Language of document : ECLI:EU:T:2015:646

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

18 Septembre 2015 (*)

  « Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Recours en annulation – Entité infra‑étatique – Qualité et intérêt pour agir – Recevabilité – Droit d’être entendu – Obligation de notification – Obligation de motivation – Droits de la défense – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété » 

Dans les affaires jointes T‑156/13 et T‑373/14,

Petro Suisse Intertrade Co. SA, établie à Pully (Suisse), représentée par M. J. Grayston, solicitor, Mes P. Gjørtler, G. Pandey, D. Rovetta, N. Pilkington et D. Sellers, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et I. Rodios, en qualité d’agents,

partie défenderesse,


ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 71), ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 55), et, d’autre part, de la décision du Conseil contenue dans la lettre du 14 mars 2014 visant à maintenir les mesures restrictives prises à l’encontre de la requérante,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 février 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Petro Suisse Intertrade Co. SA, est une société établie à Pully (Suisse) qui est active dans le domaine du gaz et du pétrole.

2        Les présentes affaires jointes s’inscrivent dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1929 (2010) [ci-après la « résolution 1929 ») »], destinée à élargir la portée des mesures restrictives instituées par ses résolutions 1737 (2006), 1747 (2007) et 1803 (2008) et à instaurer des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de la République islamique d’Iran.

4        Le 17 juin 2010, le Conseil européen a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien et il s’est félicité de l’adoption de la résolution 1929. Rappelant sa déclaration du 11 décembre 2009, il a invité le Conseil de l’Union européenne à adopter des mesures mettant en œuvre celles prévues dans la résolution 1929 ainsi que des mesures d’accompagnement, en vue de contribuer à répondre, par la voie des négociations, à l’ensemble des préoccupations que continue de susciter le développement par la République islamique d’Iran de technologies sensibles à l’appui de ses programmes nucléaire et balistique. Ces mesures devaient porter sur le secteur du commerce, le secteur financier, le secteur des transports iraniens et les grands secteurs de l’industrie gazière et pétrolière, ainsi que sur des désignations supplémentaires, en particulier le Corps des gardiens de la révolution islamique.

5        Le 26 juillet 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), dont l’annexe II énumère le nom des personnes et des entités, autres que celles désignées par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou par le comité des sanctions créé par la résolution 1737 (2006), mentionnées à l’annexe I, dont les avoirs sont gelés. Le considérant 22 de ladite décision se réfère à la résolution 1929 et mentionne que cette résolution relève le lien potentiel entre les recettes que la République islamique d’Iran tire de son secteur de l’énergie et le financement de ses activités nucléaires posant un risque de prolifération.

6        L’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 prévoit notamment le gel des fonds appartenant aux personnes et entités « qui ont aidé les personnes ou les entités désignées à se soustraire aux dispositions des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité ou de la présente décision, ou à les enfreindre ».

7        Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22). Selon le considérant 13 de cette décision, les restrictions à l’admission et le gel des fonds et des ressources économiques devraient être appliquées à l’égard d’autres personnes et entités qui fournissent un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, en particulier les personnes et entités apportant un soutien financier, logistique ou matériel audit gouvernement.

8        L’article 1er, paragraphe 7, sous a), ii), de la décision 2012/35 a ajouté à l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, prévoyant le gel des fonds appartenant aux personnes et entités, le point suivant :

« c) les autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe  I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ».

9        En conséquence, le Conseil a adopté, le 23 mars 2012, le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1). En vue de mettre en œuvre l’article 20, paragraphe 1, sous b) et c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 prévoit le gel des fonds appartenant, notamment, aux personnes, aux entités et aux organismes dont les noms sont énumérés à son annexe IX et qui ont été reconnus :

« b) comme étant une personne physique ou morale, une entité ou un organisme ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions du présent règlement, de la décision 2010/413/PESC du Conseil ou des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies, ou à s’y soustraire ;

[…]

d) comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés […] ».

10      Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58). Selon le considérant 16 de cette décision, il convient d’inscrire les noms d’autres personnes et entités sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413, en particulier les entités détenues par l’État iranien se livrant à des activités dans le secteur du pétrole et du gaz, étant donné qu’elles fournissent une source de revenus substantielle au gouvernement iranien.

11      L’article 1er, paragraphe 8, sous a), de la décision 2012/635 a modifié l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, en insérant dans ledit paragraphe les dispositions suivantes qui mentionnent ainsi que certaines personnes et entités feront l’objet de mesures restrictives :

« c) d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ».

12      L’article 2 de la décision 2012/635 a inscrit, à l’annexe II de la décision 2010/413, le nom de National Iranian Oil Co. (ci-après « NIOC »), aux motifs que cette entité, détenue et gérée par l’État iranien, fournissait des ressources financières au gouvernement iranien.

13      En conséquence, le même jour, en l’occurrence le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 282, p. 16). L’article 1er dudit règlement d’exécution a inscrit le nom de NIOC à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans la décision 2012/635.

14      Le 21 décembre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/829/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71). L’article 1er de cette décision a inscrit le nom de la requérante à l’annexe II de la décision 2010/413.

15      Le 21 décembre 2012, le Conseil a également adopté le règlement (UE) n° 1263/2012 modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34). L’article premier, paragraphe 11, du règlement n° 1263/2012 a modifié l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, en prévoyant ainsi le gel des fonds des personnes, des entités et des organismes énumérés à son annexe IX, qui ont été reconnus :

« d) comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui, notamment matériel, logistique ou financier, au gouvernement iranien et comme des entités qu’ils ou elles détiennent ou contrôlent ou des personnes et entités qui leur sont associés [...] »

16      Conformément à la décision 2012/829, le règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 55 ; ci-après, pris ensemble avec la décision 2012/829, les « actes attaqués »), a modifié l’annexe IX du règlement n° 267/2012, en y ajoutant notamment le nom de la requérante.

17      Dans les actes attaqués, le Conseil a justifié le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante par les motifs suivants :

« [La requérante] aide des entités désignées à enfreindre les dispositions du règlement de l’UE sur l’Iran et apporte un soutien financier au gouvernement iranien. C’est une société écran que [NIOC], désignée par l’[Union], a constituée et contrôle pour en utiliser les comptes afin d’effectuer et recevoir des paiements. [La requérante] a maintenu des contacts avec [NIOC] en 2012. »

18      Le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et des entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives adoptées dans les actes attaqués dans le Journal officiel de l’Union européenne du 22 décembre 2012 (JO C 398, p. 8).

19      Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 janvier 2013, le Conseil a également communiqué les actes attaqués à la requérante.

