Language of document : ECLI:EU:T:2010:519

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 décembre 2010 (*)

« Recours en annulation – Régime de pension complémentaire des députés au Parlement européen – Modification du régime de pension complémentaire – Acte de portée générale – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans les affaires T‑219/09 et T‑326/09,

Gabriele Albertini, demeurant à Milan (Italie), et les 62 autres membres ou anciens membres du Parlement européen dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis et E. Marchal, avocats,

parties requérantes dans l’affaire T‑219/09,

et

Brendan Donnelly, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis et E. Marchal, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑326/09,

contre

Parlement européen, représenté initialement par M. H. Krück, Mme A. Pospíšilová Padowska et M. G. Corstens, puis par M. N. Lorenz, Mme Pospíšilová Padowska et M. Corstens, en qualité d’agents,

partie défenderesse,



ayant pour objet l’annulation des décisions du Parlement européen, des 9 mars et 1er avril 2009, portant modification de la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) figurant en annexe VIII à la règlementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        Le bureau du Parlement européen (ci-après le « Bureau ») est un organe du Parlement européen. Selon l’article 22, paragraphe 2, intitulé « fonctions du Bureau », du règlement intérieur du Parlement, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, le Bureau règle, entre autres, les questions financières, d’organisation et administratives concernant les députés.

2        À ce titre, le Bureau a adopté la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après, la « réglementation FID »).

3        Le 12 juin 1990, le Bureau a adopté la réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) des députés au Parlement (ci-après, la « réglementation du 12 juin 1990 »), figurant à l’annexe VII de la réglementation FID.

4        La réglementation du 12 juin 1990, dans sa version applicable en mars 2009, prévoyait, notamment :

« Article premier

1.       En attendant l’adoption d’un statut unique des députés et indépendamment des droits à pension prévus aux annexes I et II, tout député au Parlement européen qui a cotisé pendant au moins deux ans au régime volontaire de pension a droit, après qu’il a cessé ses fonctions, à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel il atteint l’âge de 60 ans, à une pension à vie.

[…]

Article 2

1.       La pension s’élève, pour chaque année entière de mandat, à 3,5 % de 40 % du traitement de base d’un juge à la Cour de justice des Communautés européennes et, pour chaque mois entier, à 1/12e de ce montant.

2.       Le montant maximum de la pension est de 70 % (le montant minimum de 10,5 %) de 40 % du traitement de base d’un juge à la Cour de justice des Communautés européennes.

3.       La pension est calculée et versée en euros.

Article 3

Les anciens membres ou les membres démissionnaires avant l’âge de 60 ans peuvent demander que leur pension de retraite leur soit versée immédiatement, ou à tout moment entre leur démission et l’âge de 60 ans, à condition d’avoir atteint l’âge de 50 ans. Dans ce dernier cas, la pension est égale au montant calculé sur la base de l’article 2, paragraphe 1, multiplié par un coefficient calculé en fonction de l’âge du député au moment où il commence à percevoir sa pension, conformément au barème suivant […].

Article 4 (versement d’une partie de la pension sous la forme d’un capital)

1.       Un maximum de 25 % des droits à pension calculés sur la base de l’article 2, paragraphe 1, peut être versé sous la forme d’un capital aux députés affiliés ou ayant été affiliés au régime de pension volontaire.

2.       Cette option doit être exercée avant la date à laquelle les versements débutent et elle est irrévocable.

3.       Sous réserve du maximum visé au paragraphe 1, le versement d’un capital n’affecte ni ne réduit les droits à pension du conjoint survivant ou des enfants à charge de l’affilié.

4.       Le versement en capital est calculé par rapport à l’âge du député au moment de la date d’effet de la pension, selon le tableau suivant […].

