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ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

7 juillet 2016 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Fourniture de services de technologies de l’information, de conseil, de développement de logiciels, d’Internet et d’appui – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution des marchés à d’autres soumissionnaires – Obligation de motivation »

Dans l’affaire C‑88/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 février 2016,

European Dynamics Luxembourg SA, établie à Luxembourg (Luxembourg),

Evropaïki Dynamiki Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce),

représentées par Mes M. Sfyri, C.-N. Dede et D. Papadopoulou, dikigoroi,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion (Fusion for Energy),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et C. Vajda, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, European Dynamics Luxembourg SA et Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 décembre 2015, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Entreprise commune Fusion for Energy (T-553/13, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:918), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de l’Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion (Fusion for Energy) du 7 août 2013 prise dans le cadre de la procédure d’appel d’offres F4E-ADM-0464 concernant des services de technologies de l’information, de conseil, de développement de logiciels, d’Internet et d’appui (JO 2012/S 213 – 352451), ayant rejeté l’offre soumise par European Dynamics Luxembourg et ayant attribué les marchés à d’autres soumissionnaires, ainsi que, d’autre part, à l’obtention de dommages et intérêts.

2        À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent un moyen unique tiré d’une interprétation erronée et d’une dénaturation des éléments de preuve pertinents qu’aurait commises le Tribunal en appréciant si le pouvoir adjudicateur a satisfait à son obligation de motivation.

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 30 mai 2016, pris la position suivante :

« Je propose à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire sous objet comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé et de condamner [les requérantes] aux dépens, conformément à l’article 137 du règlement de procédure, pour les raisons suivantes :

1.      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent un moyen unique dans lequel elles contestent l’analyse effectuée aux points 31 à 54 de l’arrêt attaqué par laquelle le Tribunal a rejeté leur moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation par le pouvoir adjudicateur. Le moyen unique est divisé en deux branches.

2.      Dans leur première branche, les requérantes font valoir que le Tribunal, en interprétant de manière erronée et en dénaturant les éléments de preuve, a commis une erreur de droit en ce qu’il a jugé que les requérantes avaient été en mesure de comprendre les motifs du rejet de leur offre.

3.      À cet égard, j’observe, en premier lieu, que les arguments des requérantes visant à établir une appréciation erronée des éléments de preuve, et non une dénaturation de ces derniers, doivent être déclarés comme manifestement irrecevables. En effet, selon la jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent pour apprécier les éléments de preuve et, ainsi, l’appréciation de ces éléments ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour.

4.      Pour ce qui est, en deuxième lieu, de l’argument tiré de ce que l’expression vague et générique “meilleures en termes de qualité et d’avantages” utilisée pour 1’évaluation des offres retenues dans les documents envoyés aux requérantes ne ferait pas apparaître d’une manière claire et non équivoque le raisonnement suivi par le pouvoir adjudicateur, force est de constater qu’il correspond à des arguments déjà avancés devant le Tribunal. Il doit donc être déclaré comme manifestement irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, EU:C:2011:370, point 55, et ordonnance du 12 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑289/10 P, non publiée, EU:C:2011:572, point 63).

5.      En troisième lieu, les requérantes soutiennent que le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans la mesure où il n’a pas constaté que, en l’absence de commentaires précis sur les notes attribuées aux offres retenues et en l’absence d’un rapport d’évaluation précis qui expliquerait et justifierait, à tout le moins succinctement, les prétendus atouts et avantages relatifs des offres des adjudicataires, elles n’étaient pas en mesure de comprendre les motifs du rejet de leur offre. J’estime que ce grief est manifestement non fondé.

6.      À cet égard, je relève d’abord que, aux points 38 à 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a bien rappelé les principes de la jurisprudence constante en la matière et, notamment, les principes selon lesquels il ne saurait être exigé d’un pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue ni des copies complètes du rapport d’évaluation et de l’offre retenue ni, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé. Ensuite, aux points 43 à 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué, puis, aux points 48 à 50 du même arrêt, examiné les informations qui avaient été fournies aux requérantes. Dans cet examen, il a pris en compte la circonstance que les commentaires concernant l’évaluation des offres des soumissionnaires retenus étaient moins détaillés que ceux fournis à l’égard de l’offre des requérantes.

7.      Sur la base de cette analyse le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur, relever que, en fonction des circonstances de l’espèce, et en accord avec la jurisprudence constante en la matière, les informations relatives au soumissionnaire retenu communiquées par le pouvoir adjudicateur étaient, dans le cas d’espèce, suffisantes pour comprendre les motifs du rejet de l’offre des requérantes (voir, par analogie, ordonnance du 13 octobre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑560/10 P, non publiée, EU:C:2011:657, points 16 à 18, et arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, points 16 à 32).

8.      Enfin, en ce qui concerne, en quatrième lieu, la prétendue dénaturation des éléments de preuve, il n’apparaît pas de manière manifeste que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve, lorsqu’il a apprécié que, même si les commentaires concernant l’évaluation des offres retenues étaient moins détaillés que ceux fournis à l’égard de l’offre des requérantes, ils permettaient à celles-ci, en les lisant conjointement avec les autres documents fournis, de comprendre les motifs du rejet de leur offre. Par cette appréciation, le Tribunal a au contraire expliqué la raison pour laquelle le manque de précision des commentaires n’empêchait pas les requérantes de comprendre les motifs de ce rejet.

9.      Dans la seconde branche de leur moyen unique, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant, au point 51 de l’arrêt attaqué, qu’elles “sont restées en défaut d’identifier et de contester, de manière circonstanciée, les points précis de la motivation [...] dont elles pourraient estimer qu’ils seraient insuffisants”.

10.      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que, au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que les contestations générales et non circonstanciées des requérantes n’étaient pas susceptibles de remettre en cause le caractère suffisant de la motivation d’adjudication, tel qu’analysé aux points 48 à 50 de l’arrêt attaqué. Ainsi, le rejet du moyen des requérantes se fondant à suffisance de droit sur l’analyse de la motivation effectuée aux points 48 à 50 de l’arrêt attaqué, la seconde branche du moyen unique, dans la mesure où elle vise le point 51 dudit arrêt, est dirigée contre un motif surabondant de cet arrêt et est donc inopérante.

11.      D’autre part, force est de constater que, par cette branche, les requérantes se bornent, en substance, à réitérer l’argument concernant l’utilisation de l’expression vague et générique “meilleures en termes de qualité et d’avantages”, déjà mentionnée au point 4 ci-dessus et continuent de rester en défaut d’identifier de manière circonstanciée les points et les éléments précis de la motivation dont l’insuffisance ne leur aurait pas permis de comprendre les raisons du rejet de leur offre. Dans ces conditions, cette seconde branche est à mon avis, en tout état de cause, manifestement non fondée. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

 Sur les dépens

7        En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      European Dynamics Luxembourg SA et Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.