Language of document : ECLI:EU:T:1999:80

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

20 avril 1999 (1)

«Concurrence — Article 85 du traité CE — Effets d'un arrêt d'annulation — Droits de la défense — Amende»

Dans les affaires jointes T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94,

Limburgse Vinyl Maatschappij NV, société de droit belge, établie à Bruxelles, représentée par Me Inne G. F. Cath, avocat près le Hoge Raad der Nederlanden, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Lambert Dupong, 4-6, rue de la Boucherie,

Elf Atochem SA, société de droit français, établie à Paris, représentée par Mes Xavier de Roux, Charles-Henri Léger et Jacques-Philippe Gunther, avocats au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jacques Loesch, 11, rue Goethe,

BASF AG, société de droit allemand, établie à Ludwigshafen (Allemagne), représentée par Me Ferdinand Hermanns, avocat à Düsseldorf, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Jacques Loesch et Marc Wolters, 11, rue Goethe,

Shell International Chemical Company Ltd, société de droit anglais, établie à Londres, représentée par MM. Kenneth B. Parker, QC, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, et John W. Osborne, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jean Hoss, 2, place Winston Churchill,

DSM NV et DSM Kunststoffen BV, sociétés de droit néerlandais, établies à Heerlen (Pays-Bas), représentées par Me Inne G. F. Cath, avocat près le Hoge Raad der Nederlanden, ayant élu domicile à Luxembourg, en l'étude de Me Lambert Dupong, 4-6, rue de la Boucherie,

Wacker-Chemie GmbH, société de droit allemand, établie à Munich (Allemagne),

Hoechst AG, société de droit allemand, établie à Francfort-sur-le Main (Allemagne),

représentées par Mes Hans Hellmann et Hans-Joachim Hellmann, avocats à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Jacques Loesch et Marc Wolters, 11, rue Goethe,

Société artésienne de vinyle, société de droit français, établie à Paris, représentée par Me Bernard van de Walle de Ghelcke, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Alex Schmitt, 7, Val Sainte-Croix,

Montedison SpA, société de droit italien, établie à Milan (Italie), représentée par Mes Giuseppe Celona, Giorgio Aghina, avocats au barreau de Milan, et Piero Angelo Maria Ferrari, avocat au barreau de Rome ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Georges Margue, 20, rue Philippe II,

Imperial Chemical Industries plc, société de droit anglais, établie à Londres, représentée par MM. David Vaughan, QC, David Anderson, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, Victor White et Richard Coles, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Lambert Dupong, 4-6, rue de la Boucherie,

Hüls AG, société de droit allemand, établie à Marl (Allemagne), représentée initialement par Me Hansjürgen Herrmann, avocat à Cologne, puis par Me Frank Montag, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jacques Loesch, 11, rue Goethe,

Enichem SpA, société de droit italien, établie à Milan, représentée par Mes Mario Siragusa, avocat au barreau de Rome, et Francesca Maria Moretti, avocat au barreau de Bologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger, Hoss et Prussen, 2, place Winston Churchill,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Berend Jan Drijber, Julian Currall et Marc van der Woude, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Mes Éric Morgan de Rivery, avocat au barreau de Paris, Alexandre Böhlke, avocat à Francfort-sur-le-Main, David Lloyd Jones, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, Renzo Maria Morresi, avocat au barreau de Bologne, et Nicholas Forwood, QC, puis par M. Currall, assisté également de Me Marc van der Woude, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/31.865 — PVC) (JO L 239, p. 14),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. K. Lenaerts et A. Potocki, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du 9 au 12 février 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    A la suite de vérifications effectuées dans le secteur du polypropylène, les 13 et 14 octobre 1983, fondées sur l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»), la Commission des Communautés européennes a ouvert un dossier concernant le polychlorure de vinyle (ci-après «PVC»). Elle a alors opéré diverses vérifications dans les locaux des entreprises concernées et adressé plusieurs demandes de renseignements à ces dernières.

2.
    Le 24 mars 1988, la Commission a ouvert, au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, une procédure d'office à l'encontre de quatorze producteurs de PVC. Le 5 avril 1988, elle a adressé à chacune de ces entreprises la communication des griefs prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après «règlement n° 99/63»). Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs ont présenté des observations dans le courant du mois de juin 1988. A l'exception de Shell International Chemical Company Ltd, qui n'en avait pas fait la demande, elles ont été entendues dans le courant du mois de septembre 1988.

3.
    Le 1er décembre 1988, le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes a émis son avis sur l'avant-projet de décision de la Commission.

4.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision 89/190/CEE, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.865, PVC) (JO 1989, L 74, p. 1, ci-après «décision initiale» ou «décision de 1988»). Par cette décision, la Commission a sanctionné, pour infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, les producteurs de PVC suivants: Atochem SA, BASF AG, DSM NV, Enichem SpA, Hoechst AG, Hüls AG, Imperial Chemical Industries plc, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Montedison SpA, Norsk Hydro AS, la Société artésienne de vinyle, Shell International Chemical Company Ltd, Solvay et Cie et Wacker-Chemie GmbH.

5.
    Toutes ces entreprises, à l'exception de Solvay et Cie (ci-après «Solvay»), ont déposé un recours contre cette décision devant le juge communautaire afin d'en obtenir l'annulation.

6.
    Par ordonnance du 19 juin 1990, Norsk Hydro/Commission (T-106/89, non publiée au Recueil), le Tribunal a déclaré irrecevable le recours de cette entreprise.

7.
    Les affaires, enregistrées sous les numéros T-79/89, T-84/89, T-85/89, T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

8.
    Par arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79/89, T-84/89, T-85/89, T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, Rec. p. II-315), le Tribunal a déclaré inexistante la décision de 1988.

9.
    Sur pourvoi de la Commission, la Cour a, par arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C-137/92 P, Rec. p. I-2555, ci-après «arrêt du 15 juin 1994»), annulé l'arrêt du Tribunal et la décision de 1988.

10.
    A la suite de cet arrêt, la Commission a adopté, le 27 juillet 1994, une nouvelle décision à l'encontre des producteurs mis en cause par la décision initiale, à

l'exception toutefois de Solvay et de Norsk Hydro AS (ci-après «Norsk Hydro») [décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/31.865 — PVC) (JO L 239, p. 14, ci-après «Décision»)].

11.
    La Décision comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

BASF AG, DSM NV, Elf Atochem SA, Enichem SpA, Hoechst AG, Hüls AG, Imperial Chemical Industries plc, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Montedison SpA, Société artésienne de vinyle SA, Shell International Chemical [Company] Ltd et Wacker-Chemie GmbH ont enfreint, pour les périodes indiquées dans la présente décision, les dispositions de l'article 85 du traité en participant (ensemble avec Norsk Hydro [...] et Solvay [...]) à un accord et/ou à une pratique concertée remontant au mois d'août de l'année 1980 environ, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en PVC le territoire du marché commun ont assisté à des réunions périodiques afin de fixer des prix 'cibles‘ et des quotas 'cibles‘, de planifier des initiatives concertées visant à relever le niveau des prix et de surveiller la mise en oeuvre de ces arrangements collusoires.

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er, qui sont encore actives dans le secteur du PVC, à l'exception de Norsk Hydro [...] et de Solvay [...], qui ont déjà reçu ordre de faire cesser l'infraction, mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur PVC, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés pour le secteur du PVC est géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés; les entreprises s'abstiennent plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:

i)    BASF AG: une amende de 1 500 000 écus;

ii)    DSM NV: une amende de 600 000 écus;

iii)    Elf Atochem SA: une amende de 3 200 000 écus;

iv)    Enichem SpA: une amende de 2 500 000 écus;

v)    Hoechst AG: une amende de 1 500 000 écus;

vi)    Hüls AG: une amende de 2 200 000 écus;

vii)    Imperial Chemical Industries plc: une amende de 2 500 000 écus;

viii)    Limburgse Vinyl Maatschappij NV: une amende de 750 000 écus;

ix)    Montedison SpA: une amende de 1 750 000 écus;

x)    Société artésienne de vinyle SA: une amende de 400 000 écus;

xi)    Shell International Chemical Company Ltd: une amende de 850 000 écus;

xii)    Wacker-Chemie GmbH: une amende de 1 500 000 écus.»

Procédure

12.
    Par différentes requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 5 et le 14 octobre 1994, les entreprises Limburgse Vinyl Maatschappij NV (ci-après «LVM»), Elf Atochem, BASF AG (ci-après «BASF»), Shell International Chemical Company Ltd (ci-après «Shell»), DSM NV et DSM Kunststoffen BV (ci-après «DSM»), Wacker-Chemie GmbH (ci-après «Wacker»), Hoechst AG (ci-après «Hoechst»), la Société artésienne de vinyle (ci-après «SAV»), Montedison SpA (ci-après «Montedison»), Imperial Chemical Industries plc (ci-après «ICI»), Hüls AG (ci-après «Hüls»), et Enichem SpA (ci-après «Enichem») ont introduit les présents recours.

13.
    Sur le fondement de l'article 64 du règlement de procédure, une réunion entre les membres de la troisième chambre élargie et les parties s'est tenue le 6 avril 1995. Au cours de cette réunion, les parties ont accepté de suspendre la procédure écrite et d'organiser une procédure orale limitée à l'examen des moyens de procédure et se sont prononcées pour la jonction des affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94.

14.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale, limitée à l'examen des moyens de procédure, sans mesure préalable d'instruction ou d'organisation de la procédure.

15.
    Par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du 25 avril 1995 (non publiée au Recueil), les affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94 ont été jointes aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure.

16.
    La procédure orale s'est déroulée les 13 et 14 juin 1995.

17.
    Par ordonnance du 14 juillet 1995 (non publiée au Recueil), le président de la troisième chambre élargie a ordonné la reprise de la procédure écrite et la disjonction des affaires.

18.
    La procédure écrite a été close le 20 février 1996.

19.
    Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal (troisième chambre élargie), a informé les parties, par lettre du 7 mai 1997, de sa décision d'accorder à chacune des parties requérantes l'accès au dossier de la Commission dans l'affaire ayant donné lieu à la Décision, sous réserve des documents internes de la Commission et des documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles.

