Language of document : ECLI:EU:T:2024:263

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 avril 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en République démocratique du Congo – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription du nom du requérant sur la liste des personnes, des entités et des organismes concernés – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑6/23,

UC, représenté par Mes P. Bekaert et S. Bekaert, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen et par Mme M.-C. Cadilhac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos (rapporteur), président, S. Gervasoni et Mme I. Reine, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu l’ordonnance du 19 avril 2023, UC/Conseil (T‑6/23 R, non publiée, EU:T:2023:206),

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, UC, demande l’annulation, d’une part, de la décision d’exécution (PESC) 2022/2398 du Conseil, du 8 décembre 2022, mettant en œuvre la décision 2010/788/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en République démocratique du Congo (JO 2022, L 316 I, p. 7, et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) 2022/2397 du Conseil, du 8 décembre 2022, mettant en œuvre le règlement (CE) no 1183/2005 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en République démocratique du Congo (JO 2022, L 316 I, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »), en ce que ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») le concernent.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le requérant, un homme d’affaires de nationalité belge, est l’ancien directeur d’African Gold Refinery Ltd (ci-après la « société AGR »), laquelle est enregistrée en Ouganda et active dans le secteur aurifère en Afrique par le biais, notamment, d’opérations d’achat, d’extraction, de raffinage et de vente d’or provenant de mines situées sur le territoire de la République démocratique du Congo.

3        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives imposées par le Conseil de l’Union européenne en vue de l’instauration d’une paix durable en République démocratique du Congo et de l’exercice de pressions sur les personnes et les entités agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à cet État.

 Mesures adoptées par l’Union au regard de la situation en République démocratique du Congo

4        À la suite de l’adoption des résolutions 1493 (2003), le 28 juillet 2003, et 1596 (2005), le 18 avril 2005, par le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité »), le Conseil a adopté, d’une part, le 13 juin 2005, la position commune 2005/440/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2002/829/PESC (JO 2005, L 152, p. 22) et, d’autre part, le 18 juillet 2005, sur le fondement des articles 60, 301 et 308 CE, le règlement (CE) no 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2005, L 193, p. 1).

5        À la suite de l’adoption des résolutions 1807 (2008), le 31 mars 2008, et 1533 (2004), le 1er décembre 2010, par le Conseil de sécurité, le Conseil a adopté, le 20 décembre 2010, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2010/788/PESC, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2008/369/PESC (JO 2010, L 336, p. 30).

6        Le 12 décembre 2016, en réaction aux entraves au processus électoral et aux violations des droits de l’homme qui y étaient liées en République démocratique du Congo, le Conseil a adopté, d’une part, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision (PESC) 2016/2231, modifiant la décision 2010/788 (JO 2016, L 336 I, p. 7) et, d’autre part, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) 2016/2230, modifiant le règlement no 1183/2005 (JO 2016, L 336 I, p. 1).

7        D’une part, l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, instaure des mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités désignées par le comité des sanctions sur la République démocratique du Congo créé par le Conseil de sécurité (ci-après le « Comité des sanctions »), dont les noms sont inscrits sur la liste qui figure à l’annexe I de cette décision. D’autre part, l’article 3, paragraphe 2, de la même décision instaure des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de personnes et d’entités désignées par l’Union européenne de manière autonome, dont les noms sont inscrits sur la liste qui figure à l’annexe II de cette décision. Conformément aux articles 2 bis et 2 ter du règlement no 1183/2005, tel que modifié par le règlement 2016/2230, la même distinction est reprise aux annexes I et I bis de ce règlement.

8        Le 5 décembre 2022, à la suite d’une évaluation des circonstances et compte tenu de la gravité de la situation en République démocratique du Congo, le Conseil a estimé qu’il convenait de modifier les critères de désignation des personnes faisant l’objet de mesures restrictives figurant dans la décision 2010/788, afin de permettre l’application de telles mesures à l’encontre de personnes physiques ou morales, d’entités ou d’organismes qui appuyaient ou soutenaient le conflit armé, l’instabilité ou l’insécurité en République démocratique du Congo, ou qui en tiraient profit.

9        Dans ce cadre, il a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/2377 modifiant la décision 2010/788 (JO 2022, L 317, p. 97), par laquelle il a inséré quatre critères d’inscription supplémentaires à l’article 3, paragraphe 2, sous c), d), e) et f) de la décision 2010/788 et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/2373 modifiant le règlement no 1183/2005 (JO 2022, L 314, p. 79), par lequel il a inséré ces quatre même critères à l’article 2 ter, paragraphe 1, du règlement no 1183/2005.

 Critères d’inscription appliqués par l’Union pour adopter des mesures restrictives autonomes

10      L’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision 2022/2377 (ci-après la « décision 2010/788 telle que modifiée »), prévoit ce qui suit :

« Les mesures restrictives prévues à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphes 1 et 2, sont instituées à l’encontre des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui :

a)      font obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en [République démocratique du Congo], notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’[É]tat de droit ;

b)      contribuent, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ;

c)      sont responsables d’appuyer le conflit armé, l’instabilité ou l’insécurité en [République démocratique du Congo] ;

d)      apportent un soutien aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes visés [sous] c) ;

e)      incitent à la violence en lien avec les actions mentionnées [sous] b), c) et d) ;

f)      exploitent le conflit armé, l’instabilité ou l’insécurité en [République démocratique du Congo], y compris en se livrant à l’exploitation ou au commerce illicites de ressources naturelles et d’espèces sauvages ;

g)      sont associés aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes visés [sous] a), b), c), d), e) ou f),

dont la liste figure à l’annexe II. »

11      L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la décision 2010/788 telle que modifiée dispose que « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes visées à l’article 3 » et que ceci « n’oblige pas un État membre à refuser à ses propres ressortissants l’entrée sur son territoire ».

12      Aux termes de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la décision 2010/788 telle que modifiée, il est prévu ce qui suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques que les personnes ou entités visées à l’article 3 possèdent ou contrôlent directement ou indirectement, ou qui sont détenus par des entités que ces personnes ou entités ou toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs instructions, qui sont visées aux annexes I et II, possèdent ou contrôlent directement ou indirectement.

2.      Aucun fonds, autre avoir financier ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes ou entités visées au paragraphe 1 ou utilisé à leur profit. »

13      Aux termes de l’article 2 du règlement no 1183/2005, tel que modifié par le règlement 2022/2373 (ci-après le « règlement no 1183/2005 tel que modifié »), il est prévu ce qui suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme figurant sur la liste de l’annexe I ou de l’annexe I bis, qui sont en leur possession ou qui sont détenus ou contrôlés par ceux-ci, directement ou indirectement, y compris par un tiers agissant pour leur compte ou sur leurs instructions.

2.      Aucun fonds ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes figurant sur la liste de l’annexe I ou de l’annexe I bis ni utilisé à leur profit. »

14      L’article 2 ter, paragraphe 1, du règlement no 1183/2005 tel que modifié prévoit ce qui suit :

« 1. L’annexe I bis comprend les personnes physiques ou morales, entités ou organismes désignés par le Conseil pour l’un des motifs suivants :

a)      ils font obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en [République démocratique du Congo], notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’[É]tat de droit ;

b)      ils planifient, dirigent ou commettent des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ;

c)      ils sont responsables d’appuyer le conflit armé, l’instabilité ou l’insécurité en [République démocratique du Congo] ;

d)      ils apportent un soutien aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes visés [sous] c) ;

e)      ils incitent à la violence en lien avec les actions mentionnées [sous] b), c) et d) ;

f)      ils exploitent le conflit armé, l’instabilité ou l’insécurité en [République démocratique du Congo], y compris en se livrant à l’exploitation ou au commerce illicites de ressources naturelles et d’espèces sauvages ;

g)      ils sont associés aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes visés [sous] a), b), c), d), e) ou f). »

 Inscription du nom du requérant sur les listes des personnes visées par les mesures restrictives en cause

15      Le 8 décembre 2022, par les actes attaqués, le nom du requérant a été inscrit sur la liste des personnes, des entités et des organismes figurant à l’annexe II, section A (Personnes), de la décision 2010/788 telle que modifiée et à l’annexe I bis, section A (Personnes), du règlement no 1183/2005 tel que modifié (ci-après les « listes litigieuses »).