20      Par lettre du 19 février 2013, la requérante, premièrement, a demandé au Conseil de confirmer qu’elle était visée par les actes attaqués et, dans cette hypothèse, elle l’informait qu’elle contestait sa désignation. Deuxièmement, elle a indiqué que la lettre du 3 janvier 2013 ne fournissait aucune information justifiant l’inscription de son nom sur les listes en cause. Troisièmement, elle a demandé au Conseil de lui donner accès aux éléments de preuve justifiant son inscription et à tout échange écrit ayant eu lieu au sein du Conseil ou entre le Conseil et les autres institutions ou organismes de l’Union, les États membres et leurs autorités, ainsi que les pays tiers et leurs autorités, concernant les motifs de sa désignation.

21      Le 20 février 2013, le Conseil a accusé réception de la lettre de la requérante et a indiqué que cette lettre était en cours d’examen.

22      Par lettres du 14 mai 2013, la requérante a, d’une part, demandé au Conseil de retirer son nom des listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (ci-après les « listes litigieuses »), en faisant valoir que les motifs de l’inscription de son nom sur ces listes n’étaient pas suffisants et n’étaient étayés par aucun élément de preuve, et, d’autre part, réitéré sa demande d’accès aux documents évoqués au point 20 ci-dessus.

23      Par lettre du 10 juin 2013, en réponse à la lettre de la requérante du 19 février 2013, le Conseil lui a communiqué les documents relatifs à sa désignation.

24      Par lettre du 2 octobre 2013, la requérante a communiqué au Conseil des observations sur sa lettre du 10 juin 2013. Elle a fait valoir que les documents divulgués par cette lettre ne fournissaient aucun élément de preuve justifiant sa désignation et a dès lors demandé au Conseil de retirer son nom des listes litigieuses.

25      Par lettre du 14 mars 2014, reçue par la requérante le 18 mars 2014, le Conseil a répondu aux observations formulées par celle-ci dans ses lettres du 14 mai et du 2 octobre 2013 et l’a informée de sa décision de maintenir son nom sur les listes litigieuses (ci-après la « décision de maintien »).

26      Par lettre du 14 avril 2014, la requérante a répondu à la lettre du Conseil du 14 mars 2014. Elle a fait valoir que celui-ci avait violé ses droits de la défense lorsqu’il avait adopté la décision de maintien et que cette décision n’était pas fondée.

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2013, la requérante a introduit le recours dans l’affaire T‑156/13.

28      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 3 septembre 2013, la procédure dans l’affaire T‑156/13 a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du 16 juillet 2014 National Iranian Oil Company/Conseil (T‑578/12, EU:T:2014:678).

29      Par une nouvelle requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mai 2014, la requérante a introduit le recours dans l’affaire T‑373/14.

30      L’arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 28 supra (EU:T:2014:678), ayant été prononcé le 16 juillet 2014, la procédure dans l’affaire T‑156/13 a été reprise. Le Tribunal a demandé aux parties de communiquer leurs observations quant aux conséquences à tirer de cet arrêt sur le recours dans l’affaire T‑156/13. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

31      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dans l’affaire T‑156/13 :

–        annuler les actes attaqués, dans la mesure où ces actes la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens ;

–        dans l’affaire T‑373/14 :

–        annuler la décision du Conseil contenue dans la lettre du 14 mars 2014, dans la mesure où celle-ci constitue un refus de retirer son nom des listes des personnes et entités soumises aux mesures restrictives ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

33      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dans l’affaire T‑156/13 :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        dans l’affaire T‑373/14 :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

34      À la demande de la requérante et après avoir entendu le Conseil, les affaire T‑156/13 et T‑373/14 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

 Sur la recevabilité dans l’affaire T-156/13

35      Le Conseil conteste la qualité pour agir de la requérante ainsi que le respect du délai pour l’introduction de son recours.

 Sur la qualité pour agir

36      Le Conseil avance que la requérante doit être considérée comme une organisation gouvernementale au sens de l’article 34 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, et que, par conséquent, celle-ci ne peut pas invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux devant les juridictions de l’Union.

37      Selon le Conseil, cette fin de non-recevoir s’appliquerait à l’ensemble des moyens invoqués, car le recours vise en réalité à obtenir l’annulation du gel des fonds, lequel constituerait une atteinte – justifiée – au droit de propriété. Peu importerait dès lors que tous les moyens ne se réfèrent pas spécifiquement à ce droit.

38      Il y a lieu de rappeler que, dans ses arrêts du 29 janvier 2013, Bank Mellat/Conseil (T‑496/10, Rec, sous pourvoi, EU:T:2013:39, points 35 à 46), et du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, Rec, sous pourvoi, EU:T:2013:59, points 33 à 44), le Tribunal a déjà eu l’occasion de rejeter une fin de non-recevoir similaire, opposée par le Conseil soutenu par la Commission, relative aux moyens tirés de la violation des droits fondamentaux invoqués par les parties requérantes dans les deux arrêts en cause, les institutions susvisées faisant valoir que ces dernières étaient des émanations de l’État iranien.

39      En outre, dans l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, Rec, EU:C:2013:776, points 50 et 51), la Cour a écarté l’argument d’irrecevabilité soulevé par le Conseil et la Commission selon lequel la requérante dans l’affaire en cause, Manufacturing Support & Procurement Kala Naft Co., en tant qu’émanation de l’État iranien, ne bénéficiait pas de la protection des droits fondamentaux. La Cour a ainsi confirmé, en substance, qu’une entité qui était une émanation d’un État tiers était recevable, en invoquant le cas échéant les garanties liées aux droits fondamentaux, à former un recours en annulation contre les mesures restrictives adoptées à son égard.

40      En l’espèce, il convient de relever que, à la différence de son argumentation devant le Tribunal dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 25 avril 2012, Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil (T‑509/10, Rec, EU:T:2012:201), Bank Mellat/Conseil, point 38 supra (EU:T:2013:39), et Bank Saderat Iran/Conseil, point 38 supra (EU:T:2013:59), dans lesquelles il n’avait pas excipé de l’irrecevabilité du recours dans son ensemble, le Conseil ne se limite pas à contester « la possibilité pour la requérante d’invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux ». En effet, le Conseil conclut expressément à l’irrecevabilité du recours dans son ensemble.

