Language of document : ECLI:EU:T:2005:81

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
8 mars 2005


Affaire T-275/02


D

contre

Banque européenne d'investissement (BEI)

« Agents de la BEI – Recours en annulation – Recevabilité – Prolongation de la période d'essai – Résiliation du contrat – Conditions – Recours en indemnité »

Texte complet en langue française ……………………………………….II - 0000

Objet: Recours ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des décisions de la BEI portant prorogation de la période d'essai et résiliation du contrat de la requérante et, d'autre part, une demande de réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi.

Décision: Le recours est rejeté. Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de confidentialité de la Banque européenne d'investissement. Chaque partie supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Agents de la Banque européenne d'investissement – Recours – Acte faisant grief – Acte préparatoire – Décision de prolongation de la période d'essai – Irrecevabilité

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et  91

2.      Fonctionnaires – Agents de la Banque européenne d'investissement – Recrutement – Période d'essai et sa prorogation – Stipulation entre les parties au contrat – Admissibilité

3.      Fonctionnaires – Agents de la Banque européenne d'investissement – Définition des conditions d'emploi et de travail par une communication interne –Inadmissibilité en l'absence de stipulation contractuelle à cet effet

(Règlement intérieur de la Banque européenne d'investissement, art. 29)

4.      Fonctionnaires – Agents de la Banque européenne d'investissement – Intérêt du service – Pouvoir d'appréciation de l'administration – Portée – Prise en considération des intérêts de l'agent concerné

5.      Fonctionnaires – Agents de la Banque européenne d'investissement – Recrutement – Prorogation de la période d'essai – Résiliation du contrat – Devoir de sollicitude – Violation – Absence

6.      Fonctionnaires – Recours – Demande en indemnité liée à une demande en annulation – Rejet de la demande en annulation entraînant le rejet de la demande en indemnité

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et  91)

1.      Seuls font grief les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier. Lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, en principe ne constituent un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires, dont l'objectif est de préparer la décision finale. Les actes préparatoires d'une décision ne font pas grief et ce n'est qu'à l'occasion d'un recours contre la décision prise au terme de la procédure que le requérant peut faire valoir l'irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés.

À cet égard, la décision de proroger la période d'essai d'un agent de la Banque européenne d'investissement, bien qu'elle ait pour effet de maintenir l'intéressé dans une situation professionnelle fragile ou précaire et offre à la Banque la possibilité de procéder à une éventuelle résiliation du contrat moyennant un préavis de quinze jours et sans autre motivation, constitue un acte purement préparatoire. En effet, elle n'a pas, en soi, pour conséquence inévitable le licenciement de l'agent. Cette qualification n'a pas pour conséquence d'enfreindre les droits fondamentaux de l'agent en le privant d'un recours juridictionnel effectif, car il dispose, en cas de résiliation du contrat, de la faculté d'introduire un recours contre cette décision et de faire valoir l'irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés.

(voir points 43 à 46)

Référence à : Tribunal 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑209/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1211, point 48, et la jurisprudence citée ; Tribunal 11 février 2003, Pflugradt/BCE, T‑83/02, RecFP p. I‑A‑47 et II‑281, points 33 et 34, et la jurisprudence citée, et point 37, confirmée par Cour 9 mars 2004, Pflugradt/BCE, C‑159/03 P, non publiée au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée

2.      Compte tenu de la nature contractuelle du lien d’emploi entre la Banque européenne d'investissement et ses agents, de l'absence de disposition, tant dans les statuts et le règlement intérieur de la Banque que dans le règlement du personnel, l'interdisant et, enfin, de l'absence de preuve, dans un tel contexte, de l'existence d'un principe général de droit du travail commun aux États membres de la Banque imposant des limites à la liberté contractuelle des parties en la matière, il n’existe aucun obstacle empêchant les parties, agissant d'un commun accord, de prévoir dans le contrat d'engagement d'un agent de la Banque différentes modalités relatives à une période d'essai ou de prolonger celle‑ci.

(voir point 60)

3.      En vertu de l'article 29 du règlement intérieur de la Banque européenne d'investissement, les règlements relatifs au personnel sont arrêtés par le conseil d'administration, seul compétent en la matière. Par conséquent, et sans préjudice de l'hypothèse d'une référence expresse dans le contrat d’engagement, les conditions d'emploi et de travail du personnel ne sauraient être définies par des communications internes émanant des services de la Banque, tel le manuel des procédures établi par la direction des ressources humaines.

(voir point 64)

Référence à : Tribunal 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 104

4.      Les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation dans l'évaluation de l'intérêt du service et, partant, le contrôle du juge communautaire sur une décision fondée sur l'intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l'autorité compétente concernée s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir d'appréciation de manière manifestement erronée. Quant à l'appréciation de l'intérêt du service, l'autorité compétente est tenue, lorsqu'elle statue à propos de la situation d'un agent, de prendre en considération l'ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et, notamment, l'intérêt de l'agent concerné. Cela résulte, en effet, du devoir de sollicitude de l'administration, qui reflète l'équilibre des droits et obligations réciproques que le statut et, par analogie, le régime applicable aux autres agents ont créé dans les relations entre l'autorité publique et ses agents. Ces principes s'appliquent, par analogie, dans les relations entre la Banque européenne d'investissement et ses agents.

(voir point 83)

Référence à : Cour 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 38 ; Tribunal 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T‑13/95, RecFP p. I‑A‑167 et II‑503, point 52 ; Tribunal 11 février 1999, Carrasco Benítez/EMEA, T‑79/98, RecFP p. I‑A‑29 et II‑127, point 55 ; Tribunal 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, RecFP p. I‑A‑37 et II‑239, point 51

5.      Ne constitue pas un manquement au devoir de sollicitude de la Banque européenne d'investissement la résiliation du contrat d'un agent en période d'essai régulièrement prorogée, lorsque cette période s'est déroulée dans des conditions normales et que la Banque, dans le cadre de son large pouvoir d'appréciation, a évalué l’intérêt du service en tenant compte de la qualité moyenne, voire médiocre, des prestations de l'agent, relevée dans les rapports d'appréciation, d'autant plus que la Banque aurait pu, à bon droit, résilier le contrat à la fin de la période initiale d'essai au lieu d'envisager sa prorogation.

(voir point 84)

Référence à : Tribunal 5 mars 1997, Rozand-Lambiotte/Commission, T‑96/95, RecFP p. I‑A‑35 et II‑97, point 96

6.      Dans les recours de fonctionnaires, les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu'elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées.

(voir point 91)

Référence à : Tribunal 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, point 34 ; Tribunal 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, RecFP p. I‑A‑97 et II‑289, point 159 ; Tribunal 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, non encore publié au Recueil, point 69