16      En outre, par la décision (PESC) 2022/2412, du 8 décembre 2022, modifiant la décision 2010/788 (JO 2022, L 317, p. 122), il a été prévu, à l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788 telle que modifiée, que « [l]es mesures visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2023 » et qu’« [e]lles sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints ».

17      Dans les actes attaqués, le Conseil a justifié l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses par les motifs suivants (ci-après les « motifs d’inscription litigieux ») :

« [UC] est un homme d’affaires qui est le bénéficiaire effectif et l’ancien directeur de la société African Gold Refinery Ltd., enregistrée en Ouganda.

Depuis 2016, African Gold Refinery Ltd. a reçu, acheté, raffiné et commercialisé de l’or illicite provenant de mines en [République démocratique du Congo] contrôlées par des groupes armés non gouvernementaux, dont les Maï‑Maï Yakutumba et les Raïa Mutomboki, qui sont impliqués dans des activités de déstabilisation dans la province du Sud‑Kivu.

[UC] tire donc profit du conflit armé, de l’instabilité ou de l’insécurité en [République démocratique du Congo] en se livrant à l’exploitation et au commerce illicites de ressources naturelles. »

18      Le 9 décembre 2022, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2010/788 telle que modifiée et par le règlement no 1183/2005 tel que modifié, mis en œuvre par les actes attaqués, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en République démocratique du Congo (JO 2022, C 469, p. 32).

19      Par lettre du 23 janvier 2023, après l’introduction du présent recours, le requérant a adressé au Conseil une demande relative à la communication des pièces justificatives versées au dossier étayant les motifs d’inscription litigieux. En réponse, le 8 février 2023, le Conseil lui a communiqué des documents de travail versés dans ce dossier.

 Conclusions des parties

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en ce qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

21      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement non fondé ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait la décision d’exécution 2022/2398 en tant qu’elle concerne le requérant, maintenir les effets de cette décision jusqu’à l’expiration du délai de recours ou, si un tel recours est introduit, jusqu’au rejet de celui-ci ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

22      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure, et ce en dépit de la demande du requérant visant à la tenue d’une audience.

24      À l’appui de son recours, le requérant soulève sept moyens. Le premier est tiré de l’incompétence du Conseil, d’une erreur de base juridique et de la violation de l’obligation de transparence. Le deuxième est tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de légalité et de proportionnalité ainsi que du non-respect, par le règlement no 1183/2005 tel que modifié, du champ d’application de la décision 2010/788 telle que modifiée. Le troisième est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le quatrième est tiré d’une violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier et, partant, des droits de la défense et du droit à une bonne administration. Les cinquième et sixième sont tirés d’une violation de plusieurs droits fondamentaux et du principe de proportionnalité. Le septième est tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

25      À titre liminaire, il y a lieu de relever que les arguments du requérant, dans le septième moyen, ne sont pas spécifiques et indépendants de ceux qu’il développe au préalable dans les troisième et quatrième moyens. Dans cette mesure, il y a lieu d’examiner ensemble, d’une part, les troisième et septième moyens et, d’autre part, les quatrième et septième moyens. Les autres moyens seront examinés dans l’ordre dans lequel ils ont été présentés au point 24 ci-dessus.

26      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’examen des deux premiers moyens ci-après, il convient de relever que le requérant invoque, dans le cadre de conclusions visant l’annulation des actes attaqués, et sans soulever formellement une exception d’illégalité au titre de l’article 277 TFUE, l’illégalité de la décision 2010/788 telle que modifiée et du règlement no 1183/2005 tel que modifié. Les actes attaqués ayant été adoptés en vue d’exécuter ces actes antérieurs et l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ayant été réalisée sur la base des critères d’inscription définis dans lesdits actes, il y a lieu de considérer que, lorsque le requérant en demande l’annulation, il entend se prévaloir, en réalité, d’une exception d’illégalité qui vient à l’appui de ses conclusions en annulation des actes attaqués, le Tribunal étant compétent pour en connaître (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑348/14, EU:T:2016:508, points 57 à 59 et jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence du Conseil, d’une erreur de base juridique et de la violation de l’obligation de transparence

27      Le requérant estime, premièrement, en substance, que le Conseil était incompétent pour adopter, seul, la décision 2010/788 telle que modifiée et le règlement no 1183/2005 tel que modifié, exécutés par les actes attaqués. Selon lui, il s’agirait d’actes législatifs, adoptés en violation de l’article 31, paragraphe 1, TUE, qui exclut l’adoption de tels actes.

28      Deuxièmement, le requérant soutient que l’article 75 TFUE exige que les mesures restrictives dont la forme est un gel des fonds visent la prévention du terrorisme, les activités connexes et la lutte contre ceux-ci, et ceci au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Il ajoute que l’article 215 TFUE s’applique aux mesures n’étant pas restrictives des mouvements de capitaux. Les mesures de gel des fonds en cause ne visant pas des actes de terrorisme dans l’Union, le Conseil a, selon lui, méconnu cet article en le désignant comme fondement juridique du règlement no 1183/2005 tel que modifié et, dans une certaine mesure, de la décision 2010/788 telle que modifiée.

29      Troisièmement, selon le requérant, le règlement no 1183/2005 tel que modifié et la décision 2010/788 telle que modifiée ont des fondements juridiques distincts, ce qui a des implications sur leur procédure d’adoption législative. Il expose que, s’agissant des décisions d’exécution et de l’adoption de mesures autonomes, une proposition d’un État membre ou du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité doit faire partie des actes préparatoires intégrés dans le dossier législatif correspondant. Il prétend que l’absence de publicité de tels éléments, contrairement à ce qui est pratiqué pour d’autres actes du Conseil, entraîne une violation des règles relatives à l’égalité de traitement et de l’obligation de transparence. Il demande ainsi la production de documents relatifs aux procédures de vote lors de l’adoption des actes attaqués et de certains actes antérieurs modificatifs de la décision 2010/788 et du règlement no 1183/2005. Il ajoute que la communication, par le Conseil, le 8 février 2023, des éléments versés au dossier ne peut remédier à ce défaut de transparence.

30      Le Conseil estime que ce moyen est manifestement non fondé.

31      Premièrement, s’agissant de la prétendue nature législative de la décision 2010/788 telle que modifiée et du règlement no 1183/2005 tel que modifié, et d’une violation corrélative de l’article 31, paragraphe 1, TUE, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, aux termes de l’article 289, paragraphe 3, TFUE, les actes juridiques adoptés selon une procédure législative constituent des actes législatifs. Partant, les actes non législatifs sont ceux qui sont adoptés par une procédure autre qu’une procédure législative (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 58). Ainsi, un acte juridique ne peut être qualifié d’acte législatif de l’Union que s’il a été adopté sur le fondement d’une disposition des traités qui se réfère expressément soit à la procédure législative ordinaire soit à la procédure législative spéciale (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 62).

32      Ensuite, il est constant que l’adoption de la décision 2010/788 est fondée uniquement sur l’article 29 TUE, lequel figure au chapitre 2 du titre V du traité UE, qui prévoit des dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Cet article donne compétence au Conseil pour agir seul pour adopter des « décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique » (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, National Iranian Gas Company/Conseil, T‑9/13, non publié, EU:T:2015:236, points 82 et 85).

33      De plus, inséré au chapitre 2 du titre V du traité UE, l’article 24, paragraphe 1, TUE prévoit, notamment, que la PESC « est soumise à des règles et procédures spécifiques » et qu’elle « est définie et mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l’unanimité, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement » et que « [l]’adoption d’actes législatifs est exclue ». Dans le même sens, l’article 31, paragraphe 1, TUE rappelle que les « décisions relevant du [chapitre 2 du titre V du traité UE] sont prises par le Conseil européen et par le Conseil statuant à l’unanimité, sauf dans les cas où le présent chapitre en dispose autrement » et que « [l]’adoption d’actes législatifs est exclue ».

34      Il découle de ces trois dispositions que les décisions du Conseil visées à l’article 29 TUE sont adoptées selon une procédure spécifique qui, conformément à la jurisprudence rappelée au point 31 ci-dessus, n’est pas une procédure législative ordinaire ou spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 et 2, TFUE. Ainsi, ces décisions ne relèvent pas de la qualification des actes législatifs visés à l’article 289, paragraphe 3, TFUE ainsi qu’à l’article 24 et à l’article 31, paragraphe 1, TUE.

35      Enfin, un règlement, dès lors qu’il a été adopté par le Conseil sur le fondement de l’article 215 TFUE et, partant, conformément à la procédure non législative prévue à cette dernière disposition, ne peut être qualifié d’acte législatif [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 92].