5.       Le capital est calculé et payé en euros. Le versement est effectué avant le premier paiement de la pension.

[…] »

5        Le fonds de pension complémentaire a été créé avec la constitution, par les Questeurs du Parlement européen, de l’ASBL « Fonds de pension – députés au Parlement européen » (ci-après, « l’ASBL »), qui, pour sa part, a créé une société d’investissement à capital variable (SICAV) de droit luxembourgeois, dénommée « Fonds de pension – Députés au Parlement européen, Société d’Investissement à Capital Variable », qui a été chargée de la gestion technique des investissements.

6        Le statut des députés a été adopté par la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO L 262, p. 1) et est entré en vigueur le 14 juillet 2009, premier jour de la septième législature.

7        Le statut des députés a instauré un régime de pension définitif pour les députés européens, aux termes duquel ceux-ci ont droit, sans cotisation, à une pension d’ancienneté à l’âge de 63 ans révolus.

8        Le statut des députés prévoit des mesures transitoires applicables au régime de pension complémentaire. L’article 27 dispose, à cet égard :

« 1.      Le fonds de pension volontaire institué par le Parlement est maintenu après l’entrée en vigueur du présent statut pour les députés ou les anciens députés qui ont déjà acquis ou sont en train d’acquérir des droits dans ce fonds.

2.      Les droits acquis ou en cours d’acquisition sont entièrement maintenus. Le Parlement peut mettre des préalables et des conditions à l’acquisition de nouveaux droits.

3.      Les députés qui perçoivent l’indemnité [instaurée par le statut] ne peuvent plus acquérir de nouveaux droits dans le fonds de pension volontaire.

4.      Les députés élus pour la première fois au Parlement après l’entrée en vigueur du présent statut ne peuvent pas adhérer au fonds.

[…] »

9        Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le Bureau a adopté les mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après, les « mesures d’application »). En vertu de leur article 73, les mesures d’application sont entrées en vigueur le jour de l’entrée en vigueur du Statut des députés, à savoir, le 14 juillet 2009.

10      L’article 74 des mesures d’application dispose que, sous réserve des dispositions transitoires prévues à leur titre IV, la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du Statut des députés.

11      L’article 76 « Pension complémentaire » des mesures d’application dispose :

« 1.  La pension de retraite complémentaire (volontaire) attribuée en vertu de l’annexe VII de la réglementation FID continue d’être versée en application de cette annexe aux personnes qui ont bénéficié de cette pension avant la date d’entrée en vigueur du statut.

2.       Les droits à pension acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut en application de l’annexe VII précitée restent acquis. Ils sont honorés dans les conditions prévues par cette annexe.

3.       Peuvent continuer à acquérir de nouveaux droits après la date d’entrée en vigueur du statut, et conformément à l’annexe VII précitée, les députés élus en 2009 :

a)       qui étaient députés sous une précédente législature ; et

b)       qui ont déjà acquis ou étaient en train d’acquérir des droits dans le régime de pension complémentaire ; et

c)       pour lesquels l’État membre d’élection a arrêté une réglementation dérogatoire, conformément à l’article 29 du statut, ou qui, conformément à l’article 25 du statut, ont opté eux-mêmes en faveur du régime national ; et

d)       qui n’ont pas droit à une pension nationale ou européenne découlant de l’exercice de leur mandat de députés européens.

4.       Les contributions au fonds de pension complémentaire à charge des députés sont versées à partir de leurs fonds privés. »

 Faits à l’origine du litige

12      Le 9 mars 2009, à la suite de la constatation d’une détérioration de la situation financière du fonds de pension complémentaire, le Bureau a décidé (ci-après la « décision du 9 mars 2009 ») :

–        « de constituer un groupe de travail [...] pour rencontrer des représentants du conseil d’administration du fonds de pension afin d’évaluer la situation ;

–        […] avec effet immédiat, que, à titre de mesure conservatoire et de précaution, la possibilité d’appliquer les articles 3 et 4 de l’annexe VII de la réglementation FID [était] suspendue ;