20.
    Après avoir consulté le dossier durant les mois de juin et de juillet 1997, toutes les parties requérantes, à l'exception de celles dans les affaires T-315/94 et T-316/94, ont déposé des observations au greffe du Tribunal, selon les cas, en juillet et en septembre 1997. La Commission a présenté ses observations en réponse au cours du mois de décembre 1997.

21.
    Par ordonnance du 22 janvier 1998, les parties entendues, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a joint de nouveau les présentes affaires aux fins de la procédure orale.

22.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

23.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 9 au 12 février 1998.

24.
    A cette occasion, elles ont déclaré n'avoir aucune objection à ce que les affaires soient jointes aux fins de l'arrêt.

25.
    Lors de l'audience, le Tribunal était composé de Mme V. Tiili, président, MM. C. P. Briët, K. Lenaerts, A. Potocki et J. D. Cooke. A la suite de l'expiration du mandat de M. le juge Briët, le 17 septembre 1998, le présent arrêt a été délibéré par les trois juges dont il porte la signature, conformément à l'article 32, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Conclusions des parties

26.
    Chaque partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler, en tout ou en partie, la Décision,

—     à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant,

—    condamner la Commission aux dépens.

27.
    Dans les affaires T-315/94, T-316/94 et T-329/94, Wacker, Hoechst et Hüls concluent également à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    faire verser au dossier le rapport du conseiller-auditeur et ordonner qu'il soit communiqué à la requérante,

—    ordonner que le procès-verbal de l'audition, y compris les annexes, soit communiqué à la requérante.

28.
    En outre, dans les affaires T-315/94 et T-329/94, Wacker et Hüls concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    ordonner que la défenderesse soumette au Tribunal l'avis rendu par le service juridique sur les questions de procédure liées à la décision litigieuse et que cet avis leur soit communiqué.

29.
    Dans les affaires T-315/94 et T-316/94, Wacker et Hoechst concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    prendre en considération le dossier de procédure produit dans l'affaire T-92/89.

30.
    Dans l'affaire T-325/94, Montedison conclut également à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    condamner la Commission au versement de dommages et intérêts, à raison des frais liés à la constitution de la garantie et pour tout autre frais résultant de la Décision,

—    verser au dossier de la présente affaire les actes et documents produits dans l'instance T-104/89,

—    entendre, en qualité de témoins, l'administrateur délégué et le dirigeant responsable de Montedison au 1er novembre 1982.

31.
    La Commission conclut dans chacune des affaires à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours,

—    condamner les requérantes aux dépens.

Sur la recevabilité des moyens au regard des articles 44, paragraphe 1, 46, paragraphe 1, et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure

32.
    La Commission a soulevé, à l'égard de plusieurs moyens invoqués par les requérantes, des exceptions d'irrecevabilité fondées, selon les cas, sur l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure ou sur l'article 48, paragraphe 2, de ce même règlement. Une requérante a également soulevé une exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, de ce règlement. Chacune de ces catégories d'exceptions d'irrecevabilité fera l'objet d'un examen distinct.

I — Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure

Arguments des parties

33.
    La Commission relève que Montedison opère, au stade de la réplique, un renvoi global à l'ensemble des moyens de procédure développés par les parties dans des plaidoiries communes lors de l'audience des 13 et 14 juin 1995. Les textes de ces plaidoiries ne seraient pas joints à son mémoire, compte tenu de la prétendue connaissance qu'en aurait le Tribunal.

34.
    Elle souligne également qu'Enichem énumère, au stade de la réplique et en introduction de la partie de son mémoire relative aux moyens de procédure, l'ensemble des moyens de procédure développés par les requérantes dans leurs plaidoiries communes, à l'occasion de l'audience des 13 et 14 juin 1995, qu'elle déclare faire siens. A cette fin, Enichem a joint en annexe à son mémoire en réplique le texte des notes de plaidoiries de l'ensemble des conseils des requérantes.

35.
    Or, de tels renvois ne seraient pas conforme aux dispositions de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal (ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56/92, Rec. p. II-1267, points 21 à 23). En effet, le Tribunal ne saurait se substituer au requérant en

tentant de rechercher et d'identifier lui-même les éléments, contenus dans ces documents auxquels il est fait renvoi, qu'il pourrait considérer comme étant susceptibles de justifier les conclusions formulées dans la requête.

36.
    La Commission soutient également que les moyens énumérés par Shell dans le corps de la réplique et développés dans les annexes à celle-ci devraient être déclarés irrecevables et écartés des débats (arrêts de la Cour du 13 décembre 1990, Commission/Grèce, C-347/88, Rec. p. I-4747, point 29, du 13 mars 1992, Commission/Allemagne, C-43/90, Rec. p. I-1909, point 8; arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, Rec. p. II-1901, point 46, et ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, de Hoe/Commission, T-85/92, Rec. p. II-523).

37.
    En effet, tout mémoire devrait indiquer clairement les éléments de fait et de droit applicables à l'espèce et, à l'exception de la requête, répondre au mémoire précédent. En se référant ainsi à des documents annexés, présentés par d'autres avocats dans d'autres affaires, la requérante contraindrait le Tribunal à tenter d'identifier lui-même les éléments que Shell avait l'intention d'invoquer à l'appui de sa requête. En outre, les documents annexés ne seraient que des notes préparées par certains avocats en vue de l'audience des 13 et 14 juin 1995, mais ne correspondraient pas nécessairement à ce qui a été effectivement plaidé; or, le compte rendu de l'audience ne serait pas accessible. Par ailleurs, la requérante ne s'appuierait que sur certaines parties des notes de plaidoiries d'un des avocats; en outre, certaines de ces notes renverraient elles-mêmes aux arguments présentés par d'autres parties dans leurs conclusions et mémoires.

38.
    La Commission rappelle enfin que, à l'issue de la procédure orale, aux seules fins de laquelle les affaires avaient été jointes, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a ordonné la disjonction des affaires.

Appréciation du Tribunal

39.
    En vertu de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête même. Si ce texte peut être étayé etcomplété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d'autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l'absence des éléments essentiels dans la requête (voir, notamment, ordonnance Koelman/Commission, précitée, point 21). En outre, il n'appartient pas au Tribunal de rechercher et d'identifier, dans les annexes, les

moyens et arguments qu'il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84/96, Rec. p. II-2081, point 34).

40.
    Cette interprétation de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure vise également les conditions de recevabilité du mémoire en réplique qui est destiné, selon l'article 47, paragraphe 1, du même règlement, à compléter la requête.

41.
    En l'espèce, il y a lieu de relever que Shell, Montedison et Enichem opèrent, dans leurs mémoires en réplique, un renvoi global aux moyens et arguments développés en commun par certaines requérantes lors de la procédure orale devant le Tribunal, tenue les 13 et 14 juin 1995. Ce renvoi global à des documents, même annexés à la réplique, ne peut pas remplacer l'exposé des faits, moyens et arguments dans le texte même du mémoire.

42.
    Le Tribunal relève également qu'Enichem complète le texte de sa réplique sur des points spécifiques par des renvois aux documents annexés. Toutefois, ces renvois ne visent la pièce annexée concernée que de manière générale et ne permettent donc pas au Tribunal d'identifier précisément les arguments qu'il pourrait considérer comme complétant les moyens développés dans la requête.

43.
    Dans ces conditions, pour autant qu'il y est procédé à un renvoi aux plaidoiries communes, les mémoires en réplique de Shell, de Montedison et d'Enichem ne satisfont pas aux exigences de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et ne sauraient donc être pris en considération.

II — Sur l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, du règlement de procédure

Arguments des parties

44.
    Hüls conteste que la Commission soit recevable, au titre de l'article 46, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, à renvoyer au rapport d'audience qui avait été préparé dans l'affaire T-86/89, Hüls/Commission, pour répondre à certains moyens avancés dans sa requête (arrêts de la Cour du 8 juillet 1965, Prakash/Commission, 19/63 et 65/63, Rec. p. 677, 693, du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325, point 2, et Commission/Allemagne, précité, points 7 et 8; arrêts du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T-82/89, Rec. p. II-735, point 22, et ICI/Commission, précité, point 47).

45.
    La Commission considère que la manière de citer qu'elle a utilisée dans son mémoire en défense ne constitue pas un renvoi global, au sens de la jurisprudence invoquée par la requérante. En réalité, celle-ci méconnaîtrait la fonction même

d'une annexe, qui permet un renvoi formel sans répétition superflue. En outre, la Commission estime que le renvoi à un autre recours impliquant les mêmes parties au sujet d'un même ensemble est recevable (arrêt ICI/Commission, précité, point 47).

Appréciation du Tribunal

46.
    Aux termes de l'article 46, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, tout mémoire en défense doit contenir les arguments de fait et de droit invoqués. Les arguments invoqués par la partie défenderesse doivent être exposés d'une manière suffisamment claire et précise, fût-elle sommaire, dans le texte même du mémoire en défense pour permettre à la partie requérante de préparer sa réplique et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l'appui.

47.
    En l'espèce, la Commission, sous l'intitulé «Les moyens de fond», se borne à déclarer dans son mémoire en défense que, «afin d'assurer sa défense, [elle] se voit obligée d'introduire dans la présente procédure l'argumentation déjà développée [dans le cadre des recours formés contre la décision de 1988]. Au lieu de reproduire textuellement le mémoire en défense, elle estime qu'au stade actuel de la procédure, il est utile et judicieux de renvoyer à l'exposé qu'elle avait présenté dans l'affaire T-86/89, tel qu'il est résumé dans le rapport d'audience». Elle énonce ensuite les titres correspondants du rapport d'audience, renvoie à des pages dudit rapport et formule des remarques destinées à compléter les moyens auxquels elle se réfère.

48.
    Le Tribunal constate que les arguments de fait et de droit invoqués par la partie défenderesse sous l'intitulé «Les moyens de fond» ne sont exposés que sous la forme de titres, de sorte qu'ils ne peuvent pas être considérés comme satisfaisant aux conditions de clarté et de précision requises aux fins de la recevabilité. Partant, ces éléments de fait et de droit doivent être déclarés irrecevables.

III — Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure

Arguments des parties

49.
    La Commission fait valoir que tout moyen invoqué pour la première fois au stade du mémoire en réplique, qui ne peut être regardé comme se fondant sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, est un moyen nouveau devant être déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68/89, T-77/89 et T-78/89, Rec. p. II-1403, point 82, du 18 novembre 1992, Rendo e.a./Commission, T-16/91, Rec. p. II-2417,

point 131, et du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289, point 409).

50.
    En l'espèce, plusieurs moyens soulevés par LVM, BASF, DSM et ICI seraient, sur le fondement de cette règle, irrecevables.

51.
    La Commission soutient que l'ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 14 juillet 1995, ordonnant la reprise de la procédure écrite et la disjonction des affaires, ne pourrait être interprétée comme autorisant une partie à soulever tous les moyens de procédure, y compris ceux qui n'avaient été développés dans leur requête que par d'autres requérants.

52.
    De surcroît, la plupart des annexes jointes au mémoire en réplique de Hüls devraient être écartées, au motif qu'elles ne sont pas rédigées dans la langue de procédure en violation des dispositions de l'article 35, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

53.
    Aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

54.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que BASF a soulevé, pour la première fois dans sa réplique, les moyens tirés respectivement de la violation du principe non bis in idem, de la violation de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après «accord EEE»), de la violation du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque, de la prescription, de la violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (ci-après «CEDH»), et également celui tiré de la violation de l'obligation d'entendre la requérante avant la décision de s'écarter de la procédure prévue par les règlements n° 17 et n° 99/63.

55.
    Dans sa réplique, ICI invoque un moyen tiré de la violation du règlement intérieur de la Commission, en ce que, avant l'adoption de la Décision, le service juridique de la Commission n'aurait pas été consulté. ICI soutient que l'absence de consultation du service juridique de la Commission avant l'adoption de la Décision, qui aurait été révélée dans le rapport d'audience établi dans l'affaire T-307/94 avant l'audience du mois de juin 1995, constitue un fait nouveau révélé durant la procédure. Cet argument ne peut pas être accueilli. A cet égard, il suffit de constater que ce rapport d'audience ne mentionne pas que le service juridique n'a pas été consulté du tout, mais qu'«il n'existe pas d'avis du service juridique, portant sur le point de savoir si une nouvelle décision pouvait être adoptée à l'égard des producteurs de PVC, sur la base de la procédure administrative antérieure à

l'adoption de la décision du 21 décembre 1988» («Die Kommission behauptet, es gebe kein Gutachten des Juristischen Dienstes zu der Frage, ob eine neue Entscheidung gegenüber den PVC-Herstellern auf der Grundlage des Verwaltungsverfahrens erlassen werden könne, das vor dem Erlaß der Entscheidung vom 21. Dezember 1988 durchgeführt worden sei.») Il ne peut donc être conclu que cet extrait du rapport d'audience dans l'affaire T-307/94 constitue un fait nouveau indiquant que l'adoption de la Décision n'a pas été précédée de l'avis du service juridique.

56.
    De plus, pour autant que l'argumentation d'ICI doive être comprise en ce sens qu'il est soutenu, dans le cadre du même moyen et par renvoi au texte d'une des plaidoiries communes joint en annexe à sa réplique, que le règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque de l'adoption de la Décision est illégal, il y a lieu de constater que cette exception d'illégalité est invoquée pour la première fois dans la réplique sans toutefois que la requérante ait été empêchée de la soulever dans sa requête introductive d'instance.

57.
    Hüls invoque dans sa réplique, et joint à celle-ci, les notes de plaidoiries correspondant aux sujets exposés en commun lors de l'audience qui s'est déroulée les 13 et 14 juin 1995. Il convient de relever que les sujets traités dans ces notes, pour autant qu'ils sont exposés sous la forme d'une argumentation développée dans le mémoire en réplique, concernent des moyens qui ont été soulevés par la requérante dans son mémoire introductif d'instance, à l'exception du moyen tiré de l'absence de participation de l'autorité de surveillance de l'Association européenne de libre-échange (ci-après «AELE»), lequel a donc été soulevé pour la première fois dans la réplique.

58.
    En outre, le Tribunal constate que les notes de plaidoiries communes jointes en annexe au mémoire en réplique de Hüls ne sont pas rédigées dans la langue de procédure choisie par la requérante et que celle-ci n'a pas présenté de traductions en extrait de ces pièces volumineuses, contrairement aux dispositions de l'article 35, paragraphe 3, du règlement de procédure. Cependant, dans les circonstances très particulières de l'espèce et compte tenu de la possibilité accordée par le Tribunal d'employer l'une quelconque des langues de procédure pour plaider certains sujets communs lors de la procédure orale des 13 et 14 juin 1995, le Tribunal estime, nonobstant le prononcé de la disjonction des affaires après cette procédure orale, que ne pas accepter ces annexes rédigées dans une langue qui n'est pas la langue de procédure choisie par la requérante relèverait d'un formalisme excessif. Par conséquent, les annexes au mémoire en réplique de Hüls doivent être acceptées telles qu'elles sont.

59.
    LVM et DSM font valoir, dans leurs répliques, au soutien d'un moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité déjà exposé dans leur requête, que laCommission a méconnu l'obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l'article 190 du traité CE. Le Tribunal considère que, vu la formulation de ce grief

dans le contexte du moyen en cause, une telle allégation ne revêt aucun caractère autonome par rapport au moyen sous lequel elle est invoquée. Partant, elle ne peut pas être considérée comme un moyen distinct invoqué pour la première fois dans la réplique.

60.
    Enfin, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut soulever d'office toute fin de non-recevoir d'ordre public.

61.
    A cet égard, le Tribunal relève que Elf Atochem a fait valoir pour la première fois dans son mémoire en réplique que la Commission a méconnu l'obligation de coopération avec l'autorité de surveillance AELE.

62.
    En ce qui concerne la SAV, il y a lieu de relever qu'elle invoque dans sa requête introductive d'instance un moyen tiré de la «violation des principes de bonne administration et des droits de la défense, pour ne pas avoir entamé la procédure dans un délai raisonnable». Dans sa réplique, la requérante ajoute, sous le moyen intitulé «Violation des principes de bonne administration de la justice et des droits de la défense», que la Commission n'a pas tenu compte de l'audition qui s'est déroulée en septembre 1988, faute d'avoir eu suffisamment de temps pour examiner le procès-verbal de l'audition avant d'adopter la décision de 1988. Cette dernière argumentation doit être considérée comme un moyen à part entière puisque celle-ci ne vise aucunement l'engagement de la procédure dans un délai raisonnable. Ce moyen, qui ne se rattache à aucun de ceux exposés dans la requête, doit donc être considéré comme ayant été soulevé pour la première fois au stade de la réplique.

63.
    Or, en l'espèce, aucun élément nouveau ne s'est révélé pendant la procédure justifiant qu'Elf Atochem et la SAV présentent tardivement leurs moyens. Ces deux requérantes ont donc eu la possibilité d'invoquer ces moyens respectifs dans leurs requêtes introductives d'instance. Partant, elles ne peuvent, selon l'article 48, paragraphe 2, les soulever au stade de la réplique.

64.
    Au vu de ce qui précède, les moyens invoqués par Elf Atochem, BASF, la SAV, ICI et Hüls, exposés pour la première fois au stade de la réplique et qui ne sont pas fondés sur des éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure, doivent être déclarés irrecevables.

Sur les conclusions en annulation de la Décision

I — Sur les moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédure

65.
    Les différents moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédure invoqués par les parties requérantes peuvent s'ordonner autour de quatre axes principaux. Tout d'abord, celles-ci contestent tant l'interprétation que la

Commission a faite de la portée de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988 que les conséquences qu'elle en a tirées (A). Ensuite, elles soutiennent que des irrégularités ont été commises lors de l'adoption et de l'authentification de la Décision (B). Elles font également valoir que la procédure ayant précédé l'adoption de la décision de 1988 est entachée d'irrégularités (C). Enfin, la Décision serait insuffisamment motivée relativement à certaines questions entrant dans les trois catégories qui précèdent (D).

A — Sur les effets de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988

66.
    Les moyens et arguments des requérantes s'organisent autour de trois idées distinctes. Premièrement, des requérantes soutiennent que, du fait de l'arrêt du 15 juin 1994, la Commission ne pouvait pas adopter une nouvelle décision. Deuxièmement, certaines requérantes font valoir que l'arrêt du 15 juin 1994, en annulant la décision de 1988, a fait rétroactivement disparaître les actes préparatoires ayant conduit à l'adoption de cette décision à l'égard de toutes les entreprises qui en ont été destinataires. Troisièmement, des requérantes estiment que, si la Commission pouvait adopter une nouvelle décision afin de tirer les conséquences de l'arrêt du 15 juin 1994, elle aurait cependant dû respecter certaines exigences procédurales.

1. Sur le pouvoir de la Commission d'adopter une nouvelle décision après l'arrêt du 15 juin 1994

67.
    L'argumentation des parties requérantes peut être regroupée en trois branches. Dans une première branche, il est soutenu que la Commission, après l'arrêt du 15 juin 1994, ne pouvait pas adopter une nouvelle décision dans «l'affaire PVC». La deuxième branche vise des moyens tirés de l'écoulement du temps, selon lesquels la Commission ne pouvait plus exercer sa compétence pour adopter la Décision. Enfin, la troisième branche concerne les moyens tirés de la prétendue méconnaissance par la Commission de son pouvoir d'appréciation.

68.
    Chacune de ces catégories de l'argumentation des parties requérantes sera examinée séparément.

a) Sur les moyens tirés de la prétendue impossibilité pour la Commission d'adopter la Décision

69.
    Au soutien de leurs conclusions sur l'impossibilité pour la Commission d'adopter la Décision, les requérantes invoquent deux moyens.

70.
    Le premier moyen est tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée. Le second moyen est pris de la violation du principe non bis in idem.

Sur le moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée

— Arguments des parties

71.
    LVM, DSM, ICI et Enichem font valoir que la Commission ne pouvait pas adopter la Décision sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 15 juin 1994.