36      Partant, en l’espèce, ni la décision 2010/788 telle que modifiée ni le règlement no 1183/2005 tel que modifié, exécutés par les actes attaqués, ne constituent des actes législatifs, dès lors qu’ils ont été adoptés par le Conseil sur le fondement, respectivement, des articles 29 TUE et 215 TFUE. Ainsi, le requérant n’est pas fondé à se prévaloir d’une méconnaissance de l’article 31, paragraphe 1, TUE.

37      Deuxièmement, s’agissant de la prétendue violation, par le Conseil, des articles 75 et 215 TFUE, il convient de rappeler que l’article 75 TFUE est inclus dans le titre V de la troisième partie du traité FUE, consacré à l’espace de liberté, de sécurité et de justice au sein de l’Union. Il permet d’adopter des mesures restrictives visant à la réalisation des objectifs définis par ce titre, visés à l’article 67 TFUE, et ce uniquement en ce qui concerne la prévention du terrorisme et des activités connexes ainsi que la lutte contre ces phénomènes (arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 162). L’article 215 TFUE, quant à lui, est inclus dans le titre IV de la cinquième partie du traité FUE, qui concerne l’action extérieure de l’Union. Il permet l’adoption de mesures restrictives à l’égard des pays tiers ainsi que des personnes physiques ou morales, de groupes et d’entités non étatiques, afin de mettre en œuvre une décision adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité UE, dans le domaine de la PESC (arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 163).

38      En l’espèce, la décision 2010/788 telle que modifiée a été adoptée par le Conseil en réaction aux entraves au processus électoral et aux violations des droits de l’homme qui y étaient liées en République démocratique du Congo. Elle poursuit ainsi des objectifs relevant de la PESC et a été adoptée à juste titre par le Conseil dans le cadre de la compétence qu’il tire, non du traité FUE, mais du traité UE et, en particulier, de son article 29 (voir point 32 ci-dessus). C’est donc à tort que le requérant prétend que cette décision aurait dû être fondée sur l’article 75 TFUE et qu’elle méconnaît cette disposition. Il en va de même en ce qui concerne l’article 215 TFUE, qui ne constitue pas la base juridique de ladite décision.

39      Quant au règlement no 1183/2005 tel que modifié, les mesures restrictives de gel des fonds qu’il prévoit visent des actes commis en République démocratique du Congo, allant notamment à l’encontre de l’instauration d’une paix durable dans cet État. Partant, elles ne concernent ni les objectifs visés à l’article 67 TFUE ni, a fortiori, la prévention du terrorisme et des activités connexes ou la lutte contre ces phénomènes. De surcroît, ce règlement a été adopté afin de donner effet à la décision 2010/788 telle que modifiée en tant qu’acte relevant de la PESC. Dans ces circonstances, l’article 215 TFUE constitue une base juridique appropriée et suffisante pour l’adoption dudit règlement, les mesures restrictives ainsi prévues tombant en dehors du champ d’application ratione materiae de l’article 75 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 167). C’est donc également à tort que le requérant prétend que l’adoption du règlement no 1183/2005 tel que modifié méconnaît les articles 75 et 215 TFUE.

40      Troisièmement, s’agissant de la violation alléguée de l’obligation de transparence, il y a lieu de rappeler que l’article 15, paragraphe 3, TFUE, à l’instar de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), prévoit un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, quel que soit leur support, pour, notamment, tout citoyen de l’Union et toute personne physique résidant dans un État membre. Cet article prévoit également que l’exercice de ce droit d’accès est régi par des « principes généraux et [d]es limites[,] pour des raisons d’intérêt public ou privé », « fixés par voie de règlements » et que « [c]haque institution, organe ou organisme assure la transparence de ses travaux et élabore dans son règlement intérieur des dispositions particulières concernant l’accès à ses documents, en conformité avec [c]es règlements ».

41      À cet égard, d’une part, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), « [l]es institutions refusent l’accès à un document dans le cas où [s]a divulgation porterait atteinte à la protection [d]e l’intérêt public, en ce qui concerne [notamment] [l]a sécurité publique, [l]a défense et les affaires militaires, [et l]es relations internationales ». En outre, le paragraphe 3 du même article prévoit, notamment, que « [l]’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».

42      D’autre part, l’article 8, paragraphe 1, de la décision (UE) 2009/937 du Conseil, du 1er décembre 2009, portant adoption de son règlement intérieur (JO 2009, L 325, p. 35) prévoit que « [l]orsque le Conseil est saisi d’une proposition non législative relative à l’adoption de normes juridiquement obligatoires dans ou pour les États membres, par voie[, notamment,] de règlements ou [d]écisions », seule « la première délibération du Conseil sur de nouvelles propositions importantes est ouverte au public ». En outre, cette ouverture au public sur les nouvelles propositions importantes ne s’applique pas s’agissant, notamment, des « actes concernant les relations interinstitutionnelles ou internationales ».

43      En l’espèce, la décision 2010/788 telle que modifiée et le règlement no 1183/2005 tel que modifié ne sont pas des actes législatifs (voir point 36 ci-dessus). En outre, il importe de relever, à l’instar du Conseil, que les actes attaqués sont des actes d’exécution, non législatifs, adoptés par le Conseil sur le fondement de la compétence d’exécution qu’il tire de l’article 291, paragraphe 2, TFUE.

44      Dès lors que, par ailleurs, ces actes non législatifs concernent la sécurité publique et les relations internationales, il y a lieu d’en déduire que, en application des dispositions rappelées aux points 40 à 42 ci-dessus, le Conseil n’était pas tenu de siéger en public lors des délibérations et des votes portant sur lesdits actes, ni de donner un accès public aux documents portant sur ces délibérations. En outre, un tel traitement de ces actes, qui se différencient par leur nature des autres actes du Conseil, ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement, qui interdit, notamment, que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, point 135).

45      La même conclusion s’impose s’agissant des actes ayant modifié la décision 2010/788 et le règlement no 1183/2005 antérieurs à la décision 2022/2377, au règlement 2022/2373 et aux actes attaqués. Ainsi, à supposer même que ces actes modificatifs soient pertinents en ce qui concerne, en particulier, la situation du requérant, la demande de ce dernier quant à la production de certains documents relatifs à la procédure d’adoption desdits actes par le Conseil se révèle sans utilité aux fins de la solution du présent litige et, partant, doit être rejetée.

46      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le requérant n’est pas fondé à se prévaloir d’une violation par le Conseil, en l’espèce, des règles relatives à l’égalité de traitement et de l’obligation de transparence.

47      Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté dans son ensemble comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de légalité et de proportionnalité ainsi que du non-respect, par le règlement no 1183/2005 tel que modifié, du champ d’application de la décision 2010/788 telle que modifiée

48      Le requérant affirme que le Conseil a méconnu les principes de sécurité juridique, de légalité et de proportionnalité, dès lors que l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788 telle que modifiée et l’article 2 ter, paragraphe 1, du règlement no 1183/2005 tel que modifié, sur la base desquels les actes attaqués ont été adoptés, ont un caractère général et vague, manquent de clarté et ont un champ d’application illimité.

49      À cet égard, tout d’abord, le requérant soutient que les motifs d’inscription litigieux, qui visent son association avec la société AGR, sont du ressort du critère prévu au sous g) de ces articles. Ensuite, il prétend que les termes « associé à », dans l’énoncé de ce critère, ne sont pas définis et qu’ils se distinguent, sans clarté ni précision suffisante, du terme « soutien », dans l’énoncé du critère prévu au sous d) desdits articles. Du fait de l’emploi de ces termes différents, le champ d’application de ce dernier critère serait plus restreint que celui du critère prévu au sous g) desdits articles. En outre, il fait valoir que, dans leurs versions en néerlandais et en raison d’une différence terminologique, la portée du critère prévu au sous g) de l’article 2ter, paragraphe 1, du règlement no 1183/2005 tel que modifié est plus large que celle du même critère prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788 telle que modifiée. Ceci a, selon lui, pour conséquence que cette décision requiert la preuve de l’existence d’un acte ou d’un comportement, alors que ce règlement requiert un simple constat et a ainsi un champ d’application presque illimité, dépassant celui de ladite décision, en violation des principes de légalité et de proportionnalité. Enfin, il estime que l’article 2 ter, paragraphe 1, du règlement no 1183/2005, en vigueur avant d’être modifié par le règlement 2022/2373, était ambigu quant au caractère cumulatif des critères qu’il énonçait.

50      Le Conseil estime que ce moyen est manifestement non fondé.

51      Il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, sous f), de la décision 2010/788 telle que modifiée et l’article 2 ter, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1183/2005 tel que modifié prévoient que les mesures restrictives en cause sont instituées à l’encontre, notamment, des personnes qui « exploitent le conflit armé, l’instabilité ou l’insécurité en [République démocratique du Congo], y compris en se livrant à l’exploitation ou au commerce illicites de ressources naturelles ». L’article 3, paragraphe 2, sous d) et g), de cette décision et l’article 2 ter, paragraphe 1, sous d) et g), de ce règlement se réfèrent notamment, quant à eux, aux personnes qui, respectivement, « apportent un soutien aux personnes [v]isées [sous] c) » et « [sont] associés aux personnes [v]isées [sous] a), b), c), d), e) ou f) ».

52      Quant au requérant, il y a lieu de relever que, par les actes attaqués, son nom a été inscrit sur les listes litigieuses au motif, notamment, qu’il « tire [p]rofit du conflit armé, de l’instabilité ou de l’insécurité en [République démocratique du Congo] en se livrant à l’exploitation et au commerce illicites de ressources naturelles » (voir point 17 ci-dessus).

53      Il ressort clairement d’un tel exposé des motifs que l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses a été réalisée par le Conseil sur le fondement du critère énoncé à l’article 3 paragraphe 2, sous f), de la décision 2010/788 telle que modifiée et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1183/2005 tel que modifié (ci-après le « critère d’inscription litigieux »).

54      Dans ces conditions, à supposer même que les arguments du requérant visant la définition et le champ d’application des autres critères visés au point 51 ci-dessus soient fondés, de tels arguments ne justifieraient pas l’annulation des actes attaqués pour autant que l’inscription de son nom est concernée (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, National Iranian Gas Company/Conseil, T‑9/13, non publié, EU:T:2015:236, point 54).

55      Ainsi, il y a lieu de rejeter, comme inopérants, l’ensemble des arguments du requérant tirés du caractère prétendument général et vague des critères d’inscription énoncés à l’article 3 paragraphe 2, sous d) et g), de la décision 2010/788 telle que modifiée et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous d) et g), du règlement no 1183/2005 tel que modifié, de la prétendue inintelligibilité de ces dispositions et de la disproportion de leur champ d’application pour autant que l’inscription du nom du requérant est concernée.

56      Par ailleurs, ainsi que l’admet le requérant, le règlement no 1183/2005 tel que modifié, sur la base duquel le règlement attaqué a été adopté, ne présente plus l’ambiguïté qu’il allègue quant à un éventuel caractère cumulatif des critères d’inscription en cause, l’article 2 ter, paragraphe 1, sous g), de ce règlement visant les personnes « associé[e]s aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes visés [alternativement] au point a), b), c), d), e) ou f) ». Par conséquent, cet argument, qui n’est pas non plus susceptible de justifier l’annulation du règlement attaqué, doit également être rejeté comme inopérant et, dès lors, le deuxième moyen doit être écarté dans son ensemble comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les troisième et septième moyens, tirés d’une violation de l’obligation de motivation, du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une erreur d’appréciation

57      Le requérant fait valoir que le contrôle de la légalité des actes attaqués ne peut pas être effectué, en violation de son droit à une protection juridictionnelle effective, dans la mesure où le Conseil a méconnu son droit à une bonne administration et l’obligation de motivation. À cet égard, il déplore, en substance, le fait, d’une part, que les actes attaqués sont insuffisamment motivés et, d’autre part, que les motifs d’inscription litigieux sont inexacts et non étayés.

58      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 60, et du 9 décembre 2014, Peftiev/Conseil, T‑441/11, non publié, EU:T:2014:1041, point 146).

59      Partant, il convient de considérer que l’argumentation du requérant portant sur une prétendue violation de l’obligation de motivation s’articule, en substance, en deux branches tirées, la première, d’une insuffisance de motivation et, la seconde, relevant de la légalité au fond, d’une erreur d’appréciation des faits et des éléments de preuve.

 Sur la première branche, tirée d’une insuffisance de motivation

60      Le requérant fait valoir, en substance, que, dans la mesure où son nom n’a pas été inscrit sur les listes établies par le Comité des sanctions, le Conseil était tenu par une exigence accrue de motiver sa décision de l’inscrire sur les listes litigieuses. Or, en raison du caractère large et insuffisant des motifs d’inscription litigieux, le Conseil aurait manqué à son obligation de donner les raisons individuelles, spécifiques et concrètes ayant justifié cette inscription.

61      Le Conseil estime que ces arguments sont manifestement non fondés.

62      En premier lieu, il importe de souligner que les mesures en cause sont des mesures restrictives autonomes distinctes de celles recommandées spécifiquement par le Conseil de sécurité (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2023, Venezuela/Conseil, T‑65/18 RENV, EU:T:2023:529, point 95). Elles ont été adoptées par le Conseil en vue de réaliser les objectifs de la PESC, dans l’exercice de la compétence indépendante dont il dispose à cet égard. Dans ces conditions, le requérant ne saurait faire valoir que le Conseil était tenu par une exigence accrue de motivation en raison d’une éventuelle prise de position préalable du Conseil de sécurité au sujet de sa situation particulière.

63      En second lieu, selon une jurisprudence constante, le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

64      En outre, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications des mesures prises aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).

65      Cette motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48). De plus, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 104 et jurisprudence citée).

66      En outre, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 105 et jurisprudence citée). Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la motivation de l’acte attaqué contient des références explicites au critère d’inscription en cause et si, le cas échéant, elle peut être regardée comme suffisante pour permettre à la partie requérante de vérifier le bien-fondé de l’acte contesté, de se défendre devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle (arrêt du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 46).

67      En l’espèce, tout d’abord, la décision 2010/788 et le règlement no 1183/2005, tant dans leurs versions initiales que dans leurs versions modifiées successives, que les actes attaqués mettent en œuvre, précisent le contexte général ayant justifié leur adoption, dans leurs considérants respectifs, et les fondements juridiques sur la base desquels les mesures restrictives en cause ont été adoptées.

68      Ensuite, le dernier paragraphe de l’exposé des motifs d’inscription litigieux rattache expressément au critère d’inscription litigieux l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses (voir point 53 ci-dessus). Partant, cet exposé des motifs, en renvoyant à ce critère, mentionne une base juridique clairement identifiée.

69      De surcroît, les deux premiers paragraphes dudit exposé des motifs précisent, d’une part, que le requérant est un homme d’affaires qui est le bénéficiaire effectif et l’ancien directeur de la société AGR et, d’autre part, que cette société se livre, depuis 2016, à l’exploitation et au commerce de l’or illicites provenant de mines en République démocratique du Congo contrôlées par des groupes armés non gouvernementaux. Sont mentionnés, à titre d’illustrations, les Maï‑Maï Yakutumba et les Raïa Mutomboki, impliqués dans des activités de déstabilisation dans la province du Sud‑Kivu (voir point 17 ci-dessus).

70      Partant, un tel exposé des motifs présente, de manière suffisamment claire et précise, des éléments spécifiques et concrets, portant aussi bien sur les anciennes fonctions et les liens du requérant avec la société AGR que sur les activités de cette société que le Conseil déplore. Cette motivation permettait, ce faisant, au requérant de comprendre, à la date des actes attaqués, les raisons pour lesquelles le Conseil considérait que le critère d’inscription litigieux lui était applicable, à savoir que, au titre de ces fonctions et de ces liens, il tirait prétendument profit du commerce illicite de l’or en République démocratique du Congo et, ainsi, de la situation d’instabilité sécuritaire dans cet État.

71      Cela est d’ailleurs confirmé par les arguments que le requérant soulève dans ses écritures, dans la seconde branche du présent moyen, afin de contester la réalité des faits sur lesquels se fondent les actes attaqués. En effet, il en ressort, d’une part, que, en raison de son expérience professionnelle dans le secteur aurifère en République démocratique du Congo et dans la société AGR, il connaissait le contexte général et le contexte relatif à cette société dans lesquels s’inscrivent les mesures restrictives en cause et, d’autre part, qu’il a été mis en mesure de connaître les justifications de celles-ci afin de pouvoir en contester utilement le bien-fondé.

72      Il s’ensuit que la motivation des actes attaqués était suffisante pour permettre au requérant d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité. Dès lors, la première branche du troisième moyen, appréciée à la lumière du septième moyen, doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation des faits et des éléments de preuve

73      En premier lieu, le requérant prétend que les motifs d’inscription litigieux sont dépourvus de bien-fondé dans la mesure où le Conseil a commis une erreur d’appréciation quant à son implication, ainsi qu’à celle de la société AGR, dans l’exploitation de ressources aurifères illicites. D’une part, le Conseil porterait une accusation très générale, sans indiquer où, quand et auprès de qui cette société a acheté cet or illicite. Il ajoute que, selon le ministère public ougandais, ladite société respectait la législation anti-blanchiment. Il souligne la mise en place d’une politique de conformité visant la transparence de la chaîne aurifère, évaluée positivement dans un rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo (ci-après le « Groupe d’experts »), du 16 août 2017. Il dénonce le caractère anachronique des arguments tirés d’un défaut de réponse aux demandes de ce groupe, en 2017 et en 2019, quant à la communication de la liste de ses fournisseurs et répond qu’une telle communication méconnaîtrait ses obligations en matière de protection des données à caractère personnel.

74      D’autre part, le requérant soutient ne pas en être le « bénéficiaire effectif » ou le « directeur de facto » de la société AGR. Il produit un acte de vente de ses parts à la société AGR International Ltd (ci-après la « société AGR I »), de février 2018, un acte de révocation par la société AGR, en janvier 2019, de sa fonction d’administrateur et un acte de vente de ses actions dans la société AGR I, de juin 2021, à un nouveau directeur. Il souligne ne plus être ainsi directeur ni actionnaire de ces sociétés, ni avoir l’intention d’être impliqué dans la gestion de la société AGR. Il explique qu’un contrat de consultance du 5 novembre 2018, désormais résilié, visait à faciliter l’entrée en fonctions d’un nouveau directeur en janvier 2019. Il conteste qu’une troisième société (ci-après la « société G ») et la société AGR I partagent une même adresse d’enregistrement. Enfin, il relève que son nom ne figure sur aucune liste de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) ou du Comité des sanctions et qu’aucune enquête ne vise les activités mentionnées dans les motifs d’inscription litigieux.

75      En second lieu, le requérant conteste la valeur probante des éléments de preuve communiqués par le Conseil. Tout d’abord, il affirme qu’il s’agit de sources anciennes, invérifiables et imprécises, tirées d’informations assimilables à des rumeurs, diffamatoires et partiales, disponibles sur Internet. Ensuite, ces éléments présenteraient des informations sur la situation générale des conflits ou de l’exportation de l’or illicite congolais, sans citer le nom du requérant et en ne mentionnant qu’occasionnellement la société AGR. Il ajoute que le Conseil ne peut se fonder sur les éléments de l’United States Department of the Treasury (département du Trésor des États-Unis), puisqu’ils se réfèrent aux autres éléments dont il conteste la pertinence. En revanche, le Conseil aurait dû se fonder sur des extraits du registre du commerce et des sociétés pour prouver le contrôle de la société AGR. Il dénonce le caractère tardif de la production des documents inventoriés dans un document de travail et d’un article des 3 et 6 février 2023. Il souligne aussi s’être montré, par lettres, disponible dès le 13 décembre 2022 afin de clarifier sa situation. Enfin, il demande au Tribunal d’ordonner au Conseil de produire des éléments suffisamment probants, sous peine, à défaut, d’autoriser une inversion de la charge de la preuve et de méconnaître son droit à une protection juridictionnelle effective.

76      Le Conseil estime que ces arguments sont manifestement non fondés.

77      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

78      Il appartient au Conseil, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 66).

79      À cette fin, il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67).

80      L’appréciation du caractère suffisamment solide de la base factuelle retenue par le Conseil doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée). La force probante de ces éléments doit être appréciée à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

81      En outre, le fait qu’un élément ait été communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives n’empêche pas que cet élément lui soit éventuellement opposé pour constater le bien-fondé des motifs sous-tendant les mesures restrictives prises à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑166/18, non publié, EU:T:2020:50, point 124 et jurisprudence citée).

82      Enfin, quant à la fiabilité et à la force probante des éléments de preuve, y compris ceux provenant de sources numériques, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêts du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 107 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 95 (non publié) et jurisprudence citée]. En l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir arrêt du 12 février 2020, Kibelisa Ngambasai/Conseil, T-169/18, non publié, EU:T:2020:58, point 96 et jurisprudence citée). Notamment, le juge de l’Union peut prendre en considération des rapports d’organisations internationales (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 48). De même, les articles de presse peuvent être utilisés aux fins de corroborer l’existence de certains faits lorsqu’ils sont suffisamment concrets, précis et concordants quant aux faits qui y sont décrits (voir arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 108 et jurisprudence citée).

83      En l’espèce, en premier lieu, s’agissant du deuxième paragraphe des motifs d’inscription litigieux relatif à la société AGR, il convient de relever que cinq rapports du Groupe d’experts, des 16 août 2017, 4 juin 2018, 20 décembre 2019, 2 juin 2020 et 14 juin 2022, sont pertinents à cet égard. Le premier est produit par le requérant en annexe de ses écritures et les quatre autres sont inventoriés dans les documents de travail des 30 novembre et 7 décembre 2022, versés au dossier et communiqués par le Conseil en annexes du courrier du 8 février 2023.

84      Dans le rapport du 16 août 2017, il est précisé qu’« il est fort possible que [de l’]or de contrebande [a]it [i]ntégr[é] la chaîne d’approvisionnement de l[a société AGR] » et que dans « un accord signé entre [cette société] et le [Centre d’évaluation, d’expertise et de certification], [ils ont] reconn[u] que de l’or passe en fraude de la République démocratique du Congo en Ouganda ». Il ressort du rapport du 4 juin 2018 que « comme pour l’Ouganda, la voie officielle d’exportation [du Rwanda] y était contrôlée par [le requérant] », qu’« une grande part de l’or vendu par l’Ouganda [e]st extraite de façon illicite [de] la République démocratique du Congo » et que « la maj[orité] de l’or vendu [dans le Sud-Kivu] prov[ien]t de [t]erritoires [o]ù des individus armés et des réseaux criminels interv[ienn]ent ». Dans le rapport du 20 décembre 2019, il est exposé que « [cette] exploitation illégale de l’or impliqu[e] des groupes armés, des réseaux criminels, des fonctionnaires, des individus et des entités locales et étrangères [et c]ontribu[e] à l’instabilité et au conflit en République démocratique du Congo » et que les « factions Maï-Maï Yakutumba utilis[ent] les revenus [g]énérés [p]our se maintenir et [a]ch[e]t[er] d[es] armes ». Selon le rapport du 14 juin 2022, ces factions « travaill[e]nt aux côtés de réseaux criminels de négociants non déclarés ».

85      Surtout, il ressort du rapport du 2 juin 2020 que « l’or [illicite est acheté] à des chefs locaux des Maï-Maï Yakutumba[,] et [r]evend[u] à des comptoirs d’achat », dont l’« un [a] exporté 2,105 kilogrammes d’or en mars 2019 à [la société AGR] par l’intermédiaire [d’une société liée à une entité visée par les sanctions des Nations unies] ». Il est encore précisé qu’« [une] raffinerie ougandaise [a] acheté de l’or de la République démocratique du Congo [e]t en [a] vendu à la PGR Gold Trading LLC aux Émirats arabes unis, au cours d’opérations de ventes qui auraient été négociées par [la société AGR » et qu’« une exportation [d]e 135 kilogrammes de lingots d’or [au profit de la société] PGR Gold Trading LLC[,] dont une partie [a] été réglée en liquide » est documentée » et que « [l]’or [a] été transporté par [la société AGR] d’Ouganda à Dubaï ». De plus, il est indiqué que « [d]eux contrebandiers [au Sud-Kivu on]t déposé de l’or chez Aldango Ltd en 2019 [et o]nt été rémunérés en espèces ».