–        […] que ces mesures de précaution seront réexaminées par le Bureau au cours d’une prochaine réunion, à la lumière des faits établis et des résultats des contacts et constatations du groupe de travail. »

13      Le 1er avril 2009, le Bureau a décidé de modifier la réglementation du 12 juin 1990 (ci-après la « décision du 1er avril 2009 »). Les modifications comprennent, notamment, les mesures suivantes :

–        augmentation avec effet au premier jour de la septième législature – à savoir, le 14 juillet 2009 – de l’âge de la retraite de 60 à 63 ans (article 1er de la réglementation du 12 juin 1990) ;

–        abrogation avec effet immédiat de la possibilité de versement d’une partie des droits à pension sous forme d’un capital (article 3 de la réglementation du 12 juin 1990) ;

–        abrogation avec effet immédiat de la possibilité de retraite anticipée à partir de l’âge de 50 ans (article 4 de la réglementation du 12 juin 1990).

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 mai 2009, le recours dans l’affaire T‑219/09 a été introduit par 65 députés au Parlement européen affiliés au régime de pension complémentaire, ainsi que par l’ASBL.

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 2009, le recours dans l’affaire T‑326/09 a été introduit.

16      Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal respectivement les 11 septembre et 16 novembre 2009, le Parlement a soulevé, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, des exceptions d’irrecevabilité dans les deux affaires.

17      Les requérants dans l’affaire T‑219/09 ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 30 octobre 2009. À cette occasion, les requérants Balfe et Colom I Naval ainsi que l’ASBL ont demandé qu’il soit pris acte de leur désistement. Par ailleurs, les requérants dans l’affaire T‑219/09 ont demandé de joindre cette affaire à l’affaire T‑326/09 et à l’affaire T‑439/09, John Robert Purvis/Parlement.

18      Le Parlement a soumis ses observations sur le désistement partiel dans l’affaire T‑219/09, ainsi que sur la demande de jonction, le 19 novembre 2009. Les requérants dans les affaires T‑326/09 et T‑439/09 n’ont pas soumis d’observations sur la demande de jonction.

19      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 18 décembre 2009, Balfe e.a./Parlement (T‑219/09, non publiée au Recueil), Richard Balfe, Joan Colom I Naval et l’ASBL ont été rayés de la liste des requérants dans cette affaire.

20      Le requérant dans l’affaire T‑326/09 a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 7 janvier 2010.

21      Par ordonnances du 18 mars 2010, le président de la deuxième chambre du Tribunal, les parties ayant été entendues, a ordonné la suspension de la procédure dans les présentes affaires jusqu’à la décision statuant sur la recevabilité dans les affaires T‑532/08, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, et T‑539/08, Etimine et Etiproducts/Commission.

22      Cette décision étant intervenue par ordonnances du 7 septembre 2010, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission et Etimine et Etiproducts/Commission (T‑532/08 et T‑539/08, non encore publiées au Recueil), les parties ont été invitées à se prononcer sur les conséquences qu’il convenait d’en tirer, selon elles, pour les présentes affaires. Le Parlement et les requérants ont soumis leurs observations, respectivement, les 8 et 10 novembre 2010.

23      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions du Bureau du Parlement des 9 mars et 1er avril 2009 ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

24      Dans l’exception d’irrecevabilité, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

25      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dans l’affaire T‑219/09, donner acte du désistement de MM. Richard Balfe, Joan Colom I Naval et de l’ASBL ;

–        dans les deux affaires, leur allouer le bénéfice des conclusions développées dans leurs recours introductifs d’instance.

 En droit

26      S’agissant de la demande de jonction présentée par les requérants dans l’affaire T‑219/09, le Tribunal estime utile de joindre cette affaire à l’affaire T‑326/09 aux fins de la présente ordonnance, les deux affaires soulevant les mêmes questions de recevabilité.

27      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 de ce même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal estime être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu d’entendre les parties en leurs explications orales.