72.
    LVM et DSM soulignent que la distinction entre vices formels et vices matériels affectant la décision annulée ne reposerait sur aucun fondement juridique, textuel ou jurisprudentiel. Ni l'article 174 du traité ni l'arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, BASF e.a./Commission (T-80/89, T-81/89, T-83/89, T-87/89, T-88/89, T-90/89, T-93/89, T-95/89, T-97/89, T-99/89, T-100/89, T-101/89, T-103/89, T-105/89, T-107/89 et T-112/89, Rec. p. II-729, point 78), n'établiraient une telle distinction. Dans le silence de l'arrêt du 15 juin 1994, celui-ci devrait être interprété comme signifiant que l'affaire a été définitivement réglée (arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333, point 37, et du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil, 108/81, Rec. p. 3107, point 5; conclusions de l'avocat général M. Reischl sous cet arrêt, Rec. p. 3139, 3151 et 3152). Le fait que, ayant annulé l'arrêt du Tribunal, la Cour a évoqué l'affaire, en état d'être jugée, confirmerait cette interprétation.

73.
    Enichem soutient, pour sa part, que la Cour, par son arrêt du 15 juin 1994, a entendu clore définitivement la procédure engagée à l'égard des producteurs de PVC en usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article 54, premier alinéa, deuxième phrase, du statut (CE) de la Cour. Nonobstant le fait qu'elle n'a examiné que certains moyens, la Cour aurait donc statué sur l'ensemble du litige. Tous les aspects de celui-ci seraient ainsi couverts par l'autorité de la chose jugée.

74.
    En réalité, l'attitude de la Commission conduirait à accorder une primauté des moyens de fond sur les moyens de procédure, qui ne seraient qu'accessoires. Toute irrégularité de procédure pourrait ainsi être aisément corrigée. En conséquence, l'invocation de vices de procédure devant le juge communautaire serait inutile et les efforts déployés, en l'espèce, devant le Tribunal, puis la Cour, auraient été vains.

75.
    Selon la Commission, l'autorité de la chose jugée ne porte que sur les éléments sur lesquels la Cour s'est déjà prononcée. Or, en l'espèce, l'unique motif d'annulation de la décision de 1988 retenu par la Cour dans son arrêt du 15 juin 1994 consisterait dans l'absence d'authentification selon les formes prescrites, de sorte que seule l'appréciation des vices de forme faite par la Cour aurait acquis force de chose jugée. Les autres moyens de procédure et les moyens de fond n'auraient donc pas été examinés par la Cour.

76.
    Elle ajoute que, après l'annulation de la décision de 1988, aucune règle n'aurait pu permettre à la Cour de renvoyer l'affaire au Tribunal.

— Appréciation du Tribunal

77.
    L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire (arrêt de la Cour du 19 février 1991, Italie/Commission, C-281/89, Rec. p. I-347, point 14, et ordonnance de la Cour du 28 novembre 1996, Lenz/Commission, C-277/95 P, Rec. p. I-6109, point 50).

78.
    En l'espèce, il convient de constater que, dans l'arrêt du 15 juin 1994, la Cour a conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en déclarant la décision 89/190 inexistante et a déclaré que l'arrêt attaqué devant elle devait être annulé (points 53 et 54 des motifs). Dans ces circonstances, la Cour, conformément à l'article 54, premier alinéa, deuxième phrase, du statut (CEE) de la Cour, a décidé de statuer définitivement sur le litige, celui-ci étant en état d'être jugé (point 55 des motifs).

79.
    La Cour a, en conséquence, résumé les moyens soulevés par les parties requérantes dans leurs recours en annulation présentés devant le Tribunal contre la décision de 1988 en ces termes: «La procédure précontentieuse a été entachée de vices divers; la décision attaquée n'est pas ou est insuffisamment motivée; les droits de la défense n'ont pas été respectés; le système de preuve retenu par la Commission est contestable; la décision attaquée est contraire à l'article 85 du traité et aux principes généraux du droit communautaire; la décision viole les règles de prescription; elle est entachée de détournement de pouvoir; les amendes infligées sont irrégulières.» (Point 56 des motifs.)

80.
    Elle a ensuite relevé que, «[à] l'appui, notamment, du moyen tiré du défaut et de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse», des requérantes faisaient valoir, «en substance, que les motifs de la décision qui leur avait été notifiée devaient vraisemblablement différer sur plusieurs points, dont certains étaient essentiels, de la décision adoptée par le collège des [membres de la Commission] lors de sa réunion du 21 décembre 1988» (point 57 des motifs). La Cour a également indiqué: «Certaines requérantes ont, en outre, déduit de la défense de la Commission que la décision n'avait pas été adoptée dans deux des langues faisant foi, à savoir les langues italienne et néerlandaise, puisque seuls avaient été soumis au collège des projets rédigés en langues allemande, anglaise et française.» (Point 58 des motifs.) La Cour a ensuite précisé: «Dans le dernier état de leur argumentation, les sociétés requérantes ont soutenu que l'article 12 du règlement intérieur de la Commission avait été méconnu.» (Point 59 des motifs.) Enfin, elle a commencé l'examen «du bien-fondé du moyen» (point 61 des motifs).

81.
    Ayant constaté que la Commission avait violé les dispositions de l'article 12, premier alinéa, de son règlement intérieur, en omettant de procéder à l'authentification de la décision de 1988 dans les termes prévus par cet article, la Cour a conclu: «Il convient dès lors d'annuler cette dernière pour violation des

formes substantielles, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyenssoulevés par les requérantes.» (Point 78 des motifs.)

82.
    Il s'ensuit que l'arrêt du 15 juin 1994 n'a tranché, effectivement ou nécessairement, ni les autres moyens de procédure soulevés par les requérantes devant le Tribunal, ni les moyens de fond, ni, enfin, les moyens subsidiaires sur les amendes infligées.

83.
    Par ailleurs, aux termes de l'article 54, premier alinéa, du statut de la Cour, «[l]orsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue».

84.
    La seconde phrase de cette disposition n'emporte pas la conséquence que la Cour, lorsqu'elle statue elle-même définitivement sur le litige en accueillant un ou plusieurs moyen(s) soulevé(s) par les parties requérantes, tranche ipso jure tous les points de fait et de droit invoqués par celles-ci dans le contexte de l'affaire. Suivre la thèse d'Enichem reviendrait à nier que la chose jugée n'a force de vérité légale que relativement aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement jugés.

85.
    Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem

— Arguments des parties

86.
    LVM, DSM, Montedison et ICI soutiennent que la Commission a violé le principe non bis in idem en adoptant une nouvelle décision après que la Cour eut annulé la décision de 1988.

87.
    LVM, DSM et ICI rappellent qu'il appartient au juge communautaire d'assurer le respect des principes généraux du droit, tels que le principe non bis in idem (arrêts de la Cour du 5 mai 1966, Gutmann/Commission, 18/65 et 35/65, Rec. p. 149, et du 15 mars 1967, Gutmann/Commission, 18/65 et 35/65, Rec. p. 75), également énoncé par le protocole n° 7 de la CEDH et l'article 14, paragraphe 7, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé à New York le 16 mars 1966.

88.
    Selon LVM et DSM, ce principe a été méconnu par la Commission dans ses deux acceptions: d'une part, elle aurait infligé à deux reprises une sanction en raison d'une même infraction; d'autre part, elle aurait engagé à deux reprises une procédure de poursuite — même si, dans le second cas, les poursuites se sont limitées à l'adoption et à la notification de la Décision — en raison d'un même ensemble de faits (arrêts du 5 mai 1966, Gutmann/Commission, précité, p. 174, du 15 mars 1967, Gutmann/Commission, précité, p. 81, et conclusions de l'avocat

général M. Mayras sous l'arrêt de la Cour du 14 décembre 1972, Boehringer/Commission, 7/72, Rec. p. 1281, 1296).

89.
    Pour constater une violation du principe non bis in idem, seule serait déterminante l'identité des faits reprochés (arrêt Boehringer/Commission, précité, point 6), comme dans le cas d'espèce. Ni la circonstance que la décision initiale a été annulée, ce qui anéantirait les effets juridiques et non le fait même qu'une procédure de poursuites a été menée, une infraction constatée et une amende infligée, ni l'autorité de la chose jugée, ne seraient pertinentes.

90.
    ICI souligne, quant à elle, que l'arrêt du 15 juin 1994 présente un caractère obligatoire et définitif, impliquant qu'il a acquis force de chose jugée (article 65 du règlement de procédure de la Cour), sans que la Cour renvoie l'affaire au Tribunal. Toute la décision de 1988 ayant été annulée, et non pas uniquement un de ses aspects, l'arrêt de la Cour constituerait un acquittement définitif. La Commission aurait donc méconnu le principe non bis in idem en adoptant la même décision, fondée sur les mêmes éléments de droit et de fait. Cette requérante observe enfin que, dans son arrêt du 15 juin 1994, la Cour n'a pas enjoint à la Commission de prendre une nouvelle décision (voir, a contrario, arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 22).

91.
    La Commission souligne, tout d'abord, que l'argumentation développée par LVM, DSM et ICI dans le cadre de ce moyen contredit leur affirmation selon laquelle la décision de 1988 n'a, en raison de son annulation ex tunc, jamais existé.

92.
    Elle rappelle, ensuite, que la pertinence du principe non bis in idem a été admise par la Cour en droit communautaire de la concurrence (arrêt Boehringer/Commission, précité), de telle sorte que l'invocation, par les requérantes, des dispositions de la CEDH ou du Pacte international relatif aux droits civils et politiques serait superflue.

93.
    En toute hypothèse, l'argumentation des requérantes ne serait pas fondée, dès lors que, après l'annulation par la Cour de la décision de 1988, la Décision devrait être regardée comme la première décision sanctionnant, pour infraction aux dispositions de l'article 85 du traité, les entreprises intervenant sur le marché du PVC. Ni en droit ni en fait, les entreprises ne se seraient vu infliger deux amendes.

94.
    La Commission ajoute que la règle non bis in idem ne concerne que la possibilité de prononcer des sanctions; elle ne pourrait donc être confondue avec le principe de l'autorité de la chose jugée.

— Appréciation du Tribunal

95.
    Les requérantes font grief à la Commission d'avoir violé, en adoptant la Décision, le principe général de droit non bis in idem, qui interdirait, d'une part, d'infliger deux sanctions pour une même infraction et, d'autre part, d'engager à deux reprises une procédure de poursuite en raison d'un même ensemble de faits.

