Language of document : ECLI:EU:T:2013:534

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 octobre 2013 (*)

« Régime linguistique – Avis de concours général pour le recrutement d’administrateurs – Choix de la deuxième langue parmi trois langues – Règlement n° 1 – Article 1er quinquies, paragraphe 1, article 27, premier alinéa, et article 28, sous f), du statut – Article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut – Obligation de motivation – Principe de non-discrimination »

Dans l’affaire T‑248/10,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assisté de Me P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. J. Currall, J. Baquero Cruz et Mme B. Eggers, puis par MM. Currall et G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/177/10, pour la constitution d’une réserve de recrutement d’administrateurs (AD 5) dans les domaines de l’administration publique européenne, du droit, de l’économie, de l’audit et des technologies de l’information et de la communication (TIC) (JO 2010, C 64 A, p. 1),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz président, Mme I. Labucka, et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 mars 2010, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne (C 64 A, p. 1) l’avis de concours général EPSO/AD/177/10 (ci‑après « l’avis de concours »), en vue d’établir, une liste de réserve destinée à pourvoir des postes vacants au sein des institutions pour des administrateurs (AD 5) dans les domaines de l’administration publique européenne, du droit, de l’économie, de l’audit et des technologies de l’information et de la communication.

2        Le point 2.3 du titre III, intitulé « Conditions d’admission », de l’avis de concours concerne les connaissances linguistiques requises des candidats potentiels. Après avoir rappelé les langues officielles de l’Union européenne, ce point exigeait, en face de la mention « a) Langue 1 Langue principale », une « connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union européenne » et, en face de la mention « b) Langue 2 Deuxième langue (obligatoirement différente de la langue 1) », une « connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français ».

3        Le titre IV, intitulé « Tests d’accès », de l’avis de concours prévoyait une série de trois tests qui, selon la précision donnée en face de la mention « 2. Nature et notation des tests », serait « fondé[e] sur des questions à choix multiple visant à évaluer [les] aptitudes et compétences générales » des candidats en matière de raisonnement verbal, numérique et abstrait. Selon la précision donnée en face de la mention « 3. Langue des tests », ces tests se dérouleraient dans la langue 2 (allemand, anglais ou français) du choix du candidat.

4        En outre, le même titre prévoyait, au point 4, un « test de jugement situationnel » consistant en une « [s]érie de questions à choix multiple visant à évaluer [les] compétences [des candidats] en matière de jugement situationnel ». Conformément à l’indication donnée en face de la mention « 5. Langue du test » dans le même titre, ces tests se dérouleraient également dans la langue 2 choisie par le candidat.

5        Le titre V de l’avis de concours, intitulé « Concours général », relevait, au point 1, que les candidats ayant obtenu l’une des meilleures notes et le minimum requis aux tests d’accès et qui, au vu de leurs déclarations lors de l’inscription électronique au concours, rempliraient les conditions générales et spécifiques du titre III, seraient admis au centre d’évaluation. Il était précisé en note en bas de page n° 2 de l’avis de concours que « le nombre de candidats admis au centre d’évaluation [correspondrait] approximativement à trois fois le nombre de lauréats indiqué dans le présent avis de concours et [serait] publié sur le site Internet d’EPSO ».

6        En face de la mention « 2. Centre d’évaluation », le même titre V relevait, à l’intention des candidats potentiels, ce qui suit :

« Vous êtes invités à participer à un centre d’évaluation qui se déroulera en principe à Bruxelles, pendant une journée. Vous serez évalués sur vos compétences spécifiques dans le domaine que vous avez choisi ainsi que sur les compétences générales suivantes :

–        analyse et résolution de problèmes

–        communication

–        qualité et résultats

–        apprentissage et développement

–        hiérarchisation des priorités et organisation

–        persévérance

–        travail d’équipe

–        capacités d’encadrement

La définition de ces compétences figure au point 1.2 du guide applicable aux concours généraux.

