Language of document : ECLI:EU:T:2006:332

Affaire T-274/02

Ritek Corp. et Prodisc Technology Inc.

contre

Conseil de l'Union européenne

« Dumping — Disques compacts pour l'enregistrement originaires de Taïwan — Détermination de la marge de dumping — Choix de la méthode de calcul asymétrique — Configuration des prix à l'exportation différente selon les acquéreurs, les régions ou les périodes — Technique dite 'de la réduction à zéro' »

Sommaire de l'arrêt

1.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 2, § 11)

2.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 2)

3.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 2, § 11)

4.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping

(Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, « code antidumping de 1994 », art. 2.4.2; règlement du Conseil nº 384/96, art. 2, § 11)

5.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 2, § 11)

1.      En matière de défense contre les pratiques de dumping, la fonction de la méthode asymétrique est de rendre compte de l'ampleur réelle du dumping pratiqué dans les cas où, une différence dans la configuration des prix à l'exportation, quelle qu'en soit la cause, ayant été constatée, les deux autres méthodes n'y parviennent pas. La question de l'existence d'une configuration des prix à l'exportation différente selon les acquéreurs est une question purement objective et peu importe, dès lors, la présence ou l'absence d'une intention frauduleuse à l'origine de cette situation. Exiger la preuve d'une intention reviendrait à empêcher le recours à la méthode asymétrique dans des cas de figure où cette méthode serait pourtant seule à même de rendre compte de l'ampleur réelle du dumping pratiqué et, partant, à empêcher, par la fixation d'une condition non prévue par l'article 2, paragraphe 11, du règlement antidumping de base nº 384/96, le fonctionnement correct de cette disposition.

Cela n'empêche en rien le fait que le dumping peut être un acte délibéré, susceptible de faire l'objet de tentatives de dissimulation, et, donc, que la différence dans la configuration des prix à l'exportation constatée peut résulter d'une manoeuvre de la part des exportateurs. Toutefois, rien n'indique, bien au contraire, que la méthode asymétrique n'a été prévue que pour lutter contre les cas de dissimulation intentionnelle du dumping. En effet, le recours à la méthode asymétrique ne dépend pas de la constatation par les institutions d'une intention de dissimuler le dumping, mais uniquement de la constatation que l'emploi des méthodes symétriques aurait pour effet de « dissimuler » techniquement, ou encore de « masquer », l'ampleur réelle du dumping, c'est-à-dire ne permettrait pas de l'évaluer correctement.

Cela est corroboré par le fait que la notion d'intention est, de façon générale, étrangère à la réglementation antidumping. Il n'est, en effet, nulle part exigé, dans le règlement de base, que les institutions fassent la preuve d'une intention pour établir l'existence d'un dumping ou celle d'un préjudice.

(cf. points 54-55, 58)

2.      La constatation d'un dumping, première étape dans l'examen de la question de savoir s'il convient d'imposer un droit antidumping, repose sur une comparaison purement objective entre la valeur normale et les prix à l'exportation. Cette comparaison, menée selon les dispositions de l'article 2 du règlement antidumping de base nº 384/96, repose sur l'examen des données comptables et économiques des entreprises concernées et ne comporte nullement la recherche des causes du niveau des prix intérieurs et du niveau des prix à l'exportation. Les raisons pour lesquelles un exportateur a pu être amené à vendre sur son marché intérieur à des prix inférieurs à ses coûts de production, ou à vendre vers la Communauté à des prix inférieurs à la valeur normale, sont indifférentes pour le calcul du dumping. L'exportateur ne saurait donc prétendre qu'il faut retenir les prix intérieurs réellement pratiqués et non une valeur normale construite, au motif que la pression sur les prix exercée par les concurrents l'aurait contraint à vendre sur son marché intérieur au-dessous de ses coûts de production. Il ne saurait non plus contester l'existence d'un dumping au motif que le niveau des prix dans la Communauté l'aurait contraint à exporter au-dessous de la valeur normale.

(cf. point 59)

3.      Dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu'elles doivent examiner. Il s'ensuit que le contrôle du juge communautaire sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits, ou de l'absence de détournement de pouvoir.

À cet égard, la mise en oeuvre par les institutions des dispositions de l'article 2, paragraphe 11, du règlement antidumping de base nº 384/96 et, notamment, de la seconde condition d'application de la méthode asymétrique, tenant à l'incapacité des méthodes symétriques à rendre compte de l'ampleur réelle du dumping pratiqué, implique, de la part de ces institutions, des appréciations économiques complexes.

Enfin, lorsqu'elles utilisent la marge d'appréciation que leur confère le règlement de base, les institutions ne sont pas tenues d'expliquer en détail et à l'avance les critères qu'elles envisagent d'appliquer dans chaque situation, même dans les cas où elles posent de nouvelles options de principe.

(cf. points 80-82, 86)

4.      La réduction à zéro est l'opération par laquelle une marge de dumping d'un montant négatif, signe d'une vente à l'exportation opérée à un prix supérieur à la valeur normale, est réduite à zéro dans le but d'éviter l'effet masquant que la prise en compte de cette marge de dumping négative aurait sur le dumping positif constaté par ailleurs. Tout en n'étant pas mentionnée dans le code antidumping de 1994 du GATT et dans le règlement antidumping de base nº 384/96, elle est habituellement utilisée par les pays importateurs et les unions douanières, dont la Communauté européenne.

Son application dans le cadre de la méthode asymétrique n'est interdite ni par le libellé de l'article 2.4.2 du code antidumping de 1994, ni par celui de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base.

(cf. points 97, 103)

5.      L'article 2, paragraphe 11, du règlement antidumping de base nº 384/96 prévoit, pour le calcul de la marge de dumping, l'application de l'une parmi trois méthodes possibles, dont deux - les méthodes symétriques - constituent les méthodes normales et une - la méthode asymétrique - constitue une méthode exceptionnelle. La condition relative à l'existence d'une configuration des prix à l'exportation différente selon les périodes, les acheteurs ou les régions n'est qu'une des conditions d'application de la méthode asymétrique. La fixation de cette condition n'a, donc, nullement pour objet de permettre aux institutions de procéder à un découpage de la période d'enquête selon les périodes, les acheteurs ou les régions, aux fins d'une application combinée, selon ces périodes, ces acheteurs ou ces régions, de l'une avec l'autre méthode de calcul. Les institutions ne peuvent appliquer de manière combinée les méthodes de calcul de la marge de dumping.

(cf. point 113)