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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

11 septembre 2024 (*)

« Fonction publique – Assistants parlementaires accrédités – Cessation de fonction – Contrat à durée déterminée – Non-renouvellement – Statut d’informateur – Articles 22 bis à 22 quater du statut – Mesures de protection – Confidentialité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑793/22,

TU, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme C. González Argüelles, M. I. Lázaro Betancor et Mme L. Darie, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, S. Gervasoni, Mmes N. Półtorak, I. Reine et T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la production par le requérant d’une nouvelle preuve déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2023,

–        les observations du Parlement du 21 décembre 2023 sur cette nouvelle preuve,

–        les réponses des parties aux questions écrites du Tribunal du 27 novembre 2023 déposées au greffe du Tribunal le 19 décembre 2023,

à la suite de l’audience du 18 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, TU, demande, d’une part, l’annulation de la décision du Parlement européen du 22 février 2022 de ne pas renouveler son contrat d’assistant parlementaire accrédité (ci-après « APA ») (ci-après la « décision du 22 février 2022 ») et de la décision implicite refusant, en réponse à sa demande introduite le 10 janvier 2022 visant à se voir reconnaître le statut d’informateur et à être protégé au titre des articles 22 bis à 22 quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), de reconnaître son statut d’informateur et d’adopter d’autres mesures de protection complémentaires à la mesure de décharge de fonction (ci-après la « décision implicite ») ainsi que, d’autre part, la réparation du préjudice, évalué à 200 000 euros, qu’il aurait subi du fait du non-respect des articles 22 bis à 22 quater du statut et des règles internes relatives à la mise en œuvre de l’article 22 quater du statut (ci-après les « règles internes »).

 Antécédents du litige

2        Le requérant a été recruté en tant qu’APA auprès du groupement de députés [confidentiel] (1) (ci‑après le « groupement ») pour assister la députée [confidentiel] (ci-après la « députée en cause »), pour une période allant du 26 août 2019 au 28 février 2022.

3        Bien qu’il ait été chargé d’assister, au sein de ce groupement, la députée en cause, sa supérieure hiérarchique et députée de référence au sein du groupement était A (ci-après la « députée de référence »), choisie comme représentante par les membres du groupement en vertu de l’article 1, point 5, des mesures d’application du titre VII du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, adoptées par une décision du bureau du Parlement du 14 avril 2014 et modifiées par des décisions du bureau du Parlement des 2 octobre 2017 et 5 juillet 2021 (ci-après les « mesures d’application du titre VII du RAA »).

4        Par courriel du 12 juillet 2021, le requérant a introduit une demande d’assistance et de protection, au titre de l’article 24 du statut, relative à des faits de harcèlement qu’il aurait subis de la part de la députée en cause. Dans ce courriel, le requérant indiquait également qu’il souhaitait protéger les intérêts financiers de l’Union en fournissant, dans cette demande, des informations sur des irrégularités financières prétendument commises par la députée en cause.

5        Le 20 juillet 2021, le directeur général de la direction générale du personnel (ci-après le « directeur général »), autorité compétente pour traiter les demandes d’assistance introduites sur le fondement de l’article 24 du statut au sein du Parlement, a adopté une mesure de protection provisoire visant à placer le requérant sous la responsabilité du président de la délégation [confidentiel] et membre du groupement, B (ci-après, respectivement, la « délégation » et le « président de la délégation »), à partir du 22 juillet 2021 (ci-après la « mesure de transfert »).

6        Le 23 août 2021, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé le Parlement qu’il avait reçu certaines informations en relation avec une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut présentée par le requérant, que l’ouverture d’une enquête était envisagée et que cette enquête avait un caractère confidentiel.

7        Par courriel du 3 septembre 2021, l’OLAF a informé le Parlement qu’il avait été saisi par le requérant de dénonciations d’irrégularités financières.

8        Le 4 novembre 2021, le requérant a soumis sa demande d’assistance complétée en y ajoutant, le 8 novembre 2021, une nouvelle liste d’annexes accompagnée d’éléments à l’appui. Ces documents comprenaient également une actualisation des dénonciations des prétendues irrégularités financières commises par la députée en cause et des éléments à l’appui de celles-ci.

9        Le 10 janvier 2022, le requérant a dénoncé, auprès du directeur général, les prétendues représailles qu’il aurait subies de la part de la direction de la délégation à la suite de ses dénonciations d’irrégularités financières et de harcèlement et a demandé à être protégé au titre de son statut d’informateur. Dans cette lettre, le requérant demandait à être déchargé de ses fonctions auprès de la délégation et à être transféré à n’importe quel autre poste au sein du Parlement. Il rapportait également ne s’être vu assigner aucune tâche et avoir été remplacé par un nouvel employé, pendant qu’il préparait sa demande de renouvellement de contrat, et demandait que le Parlement envisage la prorogation de son contrat afin de lui permettre de coopérer avec cette institution et avec l’OLAF sur les enquêtes en cours, tout en bénéficiant d’une pleine protection.

10      Le 13 janvier 2022, le directeur général a informé le requérant par courriel qu’il le déchargeait de ses fonctions jusqu’à la fin de son contrat (ci-après la « mesure de décharge »). Le président de la délégation était en copie de ce courriel.

11      Le 24 janvier 2022, le requérant a adressé une demande de renouvellement de son contrat à la députée de référence, qui lui a répondu, le 4 février 2022, que la députée en cause n’avait pas sollicité ce renouvellement et qu’aucun autre député du groupement n’avait manifesté son intention de l’engager comme APA.

12      Le 27 janvier 2022, le requérant a réitéré sa demande de renouvellement de son contrat auprès d’une cheffe d’unité de la direction générale du personnel, autorité compétente pour le recrutement des APA, en lui expliquant sa situation particulière.

13      Le 3 février 2022, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement du Parlement (ci-après l’« AHCC ») a entendu le requérant, qui lui a fait part, le 17 février 2022, d’observations écrites complémentaires.

14      Le 22 février 2022, l’AHCC a adopté la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant au motif que les articles 22 bis à 22 quater du statut ne permettaient pas de déroger aux dispositions du statut ou du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») en exigeant la continuation d’un contrat d’APA au-delà de son terme ou la conclusion d’un nouveau contrat d’une autre nature au sein du Parlement.

15      Le 28 février 2022, le requérant a dénoncé à l’OLAF les actes de représailles qu’il prétendait avoir subis. Le même jour, il a également demandé au secrétaire général et à C, responsable de son dossier au sein du cabinet dudit secrétaire général, de reprendre contact avec lui au sujet de sa demande du 10 janvier 2022 visant à se voir reconnaître le statut d’informateur et à être protégé au titre des articles 22 bis à quater du statut, et de réparer le dommage subi à la suite de la divulgation de son statut d’informateur.

16      Le 13 avril 2022, l’OLAF a clos son enquête concernant les irrégularités financières en estimant que celle-ci relevait de la compétence du Parquet européen. Le 4 juin 2022, ce dernier a ouvert une enquête à cet égard, qui était toujours en cours à la date d’introduction du présent recours et à la date de l’audience.

17      Par courriel du 20 mai 2022, le conseil du requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, demandant l’annulation de la décision du 22 février 2022 et de la décision implicite, ainsi qu’une indemnisation à hauteur de 200 000 euros.

18      Par décision du 13 septembre 2022, la réclamation du requérant a été rejetée par le secrétaire général. En ce qui concerne la demande du requérant du 10 janvier 2022, le secrétaire général a expliqué que le statut d’informateur était acquis dès que les conditions figurant à l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut étaient remplies, sans que l’administration soit tenue d’adopter une décision explicite en ce sens. Il a souligné que le requérant avait été assisté par C et qu’une mesure de protection avait été prise par le directeur général sous la forme d’une mesure de décharge de fonctions. En ce qui concerne la décision du 22 février 2022, le secrétaire général a confirmé la position de l’AHCC selon laquelle ni la protection accordée aux informateurs en vertu des articles 22 bis à quater du statut, ni le devoir de sollicitude « ne sauraient imposer à l’AHCC d’agir en violation des normes applicables », en l’espèce, celles régissant l’engagement des APA. Il a considéré, dès lors, que c’était à juste titre que l’AHCC avait indiqué au requérant que la protection accordée par ces articles ne faisait pas naître à son profit un droit à un « renouvellement ou à un emploi quelconque au sein du Parlement ».

19      En ce qui concerne les demandes indemnitaires du requérant, le Parlement a considéré qu’elles devaient être rejetées comme non fondées, en raison notamment de l’absence de comportement fautif en ce qui concerne tant la décision du 22 février 2022 que la mesure de décharge et la violation alléguée de l’obligation de confidentialité. En outre, le Parlement a contesté l’existence d’un lien de causalité entre cette dernière et le prétendu préjudice subi par le requérant.

 Conclusions des parties

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 22 février 2022 ;

–        annuler la décision implicite ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision du 13 septembre 2022 rejetant sa réclamation ;

–        déclarer le Parlement coupable de la violation des règles applicables au statut d’informateur et de la protection conférée à ce statut ;

–        condamner le Parlement à lui verser la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis du fait du non-respect des articles 22 bis à quater du statut et des règles internes ;

–        condamner le Parlement aux dépens ou, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le recours serait rejeté, le condamner à supporter ses propres dépens.

21      Le requérant conclut également à ce qu’il plaise au Tribunal, pour autant que de besoin, interroger l’OLAF, au titre de l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, sur la manière de mettre en œuvre les dispositions applicables aux informateurs.

22      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en déclaration

23      Par son cinquième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de déclarer le Parlement coupable de la violation des règles applicables au statut d’informateur et de la protection conférée à ce statut. Toutefois, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité, de faire des déclarations en droit (ordonnances du 9 novembre 2011, ClientEarth e.a./Commission, T‑449/10, non publiée, EU:T:2011:647, point 26, et du 5 juillet 2017, EEB/Commission, T‑448/15, non publiée, EU:T:2017:503, point 40). Il s’ensuit que les conclusions aux fins de déclaration en droit doivent être rejetées.

 Sur les conclusions en annulation

 Sur l’objet des conclusions en annulation

24      Dans la requête, premièrement, le requérant soulève un moyen autonome visant la procédure précontentieuse et l’absence de respect de l’article 22 quater du statut.

25      Deuxièmement, le requérant soulève plusieurs moyens distincts, dirigés contre la décision implicite.

26      Troisièmement, le requérant invoque deux moyens distincts contre la décision du 22 février 2022.

27      Il s’ensuit que les conclusions en annulation visent, premièrement, la décision implicite, deuxièmement, la décision du 22 février 2022 et, troisièmement, pour autant que de besoin, la décision du 13 septembre 2022 rejetant sa réclamation. Par cette dernière, le requérant avait demandé l’annulation de la décision implicite et de la décision du 22 février 2022, ainsi qu’une indemnisation.

28      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 63 et jurisprudence citée). En effet, la décision qui rejette une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (voir arrêt du 12 septembre 2019, XI/Commission, T‑528/18, non publié, EU:T:2019:594, point 20 et jurisprudence citée).

29      En revanche, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation incluse dans la décision de rejet de la réclamation devra être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 55 à 59).

30      En l’espèce, étant donné que la décision du 13 septembre 2022 rejetant la réclamation du requérant ne fait que confirmer la décision implicite et la décision du 22 février 2022, en indiquant les motifs venant au soutien de celles-ci, il convient de constater que les conclusions en annulation formulées à l’encontre de la décision du 13 septembre 2022 rejetant la réclamation du requérant sont dépourvues de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci. Toutefois, dans l’examen de la légalité de la décision implicite et de la décision du 22 février 2022, il est nécessaire de prendre en considération la motivation figurant dans la décision rejetant la réclamation.

31      Il convient d’examiner en premier lieu les moyens soulevés par le requérant au soutien de son troisième chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision implicite.

 Sur la légalité de la décision implicite

32      Dans sa demande du 10 janvier 2022, le requérant a demandé, d’une part, la reconnaissance du statut d’informateur et, d’autre part, l’octroi de la protection et de l’assistance qui y sont afférentes.

33      Le requérant invoque trois moyens à l’appui de ce chef de conclusions. Par son premier moyen, il invoque une violation des règles protectrices attachées à sa qualité d’informateur. Par son deuxième moyen, il invoque une violation des règles internes, le caractère illégal de l’interprétation faite par le Parlement de ces règles et le caractère inadéquat et insuffisant desdites règles, à supposer qu’il faille les interpréter comme le Parlement le propose, empêchant les APA de bénéficier de ladite protection. Enfin, par son troisième moyen, le requérant invoque la violation de la confidentialité et de la protection de son identité en tant qu’informateur.

