Language of document : ECLI:EU:T:2006:75

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 mars 2006 (*)

« Concurrence – Ententes dans le secteur des produits vitaminiques – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Fixation du montant de départ de l’amende – Circonstances atténuantes – Communication sur la coopération »

Dans l’affaire T-26/02,

Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd, établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes J. Buhart et P.-M. Louis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. R. Wainwright et Mme L. Pignataro-Nolin, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation ou de réduction de l’amende infligée à la requérante par l’article 3, sous f), de la décision  2003/2/CE de la Commission, du 21 novembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.512 – Vitamines) (JO 2003, L 6, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, P. Mengozzi et Mme I. Wiszniewska‑Białecka, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 février 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par décision 2003/2/CE, du 21 novembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E‑1/37.512 – Vitamines) (JO 2003, L 6, p. 1, ci‑après la « Décision »), la Commission a constaté, à l’article 1er, que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à une série d’ententes distinctes affectant douze marchés différents de produits vitaminiques, à savoir les vitamines A, E, B 1, B 2, B 5, B 6, l’acide folique, les vitamines C, D 3, H, le bêta‑carotène et les  caroténoïdes. En particulier, il ressort du considérant 2 de la Décision que, dans le cadre de ces ententes, les entreprises concernées auraient fixé les prix des différents produits, se seraient attribué des quotas de vente, auraient décidé d’un commun accord et mis en œuvre des augmentations de prix, auraient publié des annonces de prix conformément à leurs accords, auraient vendu les produits aux prix convenus, auraient mis en place un mécanisme de surveillance et de contrôle du respect des accords, et auraient participé à un système de réunions régulières pour mettre leurs plans à exécution.

2        Au nombre de ces entreprises figure, notamment, l’entreprise japonaise Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd (ci-après « Daiichi » ou la « requérante »), laquelle a été tenue pour responsable d’infractions affectant les marchés communautaires et de l’EEE de la vitamine B 5 et de la vitamine B 6 [article 1er, paragraphe 1, sous g), de la Décision].

3        À l’article 1er, paragraphe 2, sous f), de la Décision, la Commission a constaté que les infractions auxquelles aurait participé Daiichi se sont étalées, respectivement, de septembre 1991 à février 1999 et de janvier 1991 à juin 1994.

4        Par l’article 2 de la Décision, il est ordonné aux entreprises tenues pour responsables des infractions constatées de mettre immédiatement fin à celles-ci dans la mesure où elles ne l’auraient pas déjà fait et de s’abstenir désormais des actes ou comportements infractionnels constatés, ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet identique ou équivalent.

5        Alors que la Commission a infligé des amendes pour les infractions constatées dans les marchés des vitamines A, E, B 2, B 5, C, D 3, du bêta-carotène et des caroténoïdes, elle n’a pas infligé d’amendes pour les infractions constatées dans les marchés des vitamines B 1, B 6, H et de l’acide folique (article 3 de la Décision).

6        Il ressort en effet des considérants 645 à 649 de la Décision que les infractions constatées dans ces derniers marchés ont cessé plus de cinq ans avant que la Commission n’entame son enquête et que, de ce fait, l’article 1er du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), était applicable à l’égard de ces infractions.

7        Ainsi, Daiichi, en particulier, n’a pas fait l’objet d’amendes pour sa participation à l’infraction relative à la vitamine B 6.

8        En revanche, Daiichi, à l’instar des deux autres entreprises tenues pour responsables de l’infraction relative à la vitamine B 5 (acide pantothénique, également appelé « calpan »), à savoir F. Hoffmann‑La Roche AG (ci-après « Roche ») et BASF AG, s’est vu infliger une amende pour sa participation à cette infraction [article 3, sous f), de la Décision].

9        Le montant de cette amende a été fixé par la Commission en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices ») et de sa communication concernant la non‑imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »).

10      Aux considérants 657 et 658 de la Décision, la Commission a énoncé les critères généraux sur la base desquels elle a procédé à la détermination du montant des amendes. Elle a précisé devoir prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce et, en particulier, la gravité et la durée de l’infraction – qui sont les deux critères explicitement visés à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204) –, apprécier cas par cas le rôle joué par chaque entreprise partie aux infractions, tenir notamment compte, dans le cadre de la fixation du montant de l’amende infligée, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes et appliquer, le cas échéant, la communication sur la coopération.

11      S’agissant de la gravité des infractions, la Commission a considéré, au vu de la nature des infractions examinées, de leur incidence sur les différents marchés de produits vitaminiques concernés et du fait que chacune d’entre elles couvrait l’ensemble du marché commun et, après sa création, l’ensemble de l’EEE, que les entreprises destinataires de la Décision avaient commis des infractions très graves à l’article 81, paragraphe 1, CE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, passibles chacune d’une amende d’au moins 20 millions d’euros (considérants 662 à 674 de la Décision).

12      En vue de déterminer le montant de départ des amendes, la Commission, après avoir précisé qu’elle tenait compte de la taille des différents marchés de produits vitaminiques concernés, a rappelé que, « au sein de la catégorie des infractions très graves, l’échelle des amendes qui est prévue permet d’appliquer aux entreprises un traitement différencié afin de tenir compte de la capacité économique effective de chacune de créer un dommage important à la concurrence et de fixer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif ». Elle a observé qu’« un tel exercice s’impose tout particulièrement lorsque, comme en l’espèce, il existe une disparité de taille considérable entre les entreprises participant à l’infraction ». Elle a ensuite indiqué que, « [d]ans les circonstances de l’espèce, qui concerne plusieurs entreprises, il est nécessaire, pour déterminer le montant de base des amendes, de prendre en considération le poids spécifique de chacune d’entre elles et, partant, l’incidence réelle de son comportement illicite sur la concurrence » (considérants 675, 678 et 679 de la Décision).

13      À cette fin, la Commission a estimé pouvoir répartir les entreprises concernées en différentes catégories « selon l’importance relative de chacune sur les différents marchés de produits vitaminiques concernés », tout en ajoutant que « le classement d’une entreprise dans une catégorie déterminée peut, le cas échéant, faire l’objet d’un ajustement pour tenir compte, en particulier, de la nécessité d’assurer un effet dissuasif ». Pour comparer l’importance relative des différentes entreprises sur chacun des marchés de produits vitaminiques concernés, la Commission a estimé approprié de s’appuyer sur le chiffre d’affaires lié au produit en cause sur le plan mondial. La Commission a remarqué, en effet, que « toutes les ententes étaient mondiales par nature et avaient notamment pour objet de répartir les marchés au niveau mondial et donc d’empêcher les forces concurrentielles de jouer pleinement dans l’EEE » et que « le chiffre d’affaires mondial d’un membre donné d’un cartel déterminé permet aussi de se faire une idée de sa contribution à l’efficacité de ce cartel dans son ensemble ou, à l’inverse, de l’instabilité qu’aurait connue le cartel s’il n’y avait pas participé ». La Commission a également indiqué que, pour identifier les chiffres d’affaires en cause, elle a retenu la « dernière année civile complète de l’infraction » (considérants 680 et 681 de la Décision).

14      Ainsi, la Commission a constaté, en ce qui concerne l’infraction relative à la vitamine B 5, que « Roche et Daiichi étaient les deux principaux producteurs de vitamine B 5 sur le marché mondial » et les a donc classées dans une première catégorie, alors que BASF, « dont la part de marché était sensiblement inférieure sur le marché mondial (presque la moitié de celle de Roche) », a été classée dans une seconde catégorie. Le montant de départ de l’amende relative à cette infraction, « compte tenu des catégories établies sur la base du critère de l’importance relative des entreprises sur ce marché », a été dès lors établi à 20 millions d’euros pour Roche ainsi que pour Daiichi et à 14 millions d’euros pour BASF (considérants 689 et 690 de la Décision).

15      Pour assurer un caractère suffisamment dissuasif à l’amende, la Commission a majoré de 100 % le montant de départ de l’amende calculé pour Roche et pour BASF, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de ces entreprises (considérants 697 à 699 de la Décision).

16      Au titre de la durée de l’infraction, la Commission a, en précisant que Roche, Daiichi et BASF avaient commis une infraction de longue durée, en l’espèce de huit ans, appliqué, pour chacune d’entre elles, une majoration de 80 % du montant issu des opérations visées aux deux points précédents. Le montant de base de l’amende infligée à la requérante s’est ainsi élevé à 36 millions d’euros (considérants 706 et 711 de la Décision).

17      Alors que Roche et BASF se sont vu appliquer une circonstance aggravante tirée du rôle de meneur et d’incitateur notamment dans le cadre de l’infraction relative à la vitamine B 5, de sorte que le montant de base de leur amende a été majoré, respectivement, de 50 % et de 35 % (considérants 712 à 718 de la Décision), aucune circonstance aggravante ou atténuante n’a été retenue par la Commission à l’égard de la requérante.

18      Cette dernière, lors de la procédure administrative, a prétendu bénéficier d’une circonstance atténuante, du fait qu’elle ne se serait pas conformée systématiquement aux prix et aux volumes convenus, de sorte que l’incidence des accords sur le marché en aurait été atténuée. La Commission, aux considérants 728 et 729 de la Décision, a rejeté cette prétention de la requérante pour les motifs suivants :

« (728) La Commission observe que la mise en oeuvre des accords sur les prix cibles n’exige pas nécessairement que ces prix soient exactement pratiqués. Les accords sont réputés être appliqués lorsque les parties fixent leurs prix de façon à les rapprocher des prix cibles convenus. Tel a été le cas des ententes affectant les marchés des vitamines C et B 5. Le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents en matière de prix est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit (affaire T-308/94, Cascades SA contre Commission, Recueil 1998, p. II-925, point 230).

(729) Pour ce qui est de la mise en oeuvre des accords sur les quantités, il est clair que les membres des cartels ont considéré que les volumes attribués étaient des volumes minimaux. Pour autant que toutes les parties pouvaient vendre au moins la quantité qui leur avait été attribuée, l’accord était respecté. Tel a été le cas pour les ententes relatives aux marchés des vitamines C et B 5. »

19      Enfin, s’agissant de l’application de la communication sur la coopération, la Commission a considéré que Roche et BASF, par documents transmis à ses services entre le 2 juin et le 30 juillet 1999, avaient été les premières à lui communiquer des éléments déterminants pour prouver l’existence des accords collusoires relatifs notamment à la vitamine B 5, empêchant ainsi la requérante de remplir la condition prévue à la section B, sous b), de la communication sur la coopération. Néanmoins, Roche et BASF, ayant joué un rôle d’initiation ou un rôle déterminant dans les activités illégales relatives notamment à la vitamine B 5, n’ont pas rempli, selon la Commission, la condition prévue à la section B, sous e), de la communication sur la coopération. Aucune des trois entreprises concernées par les accords relatifs à la vitamine B 5 n’a donc bénéficié d’une réduction d’amende sur la base des sections B ou C de cette communication (considérants 743 à 745 de la Décision).

20      Chacune d’entre elles a toutefois bénéficié d’une réduction de l’amende conformément à la section D de la communication sur la coopération. La Commission a considéré, en effet, que huit entreprises destinataires de la Décision – dont Roche, BASF et Daiichi – « [avaient] coopéré avec la Commission avant l’adoption de la communication des griefs, [avaient] contribué à établir l’existence des infractions auxquelles elles [avaient] pris part et/ou n’[avaient] pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission a fondé ses accusations » (considérant 754 de la Décision).

21      En particulier, la Commission a relevé que Roche et BASF, ayant fourni des éléments de preuve précis concernant la structure organisationnelle des accords collusoires relatifs notamment au marché de la vitamine B 5, ont apporté une contribution déterminante à l’établissement ou à la confirmation de certains points essentiels de cette infraction. Ainsi, la Commission a conclu que Roche et BASF remplissaient les conditions prévues à la section D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération et leur a accordé une réduction de 50 % du montant de l’amende qui leur aurait été infligée en l’absence de coopération avec la Commission (considérants 747, 748, 760 et 761 de la Décision).

22      S’agissant de la requérante, la Commission a constaté que, par une déclaration du 9 juillet 1999, elle lui a donné des informations sur l’organisation et la structure du cartel de la vitamine B 5 qui ont contribué de façon substantielle à établir ou à confirmer d’importants aspects de l’infraction. Ainsi,  la Commission a conclu que la requérante remplissait les conditions prévues à la section D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération et lui a accordé une réduction de 35 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération avec la Commission (considérants 749, 750 et 764 de la Décision).

23      C’est ainsi que les amendes infligées à l’article 3 de la Décision pour l’infraction relative à la vitamine B 5 ont été fixées comme suit :

–        Roche : 54 millions d’euros ;

–        BASF : 34,02 millions d’euros ;

–        Daiichi : 23,4 millions d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2002, la requérante a introduit le présent recours.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit certaines questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 23 février 2005.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 3, sous f), de la Décision ;

–        à titre subsidiaire, réduire substantiellement le montant de l’amende infligée à la requérante ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

28      La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

29      La requérante ne conteste ni les faits constatés à son égard dans la Décision ni la conclusion de la Commission selon laquelle ces faits constituent des infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE. Elle précise que sa demande vise, à titre principal, à obtenir l’annulation intégrale de l’article 3, sous f), de la Décision, dans la mesure où la Commission aurait dû lui accorder une immunité totale au titre de la section B de la communication sur la coopération et où la détermination par la Commission du montant de l’amende infligée à la requérante est viciée de nombreuses erreurs. À titre subsidiaire, elle fait valoir que ces erreurs justifient pour le moins que le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, procède à une réduction substantielle du montant de l’amende infligée.