96.
    A cet égard, le Tribunal estime, aux fins du présent moyen, qu'une entreprise ne peut pas être poursuivie par la Commission sur le fondement des règlements n° 17 et n° 99/63 pour violation des règles communautaires de la concurrence ou sanctionnée par celle-ci par l'imposition d'une amende, en raison d'un comportement anticoncurrentiel dont le Tribunal, ou la Cour, a déjà constaté que la preuve était, ou non, apportée dans son chef par la Commission.

97.
    En l'espèce, il convient de rappeler, en premier lieu, que la Cour a annulé la décision de 1988 par l'arrêt du 15 juin 1994. La Commission, en adoptant la Décision après cette annulation, n'a donc pas fait supporter aux requérantes deux sanctions pour une même infraction.

98.
    En second lieu, la Cour, dans l'arrêt du 15 juin 1994, n'a tranché aucun des moyens de fond invoqués par les requérantes lorsqu'elle a annulé la décision de 1988 (ci-dessus point 81). Dès lors, en adoptant la Décision, la Commission s'est limitée à réparer le vice formel censuré par la Cour. Il s'ensuit que la Commission n'a pas poursuivi les requérantes à deux reprises pour un même ensemble de faits.

99.
    Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.

b) Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps

100.
    Certaines requérantes invoquent, au soutien de leurs conclusions en annulation de la Décision, plusieurs moyens tirés de l'écoulement du temps. En premier lieu, la Commission aurait violé le principe du délai raisonnable. En second lieu, elle aurait commis un abus de droit. En dernier lieu, elle aurait méconnu les principes relatifs à un procès équitable. L'argumentation de la Commission sur ces moyens sera, compte tenu de la réponse commune qu'elle y apporte, présentée dans son ensemble après celle des requérantes.

Arguments des parties

— Sur le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable

101.
    LVM, DSM et ICI font valoir que les entreprises concernées par une procédure d'application de l'article 85 du traité ont droit à ce que la Commission statue dans un délai raisonnable. Cette garantie de délai raisonnable serait consacrée en droit communautaire (voir, notamment, arrêt de la Cour du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617, point 14) et serait autonome par rapport aux règles de prescription énoncées dans le règlement (CEE) n° 2988/74 du

Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1, ci-après «règlement n° 2988/74»).

102.
    Il ressortirait, en outre, de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, qu'il doit être décidé du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dans un délai raisonnable, afin d'éviter aux justiciables une incertitude trop longue sur leur situation juridique.

103.
    LVM et DSM soutiennent que le point de départ du délai raisonnable serait tout acte d'instruction au sens de l'article 2 du règlement n° 2988/74 (Cour eur. D. H., arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, point 73, arrêt Foti e.a. du 10 décembre 1982, série A n° 56, point 52, et arrêt Corigliano du 10 décembre 1982, série A n° 57, point 34). La fin du délai correspondrait à la date d'adoption de la décision initiale.

104.
    En l'espèce, selon ces requérantes, le délai a commencé à courir en décembre 1983, date de la vérification opérée par la Commission, et s'est achevé en décembre 1988, couvrant donc une période de cinq ans, durant laquelle, d'avril 1984 à janvier 1987, la Commission serait restée inactive.

105.
    Or, dans le cadre de la CEDH, un délai raisonnable ne saurait excéder deux ans, sauf circonstances particulières (Cour eur. D. H., arrêt König du 28 juin 1978, série A n° 27, points 98 et 99). Le seul fait de relever du droit de la concurrence ne constituerait pas une circonstance particulière.

106.
    La méconnaissance du délai raisonnable pour adopter la décision de 1988 et, a fortiori, la Décision, aurait, de plus, fait naître dans le chef des entreprises une confiance légitime dans le fait qu'il ne serait pas donné suite à l'enquête.

107.
    Quant à ICI, elle considère que, en l'espèce, le retard en cause comporte deux stades. Quant à la période d'instruction, ICI souligne la passivité de la Commission du 5 juin 1984, date à laquelle la requérante a répondu à une décision au titre de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, au mois de janvier 1987, période d'ouverture des enquêtes dans les locaux d'autres producteurs de PVC. Ce délai serait déraisonnable (arrêt RSV/Commission, précité, et arrêts du Tribunal du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, T-163/94 et T-165/94, Rec. p. II-1381, et du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink's France/Commission, T-95/94, Rec. p. II-2651).

108.
    Quant au délai occasionné par les recours contentieux, soit près de cinq années, il serait imputable à la Commission compte tenu des infractions procédurales qui ont été constatées dans son chef.

109.
    LVM, DSM et ICI concluent que, ayant outrepassé le délai raisonnable, la Commission n'avait plus compétence pour adopter la décision de 1988 et, a fortiori, la Décision. Celle-ci devrait donc être annulée pour incompétence de la Commission (arrêts de la Cour du 12 novembre 1987, Ferriere San Carlo/Commission, 344/85, Rec. p. 4435, et RSV/Commission, précité).

— Sur le moyen tiré de l'abus de droit

110.
    Wacker et Hoechst soutiennent que, abstraction faite de l'appréciation des règles relatives à la prescription, le long délai qui s'est écoulé entre 1983 et 1987, périodependant laquelle la Commission serait restée inactive, et celui qui s'est écoulé entre le début de l'infraction alléguée et la date d'adoption de la Décision, soit quatorze années, sont constitutifs d'un abus de droit. Ce retard serait imputable à la seule Commission.

— Sur le moyen tiré de la violation des principes relatifs à un procès équitable

111.
    Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violé les principes relatifs à un procès équitable.

112.
    Selon Enichem, le droit à un procès équitable a été méconnu, dès lors qu'un laps de temps très long s'est écoulé entre la date des premières investigations et la date d'adoption de la Décision. Les parties seraient ainsi placées dans une situation d'extrême difficulté et de gêne en raison de l'impossibilité de reconstituer avec exactitude les faits.

113.
    Hüls soutient pour sa part que la pratique suivie par la Commission n'est pas compatible avec les règles relatives au caractère équitable du procès.

114.
    En premier lieu, alors qu'elle aurait eu connaissance de la prétendue infraction au plus tard en 1983, la Commission n'aurait procédé à une vérification dans les locaux de Hüls qu'en septembre 1987. Un tel retard dans l'ouverture de la procédure aurait affecté les possibilités de défense de Hüls et, de facto, conduit à un renversement de la charge de la preuve à son détriment. Cette constatation serait encore plus vraie en 1994. Par ailleurs, le retard accumulé devrait avoir une influence sur le niveau de l'amende infligée (arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223).

115.
    En second lieu, la requérante soutient que le principe de caducité est un élément constitutif du droit communautaire applicable (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 49, du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 30; voir également article 6 de la CEDH et décision de la commission européenne des droits de l'homme du 9 février 1990, dans l'affaire Melchers & Co./République fédérale d'Allemagne,

n° 13258/87). Le règlement n° 2988/74 ne pourrait avoir épuisé la question; si conflit il y avait, le principe de caducité, principe général du droit communautaire, l'emporterait nécessairement sur le règlement. Cette caducité aurait interdit à la Commission d'adopter en 1994 une décision portant sur des faits antérieurs de près de quinze ans.

116.
    A titre liminaire, la Commission ne conteste pas l'existence, en droit communautaire, d'un principe général, fondé sur les exigences de sécurité juridique et de bonne administration, imposant à une autorité administrative d'exercer ses pouvoirs dans certaines limites de temps (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, 45/69, Rec. p. 769, point 6).

117.
    Cependant, le règlement n° 2988/74 répondrait précisément à cet objectif de sécurité juridique en permettant à la Commission et aux opérateurs économiques de connaître à l'avance les contraintes de temps dans lesquelles la Commission peut agir pour constater une infraction aux règles communautaires de concurrence.

118.
    Ce règlement exclurait toute référence aux critères juridiques distincts de «retard excessif», de délai déraisonnable, d'abus de droit, de procès inéquitable ou de caducité des poursuites. D'ailleurs, de tels critères n'ajouteraient que confusion et insécurité juridique, dès lors qu'ils ne figureraient pas parmi les règles écrites préétablies (arrêt du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, précité, point 47) et qu'ils reposeraient sur une notion floue et subjective.

119.
    En réponse aux arguments de LVM et de DSM, la Commission précise que ce règlement rend également sans incidence sur la position juridique des entreprises l'application de l'article 6 de la CEDH. En admettant même que l'invocation de la CEDH soit pertinente, la jurisprudence dont ces requérantes se prévalent ne le serait pas, dès lors qu'elle concernerait la notion de délai raisonnable dans des affaires pénales impliquant des personnes physiques, et non dans des affaires relevant du droit économique appliqué à des personnes morales. Or, dans ce dernier domaine, aux situations factuelles complexes, le délai de deux ans avancé par LVM et DSM serait manifestement insuffisant, comme en témoignerait la durée des procédures en la matière devant le Tribunal ou la Cour. Enfin, toujours à supposer pertinente la référence à l'article 6 de la CEDH, le délai raisonnable ne pourrait commencer à courir qu'à compter de la communication des griefs; les mesures d'enquête, telles que les vérifications et les demandes de renseignements tendraient simplement à éclaircir les faits, et ne constitueraient pas des accusations. En l'espèce, la décision de 1988 aurait été adoptée quelques mois après la communication des griefs. Il ne pourrait donc être reproché à la Commission, contrairement à ce que soutiennent LVM et DSM, une passivité qui aurait suscité une confiance légitime quant à l'issue de la procédure administrative.

Appréciation du Tribunal

120.
    Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (voir, notamment, avis de la Cour du 28 mars 1996, avis 2/94, Rec. p. I-1759, point 33, et arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 14). A cet effet, la Cour et le Tribunal s'inspirent des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18, et Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, «l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire».

121.
    Dès lors, il convient d'examiner si, à la lumière de ces considérations, la Commission a méconnu le principe général de droit communautaire de respect d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de concurrence (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 56).