–       Sur le premier moyen, tiré d’une violation des règles protectrices attachées à la qualité d’informateur du requérant

34      Le requérant soulève deux branches, tirées, la première, de l’introduction d’une demande au titre de l’article 22 bis du statut en vue de voir reconnaître son statut d’informateur et d’être protégé à ce titre et, la deuxième, du déroulement irrégulier de la procédure visée aux articles 22 bis à quater du statut visant la protection conférée à l’informateur et de la violation de l’article 3 des règles internes.

1)      Sur les arguments des parties relatifs à la première branche du premier moyen, tirée de l’introduction par le requérant d’une demande au titre de l’article 22 bis du statut en vue de voir reconnaître son statut d’informateur et d’être protégé à ce titre

35      Le requérant fait valoir que, le 10 janvier 2022, il a introduit auprès du directeur général une demande au titre de l’article 22 bis du statut, par laquelle il demandait à se voir reconnaître le statut d’informateur et à bénéficier de la protection qui en découle. Le requérant se serait plaint de souffrir de représailles de la part de la direction de la délégation du fait qu’il avait introduit une demande d’assistance et de protection contre la députée en cause. Par ailleurs, il aurait requis l’assistance du Parlement dans la procédure de renouvellement de son contrat.

36      Le même jour, il lui aurait été indiqué que la personne compétente pour traiter sa demande était C, membre de cabinet du secrétaire général. Il lui aurait été proposé d’être déchargé de ses fonctions, mesure à laquelle il ne se serait pas opposé. Il aurait ensuite eu un entretien avec C, le 17 février 2022, sans toutefois qu’aucune décision soit prise quant à sa demande. Il n’aurait jamais reçu de communication de l’AHCC quant à son statut d’informateur, ni quant au fait qu’une enquête avait été lancée concernant ses allégations de représailles. Tout ceci conforterait sa position selon laquelle le Parlement aurait manqué de répondre en temps utile à sa demande au titre de l’article 22 bis du statut.

37      Dans la réplique, le requérant précise que la mesure de décharge n’était pas une mesure conforme à l’article 4 des règles internes et qu’elle lui a causé préjudice dans le cadre de sa demande de renouvellement de contrat. Il n’aurait pas contesté cette mesure dès lors que, si elle avait été accompagnée d’une protection effective, il n’aurait eu aucun intérêt à la contester. Ainsi, dans sa réclamation, il soulignait qu’il s’agissait de la seule mesure adoptée à la suite de l’introduction de sa demande d’assistance le 10 janvier 2022, qu’elle se justifiait dans le cadre du traitement de sa plainte pour harcèlement et qu’elle n’épuisait pas les obligations de protection découlant de son statut d’informateur. Le fait qu’il se soit plaint, le 28 février 2022, de ne pas avoir été protégé contre la principale mesure de représailles adoptée à son égard par le groupement, à savoir le non-renouvellement de son contrat, établirait que son statut d’informateur n’a pas été dûment pris en considération.

38      Le Parlement estime que la distinction opérée par le requérant entre, d’une part, la mise en place d’une protection contre les représailles au titre de l’article 24 du statut et, d’autre part, la mise en place d’une protection du fait de son statut d’informateur au titre de l’article 22 bis du statut ne saurait prospérer.

39      Le Parlement estime que la demande du requérant du 10 janvier 2022 doit être considérée comme une nouvelle demande d’assistance visant les prétendues représailles de la direction de la délégation. Or, l’adoption des mesures de protection des informateurs visées à l’article 4 des règles internes entrerait dans le champ d’application de l’article 24 du statut, qui établit l’obligation générale d’assistance de l’institution et qui relève de la compétence du directeur général du personnel.

40      Ainsi, lorsque le directeur général a été saisi d’une demande d’assistance en raison de prétendues représailles subies à la suite de dénonciations au titre de l’article 22 bis du statut, il a adopté, au regard des mesures visées à l’article 4 des règles internes, la mesure de décharge, avec l’accord du requérant, afin de le protéger au titre de son statut d’informateur.

41      Enfin, la compétence pour répondre à la demande de protection du requérant reviendrait bien au directeur général, et non au membre du cabinet du secrétaire général, qui est responsable des relations avec l’OLAF et qui a seulement une compétence de conseil et d’assistance en matière de dénonciation d’irrégularités graves en vertu de l’article 3 des règles internes. Par ailleurs, ledit membre du cabinet aurait collaboré avec les conseillers du directeur général afin de trouver la meilleure façon de protéger le requérant du fait de son statut d’informateur.

42      Par conséquent, le Parlement considère que la demande de protection du requérant au titre du statut d’informateur du 10 janvier 2022 a bien obtenu une réponse de l’autorité compétente, de sorte qu’aucune décision implicite de rejet ne serait intervenue.

43      Dans la duplique, le Parlement précise que la mesure de décharge visait à protéger le requérant des prétendues représailles de la direction de la délégation, tant en raison de ses dénonciations d’irrégularités financières au titre de l’article 22 bis du statut qu’en raison de ses dénonciations pour harcèlement.

44      Le Parlement soutient que le requérant ne saurait faire valoir qu’il ignorait que la mesure de décharge serait la seule mesure adoptée au titre de son statut d’informateur. En effet, il aurait été informé qu’aucune autre mesure n’était envisageable afin de le protéger à ce titre et que le renouvellement de son contrat, à l’initiative de l’AHCC, n’était pas possible. En outre, à supposer que ce ne serait que lorsque la décision de ne pas renouveler son contrat lui a été notifiée qu’il aurait pris conscience du caractère préjudiciable de la mesure de décharge, il aurait encore pu contester cette mesure dans le délai prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

2)      Sur les arguments des parties relatifs à la seconde branche du premier moyen, tirée du déroulement irrégulier de la procédure visée aux articles 22 bis à quater du statut et de la violation de l’article 3 des règles internes

45      Par cette seconde branche, le requérant invoque une absence de déroulement régulier de la procédure visée aux articles 22 bis à quater du statut, visant la protection conférée à l’informateur, et une violation de l’article 3 des règles internes.

46      Premièrement, le requérant invoque l’absence de réaction du Parlement conforme à l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, qui prévoit que l’informateur ne subit aucun préjudice de la part de l’institution. Il estime avoir exposé un lien de causalité entre le non-renouvellement de son contrat et le fait qu’il a dénoncé des malversations financières et des faits de harcèlement.

47      Il reproche au Parlement de ne pas avoir reconnu officiellement son statut d’informateur, de ne pas avoir renouvelé son contrat et d’avoir divulgué son identité à plus de personnes qu’il n’était nécessaire. Les seules mesures de protection au titre de sa plainte pour harcèlement auraient été de le mettre à l’écart, puis de lui retirer ses fonctions. En revanche, le Parlement ne lui aurait jamais reconnu le statut d’informateur et n’aurait pas réagi de manière adéquate et diligente après l’examen de sa plainte au titre de l’article 22 bis du statut.

48      Les enquêteurs de l’OLAF auraient par ailleurs indiqué que le Parlement ne les avait toujours pas contactés à ce sujet. Il n’aurait reçu une réponse de la personne supposément compétente pour analyser sa demande à ce titre, pour la première fois, que le 4 juillet 2022. Or, il incomberait à l’AHCC de démontrer qu’elle a respecté la protection conférée à l’informateur et communiqué à l’intéressé un délai de traitement de sa demande conformément à l’article 22 ter, paragraphe 1, sous b), du statut, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

49      Deuxièmement, le requérant fait valoir qu’il n’a obtenu aucun conseil ni aucune assistance pour faire face aux mesures de représailles adoptées à son égard, contrairement à ce que prévoit l’article 3 des règles internes. En outre, le fait qu’un nouvel APA avait été engagé avant la fin de son contrat rendait le non-renouvellement de son contrat inéluctable. Aucune réponse à sa demande d’assistance n’aurait été donnée au jour de l’introduction du présent recours. Il en résulterait une violation des obligations prévues par l’article 3 des règles internes et le statut.

50      Dans la réplique, le requérant fait valoir que, même si le statut d’informateur est automatiquement reconnu dès que les conditions posées par le statut sont réunies, le Parlement aurait au moins dû confirmer ce statut d’informateur dès le mois de juillet 2021 et lui indiquer si et de quelle manière il envisageait de donner suite à sa plainte et de lui porter assistance à ce titre.

51      En premier lieu, le Parlement conteste le grief tiré de l’absence de réaction conforme à l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut.

52      À cet égard, premièrement, il conteste toute carence dans l’adoption des mesures de protection liées au statut d’informateur du requérant. Il précise que, si la mesure de transfert a été adoptée afin de protéger le requérant dans le cadre de sa demande d’assistance relative à des faits de harcèlement, la mesure de décharge a été adoptée afin de le protéger au titre de son statut d’informateur. Or, le requérant n’aurait pas contesté cette mesure dans le délai prévu par l’article 90, paragraphe 2, du statut. Dès lors, le grief tiré du caractère préjudiciable de la mesure de décharge serait irrecevable.

53      En tout état de cause, cette mesure de décharge aurait été prise avec l’accord du requérant. Ce dernier ne saurait prétendre que cette mesure aurait entravé le renouvellement de son contrat, étant donné qu’un éventuel renouvellement ne pouvait être demandé que par les députés de son groupement, avec lesquels il avait indiqué ne plus vouloir travailler.

54      Deuxièmement, s’agissant de la prétendue absence de reconnaissance du statut d’informateur du requérant, le Parlement fait valoir, tout d’abord, qu’il ne saurait être requis que ce statut soit formellement reconnu par l’administration, mais qu’il est acquis à l’intéressé dès lors que les conditions prévues à l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut sont remplies.

55      En l’espèce, selon le Parlement, le requérant aurait acquis le statut d’informateur au moment où l’administration du Parlement ou l’OLAF ont constaté avoir eu connaissance de faits visés à l’article 22 bis du statut. Or, le requérant aurait bien été traité comme un informateur par l’administration du Parlement et il aurait bien reçu une protection à ce titre.

56      Troisièmement, le Parlement fait valoir que le requérant a contacté l’OLAF dès le mois d’août 2021, alors que les conseillers du directeur général étaient en train d’examiner les documents fournis dans sa demande du 12 juillet 2021 comprenant des dénonciations d’irrégularités financières. Dans ces conditions, le Parlement estime que l’article 22 ter, paragraphe 1, sous b), du statut, qui prévoit que l’institution auprès de laquelle l’informateur a dénoncé de prétendues activités illégales doit fixer un délai pour engager l’action qui s’impose et doit en informer l’informateur dans un délai de 60 jours, serait devenu inapplicable.

57      En deuxième lieu, le Parlement conteste avoir violé l’article 3 des règles internes, relatif à son devoir de conseil et d’assistance. Ce serait en effet à ce titre que le membre du cabinet du secrétaire général aurait répondu au requérant le 11 janvier 2022, puis aurait discuté avec lui des options envisageables afin de le protéger au titre de son statut d’informateur. Ensuite, le 17 février 2022, ledit membre de cabinet lui aurait indiqué qu’aucune autre mesure de protection que la décharge n’était envisageable et que le renouvellement de son contrat n’était pas une mesure de protection envisageable au titre de ce statut.

58      Dans la duplique, le Parlement constate qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 2, des règles internes que l’administration doit informer les informateurs, dans un délai de deux mois, des suites qu’elle entend donner à leurs demandes d’assistance. Il observe, cependant, que l’administration a bien donné suite à la demande d’assistance du 10 janvier 2022, en adoptant la mesure de décharge.

59      Par le présent moyen, dont il convient d’examiner les deux branches conjointement, le requérant soulève en substance trois griefs distincts tirés, le premier, de l’absence de reconnaissance formelle de son statut d’informateur, le deuxième, de l’absence d’information à son égard quant aux suites données à ses dénonciations et, le troisième, de l’insuffisance des mesures de protection adoptées par le Parlement à ce titre.

60      À titre liminaire, il convient d’examiner la recevabilité de certaines annexes, dans la mesure où celle-ci est contestée par le Parlement.

3)      Sur la recevabilité de certaines annexes

i)      Sur la recevabilité des annexes C.6 et C.7

61      Le requérant a produit, à l’annexe C.7 de la réplique, l’enregistrement d’un entretien qu’il a eu avec le directeur général, le 15 février 2023, duquel il ressortirait, premièrement, qu’aucune enquête n’avait été lancée en ce qui concerne le traitement de ses dénonciations en tant qu’informateur, deuxièmement, que la mesure de décharge avait suppléé à la mesure de transfert, qui ne suffisait pas à protéger le requérant et, troisièmement, que le directeur général ne s’était jamais estimé compétent en ce qui concerne la protection à lui conférer à la suite des actes de représailles allégués.

