Language of document : ECLI:EU:T:2012:35

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

31 janvier 2012 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Règlement (CE) n° 881/2002 – Retrait de l’intéressé de la liste des personnes et entités concernées – Recours en annulation – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑527/09,

Chafiq Ayadi, demeurant à Dublin (Irlande), représenté initialement par MM. B. Emmerson, QC, S. Cox, barrister, et H. Miller, solicitor, puis par MM. E. Grieves, barrister, et Miller,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. E. Paasivirta, T. Scharf et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme E. Finnegan et M. R. Szostak, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 954/2009 de la Commission, du 13 octobre 2009, modifiant pour la cent quatorzième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban (JO L 269, p. 20), pour autant que cet acte concerne le requérant,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, F. Dehousse et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique et antécédents du litige

1        Pour un exposé détaillé des antécédents du litige ainsi que du cadre juridique qui leur était applicable, il est renvoyé, d’une part, aux points 3 à 23 de l’arrêt de la Cour du 3 décembre 2009, Hassan et Ayadi/Conseil et Commission (C‑399/06 P et C‑403/06 P, Rec. p. I‑11393, ci-après l’« arrêt Ayadi de la Cour »), rendu sur pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Ayadi/Conseil (T‑253/02, Rec. p. II‑2139, ci-après l’« arrêt Ayadi du Tribunal »), lequel s’était prononcé sur le recours en annulation introduit par le requérant, M. Chafiq Ayadi, contre le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9), pour autant que cet acte le concernait, et, d’autre part, aux points 1 à 49 de l’arrêt Ayadi du Tribunal.

2        Aux fins de la présente ordonnance, ces antécédents peuvent être résumés comme suit.

3        Le 26 août 2002, le requérant a saisi le Tribunal d’un recours visant à l’annulation du règlement n° 881/2002, pour autant que cet acte le concernait, aux motifs, notamment, que celui-ci violait les principes de proportionnalité et de respect des droits de l’homme.

4        Par son arrêt Ayadi, prononcé le 12 juillet 2006, le Tribunal a rejeté ce recours.

5        Le 22 septembre 2006, le requérant a formé un pourvoi contre l’arrêt Ayadi du Tribunal.

6        La Cour a prononcé son arrêt dans l’affaire Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, ci‑après l’« arrêt Kadi de la Cour ») le 3 septembre 2008.

7        En vue de permettre à la Commission européenne de se conformer à l’arrêt Kadi de la Cour, la présidence du Conseil de l’Union européenne a demandé au comité des sanctions établi par la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « comité des sanctions ») de lui fournir un résumé des motifs ayant présidé à l’inscription du requérant sur la liste de ce comité. À la suite de cette démarche, la Commission a envoyé une lettre au requérant, le 24 juin 2009, l’informant que le gel des ses fonds dans l’Union reposait sur les motifs précisés dans le résumé des motifs fourni par le comité des sanctions et joint à ladite lettre. Par lettre du 23 juillet 2009, le requérant a soumis des observations détaillées en réponse à la Commission.

8        Le 13 octobre 2009, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 954/2009, modifiant pour la cent quatorzième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 269, p. 20, ci-après le « règlement attaqué »). Par ce règlement, la mention concernant le nom du requérant, à l’annexe I du règlement n° 881/2002, a été confirmée.

9        Par son arrêt Ayadi, prononcé le 3 décembre 2009, la Cour a annulé l’arrêt Ayadi du Tribunal et a annulé le règlement n° 881/2002, dans la mesure où il visait le requérant, en se fondant essentiellement sur des motifs de droit tirés de son arrêt Kadi.

 Procédure

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 décembre 2009, le requérant a introduit une demande d’aide judiciaire au titre de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal, en vue d’introduire contre la Commission, au titre de l’article 263 TFUE, un recours visant à l’annulation partielle du règlement attaqué.

11      Par requête déposée au greffe le 6 avril 2010, le requérant a introduit le présent recours, qui vise à l’annulation du règlement attaqué, pour autant que celui-ci le concerne.

