Language of document : ECLI:EU:T:2014:312

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

23 mai 2014 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Représentation d’une institution par un avocat – Dépens récupérables »

Dans l’affaire T‑286/11 P‑DEP,

Luigi Marcuccio, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall, Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’ordonnance du Tribunal du 15 novembre 2012, Marcuccio/Commission (T‑286/11 P, non publiée au Recueil),

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, M. Prek et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 6 juin 2011, le requérant, M. Luigi Marcuccio, a introduit, au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un pourvoi visant l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 16 mars 2011, Marcuccio/Commission (F‑21/10, non encore publiée au Recueil), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit son recours visant, d’une part, à annuler la décision portant rejet implicite de sa demande du 23 février 2009 tendant à l’indemnisation du préjudice qui aurait résulté de l’envoi à son représentant, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal du 17 mai 2006, Marcuccio/Commission (T‑241/03, RecFP p. I‑A‑2‑111 et II‑A‑2‑517), d’une lettre concernant le paiement des dépens dans ladite affaire, d’autre part, à annuler la décision de la Commission européenne du 1er décembre 2009 portant rejet de sa réclamation et, enfin, à condamner la Commission à lui payer, en réparation du dommage allégué, la somme de 10 000 euros ou celle que le Tribunal de la fonction publique aurait estimé être juste et équitable, ce montant étant majoré, jusqu’à son paiement effectif, des intérêts au taux de 10 % par an avec capitalisation annuelle.

2        Par ordonnance du 15 novembre 2012, Marcuccio/Commission (T‑286/11 P, non publiée au Recueil), le Tribunal a rejeté le pourvoi comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé. En outre, il a condamné M. Marcuccio à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de cette instance.

3        Le 20 février 2013, la Commission a adressé à M. Marcuccio ainsi qu’à son avocat par lettres recommandées avec accusé de réception, une liste de six ordonnances, dont l’ordonnance du 15 novembre 2012, Marcuccio/Commission, point 2 supra, dans lesquelles M. Marcuccio avait été condamné aux dépens par le Tribunal ou le Tribunal de la fonction publique ainsi que les montants qu’elle réclamait pour chaque affaire. Le montant réclamé pour la présente affaire s’élèvait à 3 500 euros correspondant aux prestations effectuées par Me Dal Ferro et versés, par ordre de paiement du 17 janvier 2013, en vertu d’un contrat d’assistance juridique daté du 14 septembre 2011 et sur présentation de la facture correspondante du 7 janvier 2013.

4        Aucun accord n’étant intervenu entre les parties sur les dépens récupérables, la Commission a introduit, par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 octobre 2013 et en application de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la présente demande de taxation de dépens par laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer à 3 500 euros le montant des dépens récupérables par elle dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 15 novembre 2012, Marcuccio/Commission, point 2 supra ;

–        appliquer à ce montant les intérêts moratoires, à partir de la date du prononcé de l’ordonnance sur la présente demande jusqu’à la date de paiement effectif, à calculer sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement et en vigueur le premier jour calendrier du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi de pourcentage ;

–        condamner M. Marcuccio aux frais de la présente procédure de taxation.

5        Par télécopie du 22 octobre 2013, le greffe du Tribunal a informé M. Marcuccio que le délai pour le dépôt de ses observations sur la demande de taxation des dépens avait été fixé au 3 décembre 2013. Cependant, M. Marcuccio n’a pas déposé d’observation.

 En droit

 Sur le bien-fondé de la demande de taxation des dépens

 Sur le caractère récupérable des dépens exposés par la Commission

6        Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat.

7        Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnance du Tribunal du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, T‑278/07 P‑DEP, non encore publiée au Recueil, point 11).

8        En outre, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (ordonnance du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, point 7 supra, point 12).

9        En fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, point 7 supra, point 13).

10      À cet égard, ainsi qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, les institutions de l’Union sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre donc dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, sans que l’institution soit tenue de démontrer qu’une telle assistance était objectivement justifiée (ordonnance du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, point 7 supra, point 14).

11      En l’espèce, la Commission réclame un montant de 3 500 euros correspondant à la somme forfaitaire négociée avec son avocat externe pour couvrir l’ensemble de ses honoraires, dépenses, charges et frais.

12      Par conséquent, il ressort de la nature des dépens réclamés que ceux‑ci ont un caractère récupérable.

 Sur le montant des dépens récupérables

13      Afin d’apprécier, sur la base des critères énumérés au point 8 ci-dessus, le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur. Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation, par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (voir ordonnance du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, point 7 supra, point 16, et la jurisprudence citée).