62      Le compte rendu écrit de cette réunion a été produit à l’annexe C.6 de la réplique.

63      Le Parlement soutient que les annexes C.6 et C.7 ont été obtenues de manière irrégulière. En conséquence, il demande leur retrait du dossier.

64      Il convient de relever que, selon la jurisprudence, il n’existe pas de disposition prévoyant expressément l’interdiction de tenir compte de preuves illégalement obtenues. Il convient, dans ces situations, en procédant à une mise en balance des intérêts à protéger, d’apprécier si des circonstances particulières, telles que le caractère décisif de la production du document aux fins d’assurer le contrôle de la régularité de la procédure d’adoption de l’acte attaqué, justifient de ne pas procéder au retrait d’un document (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2015, Dalli/Commission, T‑562/12, EU:T:2015:270, points 47 et 48 et jurisprudence citée).

65      Les annexes C.6 et C.7 ont trait à une réunion ayant eu lieu en février 2023, soit après l’introduction du recours, introduit le 22 décembre 2022. Il n’est pas nécessaire de les maintenir dans le dossier, dans la mesure où, d’une part, le requérant n’a pas fait valoir de circonstances particulières au sens de la jurisprudence visée au point 64 ci-dessus et, d’autre part, leur contenu, relatif à des faits postérieurs à l’introduction du recours, n’est pas décisif afin d’examiner les griefs qu’il soulève.

ii)    Sur la recevabilité de l’annexe E.1 et de la lettre l’accompagnant

66      Le 5 décembre 2023, le requérant a produit, à l’annexe E.1, des extraits du rapport d’enquête administrative adopté le 17 juin 2022 par le comité consultatif chargé d’examiner les plaintes pour harcèlement qui concernent des députés au Parlement, accompagnés d’une lettre présentant ses observations.

67      Le Parlement soutient que l’annexe E.1 est irrecevable en ce qu’elle a été présentée tardivement. Il relève également que cette annexe a été obtenue de manière irrégulière.

68      Premièrement, il convient de rappeler que, selon l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure :

« 1.      Les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires.

2.      Les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. »

69      En l’espèce, la présentation tardive de l’annexe E.1 ne peut pas être retenue contre le requérant, dans la mesure où, ainsi qu’il est ressorti de l’audience, il s’agit d’un document qu’il a obtenu par d’autres voies après l’avoir demandé en vain au Parlement. Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus que ni l’éventuel caractère confidentiel d’un document, ni le fait qu’il a pu être obtenu irrégulièrement n’imposent son retrait du dossier.

70      Cependant, il n’est pas nécessaire de maintenir l’annexe E.1 et la lettre l’accompagnant dans le dossier, dans la mesure où leur contenu n’est pas décisif afin d’examiner les griefs soulevés par le requérant. En effet, le rapport d’enquête administrative du 17 juin 2022 concerne le traitement de la plainte pour harcèlement du requérant, tandis que le présent recours concerne le traitement de son statut d’informateur.

iii) Sur la recevabilité des annexes F.1 et F.2

71      À l’annexe F.1 de sa réponse du 19 décembre 2023 aux questions du Tribunal du 27 novembre 2023, le requérant a fourni des échanges, datés de novembre et de décembre 2023, entre la direction générale du personnel et d’autres APA ayant déposé une demande d’assistance. À l’annexe F.2, il a produit les règles internes relatives à la mise en œuvre de l’article 22 ter du statut, adoptées par le Parlement le 20 novembre 2023.

72      Lors de l’audience, le Parlement a soutenu que les annexes F.1 et F.2 étaient irrecevables, dans la mesure où elles avaient été fournies en réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal portant sur une autre question.

73      Conformément à l’article 89, paragraphe 1, du règlement de procédure, les mesures d’organisation de la procédure visent à assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état des affaires, le déroulement des procédures et le règlement des litiges.

74      Il ressort des termes mêmes de l’article 88 du règlement de procédure que la décision de poser des questions aux parties relève de la libre appréciation du Tribunal et que ce dernier demeure libre d’apprécier souverainement la valeur qu’il convient d’attribuer aux différents éléments de fait et de droit qui lui ont été soumis (voir, en ce sens, ordonnance du 31 janvier 2017, Universal Protein Supplements/EUIPO, C‑485/16 P, non publiée, EU:C:2017:72, point 15 et jurisprudence citée).

75      En l’espèce, bien que leur production n’ait pas été formellement demandée par le Tribunal, les annexes F.1 et F.2 viennent illustrer la réponse du requérant à la question no 3 du Tribunal posée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, par laquelle il a invité les parties à présenter leurs éventuelles observations sur les conséquences à tirer pour la présente affaire de l’arrêt du 15 novembre 2023, PL/Commission (T‑790/21, EU:T:2023:724). Par conséquent, le dépôt des annexes F.1 et F.2, jointes en complément des réponses aux mesures d’organisation de la procédure, peut être considéré comme justifié, de sorte qu’il y a lieu de juger ces annexes recevables.

4)      Sur l’absence de reconnaissance formelle du statut d’informateur du requérant

76      Le requérant reproche au Parlement de ne pas avoir reconnu formellement son statut d’informateur.

77      Il convient de rappeler que, selon l’article 22 bis, paragraphes 1 à 3, du statut, applicable par analogie aux APA en vertu de l’article 127 du RAA :

« 1.      Le fonctionnaire qui, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, a connaissance de faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle, notamment une fraude ou une corruption, préjudiciable aux intérêts de l’Union, ou une conduite en rapport avec l’exercice de ses fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires de l’Union, en informe immédiatement son supérieur hiérarchique direct ou son directeur général ou encore, s’il le juge utile, le secrétaire général, ou toute personne de rang équivalent, ou directement l’Office européen de lutte antifraude.

Toute information mentionnée au premier alinéa est transmise par écrit.

Le présent paragraphe s’applique en cas de manquement grave à une obligation similaire commis par un membre d’une institution, toute autre personne au service d’une institution ou tout prestataire de services agissant pour le compte d’une institution.

2.      Le fonctionnaire recevant l’information visée au paragraphe 1 communique immédiatement à l’Office européen de lutte antifraude tout élément de preuve dont il a connaissance, pouvant laisser présumer l’existence des irrégularités visées au paragraphe 1.

3.      Le fonctionnaire qui a communiqué l’information visée aux paragraphes 1 et 2 ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi. »

78      Ainsi, il ressort de l’article 22 bis, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, applicable par analogie aux APA en vertu de l’article 127 du RAA, que ledit paragraphe s’applique au fonctionnaire qui a connaissance de faits « qui peuvent laisser présumer » une activité illégale ou un manquement grave aux obligations des fonctionnaires.

79      Cette condition est remplie dès lors que le fonctionnaire concerné communique des faits concrets authentiques ou, à tout le moins, vraisemblables et dont une première appréciation a pu le conduire à présumer raisonnablement l’existence d’une activité illégale ou d’un manquement grave (voir arrêt du 20 octobre 2021, ZU/Commission, T‑671/18 et T‑140/19, non publié, EU:T:2021:715, point 267 et jurisprudence citée).

80      Il s’ensuit que la divulgation doit porter sur des faits concrets. De plus, l’emploi des termes « laisser présumer » et la condition énoncée à l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, pour le fonctionnaire informateur, d’agir « de bonne foi », c’est-à‑dire, selon les versions espagnole, anglaise, néerlandaise et portugaise de cette disposition, de pouvoir estimer « honnêtement et raisonnablement » que ses dénonciations sont « essentiellement fondées », implique l’obligation pour celui-ci de porter, avant toute divulgation, une appréciation minimale de nature à le convaincre raisonnablement de la pertinence des éléments de fait en question au regard de possibles irrégularité ou manquement grave (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2011, Nijs/Cour des comptes, F‑77/09, EU:F:2011:2, point 65).

81      Il en découle que le Parlement n’était pas tenu d’adopter une décision par laquelle il reconnaissait que le requérant bénéficiait du statut d’informateur. En effet, la protection prévue à l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut est accordée, sans aucune formalité, aux fonctionnaires ayant donné des informations sur des faits qui laissent présumer l’existence d’une activité illégale, du simple fait d’avoir fourni lesdites informations (arrêt du 12 décembre 2014, AN/Commission, T‑512/13 P, EU:T:2014:1073, point 31).

82      En l’espèce, ainsi que l’a reconnu le Parlement lors de l’audience, le requérant a acquis le statut d’informateur dès le moment où l’administration a eu connaissance, par écrit, des faits visés à l’article 22 bis du statut, que le requérant avait par ailleurs communiqués à l’OLAF, soit le 23 août 2021 (voir point 6 ci-dessus) ou, au plus tard, le 3 septembre 2021, lorsque l’OLAF a indiqué au Parlement que le requérant l’avait informé d’irrégularités visées à l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut.

83      Il résulte de ce qui précède que le requérant ne saurait valablement soutenir qu’il s’est vu opposer un rejet implicite de sa demande du 10 janvier 2022 en tant qu’elle visait à ce que soit reconnu son statut d’informateur, dans la mesure où le Parlement n’était pas tenu d’adopter un acte juridique accordant ou refusant d’accorder ledit statut au requérant. Dès lors, en ce qu’elles visent un acte qui n’a pas été adopté, les conclusions en annulation de la décision implicite, en tant que cette dernière rejetterait la demande du requérant du 10 mars 2022 visant à se voir reconnaître le statut d’informateur, doivent être rejetées comme étant irrecevables.

84      Ce constat est sans préjudice de la nécessité pour le Parlement de respecter les droits découlant du statut d’informateur du requérant, qui sont examinés ci-après.

5)      Sur l’absence d’information du requérant quant aux suites données à ses dénonciations

85      Le requérant fait valoir qu’il incomberait à l’AHCC de démontrer avoir communiqué un délai de traitement de sa demande conformément à l’article 22 ter, paragraphe 1, sous b), du statut, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Il fait aussi valoir que le Parlement aurait manqué de réagir de manière adéquate et diligente après l’examen de sa plainte au titre de l’article 22 bis du statut. Dans la réplique, s’appuyant sur l’article 5, paragraphe 3, des règles internes, il fait valoir que le Parlement aurait dû lui indiquer s’il envisageait de donner suite à sa plainte et de quelle manière.

86      En vertu de l’article 22 ter, paragraphe 1, du statut, applicable par analogie aux APA en vertu de l’article 127 du RAA :

« Le fonctionnaire qui divulgue les informations visées à l’article 22 bis au président de la Commission, au président de la Cour des comptes, au président du Conseil, au président du Parlement européen ou au Médiateur européen ne subit aucun préjudice de la part de l’institution à laquelle il appartient, pour autant que les deux conditions énumérées ci-après soient remplies :

a)      le fonctionnaire estime, de bonne foi, que l’information divulguée et toute allégation qu’elle recèle sont essentiellement fondées, et

b)      le fonctionnaire a préalablement communiqué cette même information à l’Office européen de lutte antifraude ou à son institution et a laissé à l’Office ou à cette institution le délai fixé par l’Office ou par l’institution, compte tenu de la complexité de l’affaire, pour engager l’action qui s’impose. Le fonctionnaire est dûment informé de ce délai dans les 60 jours. »

87      Selon les termes de l’article 22 bis, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, du statut, le fonctionnaire « qui a connaissance de faits qui peuvent laisser présumer » une activité illégale éventuelle préjudiciable aux intérêts de l’Union ou une conduite en rapport avec l’exercice des fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires en informe immédiatement et par écrit « son supérieur hiérarchique direct ou son directeur général ou encore, s’il le juge utile, le secrétaire général, ou toute personne de rang équivalent, ou directement l’[OLAF] ». En cas de passivité de l’institution ou de l’OLAF, après l’expiration d’un certain délai, le fonctionnaire peut, en application de l’article 22 ter, paragraphe 1, du statut, transmettre l’information au président de la Commission, de la Cour des comptes, du Conseil ou du Parlement ou encore au Médiateur (arrêt du 5 décembre 2012, Z/Cour de justice, F‑88/09 et F‑48/10, EU:F:2012:171, point 250).

88      L’article 22 quater du statut, également applicable par analogie aux APA en vertu de l’article 127 du RAA, prévoit par ailleurs ce qui suit :

« Conformément aux articles 24 et 90, chaque institution met en place une procédure pour le traitement des réclamations émanant de fonctionnaires concernant la manière dont ils ont été traités après ou du fait de s’être acquittés de leurs obligations au titre de l’article 22 bis ou 22 ter. L’institution concernée veille à ce que de telles réclamations soient traitées de manière confidentielle et, lorsque les circonstances le justifient, avant l’expiration des délais fixés à l’article 90.