12      Par acte séparé, déposé au greffe le même jour, le requérant a introduit une demande visant à ce qu’il soit statué selon une procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure. La Commission entendue, cette demande a été rejetée par décision du Tribunal (septième chambre) du 18 mai 2010.

13      Par ordonnance du 6 juillet 2010, les parties entendues, le président de la septième chambre du Tribunal a admis l’intervention du Conseil au soutien des conclusions de la Commission.

14      Par règlement (UE) n° 663/2010 de la Commission, du 23 juillet 2010, modifiant pour la cent trente et unième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 193, p. 6), la mention du nom du requérant, telle qu’elle figure à l’annexe I du règlement n° 881/2002, a été modifiée. Les parties n’ont toutefois tiré aucun argument de cette modification, qui apparaît sans incidence sur la présente procédure.

15      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

16      Par ordonnance du 22 octobre 2010, la Commission entendue, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis le requérant au bénéfice de l’aide judiciaire.

17      Le 17 octobre 2011, le comité des sanctions a décidé de radier le nom du requérant de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques prévu par la résolution 1267 (1999).

18      Par le règlement d’exécution (UE) n° 1081/2011 de la Commission, du 25 octobre 2011, modifiant pour la cent soixantième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 280, p. 17), la mention du nom du requérant a dès lors été supprimée de la liste de l’annexe I du règlement n° 881/2002.

19      Par acte déposé au greffe le 27 octobre 2011, la Commission a demandé au Tribunal de déclarer que le présent recours était devenu sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer.

20      Dans ses observations écrites, déposées au greffe le 17 novembre 2011, le Conseil a soutenu cette demande.

21      Dans ses observations écrites, déposées au greffe le 21 novembre 2011, le requérant s’est, en revanche, opposé à ladite demande. Il fait plus particulièrement valoir que :

–        l’effet rétroactif à la date du 30 mai 2002, conféré au règlement attaqué par son article 2, n’a pas été effacé par le règlement n° 1081/2011 ;

–        il convient d’éviter la répétition des illégalités alléguées en l’espèce, sans qu’il puisse être présumé, à défaut de toute indication des motifs ayant présidé à la suppression de la mention de son nom dans la liste de l’annexe I du règlement n° 881/2002, que la mesure de gel des fonds attaquée par la voie du présent recours ne sera pas réintroduite à l’avenir ;

–        prononcer le non-lieu à statuer demandé reviendrait à accorder une impunité de fait à la Commission, celle-ci étant libre de se soustraire à sa guise à tout contrôle juridictionnel ;

–        il existe au contraire un intérêt public supérieur à ce que le règlement attaqué fasse l’objet d’un tel contrôle juridictionnel, dès lors qu’il a allégué, dans sa réplique, que cet acte avait été adopté sur la base d’informations arrachées sous la torture, en violation des normes impératives du droit international (jus cogens) ;

–        le présent recours porte également sur la question de savoir si la mise en œuvre du règlement attaqué lui a causé un préjudice, notamment sous la forme d’une atteinte portée à sa réputation, en violation de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ;

–        l’adoption du règlement n° 1081/2011 et l’abrogation concomitante du règlement attaqué ne sauraient être considérées comme équivalentes à l’annulation recherchée de ce dernier règlement, laquelle aurait pour effet de faire disparaître cet acte de l’ordre juridique de l’Union, comme s’il n’avait jamais existé (arrêt Ayadi de la Cour, points 53 à 65) ;

–        les ordonnances du Tribunal du 6 juillet 2011, SIR/Conseil (T‑142/11, non publiée au Recueil), et Petroci Holding/Conseil (T‑160/11, non publiée au Recueil), invoquées par la Commission, ne sont ni pertinentes ni constitutives d’un précédent valable en l’espèce ; il convient, au contraire, de se référer à l’arrêt du Tribunal du 3 avril 2008, PKK/Conseil (T‑229/02, non publié au Recueil, points 46, 47, 49 et 50), par lequel il aurait été jugé que le PKK conservait un intérêt à agir en annulation de la mesure de gel des fonds initialement attaquée dans cette affaire, malgré l’abrogation de cette mesure et son remplacement par d’autres mesures de gel des fonds en cours d’instance ;

–        une décision sur le bien-fondé du présent recours est également nécessaire pour lui permettre d’obtenir le remboursement de ses dépens, à moins que la Commission n’accepte de les prendre à sa charge.