14      En l’espèce, s’agissant en premier lieu de la nature du litige, la présente demande concerne les dépens exposés dans le cadre d’un pourvoi devant le Tribunal, une procédure qui, en raison de sa nature même, est limitée aux questions de droit et n’a pas pour objet la constatation de faits (voir ordonnance du Tribunal du 16 septembre 2013, Marcuccio/Commission, T‑44/10 P‑DEP, non publiée au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée).

15      En deuxième lieu, s’agissant de l’objet du litige et des difficultés de la cause, il y a lieu de relever que l’affaire en question portait sur une demande en annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique par laquelle celui‑ci avait rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit le recours de M. Marcuccio visant, d’une part, à annuler la décision portant rejet implicite de sa demande du 23 février 2009 tendant à l’indemnisation du préjudice qui aurait résulté de l’envoi à son représentant dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 17 mai 2006, Marcuccio/Commission, point 1 supra, d’une lettre concernant le paiement des dépens dans ladite affaire, d’autre part, à annuler la décision de la Commission du 1er décembre 2009 portant rejet de sa réclamation et, enfin, à condamner la Commission à lui payer, en réparation du dommage allégué, la somme de 10 000 euros ou celle que le Tribunal de la fonction publique aurait estimé être juste et équitable, ce montant étant majoré, jusqu’à son paiement effectif, des intérêts au taux de 10 % par an avec capitalisation annuelle. À l’appui de son pourvoi, M. Marcuccio invoquait un certain nombre d’arguments que le Tribunal a regroupés en deux moyens. Le premier, qui était divisé en neuf branches, était tiré, en substance, d’un défaut de motivation et d’instruction, d’une dénaturation ainsi que de l’interprétation et de l’application erronées des règles de droit relatif à sa demande d’indemnisation. Le deuxième, qui était divisé en deux branches, était tiré de l’illégalité des conclusions du juge de première instance sur les dépens.

16      Or, force est de constater que dans le cadre de ce pourvoi ne se posait aucun problème juridique complexe ni aucune question de droit nouvelle. Ainsi, il y a lieu de considérer que l’affaire ne présentait pas un degré de difficulté particulièrement élevé, ce qui ressort également du fait que le Tribunal a réglé ce litige par voie d’ordonnance motivée sur la base de l’article 145 du règlement de procédure, rejetant le pourvoi en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé.

17      En troisième lieu, s’agissant de l’intérêt économique du litige et de son importance sous l’angle du droit de l’Union, il ressort d’une analyse des moyens soulevés au soutien du pourvoi de M. Marcuccio, mentionnés au point 15 ci-dessus, que ceux-ci portaient sur des questions circonscrites à l’espèce, sans répercussion majeure pour le droit de l’Union dans son ensemble. Dès lors, il convient de conclure que le litige revêtait une importance limitée sous l’angle du droit de l’Union et ne représentait pas pour la Commission une importance économique particulière.

18      En quatrième et dernier lieu, s’agissant de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer à la Commission, il y a lieu de relever que cette dernière réclame, en l’espèce, un montant de 3 500 euros correspondant à la somme forfaitaire négociée avec son avocat externe.

19      À titre liminaire, il convient de rappeler que le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. Dans le même sens, le caractère forfaitaire de la rémunération n’a pas d’incidence sur l’appréciation par le Tribunal du montant recouvrable au titre des dépens, le juge se fondant sur des critères prétoriens bien établis et les indications précises que les parties doivent lui fournir. Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur, ainsi qu’il a été indiqué au point 13 ci-dessus (voir ordonnance du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, point 7 supra, point 20, et la jurisprudence citée).

20      À cet égard, la Commission précise que son avocat externe évalue ex post le nombre total de ses heures de travail à 13,45 heures, facturées à 250 euros l’heure, celles-ci consistant, notamment, en l’analyse de l’ordonnance attaquée et du pourvoi, en la recherche jurisprudentielle et en la rédaction du mémoire en réponse ainsi qu’en la communication avec les agents de la Commission aux fins de la finalisation du dossier. Elle indique également que son avocat externe estime à 65 euros le montant des frais de bureaux liés à l’affaire en question.

