan d’expansion organique.

319    L’argumentation d’UPS n’est donc pas fondée et doit être rejetée.

–       Sur l’écart de coûts entre FedEx et ses concurrents

320    UPS reproche à la Commission d’avoir considéré, au considérant 545 de la décision litigieuse, que les coûts d’enlèvement et de livraison de FedEx empêchaient cette dernière, à moyen terme, d’être compétitive par rapport à elle. Cette dernière soutient que :

–        la Commission s’est bornée à suivre les affirmations de FedEx sans examiner les éléments de preuves sous-jacents ;

–        les coûts d’enlèvement et de livraison ne représentant qu’une fraction des coûts pertinents à l’intérieur de l’EEE, il n’y avait aucune raison logique de les examiner séparément alors même que les coûts de transport aérien de FedEx, par exemple, sont probablement plus proches des siens ;

–        l’écart des coûts invoqué par la Commission serait contredit par l’existence de quatorze marchés nationaux sans entrave significative à une concurrence effective.

321    Toutefois, il convient de rappeler que, au considérant 545 de la décision litigieuse, la Commission a constaté que FedEx, dans le cadre de son plan d’expansion organique de 2011, a commencé à investir dans de nouvelles infrastructures telles que des centres de tri, afin d’accroître sa capacité totale et de parvenir à une couverture géographique et une densité de réseau lui permettant de baisser ses coûts. En dépit de ces investissements, il ressort de la réponse de FedEx du 19 novembre 2012 que celle-ci s’attendait à ce que ses coûts d’enlèvement et de livraison demeurent largement supérieurs à ceux de ses concurrents.

322    Contrairement à ce qu’affirme UPS, il ressort de la décision litigieuse que l’analyse de la Commission repose sur un faisceau d’éléments permettant de corroborer la différence de coûts de traitement par unité entre FedEx et ses concurrents qui peut naturellement être induite de la faiblesse relative de la couverture et de la densité de son réseau. La Commission s’est ainsi appuyée sur des documents internes de FedEx fournis en annexe à sa réponse du 19 novembre 2012. Ainsi qu’il ressort des considérants 535 et 536 de la décision litigieuse, la Commission s’est également appuyée sur des bases de données internes relatives aux offres commerciales émises par FedEx ainsi que sur les appels d’offres auxquels elle a répondu, ces bases de données permettant d’apprécier la compétitivité des prix de FedEx par rapport à ceux de ses concurrents.

323    Compte tenu des différences objectives de nature et de fonction entre ces deux types de réseaux, il n’apparaît pas illogique pour la Commission de s’être ainsi focalisée sur le réseau PUD plutôt que sur le réseau aérien pour mettre en lumière les différences de compétitivité entre FedEx et ses concurrents. Le fait qu’UPS souligne que ses coûts de transport aérien sont probablement proches de ceux de FedEx tend d’ailleurs à conforter cette analyse.

324    Enfin, force est de constater que la question de l’écart des coûts entre FedEx et ses concurrents ne constitue que l’un des facteurs permettant d’évaluer la capacité et les incitations de cette entreprise à répondre à une augmentation de prix par l’entité résultant de la fusion entre UPS et TNT. Cet écart n’est pas une cause directe de la constatation d’une entrave significative, mais un indice qui permet d’évaluer pourquoi il était peu probable que FedEx se développerait en Europe de manière à contrecarrer les effets de la concentration entre UPS et TNT dans une courte période. Partant, l’argument d’UPS consistant à faire valoir que l’analyse des coûts d’enlèvement et de livraison de FedEx serait contredite par l’existence de quatorze marchés nationaux sans entrave significative à une concurrence effective repose donc sur une prémisse erronée.

325    Il y a lieu, dès lors, de rejeter l’argumentation d’UPS.

–       Sur la croissance prévue en volume de FedEx

326    UPS reproche à la Commission de s’être contentée, au considérant 614 de la décision litigieuse, d’écarter les prévisions de croissance de FedEx, au motif qu’il était difficile de prévoir avec certitude si la stratégie de développement de cette dernière allait réussir, sans avoir analysé en profondeur les chances de succès de cette stratégie.