122.
    La violation de ce principe, à la supposer établie, ne justifierait cependant l'annulation de la Décision qu'en tant qu'elle emporterait également une violation des droits de la défense des entreprises concernées. En effet, lorsqu'il n'est pas établi que l'écoulement excessif du temps a affecté la capacité des entreprises concernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe de délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne peut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d'être invoquée devant le juge communautaire dans le cadre d'un recours fondé sur les articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité.

123.
    En l'espèce, la durée totale de la procédure administrative devant la Commission dans la présente affaire a été d'environ 62 mois. La période durant laquelle le juge communautaire a examiné la légalité de la décision de 1988 ainsi que la validité de l'arrêt du Tribunal ne peut pas être prise en compte lors de la détermination de la durée de la procédure devant la Commission.

124.
    Afin d'apprécier le caractère raisonnable de la procédure administrative devant la Commission, il y a lieu de distinguer l'étape procédurale ouverte par les vérifications effectuées en novembre 1983 dans le secteur du PVC, fondées sur l'article 14 du règlement n° 17, de celle ayant commencé à la date de réception de la communication des griefs par les entreprises concernées. Le caractère raisonnable de la durée de chacune de ces deux étapes sera apprécié séparément.

125.
    La première période de 52 mois s'est déroulée entre les premières vérifications opérées dans le courant du mois de novembre 1983 et l'engagement de la procédure par la Commission en mars 1988 sur le fondement de l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 17, en application de l'article 3 de ce même règlement.

126.
    Le caractère raisonnable d'une telle étape procédurale doit s'apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l'enjeu de l'affaire pour les différentes entreprises intéressées et de son degré de complexité.

127.
    A la lumière de tous les éléments du dossier, le Tribunal estime que, dans les affaires particulières soumises à son contrôle, la durée de cette procédure d'instruction était raisonnable.

128.
    Il convient à cet égard de souligner la complexité des faits à élucider par la Commission en raison du type de comportements en cause et de l'ampleur de ces comportements sur le marché géographique concerné, s'étendant à toute la zone d'activité dans le marché commun des principaux producteurs de PVC.

129.
    Participaient également de la complexité des faits à élucider le nombre et l'enchevêtrement des pièces réunies par la Commission. Les documents recueillis lors des vérifications qu'elle a opérées dans les locaux de plusieurs fabricants de produits pétrochimiques au cours de la période visée et les réponses de ceux-ci aux questions posées par la Commission au titre de l'article 11 du règlement n° 17 ont constitué un dossier particulièrement volumineux. De plus, parmi les très nombreuses pièces obtenues durant la procédure administrative, la Commission a dû faire le départ entre celles relevant du dossier PVC et celles relevant du dossier instruit parallèlement dans le secteur voisin du PEBD, lui-même objet, comme d'autres produits thermoplastiques à la même époque, d'une enquête et d'une procédure de constatation d'infractions reprochées à des entreprises dont plusieurs sont également parties à la présente affaire. Il y a également lieu d'indiquer que le dossier de l'affaire ayant conduit à la Décision contenait, sous une première numérotation administrative, une série de documents comportant 1 072 pages, et, sous une autre numérotation, plus de 5 000 pages, non compris les documents internes de la Commission.

130.
    Enfin, la complexité des faits à élucider résultait de la difficulté à établir la preuve de la participation d'entreprises à l'entente alléguée et du nombre d'entreprises impliquées. A ce sujet, la Décision relate que «17 entreprises ont pris part à l'infraction durant la période couverte [...]» (point 2, deuxième alinéa, des considérants) et que 14 entreprises avaient été destinataires de la décision initiale.

131.
    La seconde période s'est écoulée entre la notification des griefs et l'adoption de la Décision le 27 juillet 1994.

132.
    Le caractère raisonnable de cette étape procédurale doit être également apprécié à la lumière des critères indiqués ci-dessus (point 126), et en particulier à la lumière du critère de l'enjeu de l'affaire pour les entreprises intéressées. Ce critère revêt, en effet, une importance spéciale pour apprécier le caractère raisonnable de cette étape de la procédure de constatation d'infraction aux règles de concurrence. D'une part, la notification de la communication des griefs dans une procédurevisant la constatation d'infraction suppose l'engagement de la procédure au titre de l'article 3 du règlement n° 17. Par l'engagement de cette procédure, la Commission manifeste sa volonté de procéder à une décision de constatation d'infraction (en ce sens, arrêt de la Cour du 6 février 1973, Brasserie de Haecht, 48/72, Rec. p. 77, point 16). D'autre part, ce n'est qu'à compter de la réception de la communication des griefs qu'une entreprise peut prendre connaissance de l'objet de la procédure qui est engagée contre elle et des comportements qui lui sont reprochés par la Commission. Les entreprises ont donc un intérêt spécifique à ce que cette seconde étape de la procédure soit conduite avec une diligence particulière par la Commission, sans toutefois qu'il soit porté atteinte à leurs droits de la défense.

133.
    En l'espèce, cette seconde étape procédurale devant la Commission a duré dix mois. Un tel délai ne peut pas fonder le reproche d'une durée excessive. En effet, les griefs ont été notifiés aux entreprises concernées au début du mois d'avril 1988. Les entreprises ont répondu à la communication des griefs dans le courant du mois de juin 1988. A l'exception de Shell, qui n'en avait pas fait la demande, les entreprises destinataires de la communication des griefs ont été entendues du 5 au 8 septembre 1988 et le 19 septembre 1988. Le 1er décembre 1988, le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes a émis son avis sur l'avant-projet de décision de la Commission et 20 jours après, celle-ci adoptait la décision initiale. Quant à la Décision, elle a été adoptée 42 jours après le prononcé de l'arrêt du 15 juin 1994.

134.
    Le Tribunal considère, par conséquent, que la décision initiale, puis, après l'annulation de celle-ci par la Cour, la Décision, ont été adoptées dans un délai raisonnable après la notification des griefs.

135.
    Au vu des éléments qui précèdent, le Tribunal estime que la Commission a agi conformément au principe de respect d'un délai raisonnable dans la procédure administrative qui a précédé l'adoption de la Décision. Les droits de la défense des entreprises concernées n'ont donc pas été méconnus en raison de l'écoulement du temps.

136.
    Il s'ensuit que les moyens tirés de l'écoulement du temps doivent être rejetés.

c) Sur les moyens tirés de la prétendue méconnaissance, par la Commission, de son pouvoir d'appréciation

Arguments des parties

137.
    Enichem soutient que, en s'estimant tenue d'adopter une nouvelle décision, après l'annulation par la Cour de la décision initiale, la Commission a méconnu l'étendue de sa propre compétence, laquelle serait, en la matière, purement discrétionnaire (arrêt Transocean Marine Paint/Commission, précité, et arrêts de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, et du 4 février 1992, British Aerospace et Rover/Commission, C-294/90, Rec. p. I-493). Ni l'article 176 du traité ni le règlement n° 2988/74 ne pourraient ainsi constituer la base juridique d'une obligation de réadopter la décision annulée.

138.
    LVM et DSM estiment que, si la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour instruire et poursuivre les infractions aux règles de concurrence, l'exercice de ce pouvoir doit s'effectuer dans les limites du droit communautaire et, notamment, du principe de proportionnalité. Celui-ci devrait s'apprécier quant à l'objectif poursuivi lors de l'adoption de l'acte et quant aux moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif.

139.
    Or, en premier lieu, le but poursuivi par l'adoption de la Décision ne serait pas de sauvegarder la concurrence dans le secteur du PVC, mais, comme l'illustrerait l'absence de procédure préalable, de mettre en échec les effets de l'arrêt du 15 juin 1994, qui avait sanctionné la pratique de la Commission. La nécessité et l'opportunité de l'adoption de la Décision, que n'imposait pas cet arrêt, n'auraient ainsi pas été démontrées. L'objectif réellement poursuivi ne justifierait pas l'imposition d'une amende ou, en toute hypothèse, d'une amende aussi élevée.

140.
    En second lieu, à supposer que la Décision ait pour objectif la protection de la concurrence, elle demeurerait illicite, au motif que, en l'absence d'une enquête préalable, elle constitue un moyen disproportionné d'atteindre cet objectif.

141.
    Il appartiendrait donc à la Commission de prouver la nécessité et la proportionnalité de son intervention. Or, en l'espèce, la Décision n'aborderait pas cette question, en violation de l'article 190 du traité.

142.
    Quant à Montedison, elle soutient que la Décision est entachée d'un détournement de pouvoir, dès lors que son adoption ne serait que le résultat d'un acharnement punitif et de l'obstination de fonctionnaires de la Commission.

143.
    En réponse au grief d'Enichem, la Commission estime que, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, elle peut s'abstenir d'agir (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T-24/90, Rec. p. II-2223). Une entreprise ne pourrait, en revanche, lui reprocher d'avoir usé de ses pouvoirs (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, points 64 et 65).

144.
    En l'espèce, il n'eût pas été logique que la Commission, qui avait exercé son pouvoir discrétionnaire lors de l'adoption de la décision de 1988, renonce à faire usage de ses prérogatives, alors que les vices censurés par l'arrêt du 15 juin 1994 résultaient de la phase ultime d'adoption de la décision (arrêt Asteris e.a./Commission, précité, point 28). De surcroît, l'imposition d'une amende serait en soi un élément susceptible de justifier l'adoption d'une décision, même si les parties ont déjà mis fin à l'infraction. Quant aux dispositions de l'article 176 du traité, elles ne seraient pas en cause en l'espèce.

145.
    En réponse au moyen invoqué par LVM et DSM, la Commission estime que, en adoptant la Décision, elle a montré son souci d'appliquer les règles de concurrence, dans le respect de l'arrêt du 15 juin 1994 et du règlement n° 2988/74. Dès lors que les amendes infligées seraient identiques à celles contenues dans la décision de 1988, la Commission ne saurait être accusée d'avoir violé le principe de proportionnalité.

146.
    S'agissant plus particulièrement de la motivation de la Décision, elle estime que, compte tenu de la mission qui lui incombe au titre de l'article 155 du traité, elle n'est pas tenue de justifier l'opportunité de son intervention.

147.
    Enfin, la Commission relève que Montedison n'avance pas d'éléments objectifs, précis et concordants de nature à établir l'existence d'un détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal Automec/Commission, précité, point 105, et du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale «Murgia Messapica»/Commission, T-465/93, Rec. p. II-361, point 66).