21      Aux fins de la détermination du montant récupérable, il y a lieu de tenir compte du fait que, d’une part, l’avocat externe en première instance dont les frais et honoraires constituent, à titre exclusif, les dépens réclamés dans le cadre de la présente procédure, était le même que celui représentant la Commission devant le Tribunal et que, d’autre part, au regard de la nature du litige, de son objet, de son importance sous l’angle du droit de l’Union, des difficultés de la cause et de son intérêt économique (voir points 14 à 17 ci-dessus), l’affaire T-286/11 P ne nécessitait pas une charge de travail importante pour la Commission.

22      Eu égard à ce qui précède et au regard de l’analyse des critères pertinents pour la détermination du montant des dépens récupérables, il apparaît que tant le nombre d’heures passées par l’avocat externe de la Commission que son taux horaire sont appropriés. En ce qui concerne les débours de l’avocat, bien qu’aucune preuve documentaire n’ait été apportée concernant les frais administratifs exposés par ce dernier, il y a lieu de constater que, au regard des circonstances de l’espèce et du montant demandé, ces débours apparaissent adéquats.

23      Dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables en fixant leur montant total à 3 500 euros.

 Sur la demande de la Commission relative aux intérêts moratoires

24      La Commission demande à ce que le Tribunal conclue à la condamnation de M. Marcuccio au paiement des éventuels intérêts moratoires en sus du montant demandé au titre des dépens dans l’affaire T‑286/11 P, Marcuccio/Commission.

25      À cet égard, il y a lieu de relever que la constatation d’une éventuelle obligation de payer les intérêts moratoires et la fixation du taux applicable relèvent de la compétence du Tribunal en vertu de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, par analogie, ordonnance de la Cour du 29 septembre 1995, ENU/Commission, C‑2/94 SA, Rec. p. I‑2767, point 10).

26      Selon une jurisprudence constante, une demande de majorer la somme due dans le cadre d’une procédure de taxation de dépens d’intérêts moratoires doit être accueillie pour la période entre la date de la signification de l’ordonnance de taxation de dépens et la date du remboursement effectif des dépens (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 24 octobre 2011, Marcuccio/Commission, T‑176/04 DEP II, non publiée au Recueil, point 38, et la jurisprudence citée).

27      S’agissant du taux d’intérêt applicable, le Tribunal estime approprié de tenir compte de la disposition de l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué (UE) n ° 1268/2012 de la Commission du 29 octobre 2012 relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) n ° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO L 362, p. 1). Par conséquent, le taux applicable est calculé sur la base du taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement et en vigueur le premier jour calendrier du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi.

 Sur la demande de la Commission de condamner M. Marcuccio aux dépens de la présente procédure

28      La Commission estime que M. Marcuccio doit être condamné aux dépens de la procédure de taxation dans la mesure où son refus de réagir à la lettre du 20 février 2013 est à l’origine de cette procédure.

29      À cet égard, il suffit de rappeler que les dépens exposés dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens sont réglés dans l’ordonnance mettant fin à cette procédure. Dès lors, sans même qu’il soit besoin de se prononcer sur une éventuelle condamnation de M. Marcuccio aux dépens encourus dans la présente procédure, il convient de relever que, tout d’abord, la Commission est représentée, en l’espèce, par trois de ses agents. Or, il est de jurisprudence constante que, lorsque les institutions de l’Union se font représenter dans un litige devant les juridictions de l’Union par des membres de leur personnel, seuls les frais détachables de l’activité interne d’une institution, tels que les frais de déplacement et de séjour nécessités par la procédure, entrent dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure (voir ordonnance du 16 septembre 2013, Marcuccio/Commission, T‑32/09 P‑DEP, non publiée au Recueil, point 53, et la jurisprudence citée).

30      Ensuite, aucune précision ni preuve documentaire n’est apportée quant à l’existence d’éventuels frais détachables de l’activité interne de la Commission au soutien de la demande de condamnation de M. Marcuccio aux dépens de la présente procédure.

31      Par conséquent, le Tribunal constate qu’il n’a pas été mis en mesure de statuer sur la demande de la Commission et qu’elle doit, de ce fait, être rejetée.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par M. Luigi Marcuccio à la Commission européenne est fixé à 3 500 euros.

2)      Ladite somme porte intérêts de retard de la date de signification de la présente ordonnance à la date du paiement.

3)      La demande de la Commission de condamner M. Marcuccio aux dépens de la présente procédure est rejetée.

Fait à Luxembourg, le 23 mai 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l'italien.