Ces compétences seront testées par le biais des éléments suivants :

a)      étude de cas dans le domaine choisi ;

b)      exercice de groupe ;

c)      présentation orale ;

d)      entretien structuré. »

7        En face de la mention « 3. Langues du centre d’évaluation » du même titre V, il était indiqué ce qui suit :

« Langue 2 (allemand, anglais ou français)

La connaissance de votre langue principale (langue 1) sera également examinée lors de l’étude de cas [élément a)] ».

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mai 2010, la République italienne a introduit le présent recours.

9        La République italienne ayant indiqué comme parties défenderesses contre lesquelles se dirigeait son recours susmentionné, à la fois la Commission européenne et l’EPSO, le Tribunal a, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, invité les parties, le 24 juin 2010, à indiquer s’il convenait de considérer la Commission comme unique partie défenderesse. Les parties ont répondu par l’affirmative à cette question. Compte tenu de leurs réponses, le Tribunal a décidé, le 29 juillet 2010, de considérer la Commission comme unique partie défenderesse.

10      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la même chambre.

11      Par ordonnance du 14 février 2011, Italie/Commission (T‑248/10, non publiée au Recueil), les parties entendues, le président de la troisième chambre du Tribunal a, en vertu de l’article 77, sous a), du règlement de procédure du Tribunal, suspendu la procédure dans la présente affaire, jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, non encore publié au Recueil).

12      Le 29 novembre 2012, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt Italie/Commission, point 11 supra. Seule la Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 64 du règlement de procédure, a invité la République italienne à répondre à une question oralement lors de l’audience. La République italienne a déféré à cette demande.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 5 juin 2013.

15      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis de concours ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      Dans le mémoire en défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

17      Toutefois, dans la duplique, reformulant ses conclusions, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler l’avis de concours, en précisant que toutes les décisions adoptées durant la procédure de concours concerné par l’avis de concours ainsi que toutes les nominations effectuées sur la base de la liste de réserve correspondante restent pleinement valides, pour protéger les intérêts légitimes des personnes concernées.

 En droit

18      À l’appui du recours, la République italienne invoque cinq moyens tirés de la violation, premièrement, de l’article 342 TFUE, deuxièmement, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), des articles 1er et 6 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), et de l’article 28 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), troisièmement, de l’article 18 TFUE et de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, quatrièmement, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, des articles 27 et 28 du statut ainsi que de l’annexe III du statut et, cinquièmement, de l’article 296 TFUE ainsi que de l’obligation de motivation.

19      Par son premier moyen, la République italienne fait valoir que, alors que l’article 342 TFUE attribue au Conseil la compétence exclusive pour fixer le régime linguistique des institutions de l’Union, par l’avis de concours, l’EPSO s’est, en substance, substitué au Conseil et a fixé lui-même le régime linguistique du concours en question. Il aurait, par conséquent, violé l’article 342 TFUE.

20      Par son deuxième moyen, la République italienne fait valoir que, en ce qu’il prévoit que les candidats doivent obligatoirement choisir l’allemand, l’anglais ou le français comme deuxième langue dans laquelle se dérouleront aussi bien les tests d’accès, visés aux points 3 et 4 ci‑dessus, que les épreuves du centre d’évaluation, mentionnées aux points 5 et 6 ci‑dessus, l’avis de concours comporte une violation de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, des articles 1er et 6 du règlement n° 1 et de l’article 28 du statut.

21      Par son troisième moyen, la République italienne invoque une violation de l’article 18 TFUE et de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, du fait qu’il est exigé des candidats du concours litigieux de passer les tests d’accès, destinés à permettre l’évaluation de leurs capacités abstraites de raisonnement et de leur intelligence, dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle. L’effort additionnel requis en raison de cette circonstance, ainsi que les différences de capacités d’expression des différents candidats dans l’une des trois langues qui doivent être choisies comme deuxième langue, exerceraient une influence sur les résultats des tests d’accès. En d’autres termes, il existerait un risque qu’un candidat apparaisse plus intelligent du seul fait qu’il a une meilleure capacité de compréhension de la deuxième langue, alors que cette circonstance est dépourvue de pertinence s’agissant des capacités et aptitudes que les tests d’accès visent à évaluer.