 Sur l’objet des recours

28      En ce qui concerne la demande des requérantes dans l’affaire T‑219/09 qu’il soit donné acte du désistement de MM. Richard Balfe, Joan Colom I Naval et de l’ASBL, le Tribunal considère qu’il y a été fait droit par l’adoption de l’ordonnance Balfe e.a./Parlement (point 19 supra), de sorte qu’elle est devenue sans objet.

29      Par ailleurs, s’agissant de l’objet des demandes en annulation, ainsi que le Parlement l’a fait valoir, sans être contredit par les requérants, la décision du 9 mars 2009 n’était que provisoire, en ce qu’elle a suspendu la possibilité d’appliquer les articles 3 et 4 de la réglementation du 12 juin 1990, sans toutefois les modifier quant au fond. Le Tribunal considère que, la décision du 1er avril 2009 ayant, par la suite, abrogé lesdits articles avec effet immédiat, la décision du 9 mars 2009 est devenue caduque pour perte de son objet, de sorte qu’elle ne saurait faire l’objet d’une demande en annulation.

30      Dès lors, il y a lieu de rejeter les requêtes comme irrecevables en tant qu’elles sont dirigées contre la décision du 9 mars 2009. Par conséquent, ci-après, le terme d’« acte attaqué » visera uniquement la décision du 1er avril 2009.

 Sur l’exception d’irrecevabilité

31      Le Parlement a soulevé trois fins de non-recevoir. Dans l’affaire T‑219/09, il a fait valoir le défaut d’intérêt à agir de l’ASBL, ainsi que le défaut d’affectation, par les décisions des 9 mars et 1er avril 2009, des requérants Richard Balfe et Joan Colom I Naval. En outre, dans les deux affaires, il fait valoir que les recours sont irrecevables en raison du défaut d’affectation individuelle des requérants.

32      À la suite au désistement des requérants Richard Balfe et Joan Colom I Naval ainsi que de l’ASBL, il n’y a lieu d’examiner que la troisième fin de non-recevoir, tirée du défaut d’affectation individuelle des requérants.

 Arguments des parties

33      En substance, le Parlement soutient que la décision du 1er avril 2009 est de nature réglementaire et que les requérants ne sont pas concernés de manière individuelle par celle-ci.

34      Le Parlement fait valoir que les requérants ne sont pas destinataires de la décision du 1er avril 2009. Dès lors, pour qu’ils puissent être déclarés recevables dans leurs recours, ils devraient obligatoirement démontrer que cet acte les concerne de façon directe et individuelle, ces deux conditions étant cumulatives. Or, le Parlement considère que les requérants ne sauraient être considérés comme étant individuellement concernés par la décision du 1er avril 2009.

35      Les requérants font valoir que, nonobstant le caractère réglementaire des décisions des 9 mars et 1er avril 2009, ces dernières les concernent directement et individuellement puisqu’ils sont suffisamment identifiables dès l’adoption desdites décisions. En outre, les requérants relèvent qu’il ressort de la note du secrétaire général à l’attention des membres du Bureau, du 1er avril 2009, que le Bureau a adopté lesdites décisions en prenant en compte leur situation particulière. Il aurait donc bien visé des destinataires précis et individualisés au regard de leur situation particulière en termes de droits acquis et futurs à la pension complémentaire.

36      Les requérants estiment qu’ils ne sauraient se voir opposer la possibilité d’attaquer les futurs actes d’exécution de la réglementation du 12 juin 1990, telle que modifiée par la décision du 1er avril 2009, qui leur seront adressés.