Appréciation du Tribunal

148.
    L'étendue des obligations de la Commission dans le domaine du droit de la concurrence doit être examinée à la lumière de l'article 89, paragraphe 1, du traité, qui, dans ce domaine, constitue la manifestation spécifique de la mission générale de surveillance confiée à la Commission par l'article 155 de ce même traité.

149.
    La mission de surveillance qui lui est confiée dans le domaine du droit de la concurrence comprend la tâche d'instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, point 105).

150.
    De plus, l'article 85 du traité est une expression de l'objectif général assigné par l'article 3, sous g), du traité à l'action de la Communauté, à savoir l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun

(dans le même sens, arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 38).

151.
    Au vu de cet objectif général et de la mission assignée à la Commission, le Tribunal considère que, si, après l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988, la Commission n'était pas tenue d'adopter la Décision afin de constater les comportements anticoncurrentiels dénoncés, elle n'était pas non plus empêchée de le faire dès lors que, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est dévolu, d'une part, elle n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée (ci-dessus points 77 à 85) et, d'autre part, elle n'a pas poursuivi ou sanctionné les entreprises concernées en raison de comportements anticoncurrentiels dont le Tribunal, ou la Cour, aurait déjà constaté que la preuve était, ou non, apportée dans leur chef par la Commission (ci-dessus points 95 à 99).

152.
    Il s'ensuit que c'est à la Commission qu'il revenait d'apprécier, en fonction de la mission qui lui est conférée par le traité, s'il y avait lieu d'adopter la Décision.

153.
    En ce qui concerne les arguments invoqués par LVM et DSM (ci-dessus points 138 et 139) au soutien du moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité, le Tribunal estime qu'ils doivent être compris en ce sens que la Commission aurait commis un détournement de pouvoir en adoptant la Décision, ainsi que le soutient expressément Montedison.

154.
    A cet égard, il convient de rappeler qu'une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées ou d'éluder une procédure spécifiquement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l'espèce (arrêts de la Cour du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C-84/94, Rec. p. 5755, point 69, du 25 juin 1997, Italie/Commission, C-285/94, Rec. p. I-3519, point 52).

155.
    LVM, DSM et Montedison n'ayant fourni aucun des indices en cause, ce grief ne saurait être accueilli.

156.
    Quant à l'argument de LVM et de DSM selon lequel la Décision constitue un moyen disproportionné d'atteindre l'objectif de protection de la concurrence en l'absence d'une enquête préalable, il s'agit d'une question qui sera examinée lors de l'appréciation de la légalité des modalités d'adoption de la Décision (ci-après point 269).

157.
    Enfin, s'agissant du prétendu défaut de motivation dont serait entachée la Décision relativement à la nécessité et à la proportionnalité de l'intervention de la Commission, il suffit de relever que le premier considérant de la Décision vise «le traité instituant la Communauté européenne», ce qui, implicitement mais

nécessairement, constitue une référence formelle à la mission assignée à la Commission.

158.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les moyens tirés de la prétendue méconnaissance du pouvoir d'appréciation de la Commission.

2. Sur la portée de l'arrêt du 15 juin 1994

a) Sur les griefs tirés de l'effet erga omnes de l'arrêt du 15 juin 1994

Arguments des parties

159.
    Elf Atochem, BASF et la SAV soutiennent que l'annulation de la décision de 1988, prononcée par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994, a produit un effet erga omneset constitue dès lors une situation juridique nouvelle à l'égard de toutes les parties (arrêt de la Cour du 11 février 1955, Assider/Haute Autorité, 3/54, Rec. p. 123), y compris à l'égard de celles qui n'avaient pas formé de recours en temps utile.

160.
    La SAV observe à ce titre qu'elle se trouve discriminée par rapport à Solvay et Norsk Hydro, qui ne sont pas destinataires de la Décision et à l'égard desquelles la décision de 1988 ne produit plus aucun effet, en raison de l'arrêt du 15 juin 1994.

161.
    De même, LVM et DSM soutiennent que la Commission a méconnu le principe de non-discrimination, puisque l'article 1er de la Décision constaterait une infraction commise par tous les producteurs de PVC, les plaçant donc dans une situation comparable alors que ses articles 2 à 4, qui fixent les sanctions, excluraient expressément Norsk Hydro et Solvay.

162.
    La Commission ne pourrait tenter de se justifier en arguant de la validité de la décision de 1988 à l'égard de ces deux entreprises car, selon l'article 174 du traité, l'acte annulé doit être considéré comme «inexistant» et les parties replacées dans la situation antérieure (arrêt de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, point 60). L'annulation produirait également un effet erga omnes; l'article 174 du traité ne limiterait ainsi nullement l'effet de l'annulation aux entreprises ayant valablement formé un recours contre l'acte. D'ailleurs, si une décision est obligatoire pour tous les destinataires selon l'article 189 du traité CE, la nullité ne pourrait valoir qu'à l'égard de tous.

163.
    En outre, si l'on admettait les thèses de la Commission, la discrimination dénoncée se constaterait également en matière d'exécution; alors que la Décision serait susceptible d'exécution à l'égard de ses destinataires, la décision de 1988 ne le serait plus à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro. Celles-ci, bien que dans une situation comparable à celle des autres entreprises, échapperaient à toute sanction.

164.
    La Commission expose que la décision de 1988 était un faisceau de décisions individuelles. Solvay n'ayant pas formé de recours contre cette décision et Norsk Hydro n'ayant pas introduit son recours en temps utile, la décision de 1988 serait devenue définitive à leur égard (notamment, arrêts de la Cour du 17 novembre 1965, Collotti/Cour de justice, 20/65, Rec. p. 1045, du 14 décembre 1965, Pfloeschner/Commission, 52/64, Rec. p. 1211, et du 14 juin 1988, Muysers et Tülp/Cour des comptes, 161/87, Rec. p. 3037, points 9 et 10).

165.
    Elle précise que la question de l'effet erga omnes des arrêts d'annulation, qui concerne l'annulation d'actes normatifs affectant l'ordre juridique en général, ne se pose pas en l'espèce; l'effet d'un arrêt annulant une décision individuelle ne pourrait être que relatif.

166.
    Enfin, le moyen soulevé par LVM et DSM, tiré d'une violation du principe de non-discrimination, serait irrecevable, dès lors que la position de Solvay et de Norsk Hydro ne pourrait léser les intérêts de ces deux requérantes. La Commission estime, en outre, que le moyen n'est pas fondé, dès lors que Solvay et Norsk Hydro restent soumises à la décision de 1988.

Appréciation du Tribunal

167.
    La décision de 1988, bien que rédigée et publiée sous la forme d'une seule décision, doit s'analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l'égard de chacune des entreprises destinataires l'infraction aux dispositions de l'article 85 du traité retenue à sa charge et lui infligeant une amende. En effet, la Commission aurait pu, si elle l'avait souhaité, adopter, de façon formelle, plusieurs décisions individuelles distinctes, constatant les infractions à l'article 85 du traité qu'elle avait retenues.

168.
    Selon l'article 189 du traité, chacune de ces décisions individuelles faisant partie de la décision de 1988 est obligatoire dans tous ses éléments pour le destinataire qu'elle désigne. Dans la mesure où un destinataire n'a pas introduit, au titre de l'article 173 du traité, un recours en annulation à l'encontre de la décision de 1988, cette décision reste donc valable et contraignante à son égard (voir, dans le même sens, arrêt de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188/92, Rec. p. I-833, point 13).

169.
    Dès lors, si un destinataire décide d'introduire un recours en annulation, le juge communautaire n'est saisi que des éléments de la décision le concernant. En revanche, les éléments de la décision concernant d'autres destinataires, qui n'ont pas été attaqués, n'entrent pas dans l'objet du litige que le juge communautaire est appelé à trancher.

170.
    Celui-ci ne peut, dans le cadre d'un recours en annulation, statuer que sur l'objet du litige qui lui a été déféré par les parties. Par conséquent, la décision de 1988 n'a pu être annulée qu'en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de cause dans leurs recours devant le juge communautaire.

171.
    Le point 2 du dispositif de l'arrêt du 15 juin 1994 n'emporte donc annulation de la décision de 1988 que dans la mesure où elle concerne les parties ayant obtenu gain de cause devant la Cour.

172.
    Quant à la jurisprudence invoquée par les requérantes à l'appui de la thèse de l'effet erga omnes, elle est dépourvue de pertinence en l'espèce, étant donné que l'arrêt Assider/Haute Autorité, précité, concerne l'effet d'un arrêt d'annulation d'une décision générale prise dans le cadre du traité CECA et non, comme en l'espèce, d'un faisceau de décisions individuelles.

173.
    Il découle de ce qui précède que la Commission n'a commis aucune discrimination à l'égard des requérantes en ne mentionnant pas les entreprises Solvay et Norsk Hydro dans les articles du dispositif de la Décision. En effet, pour qu'il puisse être reproché à la Commission d'avoir commis une discrimination, il faut qu'elle ait traité de façon différente des situations comparables, entraînant un désavantage pour certains opérateurs par rapport à d'autres, sans que cette différence de traitement soit justifiée par l'existence de différences objectives d'une certaine importance (arrêt de la Cour du 15 janvier 1985, Finsider/Commission, 250/83, Rec. p. 131, point 8). Or, en l'espèce, il suffit de constater que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, celles-ci, d'une part, et Norsk Hydro et Solvay, d'autre part, ne sont pas placées dans des situations comparables, dès lors que la décision de 1988 n'a pas été annulée à l'égard de ces deux dernières entreprises. De surcroît, il convient de constater que la Commission, en réponse à une question du Tribunal, a indiqué que Norsk Hydro et Solvay avaient payé les amendes qui leur avaient été infligées, si bien que les requérantes ne peuvent prétendre se trouver dans une situation défavorable par rapport à celle de ces deux entreprises.