22      Par son quatrième moyen, la République italienne fait valoir une violation de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, des articles 27 et 28 du statut ainsi que de l’annexe III du statut, du fait que l’avis de concours exige des candidats une connaissance, comme deuxième langue, des seules langues allemande, anglaise et française, alors que toutes les langues mentionnées à l’article 1er du règlement n° 1 constitueraient aussi bien des langues officielles que des langues de travail des institutions de l’Union et qu’aucune autre disposition ne justifierait une telle limitation des connaissances linguistiques exigées des candidats au concours litigieux.

23      Par son cinquième moyen, la République italienne invoque une violation de l’obligation de motivation, consacrée à l’article 296 TFUE, dès lors que le choix, dans l’avis de concours, des seules langues allemande, anglaise et française, comme langues devant obligatoirement être indiquées par les candidats en tant que deuxième langue, n’est aucunement motivé.

24      Dans le mémoire en défense, la Commission a réfuté l’argumentation présentée par la République italienne dans le cadre des cinq moyens mentionnés aux points 18 à 23 ci-dessus. Toutefois, dans ses observations relatives aux conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt Italie/Commission, point 11 supra, déposées à la suite de la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point 12 ci‑dessus, ainsi que dans la duplique, la Commission a reconnu que la présente affaire ne présentait aucune différence significative par rapport aux affaires ayant donné lieu à cet arrêt. Il en résulte, selon la Commission, que l’avis de concours doit être annulé, comme le demande la République italienne. Cependant, la Commission considère que cette annulation doit rester sans préjudice des droits et des intérêts des personnes nommées fonctionnaires à la suite du concours en question.

25      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 9 ci‑dessus, la République italienne avait initialement désigné, dans la requête, aussi bien la Commission que l’EPSO comme étant les parties défenderesses dans la présente affaire. Il convient, toutefois, de relever que l’EPSO est un organisme interinstitutionnel, crée en vertu de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002, portant création de l’EPSO (JO L 197, p. 53), et auquel les institutions signataires de cette décision ont, en application de l’article 2, troisième alinéa, du statut, confié, par l’article 2, paragraphe 1, de ladite décision, l’exercice des pouvoirs de sélection qui sont dévolus par l’article 30, premier alinéa, du statut et par l’annexe III du statut à leurs autorités investies du pouvoir de nomination. L’article 4 de la même décision prévoit que, alors que, en application de l’article 91 bis du statut, les demandes et les réclamations relatives à l’exercice des pouvoirs dévolus à l’EPSO sont introduites auprès de celui-ci, tout recours dans ces domaines est dirigé contre la Commission.

26      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, en cas de désignation erronée dans la requête de la partie contre lequel le recours est formé, le recours n’est rejeté comme irrecevable si la requête contient des éléments permettant d’identifier sans ambiguïté la partie à l’encontre de laquelle elle est formée. Dans ce cas, le juge de l’Union considère cette dernière partie comme étant la partie défenderesse, quand bien même elle ne serait pas évoquée dans la partie introductive de la requête (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 16 octobre 2006, Aisne et Nature/Commission, T‑173/06, non publiée au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée). Toutefois, si la partie requérante persiste dans la désignation de la partie défenderesse évoquée dans la partie introductive de sa requête, le juge de l’Union tient compte de cette dernière partie et, le cas échéant, tire les conséquences de cette désignation quant à la recevabilité du recours (voir ordonnance Aisne et Nature/Commission, précitée, point 18, et la jurisprudence citée).

27      En l’espèce, au regard du libellé de l’article 4 de la décision 2002/620, mentionnée au point 25 ci‑dessus, il est évident que la désignation, dans la requête, de l’EPSO comme seconde partie défenderesse dans la présente affaire était erronée. Toutefois, ainsi qu’il a été relevé au point 9 ci‑dessus, la République italienne n’a pas persisté dans cette désignation erronée. Par conséquent, et en application de la jurisprudence mentionnée ci‑dessus, le Tribunal a décidé de considérer la Commission comme unique partie défenderesse dans l’affaire.