L’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution établit des règles internes concernant, entre autres :

–        les informations fournies aux fonctionnaires visés à l’article 22 bis, paragraphe 1, ou à l’article 22 ter, sur le traitement des faits rapportés par eux ;

–        la protection des intérêts légitimes de ces fonctionnaires et de leur vie privée, et

–        la procédure de traitement des réclamations visées au premier alinéa du présent article. »

89      Mettant en œuvre l’article 22 quater du statut, l’article 5 des règles internes, intitulé « Droit à l’information », prévoit ce qui suit :

« 1.      Le supérieur hiérarchique accuse réception des dénonciations faites par l’informateur dans les 5 jours ouvrables à partir de leur réception.

2.      Conformément à l’article 22 ter du statut, l’informateur est informé dans un délai de 60 jours du délai nécessaire pour engager l’action qui s’impose. Il est averti en cas de saisine de l’OLAF dans les meilleurs délais.

3.      À l’issue du délai nécessaire fixé par l’administration, l’informateur est informé, dans une mesure appropriée et eu égard aux circonstances de l’espèce et au respect des droits des tiers, des suites données par l’institution à ses dénonciations, notamment des conclusions des enquêtes menées et/ou de la nature des actions envisagées et/ou engagées. »

90      En l’espèce, comme indiqué au point 82 ci-dessus, le Parlement estime avoir reçu des informations portant sur des faits concrets, au sens de la jurisprudence et au titre de l’article 22 bis du statut, le 23 août 2021 ou, au plus tard, le 3 septembre 2021.

91      En tout état de cause, quelle que soit la date retenue, il ne ressort pas du dossier ni de l’audience que le Parlement ait accusé réception des dénonciations effectuées par le requérant, dans un délai de 5 jours ouvrables, qu’il l’ait informé, dans un délai de 60 jours, du délai nécessaire pour engager l’action qui s’impose, ni qu’il l’ait informé des suites données par l’institution à ses dénonciations, comme le prévoit l’article 5, paragraphes 1, 2 et 3, des règles internes, cité au point 89 ci-dessus.

92      Le Parlement estime que ces règles étaient devenues « sans effet » dès lors que le requérant avait dénoncé les irrégularités financières à l’OLAF, en saisissant directement ce dernier.

93      Or, il ne ressort ni des articles 22 bis à quater du statut, ni de l’article 5 des règles internes que l’obligation d’information du Parlement cesserait d’exister dès lors qu’un informateur a, parallèlement, saisi l’OLAF.

94      Au contraire, l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut prévoit qu’un fonctionnaire ou agent qui a connaissance de faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale préjudiciable aux intérêts financiers de l’Union en informe immédiatement son supérieur direct ou son directeur général ou encore, s’il le juge utile, le secrétaire général, ou toute personne de rang équivalent, ou directement l’OLAF. Un informateur disposant d’informations visées à cette disposition peut donc directement en informer l’OLAF, s’il le juge utile, sans que cela conduise à une protection moindre ou à l’application d’un régime juridique différent.

95      Cela est corroboré par le fait que, ainsi qu’il ressort de l’article 22 bis, paragraphe 2, du statut, si l’informateur ne transmet pas lui-même directement les informations dont il a connaissance à l’OLAF, il appartient au fonctionnaire recevant l’information visée au paragraphe 1 de cette disposition de communiquer immédiatement à l’OLAF tout élément de preuve dont il a connaissance, pouvant laisser présumer l’existence des irrégularités visées au paragraphe 1.

96      En outre, il ressort de l’article 22 ter, paragraphe 1, du statut que les informations visées à l’article 22 bis du statut doivent être communiquées préalablement par le fonctionnaire ou agent détenant de telles informations à l’OLAF ou à son institution pour que celui-ci puisse bénéficier de la protection contre d’éventuelles représailles. L’article 22 ter, paragraphe 1, sous b), du statut prévoit par ailleurs que le fonctionnaire ou agent est dûment informé du délai requis par l’OLAF ou l’institution pour engager l’action qui s’impose.

97      Certes, comme le fait valoir le Parlement, il ressort de l’article 5, paragraphe 3, du règlement (UE) no 883/2013 du Parlement et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), ce qui suit :

« Tant que le directeur général [de l’OLAF] étudie l’opportunité d’ouvrir une enquête interne à la suite d’une demande visée au paragraphe 2 et/ou tant que l’[OLAF] conduit une enquête interne, les institutions, organes et organismes concernés n’ouvrent pas d’enquête parallèle sur les mêmes faits, sauf s’il en a été convenu autrement avec l’[OLAF]. »

98      De plus, selon l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement no 883/2013, lorsqu’un fonctionnaire, un autre agent, un membre d’une institution ou d’un organe, un dirigeant d’un organisme ou un membre du personnel, agissant conformément à l’article 22 bis du statut, fournit à l’OLAF des informations relatives à une suspicion de fraude ou d’irrégularité, l’OLAF informe cette personne de la décision d’ouvrir ou non une enquête sur les faits en question.

99      Le Parlement en déduit que, dès lors que l’OLAF avait été saisi, il appartenait à cet office d’indiquer au requérant dans quel délai il engagerait l’action qui s’impose.

100    Néanmoins, indépendamment des obligations d’information de l’OLAF à l’égard du requérant, il appartenait également au Parlement, autorité compétente pour assurer la protection des agents de l’institution ayant dénoncé, conformément aux articles 22 bis et 22 ter du statut, des irrégularités graves, dès lors qu’il avait été saisi de faits visés à l’article 22  bis du statut, dans un premier temps, d’accuser réception de cette dénonciation, puis, dans un second temps, d’informer le requérant, dans un délai de 60 jours, du délai nécessaire pour engager l’action qui s’imposait, comme le prévoit l’article 5, paragraphes 1 et 2, des règles internes.

101    Certes, conformément au règlement no 883/2013, à partir du moment où le Parlement avait été informé, le 23 août 2021 ou, au plus tard, le 3 septembre 2021, que le requérant avait saisi l’OLAF directement (voir points 6 et 82 ci-dessus), il ne pouvait pas conduire d’enquête parallèle portant sur les mêmes faits. Néanmoins, le Parlement aurait dû en avertir le requérant, tant conformément à son devoir de sollicitude qu’en application de l’article 5, paragraphe 3, des règles internes, dont il ressort qu’il lui appartient d’informer l’informateur des suites données par l’institution à ses dénonciations.

102    Au vu de ce qui précède, le Parlement a violé l’article 5 de ses règles internes.

6)      Sur l’insuffisance des mesures de protection adoptées au titre des articles 22 bis à 22 quater du statut

103    Par ce grief, le requérant reproche en substance au Parlement, en se bornant à le décharger de ses fonctions, de ne pas avoir pris les mesures de protection suffisantes découlant de son statut d’informateur.

i)      Sur la charge de la preuve du caractère suffisant des mesures de protection

104    Le requérant soutient que c’est au Parlement qu’incombe la charge de prouver que les mesures de protection requises ont été mises en œuvre pour le protéger en sa qualité d’informateur.

105    Il convient dès lors de déterminer, à titre liminaire, sur quelle partie repose la charge de la preuve du caractère suffisant des mesures de protection en l’espèce.

106    Le requérant se réfère à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO 2019, L 305, p. 17). Cette directive a pour objet de renforcer l’application du droit et des politiques de l’Union dans des domaines spécifiques en établissant des normes minimales communes assurant un niveau élevé de protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union.

107    L’article 21 de la directive 2019/1937, intitulé « Mesures de protection contre les représailles », prévoit, à son paragraphe 5, ce qui suit :

« Dans le cadre d’une procédure engagée devant une juridiction ou auprès d’une autre autorité concernant un préjudice subi par l’auteur de signalement, et sous réserve que celui-ci établisse qu’il a effectué un signalement ou fait une divulgation publique et qu’il a subi un préjudice, il est présumé que le préjudice a été causé en représailles au signalement ou à la divulgation publique. En pareil cas, il incombe à la personne qui a pris la mesure préjudiciable d’établir que cette mesure était fondée sur des motifs dûment justifiés. »

108    Le considérant 93 de la directive 2019/1937 énonce la raison d’être de cette disposition en ces termes :

« Il est probable que des représailles soient présentées comme étant justifiées par des motifs autres que le signalement et il peut être très difficile pour les auteurs de signalement de prouver le lien entre le signalement et les représailles, alors que les auteurs de représailles peuvent avoir plus de pouvoir et de ressources pour documenter les mesures prises et le raisonnement adopté. Par conséquent, une fois que l’auteur de signalement démontre à première vue qu’il a signalé des violations ou fait une divulgation publique conformément à la présente directive et qu’il a subi un préjudice, la charge de la preuve devrait être transférée à la personne qui a pris la mesure préjudiciable et c’est elle qui devrait alors être tenue de démontrer que la mesure prise n’était en rien liée au signalement ou à la divulgation publique. »

109    Certes, la directive 2019/1937 est adressée aux États membres et ne lie pas, en tant que telle, les institutions de l’Union.

110    Néanmoins, selon la jurisprudence, le fait qu’une directive ne lie pas, comme telle, les institutions ne saurait exclure qu’elle puisse s’imposer indirectement aux institutions dans leurs relations avec leurs fonctionnaires et agents, dans certaines hypothèses particulières (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Commission/Strack, T‑268/11 P, EU:T:2012:588, points 42 à 44 et jurisprudence citée).

111    Dans une situation où, comme en l’espèce, le Parlement est tenu de mettre en œuvre les dispositions, prévues aux articles 22 bis à 22 quater du statut, qui visent en particulier à assurer une protection aux informateurs contre d’éventuelles mesures de représailles, le Parlement ne saurait prévoir des règles moins protectrices que celles qui ont été spécifiquement adoptées, à cet égard, par le législateur de l’Union en ce qui concerne la protection des informateurs par les États membres.

112    En l’espèce, le requérant décrit une situation d’isolement et un sentiment de déconsidération dans son travail, ayant été laissé sans retour sur une tâche qui lui avait été assignée et sans que le résultat de son travail ait été pris en compte. Enfin, le requérant produit un courriel en date du 7 janvier 2022, duquel il ressort que, avant même la mesure de décharge et avant même la fin de son contrat, une autre personne avait déjà été engagée en tant qu’APA pour effectuer les tâches qui lui avaient été précédemment assignées.

113    Au demeurant, plus de deux ans après les faits dénoncés par le requérant, ses dénonciations sur les prétendues représailles adoptées par la direction de la délégation sont toujours en cours d’examen, de sorte que le Parlement n’était pas en mesure de se prononcer sur cette question lors de l’audience.

114    En outre, il ressort, notamment, de la description des événements mis en exergue par le requérant en annexe à sa demande d’assistance du 10 janvier 2022 que, après qu’il avait été placé sous l’autorité du président de la délégation, celui-ci a répondu à ses courriels par des réponses sèches, sans jamais s’enquérir de son état après le harcèlement qu’il avait vécu.

115    Dans ces circonstances, le requérant avance de manière plausible qu’il a subi un préjudice, de la part non seulement de la députée en cause, mais aussi du président de la délégation.

116    Dans une situation comme celle de l’espèce, où le requérant apporte des indices crédibles selon lesquels il a subi un préjudice à la suite de l’adoption de la mesure de transfert et où ses dénonciations sur les prétendues représailles adoptées par la direction de la délégation sont au surplus toujours en cours d’examen, il incombe au Parlement de démontrer qu’il a rempli son devoir de protection de l’informateur en adoptant des mesures suffisantes à cet effet.

ii)    Sur le caractère suffisant des mesures de protection

117    L’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, dont le libellé est rappelé au point 77 ci-dessus, énonce la règle selon laquelle, pour autant qu’il ait agi de bonne foi, le fonctionnaire qui a informé sa hiérarchie de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et qui peuvent laisser présumer soit une activité illégale éventuelle, soit une conduite se rapportant à l’exercice de ses fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires de l’Union ne subit aucun préjudice de la part de l’institution.

–       Sur la mesure de décharge

118    En l’espèce, le Parlement a adopté deux mesures de protection. La première mesure – à savoir la mesure de transfert – faisait directement suite à la plainte pour harcèlement du requérant ainsi qu’à la demande d’assistance l’accompagnant. Le requérant avait en effet fait valoir, dans sa demande du 12 juillet 2021, qu’il avait besoin d’une protection immédiate et qu’il ne pouvait plus travailler pour la députée en cause. La seconde mesure – à savoir la mesure de décharge – faisait suite à sa plainte du 10 janvier 2022, dans laquelle il dénonçait les représailles qu’il aurait subies de la part de la direction de la délégation, à la suite de ses dénonciations. Dans cette dernière plainte, le requérant demandait à cesser de travailler pour la délégation et à être réaffecté à un autre poste.