327    Toutefois, cet argument d’UPS repose sur une lecture erronée de la décision litigieuse. Ainsi qu’il a été précédemment exposé s’agissant de la progression de Fedex en Europe et de l’écart de coûts entre Fedex et ses concurrents, la Commission a procédé à une analyse approfondie des effets probables de l’exécution du plan d’expansion de FedEx ainsi que des incitations de FedEx à poursuivre, voire à accélérer, ses plans d’expansion à la suite de la concentration entre UPS et TNT, sur la base des documents de FedEx auxquels UPS aurait pu avoir accès ou auxquels elle a effectivement eu accès au cours de la procédure administrative, ne serait-ce que sous forme restreinte.

328    Cet argument doit donc être rejeté.

–       Sur les pays non ciblés par FedEx dans la première phase de ses projets d’expansion

329    UPS critique la Commission pour avoir constaté, au considérant 613 de la décision litigieuse, que FedEx avait décidé de ne pas inclure dans sa première phase d’expansion certains pays (comme la Bulgarie, par exemple), faute d’infrastructures suffisamment développées. En l’absence de tout élément de preuve vérifiable et faute d’avoir permis à UPS de se prononcer pendant la procédure administrative sur cette « première phase », cette analyse n’aurait pas dû être incluse dans la décision litigieuse.

330    Par cette argumentation, UPS se borne à critiquer les éléments factuels mentionnés au point 613 de la décision litigieuse, au motif qu’elle repose sur des éléments de preuve auxquels elle prétend ne pas avoir eu intégralement accès. Toutefois, ces éléments relatifs aux différentes phases du plan d’expansion de FedEx ont été communiqués à UPS dans l’exposé des faits ainsi que sous forme de tableaux annexés à celui-ci. Il est vrai que la plupart des informations chiffrées ont été expurgées en raison de leur nature confidentielle. Cependant, certaines d’entre elles ont été remplacées par des indications sous forme d’écart de valeurs permettant ainsi de disposer d’un ordre de grandeur. L’exposé des faits indiquait ainsi que Fedex n’avait aucun projet d’ouverture de nouveaux centres de tri en Bulgarie dans les deux prochaines années, ni d’augmentation de sa capacité de traitement.

331    La Commission a ajouté que les plans de Fedex étaient désormais réduits par rapport aux plans originaux et a fourni des indications chiffrées à cet égard. Bien que fournies sous forme d’écarts, ces données sont suffisamment précises pour permettre à UPS d’en saisir la portée. Pour le reste, l’argumentation d’UPS n’est étayée par aucun élément de droit ou de fait permettant de considérer que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. Dans ces conditions, l’argumentation d’UPS doit être rejetée.

–       Sur les destinations couvertes par FedEx

332    UPS conteste l’appréciation par laquelle la Commission, au considérant 1008 de la décision litigieuse, a estimé que, en raison du faible nombre de destinations couvertes par FedEx, cette dernière n’était pas susceptible d’exercer une pression concurrentielle significative sur l’entité issue de la concentration entre UPS et TNT. Cette appréciation serait erronée. La Commission aurait omis de prendre en compte les plans de FedEx, qui entendait couvrir, dès 2015, plus d’adresses commerciales dans l’EEE qu’elle.

333    Toutefois, force est de constater que l’argumentation d’UPS se limite à dénoncer l’existence d’une erreur d’appréciation affectant « notamment » le considérant 1008 de la décision litigieuse sans pour autant indiquer quels autres considérants seraient également viciés en raison de cette erreur. Abstraction faite de cette imprécision, UPS n’avance aucun élément de fait ou de droit visant à démontrer que le considérant 1008 de la décision litigieuse serait entachée d’une erreur permettant de considérer que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée susceptible d’engager la responsabilité de l’Union. Il y a lieu, dès lors, de rejeter cette argumentation.