41      L’argumentation invoquée par le Conseil au soutien de cette fin de non-recevoir ne saurait être accueillie.

42      En effet, il y a lieu de rappeler que le présent recours s’inscrit dans le cadre de l’article 275, second alinéa, TFUE, en combinaison avec l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision 2012/829 qui a été adoptée sur le fondement de l’article 29 TUE. L’article 275, second alinéa, TFUE soumet expressément les décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, du traité UE, au contrôle de la légalité dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

43      Or, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE confère à toute personne physique ou morale qualité pour agir contre les actes des institutions de l’Union, dès lors que les conditions définies par cette disposition sont réunies, ce qui est le cas en l’espèce et n’est d’ailleurs pas contesté. La requérante justifie ainsi de la qualité pour agir et d’un intérêt à agir contre les actes attaqués en ce qu’ils l’inscrivent sur les listes en cause (voir, en ce sens, arrêt Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil, point 40 supra, EU:T:2012:201, point 50). À cet égard, il convient en effet de rappeler que la nature individuelle des mesures restrictives adoptées à l’égard d’une personne ouvre, conformément aux termes de l’article 275, deuxième alinéa, TFUE, et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, Rec, EU:C:2013:258, point 58). Partant, dans la mesure où ni les deux articles susmentionnés ni aucune autre disposition du droit primaire de l’Union n’excluent les États tiers de ce droit de recours, une personne morale qui est une émanation d’un État tiers ne saurait se voir dénier le droit de former un recours contre une mesure de gel des fonds adoptée à son égard, en vue d’obtenir le contrôle de la légalité de cette mesure. En effet, une telle solution violerait les dispositions de l’article 263 TFUE et de l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et serait dès lors contraire au système de protection juridictionnelle institué par le traité FUE, ainsi qu’au droit à un recours effectif consacré par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, Rec, EU:C:2013:470, point 64).

44      Partant, sans qu’il y ait lieu de déterminer si la requérante doit ou non être considérée comme une émanation de l’État iranien ou une organisation gouvernementale, la fin de non-recevoir relative à sa qualité pour agir doit être rejetée.

 Sur la tardiveté du recours

45      Le Conseil estime que le recours dans l’affaire T‑156/13, introduit le 14 mars 2013, est tardif. Invoquant la jurisprudence de la Cour dans l’arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 43 supra (EU:C:2013:258), il considère en effet que le délai de deux mois pour introduire un recours contre les actes attaqués a commencé à courir le jour de la publication de l’avis au Journal officiel de l’Union européenne, le 22 décembre 2012, et que, dans ces circonstances, le délai de quatorze jours prévu à l’article 59 du règlement de procédure ne s’applique pas. Selon lui, le délai de recours, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu à l’article 60, du règlement de procédure, a dès lors expiré le 4 mars 2013.

46      En ce qui concerne le point de départ du délai de recours, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

47      Par ailleurs, selon la jurisprudence, le principe de protection juridictionnelle effective implique que l’autorité de l’Union européenne, qui adopte des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, communique les motifs sur lesquels ces mesures sont fondées, soit au moment où ces mesures sont adoptées, soit, à tout moins, aussi rapidement que possible après leur adoption, afin de permettre à ces personnes ou entités l’exercice de leur droit de recours (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec, EU:C:2011:735, point 47 et jurisprudence citée).

48      En l’occurrence, ce principe est concrétisé à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, lesquels énoncent que le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de l’inscription de son nom sur la liste des personnes et entités visées par les mesures restrictives, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

49      Il en découle que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité commence uniquement à courir soit à partir de la date de la communication individuelle de cet acte à l’intéressé, si son adresse est connue, soit à partir de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, lorsqu’il était impossible de procéder à la communication directe de cet acte à l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 43 supra, EU:C:2013:258, points 59 à 62).

50      À cet égard, il y a lieu de relever que le Conseil n’est pas libre de choisir arbitrairement le mode de communication de ses décisions aux personnes intéressées. Il ressort en effet du point 61 de l’arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 43 supra (EU:C:2013:258), que la Cour a entendu permettre une communication indirecte des actes attaqués par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne dans les seuls cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une communication individuelle.

51      En l’espèce, le Conseil avait connaissance de l’adresse de la requérante et a notifié les actes attaqués à cette dernière par lettre recommandée avec avis de réception du 3 janvier 2013. Partant, le délai pour introduire un recours en annulation contre ces actes a commencé à courir à la date de leur communication individuelle à la requérante. Or, force est de constater que l’avis de réception produit par le Conseil lui-même en annexe de son mémoire en défense porte la date du 7 janvier 2013. Le délai de recours contre les actes attaqués dans l’affaire T‑156/13 a dès lors commencé à courir à l’égard de la requérante à cette date et, compte tenu du délai de distance de dix jours prévu à l’article 60, du règlement de procédure, a expiré le 17 mars 2013.

52      En tout état de cause, quand bien même le délai de recours aurait commencé à courir à la date de la publication de l’avis au Journal officiel de l’Union européenne, c’est à tort que le Conseil soutient que, dans ces circonstances, l’article 59 du règlement de procédure n’est pas applicable. En effet, il ressort tant des termes que de la finalité de cette disposition que l’augmentation du délai, à hauteur de quatorze jours, telle qu’elle y est prévue, s’applique à l’ensemble des actes communiqués par voie de publication au Journal officiel de l’Union européenne, y compris les actes de portée individuelle communiqués aux personnes concernées par le biais de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Zanjani/Conseil, T‑155/13, EU:T:2014:605, points 39 à 45). Partant, en l’espèce, le Conseil ayant publié un avis concernant l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses au Journal officiel de l’Union européenne du 22 décembre 2012, le délai de recours aurait expiré le 18 mars 2013.

53      Dans la mesure où la requête a été déposée le 14 mars 2013, il y a lieu de conclure que le recours a été introduit dans le délai légal et, partant, de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

54      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de déclarer le recours recevable.

 Sur le fond

55      À l’appui de son recours dans l’affaire T‑156/13, la requérante invoque six moyens, tirés, respectivement, d’une violation du droit d’être entendu, d’une violation de l’obligation d’effectuer une notification adéquate, d’une violation de l’obligation de motivation, d’une violation des droits de la défense, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du droit de propriété.

56      Dans l’affaire T-373/14, la requérante invoque une violation de l’obligation de motivation ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation, se prévalant ainsi, en substance, des troisième et cinquième moyens mentionnés au point 55 ci-dessus.

57      Le Tribunal considère qu’il y a lieu, d’une part, au vu de l’identité entre les deux recours, de regrouper les moyens de chacune des deux affaires jointes ayant trait aux mêmes questions, et, d’autre part, d’examiner ensemble les premier, deuxième et quatrième moyens dans l’affaire T‑156/13, tirés, en substance, de la violation des droits de la défense.

 Sur les moyens tirés d’une violation de l’obligation de motivation

58      La requérante soutient que les motifs contenus dans les actes attaqués ainsi que ceux mentionnés dans la lettre du Conseil du 14 mars 2014 sont individuellement et collectivement insuffisants et qu’ils ne sont pas étayés par le moindre élément de preuve.

59      Elle estime, par ailleurs, que le Conseil était tenu à une obligation de motivation plus détaillée du fait que, d’une part, elle n’est aucunement liée à des activités terroristes, mais opère de manière ouverte et transparente en vertu du droit suisse, et, d’autre part, les mesures restrictives prises à son encontre sont des sanctions unilatérales, en ce sens qu’elles n’ont pas été convenues au sein du Conseil de sécurité.