37      À ce titre, ils invoquent, en premier lieu, le principe de l’accès effectif au juge communautaire. Selon eux, les futurs actes d’exécution du Parlement qui auraient pour objet de refuser les demandes du bénéfice de la pension complémentaire, par exemple pour défaut d’accomplissement, par un demandeur, âgé de 63 ans, devraient être qualifiés comme ayant un caractère simplement confirmatif par rapport aux décisions des 9 mars et 1er avril 2009. Or, d’une part, en vertu d’une jurisprudence constante, un acte confirmatif, se bornant à reproduire les dispositions d’un acte antérieur devenu définitif ou qui ne fait que préciser la conséquence logique d’un tel acte sans introduire aucun élément nouveau, ne pourrait être attaqué en annulation. D’autre part, dans l’hypothèse où les décisions d’exécution des décisions des 9 mars et 1er avril 2009 ne devraient pas être considérées comme confirmatives, il découlerait de la jurisprudence que, en l’absence d’un droit de recours contre lesdites décisions, une exception d’illégalité à leur égard, soulevée dans le cadre d’un recours en annulation contre les décisions d’exécution, serait également irrecevable. En conséquence, s’il était fait droit à l’exception d’irrecevabilité, les requérants risqueraient de ne disposer d’aucune possibilité concrète et effective de faire valoir leurs droits devant le juge communautaire.

38      En second lieu, les requérants invoquent les principes de bonne administration de la justice et d’économie et de loyauté procédurales. Selon eux, il serait contraire aux principes de bonne administration de la justice et d’économie de la procédure d’imposer à l’ensemble des députés d’introduire, chacun pour ce qui le concerne, une procédure en annulation à l’encontre de chaque décision individuelle qui serait prise par le Parlement en application des décisions des 9 mars et 1er avril 2009. En outre, imposer aux requérants une telle charge constituerait également une violation des principes de sécurité juridique et du délai raisonnable de la procédure. Enfin, le fait de déclarer irrecevables les présents recours serait contraire au principe de loyauté de procédure en ce qu’il serait ainsi permis au Parlement de ne pas devoir respecter l’engagement du Bureau du 17 juin 2009, selon lequel le futur arrêt dans les présentes affaires sera appliqué à tous les membres du fonds de pension complémentaire.

 Appréciation du Tribunal

39      À titre liminaire, s’agissant de la question de savoir s’il convient d’examiner la recevabilité du présent recours au regard de l’article 230 CE ou au regard de l’article 263 TFUE, il convient de rappeler que la question de la recevabilité d’un recours doit être tranchée sur la base des règles en vigueur à la date à laquelle il a été introduit et que les conditions de recevabilité d’un recours s’apprécient au moment de l’introduction du recours, à savoir au moment du dépôt de la requête. Dès lors, la recevabilité d’un recours introduit avant la date d’entrée en vigueur du TFUE, le 1er décembre 2009, doit être appréciée sur le fondement de l’article 230 CE (ordonnances Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission et Etimine et Etiproducts/Commission, précitées, points 70 et 72 et jurisprudence citée).

40      En l’espèce, les recours ayant été introduits, respectivement, le 19 mai et le 10 août 2009, il convient donc d’examiner leur recevabilité sur le fondement de l’article 230 CE.

41      Conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

42      En l’espèce, il n’est pas disputé entre les parties que, bien que l’acte attaqué soit intitulé « décision », il a une portée générale et, dès lors, un caractère réglementaire, puisqu’il s’applique à la généralité des parlementaires membres ou susceptibles de devenir membres du fonds de pension volontaire. Le Tribunal se rallie à cet avis et rappelle, à cet égard, que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des individus auxquels un acte s’applique, à un moment donné, ne suffit pas à mettre en cause la nature réglementaire de l’acte, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en relation avec la finalité de ce dernier (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C‑309/89, Rec. 1994 p. I‑1853, point 18). Dès lors, le fait, fut-il admis, que le nombre et l’identité des parlementaires affectés par l’acte attaqué puissent être déterminés dès l’adoption de ce dernier, n’empêche pas de qualifier ledit acte d’acte général. En effet, l’acte attaqué n’affecte les requérants, comme le Parlement le souligne à bon droit, qu’en raison de leur qualité d’affiliés au fonds de pension complémentaire, situation de droit objective définie par sa finalité, qui est de modifier la réglementation du 12 juin 1990.