86      Ces informations sont corroborées par deux rapports du secrétariat général de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), des 21 mars et 22 juin 2022, dont il ressort que « les régions du Sud-Kivu [o]nt connu une présence accrue des groupes armés liés à des réseaux criminels régionaux impliqués dans l’exploitation minière illégale » et que, « [d]ans la partie nord du Sud-Kivu[,] des factions Maï-Maï Raïa Mutomboki ont continué de perpétrer des attaques, concentrées autour des sites miniers ». À cet égard, il est vrai que le document de travail qui inclut ces deux derniers rapports est, dans le bordereau des annexes du mémoire en défense, daté du 8 février 2023, c’est-à-dire une date postérieure à celle des actes attaqués. Toutefois, d’une part, la première page de ce document indique la même date que celle de ces actes, à savoir le 7 décembre 2022. D’autre part, le Conseil a expliqué, sans être sérieusement contredit par le requérant, que l’indication de la date postérieure sur ce bordereau résultait des modalités de sa communication déclassifiée et par extraits de ce document au requérant. Partant, le requérant n’est pas fondé à affirmer que la production dudit document constitue une motivation rétroactive des actes attaqués.

87      Ces informations sont encore corroborées par deux articles du journal Le Monde, des 9 septembre 2017 et 6 mars 2019, inventoriés dans le document de travail du 30 novembre 2022 annexé au courrier du 8 février 2023. Ils exposent, en substance, que la société AGR serait impliquée dans le commerce de l’« or des conflits » et que le requérant admet que cette société importe de l’or de la République démocratique du Congo. De plus, selon un article du journal Der Spiegel, du 12 octobre 2022, inventorié dans le document de travail du 7 décembre 2022 annexé au courrier du 8 février 2023, des Maï-Maï Yakutumba contrôlent des mines de cet État afin de financer des activités criminelles.

88      Dans la mesure où l’ensemble des informations exposées aux points 84 à 87 ci-dessus sont issues de plusieurs sources publiques, précises et se corroborant, dont des articles de presse concordants et des sources qui proviennent d’une organisation internationale telle que les Nations unies et qui sont établies selon une méthode d’élaboration rigoureuse, il y a lieu de les prendre en compte et de considérer leur valeur probante comme étant suffisante au sens de la jurisprudence mentionnée au point 82 ci-dessus [voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 116 (non publié)].

89      Partant, s’il est vrai que le Groupe d’experts a aussi considéré, dans le rapport du 16 août 2017, que la société AGR était susceptible de contribuer à l’amélioration de la transparence de la chaîne aurifère en Ouganda, néanmoins, il y a lieu de conclure que le Conseil disposait de suffisamment d’autres informations fiables, précises et concordantes pour considérer, d’une part, que cette société était présentée comme étant impliquée, de 2016 à 2022, dans l’exploitation commerciale de l’or illicite provenant de mines en République démocratique du Congo, par le biais de son importation, notamment, en Ouganda, et, d’autre part, que certaines de ces mines étaient contrôlées par des groupes armés, dont les Maï‑Maï Yakutumba et les Raïa Mutomboki, tenus pour responsables de contribuer à la situation d’instabilité sécuritaire dans cet État et, en particulier, au Sud-Kivu. Dans ces circonstances, sont sans pertinence la réponse à la question de savoir si ladite société a ou non refusé de fournir la liste de ses fournisseurs au Groupe d’experts et l’affirmation du requérant selon laquelle le ministère public ougandais n’aurait pas constaté d’infraction pénale commise par la société AGR.

90      En deuxième lieu, afin de soutenir le premier paragraphe des motifs d’inscription litigieux relatif au requérant, d’une part, le Conseil produit des extraits du registre du bureau d’enregistrement des services de l’Ouganda, inventoriés dans le document de travail du 7 décembre 2022 annexé au courrier du 8 février 2023. Ces extraits attestent que la société AGR est enregistrée depuis février 2019 en Ouganda, que la société G, du nom du père du requérant, est mentionnée sur ce registre en 2014 en tant que directrice de la société AGR et que le nom du requérant est inscrit au titre de cette fonction d’avril 2017 à mai 2019.

91      Lesdits extraits sont corroborés par le rapport du Groupe d’experts du 2 juin 2020, dont la valeur probante ne saurait être écartée (voir point 88 ci-dessus), dont il ressort que « [s]elon [c]es documents officiels[, la société AGR a] été légalement constituée en 2014 et [la société G,] dont l’adresse a été enregistrée à [A]nvers, Belgique, détenait 99 des 100 actions à l’enregistrement ». Il y est également précisé que « [l]a société [AGR] a [c]hangé de propriétaire », que « [le requérant] a confirmé en mai 2020 [q]u’il n’était plus directement impliqué dans [cette société] » et que, « [e]n octobre 2019, des représentants d[e ladite société] ont déclaré qu[e le requérant] n’[en] était plus directeur[, ce qui a été confirmé d]ans une lettre de mars 2020 ». En outre, il en ressort que « la société AGR a vendu ses parts à [la société AGR I], [e]nregistrée aux Seychelles » et que « [le requérant] a déclaré [q]u’il avait établi la société [AGR] ».

92      Ainsi, sur la base de ces éléments, le Conseil pouvait considérer que le requérant est un homme d’affaires lié à l’établissement de la société AGR, qu’il en avait été le directeur de 2017 à octobre 2019 et, partant, qu’il en était l’ancien directeur à la date des actes attaqués.

93      D’autre part, s’agissant de la qualification de « bénéficiaire effectif » de la société AGR, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que cette qualification est tirée du rapport du Groupe d’experts du 14 juin 2022. En outre, dans le rapport du 2 juin 2020, ce groupe a précisé que la société « Aldango Ltd [a] deux actionnaires, [dont la société] Aldabra Ltd, qui [en] dét[enait la moitié des] actions ordinaires [e]n mai 2019 ». De plus, la société immobilière « Aldabra Ltd [a été identifiée] dans le rapport annuel de décembre 2018 de [la société G], [i]nscrite au registre d’[une] banque belge ». Le requérant y est décrit « comme représentant [de cette société immobilière,] Aldabra Ltd, enregistré[e à] Dubaï », alors qu’« [il] a déclaré [en] être le propriétaire et qu’une société de ce nom possédait les locaux d[e la société AGR] ». Ainsi, « [la société AGR] et [la société] Aldango Ltd [o]nt été établi[e]s au sein d’un réseau d’entreprises liées [au requérant, selon des documents de 2009, de 2017 et de 2018] ». Par ailleurs, la société PGR Gold Trading LLC est décrite comme partageant « le [n]uméro de licence commerciale, le [n]uméro de téléphone et l[’]adresse [d]’une autre société gérée précédemment par [le requérant], dans laquelle il possédait des parts » et qui a changé de nom en 2018 pour devenir la société PGR Gold Trading LLC. Enfin, le « requérant a déclaré [q]ue [la société] PGR Gold Trading LLC offrait des services de raffinage et de négoce à [la société] Aldango Ltd et à [la société AGR] ».

94      De plus, dans un rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) The Sentry, d’octobre 2018, inventorié dans le document de travail du 30 novembre 2022 annexé au courrier du 8 février 2023, le commerce de l’or illicite est présenté comme la principale source de revenus pour les acteurs du conflit à l’est de la République démocratique du Congo. Ce rapport ajoute que le requérant est à la tête d’un réseau de quatorze sociétés actives dans ce commerce, dont les sociétés mentionnées au point 93 ci-dessus, et que la société AGR est affiliée, pour l’importation de cet or, à la société G, active en Belgique et à Dubaï et détenue depuis 2018, en partie, par le requérant par le biais d’une société enregistrée au Luxembourg. Si le requérant conteste la fiabilité dudit rapport, il convient de relever toutefois que celui-ci, en plus de corroborer les informations tirées des rapports du Groupe d’experts présentées au point 93 ci-dessus, se réfère à des sources nombreuses et détaillées, telles que des rapports des Nations unies, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et des entretiens réalisés avec les sociétés AGR et G. Ainsi, la valeur probante de ce document, qui cite ses sources et les éléments vérifiables sur lesquels il se fonde, ne saurait être contestée.

95      Il ressort des éléments exposés aux points 93 et 94 ci-dessus que, malgré la vente, en février 2018, de la société AGR à la société AGR I, celle des actions du requérant et la fin de ses fonctions de direction dans la société AGR I depuis juin 2021, et malgré l’absence alléguée de fonctions directionnelles ou consultatives auprès de la société AGR, le requérant était publiquement présenté, en 2018 et en 2022, comme demeurant structurellement intéressé dans l’activité de cette société en raison d’un réseau de sociétés liées à sa personne et organisé autour de ladite société. Il s’ensuit que, sur cette base, le Conseil pouvait, à la date des actes attaqués, le qualifier de bénéficiaire effectif de la société AGR.