–       Sur l’analyse par pays

334    UPS estime que l’analyse par pays effectuée par la Commission, à la section 7.11 de la décision litigieuse, ne permet pas de conclure à une absence de pression concurrentielle efficace de la part de FedEx dans un pays particulier. La Commission se serait limitée à quelques observations insuffisamment motivées en raison de leur caractère vague ou superficiel et, en tout état de cause, erroné. À titre d’exemple, UPS invoque l’analyse de la Suède, pour laquelle l’appréciation contenue dans la décision litigieuse serait contredite par le fait que, selon toutes les projections disponibles à l’époque, FedEx comptait atteindre, en 2015, un taux de couverture et une part de marché supérieure ou égale à celle de TNT.

335    Force est toutefois de constater que, contrairement à ce que prétend UPS, la section 7.11 de la décision litigieuse contient une analyse détaillée et circonstanciée de l’ensemble des éléments pertinents sur la base desquels la Commission a pu conclure à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective. L’exemple des projections avancées par FedEx s’agissant du marché suédois, qu’UPS invoque, ne peut, en tout état de cause, infirmer le constat effectué par la Commission sur une pluralité de marchés nationaux quant à la faiblesse relative de la pression concurrentielle exercée par FedEx par rapport à DHL et à une entité constituée d’UPS et de TNT. L’argumentation d’UPS se limite à une critique vague et générale de cette analyse. En l’absence de tout élément de fait ou de droit permettant de considérer que cette analyse est viciée de sorte à pouvoir considérer que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée susceptible d’engager la responsabilité de l’Union, cette argumentation doit être rejetée.

d)      Sur les conclusions sur les illégalités alléguées

336    Il ressort de ce qui précède que, parmi l’ensemble des illégalités alléguées, seule celle relative à l’absence de communication du modèle économétrique est suffisamment caractérisée pour pouvoir engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

3.      Sur le lien de causalité

337    UPS soutient, en substance, que la Commission n’aurait pas pu interdire l’opération projetée. Après le rachat de TNT par FedEx, UPS prétend qu’elle ne pouvait plus notifier cette opération. Aux fins du présent recours, il lui incomberait de prouver que le dossier administratif ne permettait pas à la Commission de déclarer incompatible l’opération entre elle et TNT. Exiger qu’elle démontre que la Commission aurait adopté une décision de compatibilité reviendrait à lui imposer la charge d’une preuve impossible.

338    UPS estime avoir droit à la réparation de l’intégralité du préjudice subi en raison de l’adoption de la décision litigieuse. Cette réparation couvrirait les coûts qu’elle n’aurait pas supportés si cette décision n’avait pas été adoptée ainsi que le manque à gagner qui en résulte et dont elle estime le montant à 1 638 millions d’euros, après impôts, correspondant à la valeur nette des synergies de l’opération projetée.

339    UPS affirme qu’elle était contractuellement tenue d’indemniser TNT au titre d’une clause de rupture, courante dans la vie des affaires. UPS rappelle que son offre d’achat n’a pas pu être mise en œuvre, car la condition suspensive tenant à l’autorisation de cette opération de concentration par la Commission n’était pas satisfaite. En conséquence, elle aurait dû verser à TNT une indemnité de rupture de 200 millions d’euros, pour un coût net, après impôts, de 131 millions d’euros. De plus, il conviendrait de déduire de la valeur du préjudice allégué 29 millions d’euros, au titre de frais d’opération évités.

340    UPS prétend avoir exposé 3 708 813,61 euros de frais juridiques pour son intervention dans la procédure de contrôle de l’opération de concentration entre FedEx et TNT, soit une perte après impôts de 2,4 millions d’euros.

341    Il convient de rappeler que la condition relative au lien de causalité posée à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE porte sur l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement des institutions de l’Union et le dommage, lien dont il appartient au requérant d’apporter la preuve, de telle sorte que le comportement reproché doit être la cause déterminante du préjudice (arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 52).