119    Ainsi, contrairement à ce que fait valoir le requérant, le Parlement a bien adopté une mesure de protection visant à répondre à sa demande du 10 janvier 2022 en adoptant, le 13 janvier 2022, la mesure de décharge.

120    Il convient toutefois de déterminer si cette mesure était une mesure de protection suffisante aux fins de la protection du requérant au titre de son statut d’informateur.

121    Il convient en effet de comprendre ainsi l’argumentation du requérant, celle-ci ne visant pas à contester la mesure de décharge en tant que telle. Les arguments du Parlement consistant à faire valoir que cette mesure est devenue définitive, faute d’avoir fait l’objet d’une réclamation dans les délais prévus à cet effet, doivent, dès lors, être rejetés comme inopérants (voir point 52 ci-dessus).

122    Afin d’apprécier si la mesure de décharge était une mesure de protection suffisante, il convient de rappeler que le contexte était caractérisé par les éléments suivants.

123    Premièrement, le Parlement ne conteste pas que, au moment d’introduire une demande de renouvellement de son contrat d’APA, le requérant avait transmis des informations au titre de l’article 22 bis, paragraphes 1 à 2 du statut, ni qu’il avait agi de bonne foi, de sorte qu’il bénéficiait, de ce seul fait, du statut d’informateur et d’une protection contre d’éventuelles mesures de représailles à ce titre (voir points 55 et 82 ci-dessus).

124    Deuxièmement, le Parlement a indiqué lors de l’audience que les dénonciations du requérant sur les prétendues représailles adoptées par la direction de la délégation étaient toujours en cours d’examen.

125    Troisièmement, le requérant occupait un poste d’APA, poste caractérisé par l’existence de règles spécifiques limitant la durée des contrats, résultant de l’article 130, paragraphe 1, du RAA, et par la liberté de choix des députés et la confiance mutuelle qui doit caractériser la relation professionnelle entre ceux-ci et leurs APA, visées, respectivement, à l’article 21, paragraphe 1, de la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p.1, ci-après le « statut des députés ») et à l’article 127 du RAA (voir points 129 à 132 ci-après).

126    Quatrièmement, le contrat du requérant devait prendre fin et a pris fin le 22 février 2022, en l’absence de demande de renouvellement de ce contrat de la part d’un ou de plusieurs députés du groupement.

127    Enfin, le requérant avait exprimé le souhait de continuer à travailler au sein du Parlement. En effet, dans sa plainte du 10 janvier 2022, il demandait, non seulement à être déchargé de ses fonctions auprès de la délégation, mais également à être transféré à n’importe quel autre poste au sein du Parlement (voir point 9 ci-dessus).

128    Il découle de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut que le Parlement doit prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer aux informateurs une protection équilibrée et efficace contre toute forme de représailles, y compris les menaces et tentatives de représailles. En cas de dénonciations par des agents de l’institution, conformément aux articles 22 bis et 22 ter du statut, d’irrégularités graves, il appartient au Parlement de protéger leurs intérêts légitimes.

–       Sur la possibilité de renouveler le contrat d’APA du requérant

129    En ce qui concerne la possibilité de déplacer un APA auprès d’un autre député à l’initiative de l’administration, afin de le protéger au titre de son statut d’informateur, il convient de rappeler que, selon l’article 130, paragraphe 1, du RAA :

« Le contrat des assistants parlementaires accrédités est conclu pour une durée déterminée et précise le grade auquel l’assistant est classé. Un contrat ne peut être prolongé plus de deux fois durant une législature. Sauf dispositions contraires figurant dans le contrat lui-même et sans préjudice des dispositions de l’article 139, paragraphe 1, point c), le contrat arrive à expiration au terme de la législature au cours de laquelle il a été conclu ».

130    L’article 18, paragraphe 3, des mesures d’application du titre VII du RAA prévoit, à cet égard, qu’une demande de prolongation du contrat d’un APA doit être transmise à l’AHCC au plus tard un mois avant l’expiration du contrat.

131    L’article 21, paragraphe 1, du statut des députés prévoit, par ailleurs, que « [l]es députés ont droit à l’assistance de collaborateurs personnels qu’ils ont librement choisis ».

132    L’article 127 du RAA dispose :

« Les articles 11 à 26 bis du statut s’appliquent par analogie. En se référant strictement, en particulier, à la spécificité des fonctions et des tâches des assistants parlementaires accrédités et à la confiance mutuelle qui doit caractériser la relation professionnelle entre ceux-ci et le ou les députés au Parlement qu’ils assistent, les mesures d’application concernant cet aspect qui seront adoptées conformément à l’article 125, paragraphe 1, tiennent compte du caractère spécifique de la relation professionnelle entre les députés et leurs assistants parlementaires accrédités. »

133    Ainsi, il ressort de ces dispositions que l’initiative de renouveler un contrat d’APA appartient uniquement à un ou à plusieurs députés, qui ne peuvent se voir imposer de collaborer, ou de continuer à collaborer, avec des APA qu’ils n’auraient pas librement choisis. En effet, un APA entretient avec le ou les députés qu’il assiste une relation de travail caractérisée par l’existence d’un lien de confiance.

134    En l’espèce, il résulte de ces dispositions que, comme le Parlement le fait valoir à juste titre, en l’absence de demande expresse de la part d’un ou de plusieurs députés du groupement, il n’avait pas la possibilité de renouveler le contrat d’APA du requérant.

135    Le Parlement a donc bien justifié le non-renouvellement du contrat du requérant par l’absence de demande en ce sens émanant d’un député du groupement. Ce constat est sans préjudice du devoir, incombant au Parlement, de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer au requérant une protection équilibrée et efficace contre toute forme de représailles.

–       Sur la possibilité de réaffecter le requérant à un autre poste au sein du Parlement

136    Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, des règles internes :

« L’administration prend des mesures raisonnables pour aider l’informateur à changer d’affectation s’il le souhaite […] »

137    Dans le mémoire en défense, le Parlement a indiqué qu’il avait informé le requérant que la mesure de décharge était la seule mesure de protection envisageable. Toutefois, lors de l’audience, le Parlement a admis que l’article 4, paragraphe 2, des règles internes était applicable aux APA et qu’une mesure de protection consistant à placer un APA ayant le statut d’informateur dans un autre service du Parlement pourrait, en principe, être adoptée, pourvu que le statut d’APA soit maintenu et que la date du terme du contrat soit respectée. À cet égard, les échanges, datés de novembre et de décembre 2023, entre la direction générale du personnel et d’autres APA ayant déposé une demande d’assistance, fournis par le requérant à l’annexe F.1 de sa réponse du 19 décembre 2023 aux questions du Tribunal du 27 novembre 2023, illustrent les possibilités de transfert dans d’autres services du Parlement ouvertes aux APA ayant introduit des plaintes pour harcèlement.

138    Compte tenu du statut d’informateur du requérant et en application de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, le Parlement aurait dû lui apporter son soutien, en tentant de l’aider à trouver une solution, en plus de la mesure de décharge.

–       Sur le devoir de conseil et d’assistance

139    Le requérant fait également valoir qu’il n’a obtenu aucun conseil ni aucune assistance pour faire face aux mesures de représailles qui auraient été adoptées à son égard, contrairement à ce que prévoit l’article 3 des règles internes (voir point 49 ci-dessus).

140    L’article 3 des règles internes, intitulé « Conseil et assistance », prévoit ce qui suit :

« 1.      Tout informateur qui le souhaite peut bénéficier de manière confidentielle du conseil et de l’assistance en matière de dénonciation des irrégularités graves.

2.      Le conseil et l’assistance sont assurés par le supérieur hiérarchique et/ou par le membre du Cabinet du Secrétaire général responsable des relations avec l’OLAF. »

141    À cet égard, le Parlement fait seulement valoir que le membre du cabinet du secrétaire général aurait indiqué au requérant qu’aucune autre mesure que la décharge n’était envisageable afin de le protéger au titre de son statut d’informateur et que le renouvellement de son contrat n’était pas une mesure envisageable à ce titre (voir point 57 ci-dessus).

142    En se limitant à lui fournir de telles informations, le Parlement n’a pas démontré qu’il avait apporté au requérant le conseil et l’assistance prévus à l’article 3 des règles internes.

iii) Conclusions sur le grief tiré de l’insuffisance des mesures de protection adoptées par le Parlement

143    Il ressort de ce qui précède que le Parlement n’a pas démontré avoir pris toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que le requérant ne subissait aucun préjudice de la part de l’institution du fait de son statut d’informateur, en application de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut.

144    À cet égard, il convient de noter qu’il ne revient pas au Tribunal, mais au Parlement, de déterminer, dans les circonstances de l’espèce, quelles mesures précises de protection pouvaient être adoptées.

145    Partant, la violation de l’article 22 bis du statut ainsi que de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 3 des règles internes est établie en l’espèce.

146    Le grief tiré de l’insuffisance des mesures de protection adoptées par le Parlement au titre des articles 22 bis à 22 quater du statut doit donc être, en partie, accueilli.

147    Il s’ensuit que les griefs tirés, respectivement, de l’absence d’information du requérant sur les suites données à ses dénonciations (voir point 102 ci-dessus) et de l’insuffisance des mesures de protection adoptées au titre des articles 22 bis à 22 quater du statut doivent être partiellement accueillis. Le premier moyen, tiré d’une violation des règles protectrices attachées à la qualité d’informateur du requérant, doit être rejeté pour le surplus.

–       Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, d’une part, d’une violation de l’article 22 quater du statut et des règles internes et, d’autre part, du caractère inadéquat et insuffisant desdites règles

148    En premier lieu, le requérant fait valoir que, après avoir introduit sa réclamation, il a été informé du fait que celle-ci serait traitée par le service juridique. Selon lui, cela serait contraire à l’article 22 quater du statut, qui prévoit des règles spécifiques de traitement des réclamations introduites par les informateurs.

149    En deuxième lieu, le requérant reproche au Parlement d’avoir violé la protection qui doit être accordée aux informateurs en vertu de l’article 4, paragraphe 2, des règles internes, qui prévoit que le Parlement doit prendre des mesures raisonnables pour aider l’informateur à changer d’affectation, s’il le souhaite. Le Parlement aurait considéré à tort que cette disposition n’était pas applicable aux APA.

150    En excluant le requérant du bénéfice de cette protection du fait de son statut d’APA, le Parlement admettrait ne pas avoir adopté de protection particulière à l’égard du requérant, en violation de l’article 22 quater du statut.

151    Enfin, selon le requérant, si le Parlement était fondé à invoquer l’impossibilité de protéger le requérant en sa qualité d’informateur du fait de son statut d’APA, cela signifierait qu’aucune protection n’aurait été mise en œuvre en dehors de celle visée à l’article 24 du statut. Le Parlement n’aurait pas même prévu d’indemniser le requérant pour avoir souffert des conséquences de ses obligations au titre de l’article 22 bis du statut. Le Parlement n’aurait jamais adapté ses règles de manière à respecter ses obligations.

152    Le Parlement considère que l’article 4, paragraphe 2, des règles internes est difficilement applicable aux APA et doit être concilié avec le respect des normes en vigueur. En effet, l’article 4 des règles internes ne permettrait pas à l’administration de déplacer un APA vers un poste au sein du secrétariat général, sans contourner les règles applicables au recrutement des agents et des fonctionnaires telles qu’établies par le statut et le RAA.

153    De même, le déplacement d’un APA à l’initiative de l’administration auprès d’un autre député serait exclu. À cet égard, le Parlement rappelle la nature particulière des contrats conclus entre un APA et un député ou un groupement de députés, qui lient personnellement l’APA au député ou au groupement de députés qu’il assiste. En vertu de cette relation de confiance entre un APA et son député et de la liberté de choix des députés, visée à l’article 21, paragraphe 1, du statut des députés, un déplacement ne serait possible qu’à l’initiative d’un ou de plusieurs députés.

154    S’agissant de la situation du requérant, la mise en œuvre de l’article 4, paragraphe 2, des règles internes aurait été limitée du fait qu’il avait été placé sous la responsabilité, au sein du groupement, du président de la délégation et qu’il avait manifesté son souhait de ne plus travailler avec les députés de son groupement et d’être transféré à un autre poste. C’est ainsi que, après avoir consulté le requérant, le directeur général aurait décidé que la mesure permettant au mieux de le protéger au titre de son statut d’informateur était de le décharger de ses fonctions.

155    En ce qui concerne la possibilité de déplacer un APA au sein d’un autre service du Parlement afin de le protéger au titre de son statut d’informateur, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, des règles internes, ce grief se recoupe essentiellement avec le troisième grief analysé dans le cadre du premier moyen ci-dessus. Il convient donc de renvoyer, à cet égard, à l’analyse figurant aux points 136 à 138 ci-dessus.