96      Au vu des considérations exposées dans le cadre de l’examen du présent grief, il y a lieu de conclure que, en dépit de l’imprécision des motifs d’inscription litigieux qui omettent de préciser le réseau de sociétés dans lequel la société AGR s’insère, c’est sur la base d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, et sans commettre d’erreur d’appréciation, que le Conseil a considéré que le requérant, ancien directeur et bénéficiaire effectif de la société AGR impliquée dans l’exploitation et le commerce de l’or illicites provenant de mines en République démocratique du Congo, tirait pour cette raison profit de la situation d’instabilité sécuritaire dans cet État et que, par conséquent, sa situation relevait, à la date des actes attaqués, du champ d’application du critère d’inscription litigieux. Par ailleurs, une telle conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que le Comité des sanctions n’a pas inscrit le nom du requérant sur ses propres listes, le Conseil disposant d’une compétence indépendante en ce qui concerne les listes litigieuses (voir point 62 ci-dessus).

97      Dans ces circonstances, l’argumentation du requérant tirée d’une violation de son droit à une protection juridictionnelle effective, qui n’est pas étayée par des arguments spécifiques et n’a donc pas de portée autonome, doit également être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la pertinence et la force probante des autres éléments de preuve retenus par le Conseil ou d’ordonner la production d’éléments de preuve supplémentaires.

98      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter la seconde branche du présent moyen et, partant, d’écarter comme manifestement dépourvus de tout fondement en droit le troisième moyen lu à la lumière du septième moyen et, dans cette mesure, le septième moyen.

 Sur les quatrième et septième moyens, tirés d’une violation des droits de la défense, du droit à une bonne administration et du droit à une protection juridictionnelle effective

99      Le requérant prétend ne pas avoir reçu en temps utile les motifs d’inscription litigieux et les éléments de preuve afférents. Dans ces circonstances, le Conseil aurait méconnu son droit d’être entendu, son droit d’accès au dossier, son droit à une bonne administration et, partant, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective. Tout d’abord, il déplore le fait que le Conseil ne lui a pas notifié individuellement les actes attaqués, mais a publié un avis au Journal officiel, alors qu’il connaissait ou aurait dû connaître son adresse, mentionnée sur un site Internet dont le lien vers l’une des pages mentionnant ses coordonnées faisait partie des éléments versés au dossier. Ensuite, il souligne ne pas avoir été entendu sur ces motifs avant l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Le réexamen annuel de ceux-ci ne serait pas de nature à remédier aux manquements allégués. Il ajoute qu’aucun effet de surprise n’était nécessaire, sa situation ayant fait l’objet de discussions au niveau des Nations unies et ces éléments étant tirés de sources anciennes. En outre, il relève n’avoir été ni informé ni entendu sur lesdits éléments avant, en substance, l’adoption des actes attaqués et l’introduction du présent recours, ce qui aurait empêché le Conseil de statuer avec équité et indépendance et contreviendrait à ses droits de la défense devant le Tribunal. Il allègue que la décision 2010/788 telle que modifiée et le règlement no 1183/2005 tel que modifié ne prévoient pas de procédure afin de garantir un droit préalable d’être entendu et un droit à la communication des éléments de preuve, en violation des garanties juridiques prévues à l’article 215, paragraphe 3, TFUE. Enfin, dans la réplique, il prétend que, s’il avait été ainsi entendu, le Conseil n’aurait pas adopté les actes attaqués.

100    Le Conseil estime que ces moyens sont manifestement non fondés.

101    En premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le Conseil aurait dû lui notifier individuellement les actes attaqués, il a été jugé, à propos de dispositions similaires à l’article 7, paragraphe 2, de la décision 2010/788 telle que modifiée et à l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1183/2005 tel que modifié, qu’une communication indirecte par voie d’avis publié au Journal officiel ne constitue qu’une méthode de communication subsidiaire, dont le Conseil ne peut se prévaloir que si une communication directe individuelle s’avère impossible (voir, en ce sens, ordonnance du 20 février 2014, Jannatian/Conseil, T‑187/13, non publiée, EU:T:2014:134, point 40). Ainsi, si le Conseil dispose de l’adresse de la partie requérante, alors il doit procéder à une notification individuelle des motifs justifiant l’inscription de son nom sur les listes en cause afin de lui permettre de se défendre de manière efficace et dans les meilleurs délais (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, points 49 et 50).

102    Toutefois, en l’espèce, à supposer même que le Conseil ait dû connaître l’adresse du requérant, prétendument mentionnée sur une source publique à laquelle il avait accès, et l’informer alors de l’adoption des actes attaqués par le biais d’une notification individuelle, il importe de rappeler que l’absence de communication individuelle de ces actes, si elle peut avoir une incidence sur le moment auquel le délai de recours a commencé à courir, ne justifie pas, à elle seule, leur annulation si les droits du requérant sont sauvegardés (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 82 et jurisprudence citée). En effet, lorsque le Conseil a manqué à son obligation de notifier individuellement un acte, mais que la partie requérante a eu connaissance de l’acte en question et a introduit un recours à son égard dans les délais, ses droits de la défense ne sont pas affectés, étant donné qu’elle a eu l’opportunité de se défendre (arrêt du 16 juillet 2014, Hassan/Conseil, T‑572/11, EU:T:2014:682, point 60). Ainsi, il y a lieu pour le juge d’examiner, dans chaque affaire, si le fait de ne pas avoir porté individuellement les motifs des actes en cause à la connaissance de la partie requérante a eu pour conséquence de priver cette dernière de la possibilité de connaître, en temps utile, la motivation de ceux-ci et d’apprécier le bien-fondé de la mesure adoptée à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 48 et jurisprudence citée).

103    À cet égard, il convient de constater que le requérant a eu connaissance des actes attaqués et qu’il n’a pas été empêché, d’une part, de connaître les raisons individuelles et spécifiques de l’adoption des mesures restrictives en cause et, d’autre part, de réagir en conséquence par l’introduction du présent recours dans les délais prévus, afin d’en contester le bien-fondé. Dans ces circonstances, l’absence de notification individuelle de ces actes au requérant n’a porté atteinte ni à ses droits de la défense ni à son droit à un recours juridictionnel effectif. Partant, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant tiré de la violation de l’obligation incombant au Conseil de lui communiquer individuellement les actes attaqués, sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa recevabilité.

104    En second lieu, s’agissant de l’argument du requérant tiré du défaut de communication préalable par le Conseil des motifs d’inscription litigieux et des éléments de preuve les étayant, il importe, tout d’abord, de rappeler que le droit d’être entendu dans toute procédure, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant qu’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts ne soit prise à son égard (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 75 et jurisprudence citée). L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice de ce droit, pour autant que la limitation concernée en respecte le contenu essentiel et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

105    Ensuite, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les motifs et les éléments retenus à sa charge sur lesquels cette autorité envisage de fonder sa décision. Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112). À cet égard, il y a lieu de distinguer, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur les listes litigieuses et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur ces listes (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2015, Al-Chihabi/Conseil, T‑593/11, EU:T:2015:249, point 40).

106    S’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une personne ou d’une entité sont gelés, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels il entend fonder l’inscription initiale de son nom sur la liste des personnes et entités dont les fonds sont gelés. En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à être entendu de celle-ci concomitamment avec l’adoption de la décision de gel des fonds ou immédiatement après celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 12 mai 2022, Boshab/Conseil, C‑242/21 P, non publié, EU:C:2022:375, point 59, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 62). Une telle dérogation au droit fondamental d’être entendu au cours d’une procédure précédant l’adoption de mesures restrictives est justifiée par la nécessité d’assurer l’efficacité des mesures de gel des fonds et, en définitive, par des considérations impérieuses touchant à la sûreté ou à la conduite des relations internationales de l’Union et de ses États membres (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 81 et jurisprudence citée).

107    Enfin, lorsque des informations suffisamment précises permettant à la personne intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 84).