28      Ensuite, il y a lieu d’examiner conjointement l’ensemble des moyens invoqués par la République italienne à l’appui du recours, ces moyens étant étroitement liés.

29      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 1er du règlement n° 1, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1791/2006 du Conseil, du 20 novembre 2006, portant adaptation de certains règlements et décisions adoptés dans les domaine de la libre circulation des marchandises, de la libre circulation des personnes, du droit des sociétés, de la politique de la concurrence, de l’agriculture (y compris la législation vétérinaire et phytosanitaire), de la politique des transports, de la fiscalité, des statistiques, de l’énergie, de l’environnement, de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, de l’union douanière, des relations extérieures, de la politique étrangère et de sécurité commune et des institutions, en raison de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie (JO L 363, p. 1), désigne le bulgare, l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le finnois et le suédois non seulement comme langues officielles, mais également comme langues de travail des institutions de l’Union.

30      Par ailleurs, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut prévoit que toute discrimination fondée, notamment, sur la langue, est interdite dans l’application de ce statut. Selon le paragraphe 6, première phrase, de cet article, toute limitation des principes de non-discrimination et de proportionnalité doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel.

31      En outre, l’article 28, sous f), du statut prévoit que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions» que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi toutes les langues officielles (arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 83).

32      Certes, selon l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. Toutefois, il ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour déroger aux exigences de l’article 1er du règlement n° 1 (arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 84).

33      Les dispositions susvisées ne prévoient donc pas de critères explicites permettant de limiter le choix de la deuxième langue, que ce soit aux trois langues imposées par l’avis de concours ou à d’autres langues officielles (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 85).

34      Il convient d’ajouter que les institutions concernées par l’avis de concours ne sont pas soumises à un régime linguistique spécifique (arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 86).

35      Il y a toutefois lieu de vérifier si l’exigence de la connaissance de l’une des trois langues en cause pourrait, en l’espèce, être justifiée par l’intérêt du service.

36      À cet égard, il ressort de l’ensemble des dispositions susvisées que l’intérêt du service peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, l’article 1er quinquies du statut des fonctionnaires autorise des limitations aux principes de non‑discrimination et de proportionnalité. Il importe cependant que cet intérêt du service soit objectivement justifié et que le niveau de connaissance linguistique exigé s’avère proportionné aux besoins réels du service (arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 88).

37      Dans son arrêt Italie/Commission, point 11 supra (point 90), la Cour a souligné, à cet égard, que des règles limitant le choix de la deuxième langue devaient prévoir des critères clairs, objectifs et prévisibles afin que les candidats puissent savoir, suffisamment à l’avance, quelles exigences linguistiques étaient requises, et ce pour pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions.

38      Or, si l’article 6 du règlement n° 1 prévoit que les institutions peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique consacré par ce règlement dans leurs règlements intérieurs, ainsi que la Cour l’a rappelé dans son arrêt Italie/Commission, point 11 supra (point 67), les institutions concernées par l’avis de concours n’ont jamais adopté de règles internes. Par ailleurs, la Commission n’a pas non plus invoqué l’existence d’autres actes, tels que des communications stipulant les critères pour une limitation du choix d’une langue en tant que deuxième langue pour participer aux concours. Enfin, l’avis de concours ne contient aucune motivation justifiant le choix des trois langues en cause.

39      Pour autant qu’un objectif légitime d’intérêt général peut être invoqué et sa réalité démontrée, il importe de rappeler qu’une différence de traitement en raison de la langue doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être apte à réaliser l’objectif visé et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 93).

40      Conformément à l’article 27, premier alinéa, du statut des fonctionnaires, le recrutement des fonctionnaires doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité. Cet objectif pouvant être mieux préservé lorsque les candidats sont autorisés à présenter les épreuves de sélection dans leur langue maternelle ou dans la deuxième langue qu’ils considèrent maîtriser le mieux, il appartient à cet égard aux institutions de mettre en balance l’objectif légitime justifiant la limitation du nombre de langues des concours et l’objectif d’identifier les candidats ayant les plus hautes qualités de compétence (arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 94).