342    En l’occurrence, UPS allègue trois préjudices distincts dont elle demande réparation du fait de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération projetée, à savoir, premièrement, les frais liés à sa participation à la procédure de contrôle de l’opération entre FedEx et TNT, deuxièmement, le paiement à TNT d’une indemnité contractuelle de rupture et, troisièmement, le manque à gagner subi. UPS soutient, en substance, que les illégalités dont elle a allégué l’existence constituent la cause directe de ces trois préjudices.

343    S’agissant, tout d’abord, de la participation d’UPS à la procédure de contrôle de la concentration entre FedEx et TNT, celle-ci résulte manifestement de son libre choix. Il ne s’agit pas d’une conséquence directe de la décision litigieuse, ni, à plus forte raison, de la violation de ses droits procéduraux. Dès lors, ni la violation de ses droits procéduraux ni les autres violations qu’elle allègue ne sauraient être considérées comme étant la cause déterminante du préjudice matérialisé par les frais exposés lors de sa participation à la procédure concernant l’opération entre FedEx et TNT. Il convient donc de rejeter la demande de réparation de ce préjudice.

344    S’agissant, ensuite, de l’indemnité de rupture, il est constant que le paiement de cette indemnité trouve son origine dans une obligation contractuelle résultant des termes de l’accord de fusion entre UPS et TNT du 19 mars 2012 (annexe C.3 de la réplique).

345    Il apparaît en effet que cet accord prévoyait (clause contenue au point 4.3.b de l’accord) que l’offre publique d’achat d’UPS sur les titres de TNT était conclue sous la condition suspensive d’une décision positive de la Commission. Si cette condition n’était pas satisfaite, UPS avait la charge de l’annoncer. La non-réalisation de cette condition suspensive constituait également une cause de résiliation de l’accord de fusion (clause contenue au point 15.1.c de l’accord), permettant à TNT d’obtenir, à première demande, le paiement par UPS d’une indemnité de rupture de 200 millions d’euros (clause contenue au point 16 de l’accord) après avoir notifié à celle-ci la résiliation de cet accord.

346    Cet engagement contractuel résulte de la volonté des parties de répartir entre elles, selon leur libre appréciation, le risque que l’opération projetée n’obtienne pas l’approbation préalable de la Commission, risque dont la Cour a rappelé qu’il était inhérent à toute procédure de contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 203).

347    Or, il a déjà été jugé que les conséquences dommageables d’engagements contractuels librement consentis par le destinataire d’une décision de la Commission ne peuvent constituer la cause déterminante du préjudice subi du fait d’illégalités entachant cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 205).

348    De même, lorsqu’une décision imposant le paiement d’une amende est assortie de la faculté de constituer une caution destinée à garantir ce paiement et les intérêts de retard, en attendant l’issue d’un recours formé contre cette décision, le préjudice consistant dans les frais de garantie résulte non pas de ladite décision, mais du propre choix de l’intéressé de constituer une garantie plutôt que d’exécuter immédiatement l’obligation de remboursement. Dans ces conditions, la Cour a établi qu’il n’existait aucun lien causal direct entre le comportement reproché à la Commission et le préjudice allégué [voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2013, Inalca et Cremonini/Commission C‑460/09 P, EU:C:2013:111, points 118 et 120 ; du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T‑28/03, EU:T:2005:139, point 123, et ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 38].

349    Cette solution est applicable lorsque, dans des circonstances analogues, le préjudice allégué résulte non pas de la constitution, mais du maintien d’une garantie bancaire, un tel préjudice résultant du propre choix de l’entreprise de ne pas mettre un terme à cette garantie en dépit des conséquences financières que cela impliquait (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 59).

350    Le paiement par UPS d’une indemnité de rupture de 200 millions d’euros au bénéfice de TNT découlant directement de l’accord entre ces deux entreprises, il n’est pas établi que la violation des droits procéduraux d’UPS ou les autres violations alléguées par cette dernière en sont la cause déterminante. Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation de ce préjudice.

351    S’agissant, enfin, du préjudice tenant au manque à gagner subi en raison de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération projetée, à la suite des questions écrites et orales du Tribunal, UPS précise que ce préjudice correspond à la valeur nette des synergies qu’elle espérait réaliser au moyen de cette opération ou, du moins, à la perte d’une chance de réaliser de telles synergies.