156    En ce qui concerne la possibilité de déplacer un APA auprès d’un autre député à l’initiative de l’administration, afin de le protéger au titre de son statut d’informateur, elle est analysée aux points 129 à 135 ci-dessus.

157    Le requérant invoque également le caractère inadéquat et insuffisant des règles internes qui seraient applicables aux APA.

158    Conformément à l’article 4, paragraphe 2, des règles internes, le Parlement doit prendre des mesures raisonnables pour aider l’informateur à changer d’affectation, s’il le souhaite. Il convient d’observer que cette disposition ne précise pas les mesures qui doivent ou peuvent être prises, mais laisse au Parlement une certaine marge de manœuvre à cet égard. Il ressort des points 136 à 138 ci-dessus, d’une part, que cette disposition est applicable aux APA et, d’autre part, que le Parlement n’a pas pris de mesures suffisantes, de sorte qu’il n’a pas correctement appliqué cette disposition en l’espèce. Partant, l’insuffisance des mesures de protection adoptées par le Parlement n’est pas due aux règles internes, mais à leur application par le Parlement en l’espèce.

159    En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 22 quater du statut, en ce que le requérant n’aurait pas bénéficié de la protection spécifique applicable aux informateurs dans le traitement de sa réclamation, tant du point de vue de la confidentialité que du délai du traitement, il convient de rappeler que cette disposition prévoit que l’institution concernée doit veiller à ce que les réclamations émanant de fonctionnaires concernant la manière dont ils ont été traités après s’être acquittés de leurs obligations au titre de l’article 22 bis ou 22 ter du statut soient traitées de manière confidentielle et, lorsque les circonstances le justifient, avant l’expiration des délais fixés à l’article 90 du statut.

160    En l’espèce, premièrement, le requérant n’indique pas en quoi l’instruction de sa réclamation par le service juridique n’aurait pas permis d’en garantir le traitement confidentiel. Par ailleurs, contrairement à ce qu’il suggère, le fait que l’article 22 quater du statut prévoit que chaque institution met en place une procédure pour le traitement de telles réclamations n’exclut pas que celles-ci soient traitées par le même service que les autres réclamations.

161    Deuxièmement, l’article 6, paragraphe 3, des règles internes prévoit que les délais de réponse à de telles réclamations « sont, sauf dans des cas dûment justifiés, réduits à deux mois ». En l’espèce, le Parlement a traité la réclamation du requérant dans un délai de 3 mois et 24 jours (voir points 17 et 18 ci-dessus). Cela apparaît justifié par la complexité du dossier, caractérisé par le fait que le requérant avait dénoncé, d’une part, des irrégularités financières au titre de l’article 22 bis du statut et, d’autre part, des faits de harcèlement, et le caractère volumineux de la réclamation, qui était accompagnée de près de 120 pages d’annexes.

162    Il s’ensuit que le deuxième moyen, en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 22 quater du statut et des règles internes et du caractère inadéquat et insuffisant desdites règles, doit être rejeté.

–       Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de la confidentialité et de la protection de l’identité du requérant en tant qu’informateur

163    Le requérant estime que sa demande d’assistance et les dénonciations qu’il a faites n’ont pas été traitées de façon à garantir la confidentialité de ses données et à protéger son identité.

164    En l’espèce, il n’aurait pas été nécessaire que le président de la délégation soit au courant des raisons pour lesquelles le requérant avait été transféré auprès de lui. En outre, l’AHCC ne lui aurait pas demandé son accord pour révéler son statut d’informateur à ce député. Or, une fois son identité mentionnée, plus aucun député n’aurait souhaité solliciter le renouvellement de son contrat.

165    Dans la réplique, le requérant soutient que c’est au Parlement qu’incombe la charge de prouver que la confidentialité et les règles de protection requises ont été mises en œuvre pour le protéger en sa qualité d’informateur. De plus, contrairement à ce que fait valoir le Parlement, le président de la délégation n’aurait pas eu besoin de connaître les raisons pour lesquelles le requérant était déchargé de ses fonctions, d’autant plus qu’il était également visé par les dénonciations du requérant relatives aux mesures de représailles subies par ce dernier.

166    Par ailleurs, le requérant fait valoir que le Parlement ne saurait soutenir qu’il n’y a pas de preuve des mesures de représailles qui ont suivi la divulgation de son statut d’informateur, dès lors que l’OLAF a ouvert une enquête spécifiquement sur cette question. Le lien de causalité pourrait donc à tout le moins être présumé à ce stade et il reviendrait au Parlement de démontrer le contraire.

167    Enfin, le requérant estime qu’il convient de distinguer, d’une part, le fait qu’il a attiré l’attention du président de la délégation sur les irrégularités et le harcèlement commis par la députée en cause en mai 2021 et, d’autre part, le fait pour ledit président d’apprendre par le directeur général que le requérant a fait ces dénonciations en dehors du groupement, auprès dudit directeur général et de l’OLAF, sur le fondement de l’article 22 bis du statut. Le Parlement ne saurait donc faire valoir que le requérant aurait lui-même révélé son statut d’informateur au sein de la délégation.

168    Le Parlement constate, premièrement, que le requérant lui reproche d’avoir indiqué au président de la délégation les raisons pour lesquelles il avait été transféré auprès de lui. Or, il ne ressortirait pas du dossier que son statut d’informateur a été communiqué par l’administration au président de la délégation.

169    Deuxièmement, le Parlement constate que le courriel du 13 janvier 2022 a été adressé au président de la délégation afin de l’informer de la situation, dans la mesure où le requérant allait être déchargé de ses fonctions auprès de lui. De plus, la mesure de protection en cause ayant été adoptée dans le cadre de l’article 6, paragraphe 1, des règles internes, le président de la délégation aurait été lié par l’obligation de confidentialité visée à l’article 6, paragraphe 4, desdites règles.

170    En tout état de cause, le Parlement conteste l’allégation du requérant selon laquelle, une fois son statut d’informateur révélé, plus aucun député n’aurait souhaité solliciter le renouvellement de son contrat, laquelle ne serait pas étayée. Par ailleurs, le Parlement observe que, lors d’une réunion du 31 mai 2021, le requérant aurait lui-même informé certains députés, dont le président de la délégation, des prétendus harcèlement et irrégularités financières commises par la députée en cause.

171    Le Parlement conteste qu’un lien de causalité puisse être présumé entre le non-renouvellement du contrat du requérant et la communication, par le Parlement, de son statut d’informateur au président de la délégation.

172    Il conteste, en outre, que le président de la délégation aurait appris par le courriel du 13 janvier 2022 du directeur général que le requérant avait fait des dénonciations en dehors de son groupement. En effet, il résulterait expressément du courriel du requérant du 10 janvier 2022 que celui-ci dénonçait les représailles subies non seulement en raison des dénonciations qu’il a faites au sein de son groupement, mais aussi des dénonciations qu’il avait faites auprès de la direction générale du personnel et de l’OLAF.

173    L’article 4, paragraphe 1, des règles internes prévoit ce qui suit :

« L’informateur ne peut pas agir de façon anonyme. La confidentialité de son identité est garantie. L’informateur peut autoriser la divulgation de son identité à des personnes ou autorités identifiées ».

174    Premièrement, dans la requête, le requérant fait valoir que le président de la délégation n’avait pas à être informé des raisons pour lesquelles il avait été transféré auprès de lui. Cependant, dans la réplique, il fait valoir que « la confidentialité de son statut d’informateur n’a pas été violé[e] immédiatement, vu qu’il n’a, en juillet 2021, été transféré à titre de mesure provisoire “officiellement” que du fait de son statut de victime de potentiels actes de harcèlement de la part de la [députée en cause] ».

175    À cet égard, il convient de noter que, lors de l’adoption de la mesure de transfert, prise en réaction à la plainte pour harcèlement, le requérant n’avait pas encore le statut d’informateur. L’information du président de la délégation des raisons pour lesquelles le requérant était alors placé auprès de lui ne peut donc avoir méconnu les règles internes, protectrices des informateurs. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté.

176    Deuxièmement, le requérant se plaint du fait que, par le courriel du 13 janvier 2022, le président de la délégation a été informé des raisons pour lesquelles il avait été déchargé de ses fonctions, d’autant plus que le président de la délégation était également visé par les dénonciations du requérant relatives aux mesures de représailles qu’il subissait.

177    Il convient de rappeler que, dans sa décision de rejet de la réclamation du requérant, le secrétaire général a considéré ce qui suit à cet égard :

« […] quant à l’e-mail du 13 janvier 2022, je constate qu’il était destiné, mis à part les administrateurs de la DG PERS, [au président de la délégation], auprès duquel votre client avait été transféré temporairement. Si vous reposez votre argumentation sur l’article 4, paragraphe 1, des règles internes garantissant la confidentialité de l’identité de votre client, je relève qu’il importait que [le président de la délégation] soit informé de la situation dans la mesure où votre client allait être déchargé de ses fonctions auprès de lui. Cette information s’imposait d’autant plus que [le président de la délégation] n’était pas visé par les dénonciations d’irrégularités et qu’il était lui-même lié par l’obligation de confidentialité visée à l’article 6, paragraphe 4, de ces mêmes règles […] »

178    Toutefois, le Parlement soutient à tort que le président de la délégation n’était pas visé par les dénonciations figurant dans le courriel du requérant du 10 janvier 2022.

179    En effet, si, initialement, les dénonciations du requérant visaient la députée en cause, la mesure de décharge faisait suite aux dénonciations du requérant du 10 janvier 2022, concernant de prétendues mesures de représailles qu’il aurait subies de la part de la direction de la délégation, le président de la délégation inclus. Il est vrai que ces nouvelles dénonciations du requérant portaient sur les représailles dont il estimait être la victime et n’avaient pas trait aux irrégularités financières qu’il avait précédemment dénoncées. Il n’en demeure pas moins que le Parlement ne pouvait se borner à relever, dans la décision de rejet de la réclamation, que le président de la délégation n’était pas visé par les dénonciations d’irrégularités faites par le requérant, dès lors que ce président était visé par les dénonciations de représailles exposées dans le courriel du requérant du 10 janvier 2022.

180    Partant, en informant le président de la délégation, par le courriel du 13 janvier 2022, que le requérant serait déchargé de ses fonctions auprès de lui en raison de sa demande d’assistance, mais également de son statut d’informateur, sans que le requérant ait autorisé la divulgation de ce statut, le Parlement a méconnu l’article 4, paragraphe 1, des règles internes.

181    Au vu de ce qui précède, le troisième moyen, tiré de la violation de la confidentialité et du statut d’informateur du requérant, doit être accueilli.

182    Il ressort de ce qui précède que le Parlement a violé les articles 22 bis à quater du statut en se bornant à adopter la mesure de décharge et en n’offrant pas une protection suffisante au requérant en vertu de ces dispositions.

183    Il s’ensuit que les conclusions en annulation dirigées contre la décision implicite en tant que, par cette dernière, le Parlement a refusé d’adopter, en réponse à la demande du requérant du 10 janvier 2022, des mesures de protection au titre des articles 22 bis à quater du statut allant au-delà de la seule mesure de décharge, doivent être accueillies.

 Sur la légalité de la décision du 22 février 2022

184    Par son premier moyen dirigé contre la décision du 22 février 2022, le requérant invoque une « violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, [une] discrimination positive illégale entre APA et [une] discrimination négative illégale avec les autres informateurs, [une] violation des article[s] 22 bis à [22] quater du statut, [une] violation de l’article 24 du statut et du devoir de sollicitude, [une] violation de la protection conférée aux délateurs et du droit de bénéficier d’une procédure qui ait, à tout le moins, l’apparence d’objectivité ». Par ce moyen, le requérant soulève en substance des griefs tirés, respectivement, d’une violation des articles 22 bis à 22 quater et 24 du statut, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une violation du devoir de sollicitude.

185    Par son second moyen dirigé contre la décision du 22 février 2022, le requérant invoque un « détournement de procédure pour permettre à l’administration de se dérober à ses obligations ».

–       Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, des articles 22 bis à 22 quater et 24 du statut et du devoir de sollicitude

186    Le requérant fait valoir qu’il ne conteste pas en soi la légalité des règles régissant les relations entre tout APA et un député, mais qu’il reproche au Parlement de ne pas avoir adopté de règles permettant aux APA d’être protégés au même titre que les autres agents et fonctionnaires travaillant au sein du Parlement qui dénonceraient des comportements illégaux. Il reproche également au Parlement de l’avoir traité comme d’autres APA qui n’auraient pas dénoncé d’irrégularités. Il existerait ainsi une inégalité de traitement contraire à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il incomberait au Parlement de démontrer qu’il n’a pas fait l’objet d’une discrimination ou de la justifier.