30      Au soutien de ses prétentions, la requérante soulève trois moyens. Par le premier moyen, elle soutient que la fixation, à 20 millions d’euros, du montant de départ de l’amende qui lui a été infligée est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une « application erronée de la loi aux faits », d’une violation des lignes directrices, d’une violation du principe d’égalité de traitement ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité. Par le deuxième moyen, elle fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, a « appliqué erronément la loi aux faits » et a violé les lignes directrices en refusant de lui reconnaître une circonstance atténuante au titre de l’exécution seulement partielle de sa part des accords collusoires relatifs à la vitamine B 5. Par le troisième moyen, elle invoque des erreurs manifestes d’appréciation, une « application erronée de la loi aux faits », une violation de la communication sur la coopération et une violation du principe d’égalité de traitement lors de l’appréciation, par la Commission, de sa coopération au cours de la procédure administrative.

1.     Sur le premier moyen, relatif à la fixation du montant de départ de l’amende

 Arguments des parties

31      Le présent moyen a trait à la fixation à 20 millions d’euros du montant de départ de l’amende infligée à la requérante (voir points 12 à 14 ci‑dessus) et se subdivise en trois branches.

32      Par la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, a « appliqué erronément la loi aux faits » et a violé les lignes directrices en ne classant pas la requérante dans une troisième catégorie, derrière Roche et BASF, lors de la fixation du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité.

33      La requérante rappelle notamment que, aux termes des lignes directrices (point 1 A, quatrième alinéa), lors de l’évaluation de la gravité de l’infraction, il est « nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs ».

34      À cet égard, la requérante fait grief à la Commission d’avoir établi pour elle le même montant de départ que pour Roche, qui est plus élevé que le montant de départ fixé pour BASF, sans avoir pris en considération le fait, dont l’institution avait pourtant connaissance, que Roche et BASF étaient toutes deux à même d’infliger un dommage bien plus significatif à la concurrence que la requérante.

35      En effet, d’une part, il ressortirait du considérant 592 de la Décision elle‑même que Roche et BASF, en tant que producteurs de « prémélanges » (un produit en aval destiné à être utilisé dans la production d’aliments pour animaux et dont les vitamines forment un composant essentiel) et en tant que fournisseurs de vitamines à d’autres producteurs de prémélanges, étaient à même d’écraser les marges de leurs clients producteurs de prémélanges et de causer un préjudice, effectif ou potentiel, aux activités de ceux-ci en augmentant le prix des vitamines qu’elles leur vendaient. D’autre part, BASF et surtout Roche, en tant que producteurs de toute la gamme des vitamines, étaient en position de menacer les producteurs d’une seule vitamine d’éviction du marché, en diminuant le prix de cette vitamine à un niveau prédateur, et de subventionner la différence par le prix des autres vitamines. Il ressortirait de la Décision, au considérant 716, que la capacité globale de Roche et de BASF de mettre en oeuvre et de maintenir les accords anticoncurrentiels était considérablement renforcée en raison de la large gamme de produits, constituant des marchés distincts mais étroitement liés, dont elles disposaient. Or, la requérante, qui ne disposait pas de l’intégration verticale et du portefeuille de vitamines de Roche et de BASF, aurait dû être placée par la Commission dans une troisième catégorie, derrière ces deux entreprises, et se voir assigner un montant de départ de l’amende inférieur à ceux qui ont été fixés pour ces dernières.

36      Par la deuxième branche, formulée à titre subsidiaire, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, a « appliqué erronément la loi aux faits » et a violé le principe d’égalité de traitement, en ne plaçant pas la requérante dans la seconde catégorie avec BASF lors de la fixation du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité.

37      À cet égard, la requérante rappelle que, au considérant 680 de la Décision, la Commission a placé les entreprises concernées dans différentes catégories sur la base d’une comparaison des chiffres d’affaires mondiaux pour le produit en cause au cours de la dernière année calendaire complète de l’infraction, soit, pour la vitamine B 5, 1998.

38      Or, en premier lieu, une simple comparaison des chiffres d’affaires mondiaux et des parts de marché mondiales en 1998 de Roche, de BASF et de la requérante pour cette vitamine montrerait que Daiichi aurait dû être placée dans la même catégorie que BASF et que la Commission a ainsi commis un erreur manifeste d’appréciation.

39      En effet, d’une part, la requérante souligne que, d’après le tableau relatif à la vitamine B 5 figurant au considérant 123 de la Décision, les chiffres d’affaires mondiaux respectifs des producteurs de cette vitamine en 1998 étaient les suivants : Roche 57 millions d’euros, Daiichi 43 millions d’euros , BASF 34 millions d’euros  et autres 32 millions d’euros. Elle fait remarquer que son chiffre d’affaires pour la vitamine B 5 était inférieur de 14 millions d’euros à celui de Roche et n’était supérieur que de 9 millions d’euros à celui de BASF, le chiffre d’affaires de Roche étant donc supérieur de 33 % à celui de la requérante et le chiffre d’affaires de BASF étant inférieur de 21 % à celui de la requérante.

40      D’autre part, la requérante précise que les parts de marché mondiales pour 1998, calculées sur la base des chiffres d’affaires repris au point précédent, étaient les suivantes : Roche 34,3 % , Daiichi 25,9 % , BASF 20,5 %  et autres 19,3 %. Elle met ainsi en exergue que, en 1998, sa part de marché mondiale était de 8,4 points de pourcentage inférieure à celle de Roche et d’à peine 5,4 points de pourcentage supérieure à celle de BASF.

41      La requérante ajoute, en outre, que même en ayant recours à d’autres critères, tels que les chiffres d’affaires pour l’EEE en 1998, les parts de marché dans l’EEE en 1998 ou les parts de marché dans l’EEE pour la période infractionnelle 1991-1998, on ne pourrait que parvenir à la conclusion selon laquelle elle n’aurait pas dû être mise dans la même catégorie que Roche, mais plutôt dans celle de BASF. Ce ne serait qu’en utilisant les parts de marché mondiales pour la période infractionnelle 1991-1998 que la position de la requérante serait plus proche, d’un seul point de pourcentage, de celle de Roche que de celle de BASF.

42      Compte tenu de la proximité relative des chiffres d’affaires et des parts de marché de la requérante et de BASF, le montant de départ pour l’amende infligée à la requérante n’aurait pas dû être supérieur à 14 millions d’euros.

43      En second lieu, selon la requérante, la Décision enfreint le principe d’égalité de traitement, d’une part, du fait que, simultanément, elle traite des situations différentes (celle de la requérante et celle de Roche) de la même manière et des situations similaires (celle de la requérante et celle de BASF) différemment, sans aucune justification objective possible, et, d’autre part, du fait que la requérante a été placée dans la première catégorie de l’entente relative à la vitamine B 5 (avec un montant de départ de l’amende de 20 millions d’euros) alors que, pour des faits essentiellement analogues, BASF a été placée dans la seconde catégorie de l’entente relative à la vitamine B 2 (avec un montant de départ de l’amende de 10 millions d’euros).

44      À ce dernier égard, la requérante met en exergue le fait que son chiffre d’affaires et sa part de marché dans le marché mondial de la vitamine B 5 en 1998 étaient inférieurs au chiffre d’affaires et à la part de marché de BASF dans le marché mondial de la vitamine B 2 pris en compte dans la Décision aux fins de la répartition en catégories des membres de l'entente relative à cette dernière vitamine. Elle indique, par ailleurs, que, même en voulant se fonder sur les parts de marché mondiales pour le produit en cause au cours de l’intégralité de la période infractionnelle, à savoir un critère non utilisé dans la Décision, elle devait, au regard du principe d’égalité de traitement, être placée dans la seconde catégorie de l’infraction relative à la vitamine B 5. Elle souligne, en effet, que sa part de marché moyenne pour cette vitamine au cours de la période infractionnelle (29 %) était identique à la part moyenne de BASF dans le marché de la vitamine B 2 au cours de la période couverte par l’infraction relative à ce marché et que tant elle que BASF étaient, dans ces marchés respectifs, approximativement à mi-chemin entre les premier et troisième opérateurs.

45      Par la troisième branche, formulée à titre plus subsidiaire, la requérante maintient que la Commission, lorsqu’elle a fixé le montant de départ de l’amende calculé en fonction de la gravité, a violé le principe de proportionnalité en ne mettant pas la requérante dans une catégorie séparée, entre Roche et BASF, avec un montant de départ de l’amende situé entre celui de Roche et celui de BASF, mais plus proche de celui de BASF.

46      Elle fait remarquer que, dans sa décision 1999/210/CE, du 14 octobre 1998, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (affaire IV/F-3/33.708 – British Sugar plc, affaire IV/F‑3/33.709 – Tate & Lyle plc, affaire IV/F-3/33.710 – Napier Brown Company Ltd, affaire IV/F-3/33.711 – James Budgett Sugars Ltd) (JO L 76, p. 1, ci-après la « décision British Sugar »), la Commission n’a pas hésité à distinguer trois catégories de producteurs aux fins de la détermination du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité. Elle souligne notamment que Tate & Lyle a été placée dans une deuxième catégorie, derrière British Sugar, bien que les deux aient représenté ensemble 90 % de parts de marché des deux marchés en cause (sucre industriel et au détail en Grande-Bretagne), British Sugar représentant entre 51 et 54 % et Tate & Lyle entre 38 et 40 %, et que leurs positions concurrentielles respectives étaient bien plus proches en comparaison des positions détenues par les deux autres opérateurs du marché, qui détenaient ensemble 6 à 11 % du marché et qui ont été placés dans une troisième catégorie.

47      La défenderesse considère que, en classant la requérante dans la première catégorie de l’infraction relative à la vitamine B 5 avec Roche, elle n’a ni commis d’erreurs d’appréciation, ni méconnu les lignes directrices, ni violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

 Appréciation du Tribunal

 Remarques liminaires

48      À titre liminaire, il y a lieu d’observer qu’il ressort des considérants 655 à 775 de la Décision que les amendes imposées par la Commission du fait des infractions constatées à l’article 81, paragraphe 1, CE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE l’ont été en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et que la Commission – quand bien même la Décision ne se réfère pas explicitement aux lignes directrices – a déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans celles-ci.

49      Or, si la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lors de la fixation du montant de chaque amende, sans être tenue d’appliquer une formule mathématique précise (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 59), elle ne peut se départir des règles qu’elle s’est elle‑même imposées (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 53, confirmé, sur pourvoi, par arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C‑51/92 P, Rec. p. I‑4235). Les lignes directrices constituant un instrument destiné à préciser, dans le respect des règles de droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans la fixation des amendes, la Commission doit effectivement tenir compte des termes des lignes directrices en fixant le montant des amendes, notamment des éléments qui y sont retenus de manière impérative (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, non encore publié au Recueil, point 537).

50      Selon la méthode définie dans les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ pour le calcul du montant des amendes à infliger aux entreprises concernées un montant déterminé en fonction de la gravité de l’infraction. L’évaluation de la gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les « infractions peu graves », pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 million d’euros, les « infractions graves », pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 million et 20 millions d’euros et les « infractions très graves » pour lesquelles le montant des amendes envisageables va au-delà de 20 millions d’euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret\/). À l’intérieur de chacune de ces catégories, l’échelle des sanctions retenues permet, selon les lignes directrices, de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises (point 1 A, troisième alinéa). Il est en outre nécessaire, selon les lignes directrices, de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

51      À l’intérieur de chacune des trois catégories d’infraction ainsi définies, il peut convenir, selon les lignes directrices, de pondérer, dans certains cas, le montant déterminé, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature et d’adapter en conséquence le point de départ du montant de base selon le caractère spécifique de chaque entreprise (point 1 A, sixième alinéa).

52      En l’espèce, la requérante ne conteste ni le caractère très grave de l’infraction relative à la vitamine B 5 qui lui est reprochée dans la Décision ni les appréciations sur lesquelles la Commission s’est fondée pour conclure au caractère très grave de cette infraction et portant sur la nature de celle-ci, sur son incidence réelle sur le marché et sur l’étendue du marché géographique en cause (considérants 662 à 674 de la Décision).

53      En outre, la requérante ne remet pas en cause le critère, suivi en l’espèce par la Commission (considérant 675), consistant à tenir compte, aux fins de la fixation du montant de départ des amendes, de la taille des différents marchés de produits vitaminiques concernés. Ce critère s’est traduit essentiellement par la modulation, en fonction de la taille de chaque marché concerné, du montant de départ de l’amende associé à la première catégorie d’entreprises formée par la Commission pour chaque infraction.

54      Les critiques avancées par la requérante par le présent moyen ont trait au traitement différencié appliqué, aux fins de la détermination des montants de départ individuels, aux membres de l’entente relative à la vitamine B 5, en application du point 1 A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices.

55      Il ressort des considérants 679 à 681 de la Décision que la Commission, en l’espèce, a effectué ce traitement différencié selon la méthode de la répartition des entreprises en catégories, qu’elle a adopté comme critère de répartition celui de l’importance relative des entreprises sur le marché concerné et que, pour appliquer ce critère, elle s’est servie des données constituées par les chiffres d’affaires mondiaux liés au produit en cause.