352    La Commission conteste la recevabilité de l’argumentation tirée de la perte d’une chance et soutient que la requête n’était pas fondée sur une telle allégation, mais sur la certitude d’avoir été privée des gains qui devaient résulter des synergies attendues.

353    Ainsi que cela ressort de la requête, la requérante fait valoir que, en l’absence d’une ou de plusieurs des violations alléguées, elle aurait acquis TNT et aurait concrétisé les avantages découlant de l’opération. Elle invoque, ainsi, un préjudice correspondant à un montant de 1 638 millions d’euros « reflétant la valeur nette après impôts des synergies de coûts perdues à la suite de l’interdiction de l’opération ». La demande en indemnité de la requérante est ainsi fondée sur la conviction que les illégalités dont est entachée la décision attaquée l’ont empêchée d’acquérir TNT dans le cadre de l’opération de concentration en cause. Une telle demande doit être interprétée comme ayant pour objet non l’indemnisation d’une perte de chance de conclure ladite transaction, mais l’indemnisation de la perte certaine de synergies de coûts. Cela n’est pas remis en cause par le fait que, en réponse à des questions du Tribunal, la requérante a indiqué que la demande en indemnité incluait, d’une certaine manière, une perte de chance. En effet, ce nouveau chef de préjudice a été présenté tardivement et est, par conséquent, irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, point 210).

354    S’agissant du préjudice matériel lié au manque à gagner dont UPS demande à être indemnisée, la question déterminante est celle de savoir si la violation des droits procéduraux d’UPS constitue la cause de ce préjudice.

355    Or, il ne saurait être présumé que, en l’absence de la violation des droits procéduraux d’UPS, l’opération de concentration aurait été déclarée compatible. En effet, l’analyse du lien de causalité ne peut partir de la prémisse incorrecte selon laquelle, en l’absence de l’acte illégal, l’institution se serait abstenue d’agir ou aurait adopté un acte contraire, ce qui pourrait également être de sa part un comportement illégal, mais doit procéder par comparaison entre la situation générée, pour le tiers concerné, par l’action fautive et la situation qui serait résultée pour lui d’un comportement de l’institution respectueux de la règle de droit (arrêt du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, point 264).

356    Ainsi, le fait que la non-communication du modèle économétrique a entraîné l’annulation de la décision litigieuse ne signifie pas que, en l’absence de cette irrégularité, la Commission aurait été tenue de déclarer l’opération entre UPS et TNT compatible avec le marché intérieur.

357    Il convient, en présence d’une violation des droits de la défense affectant une décision déclarant une fusion d’entreprise incompatible avec le marché intérieur, non de postuler que, en l’absence de cette violation, l’opération notifiée aurait été déclarée compatible de façon explicite ou implicite, mais d’apprécier les effets que le vice identifié a pu avoir sur le sens de la décision. Il y a donc lieu, pour statuer sur l’existence d’un lien de causalité suffisant entre le manquement identifié et le préjudice allégué, d’apprécier l’impact des violations des droits de la défense sur la suite de la procédure de contrôle de l’opération (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, points 266 et 268).

358    En l’occurrence, si les erreurs de conception alléguées à l’égard du modèle économétrique retenu ont pu contribuer à affaiblir sa valeur probante, la requérante n’a ni démontré ni fourni les éléments qui permettraient au Tribunal de conclure, avec la certitude requise, que ces erreurs suffisaient à invalider l’intégralité de l’analyse économique de l’opération entre UPS et TNT et le constat d’une entrave significative à une concurrence effective. En outre, ainsi qu’il résulte des points 216 à 226 ci-dessus, la décision de la Commission de ne pas autoriser la concentration projetée est fondée sur l’analyse économique de plusieurs éléments, et non seulement sur celle effectuée à partir du modèle économétrique utilisé. Il ne saurait donc être conclu que cette violation des droits de la défense a eu un impact décisif sur l’issue de la procédure de contrôle de l’opération projetée.