187    En tout état de cause, le Parlement ne saurait justifier l’absence totale de protection découlant du statut d’informateur du requérant et devrait, notamment, prévoir la mise en œuvre d’un autre type de protection ou, à tout le moins, la mise en œuvre de mécanismes compensatoires, sous peine de réduire l’efficacité de la protection conférée par le statut aux informateurs. Il note que la seule mesure de protection qui a été adoptée contre le harcèlement dont il a été victime n’a fait que le désavantager, puisque le président de la délégation, auprès duquel il avait été transféré, n’a pas collaboré activement avec lui.

188    Selon le requérant, une protection adéquate aurait dû consister à le transférer sur un autre poste de manière à ne pas le priver du droit à pouvoir prétendre au renouvellement de son contrat comme tout autre APA ou, alternativement, à le faire bénéficier d’une procédure spéciale de renouvellement qui soit plus protectrice des intérêts liés à son statut d’informateur. Cette absence de cadre adéquat pour les APA aurait impliqué que, n’étant sous la supervision d’aucun député depuis suffisamment longtemps, aucun député n’a demandé le renouvellement de son contrat.

189    Dans la réplique, le requérant précise qu’il ne prétend pas avoir droit au renouvellement de son contrat ni avoir sollicité la conclusion d’un nouveau contrat d’une autre nature au sein du Parlement. Il estime simplement qu’une procédure aurait dû être mise en œuvre pour permettre que sa situation et l’éventuel renouvellement de son contrat puissent être examinés.

190    Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

191    Le requérant fait valoir en substance que si son contrat n’a pas été renouvelé, c’est en raison des mesures de représailles adoptées par la direction de la délégation, en conséquence de sa plainte pour harcèlement et des dénonciations d’irrégularités qu’il a effectuées au titre de l’article 22 bis du statut. En adoptant la position selon laquelle son contrat ne pouvait pas être renouvelé en l’absence de demande formulée par un ou plusieurs députés, le Parlement aurait violé le principe d’égalité de traitement, les articles 22 bis à 22 quater et 24 du statut et son devoir de sollicitude.

192    À titre liminaire, il convient de rappeler que le requérant a conclu un contrat en tant qu’APA avec le groupement pour la période du 26 août 2019 au 28 février 2022.

193    En effet, selon l’article 2, paragraphe 1, des mesures d’application du titre VII du RAA, « les députés peuvent se constituer en groupement de fait pour partager les services d’un ou plusieurs assistants ». Compte tenu des conclusions tirées aux points 133 et 134 ci-dessus, le droit de l’Union ne prévoit pas le renouvellement d’un contrat d’APA en l’absence de demande de la part du groupement ou d’un de ses membres.

194    En l’espèce, dès lors que le contrat d’APA du requérant avait été conclu à la demande du groupement, et non exclusivement à la demande de la députée en cause, rien n’empêchait, en principe, que ce contrat soit renouvelé à la demande du groupement ou d’un de ses membres et que le requérant poursuive ses fonctions d’APA auprès d’un autre membre du groupement.

195    Cependant, comme le fait valoir le Parlement, l’AHCC n’a été saisie d’aucune demande en ce sens de la part du groupement ou d’un de ses membres, de sorte que le contrat du requérant ne pouvait être renouvelé sans que soit méconnu l’article 21 du statut des députés.

196    Dès lors qu’aucun député n’avait transmis de demande visant à renouveler le contrat d’APA du requérant, l’AHCC a estimé, à juste titre, qu’elle ne pouvait pas le renouveler sans violer les règles applicables, en particulier l’article 21, paragraphe 1, du statut des députés (points 129 à 134 ci-dessus).

197    Ce constat est sans préjudice du devoir, incombant au Parlement, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que le requérant ne subisse aucun préjudice de la part de l’institution du fait de son statut d’informateur, en application de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut (voir point 143 ci-dessus).

198    En ce qui concerne le grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, le requérant reproche au Parlement de l’avoir traité comme d’autres APA qui n’auraient pas dénoncé des irrégularités.

199    Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, tel que consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux, constitue un principe général du droit de l’Union, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, à savoir lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la réglementation concernée, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (voir arrêt du 30 novembre 2023, MG/BEI, C‑173/22 P, EU:C:2023:932, point 45 et jurisprudence citée).

200    À cet égard, certes, le requérant et les APA n’ayant pas dénoncé d’irrégularités financières, bien qu’ils se trouvent dans des situations différentes, sont traités de la même manière s’agissant du renouvellement de leurs contrats. Toutefois, le fait que ces situations différentes soient traitées de manière égale est justifié par le lien de confiance devant exister entre un APA et le député pour lequel il travaille ainsi que par l’indépendance dont disposent les groupements politiques quant à leur organisation interne (voir points 131 à 133, 153 et 193 ci-dessus).

201    Ce grief doit donc être rejeté.

202    En ce qui concerne le grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude, ce devoir ne saurait impliquer que le Parlement, en méconnaissance de la règle, contenue à l’article 21 du statut des députés, selon laquelle les députés choisissent librement leurs collaborateurs personnels, renouvelle le contrat d’un APA, quand bien même celui-ci aurait acquis le statut d’informateur.

203    Il convient donc de rejeter le premier moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, des articles 22 bis à 22 quater et 24 du statut et du devoir de sollicitude.

–       Sur le second moyen, tiré d’un détournement de procédure

204    Le requérant estime que, en considérant qu’il n’avait pas apporté la preuve d’un lien de causalité entre les actes de représailles et la décision de ne pas renouveler son contrat, le Parlement ne se serait pas prononcé sur son argument, au point 118 de sa réclamation, selon lequel l’informateur ne doit pas apporter d’élément de preuve du détournement de procédure, mais il appartient à l’administration de démontrer que la décision de non-renouvellement n’a pas de lien avec ce statut d’informateur. Le Parlement aurait préféré appliquer la procédure habituelle de renouvellement au requérant.

205    Dans la réplique, le requérant précise que le Parlement n’apporte pas la preuve qu’une enquête interne aurait été ouverte en ce qui concerne les irrégularités dénoncées et les mesures de représailles qu’il a subies. En outre, il appartiendrait au Parlement de démontrer qu’il n’y a pas de lien entre la décision de ne pas renouveler son contrat et son statut d’informateur, d’autant plus que, en l’espèce, le requérant aurait invoqué suffisamment d’éléments et que les mesures de représailles qu’il a subies feraient l’objet d’une enquête de l’OLAF.

206    Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

207    Par son argumentation, le requérant critique, en substance, le fait que le Parlement n’a pas démontré que le non-renouvellement de son contrat n’était pas entaché d’un détournement de procédure faisant suite aux dénonciations qu’il a effectuées en tant qu’informateur, au titre des articles 22 bis à 22 quater du statut.

208    Or, ce grief se recoupe essentiellement avec celui qui a été analysé dans le cadre du premier moyen dirigé contre la décision du 22 février 2022 ci-dessus.

209    À supposer que le requérant invoque effectivement un détournement de procédure, un tel grief doit être rejeté.

210    En effet, selon une jurisprudence constante, le détournement de procédure constitue une expression particulière de la notion de « détournement de pouvoir », laquelle a une portée précise se référant à l’usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le statut pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 16 juin 2021, CE/Comité des régions, T‑355/19, EU:T:2021:369, point 59 et jurisprudence citée).

211    Or, en l’espèce, le requérant ne précise pas en quoi la décision du 22 février 2022, prise conformément à l’article 21 du statut des députés et dans le respect de la procédure de renouvellement de contrat, aurait été adoptée dans un autre but que celui prévu par cette procédure.

212    Il s’ensuit que le deuxième moyen, tiré d’un détournement de procédure, à supposer qu’il puisse être traité séparément du premier moyen dirigé contre la décision du 22 février 2022, doit être rejeté.

213    Les conclusions en annulation dirigées contre la décision du 22 février 2022 doivent donc être rejetées.

 Sur les conclusions indemnitaires 

214    Le requérant fait valoir que ses demandes indemnitaires sont liées à l’intégralité des fautes commises par le Parlement en raison de la violation des articles 22 bis à 22 quater du statut, résultant de l’absence de mesures de protection suffisantes, de mesures d’accompagnement et d’assistance insuffisantes dans le cadre de la procédure de renouvellement de son contrat ainsi que de la violation du caractère confidentiel de sa plainte.

215    Premièrement, s’agissant du rejet de la demande indemnitaire en tant qu’elle concerne la mesure de décharge, le requérant précise qu’il n’a pas contesté cette dernière, car il n’avait pas intérêt à être réintégré dans ses fonctions, dès lors que la personne auprès de laquelle il avait été affecté était visée par son courriel du 10 janvier 2022. En revanche, il se serait plaint auprès du directeur général et du secrétaire général de l’insuffisance de la mesure adoptée au titre de l’article 24 du statut. La mesure de décharge ne saurait être qualifiée rétrospectivement de mesure de protection au bénéfice d’un informateur alors même que le sérieux de ses allégations n’avait pas encore été vérifié (voir point 37 ci-dessus).

216    Deuxièmement, le requérant renvoie aux éléments relatifs aux conclusions en annulation en ce qui concerne la violation de la confidentialité attachée à sa qualité d’informateur, qui aurait abouti au non-renouvellement de son contrat et aurait également porté préjudice à ses ambitions de carrière dans son État d’origine.

217    Le requérant sollicite à cet égard une indemnisation de 200 000 euros ex æquo et bono, au titre des conséquences irréversibles sur sa santé mentale, sa réputation professionnelle, son couple ainsi que sur la carrière qu’il briguait.

218    Troisièmement, quant aux conséquences de la décision du 22 février 2022, le requérant se serait réservé le droit, dans sa réclamation, de solliciter ultérieurement l’indemnisation du préjudice subi du fait de l’illégalité de cette décision, qui ne serait pas suffisamment réparée par l’annulation de cette dernière. Le requérant rappelle, à cet égard, qu’il n’a pas demandé le renouvellement automatique de son contrat, mais qu’il a invoqué avoir été privé du droit de solliciter un tel renouvellement.

219    Le Parlement renvoie aux considérations relatives aux conclusions en annulation quant au caractère non fondé des allégations du requérant concernant le prétendu défaut de mise en œuvre effective du devoir de protection et la prétendue violation de l’obligation de confidentialité. Dès lors, la première condition pour engager la responsabilité de l’Union, relative à l’illégalité du comportement du Parlement, ferait défaut.

220    En tout état de cause, d’une part, le requérant n’aurait pas apporté de preuve du préjudice qu’il invoque sur sa santé mentale, sa réputation professionnelle, son couple et sa carrière. De plus, en renvoyant à l’ensemble des dommages décrits dans sa réclamation, le requérant ne respecterait pas les exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

221    Le Parlement ajoute que les éléments produits par le requérant à cet égard dans la réplique sont irrecevables, dans la mesure où le retard dans leur présentation n’est pas justifié, contrairement à ce que prévoit l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure.

222    D’autre part, le requérant n’apporterait aucune indication sur le lien de causalité entre le prétendu préjudice et un éventuel comportement illégal de l’administration. S’agissant, en particulier, de la prétendue violation du devoir de confidentialité, le requérant aurait lui-même partagé avec plusieurs personnes des informations relatives aux irrégularités financières. D’ailleurs, cette prétendue violation aurait eu lieu après la demande du requérant dénonçant les prétendues représailles visant à empêcher le renouvellement de son contrat.

223    Enfin, s’agissant du préjudice invoqué par le requérant du fait du non-renouvellement de son contrat, le Parlement interprète la demande indemnitaire en ce sens qu’elle ne vise pas cette décision dans le cadre du présent recours.

224    Il convient de rappeler que l’engagement de la responsabilité d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du préjudice allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice allégué, ces trois conditions étant cumulatives (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 47 et jurisprudence citée).

 Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires

225    Le Parlement fait valoir que les conclusions indemnitaires du requérant liées à des comportements non décisionnels prétendument illégaux seraient irrecevables, le requérant n’ayant pas préalablement introduit une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, suivie d’une éventuelle réclamation en cas de rejet de cette demande.

226    Il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnité, cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation, sans qu’elle doive nécessairement être précédée d’une demande invitant l’administration à réparer le préjudice prétendument subi et d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande [voir arrêt du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, point 227 (non publié) et jurisprudence citée].

227    En l’espèce, le requérant a demandé un dédommagement de son préjudice pour les raisons exposées au point 214 ci-dessus. Or, les comportements irréguliers du Parlement invoqués par le requérant à l’appui de ses conclusions indemnitaires sont directement liés à la décision implicite et à la décision du 22 février 2022. En outre, le requérant a introduit une réclamation contre la décision implicite et contre la décision du 22 février 2022 (voir point 17 ci-dessus).