60      Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante et soutient que la motivation des actes attaqués permettait à cette dernière de comprendre la portée des mesures prises à son encontre.

61      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, Rec, EU:C:2012:718, point 60).

62      Partant, en l’espèce, la question de savoir si la motivation des actes attaqués est étayée par des éléments de preuve n’est pertinente que dans le cadre des moyens tirés d’une erreur d’appréciation. En revanche, elle n’est pas pertinente dans le cadre des présents moyens.

63      À titre principal, tout d’abord, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt Conseil/Bamba, point 61 supra, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

64      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt Conseil/Bamba, point 61 supra, EU:C:2012:718, point 50).

65      En ce qui concerne les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, il y a lieu de souligner que, dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale d’inscription, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêts Conseil/Bamba, point 61 supra, EU:C:2012:718, point 51, et du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec, ci-après l’« arrêt OMPI I », EU:T:2006:384, point 140).

66      Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêts Conseil/Bamba, point 61 supra, EU:C:2012:718, point 52 ; OMPI I, point 65 supra, EU:T:2006:384, point 146, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 83).

67      Cependant, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts Conseil/Bamba, point 61 supra, EU:C:2012:718, points 53 et 54 ; OMPI I, point 65 supra, EU:T:2006:384, point 141, et Bank Melli Iran/Conseil, point 66 supra, EU:T:2009:401, point 82).

68      En l’espèce, il convient d’examiner, à la lumière de la jurisprudence rappelée ci-dessus, si le Conseil a suffisamment motivé la décision d’inscrire et de maintenir le nom de la requérante sur les listes.

69      En premier lieu, le Tribunal considère que l’obligation de motivation s’applique de manière identique, quelle que soit l’entité concernée par une décision de gel de fonds ou l’origine de cette décision, et qu’il y a dès lors lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel une obligation renforcée de motivation s’imposait au Conseil lorsqu’il a décidé d’inscrire le nom de cette dernière sur les listes litigieuses.

70      En effet, d’une part, il convient de souligner que les principes qui ressortent de la jurisprudence énoncée aux points 63 à 67 ci-dessus, relevant du respect des droits fondamentaux, sont également appliqués lors du contrôle de la légalité d’une décision imposant des mesures restrictives dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, ci-après l’« arrêt Kadi II », EU:C:2013:518, point 116). C’est donc à tort que la requérante soutient qu’une motivation limitée peut être acceptée lorsqu’il s’agit de sanctionner des personnes ou des entités impliquées dans des actes de terrorisme et qu’une motivation plus détaillée s’imposerait dans un cas comme en l’espèce.

71      D’autre part, il a lieu de relever que ces principes relatifs à l’obligation de motivation s’appliquent en toutes circonstances, y compris lorsque la motivation de l’acte correspond à des motifs exposés par une instance internationale, telle que le Conseil de sécurité (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, point 70 supra, EU:C:2013:518, point 116). Bien que, dans ces circonstances, le Conseil puisse se référer à la motivation énoncée dans la décision du Conseil de sécurité, il ressort clairement de la jurisprudence que le Conseil n’est aucunement déchargé de son obligation de vérifier que cette motivation satisfait aux principes énoncés aux points 66 et 67 ci-dessus. Si l’intensité du contrôle du respect des droits fondamentaux en ce qui concerne la motivation d’un acte de l’Union n’est ainsi pas affectée du fait que cet acte résulte d’une décision adoptée au sein des Nations Unies, il ne peut toutefois en être conclu, comme l’affirme la requérante, que l’obligation de motivation doit être renforcée lorsque des mesures restrictives sont imposées de manière autonome par le Conseil.

72      En second lieu, s’agissant de la motivation des actes attaqués, celle-ci comporte les motifs suivants :

–        la requérante « aide des entités désignées à enfreindre les dispositions du règlement de l’[Union] sur l’Iran » ;

–        la requérante « apporte un soutien financier au gouvernement iranien » ;

–        la requérante « est une société écran que [NIOC] a constituée et contrôle pour en utiliser les comptes afin d’effectuer et recevoir des paiements » ;

–        la requérante « a maintenu des contacts avec [NIOC] en 2012 ».

73      Premièrement, il y a lieu de considérer que le troisième motif, selon lequel la requérante est une société écran que NIOC a constituée et contrôle, permettait de comprendre les raisons pour lesquelles le Conseil a décidé d’inscrire son nom sur les listes litigieuses.

74      En effet, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, dont les termes sont précisés à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, prévoit un critère de fond, permettant au Conseil de geler les fonds des entités qui apportent un appui au gouvernement iranien, mais inclut également un critère de détention ou de contrôle sur la base duquel le Conseil peut adopter des mesures restrictives à l’encontre des entités détenues ou contrôlées par une entité fournissant un tel appui audit gouvernement.

75      Partant, en indiquant que la requérante est une société écran que NIOC, qui a été désignée au titre des mesures restrictives en cause au motif qu’elle fournissait un appui financier au gouvernement iranien, a constituée et contrôle, la motivation des actes attaqués a permis à la requérante de comprendre que c’était en raison des liens capitalistiques qui existaient entre elle et NIOC que des mesures restrictives avaient été adoptées à son encontre, conformément aux dispositions susmentionnées.

76      Ensuite, il y a lieu de tenir compte du contexte dans lequel les actes attaqués sont intervenus, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 67 ci-dessus, et, notamment, en l’espèce, de l’inscription sur les listes litigieuses du nom de NIOC, laquelle fournit des ressources financières au gouvernement iranien, ainsi que de l’inscription des noms de nombreuses filiales de cette entité, au motif qu’elles sont détenues et contrôlées par une entité fournissant elle-même un appui audit gouvernement. Au regard de ce contexte, connu de la requérante, cette dernière était dès lors en mesure d’identifier la base juridique et les raisons spécifiques des mesures restrictives prises à son encontre.

77      Enfin, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient la requérante, pour satisfaire à son obligation de motivation au regard du critère de détention ou de contrôle mentionné ci-dessus, le Conseil n’était pas tenu d’expliquer en quoi les activités de la requérante ou les paiements qu’elle effectuait et recevait constituaient un appui au gouvernement iranien ou contribuaient à la prolifération nucléaire en Iran. Ledit critère de détention ou de contrôle, sur la base duquel le nom de la requérante a été inscrit sur les listes litigieuses, est en effet distinct des critères de fond prévus par la décision 2010/413 et par le règlement n° 267/2012, tels que les critères relatifs à la fourniture d’un appui aux activités nucléaires de l’Iran ou au gouvernement iranien.