43      Toutefois, la portée générale de l’acte attaqué n’exclut pas, pour autant, qu’il puisse concerner directement et individuellement certaines personnes physiques ou morales, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir, notamment, arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, point 13, Codorniu/Conseil, point 42 supra, point 19, du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec. p. I‑8949, point 46, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 58, ainsi que l’arrêt du Tribunal du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T‑43/98, Rec. p. II‑3519, point 47).

44      En l’espèce, il convient de constater que les requérants sont directement concernés par l’acte attaqué dès lors que ce dernier ne laisse aucune marge d’appréciation à l’administration du Parlement chargée de son application (voir, par analogie, arrêt Emesa Sugar/Conseil, point 43 supra, point 48).

45      S’agissant du point de savoir si les requérants sont individuellement concernés par l’acte attaqué, il y a lieu de rappeler que, pour qu’une personne physique ou morale puisse être considérée comme individuellement concernée par un acte de portée générale, il faut qu’elle soit atteinte par celui-ci en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; ordonnances du Tribunal du 30 septembre 1997, Federolio/Commission, T‑122/96, Rec. p. II‑1559, point 59, et du 29 avril 1999, Alce/Commission, T‑120/98, Rec. p. II‑1395, point 19).

46      À cet égard, le fait que l’acte attaqué affecte les droits que les requérants pourront, à l’avenir, faire valoir au titre de leur affiliation au fonds de pension complémentaire n’est pas de nature à les individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE par rapport à tout autre opérateur, dès lors qu’ils se trouvent dans une situation objectivement déterminée, comparable à celle de tout autre parlementaire affilié audit fonds de pension (voir, par analogie, ordonnance Federolio/Commission, point 45 supra, point 67, et arrêt, Emesa Sugar/Conseil, point 43 supra, point 50). Dans ces conditions, les requérants n’ont pas apporté la preuve qu’ils subissaient un préjudice exceptionnel de nature à les individualiser par rapport aux autres parlementaires affiliés au fonds de pension complémentaire.

47      Les requérants soutiennent toutefois que le Bureau aurait pris en compte leur situation particulière avant d’adopter l’acte attaqué.

48      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le fait qu’une institution communautaire ait l’obligation, en vertu de dispositions spécifiques, de tenir compte des conséquences de l’acte qu’elle envisage d’adopter sur la situation de certains particuliers est de nature à individualiser ces derniers (arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, points 28 à 31, et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, points 11 à 13).

49      Force est toutefois de constater que, au moment de l’adoption de l’acte attaqué, aucune disposition de droit communautaire n’imposait au Bureau de tenir compte de la situation particulière des requérants. De plus, les passages de l’acte attaqué, cités par les requérants pour soutenir cet argument, ne laissent précisément pas apparaître que le Bureau aurait pris en compte la situation particulière, ne serait-ce que d’un seul des requérants mais, au contraire, ne font référence aux parlementaires affectés par la décision que dans des termes généraux tels que « le peu de députés [qui] pourront […] continuer à cotiser au [f]onds pour acquérir de nouveaux droits », « les membres qui ont cotisé au [f]onds de pension volontaire » ou encore, « les membres concernés ».

50      Dès lors, il y a lieu de rejeter cet argument des requérants.

51      Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas individuellement concernés par l’acte attaqué, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

52      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments des requérants. En premier lieu, s’agissant du principe de l’accès effectif au juge communautaire, il suffit de rappeler, comme le Parlement l’a fait à bon droit, que, selon le système de contrôle de la légalité mis en place par le traité, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre un règlement que si elle est concernée non seulement directement mais également individuellement. S’il est vrai que cette dernière condition doit être interprétée à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective en tenant compte des diverses circonstances qui sont de nature à individualiser un requérant (voir, par exemple, arrêts du 2 février 1988, Van der Kooy/Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 14 ; Extramet Industrie/Conseil, point 43 supra, point 13, et Codorniu/Conseil, point 43 supra, point 19), une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui est expressément prévue par le traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions communautaires (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 44).