56       La requérante ne conteste pas le principe d’une répartition des membres d’une entente en plusieurs catégories et de la fixation d’un même montant de départ de l’amende pour les membres appartenant à une même catégorie. Ce qu’elle conteste est le classement dont elle a concrètement fait l’objet, à savoir le fait d’avoir été classée dans la première catégorie avec Roche, BASF ayant été classée dans la seconde catégorie. Elle estime, à titre principal, qu’elle aurait dû être classée dans une troisième catégorie derrière Roche et BASF (première branche), à titre subsidiaire, qu’elle aurait dû être classée dans la seconde catégorie avec BASF (deuxième branche) et, à titre encore plus subsidiaire, qu’elle aurait dû être classée dans une catégorie intermédiaire entre Roche et BASF (troisième branche).

 Sur la première branche

57      Par la première branche du présent moyen, la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation et méconnu le critère de la capacité économique effective à créer un dommage important aux autres opérateurs, visé au point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices, lors de la répartition en catégories des membres de l’entente relative à la vitamine B 5. La Commission aurait omis de prendre en considération deux éléments revêtant, aux yeux de la requérante, une importance essentielle aux fins de la comparaison de cette capacité des trois entreprises concernées : d’une part, le fait que Roche et BASF, étant verticalement intégrées, étaient à même, en élevant le prix de la vitamine B 5, d’écraser les marges de leurs concurrents dans le marché en aval des prémélanges ; d’autre part, le fait que ces mêmes entreprises, produisant une vaste gamme de vitamines, étaient à même de pratiquer des prix prédateurs dans le marché de la vitamine B 5 en subventionnant les pertes s’y rapportant par des hausses de prix des autres vitamines.

58      À cet égard, il convient de relever que l’analyse de la « capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs » – analyse que la Commission se doit d’effectuer, conformément au point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices, en tant qu’élément « nécessaire » de l’évaluation de la gravité d’une infraction – implique une appréciation de l’importance réelle des entreprises concernées sur le marché affecté, c’est-à-dire de leur influence sur celui-ci. Dans ce contexte, les parts de marché, en volume ou en valeur, détenues par les entreprises en cause sur le marché concerné sont un élément d’appréciation pertinent, en ce qu’elles permettent de déterminer l’importance relative de chacune d’entre elles sur ce marché (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 139, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 88).

59      Or, la requérante ne conteste pas la pertinence, dans le cadre de l’application du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices à la présente espèce, de l’importance relative des entreprises sur le marché concerné ni la prise en compte, pour apprécier cette importance, des chiffres d’affaires ou des parts de marché correspondantes relatifs au marché mondial de la vitamine B 5. Elle conteste seulement, dans la première branche du présent moyen, l’absence de prise en compte par la Commission de l’intégration verticale et de l’étendue de la gamme de vitamines de Roche et de BASF.

60      À cet égard, il y a lieu d’observer qu’il est vrai que la part de marché d’une entreprise représente un indicateur approximatif de l’influence de celle-ci sur le marché et que, comme c’est par exemple le cas lors de l’analyse d’une position dominante au sens de l’article 82 CE, d’autres circonstances peuvent revêtir de l’importance pour appréhender de manière plus complète et précise l’étendue d’une telle influence (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 48).

61      Néanmoins, il convient de considérer qu’il est loisible à la Commission de fonder son évaluation de la capacité économique effective des auteurs d’une infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, aux fins de l’appréciation de la gravité de cette infraction et de la fixation du montant de départ de l’amende, sur les données relatives au chiffre d’affaires et aux parts de marché dans le marché concerné, à moins que des circonstances particulières, telles que les caractéristiques de ce marché, ne soient de nature à amoindrir sensiblement le caractère significatif de ces données et à imposer, pour l’appréciation de l’influence des entreprises sur le marché, la prise en compte d’autres facteurs pertinents.

62      Or, en l’espèce, la requérante – qui, lors de l’audience, a au demeurant reconnu que la répartition en catégories fondée sur le chiffre d’affaires mondial pour la vitamine B 5 relevait du pouvoir d’appréciation de la Commission – n’a pas fait état de telles circonstances particulières.

63      En effet, si l’intégration verticale et l’étendue de la gamme de produits peuvent, le cas échéant, constituer des éléments pertinents pour apprécier l’influence qu’une entreprise est capable d’exercer sur le marché et constituer des indices de cette influence complémentaires par rapport aux parts de marchés (voir, par exemple, en ce qui concerne l’intégration verticale, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 67 à 72 et 78 à 81, et, en ce qui concerne l’étendue de la gamme de produits, arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, points 55 et 56), force est de constater que, en l’espèce, les arguments que la requérante tire de l’intégration verticale et de l’étendue de la gamme de produits de Roche et de BASF ne montrent pas que ces dernières disposaient d’avantages concurrentiels particuliers et significatifs dans le marché concerné.

64      Ainsi, s’agissant de l’intégration verticale, la requérante se limite à alléguer que Roche et BASF pouvaient, en relevant le prix de la vitamine B 5, comprimer les marges des producteurs de prémélanges, acheteurs de cette vitamine et concurrents de Roche et de BASF sur le marché en aval des prémélanges. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante aussi, en tant que fournisseur de vitamine B 5, était en mesure de le faire, à la seule différence que, n’étant pas à son tour active sur le marché des prémélanges, elle ne pouvait pas en profiter pour renforcer sa position sur ce marché en aval. Cette différence relève cependant plus des motivations que pouvaient avoir les trois producteurs à relever le prix de la vitamine B 5 que de l’influence qu’ils pouvaient exercer sur le marché de ce produit.

65      S’agissant de l’étendue de la gamme de vitamines offerte, la requérante s’y réfère pour soutenir que Roche et BASF étaient en mesure de pratiquer des prix prédateurs pour la vitamine B 5 grâce aux recettes qu’elles pouvaient retirer des marchés des autres vitamines, lesquelles constituaient des marchés distincts, mais étroitement liés. À cet égard, il suffit d’observer que la capacité à pratiquer des prix prédateurs ne saurait être présumée à partir du seul fait que l’entreprise en cause produit une gamme plus étendue de produits voisins que ses concurrents. Au demeurant, la requérante soulignant, dans le contexte de son argumentation, qu’elle ne produisait que deux vitamines, il importe de remarquer que, ainsi qu’il ressort des considérants 107 et 108 de la Décision, la production de la requérante n’était pas limitée aux vitamines B 5 et B 6, mais qu’elle couvrait « une large gamme de médicaments éthiques, de produits de santé en vente libre et de produits vétérinaires » et que, en 1998, dernière année civile complète de l’infraction relative à la vitamine B 5, ses ventes totales s’étaient élevées à 1 920 millions d’écus, dont seulement 43 étaient imputables, selon les tableaux figurant au considérant 123 de la Décision, à la vitamine B 5. Or, la requérante, n’a aucunement expliqué pourquoi le subventionnement d’une éventuelle guerre de prix pour un produit pourrait se faire uniquement à partir des recettes revenant de la vente de produits voisins.

66      Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi que, en ne prenant pas en considération, lors de la répartition en catégories des membres de l’entente relative à la vitamine B 5, la présence de Roche et de BASF sur le marché des prémélanges et sur un nombre important de marchés de produits vitaminiques, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation ou violé les lignes directrices. La première branche du présent moyen doit, par conséquent, être rejetée.

 Sur les deuxième et troisième branches

67      Dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, la requérante fait valoir que l’application du critère retenu dans la Décision, à savoir celui consistant à apprécier l’importance relative sur le marché des membres de l’entente en cause en fonction des données relatives au chiffre d’affaires mondial et aux parts de marché mondiales pour le produit en cause lors de la dernière année civile complète de l’infraction, aurait dû amener la Commission à classer Daiichi dans la seconde catégorie avec BASF. Son classement dans la première catégorie avec Roche résulterait d’une erreur manifeste d’appréciation et serait incompatible avec le principe d’égalité de traitement.

68      À cet égard, il y a lieu de relever que ces griefs de la requérante reposent, dans une large mesure, sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission, dans la Décision, aurait apprécié l’importance relative des entreprises sur le marché concerné à l’aide des données relatives à l’année 1998.

69      Il est vrai que, au considérant 681 de la Décision, la Commission a indiqué qu’elle prenait en considération « les données relatives au chiffre d’affaires mondial imputable au produit en question pour la dernière année civile complète de l’infraction », à savoir, en l’occurrence, l’année 1998 pour la vitamine B 5.

70      Néanmoins, il apparaît, à la lumière d’autres passages de la Décision – et la défenderesse l’a, en substance, confirmé en réponse à une question écrite posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure – que, aux fins de classer les entreprises en catégories, pour chacune des différentes infractions pour lesquelles une répartition en catégories a été effectuée dans la Décision, la Commission s’est en réalité fondée sur les parts de marché détenues au niveau mondial par ces entreprises au cours de l’intégralité de la période infractionnelle.

71      En effet, le considérant 682 de la Décision précise que « les facteurs utiles au classement des producteurs dans les différentes catégories » sont indiqués « séparément pour chacune des vitamines » aux considérants 683 à 696.

72      Il ressort de ces considérants que, en ce qui concerne chacune des infractions relatives aux vitamines A, E, B 2, B 5, C et D 3, la Commission a établi deux catégories « sur la base du critère de l’importance relative des entreprises sur [le] marché » et a fixé les montants de départ « compte tenu [de ces] catégories ». Aux fins du classement de chaque entreprise dans la première ou dans la seconde catégorie de chaque infraction, la Commission s’est appuyée sur les données relatives aux parts de marché. Toutefois, à la lumière des données reprises aux considérants 691 et 693 de la Décision, il s’avère que ces parts de marché n’ont pas été obtenues à partir des chiffres d’affaires mondiaux imputables au produit en question pour la dernière année civile complète de l’infraction (affichés hors parenthèses dans la deuxième colonne des tableaux relatifs aux différents marchés de produits vitaminiques figurant au considérant 123 de la Décision), mais constituent les parts moyennes de marché détenues par les entreprises au cours, en substance, de l’intégralité de la période infractionnelle (ces parts de marché moyennes étant celles affichées entre parenthèses dans la deuxième colonne desdits tableaux).

73      Dans ces conditions, force est de constater que la référence à la dernière année civile complète de l’infraction, figurant au considérant 681 de la Décision, résultant d’une erreur de plume, s’avère inopérante et ne fait donc pas partie intégrante de la motivation à la base du classement des entreprises dans l’une ou dans l’autre catégorie.

74      Il convient en outre de remarquer que la requérante n’a avancé aucune critique quant à la pertinence, aux fins de la répartition des entreprises en catégories sur la base de leur importance relative sur le marché concerné, de la prise en compte des données relatives à l’intégralité de la période infractionnelle. D’ailleurs, cette pertinence ne saurait être sérieusement contestée, car il s’agissait pour la Commission d’évaluer la gravité de l’infraction commise par chaque entreprise au cours d’une période pluriannuelle. C’est ainsi que, dans ses écritures, tout en faisant observer que la répartition en catégories effectuée dans la Décision ne s’était pas fondée sur les données relatives à l’intégralité de la période infractionnelle, la requérante a néanmoins soutenu, sans en contester le bien-fondé, que la prise en compte de ces données aboutissait toujours à la conclusion que le principe d’égalité de traitement imposait son classement dans la seconde catégorie avec BASF (voir point 44, in fine, ci‑dessus).

75      Lors de l’audience, la requérante a soulevé des doutes sur la fiabilité des chiffres rapportés dans la Décision quant aux parts de marché détenues par les entreprises au cours de l’intégralité de la période infractionnelle. En soulignant que l’origine de ces chiffres n’était pas connue, puisqu’ils n’auraient jamais été fournis à la Commission, la requérante a indiqué qu’il ne pouvait s’agir que d’estimations faites par la Commission, lesquelles toutefois ne sauraient, en l’absence de vérification, constituer des éléments de preuve utilisables.

76      Cette objection est tardive et donc irrecevable, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. En effet, la requérante était déjà en mesure de la soulever au stade de la requête, dans laquelle elle s’est au contraire même appuyée, notamment, sur les données relatives à l’intégralité de la période infractionnelle – et plus précisément sur les parts de marché dans l’EEE au cours de la période 1991-1998, affichées dans la troisième colonne du tableau relatif à la vitamine B 5 figurant au considérant 123 de la Décision – pour étayer son argument tiré, dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, d’une erreur manifeste d’appréciation (voir point 41 ci‑dessus). En tout état de cause, à la supposer recevable, cette objection ne saurait être retenue, la requérante se limitant, en définitive, à une vague critique de la fiabilité des données en cause, sans fournir le moindre indice permettant de remettre en cause leur exactitude.

77      Il résulte de ce qui précède que doivent être écartés les arguments que la requérante tire, dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, de la comparaison successive des chiffres d’affaires mondiaux, des parts de marché mondiales, des chiffres d’affaires dans l’EEE et des parts de marché dans l’EEE des membres du cartel de la vitamine B 5 pour l’année 1998 (voir points 38 à 41 ci‑dessus).

78      S’agissant de la comparaison des parts de marché dans l’EEE pour la période infractionnelle 1991-1998 effectuée par la requérante dans le même contexte (voir point 41 ci‑dessus), elle est également dépourvue de pertinence, dans la mesure où la requérante ne conteste pas le choix de la Commission de se fonder, en l’espèce, pour réaliser le traitement différencié au stade de la fixation des montants de départ, sur les chiffres d’affaires ou sur les parts de marché au niveau mondial du produit vitaminique concerné. Un tel choix ne saurait d’ailleurs être censuré, à la lumière, d’une part, de la dimension mondiale du marché géographique en cause (voir considérant 73 de la Décision), non contestée par la requérante, et d’autre part, de la dimension mondiale de l’entente elle-même. Au demeurant, il peut être observé que l’entente en cause avait notamment pour objet l’attribution de quotas de vente mondiaux et régionaux (y compris un quota européen) aux différents participants (voir considérants 301 et 305 de la Décision), ce qui aurait rendu peu pertinent le choix du chiffre d’affaires ou de la part de marché dans l’EEE même dans l’hypothèse où l’étendue géographique du marché de produit concerné eût été limitée au territoire de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, non encore publié au Recueil, points 195 à 200).

79      Or, force est de constater que la requérante ne soutient pas qu’une appréciation correcte de l’importance relative des entreprises sur le marché mondial de la vitamine B 5 à l’aide des parts de marché moyennes détenues par celles-ci au niveau mondial au cours de l’intégralité de la période infractionnelle imposait son classement dans la seconde catégorie avec BASF. Au contraire, elle-même a dû reconnaître que, sur la base de ces données, sa position (29 %) était plus proche, quoique d’un seul point de pourcentage, de celle de Roche (36 %) que de celle de BASF (21 %) (voir point 41 ci‑dessus).

80      La requérante n’a donc pas établi que, en ne l’ayant pas classée dans la seconde catégorie avec BASF, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

81      Il y a lieu, ensuite, d’examiner conjointement les griefs tirés, dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, d’une violation du principe d’égalité de traitement et, dans le cadre de la troisième branche du présent moyen, d’une violation du principe de proportionnalité. Ces griefs ne seront examinés que pour autant qu’ils sont susceptibles d’être opérants, à savoir dans la mesure où ils sont fondés, à titre subsidiaire, sur les données relatives aux parts de marché détenues par les entreprises concernées au niveau mondial au cours de l’intégralité de la période infractionnelle.

82      La requérante déduit une violation du principe d’égalité de traitement du fait que, en ce qui concerne l’infraction relative à la vitamine B 5, elle a été classée dans la première catégorie avec Roche, alors que sa situation n’était pas comparable à celle de cette entreprise, et qu’elle a été traitée différemment de BASF, alors que la situation de cette dernière était comparable à la sienne. En outre, le principe d’égalité de traitement aurait été méconnu également du fait que BASF a été classée dans la seconde catégorie de l’infraction relative à la vitamine B 2 alors que sa position concernant cette infraction était comparable à celle de la requérante dans le cadre de l’infraction relative à la vitamine B 5 (voir point 44 ci‑dessus). Enfin, la violation du principe de proportionnalité découlerait de ce que la requérante n’a pas été placée dans une catégorie intermédiaire entre Roche et BASF.

83      À cet égard, il y a lieu de souligner le fait que la requérante ne conteste pas en soi la méthode consistant à répartir les membres d’une entente en catégories aux fins de réaliser un traitement différencié au stade de la fixation des montants de départ des amendes. Or, cette méthode, dont le principe a été d’ailleurs validé par la jurisprudence du Tribunal bien qu’elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d’une même catégorie (arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 385, et Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 217), entraîne une forfaitisation du montant de départ fixé aux entreprises appartenant à une même catégorie.

84      Certes, une telle répartition en catégories doit respecter le principe d’égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Par ailleurs, selon la jurisprudence, le montant des amendes doit, au moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction (voir arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 219, et la jurisprudence citée).

85      Pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité sur l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit toutefois se limiter à contrôler que cette répartition est cohérente et objectivement justifiée (arrêts CMA CGM e.a./Commission, précité, points 406 et 416, et Tokai Carbon e.a./Commission, précité, points 220 et 222), sans substituer d’emblée son appréciation à celle de la Commission.

86      Or, en l’espèce, mises à part les infractions relatives au bêta-carotène et aux caroténoïdes, pour lesquelles elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu de former des catégories (voir considérants 695 et 696 de la Décision), la Commission a procédé, pour chacune des infractions constatées dans la Décision, à une répartition en deux catégories : une première catégorie, comprenant le principal producteur ou les principaux producteurs de la vitamine concernée sur le marché mondial, et une seconde catégorie, comprenant le (ou les) autre(s) producteur(s) de cette vitamine « dont les parts de marché étaient sensiblement inférieures » (voir considérants 683, 685, 687, 689, 691 et 693 de la Décision).

87      Il y a lieu de considérer qu’une répartition des producteurs en deux catégories, les principaux et les autres, est une manière non déraisonnable de prendre en compte leur importance relative sur le marché afin de moduler le montant de départ, pour autant qu’elle n’aboutisse pas à une représentation grossièrement déformée des marchés en cause. Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que, dans la décision British Sugar (point 46 ci-dessus), la Commission, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, a suivi une autre méthode de répartition en décidant de créer trois catégories au lieu de deux seulement, le nombre des opérateurs faisant l’objet de cette décision et la distribution de leurs parts de marché étant par ailleurs différents par rapport à ceux qui caractérisent la présente espèce.

88      S’agissant de la mise en œuvre, infraction par infraction, de cette méthode de répartition suivie dans la Décision, en s’appuyant sur les parts de marché sur le plan mondial, directement déduites du chiffre d’affaires mondial lié au produit pour l’intégralité de la période infractionnelle, la Commission a distribué les opérateurs dans les deux catégories susvisées ainsi qu’il suit :


Vitamines

1re catégorie

Producteur(s) principal(aux)

(part de marché)

2e catégorie

Autres(s) producteur(s)

(part de marché)

Vitamine A

44 %

32 % - 20 %

Vitamine E

43 % - 29 %

14 % - 10 %

Vitamine B 2

47 %

29 % - 12 %

Vitamine B 5

36 % - 29 %

21 %

Vitamine C

40 % - 24 %

8 % - 6 %

Vitamine D 3

40 % - 32 %

15 % - 9 %


89      Il ressort de ces données que la Commission a toujours placé le seuil où se situe l’écart maximal, même si la différence est d’un point de pourcentage. La catégorie des principaux producteurs n’a été limitée à une entreprise que lorsque celle-ci a des parts de marché très élevées (44 et 47 %). Certes, des parts de marché de 29 % ont été considérées comme relevant soit de la première soit de la seconde catégorie, mais la position relative de l’entreprise disposant de ces parts était différente : le classement en seconde catégorie correspondait à un écart de 18 points de pourcentage avec le producteur principal (vitamine B 2), contre un écart de 7 et 14 points seulement pour le classement en première catégorie (vitamines B 5 et E). Le seul cas où des parts de marché de 24 % ont justifié le classement d’une entreprise comme « principal producteur » (vitamine C) correspond à un écart de 16 points de pourcentage seulement avec le leader du marché et à une position très marginale (8 et 6 %) des autres producteurs.

90      En ce qui concerne, plus particulièrement, l’infraction relative à la vitamine B 5, l’écart limité entre Roche, premier opérateur, et la requérante (7 points de pourcentage), compte tenu de la part de marché non particulièrement élevée de Roche, a pu permettre à la Commission, en toute cohérence et en toute objectivité et donc sans violer les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, de traiter la requérante à l’instar du premier opérateur, et à la différence du troisième opérateur BASF, comme « principal producteur » et, partant, de fixer pour elle le même montant de départ que pour Roche, supérieur au montant de départ imposé à BASF.

91      S’agissant, plus particulièrement, de la comparaison effectuée par la requérante entre sa situation dans l’infraction relative à la vitamine B 5 et celle de BASF dans l’infraction relative à la vitamine B 2, il ne saurait être estimé, ainsi que la défenderesse l’a fait valoir à juste titre, que ces situations étaient comparables, que ce soit au motif de l’identité de la part de marché (29 %) détenue par chacune d’entre elles, au cours de l’intégralité de la période infractionnelle, respectivement dans l’un et dans l’autre marché, ou au motif que toutes les deux étaient, respectivement dans l’un et dans l’autre marché, approximativement à mi-chemin entre les premier et troisième opérateurs.

92      En effet, puisqu’il s’agissait pour la Commission d’apprécier l’importance des entreprises sur chaque marché en termes relatifs, ces deux circonstances invoquées par la requérante ne peuvent être évaluées en faisant abstraction de la distribution des parts de marché. Or, cette distribution, dans les deux cas examinés, n’était pas comparable. D’une part, la position du premier opérateur était clairement plus forte dans l’infraction relative à la vitamine B 2. D’autre part, dans le cas de l’infraction relative à la vitamine B 2, la part de marché de BASF (29 %, comme Daiichi pour la vitamine B 5) était plus proche de celle du troisième opérateur (12 %) que de celle du premier opérateur (47 %), 17 et 18 points de pourcentage la séparant respectivement de l’un et de l’autre ; en revanche, s’agissant de l’infraction relative à la vitamine B 5, ainsi qu’il a été relevé plus haut, la part de marché de Daiichi (29 %) était plus proche de celle du premier opérateur (Roche, 36 %) que de celle du troisième opérateur (BASF, 21 %), 7 et 8 points de pourcentage la séparant respectivement de l’un et de l’autre.

93      Dès lors, à supposer que, dans le cadre de l’application de l’article 81 CE, une méconnaissance du principe d’égalité de traitement puisse être invoquée en dehors de l’hypothèse d’une rupture de l’égalité de traitement entre les membres d’une seule et même entente, le fait que la requérante pour l’infraction relative à la vitamine B 5 et BASF pour l’infraction relative à la vitamine B 2 aient fait l’objet d’un classement différent n’apparaît pas dépourvu de justification objective et n’enfreint donc pas ledit principe.

94      Les deuxième et troisième branches du présent moyen doivent dès lors être rejetées.

95      À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

2.     Sur le deuxième moyen, relatif à l’exécution seulement partielle des accords par la requérante en tant que circonstance atténuante

 Arguments des parties

96      Selon la requérante, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, a « appliqué erronément la loi aux faits » et a violé les lignes directrices en ne retenant pas l’exécution seulement partielle par Daiichi des accords collusoires relatifs à la vitamine B 5 en tant que circonstance atténuante justifiant une réduction substantielle du montant de base de l’amende (voir point 18 ci-dessus).

97      Elle rappelle que, aux termes des lignes directrices, la « non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles » constitue une circonstance atténuante qui a pour conséquence logique une réduction du montant de l’amende. Il serait en effet de bonne politique pour la Commission d’infliger une amende relativement inférieure à une entreprise qui a contrecarré l’entente en tout ou en partie par rapport à une entreprise qui a pleinement respecté les termes de l’entente et qui a donc causé un préjudice plus important à la concurrence.

98      En premier lieu, la requérante allègue que, dans sa déclaration d’entreprise spontanément transmise à la Commission le 9 juillet 1999 et dans sa réponse à la communication des griefs, elle a démontré avoir, notamment en n’exécutant pas ou en retardant l’application des augmentations de prix convenues, atténué les effets de celles-ci.

99      En deuxième lieu, la requérante allègue n’avoir pas non plus restreint la production comme cela avait été prévu dans le cadre de l’entente, mais avoir plutôt régulièrement dépassé les budgets qui lui étaient alloués pour l’Europe dans une proportion plus importante que Roche ou BASF, contribuant ainsi à répondre à la demande des clients et à réduire la pression sur les prix. En outre, pendant plusieurs années, elle aurait exporté plus de D-pantothénate de calcium (acide pantothénique à l’état pur, ci‑après le « D-Calpan ») vers l’Europe que ce qu’elle a rapporté à Roche et à BASF dans le cadre des échanges d’informations au sein du cartel.

100    Elle conteste la conclusion de la Commission, figurant au considérant 729 de la Décision, selon laquelle les membres des ententes considéraient les quantités qui leur étaient allouées comme des quantités minimales. En effet, en ce qui concerne la vitamine B 5, cette conclusion serait contredite par les éléments de preuve que la requérante a fournis à la Commission dans sa déclaration du 9 juillet 1999, qui démontreraient que les quantités allouées étaient des contingents qui ne pouvaient pas être dépassés de manière significative.

101    En troisième lieu, afin de corroborer ses allégations concernant l’exécution seulement partielle des accords et de démontrer que celle-ci n’était pas une tentative d’exploiter le cartel à son propre avantage, mais une tentative de limiter les effets négatifs des initiatives en matière de volume et de prix, la requérante souligne qu’elle n’avait aucun motif économique direct de participer à la coopération concernant la vitamine B 5 et que, si elle y a participé, c’est par crainte d’une mesure de rétorsion de Roche, qui aurait pu tenter de l’éliminer du marché de cette vitamine. En effet, la requérante allègue qu’elle ne souhaitait pas particulièrement augmenter ses prix pour le D-Calpan. D’une part, elle craignait que les producteurs de prémélanges se tournent vers du D‑Calpan importé de Chine ou du DL‑panthothénate de calcium (un produit de substitution, comprenant jusqu’à 45 % de D-Calpan et utilisé seulement dans l’alimentation animale) importé du Japon ou d’Europe de l’Est. D’autre part, elle redoutait un affaiblissement de la capacité des producteurs indépendants de prémélanges de faire concurrence à Roche et à BASF dans leurs ventes de prémélanges à des fabricants d’aliments pour animaux, ce qui aurait accéléré la tendance à l’élimination du marché de ces producteurs, lesquels étaient les principaux clients de la requérante pour son D‑Calpan vendu en Europe.

102    La défenderesse estime avoir à juste titre refusé, dans la Décision, de reconnaître à la requérante la circonstance atténuante invoquée et se reporte aux appréciations formulées aux considérants 728 et 729 de la Décision (voir point 18 ci‑dessus). Elle ajoute que les lignes directrices énumèrent, parmi les circonstances atténuantes, la « non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles » et fait observer que le comportement de la requérante, en l’espèce, ne saurait recevoir une telle qualification, puisque, de son propre aveu, la requérante a appliqué partiellement les augmentations de prix convenues dans le cadre de l’entente.

 Appréciation du Tribunal

103    Par le présent moyen, la requérante prétend à une réduction du montant de son amende au titre de la non-application effective des accords, constituant une circonstance atténuante au titre du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices. Elle aurait exécuté seulement partiellement les accords sur les prix et sur les quantités, en cherchant ainsi à en atténuer les effets par crainte que ses clients producteurs de prémélanges ne se tournent vers d’autres sources d’approvisionnement ou ne soient affaiblis dans leur capacité concurrentielle vis-à-vis de Roche et de BASF et, de la sorte, évincés du marché des prémélanges. En refusant de lui accorder une réduction du montant de l’amende à ce titre, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et une violation des lignes directrices.

104    Au considérant 728 de la Décision, la Commission a fait référence à l’arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission (T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 230), dans lequel le Tribunal a estimé que le fait qu’une entreprise, dont la participation à une entente en matière de prix est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger.

105    Il convient d’observer que, dans le cadre de l’arrêt susvisé, le Tribunal a opéré son contrôle à l’égard d’une décision de la Commission n’ayant pas fait application des lignes directrices, puisqu’antérieure à l’adoption de celles-ci, lesquelles envisagent désormais expressément la prise en compte de la non-application effective d’un accord infractionnel comme circonstance atténuante. Or, ainsi que cela a déjà été énoncé au point 49 ci‑dessus, il est de jurisprudence constante que la Commission ne peut se départir des règles qu’elle s’est elle-même imposées. Par ailleurs, la mise en œuvre plus ou moins complète, par un membre de l’entente, des mesures convenues avec les autres membres, si elle n’a pas de conséquences sur l’existence de sa responsabilité, peut en avoir sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 508 à 510, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P, C‑208/02 P et C‑213/02 P, non encore publié au Recueil, point 145).

106    Ainsi, en estimant qu’elle n’était pas tenue de prendre en considération, en tant que circonstance atténuante, la violation des obligations assumées par la requérante dans le cadre de l’entente relative à la vitamine B 5, la Commission a méconnu les lignes directrices.

107    Cependant, en vue d’écarter l’application à l’égard de la requérante de la circonstance atténuante invoquée par celle‑ci, la Commission a également considéré, dans la Décision, qu’il ne ressortait pas du dossier que la requérante avait effectivement violé de telles obligations, dans la mesure où, d’une part, les parties à l’entente s’accordaient sur des prix cibles et fixaient leurs prix de façon à les rapprocher des prix cibles convenus et, d’autre part, les volumes alloués étaient des volumes minimaux dont le dépassement n’enfreignait dès lors aucunement les accords.

108    Or, si de telles appréciations s’avéraient pertinentes et fondées, la méconnaissance des lignes directrices constatée au point 106 ci‑dessus serait inopérante, en ce que l’exclusion de la circonstance atténuante en cause décidée par la Commission serait en tout état de cause justifiée au regard des lignes directrices elles-mêmes, à défaut, en l’espèce, de non‑application effective des accords par la requérante.

109    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que, s’il est vrai, ainsi que la défenderesse le soutient, que la mise en œuvre d’accords en matière de prix cibles ne requiert pas nécessairement l’application des prix exacts, les accords pouvant être réputés appliqués lorsque les parties fixent leurs prix de manière à atteindre le but convenu, néanmoins, cet argument n’est pas en soi de nature à exclure en l’espèce toute violation par la requérante des engagements contractés en matière de prix avec les autres membres de l’entente, dans la mesure où il résulte de la Décision (voir considérant 304) que les membres de l’entente relative à la vitamine B 5 fixaient d’un commun accord non seulement des objectifs de prix (les prix « catalogue »), mais également des prix minimaux.


110    Deuxièmement, il convient de constater que le dossier ne fait nullement apparaître que les budgets alloués aux membres de l’entente relative à la vitamine B 5 étaient considérés comme des volumes minimaux. Au contraire, il apparaît qu’ils constituaient des contingents qui ne devaient en principe pas être dépassés. Il résulte en effet de la Décision que leur établissement s’accompagnait de l’attribution aux membres de l’entente de parts de marché exprimées en pourcentage et que lesdits budgets étaient destinés à assurer le maintien de ces parts de marchés (considérants 296, 297, 300 à 302 et 305).

111    Les appréciations de la Commission visées au point 107 ci‑dessus ne sont donc manifestement pas de nature à fonder son refus de reconnaître en faveur de la requérante la circonstance atténuante invoquée.

112    La Décision s’avérant ainsi entachée d’illégalité, il appartient au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction, au sens de l’article 229 CE et de l’article 17 du règlement n° 17, en vue d’établir si la requérante, du fait des circonstances qu’elle invoque, devait bénéficier d’une réduction d’amende au titre de la non‑application effective des accords infractionnels.

113    À cette fin, le Tribunal estime qu’il importe de vérifier si de telles circonstances sont de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle la requérante a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en oeuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci.

114    À cet égard, il y a lieu de relever que les éléments du dossier ne permettent pas de donner à cette question une réponse affirmative.

115    D’une part, ainsi que la défenderesse le fait observer, la requérante ne prétend pas s’être soustraite à toute application effective des accords illicites.

116    D’autre part, pour autant que la requérante invoque une application seulement partielle de ceux-ci, les éléments fournis par la requérante ne sont pas de nature à démontrer qu’elle s’est clairement et de manière considérable écartée des accords collusoires au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de l’entente relative à la vitamine B 5.

117    En ce qui concerne, en premier lieu, la non-application effective des accords sur les prix, la requérante invoque les circonstances suivantes :

a)      Roche a annoncé une augmentation de prix de plus de 4 % le 5 avril 1997 ; les prix de la filiale européenne de la requérante, Daiichi Pharmaceutical Europe (ci-après « DPE »), n’auraient cependant commencé à dépasser le niveau d’avril 1997 qu’en juillet 1997 et l’augmentation des prix totale au niveau de Roche ne se serait pleinement reflétée dans les prix de DPE qu’à partir d’octobre 1997, soit quelque six mois après l’annonce de Roche ;

b)      lors d’une réunion avec Roche et BASF en novembre 1997 ou en janvier 1998, la requérante se serait opposée sans succès à une augmentation des prix en Europe souhaitée par BASF ;

c)      BASF a annoncé une augmentation des prix de 5 % le 25 février 1998 ; cependant, les prix de DPE n’auraient augmenté (de moins de 5 %) qu’en mai seulement et seraient ensuite retombés en juin au‑dessous du niveau de février ;

d)      la requérante n’aurait pas suivi l’augmentation des prix annoncée par BASF en avril 1998, ni l’augmentation des prix annoncée par Roche le 13 juin 1998 ;

e)      le D-Calpan de la requérante aurait été régulièrement vendu à des utilisateurs finaux à des prix inférieurs au prix « catalogue » et aux prix minimaux établis dans le cadre de l’entente, en raison du fait que la requérante n’exécutait pas, troublait ou retardait les augmentations de prix et accordait des rabais par rapport aux prix publiés ; plus précisément, les prix du D‑Calpan de la requérante vendu aux utilisateurs finaux auraient été, en moyenne, inférieurs de plus de 10 % aux prix « catalogue » et inférieurs aux prix minimaux.

118    Il convient d’écarter d’emblée la circonstance envisagée sous b), laquelle est visée au considérant 323 de la Décision, dans la mesure où cette circonstance ne fait qu’indiquer que la requérante, au cours d’une réunion entre les membres de l’entente ayant eu lieu en novembre 1997 ou en janvier 1998, a manifesté son désaccord avec une augmentation des prix souhaitée par BASF, mais ne préjuge en rien de l’attitude que la requérante a pu effectivement adopter sur le marché postérieurement à cette réunion.

119    S’agissant des circonstances visées sous d), l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’aurait pas suivi une augmentation des prix annoncée par BASF en avril 1998 n’est nullement prouvée, les éléments évoqués par la requérante ne permettant pas même au Tribunal d’identifier une telle augmentation. Le renvoi fait par la requérante, à cet égard, au point 103 de la communication des griefs fait supposer que cette augmentation est en réalité celle annoncée par BASF le 25 février 1998, à laquelle se réfère la circonstance visée sous c). En outre, il ressort de ce même point de la communication des griefs que l’augmentation des prix annoncée par Roche le 13 juin 1998 ne visait qu’à donner suite et à soutenir l’initiative de BASF du 25 février 1998. Il apparaît ainsi que toutes les circonstances visées sous c) et d) se réduisent, en définitive, à un alignement très limité à une seule et même initiative d’augmentation des prix prise par les autres membres de l’entente.

120    S’agissant de la circonstance visée sous a), si elle apparaît confirmée sur la base d’un tableau concernant les prix moyens de vente, calculés sur une base mensuelle, de DPE pour la période 1996-1999 (ci-après le « tableau DPE », fourni par la requérante durant la procédure administrative et versé au dossier dans la présente affaire), sa signification apparaît fortement relativisée à la lumière de deux autres documents produits par la requérante devant la Commission et versés au dossier, rapportant sur une base notamment trimestrielle les prix moyens pratiqués par la requérante elle-même en Europe aux utilisateurs finaux au cours de la période infractionnelle. Ces documents – un graphique décrivant l’évolution des prix moyens de vente de Daiichi en Europe pour la période 1985 à 1999 et un tableau concernant les prix moyens de vente de Daiichi en Europe, calculés sur base annuelle et trimestrielle, pour la période 1991 à 1998 (ci‑après, respectivement, le « graphique Daiichi » et le « tableau Daiichi ») – montrent que le niveau de ces prix était nettement supérieur à celui des prix de DPE résultant du tableau DPE. Le graphique Daiichi fait ressortir, en particulier, que le prix moyen de la requérante elle‑même au début du second trimestre de 1997 était de 36 marks allemands (DEM) contre 32,05 DEM rapportés par le tableau DPE pour DPE à la même époque. Le tableau Daiichi montre, à son tour, que le prix moyen de la requérante elle‑même au cours du deuxième trimestre de 1997 était de 4,3 % supérieur à son prix moyen pour le trimestre précédent, ce qui apparaît pleinement cohérent avec une hypothèse d’alignement de Daiichi sur l’augmentation de 4 % des prix annoncée par Roche le 5 avril 1997.

121    Invitée lors de l’audience à expliquer le niveau différent de ces prix et à indiquer en quoi il serait pertinent, dans l’examen du présent moyen, de se référer tantôt aux prix de DPE, tantôt aux prix de Daiichi, la requérante a précisé que DPE s’était vu laisser, de temps à autre, une certaine marge de manœuvre par sa société mère et que, pour décider si la non‑application partielle des accords de prix était prouvée, il faudrait prendre en compte les prix pratiqués par la société mère, à savoir la requérante elle‑même. Dans ces conditions, la comparaison entre les prix convenus au sein de l’entente et les prix de DPE ne peut être réellement représentative du degré d’alignement de la requérante sur les accords sur les prix de la vitamine B 5.

122    S’agissant de la circonstance visée sous e), il résulte du tableau ci‑après, produit par la requérante, non contesté par la défenderesse et dont les données sont tirées des considérants 304, 323 et 325 de la Décision ainsi que du graphique et du tableau Daiichi, que, au cours de la période allant du mois d’octobre 1991 à la fin de l’année 1994, les prix de vente de la requérante en Europe ont représenté entre 90 et 93 % des prix minimaux convenus :


Date

Prix « catalogue »

pour l’Europe (DEM)

Prix minimal

pour l’Europe (DEM)

Prix moyen Daiichi

aux utilisateurs en Europe (DEM)

1. 10. 1991

29,50

28,50

26,00

1. 4. 1992

32,50

31,00

28,50

1. 4. 1993

36,50

35,00

32,00

1994

39,00

37,50

35,01

1995

40,00

n.d.

35,33

1996

n.d.

n.d.

34,33

1997

43,00

n.d.

36,79

1998

46,00

n.d.

39,98


123    Il ne résulte cependant pas assurément du dossier que le prix minimal de 37,50 DEM indiqué pour 1994 était une valeur moyenne pour toute cette année. Il est loin d’être exclu, notamment à la lumière du considérant 304 de la Décision, que cette donnée ne représente qu’une valeur fixée à un moment précis de l’année 1994, par exemple au 1er avril 1994 ainsi que semble l’attester le document BASFAG 000301 joint à la lettre de BASF à la Commission du 23 juin 1999, de sorte que le prix minimal moyen au cours de cette même année a bien pu être inférieur à 37,50 DEM. Les prix moyens de vente de la requérante en 1994 ont donc pu représenter même plus que 93 % de ce prix minimal moyen.