78      Deuxièmement, s’agissant de l’usage de l’expression « société écran », ainsi que des autres motifs mentionnés au point 72 ci-dessus, selon lesquels la requérante « aide des entités désignées à enfreindre les dispositions du règlement de l’[Union] sur l’Iran, apporte un soutien financier au gouvernement iranien [et] a maintenu des contacts avec [NIOC] », ceux-ci peuvent certes laisser penser que les faits qui sont reprochés à la requérante vont au-delà de sa simple détention par NIOC, sans que la motivation ne contienne davantage d’explications à cet égard. Toutefois, le Conseil a clairement expliqué lors de l’audience que la seule raison qui l’avait conduit à inscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses était le fait que celle-ci était détenue et contrôlée par NIOC et que les autres motifs repris dans les actes attaqués étaient liés à cette détention et à ce contrôle ou en étaient une conséquence. Il a en effet indiqué que la requérante a été constituée par NIOC afin d’éviter les sanctions la visant et que celle-ci contribuait dès lors à l’appui financier fourni par sa société mère au gouvernement iranien.

79      Le Tribunal constate ainsi que les autres motifs figurant dans les actes attaqués renvoient à la ratio legis du critère qui impose le gel des fonds des entités détenues ou contrôlées par une entité reconnue comme fournissant un appui au gouvernement iranien. En effet, ce critère se justifie par le risque non négligeable que l’entité en question exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle pour contourner l’effet des mesures de gel de fonds qui la visent, en les incitant soit à lui transférer directement ou indirectement leurs fonds, soit à effectuer des transactions qu’elle ne peut pas opérer elle-même du fait du gel de ses fonds (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, Rec, EU:C:2012:137, point 58). Partant, les autres motifs contenus dans les actes attaqués ne peuvent être lus isolément en ce qu’ils explicitent uniquement les raisons pour lesquelles, en tant qu’entité détenue et contrôlée par NIOC, la requérante doit être soumise à des mesures restrictives.

80      En tout état de cause, quand bien même d’autres raisons auraient motivé le gel des fonds de la requérante, il y a lieu de rappeler que si, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés dans les actes attaqués est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir ces actes, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation desdits actes (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, point 70 supra, EU:C:2013:518, point 130). Par conséquent, en l’espèce, dans la mesure où le motif selon lequel la requérante a été constituée et est contrôlée par NIOC est suffisant pour lui permettre de comprendre à tout le moins l’une des raisons de son inscription sur les listes litigieuses (voir point 75 ci-dessus), le caractère éventuellement insuffisant des autres motifs ne saurait entraîner l’annulation des actes attaqués sur la base d’une violation de l’obligation de motivation.

81      Enfin, le Tribunal considère que les circonstances de l’espèce se distinguent de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 octobre 2012, CF Sharp Shipping Agencies/Conseil (T‑53/12, Rec, EU:T:2012:578), invoqué par la requérante à l’appui de son argumentation. En effet, dans cette dernière affaire, le Conseil justifiait les mesures restrictives adoptées à l’encontre de la partie requérante par le fait que cette dernière avait aidé une autre entité à se soustraire aux effets des mesures la visant en réalisant ou en recevant certains paiements et soutenait que l’indication selon laquelle la partie requérante était une « société écran » de cette entité permettait de comprendre les raisons de son inscription sur les listes. Dans ces circonstances, le Tribunal a considéré que, en indiquant uniquement que la partie requérante était une « société écran » de l’entité qu’elle avait prétendument aidée, la motivation des actes attaqués dans l’espèce en question ne permettait pas de comprendre les faits reprochés à ladite partie requérante car elle ne contenait aucune précision concernant les paiements qui auraient été reçus ou effectués par cette partie requérante (arrêt CF Sharp Shipping Agencies/Conseil, précité, EU:T:2012:578, points 39 à 44).

82      En revanche, dans la présente affaire, le Conseil justifie l’adoption de mesures restrictives à l’égard de la requérante en raison des liens de détention et de contrôle qui existent entre elle et NIOC et non en raison d’une prétendue aide fournie à cette entité. Dans ces circonstances, il peut être conclu, sans contredire le raisonnement du Tribunal dans l’arrêt CF Sharp Shipping Agencies/Conseil, point 80 supra, (EU:T:2012:578), que l’indication selon laquelle la requérante est une société écran que NIOC a constituée et contrôle constitue une motivation suffisante au regard du critère de détention et de contrôle prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012. En effet, quand bien même la notion de « société écran » n’aurait pas de signification juridique précise, elle exprime néanmoins l’idée de détention et de contrôle par une société mère et permettait dès lors, en l’espèce, de comprendre les motifs concrets qui ont amené le Conseil à geler les fonds de la requérante.

83      Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de conclure que les actes attaqués dans l’affaire T‑156/13 sont suffisamment motivés.

84      La même conclusion s’impose dans l’affaire T‑373/14 étant donné qu’il ressort de la lettre du Conseil du 14 mars 2014 que la motivation de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses n’a pas été modifiée. À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, il convient de constater que ladite lettre ne contient aucun motif nouveau, mais ne fait que rappeler que c’est en raison du contrôle exercé par NIOC sur la requérante que le Conseil a considéré que le nom de cette dernière devait figurer et rester inscrit sur les listes litigieuses afin de prévenir tout risque de contournement. En se référant aux statuts de la requérante, lesquels attestent de ce contrôle par NIOC, le Conseil n’a dès lors aucunement complété sa motivation par de nouveaux éléments.

85      Il y a lieu par ailleurs de souligner que, par sa lettre du 14 mars 2014, le Conseil entendait répondre aux observations formulées par la requérante dans ses lettres du 14 mai et du 2 octobre 2013. Les explications ainsi communiquées à la requérante par le Conseil concernant la décision de maintenir son nom sur les listes litigieuses ne visaient aucunement à modifier ou à renforcer les motifs de l’inscription initiale, mais à répondre aux arguments présentés par la requérante à cet égard. Il ne saurait dès lors être reproché au Conseil d’avoir, à cette fin, formulé différemment, dans sa lettre du 14 mars 2014, les motifs retenus à l’encontre de la requérante ou d’y avoir apporté certaines précisions.

86      Dans ces circonstances, l’indication selon laquelle la requérante a été constituée et est contrôlée par NIOC constitue un motif suffisant pour inscrire et, par conséquent, maintenir son nom sur les listes litigieuses.

87      Il y a donc lieu de rejeter les moyens tirés d’une violation de l’obligation de motivation comme non fondés.

 Sur la violation des droits de la défense et sur le droit à une protection juridictionnelle effective

 Dans l’affaire T-156/13

88      Par ses premier, deuxième et quatrième moyens dans l’affaire T‑156/13, la requérante reproche au Conseil d’avoir violé ses droits de la défense, en ce compris son droit à une protection juridictionnelle effective, respectivement pour trois raisons : premièrement, le Conseil n’a pas organisé d’audition préalablement à l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, deuxièmement, il n’a pas effectué la notification requise des actes attaqués et, troisièmement, il n’a pas répondu à sa demande d’accès aux documents.