228    Partant, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement.

 Sur l’illégalité du comportement du Parlement

229    S’agissant de la première condition, relative à l’illégalité du comportement du Parlement, le requérant se prévaut, en substance, de l’intégralité des fautes commises par le Parlement en raison de la violation des articles 22 bis à 22 quater du statut.

230    Or, il découle de l’examen des conclusions en annulation que le Parlement a méconnu certaines règles protectrices liées au statut d’informateur du requérant, à savoir l’article 5 des règles internes, relatif au devoir d’information (voir points 85 à 102 ci-dessus), l’article 22 bis du statut ainsi que l’article 3 et l’article 4, paragraphe 2, des règles internes, relatifs respectivement à la protection contre les représailles, au devoir de conseil et d’assistance et au droit de demander de changer d’affectation (voir points 103 à 145 ci-dessus) et, enfin, l’article 4, paragraphe 1, des règles internes, relatif au droit à la confidentialité (voir points 173 à 181 ci-dessus).

231    La première condition, relative à l’illégalité du comportement du Parlement, est donc remplie.

 Sur le préjudice

232    Le requérant invoque un préjudice sur sa santé mentale, sa réputation professionnelle, son couple ainsi que la carrière qu’il briguait, dont il estime le montant à 200 000 euros ex æquo et bono.

233    Il convient toutefois d’observer, à l’instar du Parlement, que, dans la requête, le requérant n’a pas apporté d’élément probant permettant de déterminer la réalité ou l’étendue du préjudice matériel qu’il invoque. En particulier, ce préjudice matériel, tel que le préjudice de carrière allégué par le requérant, n’est pas suffisamment étayé. Dès lors, l’examen du Tribunal se limitera au préjudice moral. En outre, en renvoyant à l’ensemble des dommages décrits dans sa réclamation, le requérant ne respecte pas les exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

234    Dans la réplique, le requérant a produit de nouveaux éléments de preuve afin d’établir la réalité du préjudice qu’il invoque. Cependant, comme le fait valoir le Parlement, il n’a pas fourni de justification quant à la présentation tardive de ces éléments de preuve, contrairement à ce que prévoit l’article 85 du règlement de procédure (voir point 68 ci-dessus). Il convient, dès lors, de rejeter ces éléments de preuve comme étant irrecevables.

235    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, ordonnance du 3 septembre 2019, FV/Conseil, C‑188/19 P, non publiée, EU:C:2019:690, point 26, et arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 86).

236    Cependant, il ressort de la jurisprudence que, afin d’assurer, dans l’intérêt de la partie requérante, un effet utile à l’arrêt d’annulation, le juge de l’Union peut faire usage de la compétence de pleine juridiction qui lui est dévolue dans les litiges à caractère pécuniaire et condamner, même d’office, l’institution défenderesse au paiement d’une indemnité pour le préjudice causé par sa faute. Dans un tel cas, il revient au Tribunal d’évaluer, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, le préjudice subi par la personne intéressée ex æquo et bono (voir arrêt du 28 mai 2020, Cerafogli/BCE, T‑483/16 RENV, non publié, EU:T:2020:225, point 447 et jurisprudence citée).

237    À cet égard, la jurisprudence admet que le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus sont susceptibles de constituer un préjudice qui peut être déduit du seul fait que l’administration a commis des illégalités. Ce préjudice est réparable lorsqu’il n’est pas compensé par la satisfaction résultant de l’annulation de l’acte en cause (voir arrêt du 28 mai 2020, Cerafogli/BCE, T‑483/16 RENV, non publié, EU:T:2020:225, point 448 et jurisprudence citée).

238    En l’espèce, s’agissant du préjudice moral subi par le requérant, il convient de tenir compte des éléments suivants.

239    Premièrement, le Parlement ne conteste pas que le requérant a pu subir une anxiété considérable en raison des dénonciations qu’il a effectuées.

240    Deuxièmement, l’annulation de la décision implicite, en tant que, par cette dernière, le Parlement a refusé d’accorder au requérant, en réponse à sa demande du 10 janvier 2022, une autre mesure de protection que la mesure de décharge, ne saurait constituer en elle-même une réparation suffisante. En effet, les conséquences des différentes illégalités commises par le Parlement en raison de l’absence d’adoption de mesures de protection suffisantes découlant du statut d’informateur du requérant, notamment sur sa santé, sa réputation professionnelle et son avenir professionnel dans le milieu politique européen, ne pourront pas être aisément corrigées (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop, T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613, point 205 et jurisprudence citée).

241    Il convient donc de conclure à l’existence d’un préjudice moral subi par le requérant qui ne saurait être réparé par la seule annulation de la décision implicite en tant que, par cette dernière, le Parlement a refusé de lui accorder, en réponse à sa demande du 10 janvier 2022, une autre mesure de protection que la mesure de décharge.

 Sur le lien de causalité

242    En ce qui concerne l’existence d’un lien de causalité, en l’espèce, il est constant que les différentes illégalités commises par le Parlement sont la cause principale du préjudice moral subi par le requérant. En effet, le Parlement ne conteste pas que le requérant a pu subir une anxiété considérable en raison des dénonciations qu’il a effectuées.

243    S’agissant, plus particulièrement, de la violation du devoir de confidentialité résultant du courriel du 13 janvier 2022, le Parlement fait valoir qu’elle ne saurait être à l’origine du préjudice causé au requérant, dans la mesure où celui-ci aurait partagé des informations relatives aux irrégularités financières avec des personnes non soumises à l’article 22 bis du statut, notamment lors de la réunion du 31 mai 2021.

244    Il convient toutefois de distinguer, à l’instar du requérant, d’une part, le fait qu’il a attiré l’attention du président de la délégation sur les irrégularités et le harcèlement commis par la députée en cause en mai 2021 et, d’autre part, le fait pour ledit président d’apprendre par le courriel du directeur général du 13 janvier 2022 que le requérant a fait des dénonciations en dehors du groupement, auprès dudit directeur général et de l’OLAF (voir point 167 ci-dessus). Le Parlement ne saurait donc faire valoir que le requérant aurait révélé son statut d’informateur au sein du groupement.

245    Certes, comme le fait valoir le Parlement, il résulte du courriel du requérant du 10 janvier 2022 que celui-ci dénonçait les représailles subies non seulement en raison des dénonciations qu’il avait faites au sein de son groupement, mais aussi des dénonciations qu’il avait faites auprès de la direction générale du personnel et de l’OLAF. Il est possible d’en déduire que les mesures de représailles dénoncées par le requérant ont précédé l’envoi du courriel du 13 janvier 2022.

246    Il n’en reste pas moins que, ainsi qu’il a été constaté au point 180 ci-dessus, l’envoi du courriel du 13 janvier 2022 au président de la délégation sans l’accord du requérant était contraire à l’article 4, paragraphe 1, des règles internes.

247    Au vu de ce qui précède, le lien de causalité entre le préjudice moral subi par le requérant et les illégalités commises par le Parlement est suffisamment établi.

248    Dans les circonstances de l’espèce, il convient d’évaluer ex æquo et bono à 10 000 euros le préjudice moral subi par le requérant en raison des différentes illégalités commises par le Parlement.

249    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision implicite en tant que, par cette dernière, le Parlement a refusé, en réponse à la demande du requérant du 10 janvier 2022, d’adopter une autre mesure de protection que la mesure de décharge, d’accueillir partiellement les conclusions indemnitaires, à concurrence d’un montant de 10 000 euros, et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction

250    Le requérant sollicite du Tribunal, pour autant qu’il ne soit pas convaincu de l’illégalité de l’interprétation restrictive des articles 22 bis à quater du statut adoptée par le Parlement, de bien vouloir, en vertu de l’article 89 du règlement de procédure, inviter l’OLAF à préciser la manière dont cette réglementation devrait être appliquée, notamment concernant l’accusé de réception d’une demande introduite sur le fondement de l’article 22 bis, les contacts à prendre avec l’OLAF, ainsi que la manière de protéger un agent ayant soumis de telles informations.

251    Le requérant propose, en outre, d’adopter les mesures suivantes au titre de mesures d’instruction fondées sur l’article 88 et l’article 91, sous b), du règlement de procédure, afin de verser au dossier :

–        la réponse du Parlement à la demande d’information de l’OLAF et la réponse à la communication de l’OLAF sur l’affaire relative aux irrégularités dénoncées ainsi que sur toute autre enquête qui concernerait le requérant ;

–        la preuve du prétendu examen, par les conseillers du directeur général, des informations communiquées par le requérant en sa qualité d’informateur dans sa demande du 12 juillet 2021 ;

–        la preuve de la date de rédaction et d’insertion dans le système de gestion électronique des documents administratifs du Parlement du compte rendu de la réunion du requérant avec l’AHCC du 3 février 2022 ;

–        le rapport d’enquête  administrative rédigé préalablement à la sanction imposée à la députée en cause par la présidente du Parlement.

252    Le Parlement estime que la demande du requérant devrait être rejetée.

253    Il convient de rappeler qu’il appartient au Tribunal de décider de la nécessité de faire usage de son pouvoir d’adopter des mesures d’organisation de la procédure ou des mesures d’instruction afin de compléter les éléments d’information dont il dispose, étant entendu que le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits (voir arrêt du 7 septembre 2022, WT/Commission, T‑91/20, non publié, EU:T:2022:510, point 183 et jurisprudence citée).

254    S’agissant de la demande énoncée au point 250 ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’y faire droit, dans la mesure où il n’appartient pas à l’OLAF de préciser la manière dont la réglementation protectrice des informateurs devrait être appliquée, mais au Tribunal ou à la Cour de le faire, en interprétant les dispositions pertinentes du statut.

255    Par ailleurs, aucun des documents mentionnés au point 251 ci-dessus n’est nécessaire pour statuer sur le présent litige.

256    Il convient donc de rejeter les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction formulées par le requérant.

 Sur les dépens

257    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, en vertu de l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

258    En l’espèce, compte tenu du contexte particulier de l’affaire, et notamment des violations des règles relatives à la protection du statut d’informateur commises par le Parlement, il sera fait une juste appréciation de la cause en décidant que ce dernier supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision implicite du Parlement européen refusant, en réponse à la demande de TU introduite le 10 janvier 2022, visant à être protégé au titre des articles 22 bis à quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, d’adopter d’autres mesures de protection complémentaires à la mesure de décharge de fonction, est annulée.

2)      Le Parlement est condamné à verser à TU un montant de 10 000 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Parlement est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Gervasoni

Półtorak

Reine

 

      Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2024.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en déclaration

Sur les conclusions en annulation

Sur l’objet des conclusions en annulation

Sur la légalité de la décision implicite

– Sur le premier moyen, tiré d’une violation des règles protectrices attachées à la qualité d’informateur du requérant

1) Sur les arguments des parties relatifs à la première branche du premier moyen, tirée de l’introduction par le requérant d’une demande au titre de l’article 22 bis du statut en vue de voir reconnaître son statut d’informateur et d’être protégé à ce titre

2) Sur les arguments des parties relatifs à la seconde branche du premier moyen, tirée du déroulement irrégulier de la procédure visée aux articles 22 bis à quater du statut et de la violation de l’article 3 des règles internes

3) Sur la recevabilité de certaines annexes

i) Sur la recevabilité des annexes C.6 et C.7

ii) Sur la recevabilité de l’annexe E.1 et de la lettre l’accompagnant

iii) Sur la recevabilité des annexes F.1 et F.2

4) Sur l’absence de reconnaissance formelle du statut d’informateur du requérant

5) Sur l’absence d’information du requérant quant aux suites données à ses dénonciations

6) Sur l’insuffisance des mesures de protection adoptées au titre des articles 22 bis à 22 quater du statut

i) Sur la charge de la preuve du caractère suffisant des mesures de protection

ii) Sur le caractère suffisant des mesures de protection

– Sur la mesure de décharge

– Sur la possibilité de renouveler le contrat d’APA du requérant

– Sur la possibilité de réaffecter le requérant à un autre poste au sein du Parlement

– Sur le devoir de conseil et d’assistance

iii) Conclusions sur le grief tiré de l’insuffisance des mesures de protection adoptées par le Parlement

– Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, d’une part, d’une violation de l’article 22 quater du statut et des règles internes et, d’autre part, du caractère inadéquat et insuffisant desdites règles

– Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de la confidentialité et de la protection de l’identité du requérant en tant qu’informateur

Sur la légalité de la décision du 22 février 2022

– Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, des articles 22 bis à 22 quater et 24 du statut et du devoir de sollicitude

– Sur le second moyen, tiré d’un détournement de procédure

Sur les conclusions indemnitaires

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires

Sur l’illégalité du comportement du Parlement

Sur le préjudice

Sur le lien de causalité

Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées.