Language of document : ECLI:EU:T:2011:174

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 avril 2011 (*)

  « Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale TORO DE PIEDRA – Marque communautaire figurative antérieure D. ORIGEN TORO – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Droit d’être entendu – Obligation de motivation – Article 75 du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑358/09,

Sociedad Agricola Requingua Ltda, établie à Santiago (Chili), représentée par Mes E. Vorbuchner, C. Ley et M. Heidelberg, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro, établi à Toro (Espagne),

ayant pour objet un recours contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 18 juin 2009 (affaire R 1117/2008-2), relative à une procédure d’opposition entre le Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro et la Sociedad Agricola Requingua Ltda,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 décembre 2009,

à la suite de l’audience du 10 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 août 2004, la requérante, la Sociedad Agricola Requingua Ltda, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p.1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p.1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TORO DE PIEDRA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières), y compris les vins ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 19/2005, du 9 mai 2005.

5        Le 19 juillet 2005, le Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée, pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était, notamment, fondée sur la marque communautaire antérieure n° 1220573, déposée le 25 juin 1999 et enregistrée le 30 août 2002 pour les « vins d’appellation d’origine Toro », relevant de la classe 33, reproduite ci-après :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 16 avril 2007, en application de l’article 44 du règlement n° 40/94 (devenu article 43 du règlement n° 207/2009), la requérante a limité les produits visés par sa demande d’enregistrement aux seuls « vins » relevant de la classe 33.

9        Le 30 mai 2008, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

10      Le 28 juillet 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 18 juin 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Se fondant exclusivement sur la marque antérieure, en premier lieu, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était constitué par le consommateur moyen de l’Union européenne. En deuxième lieu, s’agissant de la comparaison des produits visés par les marques en conflit, elle a estimé qu’ils étaient identiques. En troisième lieu, en ce qui concerne la comparaison des signes, la chambre de recours a retenu l’existence d’une similitude sur les plans visuel et phonétique, en raison de la présence du mot « toro » dans les deux marques. Cette proximité se trouverait renforcée par une forte similitude conceptuelle, en ce que l’élément figuratif principal de la marque antérieure et la marque demandée auraient la même signification, à savoir « taureau de pierre ». Par voie de conséquence, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens des procédures d’opposition et de recours devant lui ainsi qu’aux dépens de la présente procédure.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de certaines annexes à la requête

14      L’OHMI conteste la recevabilité des annexes A 6 à A 8 de la requête en ce qu’elles seraient présentées pour la première fois devant le Tribunal.

15      Lors de l’audience, la requérante a admis que ces annexes n’avaient pas été produites au cours de la procédure devant l’OHMI. Elle a cependant ajouté, en substance, que leur objet était seulement d’étayer les arguments présentés devant la chambre de recours, ce qui justifierait qu’elles soient prises en compte par le Tribunal.

16      Le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009. Partant, la fonction du Tribunal n’est pas celle de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves serait contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, Rec. p. II‑701, point 18, et du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, Rec. p. II‑4667, point 16].

17      Il s’ensuit que les annexes A 6 à A 8 de la requête doivent être déclarées irrecevables, et cela quel que soit le lien qui les unit à l’argumentation développée par la requérante devant la chambre de recours.

 Sur la demande en annulation de la décision attaquée

18      Au soutien de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés de la violation, respectivement, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de l’article 75, seconde phrase, et de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

–       Arguments des parties

19      Selon la requérante, c’est à tort que la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

20      S’agissant du public pertinent, il serait composé du consommateur moyen de l’Union qui, compte tenu des produits visés, disposerait d’un degré d’attention élevé.

21      En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit, la requérante estime que, au vu de la jurisprudence récente du Tribunal, ceux-ci doivent être considérés comme étant différents sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Elle reproche, notamment, à la chambre de recours d’avoir accordé trop d’importance à la présence dans les deux signes du mot « toro ».

22      Ainsi sur le plan visuel, la chambre de recours aurait estimé à tort que le mot « toro » était le seul pertinent aux fins de la comparaison. Sur le plan phonétique, la requérante soutient que les signes en conflit se prononcent différemment. Enfin, sur le plan conceptuel, les signes ne revêtiraient pas la même signification. Alors que la marque antérieure serait interprétée par le public pertinent comme désignant une région productrice de vin, la marque demandée serait perçue comme une référence à un taureau en pierre. Elle estime, à cet égard, que l’on ne peut déterminer si l’élément figuratif de la marque antérieure représente une statue.

23      En ce qui concerne l’appréciation du risque global de confusion, la requérante soutient que, outre les différences existant entre les signes en conflit, la chambre de recours aurait également dû prendre en considération la circonstance que la marque antérieure ne dispose que d’un faible caractère distinctif.

24      L’OHMI conteste les arguments avancés par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

25      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

26      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

27      S’agissant, en premier lieu, du public pertinent, il convient de constater que, en l’espèce, la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union. C’est donc la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause dans l’ensemble de l’Union qu’il convient de prendre en compte. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

28      En ce qui concerne le degré d’attention du consommateur lors de l’achat des produits concernés, il y a lieu de rappeler que, aux fins de l’appréciation globale des marques en conflit, le consommateur moyen est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a cependant lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause et le fait que le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire [voir arrêt du Tribunal du 14 novembre 2007, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (CASTELL DEL REMEI ODA), T‑101/06, non publié au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée].

29      En l’espèce, l’enregistrement de la marque est demandé de manière générale pour les vins, et non spécifiquement pour des vins de qualité qui seraient vendus à des prix relativement élevés. Les produits désignés par la demande d'enregistrement étant destinés à la consommation courante, il y a lieu de conclure que le consommateur, en règle générale, manifestera un degré moyen d’attention à l’occasion de leur acquisition.

30      En ce qui concerne, en deuxième lieu, la comparaison des produits en cause, il est constant qu’ils sont identiques.

31      S’agissant, en troisième lieu, de la comparaison des signes en conflit, il résulte d’une jurisprudence constante que l’appréciation globale du risque de confusion doit, s’agissant de la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques par le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23).

32      D’une façon générale, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30].

33      En l’espèce, il convient de souligner que sont en conflit, d’une part, une marque figurative, constituée de deux éléments – à l’arrière plan, une arche de couleur grise comprenant l’inscription « d. origen » et, au premier plan, un ensemble de couleur noire constitué d’une grappe de raisin et d’une forme qui sera perçue comme représentant la statue d’un animal placée sur un socle sur lequel est inscrit « toro » –, et, d’autre part, la marque verbale TORO DE PIEDRA.

34      S’agissant, premièrement, de la comparaison des signes sur le plan visuel, la circonstance que le mot « toro » est présent dans les deux marques constitue un facteur de similitude particulièrement important au regard du rôle considérable qu’il joue dans la perception de chacune de ces marques par le public pertinent. En effet, dans la marque antérieure, le mot « toro » figure au premier plan de la marque et est écrit d’une manière le faisant ressortir nettement, alors que, dans la marque demandée, ce mot se situe au début du signe. Or, il convient de rappeler que le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’un signe verbal qu’à sa fin [arrêt du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T-133/05, Rec. p. II-2737, point 51]. Néanmoins, dans la mesure où les signes en conflit présentent également des différences sur les plans verbal et figuratif, qui ne sont toutefois pas de nature à occulter la similitude résultant de la présence de l’élément commun « toro », c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un degré moyen de similitude.

35      S’agissant de l’argumentation de la requérante portant sur le prétendu caractère faiblement distinctif du mot « toro » en ce qu’il serait fréquemment utilisé pour des produits relevant de la classe 33, il y a lieu de souligner que sa matérialité n’est pas démontrée. Le seul élément de preuve produit par la requérante à l’appui de son argumentation est constitué d’une liste de marques comprenant les mots « toro », « toros » ou « torro », enregistrées dans différents États pour des produits relevant des classes 32 et 33. Or, la simple énumération d’un nombre relativement limité de marques sans indication permettant de mesurer leur connaissance par le public de référence ne permet pas de conclure à une association dans l’esprit de ce dernier entre le mot « toro » et lesdits produits.

36      En ce qui concerne, deuxièmement, la comparaison des signes sur le plan phonétique, la chambre de recours, sans en préciser le degré, a conclu à l’existence d’une similitude entre les signes. Cette conclusion doit être confirmée au vu, d’une part, de l’identité de prononciation du mot « toro » et, d’autre part, de la circonstance que les signes en cause sont constitués de cinq syllabes. Dans la mesure où les autres éléments verbaux des signes se prononcent différemment, il y a lieu de retenir l’existence d’un degré moyen de similitude phonétique.

37      S’agissant, troisièmement, de la comparaison des signes sur le plan conceptuel, il apparaît que le terme « toro » sera perçu par une partie du public pertinent – notamment les consommateurs de langues latines – comme une référence à un animal, ce qui est de nature à rapprocher les signes en conflit.

38      Cette impression de similitude sera renforcée, ainsi que le souligne à juste titre l’OHMI, par la circonstance que la marque demandée peut être comprise, tout au moins par le public de langue espagnole, comme une référence à un taureau de pierre, ce qui correspond à l’élément figuratif présent au premier plan de la marque antérieure.

39      La requérante soutient, par ailleurs, en substance, que le terme « toro »  sera, s’agissant de la marque antérieure, compris comme une référence à une région vinicole et, en ce qui concerne la marque demandée, associé à l’animal. Cette argumentation n’apparaît pas convaincante. En effet, dans une telle éventualité, dans la mesure où les produits visés par la marque demandée sont constituées par des vins, il devrait logiquement être conclu que le terme « toro » y figurant sera également compris comme une référence à une région vinicole, ce qui tendrait à rendre les signes en conflit similaires sur le plan conceptuel.

40      Par conséquent, étant donné que les marques en conflit sont, à tout le moins pour une partie du public pertinent, fortement similaires sur le plan conceptuel et qu’elles présentent un degré moyen de similitude sur les plans phonétique et visuel, il y a lieu de constater qu’elles sont globalement similaires.

41      En ce qui concerne, en quatrième lieu, l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de rappeler qu’elle implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt VENADO avec cadre e.a., point 27 supra, point 74).

42      En l’espèce, dans la mesure où, d’une part, les produits désignés par les marques en conflit sont identiques et, d’autre part, les signes en conflit sont similaires, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

43      Cette appréciation n’est pas remise en cause par les différents arguments avancés par la requérante.

44      S’agissant, premièrement, de l’allégation de la requérante tirée de ce que la marque antérieure ne disposerait que d’un caractère distinctif faible, ce qui empêcherait que soit constatée l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, elle doit être rejetée, et cela sans qu’il soit nécessaire d’analyser l’étendue du caractère distinctif de la marque antérieure.

45      En effet, même en présence d’une marque antérieure ayant un caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, comme en l’espèce, lorsque les produits en cause sont identiques et les signes en conflit sont similaires [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II‑949, point 61, et du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70].

46      En outre, retenir cet argument aurait pour effet de neutraliser le facteur tiré de la similitude des marques au profit de celui fondé sur le caractère distinctif de la marque antérieure, auquel il serait alors accordé une importance excessive. Il en résulterait que, dès lors que la marque antérieure n’est dotée que d’un faible caractère distinctif, un risque de confusion n’existerait qu’en cas de reproduction complète de celle-ci par la marque demandée, tout en occultant le degré de similitude entre les signes en cause. Un tel résultat ne serait pas conforme à la nature même de l’appréciation globale que les autorités compétentes sont chargées d’effectuer en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (voir arrêt PAGESJAUNES.COM, point 45 supra, point 71, et la jurisprudence citée).

47      En ce qui concerne, deuxièmement, la référence à la position qu’aurait adopté le Tribunal dans ses arrêts du 18 décembre 2008, Torres/OHMI – Bodegas Cándido (TORRE DE FRIAS) (T‑285/06, non publié au Recueil), Torres/OHMI – Vinícola de Tomelloso (TORRE DE GAZATE) (T‑286/06, non publié au Recueil), Torres/OHMI – Bodegas Peñalba López (Torre Albéniz) (T‑287/06, Rec. p. II‑3817), et Torres/OHMI – Gala-Salvador Dalí (TG Torre Galatea) (T‑8/07, non publié au Recueil), elle n’apparaît pas non plus convaincante au vu des différences d’ordre factuel distinguant ces affaires de la présente espèce. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours ne s’est pas écartée de la logique jurisprudentielle suivie par le Tribunal. Ainsi que le fait valoir l’OHMI, le mot « toro » ne saurait être comparé au mot « torre », ce dernier étant fréquemment utilisé pour indiquer une localité géographique, qui constituera l’élément distinctif, voire dominant, de la marque.

48      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009

–       Arguments des parties

49      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte les arguments qu’elle avait avancés dans ses observations du 3 février 2009 concernant la jurisprudence du Tribunal citée au point 47 ci-dessus, ce qui reviendrait à lui refuser le droit d’être entendue.

50      L’OHMI conteste l’argument avancé par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

51      Selon l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques, le principe général de protection des droits de la défense. En vertu de ce principe général du droit de l’Union, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit à être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel mais non à la position finale que l’administration entend adopter [voir arrêt du Tribunal du 7 février 2007, Kustom Musical Amplification/OHMI (Forme d’une guitare), T‑317/05, Rec. p. II‑427, points 24, 26 et 27, et la jurisprudence citée].

52      Sans qu’il soit nécessaire d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation du droit de la requérante d’être entendue, il suffit de rappeler que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité pour la personne intéressée de se défendre. Ainsi, le non-respect des règles en vigueur ayant pour finalité de protéger les droits de la défense n’est susceptible de vicier la procédure administrative que s’il est établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent si desdites règles avaient été respectées [voir arrêt du Tribunal du 12 mai 2009, Jurado Hermanos/OHMI (JURADO), T‑410/07, Rec. p. II‑1345, point 32, et la jurisprudence citée].

53      Or, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du premier moyen, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

54       Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009

–       Arguments des parties

55      La requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée. Celle-ci ne permettrait pas de comprendre les raisons pour lesquelles, d’une part, les arrêts TORRE DE FRIAS, TORRE DE GAZATE, Torre Albéniz et TG Torre Galatea, au point 47 supra, trouvent pas à s’appliquer aux circonstances de l’espèce et, d’autre part, aucune conséquence n’a été tirée de la liste mentionnée au point 35 ci-dessus.

56      L’OHMI conteste l’argumentation avancée par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

57      En vertu de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 253 CE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêts du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, points 87 et 88 ; du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, Rec. p. II‑1149, points 72 et 73, et du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 43].

58      Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir arrêt Mozart, point 57 supra, point 55, et la jurisprudence citée).

59      En l’espèce, la chambre de recours a d’abord constaté l’identité des produits. Elle a ensuite comparé les signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, pour conclure à leur similitude. Elle en a déduit que, en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il existait un risque de confusion entre lesdits signes. Ce raisonnement permettait pleinement aux parties de comprendre les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. La décision attaquée n'est donc entachée d’aucun défaut de motivation.

60      Le moyen tiré d’un défaut de motivation ne saurait donc prospérer.

61      Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Sociedad Agricola Requingua Ltda est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 avril 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.