359    Outre les considérations qui précèdent, il importe de rappeler qu’une décision d’incompatibilité demeure en toute hypothèse soumise au contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 203).

360    L’article 10, paragraphe 5, du règlement no 139/2004 prévoit, en cas d’annulation judiciaire d’une décision de la Commission, que cette dernière réexamine la concentration en vue d’adopter une décision en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement. Ce mécanisme garantit ainsi à l’entreprise ayant notifié une concentration d’obtenir, en exécution de la décision juridictionnelle, une nouvelle appréciation de la concentration notifiée, cette opération ne pouvant, en tout état de cause, être mise en œuvre sans le contrôle préalable de la Commission.

361    Si l’entreprise ayant notifié une concentration renonce à la concentration sans attendre une nouvelle décision de la Commission au terme de la procédure de reprise, cette renonciation est la cause directe de l’abandon de l’opération et des conséquences matérielles qui peuvent en découler. Telle était la situation à l’origine de l’arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C‑440/07 P, EU:C:2009:459). Dans cette affaire, l’entreprise ayant notifié une concentration a préféré, après avoir obtenu l’annulation par le Tribunal de la décision d’incompatibilité, abandonner la concentration projetée, avant que la procédure de reprise ne soit conduite à son terme. Il a ainsi été jugé que la cause directe du préjudice invoqué tenant à la moins-value de cession subie après l’annulation d’une décision négative et d’une décision de séparation était la décision de l’entreprise ayant notifié une concentration de laisser la cession en question devenir effective par crainte de ne pas obtenir, dans le cadre de la reprise de la procédure, une décision constatant la compatibilité de l’opération de concentration (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, points 202 à 205).

362    En l’espèce, en vertu de l’article 10, paragraphe 5, du règlement no 139/2004, la Commission aurait dû, après l’annulation de la décision litigieuse, reprendre la procédure de contrôle de l’opération entre UPS et TNT et, en exécution de l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), communiquer à UPS le modèle économétrique qu’elle entendait utiliser afin de quantifier l’effet prévisible de la concentration sur les prix. Encore fallait-il que la Commission fût toujours compétente pour contrôler l’opération notifiée. En effet, en l’absence d’opération de concentration, elle ne dispose pas de la compétence pour adopter une décision au titre du règlement no 139/2004 (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, EU:T:2004:275, point 96).

363    Or, l’accord de fusion imposait à UPS non seulement d’annoncer une décision négative de la Commission faisant obstacle à la réalisation de la condition suspensive à laquelle l’offre d’achat était soumise, mais, en outre, cet accord (clause contenue au point 2.10.b de l’accord) prévoyait dans une telle hypothèse qu’UPS pouvait, selon sa seule discrétion et sous réserve de l’accord de l’autorité néerlandaise des marchés financiers, étendre son offre initiale pour une ou plusieurs périodes d’une durée que les parties estimaient raisonnablement nécessaire pour que la condition suspensive d’une déclaration de compatibilité par la Commission fût satisfaite. L’accord de fusion donnait ainsi à UPS la faculté de proroger son offre sur TNT dans l’éventualité d’une déclaration d’incompatibilité, et ce à sa seule discrétion.

364    UPS a annoncé, par communiqué de presse du 14 janvier 2013, avoir été informée par la Commission de l’intention de cette dernière d’interdire l’opération projetée. Dans son communiqué de presse, UPS rapportait les propos de son principal dirigeant, indiquant de manière univoque qu’elle avait pris la décision d’abandonner l’opération projetée. Après l’adoption de la décision litigieuse, UPS a, par un second communiqué de presse du 30 janvier 2013, annoncé, d’une part, le retrait de son offre sur TNT et, d’autre part, que les deux entreprises avaient décidé de mettre fin à leur accord de fusion.

365    Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu’UPS a renoncé à acquérir TNT dès le 14 janvier 2013, soit plus de deux ans avant que FedEx n’annonce son offre d’achat sur TNT. Les faits démontrent également qu’UPS n’est jamais revenue sur cette renonciation. UPS n’a pas déposé une nouvelle offre sur TNT après la décision litigieuse, ni réagi à celle de FedEx en lançant une offre concurrente. Ainsi, à supposer même que l’irrégularité commise par la Commission lors de l’adoption de la décision litigieuse ait pu causer un manque à gagner à UPS, le fait pour cette entreprise d’avoir renoncé à l’opération projetée dès l’annonce de la décision litigieuse a eu pour effet de rompre tout lien de causalité direct entre cette irrégularité et le préjudice allégué.

366    UPS soutient cependant que, lorsque le Tribunal a annulé la décision litigieuse, il était trop tard pour lancer une nouvelle offre, FedEx ayant entre temps acquis TNT. Elle estime que la procédure juridictionnelle n’est pas adaptée à l’examen des décisions en matière de contrôle de concentration.

367    Toutefois, la circonstance que l’annulation de la décision litigieuse est intervenue postérieurement à l’acquisition de TNT par FedEx n’a aucune incidence sur le prétendu lien de causalité entre l’illégalité procédurale constatée et le préjudice allégué. Outre le fait qu’UPS a abandonné son projet d’acquisition de TNT plus de deux ans avant que FedEx n’annonce son offre sur TNT et n’a, à aucun moment, présenté une offre concurrente, il y a lieu de souligner que, eu égard au caractère autonome de l’action en indemnité, UPS n’était nullement tenue d’introduire au préalable un recours en annulation.

368    Par ailleurs, au cours de l’audience, UPS a fait valoir qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de poursuivre l’opération de concentration avec TNT après le refus de la Commission, compte tenu de la réglementation néerlandaise en matière d’offres publiques d’acquisition. Toutefois, il convient de relever que l’argumentation d’UPS sur ce point n’est pas étayée, UPS n’ayant fourni aucun texte de loi nationale à l’appui de celle-ci, et ne permet pas, dès lors, de conclure à une contrainte, indépendante de sa volonté, d’abandonner l’opération de concentration avec TNT.

369    Quant aux critiques formées par UPS à l’encontre du système juridictionnel de l’Union en général et de l’effectivité des voies de recours en matière de contrôle des concentrations en particulier, elles ne s’appuient sur aucune argumentation juridique. Pour autant que ces critiques puissent être comprises comme visant à contester la légalité du système des voies de recours organisé par le traité FUE, au motif qu’il ne permettrait pas de lui assurer une protection juridictionnelle effective au sens de l’article 47 de la Charte, il suffit de rappeler que la circonstance que la requérante ne soit pas en mesure d’établir l’existence d’un comportement illégal de la part des institutions de l’Union, d’un préjudice allégué et d’un lien de causalité entre un tel comportement et un tel préjudice ne signifie pas qu’elle a été privée d’une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 84).

370    Au demeurant, il n’appartient qu’aux États membres de réformer le système des voies de recours établi par le traité, un tel pouvoir excédant les compétences attribuées par le traité aux juridictions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, points 44 et 45, et ordonnance du 24 novembre 2016, Petraitis/Commission, C‑137/16 P, non publiée, EU:C:2016:904, point 24).

371    Il découle de ces éléments qu’il n’est pas établi que la violation des droits procéduraux d’UPS ou les autres violations alléguées par cette dernière soient la cause déterminante de son prétendu manque à gagner. Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation de ce préjudice.

372    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

373    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Selon l’article 135, paragraphe 2, du même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