124    Or, l’écart constaté entre les prix de vente de la requérante et les prix minimaux convenus n’apparaît pas considérable et il n’est avéré, au plus, que pour une période de trois ans et trois mois, alors que la durée totale de l’infraction a été de huit ans [de janvier 1991 à février 1999, comme il ressort des considérants 2, 296 à 300, 312, 620 et 706 de la Décision, et non de septembre 1991 à février 1999, comme indiqué, à la suite d’une erreur de plume, à l’article 1er, paragraphe 2, sous f), de la Décision]. Par ailleurs, il ressort du même tableau que l’évolution des prix de vente de la requérante a concordé, pendant cette même période, avec l’évolution des prix minimaux convenus et, pendant toute la période infractionnelle, avec celle des prix « catalogue », et cela dans une mesure significative.

125    En ce qui concerne, en second lieu, une éventuelle non-application effective des accords sur les volumes, la requérante allègue, d’une part, avoir régulièrement dépassé les budgets qui lui étaient alloués pour l’Europe dans une proportion plus importante que Roche ou BASF et, d’autre part, avoir, pendant plusieurs années, exporté plus de D-Calpan vers l’Europe que ce qu’elle a rapporté à Roche et à BASF dans le cadre des échanges d’informations au sein du cartel.

126    S’agissant du dépassement des budgets, force est de constater – à l’aide du tableau ci-après, non contesté par la défenderesse, que la requérante a élaboré sur la base des données contenues dans des annexes à la communication des griefs et dans des documents produits par la requérante à la Commission durant la procédure administrative – que Roche et BASF ont, à leur tour, souvent dépassé leurs budgets et que les dépassements de la requérante ont été significatifs seulement au cours de la période 1991-1993, alors que c’est précisément dans les années 1991 et 1992 que Roche enregistrait ses dépassements les plus significatifs :


Années

Budget de Daaichi

pour l’Europe*

Ventes de

Daiichi

pour l’Europe*

Index de Daiichi**

Index de Roche**

Index de BASF**

1991

370

411

111 %

114 %

86 %

1992

435

567

130 %

116 %

102 %

1993

470

646

137 %

95 %

104 %

1994

635

670

106 %

87 %

90 %

1995

640

607

95 %

85 %

78 %

1996

550

560

102 %

102 %

121 %

1997

585

606

104 %

110 %

86 %

1998

580

438

78 %

110 %

103 %


* :       en millions de tonnes.

** :      ventes rapportées en pourcentage du budget individuel pour l’Europe.

127    De plus, les données sur lesquelles s’appuie la requérante concernent les budgets et les ventes au niveau européen et non au niveau mondial. Or, il ressort des déclarations de la requérante elle-même devant la Commission et reprises au point 88 de la requête que le dépassement des budgets au niveau régional ne suscitait pas de difficultés au sein de l’entente, contrairement à un dépassement supérieur à 2 % des budgets au niveau mondial.

128    S’agissant de la communication par la requérante aux autres membres de l’entente, dans le cadre de l’échange régulier d’informations institué au sein de celle-ci, de données sous‑estimant ses ventes effectives en Europe, cette circonstance, à la supposer établie, n’a pu avoir aucun effet autonome d’atténuation des conséquences nocives pour les consommateurs des accords anticoncurrentiels de l’espèce. En effet, elle n’a pu, au plus, qu’aider la requérante à dissimuler et donc à soutenir ses violations de la ligne de conduite convenue au sein de l’entente en ce qui concerne les prix et les volumes de vente.

129    Ainsi, les circonstances invoquées par la requérante dans le cadre du présent moyen, même appréciées dans leur ensemble, ne permettent pas de conclure qu’elle s’est écartée clairement et d’une manière considérable des accords convenus par les membres de l’entente. En tout état de cause, aucun élément dans le dossier ne montre que ces circonstances ont effectivement perturbé, à quelque moment que ce soit, le fonctionnement de celle-ci.

130    Dans ces conditions, la requérante ne saurait bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la non‑application effective des accords infractionnels, de sorte que sa demande en ce sens doit être rejetée.

3.     Sur le troisième moyen, relatif à l’application de la communication sur la coopération

131    Le présent moyen a trait à l’application de la communication sur la coopération à l’égard de la requérante (voir points 19 à 22 ci‑dessus) et se subdivise en quatre branches.

 Sur les première et deuxième branches, relatives, respectivement, à l’application des sections B et C de la communication sur la coopération

132    Par les première et deuxième branches du présent moyen, la requérante soutient que la Commission aurait dû lui accorder l’immunité totale ou une réduction de l’amende non inférieure à 75 % en application de la section B de la communication sur la coopération ou, à titre subsidiaire, une réduction de l’amende de 50 à 75 % en application de la section C de cette même communication.

 Arguments des parties

–       Sur la première branche

133    Par la première branche du présent moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, a « erronément appliqué la loi aux faits » et a violé la communication sur la coopération en ne lui ayant pas accordé une immunité totale ou une réduction très importante, de 75 à 100 %, du montant de l’amende, en vertu de la section B de cette même communication. Elle estime, en effet, qu’elle remplissait toutes les conditions visées à cette section.

134    S’agissant, plus particulièrement, de la condition visée à la section B, sous b), exigeant que l’entreprise « [soit] la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente », la requérante allègue que, à l’époque où elle a fourni ses renseignements relatifs à l’entente sur la vitamine B 5 à la Commission, cette dernière ne disposait pas encore d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’infraction.

135    La requérante rappelle que, dans sa décision 2001/418/CE, du 7 juin 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/36.545/F3 – Acides aminés) (JO 2001, L 152, p. 24), la Commission a considéré que des éléments de preuve sont déterminants au sens de la section B, sous b), de la communication sur la coopération lorsqu’ils sont « en eux-mêmes suffisants pour établir l’existence de l’entente ». Or, pour que des éléments de preuve particuliers soient considérés comme établissant l’infraction, ils doivent, selon la requérante, concerner et décrire les éléments constitutifs de l’entente, à savoir : l’identité des sociétés et les noms et qualités des personnes participant à l’infraction ; les détails relatifs à chacun des contacts ou des réunions entre les participants ; les détails relatifs à l’objet des discussions tenues lors de chacune des réunions et à tout arrangement commun ; le mécanisme fondamental de l’entente ou modus operandi (par exemple, la fréquence des réunions, l’existence de systèmes de surveillance, les structures ou organismes surveillant les arrangements) ; la durée de l’infraction.

136    La requérante fait remarquer que les éléments de preuve relatifs à l’entente sur la vitamine B 5 fournis par Roche et par BASF antérieurement à sa propre déclaration du 9 juillet 1999 sont ceux contenus dans une lettre de Roche à la Commission du 22 juin 1999 inscrite au dossier administratif le 24 juin 1999 et dans deux documents émanant de BASF inscrits à ce même dossier, respectivement, le 15 et le 25 juin 1999. Or, selon la requérante, ces éléments ne sauraient aucunement être qualifiés de déterminants.

137    En particulier, la requérante fait valoir que les éléments de preuve fournis par Roche le 24 juin 1999 contenaient des documents statistiques pour la période allant de 1995 à 1998. Cependant, l’infraction en cause s’étant étalée de janvier 1991 à février 1999, il ne pourrait pas être conclu que ces éléments de preuve ont établi la durée de l’infraction. Ces éléments n’auraient pas non plus décrit le mécanisme de base de l’entente : ils ne se référeraient nulle part à des initiatives de prix coordonnéés et ne se référeraient que vaguement à des « parts de marchés convenues », sans fournir des renseignements concernant des réunions particulières, l’endroit où elles se sont tenues, les dates ou les participants. Les éléments fournis par BASF les 15 et 25 juin 1999 étaient, selon la requérante, légèrement plus détaillés que ceux fournis par Roche en juin 1999, mais, tout comme ces derniers, incomplets, notamment en ce qui concerne la durée de l’infraction. En effet, il en ressortirait qu’un « accord » avait été discuté pour la première fois en 1992 et que les « arrangements concernant le Calpan » s’étaient terminés à la fin ou aux environs de la fin de 1998.

138    Cependant, la requérante relève qu’elle n’a pas eu accès à certains passages des renseignements de BASF censés contenir des secrets d’affaires. Tout en faisant observer qu’il est « infiniment peu probable que ces renseignements omis auraient rendu les éléments de BASF ‘déterminants’ », la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission, au titre des mesures d’organisation de la procédure, de fournir au Tribunal une version intégrale des deux documents émanant de BASF susvisés et de confirmer que les informations auxquelles la requérante n’a pas eu accès n’ont pas rendu les éléments de preuve fournis par BASF déterminants.

139    Les éléments de preuve soumis à la Commission par la requérante le 9 juillet 1999 auraient été en revanche déterminants, vu leur caractère exhaustif et détaillé. En particulier, ces éléments auraient permis à la Commission d’établir l’historique et le régime de l’entente, le mécanisme de base de l’entente, le calendrier et le mécanisme des ajustements budgétaires, les détails des réunions, le fonctionnement de l’entente de 1991 à 1997 et la durée de l’entente. Le caractère déterminant des éléments de preuve fournis par la requérante ressortirait également du fait que la Commission s’est reposée presque exclusivement sur ceux-ci pour décrire l’infraction dans la Décision (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Weig/Commission, T‑317/94, Rec. p. II‑1235, point 288). En particulier, la partie de la Décision consacrée à la description de l’entente relative à la vitamine B 5 (considérants 292 à 329) se référerait environ vingt fois à des citations, déclarations et documents fournis par la requérante, alors qu’elle ne se référerait que deux fois à des déclarations et documents fournis par BASF et une seule fois à une déclaration de Roche.

140    La requérante fait remarquer que, dans la Décision, la Commission n’a pas motivé pour chaque entente sanctionnée le caractère déterminant des éléments de preuve fournis par Roche et par BASF. La Commission aurait plutôt réalisé une « détermination globale concernant les mémoires de Roche et de BASF pour toutes les différentes ententes de vitamines ». Au vu de cette approche globale, la question se poserait de savoir si la Commission a correctement apprécié et qualifié les éléments de preuve de Roche et de BASF fournis en juin 1999 de déterminants aux fins de prouver l’infraction relative à la vitamine B 5. Dans ces conditions, la requérante invite le Tribunal à réexaminer ces éléments de preuve et à les comparer avec les éléments de preuve « détaillés, complets et volontaires » fournis par la requérante le 9 juillet 1999.

141    La défenderesse conteste que la requérante puisse bénéficier de la section B de la communication sur la coopération, la requérante n’ayant pas été la première à lui avoir fourni des éléments déterminants de preuve de l’entente relative à la vitamine B 5. Elle réitère les arguments exposés dans la Décision selon lesquels Roche et BASF lui ont communiqué les premiers éléments déterminants – à savoir des informations sur l’identité des sociétés et de certaines personnes impliquées dans les accords, l’objet des discussions, le plan de base de l’entente et la durée de l’infraction – et précise que ces éléments ont été fournis par BASF les 15 et 23 juin 1999 et par Roche dans sa lettre du 22 juin 1999.

142    Pour ce qui est de la mesure d’organisation de la procédure sollicitée par la requérante, d’une part, la défenderesse précise que la requérante possède déjà les documents dont elle demande la production, qui lui ont été envoyés au moment de l’adoption de la communication des griefs, à l’exception des informations de vente transmises par BASF figurant à la page 4413 du dossier administratif, pour lesquelles la Commission aurait accordé un traitement confidentiel. D’autre part, la défenderesse confirme le caractère déterminant de ces documents aux fins de la preuve de l’existence de l’entente relative à la vitamine B 5.

143    En ce qui concerne sa demande de mesures d’organisation de la procédure, la requérante, dans son mémoire en réplique, prend acte de ce que la défenderesse confirme que la page 4413 du dossier administratif ne lui a pas été communiquée au cours de la procédure administrative en raison du traitement confidentiel accordé. Elle précise, à cet égard, qu’elle ne cherche pas à obtenir elle-même une copie de cette page, mais demande plutôt que la défenderesse la fournisse au Tribunal, afin que celui‑ci soit à même d’apprécier si les informations qui y figurent ont été fournies en réponse à la demande de la Commission au titre de l’article 11 du règlement n° 17 et si elles ont rendu la preuve fournie par BASF déterminante au sens de la section B, sous b), de la communication sur la coopération.

–       Sur la deuxième branche

144    Pour le cas où le Tribunal devrait juger qu’elle ne remplissait pas la condition prévue à la section B, sous a), de la communication sur la coopération, la requérante fait valoir, par la deuxième branche du présent moyen, que, dans la mesure où elle remplissait au moins les conditions visées sous b) à e) de cette section, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, a « appliqué erronément la loi aux faits » et a violé la communication sur la coopération en ne lui ayant pas accordé une réduction substantielle de 50 à 75 % du montant de l’amende au titre de la section C de ladite communication.

145    La défenderesse fait observer que, n’ayant pas été la première à produire des éléments déterminants prouvant l’existence de l’entente, la requérante ne pouvait pas non plus bénéficier de l’application de la section C de la communication sur la coopération.

 Appréciation du Tribunal

146    Dans sa communication sur la coopération, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente peuvent être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter (voir section A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération).

147    Comme cela est mentionné à la section E, paragraphe 3, de la communication sur la coopération, celle-ci a créé des attentes légitimes sur lesquelles se fondent les entreprises souhaitant informer la Commission de l’existence d’une entente. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant coopérer avec la Commission ont pu tirer de cette communication, la Commission est donc obligée de s’y conformer lors de l’appréciation, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende imposée à la requérante, de la coopération de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 608, et du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, non encore publié au Recueil, points 192 et 193).

148    Conformément à la section B de cette communication, « bénéficie d’une réduction d’au moins 75 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération, réduction pouvant aller jusqu’à la non‑imposition totale d’amende », l’entreprise qui :

« a)  dénonce l’entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, et sans qu’elle dispose déjà d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’entente dénoncée ;

b)       est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente ;

c)       a mis fin à sa participation à l’activité illicite au plus tard au moment où elle dénonce l’entente ;

d)       fournit à la Commission toutes les informations utiles, ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elle dispose au sujet de l’entente et maintient une coopération permanente et totale tout au long de l’enquête ;

e)       n’a pas contraint une autre entreprise à participer à l’entente ni eu un rôle d’initiation ou un rôle déterminant dans l’activité illicite».

149    En outre, en vertu de la section C de ladite communication, « l’entreprise qui, remplissant les conditions exposées [à la section B, sous] b) à e), dénonce l’entente secrète après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, sans que cette vérification ait pu donner une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure en vue de l’adoption d’une décision, bénéficie d’une réduction de 50 à 75 % du montant de l’amende ».

150    L’octroi de l’immunité totale ou d’une réduction du montant de l’amende au titre de la section B ou de la section C de la communication sur la coopération requiert donc, notamment, que l’entreprise concernée ait été la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente [condition visée à la section B, sous b)].

151    Au considérant 743, première phrase, de la Décision, la Commission a estimé que « Roche et BASF, par le biais des documents transmis à ses services entre le 2 juin 1999 et le 30 juillet 1999, [avaient] été les premières à lui communiquer des éléments déterminants pour prouver l’existence des accords collusoires relatifs aux marchés des vitamines B 2, B 5, C et D 3, du bêta-carotène et des caroténoïdes ». Au considérant 745, première phrase, elle en a déduit que les autres entreprises avaient ainsi été empêchées de remplir cette condition.

152    La requérante soutient, au contraire, qu’elle remplissait bien cette même condition. Par sa déclaration à la Commission du 9 juillet 1999 et ses annexes, elle aurait fourni à la Commission des éléments déterminants pour prouver l’entente relative à la vitamine B 5. En revanche, les éléments fournis au sujet de ladite entente par Roche et par BASF avant cette déclaration, à savoir ceux transmis par une lettre de Roche du 22 juin 1999, enregistrée le 24 juin 1999, et par deux lettres de BASF des 15 et 23 juin 1999 (enregistrées respectivement les 15 et 25 juin 1999), ne pourraient pas être qualifiés de déterminants.

153    Or, force est de constater que la formulation de la première phrase du considérant 743 de la Décision ne permet pas de comprendre si la Commission a estimé que Roche et BASF remplissaient conjointement la condition visée à la section B, sous b), pour chacune des infractions mentionnées, ni si, en ce qui concerne l’infraction relative à la vitamine B 5, son appréciation s’est fondée sur la prise en compte de tous les éléments fournis par ces deux entreprises dans le laps de temps indiqué (entre le 2 juin et le 30 juillet 1999), y compris donc ceux transmis après la déclaration de la requérante du 9 juillet 1999 (notamment les réponses de Roche et de BASF du 16 juillet 1999 aux demandes de renseignements, portant notamment sur la vitamine B 5, qui leur avaient été adressées par l’institution le 26 mai 1999 : voir considérant 132 de la Décision).

154    Aux fins de la présente affaire, il n’est toutefois pas nécessaire d’examiner – eu égard au libellé de la section B, sous b), et de la section C de la communication sur la coopération, qui visent à récompenser par une réduction d’amende respectivement très importante et importante l’unique entreprise ayant réellement été la « première » à fournir des éléments déterminants (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 365) – la question de savoir si la Commission a estimé, et, le cas échéant à juste titre, que, en ce qui concerne l’infraction relative à la vitamine B 5, Roche et BASF remplissaient toutes les deux la condition visée à la section B, sous b), de la communication sur la coopération.

155    Par ailleurs, l’ambiguïté du considérant 743 de la Décision en ce qui concerne les éléments de preuve pris en considération par la Commission aux fins de son appréciation au titre de la section B, sous b), de la communication sur la coopération n’a pas empêché la requérante d’évaluer le bien-fondé de cette appréciation et de la contester devant le Tribunal, tout comme elle n’empêche pas le Tribunal d’exercer son contrôle de légalité sur cette appréciation au regard des arguments soulevés par les présentes branches.

156    S’agissant de la notion d’« éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente », d’une part, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que prétend la requérante, que cette notion ne vise pas des preuves qui sont en elles-mêmes suffisantes pour établir l’existence de l’entente, ainsi que le démontre une comparaison avec les termes utilisés à la section B, sous a), de la communication sur la coopération, comprenant précisément l’adjectif « suffisants », qui n’est pas en revanche employé à la section B, sous b), de cette communication (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 362).

157    D’autre part, si les éléments visés à la section B, sous b), de cette communication ne doivent pas nécessairement être en eux-mêmes suffisants pour prouver l’existence de l’entente, ils doivent néanmoins être déterminants à cette même fin. Il ne doit donc pas s’agir simplement d’une source d’orientation pour les investigations à mener par la Commission, mais d’éléments susceptibles d’être utilisés directement comme base probatoire principale pour une décision de constatation d’infraction.

158    En l’espèce, il ne saurait être contesté que la requérante a fourni, par sa déclaration du 9 juillet 1999, des éléments de telle nature en ce qui concerne l’entente relative à la vitamine B 5. Cette déclaration comportait une description détaillée de l’entente, avec des précisions notamment sur l’établissement et la durée de celle-ci, ses membres et leurs motivations, ses principes directeurs (système des budgets visant à la répartition des ventes, augmentations concertées des prix, échange d’informations), ainsi qu’un relevé très minutieux de nombreux contacts et réunions ayant eu lieu au cours de toute la durée de l’infraction, avec indication de leurs dates, lieux, objet et des noms des participants. Des documents étaient également annexés, montrant, de manière circonstanciée et avec des précisions chiffrées, notamment le fonctionnement du système des budgets et les augmentations de prix concertées. D’ailleurs, comme la requérante l’a à juste titre mis en exergue, la description de l’infraction relative à la vitamine B 5 contenue dans la Décision s’appuie fondamentalement sur les éléments fournis par la requérante.

159    Dans ces conditions, la requérante est fondée à souligner que la question de savoir si l’entreprise ayant fourni la première des éléments déterminants a été effectivement Roche ou BASF, et non la requérante, doit être tranchée sur la base des seuls éléments transmis par Roche et par BASF à la Commission à la date du 9 juillet 1999. La défenderesse elle‑même, dans son mémoire en réponse, a d’ailleurs précisé l’indication figurant au considérant 743, première phrase, de la Décision, en alléguant que les premiers éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente relative à la vitamine B 5 avaient été fournis par BASF dans ses lettres des 15 et 23 juin 1999 et par Roche dans sa lettre du 22 juin 1999.

160    Or, à cet égard, il y a lieu de considérer que les éléments fournis par BASF au 25 juin 1999, à savoir ceux transmis par les lettres des 15 et 23 juin 1999, tels qu’il résultent du dossier de la présente affaire, peuvent assurément être regardés comme étant susceptibles de constituer la base probatoire principale pour une constatation de l’existence d’une entente dans le marché de la vitamine B 5 et, par conséquent, comme faisant en tout état de cause obstacle à ce que la requérante remplisse la condition visée à la section B, sous b), de la communication sur la coopération.

161    En effet, il convient de remarquer que la lettre du 15 juin 1999 fait ressortir, outre les participants à l’entente, des précisions concernant certaines réunions de la période initiale de l’entente, avec mention des lieux (Bâle et Tokyo) où elles s’étaient tenues et des noms des personnes intervenues. Elle indique les noms des personnes impliquées dans les agissements illicites, la fréquence trimestrielle des réunions du cartel et le contenu général des accords (allocation de quotas, échange d’informations sur une base mensuelle sur les volumes de ventes, augmentation des prix) et identifie comme période infractionnelle la période allant de 1992 à la fin de 1998, soit une période couvrant presque la totalité de la période infractionnelle telle que constatée dans la Décision. En outre, la lettre du 23 juin 1999 fournit, dans ses annexes, des informations chiffrées relatives notamment aux quotas alloués aux membres de l’entente pour les années 1995 et 1996 et une liste des prix « catalogue » et des prix minimaux au 1er avril 1994, informations qui rendent plus circonstanciée et étayée la description des agissements illicites contenue dans la lettre du 15 juin 1999.

162    La conclusion formulée au point 160 ci‑dessus ne saurait être infirmée par le fait que les éléments fournis par BASF à la date du 25 juin 1999 n’identifiaient pas la durée exacte de l’infraction telle que constatée dans la Décision, car la condition visée à la section B, sous b), de la communication sur la coopération n’exige pas que l’entreprise en cause fournisse des éléments de preuve portant sur tous les faits constatés dans la décision de la Commission. Ladite conclusion ne saurait non plus être infirmée par le fait que, dans la Décision, la Commission ait utilisé plus abondamment les éléments fournis par la requérante que ceux fournis par BASF.

163    Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin ni d’ordonner à la défenderesse, conformément à la demande de la requérante en ce sens, de produire la page 4413 ou d’autres documents du dossier administratif, ni d’examiner si les éléments fournis par Roche par sa lettre du 22 juin 1999, plus limités que ceux fournis par BASF, pouvaient, à leur tour, être qualifiés de déterminants pour prouver l’existence de l’entente relative à la vitamine B 5, force est de constater, avec la défenderesse, que la requérante, en dépit du caractère certes plus étendu, détaillé et documenté des éléments fournis par elle à la Commission le 9 juillet 1999, ne remplissait pas la condition visée à la section B, sous b), de la communication sur la coopération et ne pouvait dès lors pas bénéficier de l’application de la section B ou de la section C de cette communication.

164    La requérante n’ayant pas établi que, en refusant de lui accorder l’un ou l’autre de ces bénéfices, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation ou violé la communication sur la coopération, les première et deuxième branches du présent moyen doivent être rejetées.

 Sur les troisième et quatrième branches, relatives à l’application de la section D de la communication sur la coopération

165    Par les troisième et quatrième branches du présent moyen, formulées à titre subsidiaire, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû au moins lui accorder une réduction de l’amende de 50 % ou, en tout état de cause, supérieure à 35 %, en application de la section D de la communication sur la coopération.

 Arguments des parties

–       Sur la troisième branche

166    Par la troisième branche, la requérante soutient que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en ne lui ayant pas accordé, contrairement à ce qui a été le cas pour Roche et BASF, une réduction de 50 % du montant de l’amende au titre de la section D de ladite communication, sa coopération ayant été, selon la requérante, au moins aussi étendue et volontaire que celle de Roche et celle de BASF et étant intervenue à la même phase de la procédure administrative.

167    La requérante rappelle que, aux termes des arrêts du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission (T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 245), et Acerinox/Commission (T‑48/98, Rec. p. II‑3859, point 139), les degrés de la coopération fournie par les entreprises concernées doivent être considérés comme comparables pour autant que ces entreprises ont fourni à la Commission, au même stade de la procédure administrative et dans des circonstances analogues, des informations semblables concernant les faits qui leur étaient reprochés. Or, en l’espèce, plusieurs facteurs démontreraient que la coopération de la requérante a été comparable à, voire plus étendue que, celle de Roche et celle de BASF : les circonstances dans lesquelles les entreprises concernées ont approché la Commission, la séquence temporelle de la présentation des éléments de preuve, la nature volontaire de la fourniture des preuves et la « valeur ajoutée » des éléments de preuve fournis.

168    La défenderesse conteste que le principe d’égalité de traitement impose en l’espèce d’accorder à la requérante une réduction de 50 % de l’amende au titre de la section D de la communication sur la coopération, soit un traitement identique à celui accordé à cet égard à Roche et à BASF. Elle met en exergue notamment que ce n’est que plus d’un mois après Roche et BASF que la requérante a contacté la Commission pour manifester son intention de coopérer et que sa coopération effective n’est intervenue qu’à un moment où la Commission disposait déjà de preuves décisives sur l’entente transmises par Roche et par BASF. Ce serait donc sans enfreindre le principe d’égalité de traitement qu’elle a exercé sa marge d’appréciation à l’intérieur de la fourchette de réduction (10 à 50 %) prévue à la section D de la communication sur la coopération en accordant à la requérante une réduction de 35 % du montant de son amende.

–       Sur la quatrième branche

169    À titre encore plus subsidiaire, la requérante fait valoir, par la quatrième branche du présent moyen, que la Commission a violé la communication sur la coopération et le principe d’égalité de traitement en ne lui ayant pas accordé une réduction de plus de 35 % pour s’être conformée au premier et au second tiret de la section D, paragraphe 2, de ladite communication.

170    À cet égard, la requérante rappelle qu’elle s’est vu accorder une réduction de 35 % pour avoir rempli les conditions mentionnées à la section D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération, c’est-à-dire pour avoir fourni à la Commission, avant l’envoi de la communication des griefs, des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui ont contribué à confirmer l’existence de l’infraction commise. La requérante fait remarquer, toutefois, que la Commission n’a reconnu nulle part dans la Décision que, n’ayant pas contesté la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs, elle a également rempli les conditions posées à la section D, paragraphe 2, second tiret, de ladite communication.

171    Or, il découlerait de la section D, paragraphe 2, de cette communication que le premier et le second tiret visent des motifs séparés et distincts pour une réduction du montant de l’amende. Dans ces conditions, le fait que la Commission n’ait pas accordé à la requérante une réduction plus élevée tenant compte du fait qu’elle a rempli les conditions du premier et du second tiret de la section D, paragraphe 2, de la communication constituerait une application erronée de cette dernière ou, à tout le moins, une violation des attentes légitimes créées par cette communication.

172    En outre, ce refus de la Commission d’accorder à la requérante une réduction pour s’être conformée aux deux tirets de la section D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération violerait également le principe d’égalité de traitement, dans la mesure où il n’est pas conforme à la pratique de la Commission. La requérante mentionne, à ce propos, la décision British Sugar (point 46 ci-dessus) et la décision 1999/271/CE de la Commission, du 9 décembre 1998, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE  (IV/34.466 – Transbordeurs grecs) (JO 1999, L 109, p. 24), dans lesquelles, respectivement, les entreprises British Sugar et Anek auraient bénéficié d’une réduction de 50 % et de 45 % de l’amende pour avoir rempli en même temps les conditions visées au premier et au second tiret de la section D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération.

173     La défenderesse conteste la prétention de la requérante à une réduction de l’amende supérieure à 35 % au titre de la section D de ladite communication. Elle maintient que la réduction accordée de 35 % tient également compte du fait que la requérante n’a pas contesté les faits. La Décision mentionnerait au considérant 754 (voir point 20 ci-dessus) la circonstance que la requérante n’a pas contesté les faits. Une lecture correcte de ce considérant montrerait que les deux possibilités envisagées sont, premièrement, qu’une entreprise ait contribué à établir l’existence des infractions et n’ait pas contesté la matérialité des faits et, deuxièmement, qu’elle n’ait pas contesté la matérialité des faits sans avoir contribué à établir l’existence des infractions. Une telle lecture s’imposerait eu égard au contexte de la phrase et à la Décision dans son ensemble, de laquelle il ressortirait que, alors qu’aucune des entreprises n’a contesté la matérialité des faits, certaines entreprises, pour certains produits vitaminiques, n’ont pas rempli la condition relative à la contribution à l’établissement des infractions. Le niveau de réduction accordé à Roche et à BASF confirmerait, d’ailleurs, l’inexactitude de l’interprétation de la Décision retenue par la requérante. En effet, si cette interprétation était exacte, les réductions accordées à Roche et à BASF n’auraient pas tenu compte de l’absence de contestation par ces dernières de la matérialité des faits relatifs aux infractions qui leur ont été imputées, et l’octroi par la Commission d’une réduction de 50 % à chacune d’entre elles serait illogique, puisque le maximum de réduction au titre de la section D leur aurait été accordé même si les conditions énoncées à cette section n’avaient pas toutes été remplies.

174    La défenderesse aurait ainsi simplement omis, au considérant 764, de mentionner à nouveau le second tiret de la section D, mais l’énoncé de ce considérant se référerait cependant de façon générale à la coopération apportée par la requérante à la Commission.

  Appréciation du Tribunal

175    La section D de la communication sur la coopération prévoit :

« 1. Lorsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [sections] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si :

–        avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

–        après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. »

176    Il convient d’examiner tout d’abord la question de savoir si, ainsi que la requérante le prétend, la réduction de 35 % du montant de l’amende qui lui a été accordée par la Commission au titre de cette section D l’a été seulement en vertu de la coopération visée au paragraphe 2, premier tiret, de cette section ou si, comme le soutient la défenderesse, ladite réduction visait également à récompenser la requérante pour ne pas avoir contesté la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs, étant précisé que la défenderesse ne nie pas que la requérante remplissait la condition visée au paragraphe 2, second tiret, de ladite section. La non-contestation par la requérante de la matérialité des faits rapportés dans la communication des griefs ressort d’ailleurs clairement de la teneur de sa réponse du 2 octobre 2000 à cette même communication.

177    Ainsi que la défenderesse l’a fait observer, il ressort effectivement de la Décision (considérant 148) qu’aucune des huit entreprises ayant fait l’objet d’amendes dans le cadre de la Décision n’a contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission avait fondé sa communication des griefs. Or, bien que le considérant 746 reproduise pour l’essentiel le texte intégral de la section D de la communication sur la coopération et que la Commission ait expressément accordé à Merck KgaA et à Aventis SA une réduction d’amende, respectivement, de 15 % et de 10 % en application de ladite section, paragraphe 2, second tiret, pour ne pas avoir contesté les faits qui leur étaient reprochés, se rapportant respectivement à l’infraction relative à la vitamine C et à l’infraction relative à la vitamine D 3 (considérants 763 et 767), elle s’est abstenue d’appliquer cette même disposition à la requérante et n’a réduit l’amende de cette dernière qu’en vertu de la section D, paragraphe 2, premier tiret (considérant 764).

178    Dans ses écritures, la défenderesse s’est efforcée d’expliquer cette omission en exposant que, lorsque la coopération des entreprises s’était limitée à une absence de contestation des faits, elle a procédé à une réduction uniquement fondée sur ce type de coopération et s’est expressément référée à la section D, paragraphe 2, second tiret, de la communication sur la coopération, tandis que, pour les entreprises ayant aussi coopéré en vertu du premier tiret de cette disposition, à savoir Roche, BASF, Solvay Pharmaceuticals BV, Daiichi, Eisai Co. Ltd et Takeda Chemical Industries Ltd, elle a procédé à une seule réduction, regroupant les deux types de coopération ; elle aurait, toutefois, simplement omis de mentionner, pour cette dernière réduction, également le second tiret. En tout état de cause, il ressortirait clairement du contexte de la Décision que la réduction octroyée à la requérante était fondée aussi bien sur sa fourniture d’informations et de documents que sur sa non‑contestation des faits.

179    À cet égard, il suffit de constater que cette explication a été formulée pour la première fois devant le Tribunal par la Commission et qu’elle ne figure nullement dans la Décision adoptée par le collège des membres de la Commission. Or, l’appréciation de la non‑contestation des faits de la part de la requérante aurait dû figurer dans les considérants relatifs à la coopération de l’entreprise comme elle était expressément mentionnée – outre dans le considérant 148 relatif à la description du déroulement de la procédure administrative – dans les considérants 752, 753, 763 et 767 au regard de Merck et d’Aventis (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, points 242 et 244, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, points 413 à 415, 439 et 453). S’agissant du considérant 754, invoqué par la défenderesse, force est de constater, au vu de son libellé et notamment de l’emploi des termes « et/ou », qu’il ne saurait être interprété en ce sens qu’il indique que la requérante n’avait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission avait fondé ses accusations, d’autant plus que ce considérant ne fait que suivre les considérants de la Décision (747 à 753) dans lesquels la Commission a examiné, pour chacune des entreprises en cause, le type de coopération fournie et qui, en ce qui concerne la requérante et contrairement aux cas de Merck et d’Aventis, ne font pas état d’une telle non‑contestation des faits.

180    À la lumière des considérants 749, 750 et 764 de la Décision, concernant la requérante (voir point 22 ci‑dessus), le Tribunal ne saurait donc que prendre acte de ce que la Commission n’a pas fait bénéficier l’entreprise de la disposition de la section D, paragraphe 2, second tiret, de la communication sur la coopération, bien que la requérante ait rempli les conditions de cette disposition.

181    Il résulte de ce qui précède que la Commission a méconnu l’importance de la coopération fournie par la requérante avant l’adoption de la Décision et a, ce faisant, illégalement refusé de faire bénéficier la requérante de ladite disposition. La Commission ayant ainsi violé la communication sur la coopération, il y a lieu pour le Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction et, dans ce contexte, d’assurer la protection de la confiance légitime que la section D de cette communication a pu engendrer auprès de la requérante.

182    Dans l’exercice de cette compétence, compte tenu également de l’ampleur de la coopération offerte par la requérante avant l’envoi de la communication des griefs – telle qu’elle ressort de la copieuse production documentaire transmise à la Commission le 9 juillet 1999 et de l’abondante citation, dans la Décision, d’éléments fournis dans le cadre de cette coopération –, ainsi que du caractère spontané de cette coopération, non précédée par l’exercice, à l’égard de la requérante, des pouvoirs d’investigations de la Commission, le Tribunal estime qu’il convient d’accorder à la requérante une réduction supplémentaire de 15 % sur le montant de son amende, tel que calculé avant application de la communication sur la coopération, qui s’ajoutent aux 35 % déjà accordés par la Commission.

183    La requérante bénéficiant ainsi d’une réduction de 50 %, à savoir la réduction maximale prévue au titre de la section D de la communication sur la coopération, il n’y a pas lieu d’examiner spécifiquement les griefs tirés par la requérante, dans le cadre des présentes branches, de la méconnaissance par la Commission du principe d’égalité de traitement.

184    Il s’ensuit que le montant final de l’amende infligée à la requérante doit être ramené à 18 millions d’euros.

 Sur le caractère confidentiel de certaines données figurant dans la Décision

185    Il y a lieu de relever que, dans les tableaux figurant au considérant 123 de la version publiée de la Décision, certaines données relatives au chiffre d’affaires mondial tiré du produit concerné au cours de la dernière année civile complète de l’infraction et aux parts de marché détenues au cours de la période infractionnelle sont omises ou remplacées par des fourchettes de valeurs, afin de sauvegarder le secret d’affaires. Il s’agit, plus précisément, des données concernant les marchés des vitamines A, E, B 5, du bêta-carotène et des caroténoïdes.

186    Ni la requérante ni la Commission n’ont initialement demandé au Tribunal de réserver un traitement confidentiel à ces données.

187    L’article 17, paragraphe 4, des instructions au greffier du Tribunal de première instance des Communautés européennes, adoptées le 3 mars 1994 (JO 1994, L 78, p. 32) et modifiées, en dernier lieu, le 5 juin 2002 (JO 2002, L 160, p. 1), prévoyant que, « [à] la demande d’une partie ou d’office, […] certaines données peuvent être omis[es] dans les publications relatives à l’affaire, s’il y a un intérêt légitime à ce que […] ces données soient tenues confidentielles », le Tribunal a invité les parties, au titre des mesures d’organisation de la procédure, à se prononcer sur la question de savoir si, à leur avis, il subsistait un intérêt légitime à ce que les données visées au point 185 ci‑dessus soient encore tenues confidentielles dans les publications relatives à la présente affaire.

188    La requérante a répondu que, au vu de leur caractère historique, les données la concernant n’appelaient pas de traitement confidentiel dans les publications du Tribunal relatives à la présente affaire. La défenderesse, quant à elle, tout en marquant son accord pour la publication éventuelle des données relatives à la requérante, pour autant que celle-ci y consente, a précisé que, en revanche, les données relatives aux autres entreprises ne pouvaient être révélées, puisqu’elles relèveraient de secrets d’affaires et que ces entreprises avaient demandé le traitement confidentiel en vue de la publication de la Décision.

189    Les données en cause étant relatives à des périodes (allant jusqu’à 1998) écoulées depuis au moins six ans déjà, et ne revêtant par ailleurs pas une valeur stratégique, le Tribunal, estimant qu’elles avaient désormais acquis un caractère historique (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 19 juin 1996, NMH Stahlwerke e.a./Commission, T‑134/94, T‑136/94 à T‑138/94, T‑141/94, T‑145/94, T‑147/94, T‑148/94, T‑151/94, T‑156/94 et T‑157/94, Rec. p. II‑537, points 25 et 32), a décidé qu’il n’y avait pas lieu de les soumettre à un traitement confidentiel dans les publications relatives à la présente affaire. C’est ainsi que certaines données relatives au marché de la vitamine B 5, y compris celles concernant d’autres entreprises que la requérante, ont figuré dans le rapport d’audience et que, à l’instar de certaines données relatives aux marchés des vitamines A et E, elles figurent également dans le présent arrêt, aidant par ailleurs à la compréhension du raisonnement du Tribunal relatif au premier moyen du présent recours.

 Sur les dépens

190    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, de ce même règlement, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

191    En l’espèce, la requérante ayant succombé en une partie significative de ses conclusions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant qu’elle supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens et quatre cinquièmes des dépens exposés par la Commission et que cette dernière supportera un cinquième de ses propres dépens et un cinquième des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le montant de l’amende infligée à la partie requérante par l’article 3, sous f), de la décision 2003/2/CE de la Commission, du 21 novembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E‑1/37.512 – Vitamines), est ramené à 18 000 000 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La partie requérante supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens et quatre cinquièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant un cinquième de ses propres dépens et un cinquième des dépens exposés par la partie requérante.

Legal

Mengozzi

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le premier moyen, relatif à la fixation du montant de départ de l’amende

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Remarques liminaires

Sur la première branche

Sur les deuxième et troisième branches

2.  Sur le deuxième moyen, relatif à l’exécution seulement partielle des accords par la requérante en tant que circonstance atténuante

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3.  Sur le troisième moyen, relatif à l’application de la communication sur la coopération

Sur les première et deuxième branches, relatives, respectivement, à l’application des sections B et C de la communication sur la coopération

Arguments des parties

–  Sur la première branche

–  Sur la deuxième branche

Appréciation du Tribunal

Sur les troisième et quatrième branches, relatives à l’application de la section D de la communication sur la coopération

Arguments des parties

–  Sur la troisième branche

–  Sur la quatrième branche

Appréciation du Tribunal

Sur le caractère confidentiel de certaines données figurant dans la Décision

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.