89      Avant d’examiner ces trois griefs, il convient de rappeler, tout d’abord, que le principe du respect des droits de la défense exige, d’une part, que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués. D’autre part, elle doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt OMPI I, point 65 supra, EU:T:2006:384, point 93). En revanche, ni la règlementation en cause, à savoir la décision 2010/413 et le règlement n° 267/2012, ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition formelle (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec, EU:T:2008:461, point 93 et jurisprudence citée).

90      S’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec, EU:C:2008:461, point 342, et OMPI I, point 65 supra, EU:T:2006:384, point 137).

91      En effet, une communication des éléments à charge et une audition des intéressés, préalablement à l’adoption de la décision initiale de gel des fonds, seraient de nature à compromettre l’efficacité des sanctions et s’avéreraient ainsi incompatibles avec l’objectif d’intérêt général poursuivi par l’Union. Une mesure initiale de gel de fonds doit, par sa nature même pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat. Une telle mesure ne saurait, dès lors, faire l’objet d’une notification préalable à sa mise en œuvre (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OMPI I, point 65 supra, EU:T:2006:384, point 128).

92      Ensuite, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que l’autorité de l’Union en cause est tenue de communiquer les motifs d’une mesure restrictive à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où ladite mesure est adoptée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à l’entité concernée l’exercice, dans les délais, de son droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire, tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union, que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte en cause qui lui incombe (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, point 90 supra, EU:C:2008:461, points 335 à 337 et jurisprudence citée).

93      Au regard de ces principes, il y a lieu d’examiner si, en l’espèce, les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective de la requérante ont été respectés.

–       Sur le droit d’être entendu

94      La requérante fait valoir que le Conseil aurait dû respecter son droit à une audition préalable afin de lui permettre d’expliquer son statut de société privée. Elle souligne par ailleurs qu’elle ne détenait aucun fonds sur des comptes au sein de l’Union au moment de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et qu’il n’était donc pas nécessaire de geler ses fonds sans audition préalable. En outre, selon elle, le Conseil aurait dû limiter les effets juridiques de ladite inscription au gel de ses fonds afin de ne pas perturber ses relations contractuelles avant qu’elle ait pu être entendue.

95      Le Tribunal constate, premièrement, qu’il ressort sans équivoque de la jurisprudence citée au point 91 ci-dessus qu’une mesure initiale de gel des fonds et des ressources économiques doit, par sa nature même, bénéficier d’un effet de surprise et ne saurait dès lors donner lieu à une audition préalable à sa mise en œuvre. Partant, la requérante ne saurait valablement soutenir qu’une audition préalable aurait dû lui être accordée.

96      Deuxièmement, au regard de la nature préventive des mesures restrictives, quand bien même la requérante ne détenait aucun fonds sur des comptes au sein de l’Union lors de l’adoption des actes attaqués, cette circonstance ne pouvait créer une obligation dans le chef du Conseil d’informer et d’entendre la requérante avant d’adopter des mesures restrictives à son encontre. En effet, si l’inscription de la requérante avait été retardée et son effet de surprise supprimé par l’octroi d’une audition préalable, rien n’aurait empêché NIOC d’utiliser la requérante pour transférer certains fonds au sein de l’Union et ainsi contourner les mesures restrictives la visant avant que le Conseil n’adopte sa décision. C’est donc à tort que la requérante soutient qu’il n’était pas nécessaire de geler ses fonds avant de l’avoir entendue.

97      Il convient par ailleurs de considérer que le fait d’imposer au Conseil, pour chaque personne ou entité dont il envisage de geler les fonds, de vérifier si celle-ci détient effectivement des fonds ou des ressources économiques au sein de l’Union constituerait une charge excessive qui risquerait d’affecter l’efficacité des mesures restrictives.

98      Troisièmement, la décision 2010/413 et le règlement n° 267/2012 permettent au Conseil de geler les fonds de certaines personnes et entités en inscrivant leur nom sur les listes figurant respectivement en leurs annexes II et IX, mais sans lui donner aucunement le pouvoir de limiter les autres effets que pourraient entraîner une telle inscription pour les personnes et entités concernées. Partant, quand bien même l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses aurait eu à son égard d’autres effets juridiques que le gel de ses fonds, lesquels perturberaient ses relations commerciales, il ne saurait être reproché au Conseil de ne pas avoir limité ces effets avant d’avoir pu entendre la requérante.

99      Il y a donc lieu de conclure que le Conseil n’a pas violé les droits de la défense de la requérante en ce qui concerne son droit d’être entendue.

–       Sur la communication initiale des éléments à charge

100    Tout d’abord, il y lieu de rappeler que les actes attaqués ont été communiqués à la requérante par lettre du 3 janvier 2013.

101    À cet égard, la requérante relève que le nom figurant dans les actes attaqués et dans la lettre de notification ne correspond pas à son nom réel et estime dès lors que la notification n’était pas adéquate.

102    Il convient toutefois de considérer que l’erreur du Conseil, qui consiste à avoir dénommé la requérante « Petro Suisse » au lieu de « Petro Suisse Intertrade Company SA », ne saurait constituer une violation des droits de la défense de cette dernière dès lors que cela n’a pas empêché celle-ci d’être informée de son inscription sur les listes litigieuses ni de défendre ses droits en saisissant le juge de l’Union par l’introduction du présent recours.

103    Il ressort par ailleurs de l’examen des moyens relatifs à l’obligation de motivation (voir points 58 à 87 ci-dessus) que les actes attaqués sont suffisamment motivés en ce qu’ils permettaient à la requérante de comprendre que c’était en tant qu’entité détenue et contrôlée par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien, à savoir NIOC, qu’elle avait été soumise à des mesures restrictives.

104    Partant, le Conseil n’a pas violé les droits de la défense de la requérante en ce qui concerne la communication initiale des éléments à charge.

–       Sur l’accès aux documents

105    La requérante soutient que, en lui communiquant, par lettre du 10 juin 2013, de nouveaux éléments de preuve, le Conseil a violé son droit à une protection juridictionnelle effective.

106    En outre, elle relève que le Conseil a décidé d’inscrire son nom sur les listes litigieuses sur la base d’une proposition d’un État membre sans examiner si des éléments de preuve justifiaient cette inscription. Elle soutient que le Conseil a ainsi introduit un nouveau processus décisionnel qui ne trouve aucune base légale dans l’article 215 TFUE et qui a pour conséquence de l’empêcher d’avoir accès aux éléments de preuve sur la base desquels les mesures restrictives la visant ont été adoptées, mais également d’identifier l’État membre dans lequel elle pourrait introduire une procédure aux fins de faire valoir ses droits, notamment pour accéder auxdits éléments de preuve.