41      Il convient, en outre, de tenir compte du fait que le délai entre la publication de l’avis de concours et la date des tests et épreuves écrits ne permettait pas nécessairement à un candidat d’acquérir les connaissances linguistiques suffisantes pour démontrer ses compétences professionnelles. Quant à la possibilité d’apprendre, dans la perspective de futurs concours, l’une des trois langues désignées comme deuxième langue dans ledit avis, elle présuppose que les langues imposées par l’EPSO soient déterminables longtemps à l’avance. Or, l’absence de règles telles que celles visées au point 38 ci‑dessus ne garantit en aucune manière la permanence du choix des langues de concours et ne permet aucune prévisibilité en la matière (arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 95).

42      Par ailleurs, ainsi que l’a rappelé la Cour dans son arrêt Italie/Commission point 11 supra (point 96), les connaissances linguistiques des fonctionnaires sont un élément essentiel de leur carrière et les autorités investies du pouvoir de nomination disposent de différents moyens pour contrôler ces connaissances et les efforts dont les fonctionnaires font preuve pour mettre en pratique ces connaissances et en acquérir éventuellement de nouvelles. Cela résulte notamment de l’article 34, paragraphe 3, du statut, relatif au stage, et de l’article 45, paragraphe 1, dudit statut, relatif aux critères de promotion. L’importance des connaissances linguistiques a, d’ailleurs, été renforcée par la réforme du 1er mai 2004, introduite par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), puisque, conformément à l’article 45, paragraphe 2, du statut, le fonctionnaire est désormais tenu de démontrer, avant sa première promotion après recrutement, sa capacité à travailler dans une troisième langue parmi celles visées à l’article 314 CE.

43      La Cour a, donc, jugé qu’il appartenait aux institutions de mettre en balance l’objectif légitime justifiant la limitation du nombre de langues des concours et les possibilités d’apprentissage par les fonctionnaires recrutés, au sein des institutions, des langues nécessaires à l’intérêt du service (arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 97).

44      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que les éléments résultant de l’avis de concours ne permettent pas un contrôle juridictionnel ayant pour objet de vérifier si l’intérêt du service constituait un objectif légitime justifiant de déroger, en l’espèce, à la règle énoncée à l’article 1er du règlement n° 1 (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 98). Par ailleurs, la Commission n’a non seulement pas soumis au Tribunal d’autres éléments permettant un tel contrôle, mais elle a elle‑même admis que, eu égard aux considérations développées par la Cour dans son arrêt Italie/Commission, point 11 supra, il convenait de faire droit au recours et d’annuler l’avis de concours. Partant, pour les motifs développés ci-dessus et, plus particulièrement, pour violation du principe de non-discrimination en raison de la langue, visé à l’article 1er quinquies du statut, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner le reste de l’argumentation de la République italienne, non couverte par les appréciations exposées ci-dessus, il y a lieu d’annuler l’avis de concours (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 11 supra, point 102).

45      S’agissant de la demande de la Commission tendant, en substance, à ne pas mettre en cause les résultats du concours litigieux, afin de préserver la confiance légitime des candidats sélectionnés, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, rappelée par l’avocat général Mme Kokott dans ses conclusions sous l’arrêt Italie/Commission, point 11 supra (non encore publiées au Recueil, point 115), lorsque, dans le cadre d’un concours général organisé pour la constitution d’une réserve de recrutement, une épreuve est annulée, les droits d’un requérant sont adéquatement protégés si le jury et l’autorité investie du pouvoir de nomination reconsidèrent leurs décisions et cherchent une solution équitable à son cas, sans qu’il y ait lieu de mettre en cause l’ensemble du résultat du concours ou d’annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci (voir arrêt de la Cour du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C‑242/90 P, Rec. p. I‑3839, point 13, et la jurisprudence citée).

46      Dans son arrêt Italie/Commission, point 11 supra (point 103), la Cour a considéré, en renvoyant aux conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous cet arrêt, point 45 supra (points 115 et 116), que les mêmes considérations justifiaient de ne pas mettre en cause le résultat du concours concerné dans un cas analogue à celui de l’espèce.

47      La République italienne a, toutefois, soutenu, lors de l’audience, qu’il convenait de ne protéger que la confiance légitime des lauréats du concours litigieux qui avaient été nommés fonctionnaires antérieurement à la date de prononcé de l’arrêt Italie/Commission, point 11 supra. Aucune confiance légitime ne saurait, selon elle, persister après cette date, dès lors que, après le prononcé de l’arrêt en question, il devait être évident à tous les concernés que l’avis de concours était illégal. Par conséquent, selon la République italienne, pour les lauréats inscrits sur la liste de réserve mais non encore nommés fonctionnaires à la date du prononcé de l’arrêt susmentionné de la Cour, il n’existe aucune confiance légitime digne de protection. La République italienne a invoqué, à l’appui de ses prétentions, l’arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission (T‑58/05, Rec. p. II‑2523).

48      Cette argumentation méconnaît les considérations énoncées au point 45 ci-dessus et ne peut pas être admise. La confiance légitime des lauréats d’un concours, jugée digne de protection par la jurisprudence citée au même point, résulte de leur participation, laquelle a exigé un certain effort de leur part, à un concours organisé selon un avis de concours qu’ils considéraient valide. La circonstance que, longuement après la fin du concours, il apparaît, à la suite d’un arrêt prononcé dans une affaire différente, mais analogue, que l’avis en question était, en fait, entaché d’illégalité, n’est pas de nature à remettre en question cette confiance légitime.

49      Ne saurait conduire à une conclusion différente l’arrêt Centeno Mediavilla e.a./Commission, point 47 supra. Dans cet arrêt, le Tribunal a notamment rappelé que l’inscription de lauréats de concours généraux sur les listes d’aptitude dressées à l’issue des opérations de sélection n’emportait au profit des intéressés qu’une simple vocation à être nommés fonctionnaires stagiaires, cette vocation étant nécessairement exclusive de tout droit acquis. Ainsi, le Tribunal a considéré que, aussi longtemps qu’il n’a pas fait l’objet d’une décision de nomination en bonne et due forme, un lauréat inscrit sur la liste d’aptitude d’un concours général ne pouvait ni réclamer le bénéfice des dispositions du statut relatives au classement en grade d’un fonctionnaire lors de sa nomination ni arguer utilement d’une modification substantielle d’une situation acquise sous des anciennes situations du statut, non plus en vigueur au moment de sa nomination, afin de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime (arrêt Centeno Mediavilla e.a./Commission, point 47 supra, points 52 à 59 et 99).

50      Il s’ensuit que, dans cet arrêt, le Tribunal a eu à préciser la portée exacte de la confiance légitime d’un lauréat de concours, inscrit sur la liste de réserve. Le Tribunal a, en particulier, jugé que cette confiance légitime ne s’étendait pas sur le grade auquel le lauréat en question serait classé au moment de sa nomination en tant que fonctionnaire. En revanche, rien dans cet arrêt ne permet de conclure que l’inscription d’un lauréat sur la liste de réserve d’un concours et la conviction qui en résulte, qu’il restera inscrit sur cette liste jusqu’à la date d’expiration de sa validité et aura, ainsi, pendant cette période, la possibilité d’être nommé fonctionnaire, n’est pas constitutive d’une confiance légitime digne de protection.

51      Il s’ensuit que, à l’instar de la position adoptée par la Cour dans son arrêt Italie/Commission, point 11 supra (point 103), il n’y a pas lieu de mettre en cause les résultats du concours litigieux, concerné par l’avis de concours.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis de concours général EPSO/AD/177/10, pour la constitution d’une réserve de recrutement d’administrateurs (AD 5) dans les domaines de l’administration publique européenne, du droit, de l’économie, de l’audit et des technologies de l’information et de la communication (TIC) est annulé.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 octobre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.