Sur la demande de non-lieu à statuer

22      En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. Sauf décision contraire du Tribunal, la suite de la procédure est orale.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans ouvrir la phase orale de la procédure.

24      Selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, non encore publié au Recueil, points 42 et 43).

25      Or, si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celui-ci (arrêts Wunenburger/Commission, précité, point 43, et Ryanair/Commission, précité, point 44).

26      Selon une jurisprudence également constante, le retrait, ou l’abrogation dans certains circonstances, de l’acte attaqué par l’institution défenderesse fait disparaître l’objet du recours en annulation, dès lors qu’il aboutit, pour la partie requérante, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction (voir ordonnances du Tribunal du 28 mars 2006, Mediocurso/Commission, T‑451/04, non publiée au Recueil, point 26, et la jurisprudence citée, SIR/Conseil, précitée, point 18, et Petroci Holding/Conseil, précitée, point 15).

27      En l’espèce, la Commission a, par le règlement n° 1081/2011, procédé à la suppression de la mention du nom du requérant dans la liste figurant à l’annexe I du règlement n° 881/2002, alors que cette mention, initialement faite par ledit règlement n° 881/2002, avait été maintenue rétroactivement par le règlement attaqué, de sorte que les mesures restrictives qui en découlaient avaient continué de lui être applicables nonobstant l’annulation partielle du règlement n° 881/2002 par l’arrêt Ayadi de la Cour (voir point 61 dudit arrêt). Une telle suppression emporte abrogation du règlement attaqué, dans la mesure où cet acte concernait le requérant.

28      Cette abrogation aboutit, pour le requérant, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction, étant donné que, à la suite de l’adoption du règlement n° 1081/2011, il n’est plus soumis aux mesures restrictives qui lui faisaient grief.

29      Certes, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la partie requérante peut conserver un intérêt à voir annuler un acte abrogé en cours d’instance si l’annulation de cet acte est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (ordonnances du Tribunal du 14 mars 1997, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, T‑25/96, Rec. p. II‑363, point 16, et du 10 mars 2005, IMS Health/Commission, T‑184/01, Rec. p. II‑817, point 38).

30      En effet, dans le cas où un acte est annulé, l’institution dont émane l’acte est tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures qu’implique l’exécution de l’arrêt. Ces mesures n’ont pas trait à la disparition de l’acte en tant que telle de l’ordre juridique communautaire, puisque celle-ci résulte de l’essence même de l’annulation de l’acte par le juge. Elles concernent plutôt l’anéantissement des illégalités constatées dans l’arrêt d’annulation. C’est ainsi que l’institution concernée peut être amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation du requérant ou à éviter qu’un acte identique ne soit adopté (voir ordonnance Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, précitée, point 17, et la jurisprudence citée).

31      Toutefois, en l’espèce, il ne ressort pas du dossier, et le requérant n’a avancé aucun élément convaincant permettant de conclure que, à la suite de l’adoption du règlement n° 1081/2011, le présent recours serait susceptible de lui procurer un bénéfice, au sens de la jurisprudence visée au point 24 ci-dessus, en sorte qu’il conserverait un intérêt à agir.

32      En particulier, s’agissant, premièrement, de la circonstance que l’abrogation d’un acte d’une institution de l’Union n’est pas une reconnaissance de son illégalité et produit un effet ex nunc, à la différence d’un arrêt d’annulation en vertu duquel l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique et censé n’avoir jamais existé (point 21, premier et sixième tirets ci-dessus ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 46), il doit être relevé qu’elle n’est pas en mesure de fonder un intérêt du requérant à obtenir l’annulation du règlement attaqué.

33      D’une part, en effet, force est de constater que, dans les circonstances de l’espèce, aucun élément n’indique que la disparition ex tunc de cet acte procurerait un quelconque bénéfice au requérant. Dans ce contexte, il convient notamment de relever que rien ne permet d’établir que, en cas d’arrêt d’annulation, la Commission serait amenée, en application de l’article 266 TFUE, à adopter des mesures, au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, visant à l’anéantissement de l’illégalité qui serait constatée.

34      D’autre part, s’agissant de la reconnaissance de l’illégalité alléguée elle-même, celle-ci peut certes constituer l’une des formes de réparation poursuivies dans le cadre d’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE. En revanche, elle ne suffit pas à fonder la persistance de l’intérêt à agir au contentieux objectif de l’annulation des actes des institutions mis en œuvre par les articles 263 TFUE et 264 TFUE. Dans le cas contraire, une partie requérante conserverait d’ailleurs toujours un intérêt à demander l’annulation d’un acte malgré son retrait ou son abrogation, ce qui serait incompatible avec la jurisprudence visée aux points 26 et 29 ci-dessus.

35      S’agissant, deuxièmement, du fait qu’une partie requérante peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution de l’Union pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir (point 21, deuxième tiret, ci-dessus ; voir, en ce sens, arrêt Wunenburger/Commission, précité, point 50), il doit être rappelé qu’un tel intérêt à agir, qui découle de l’article 266, premier alinéa, TFUE, ne saurait exister que si l’illégalité alléguée est susceptible de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours (arrêt Wunenburger/Commission, précité, points 51 et 52). Or, en l’espèce, aucun élément du dossier n’indique que tel puisse être le cas. Au contraire, le règlement n° 1081/2011 ayant été adopté au regard de la situation spécifique du requérant ainsi que, apparemment, de l’évolution de la situation en Libye, il n’apparaît pas probable que l’illégalité alléguée puisse se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances ayant donné lieu au présent recours.

36      S’agissant, troisièmement, de l’argument tiré de ce qu’il y aurait un intérêt public supérieur à voir sanctionner la violation alléguée d’une norme impérative du droit international, sans reconnaître à cet égard aucune impunité à la Commission (point 21, troisième et quatrième tirets ci-dessus), celui-ci ne suffit pas à fonder l’intérêt personnel du requérant à la poursuite du présent recours. Même si, comme l’observe le requérant, la Commission doit respecter les normes impératives du droit international et n’est pas en droit d’adopter une décision fondée sur des éléments obtenus sous la torture, le requérant n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et ne peut faire valoir qu’un intérêt et des griefs qui lui sont personnels (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, Rec. p. 2105, point 14).

37      S’agissant, quatrièmement, de la jurisprudence selon laquelle une partie requérante conserve un intérêt à obtenir l’annulation d’une décision imposant des mesures restrictives abrogée et remplacée (point 21, septième tiret, ci-dessus ; voir, en ce sens, outre l’arrêt PKK/Conseil, précité, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 35 ; du 11 juillet 2007, Al-Aqsa/Conseil, T‑327/03, non publié au Recueil, point 39, et du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 48), force est de constater qu’elle a été élaborée dans un contexte particulier et différent de celui du cas d’espèce. En effet, contrairement au règlement attaqué, les actes en cause dans ces affaires avaient été non seulement abrogés, mais également remplacés par de nouveaux actes, les mesures restrictives visant les entités concernées ayant été maintenues. Les effets initiaux des actes abrogés demeuraient donc, à l’égard des entités concernées, par le biais des actes les remplaçant. Or, en l’espèce, le règlement n° 1081/2011 procède purement et simplement à la suppression de la mention du requérant, dans la liste de l’annexe I du règlement n° 881/2002, abrogeant ainsi le règlement attaqué, pour autant qu’il concerne le requérant, sans le remplacer. Les effets produits par celui-ci ne perdurent donc pas. Au surplus, ladite jurisprudence est fondée sur la différence existant entre les effets de l’abrogation et ceux de l’annulation d’un acte, cette circonstance n’étant pas pertinente en l’espèce ainsi qu’il ressort du point 32 ci‑dessus.