107    Tout d’abord, il convient de rappeler que la communication tardive d’un document sur lequel le Conseil s’est fondé pour adopter ou pour maintenir les mesures restrictives visant une entité ne constitue une violation des droits de la défense justifiant l’annulation des actes attaqués concernés que s’il est établi que les mesures restrictives concernées n’auraient pas pu être adoptées ou maintenues à bon droit si le document communiqué tardivement devait être écarté comme élément à charge [arrêt du 6 septembre 2013, Persia International Bank/Conseil, T‑493/10, Rec (Extraits), EU:T:2013:398, point 85].

108    Partant, en l’espèce, à supposer même que le Conseil ait communiqué tardivement certains éléments contenus dans son dossier, cette circonstance ne pourrait justifier l’annulation des actes attaqués que s’il était par ailleurs établi que l’adoption des mesures restrictives visant la requérante ne pouvait pas être justifiée au regard des éléments communiqués à cette dernière en temps utiles, à savoir au regard des motifs figurant dans les actes attaqués et communiqués à la requérante par lettre du 3 janvier 2013. Or la question de savoir si ces motifs, relatifs aux liens de détention et de contrôle entre NIOC et la requérante, étaient suffisants pour fonder les mesures restrictives visant cette dernière sera examinée ci-dessous dans le cadre de l’examen des moyens relatifs à l’erreur d’appréciation (voir points 117 à 130).

109    Ensuite, il convient de souligner que le fait que la requérante a été désignée sur proposition d’un État membre n’ôte rien au fait que les actes attaqués sont des actes du Conseil qui a la compétence pour adopter des mesures restrictives sur la base de l’article 23, paragraphe 2, de la décision 2010/413 et de l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012. En outre, dans un cas comme en l’espèce, le Conseil n’était pas tenu de suivre la procédure prévue à l’article 215, paragraphe 1, TFUE pour adopter des mesures individuelles de gel des fonds dès lors qu’il pouvait, conformément à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, s’attribuer une compétence d’exécution telle que celle prévue à l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012.

110    Partant, sous réserve de savoir si les motifs repris dans les actes attaqués étaient suffisants pour justifier le gel des fonds de la requérante, ce qui relève de l’examen des moyens tirés de l’erreur d’appréciation, il y a lieu de conclure que le Conseil n’a pas violé les droits de la défense de la requérante en ce qui concerne l’accès aux documents sur lesquels le Conseil s’est fondé pour adopter des mesures restrictives à l’égard de cette dernière.

111    Dans ces circonstances, le Tribunal considère que la requérante a pu défendre ses droits et qu’il a été pleinement en mesure d’exercer son contrôle de la légalité des actes attaqués. Le droit à une protection juridictionnelle effective de la requérante n’a dès lors pas été violé.

112    Il convient donc de rejeter les premier, deuxième et quatrième moyens dans l’affaire T‑156/13, tirés d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, comme non fondés.

 Dans l’affaire T-373/14

113    La requérante invoque, au stade de la réplique dans l’affaire T‑373/14, une violation des droits de la défense en ce que le Conseil aurait dû l’informer des motifs pour lesquels il envisageait de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et lui permettre ainsi de faire valoir son point de vue sur lesdits motifs avant l’adoption d’une décision à cet égard et non pas après.

114    Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 129 du règlement de procédure, le Tribunal peut soulever d'office toute fin de non-recevoir d'ordre public. À ce titre, doivent être déclarés irrecevables les moyens exposés pour la première fois au stade de la réplique et qui ne sont pas fondés sur des éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure. En effet, il ressort des dispositions combinées des articles 76, sous d), et 84, paragraphe 1, du règlement de procédure que la requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure (voir, par analogie, arrêt du 20 novembre 1990, Hanning/Parlement, T‑37/89, Rec, EU:T:1990:49, point 38).

115    En l’espèce, le Tribunal constate que, dans la requête dans l’affaire T‑373/14, la requérante n’a soulevé aucun moyen tiré d’une violation de ses droits de la défense qu’aurait commise le Conseil en adoptant la décision de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Partant, dès lors que l’argument avancé par la requérante à cet égard dans la réplique ne se fonde sur aucun élément nouveau qui se serait révélé au cours de la procédure et que cet argument ne saurait être considéré comme une ampliation d’un grief énoncé antérieurement dans la requête, il y a lieu de le rejeter comme irrecevable car tardif.

116    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’ensemble des moyens tirés d’une violation des droits de la défense.

 Sur les moyens tirés d’une erreur d’appréciation

117    La requérante estime que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes litigieuses sont dénués de tout fondement.

118    Dans le cadre de la réplique dans l’affaire T‑156/13, la requérante soutient, tout d’abord, qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir qu’elle fournissait des ressources financières au gouvernement iranien. Ensuite, elle estime que, quand bien même il serait considéré qu’elle est détenue par l’État iranien par le biais de NIOC, cela ne permettrait pas de conclure qu’elle fait partie de l’État iranien. Enfin, elle considère que le Conseil n’a fourni aucun élément de preuve quant au risque qu’elle ait été utilisée par NIOC pour effectuer et recevoir des paiements.

119    Le Conseil souligne que la désignation de la requérante est justifiée en ce qu’elle est contrôlée par NIOC et fournit une source de revenus substantielle au gouvernement iranien. Selon lui, l’argument de la requérante selon lequel elle n’exerce pas d’activités et ne détient pas de fonds dans l’Union n’est pas pertinent pour contester l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

120    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt Kadi II , point 70 supra, EU:C:2013:518, point 119).

121    C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Kadi II, point 70 supra, EU:C:2013:518, points 121 à 123).

122    Ensuite, il y a lieu de souligner que, étant donné le risque non négligeable qu’une entité reconnue comme fournissant un appui au gouvernement iranien exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle pour contourner l’effet des mesures de gel de fond qui la visent, en les incitant soit à lui transférer directement ou indirectement leurs fonds, soit à effectuer des transactions qu’elle ne peut pas opérer elle-même du fait du gel de ses fonds, l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 imposent l’adoption d’une mesure de gel des fonds à l’encontre de ces entités détenues ou contrôlées par une entité reconnue comme fournissant un appui au gouvernement iranien, le Conseil ne disposant pas de pouvoir d’appréciation à cet égard (voir, en ce sens, arrêt Melli Bank/Conseil, point 79 supra, EU:C:2012:137, points 39 et 58).

123    Partant, lors de l’adoption d’une décision en vertu de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, le Conseil doit procéder à une appréciation des circonstances de l’espèce pour déterminer quelles entités ont la qualité d’entités détenues ou contrôlées. En revanche, la nature de l’activité de l’entité concernée et l’absence éventuelle de lien entre cette activité et la fourniture d’un appui au gouvernement iranien ne sont pas des critères pertinents dans ce contexte, l’adoption d’une mesure de gel des fonds visant l’entité détenue ou contrôlée n’étant pas motivée par le fait qu’elle fournit elle-même directement un appui au gouvernement iranien (voir, en ce sens, arrêt Melli Bank/Conseil, point 79 supra, EU:C:2012:137, points 40 à 42).