108    En l’espèce, d’une part, il importe de rappeler que les actes attaqués sont suffisamment motivés (voir point 72 ci-dessus). Par conséquent, la motivation nécessaire a été communiquée au requérant en même temps que l’adoption de ces actes, ce qui, compte tenu de l’effet de surprise nécessaire aux mesures restrictives en cause, est de nature à satisfaire aux exigences relatives à la communication initiale des motifs en la matière. D’autre part, il convient de relever que, par la lettre du 23 janvier 2023, le requérant s’est, en substance, opposé à l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et a demandé la communication des documents visant à étayer cette inscription. En réponse, par la lettre du 8 février 2023, le Conseil lui a donné accès aux documents non confidentiels relatifs aux mesures restrictives en cause, lui permettant ainsi de faire connaître utilement son point de vue à cet égard.

109    Il s’ensuit que les actes attaqués sont intervenus à l’issue d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense du requérant, en ce qui concerne son droit d’être entendu et son droit d’accès au dossier, n’ont pas été méconnus et, partant, ses droits à une bonne administration et à une protection juridictionnelle effective ont été dûment sauvegardés. Dès lors, il y a lieu d’écarter comme manifestement dépourvus de tout fondement en droit le quatrième moyen lu à la lumière du septième moyen et, dans cette mesure, le septième moyen.

 Sur les cinquième et sixième moyens, tirés d’une violation de plusieurs droits fondamentaux et du principe de proportionnalité

110    D’une part, le requérant souligne que la décision 2010/788 telle que modifiée et le règlement no 1183/2005 tel que modifié ne prévoient aucune limitation dans le temps des mesures restrictives en cause. Ceci, associé à leur portée générale, entraînerait une violation du principe de proportionnalité et du droit de propriété du requérant qui, dans une certaine mesure, induirait un bouleversement considérable de sa vie familiale et professionnelle. D’autre part, il souligne que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses emporte la restriction de son droit à la liberté de circulation sur le territoire de l’Union et des pays membres de l’espace Schengen. Il déplore son caractère disproportionné, puisqu’elle inclut les espaces aérien et maritime et que la possibilité laissée aux États membres d’autoriser leurs ressortissants à entrer sur leurs territoires ne s’applique pas au passage en transit sur le territoire des autres États membres, ce qui l’empêche de se rendre en Belgique. De plus, il relève que le Royaume de Belgique n’a pas prévu légalement l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2010/788.

111    Le Conseil estime que ces moyens sont manifestement non fondés.

112    Il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à permettre que soient atteints les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122).

113    En outre, le droit de propriété fait partie des principes généraux du droit de l’Union et est consacré à l’article 17 de la Charte. De même, les droits au respect de la vie familiale et d’exercer une activité économique ainsi qu’à la liberté de circulation sont consacrés, respectivement, à l’article 7, aux articles 15 et 16 et à l’article 45 de celle-ci.

114    En l’espèce, les mesures restrictives en cause entraînent des limitations dans l’exercice par le requérant de ces droits fondamentaux, dès lors qu’il ne peut pas, notamment et sous réserve de certaines dérogations ou autorisations particulières, disposer de ses fonds éventuellement situés sur le territoire de l’Union ni en transférer vers l’Union ou être admis à entrer ou à passer en transit sur le territoire des États membres.

115    Toutefois, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux invoqués par le requérant ne constituent pas des prérogatives absolues et leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par les objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union, à condition que de telles restrictions répondent effectivement à ces objectifs d’intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 193 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 114, et du 12 février 2020, Boshab/Conseil, T‑171/18, non publié, EU:T:2020:55, point 138).

116    Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles de la personne qu’elle vise. L’importance des objectifs ainsi poursuivis est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes concernées (voir, en ce sens, arrêts du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 130). De même, par l’adoption d’actes relevant de la PESC, le Conseil peut limiter le droit à la liberté de circulation dans l’Union de ses citoyens, ce droit n’étant pas inconditionnel. De manière analogue aux dispositions relatives aux mesures de gel des fonds, il convient alors de vérifier si le Conseil a agi dans le respect du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, points 194 à 197).

117    À la lumière des conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation aux droits fondamentaux en cause doit être prévue par la loi, c’est-à-dire avoir une base juridique en droit de l’Union, respecter le contenu essentiel de ce droit, viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union, et ne pas être disproportionnée (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 196 à 200, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 194 et jurisprudence citée).

118    En l’espèce, en premier lieu, la limitation aux droits fondamentaux du requérant sous la forme des mesures restrictives en cause est « prévue par la loi », puisque, d’une part, le Conseil avait compétence pour agir sur la base de l’article 29 TUE et de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, ainsi que cela ressort de l’examen du premier moyen et, d’autre part, il a adopté les actes attaqués, de portée générale, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la décision 2010/788 telle que modifiée, qui sont d’une prévisibilité suffisante et constituent une base juridique claire en droit de l’Union.

119    En deuxième lieu, les actes attaqués s’appliquent pour une année et le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses fait l’objet d’un réexamen périodique (voir point 16 ci-dessus), dont l’objet est de garantir que les personnes ou entités ne répondant plus aux critères pour figurer sur ces listes en soient radiées.

120    De plus, conformément à l’article 4, paragraphes 2 et 7, de la décision 2010/788 telle que modifiée, les États membres, dont le Royaume de Belgique, ne sont pas tenus de refuser l’entrée sur leur territoire à leurs ressortissants. En outre, ils peuvent déroger aux mesures d’interdiction d’entrée et de passage en transit sur leur territoire, notamment, lorsque « le déplacement se justifie pour des raisons humanitaires urgentes ». De même, l’article 5, paragraphes 5 à 7, de la décision 2010/788 telle que modifiée et les articles 3 à 4 ter du règlement no 1183/2005 tel que modifié prévoient la possibilité pour ces États d’accorder des autorisations spécifiques ou des dérogations aux mesures de gel des fonds en vue, notamment, de permettre l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des « besoins fondamentaux » ou pour satisfaire à certains engagements.

121    Dans ces conditions, dès lors que les mesures restrictives en cause sont temporaires et réversibles et prévoient des possibilités de dérogations accordées par les États membres, elles ne portent pas atteinte au contenu essentiel des droits fondamentaux invoqués par le requérant [voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2021, Al-Imam/Conseil, T‑203/20, EU:T:2021:605, point 263 (non publié), et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 197]. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que le Royaume de Belgique n’aurait pas prévu légalement l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2010/788 telle que modifiée. En effet, les autorités nationales des États membres sont, indépendamment du Conseil, seules compétentes pour apprécier, dans le respect du principe de proportionnalité, l’opportunité et la portée des autorisations et des dérogations nécessaires et pour s’assurer de leur mise en œuvre au niveau national.

122    En troisième lieu, les mesures restrictives en cause poursuivent les objectifs d’intérêt général d’assurer la protection des populations civiles, le soutien aux droits de l’homme, la préservation de la paix et la prévention des conflits en République démocratique du Congo ainsi que le renforcement de la sécurité internationale. Partant, elles participent de l’objectif plus large de maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, qui est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certaines personnes ou entités (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150).

123    En quatrième lieu, quant au caractère approprié de ces mesures, au regard d’objectifs d’intérêt général aussi fondamentaux pour la communauté internationale que ceux mentionnés au point 122 ci-dessus, celles-ci ne sauraient, en tant que telles, passer pour inadéquates (voir, par analogie, arrêts du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 61 ; du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 177 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, Boshab/Conseil, T‑171/18, non publié, EU:T:2020:55, point 134 et jurisprudence citée).

124    En outre, en ce qui concerne leur caractère nécessaire, des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi d’exercer une pression sur les personnes responsables de la situation en République démocratique du Congo, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt du 3 février 2021, Boshab/Conseil, T‑111/19, non publié, EU:T:2021:54, point 151 et jurisprudence citée). De plus, ainsi qu’il ressort du point 121 ci-dessus, les mesures en cause sont des restrictions temporaires et réversibles qui prévoient des possibilités de dérogations accordées par les États membres. Dans ces conditions, les inconvénients qu’elles causent au requérant ne sont pas démesurés par rapport à l’importance des objectifs poursuivis rappelés au point 122 ci-dessus.

125    Il s’ensuit que les conditions prévues au point 117 ci-dessus sont, en l’espèce, satisfaites et, dès lors, les mesures restrictives en cause constituent des limitations justifiées aux droits fondamentaux invoqués par le requérant qui respectent le principe de proportionnalité.

126    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter les cinquième et sixième moyens comme manifestement dépourvus de tout fondement en droit et, par voie de conséquence, de rejeter, sur le même fondement, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

127    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      UC supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 17 avril 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

R. da Silva Passos


*      Langue de procédure : le néerlandais.