53      Dès lors, même à supposer que, en l’espèce, devraient être considérés comme irrecevables d’éventuels futurs recours introduits par les requérants contre des décisions individuelles rejetant, sur le fondement de l’acte attaqué, des demandes de pouvoir bénéficier de la pension complémentaire dès l’âge de 60 ans, cela ne saurait conduire à déclarer les présents recours comme recevables, en violation de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

54      De même, en deuxième lieu, conformément aux principes dégagés dans la jurisprudence constante rappelée au point 52 ci-dessus, l’application des principes de bonne administration de la justice et d’économie de la procédure, invoqués par les requérantes, ne saurait justifier de déclarer recevable un recours ne respectant pas, par ailleurs, les conditions de recevabilité prévues à l’article 230, quatrième alinéa, CE, sous peine d’excéder les compétences attribuées par le traité aux juridictions de l’Union. En effet, aucun de ces principes n’est susceptible de servir de fondement à une dérogation à l’attribution des compétences de ces juridictions telle que prévue par le traité.

55      S’agissant, en troisième lieu, des principes de sécurité juridique et de délai raisonnable de la procédure, les requérants se bornent à alléguer que le fait de devoir introduire, chacun en ce qui le concerne, une procédure en annulation contre les futurs actes d’exécution de la décision du 1er avril 2009, serait pour eux une source d’incertitude. Il suffit de remarquer, à cet égard, que l’incertitude quant à l’issue d’un recours juridique ne saurait être assimilée, sans plus, à une violation du principe de sécurité juridique. De même, il ne ressort pas des arguments présentés par les requérants en quoi le principe de délai raisonnable de la procédure pourrait être affecté par le fait qu’ils devront attaquer les actes d’application de la décision du 1er avril 2009 plutôt que directement cette dernière. En effet, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure ne peut logiquement être apprécié qu’à l’issue de cette dernière.

56      Enfin, en quatrième lieu, s’agissant du « principe de loyauté procédurale » postulé par les requérants et à supposer, comme le font ces derniers, que la décision du Bureau du 17 juin 2009, selon laquelle le futur arrêt dans l’affaire T‑219/09 sera appliqué à tous les membres du fonds de pension facultatif, démontre la volonté du Parlement de voir les questions de fond tranchées dans le cadre de la présente procédure, une telle volonté de la part de la partie défenderesse ne saurait lier le Tribunal dans son appréciation de la recevabilité des présents recours. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que les conditions de recevabilité des recours fixées par l’article 230 CE revêtent un caractère d’ordre public (arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, points 19-23 ; arrêt du Tribunal du 24 octobre 1997, EISA/Commission, T‑239/94, Rec. p. II‑1839, points 26 et 27 ; ordonnance du Tribunal du 13 avril 2000, GAL Penisola Sorrentina/Commission, T‑263/97, Rec. p. II‑2041, point 37), de sorte qu’elles ne sont pas à la disposition des parties.

57      Partant, les recours doivent être rejetés comme irrecevables.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Les affaires T‑219/09 et T‑326/09 sont jointes aux fins de l’ordonnance.

2)      Les recours sont rejetés comme irrecevables.

3)      M. Gabriele Albertini et les 62 autres requérants figurant en annexe, ainsi que M. Brendan Donnelly, supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen.