374    Selon la jurisprudence, il y a lieu de faire application de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure lorsqu’une institution ou un organisme de l’Union a favorisé, par son comportement, la naissance du litige [arrêts du 8 juillet 2015, European Dynamics Luxembourg e.a./Commission, T‑536/11, EU:T:2015:476, point 391 (non publié), et du 23 avril 2018, CRM/Commission, T‑43/15, non publié, EU:T:2018:208, point 105]. En l’espèce, en omettant de communiquer la version finale du modèle économétrique retenu à l’appui de la décision litigieuse, la Commission a placé UPS dans une situation ne lui permettant pas de comprendre la méthodologie sur laquelle elle s’est appuyée pour quantifier les effets prévisibles de la concentration projetée sur le niveau des prix. Après avoir obtenu l’annulation de la décision litigieuse, UPS a introduit le présent recours afin d’obtenir réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi. UPS, bien qu’ayant succombé, est toutefois parvenue à démontrer que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée de ses droits procéduraux. Dans ces circonstances, il y a lieu, en application de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, de condamner la Commission à supporter ses propres dépens ainsi qu’un tiers des dépens exposés par UPS et de condamner UPS à supporter les deux tiers de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi qu’un tiers des dépens exposés par United Parcel Service, Inc.

3)      United Parcel Service est condamnée à supporter les deux tiers de ses propres dépens.

Papasavvas

da Silva Passos

Reine

Truchot

 

      Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 février 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité de certains moyens, arguments et éléments de preuve

1. Sur le caractère confus de l’argumentation d’UPS

2. Sur la violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure

a) Sur la recevabilité de l’argumentation d’UPS sur la violation des droits procéduraux

b) Sur la recevabilité de l’argumentation d’UPS sur l’erreur d’appréciation des effets de la concentration sur les prix

1) Sur les points 34 à 37 de la requête

2) Sur le renvoi à l’annexe A.12 de la requête

3) Sur le renvoi aux annexes A.8 et A.9 de la requête ainsi qu’aux annexes C.1 et C.2 de la réplique

4) Sur le point 84 de la requête

c) Sur la recevabilité de l’argumentation d’UPS relative à l’erreur d’appréciation des gains d’efficacité

1) Sur le point 46 de la requête

2) Sur le renvoi à l’annexe C.6 de la réplique

3) Sur le renvoi aux annexes C.7 et C.37 de la réplique

3. Sur la violation de l’article 85 du règlement de procédure

a) Sur la recevabilité des annexes C.6, C.7 et C.37 de la réplique

b) Sur la recevabilité des rapports de l’expert en économétrie produits par la Commission

B. Sur le fond

1. Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

2. Sur les illégalités alléguées

a) Sur la violation des droits procéduraux d’UPS

1) Sur l’absence de communication du modèle économétrique retenu

2) Sur l’absence de communication des critères d’évaluation des gains d’efficacité

3) Sur l’absence de communication de certains documents confidentiels de FedEx

i) Sur l’accès aux 484 documents confidentiels internes de FedEx versés au dossier le 10 août 2012

ii) Sur l’accès aux documents transmis par FedEx les 9 et 15 novembre 2012

b) Sur la violation de l’obligation de motivation

c) Sur les erreurs d’appréciation de l’opération projetée

1) Sur l’analyse des effets de la concentration sur les prix

i) Sur l’absence de prise en considération de certaines données de FedEx

ii) Sur les erreurs de conception du modèle économétrique de la Commission

2) Sur les gains d’efficacité

i) Observations liminaires

ii) Sur l’évaluation des gains d’efficacité allégués par UPS

– Sur le réseau aérien et assistance en escale en Europe (quatrième année)

– Sur les coûts administratifs

– Sur le transport aérien transatlantique

– Sur le transport pour compte d’autrui

– Sur le transport routier de lignes en réseau

– Sur les installations

– Sur le réseau PUD

– Sur les prestataires de services externes

3) Sur la disparité de traitement par rapport à l’opération entre FedEx et TNT

4) Sur la situation de FedEx

i) Sur la proximité concurrentielle de FedEx et d’UPS

ii) Sur les projets d’expansion de FedEx

– Sur la progression de FedEx en Europe

– Sur l’écart de coûts entre FedEx et ses concurrents

– Sur la croissance prévue en volume de FedEx

– Sur les pays non ciblés par FedEx dans la première phase de ses projets d’expansion

– Sur les destinations couvertes par FedEx

– Sur l’analyse par pays

d) Sur les conclusions sur les illégalités alléguées

3. Sur le lien de causalité

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.