124    Enfin, toujours selon la jurisprudence, lorsque la capital social ’une entité est détenu intégralement par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien, le critère d’inscription prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, ainsi qu’à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 est rempli (voir, en ce sens, arrêt Melli Bank/Conseil, point 79 supra, EU:C:2012:137, point 79).

125    Il s’ensuit que l’adoption des mesures restrictives visant une entité détenue à 100 % par une entité considérée comme fournissant un appui au gouvernement iranien ne résulte pas d’une appréciation du Conseil quant au risque qu’elle soit amenée à contourner l’effet des mesures adoptées à l’encontre de son entité mère, mais découle directement de la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012 (voir, en ce sens, arrêt du 20 février 2013, Melli Bank/Conseil, T‑492/10, Rec, EU:T:2013:80, point 57).

126    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que le motif principal ayant conduit le Conseil à inscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses est que cette dernière a été constituée et est contrôlée par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien, en l’occurrence NIOC. Les autres motifs mentionnés dans les actes attaqués sont en effet liés à ce motif principal ou n’en sont qu’une conséquence (voir points 78 et 79 ci-dessus). Or, la requérante ne conteste ni le fait qu’elle a été constituée et est entièrement détenue par NIOC ni le fait que cette dernière fait l’objet de mesures restrictives au motif qu’elle apporte des ressources financières au gouvernement iranien.

127    Conformément au principe issu de la jurisprudence mentionnée au point 124 ci-dessus, il y a dès lors lieu de conclure que l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses était justifiée au regard du critère prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012. Sur la base de ce critère, le Conseil n’était en effet nullement tenu de démontrer que la requérante apportait elle-même directement un appui financier au gouvernement iranien ou qu’il existait un risque que celle-ci soit utilisée par NIOC pour effectuer ou recevoir des paiements, ce risque étant, dans un cas comme en l’espèce, présumé.

128    Par ailleurs, comme le souligne le Conseil, le fait que la requérante soit établie en Suisse et ne soit dès lors pas soumise à la règlementation de l’Union sur l’Iran n’est pas pertinent pour contester les mesures restrictives prises à son égard. En effet, le Conseil peut décider du gel des fonds et des ressources économiques se trouvant sur le territoire de l’Union à l’égard de toute entité, et ce quel que soit son lieu d’établissement, pour autant que celle-ci remplisse l’un des critères d’inscription prévu par la décision 2010/413 et par le règlement n° 267/2012. Or, force est de constater qu’aucun desdits critères d’inscription ne prévoit comme condition d’application l’établissement au sein de l’Union de l’entité dont le Conseil envisage de geler les fonds.

129    S’agissant du bien-fondé de la décision de maintien, dans la mesure où la requérante ne conteste pas davantage sa détention ou son contrôle par NIOC dans l’affaire T‑373/14, il y a lieu de conclure que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses demeurait justifiée lors de l’adoption de ladite décision.

130    Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter les moyens tirés d’une erreur d’appréciation comme non fondés.

 Sur le sixième moyen dans l’affaire T‑156/13, tiré d’une violation du droit de propriété

131    La requérante fait valoir que les actes attaqués restreignent sa capacité à conclure des contrats et sont contraires au principe de proportionnalité.

132    Elle ajoute que la violation des exigences procédurales et, notamment, de l’obligation de fournir les motifs justifiant les actes attaqués entraîne de jure une violation de son droit de propriété.

133    Le Conseil soutient que les mesures de gel de fonds poursuivent un but légitime, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité au niveau international, et sont proportionnées.

134    En premier lieu, il convient de rappeler que le Conseil a rempli ses obligations procédurales, notamment en notifiant à la requérante les motifs de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses (voir points 88 à 116 ci-dessus). Une violation du droit de propriété ne saurait dès lors, en l’espèce, résulter de la violation d’une desdites obligations procédurales.

135    En deuxième lieu, il convient de relever que la requérante n’a pas établi en quoi les mesures restrictives la visant violaient son droit de propriété.

136    En effet, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que les mesures de gel de fonds adoptées par le Conseil ne visent que les fonds situés sur le territoire de l’Union. Dans la mesure où la requérante affirme elle-même qu’elle ne dispose d’aucun fonds sur des comptes au sein de l’Union, les mesures prises à son égard ne sauraient dès lors violer son droit de propriété en ce qu’elles la priveraient de disposer de certains fonds.

137    Ensuite, la requérante n’explique aucunement en quoi le gel de ses fonds au sein de l’Union, où elle prétend ne disposer d’aucun fonds, serait susceptible de restreindre sa capacité à conclure des contrats avec d’éventuels partenaires commerciaux. Il ressort en effet de son argumentation que la prétendue perturbation de ses relations commerciales serait davantage une conséquence de l’application des articles 8 et 9 du règlement n° 267/2012, qui interdisent de fournir à toute entité iranienne, même non inscrite sur les listes des personnes ou des entités visées par des mesures restrictives, certains biens et services destinés aux secteurs de l’industrie du pétrole et du gaz, ainsi que de l’article 41 dudit règlement qui interdit de contourner ces dispositions, que des mesures de gel de fonds qui la visent. Or, la requérante ne saurait, dans le cadre du présent recours, remettre en cause la légalité des articles 8, 9 ou 41 du règlement n° 267/2012 dès lors qu’aucun de ces articles ne constitue la base juridique des actes attaqués.

138    En troisième lieu, en tout état de cause, quand bien même les mesures restrictives adoptées à l’égard de la requérante restreindraient son droit de propriété ou son droit d’exercer une activité économique en limitant sa capacité à conclure des contrats, il a été considéré que, eu égard à l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité au niveau international, les atteintes aux droits susvisés qui résultent de l’inscription sur les listes des entités détenues ou contrôlées par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien sont appropriées et nécessaires aux fins d’exercer une pression sur ledit gouvernement afin de le contraindre à cesser ses activités de prolifération nucléaire (voir, en ce sens, arrêt Melli Bank/Conseil, point 79 supra, EU:C:2012:137, point 61). Partant, en l’espèce, de telles atteintes ne sauraient être considérées comme démesurées par rapport aux buts visés.

139    Dans ces circonstances, le sixième moyen dans l’affaire T‑156/13 doit être rejeté comme non fondé.

140    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les recours dans les affaires jointes T-156/13 et T-373/14 doivent être rejetés dans leur ensemble.

 Sur les dépens

141    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Petro Suisse Intertrade Co. SA supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.