38      Loin d’être contredite par l’arrêt Ayadi de la Cour, cette distinction, opérée par le Tribunal dans les ordonnances SIR/Conseil et Petroci Holding/Conseil, précitées, apparaît plutôt confortée par celui-ci. D’une part, en effet, au lieu de conclure automatiquement au maintien de l’intérêt des requérants concernés à agir dans les affaires en cause, la Cour s’est posée d’office, au point 57 dudit arrêt, la question de savoir si, eu égard au retrait du règlement litigieux et à son remplacement rétroactif par un autre acte, il y avait encore lieu de statuer dans ces affaires. D’autre part, aux points 59 à 63 du même arrêt, la Cour a relevé un certain nombre de particularités du cas qui lui était soumis, assez semblables quant à leurs effets à celles présentes dans les affaires ayant donné lieu à la jurisprudence visée au point 37 ci-dessus, qui lui ont permis de conclure, aux points 64 et 65 de l’arrêt, que, « dans ces conditions particulières », et à la différence de ce qui avait été jugé dans l’ordonnance de la Cour du 8 mars 1993, Lezzi Pietro/Commission (C‑123/92, Rec. p. I‑809), l’adoption du nouvel acte (et l’abrogation concomitante du règlement litigieux) ne pouvait être considérée comme équivalente à une annulation pure et simple du règlement litigieux. Or, ces particularités n’existent pas dans la présente espèce, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 37 ci-dessus. Plus spécifiquement, en l’espèce, le règlement n° 1081/2011 est définitif dans la mesure où il ne peut plus faire l’objet d’un recours en annulation. Partant, il peut être exclu que le règlement attaqué entre de nouveau en vigueur pour autant qu’il concerne le requérant, contrairement à ce que la Cour a constaté au point 63 de son arrêt Ayadi.

39      S’agissant, cinquièmement, d’éventuelles conséquences dommageables pouvant, le cas échéant, découler de la prétendue illégalité du règlement attaqué (point 21, cinquième tiret, ci-dessus), il convient de relever d’emblée que, contrairement à ce que soutient le requérant, le présent recours ne comporte aucune demande de réparation d’un préjudice matériel ou moral, notamment sous la forme d’une atteinte portée à sa réputation.

40      En tout état de cause, il serait loisible au requérant de demander la réparation d’un tel préjudice dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 268 TFUE et l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE, l’exercice d’un tel recours n’étant pas subordonné à l’introduction préalable d’un recours en annulation contre l’acte prétendument à l’origine du préjudice allégué (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, Rec. p. II‑3331, point 49, et la jurisprudence citée).

41      S’agissant enfin, sixièmement, de l’argument tiré de la prétendue nécessité d’obtenir une décision sur le bien-fondé du présent recours aux fins de la récupération des dépens exposés par le requérant, il suffit de renvoyer aux points 43 à 45 ci-après.

42      Il découle de l’ensemble de ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

44      Il convient de constater, à cet égard, que l’introduction du présent recours trouve son origine dans la décision de la Commission de maintenir la mention du nom du requérant dans la liste figurant à l’annexe I du règlement n° 881/2002, malgré le prononcé de l’arrêt Ayadi de la Cour, en se fondant sur l’exposé des motifs communiqué par le comité des sanctions.

45      Au vu de cet exposé des motifs et à la lumière des arrêts Kadi et Ayadi de la Cour ainsi que de l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 2010, Kadi/Commission (T‑85/09, non encore publié au Recueil), le Tribunal estime juste et équitable de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le requérant.

46      Conformément à l’article 97, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le requérant ayant été admis au bénéfice de l’aide judiciaire et le Tribunal ayant condamné la Commission à supporter les dépens exposés par celui-ci, la Commission sera tenue de rembourser à la caisse du Tribunal les sommes avancées au titre de l’aide judiciaire.

47      Conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Conseil supportera ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par M. Chafiq Ayadi et sera tenue de rembourser à la caisse du Tribunal les sommes avancées au titre de l’aide judiciaire.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 31 janvier 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.