Fait à Luxembourg, le 15 décembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       I. Pelikánová

ANNEXE

Javier Areitio Toledo, demeurant à Madrid (Espagne),

Robert Atkins, demeurant à Garstang (Royaume-Uni),

Angelika Beer, demeurant à Großkummerfeld (Allemagne),

Georges Berthu, demeurant à Longré (France),

Guy Bono, demeurant à Saint-Martin-de-Crau (France),

Herbert Bosch, demeurant à Bregence (Autriche),

David Bowe, demeurant à Leeds (Royaume-Uni),

Marie-Arlette Carlotti, demeurant à Marseille (France),

Ozan Ceyhun, demeurant à Rüsselsheim (Allemagne),

Giles Bryan Chichester, demeurant à Ottery St Mary (Royaume-Uni),

Brigitte Douay, demeurant à Paris (France),

Avril Doyle, demeurant à Wexford (Irlande),

Michl Ebner, demeurant à Bozen (Italie),

Juan Manuel Fabra Valles, demeurant à Madrid,

Elisa Maria Ferreira, demeurant à Porto (Portugal),

James Glyn Ford, demeurant à Newnham on Severn (Royaume-Uni),

Riccardo Garosci, demeurant à Milan (Italie),

Bruno Gollnisch, demeurant à Limonest (France),

Ana Maria Rosa Martins Gomes, demeurant à Colares-Sintra (Portugal),

Vasco Graça Moura, demeurant à Benfica do Ribatejo (Portugal),

Françoise Grossetête, demeurant à Saint-Étienne (France),

Catherine Guy-Quint, demeurant à Cournon d’Auvergne (France),

Roger Helmer, demeurant à Lutterworth (Royaume-Uni),

William Richard Inglewood, demeurant à Penrith (Royaume-Uni),

Caroline Jackson, demeurant à Abigdon (Royaume-Uni),

Milos Koterec, demeurant à Bratislava (Slovaquie),

Urszula Krupa, demeurant à Lodz (Pologne),

Stefan Kuc, demeurant à Varsovie (Pologne),

Zbigniew Kuźmiuk, demeurant à Radom (Pologne),

Carl Lang, demeurant à Boulogne-Billancourt (France),

Henrik Lax, demeurant à Helsinki (Finlande),

Patrick Louis, demeurant à Lyon (France),

Minerva-Welpomen Malliori, demeurant à Athènes (Grèce),

Sergio Marques, demeurant à Funchal (Portugal),

Graham Christopher Spencer Mather, demeurant à Londres (Royaume-Uni),

Véronique Mathieu, demeurant au Val d’Ajol (France),

Marianne Mikko, demeurant à Tallinn (Estonie),

William Miller, demeurant à Glasgow (Royaume-Uni),

Elizabeth Montfort, demeurant à Riom (France),

Ashley Mote, demeurant à Bindsted (Royaume-Uni),

Christine Margaret Oddy, demeurant à Coventry (Royaume-Uni),

Reino Paasilinna, demeurant à Helsinki,

Bogdan Pęk, demeurant à Cracovie (Pologne),

José Javier Pomés Ruiz, demeurant à Pamplune (Espagne),

John Robert Purvis, demeurant à Fife (Royaume-Uni),

Luis Queiro, demeurant à Lisbonne (Portugal),

José Ribeiro E. Castro, demeurant à Lisbonne,

Pierre Schapira, demeurant à Paris,

Pál Schmitt, demeurant à Budapest (Hongrie),

José Albino Silva Peneda, demeurant à Maia (Portugal),

Grażyna Staniszewska, demeurant à Bielsko-Biala (Pologne),

Robert Sturdy, demeurant à Wetherby (Royaume-Uni),

Margie Sudre, demeurant à La Possession (France),

Robin Teverson, demeurant à Tregony (Royaume-Uni),

Nicole Thomas-Mauro, demeurant à Épernay (France),

Gary Titley, demeurant à Bolton (Royaume-Uni),

Witold Tomczak, demeurant à Kepno (Pologne),

Maartje van Putten, demeurant à Amsterdam (Pays-Bas),

Vincenzo Viola, demeurant à Palerme (Italie),

Mark Watts, demeurant à Ashford (Royaume-Uni),

Thomas Wise, demeurant à Lindslade (Royaume-Uni),

Bernard Wojciechowski, demeurant à Varsovie.


* Langue de procédure : le français.