174.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l'annulation par la Cour de la décision de 1988 n'a pas produit, contrairement à ce que font valoir les requérantes, un effet erga omnes et que le moyen tiré d'une violation du principe de non-discrimination doit être rejeté comme non fondé.

b) Sur les griefs tirés de l'invalidité des actes de procédure ayant précédé l'adoption de la Décision

Arguments des parties

175.
    Elf Atochem et BASF soutiennent que l'annulation de la décision de 1988, prononcée par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994, aurait produit un effet ex tunc. Elles en déduisent que la Décision, distincte de la décision de 1988, ne pouvait

intervenir, en tout état de cause, qu'à l'issue d'une nouvelle procédure administrative.

176.
    Wacker, Hoechst et Hüls estiment que l'annulation par la Cour de la décision de 1988, mettant un terme à la procédure administrative, aurait entraîné de plein droit l'irrégularité de la procédure administrative contradictoire dans son ensemble, c'est-à-dire depuis la communication des griefs (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 48 à 52, et du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 30; arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10/92, T-11/92, T-12/92 et T-15/92, Rec. p. II-2667, point 47, et SIV e.a./Commission, précité, point 83). La procédure contradictoire devant la Commission et la décision finale formeraient, en effet, une procédure administrative unique. Dès lors, la Décision serait illégale, faute pour la Commission d'avoir engagé, préalablement à l'adoption de la Décision, une nouvelle procédure administrative. A l'appui de cette thèse, Wacker et Hoechst relèvent que les actes d'une procédure administrative menée au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 ne sont que des actes préparatoires, dont la régularité ne peut être appréciée que dans le cadre du contrôle de la décision finale (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, points 9 et suivants, et ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, points 13 et suivants).

177.
    Wacker, Hoechst et Hüls concluent que, pour adopter une nouvelle décision après l'annulation, la Commission aurait dû ouvrir une nouvelle procédure administrative contradictoire (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité) et respecter l'ensemble des formes substantielles prescrites.

178.
    Wacker et Hoechst soulignent, de plus, que rien dans le dispositif ou dans les motifs de l'arrêt du 15 juin 1994 ne permet de penser que la Cour ait entendu aller à l'encontre de ces principes et préserver, jusqu'au vice constaté, la procédure administrative qui avait été conduite pour l'adoption de la décision de 1988 (arrêt de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, points 106 à 109). Enfin, ces requérantes précisent que la Commission ne dispose pas du droit de rectifier les violations de formes substantielles (arrêt de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, points 7 à 11; conclusions de l'avocat général Warner sous l'arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, 30/78, Rec. p. 2229, 2267, 2297 et suivantes).

179.
    Enichem soutient, quant à elle, que l'annulation de la décision de 1988 a réduit à néant les actes procéduraux préalables à cette décision, à l'égard de laquelle ils n'ont qu'un caractère accessoire. En effet, ces actes n'auraient aucune signification autonome; ils ne seraient d'ailleurs pas, en eux-mêmes, susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation (arrêts IBM/Commission et Cimenteries CBR e.a./Commission, précités).

180.
    Enfin, Montedison affirme qu'une entreprise condamnée à une amende dispose d'un droit à une procédure préalable. Il serait donc faux d'affirmer que les étapes procédurales précédant celle qui est viciée demeurent valables pour l'adoption d'un nouvel acte, surtout lorsque la procédure administrative vise à protéger le droit au débat contradictoire et les droits de la défense de la partie concernée. Les diverses phases de la procédure seraient en effet des étapes nécessaires que la Commission doit franchir avant de pouvoir infliger une amende (arrêt IBM/Commission, précité, point 17).

181.
    La Commission observe que, pour se conformer à un arrêt d'annulation, l'institution concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le support nécessaire (arrêt Asteris e.a./Commission, précité, point 27). En l'espèce, le motif unique d'annulation de la décision de 1988 aurait été la violation de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque, relatif à l'authentification des actes (arrêt du 15 juin 1994, points 76 à 78). Enconséquence, la procédure administrative préalable n'aurait été ni affectée, ni remise en cause, par l'arrêt de la Cour.

182.
    Or, conformément à l'article 176 du traité, l'exécution d'un arrêt comporte le rétablissement de la situation telle qu'elle existait antérieurement à la survenance des circonstances censurées par la Cour (arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 79). La Commission aurait donc été en droit d'arrêter une nouvelle décision en respectant les formes qui avaient été violées (arrêt de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I-4023, point 34; conclusions de l'avocat général M. Mischo sous cet arrêt, Rec. p. 4042, point 57, et arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, point 47).

Appréciation du Tribunal

183.
    Le point 2 du dispositif de l'arrêt du 15 juin 1994 est libellé comme suit:

«La décision 89/190/CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.865, PVC), est annulée.»

184.
    Afin de déterminer la portée de l'arrêt d'annulation de la décision de 1988, il convient de se référer aux motifs de cet arrêt. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autre part, font apparaître les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif (arrêt Asteris e.a./Commission, précité, point 27; arrêts du Tribunal du 5 juin 1992, Finsider/Commission, T-26/90, Rec. p. II-1789, point 53, et de la Cour du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C-415/96, non encore publié au Recueil, point 31).

185.
    A cet égard, il ressort des motifs de l'arrêt du 15 juin 1994 que la décision de 1988 a été annulée pour défaut d'authentification au sens de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque.

186.
    En effet, après avoir déclaré que la Commission avait l'obligation, entre autres, de prendre les mesures aptes à permettre d'identifier avec certitude le texte complet des actes adoptés par le collège (point 73 des motifs), la Cour a rappelé que, selon l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque, «[l]es actes adoptés par la Commission, en séance ou par la procédure écrite, sont authentifiés, dans la ou les langues où ils font foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif» (point 74 des motifs).

187.
    Puis, la Cour a jugé: «Loin de n'être qu'une simple formalité destinée à assurer sa mémoire, l'authentification des actes prévue audit article 12, premier alinéa, a pour but d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte adopté par le collège. Elle permet ainsi de vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec ce dernier et, par là même, avec la volonté de leur auteur.» (Point 75 des motifs.) Dès lors, «l'authentification des actes visée à l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité [...], dont la violation peut donner lieu à un recours en annulation» (point 76 des motifs).

188.
    La Cour, ayant relevé que la Commission ne contestait pas avoir omis de procéder à l'authentification de la décision litigieuse dans les termes prévus par les dispositions de son règlement intérieur, a conclu que la décision de 1988 devait être annulée «pour violation des formes substantielles, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les requérantes» (point 78 des motifs).

189.
    Il se déduit de cet exposé que la Cour a annulé la décision de 1988 à cause d'un vice de procédure qui concernait exclusivement les modalités de l'adoption définitive de cette décision par la Commission. Dès lors que le vice procédural constaté est intervenu au stade ultime de l'adoption de la décision de 1988, l'annulation n'a pas affecté la validité des mesures préparatoires de cette décision, antérieures au stade où ce vice a été constaté (dans le même sens, arrêts Fedesa e.a., précité, point 34, et Espagne/Commission, précité, point 32).

190.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argumentation présentée par certaines requérantes, selon laquelle l'annulation de la décision de 1988 a nécessairement réduit à néant les actes procéduraux antérieurs à cette décision, en raison de leur caractère indissociable de la décision finale. En effet, le fait que des mesures de nature purement préparatoire ne puissent en tant que telles faire l'objet d'un recours en annulation (arrêt IBM/Commission, précité, point 12) s'explique par l'absence, dans le chef de la Commission, de position définitivement fixée. Il n'emporte donc pas la conséquence que la validité de ces mesures est mise en

cause lorsque la décision finale est annulée en raison d'un vice procédural intervenu, comme en l'espèce, à un stade ultérieur à ces mesures.

191.
    Elle n'est pas davantage infirmée par l'argumentation tirée de l'arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité. Dans les affaires ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal a déclaré irrecevables les recours introduits par les requérantes, notamment, contre la décision de la Commission leur refusant de donner accès à l'ensemble des documents faisant partie de son dossier, faute d'acte attaquable. Dans le contexte de son appréciation, le Tribunal a indiqué que, si, par hypothèse, il «devait reconnaître, dans le cadre d'un recours contre une décision mettant un terme à la procédure, l'existence d'un droit d'accès complet au dossier qui aurait été méconnu et, partant, annuler la décision finale de la Commission pour violation des droits de la défense, ce serait l'ensemble de la procédure qui serait entachée d'illégalité» (point 47 des motifs).

192.
    Cette référence à «l'ensemble de la procédure» ne peut pas être interprétée séparément de la phrase suivante des motifs de l'arrêt, selon laquelle la Commission pourrait reprendre la procédure en «donnant aux entreprises et associations d'entreprises concernées la possibilité de faire à nouveau connaître leur point de vue sur les griefs retenus contre elles à la lumière de l'ensemble des nouveaux éléments auxquels elles auraient dû avoir accès» (point 47 des motifs). Or, il découle du libellé même de cette appréciation que le Tribunal n'a pas estimé que la validité de la communication des griefs pouvait être mise en cause.

193.
    A la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que la validité des actes préparatoires antérieurs à l'adoption de la décision de 1988 n'a pas été mise en cause par l'annulation de cette décision par la Cour. Par conséquent, les griefs tirés de l'invalidité de ces actes doivent être rejetés comme non fondés.

3. Sur les modalités d'adoption de la Décision, après l'annulation de la décision de 1988

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

194.
    Les requérantes soutiennent en substance que, même si le vice constaté est survenu au stade ultime de l'adoption de la décision de 1988, la réparation de ce vice par la Commission exigeait que certaines garanties procédurales soient respectées avant d'adopter la Décision.

195.
    Les requérantes font valoir que la Décision est nouvelle par rapport à la décision de 1988 puisque celle-ci a été annulée. Cette seule circonstance aurait impliqué qu'une nouvelle procédure administrative fût ouverte afin d'adopter la Décision. Certaines requérantes affirment qu'une telle procédure administrative aurait dû être intégralement reprise tandis que d'autres estiment que certaines étapes de

cette procédure auraient dû être respectées. De manière plus générale, la Commission aurait violé le droit des requérantes d'être entendues.

— En ce qui concerne les étapes procédurales prévues par le droit dérivé

196.
    LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, la SAV, Montedison, ICI et Hüls font valoir qu'elles n'ont pas pu présenter leur point de vue conformément aux dispositions des règlements n° 17 et n° 99/63, lesquelles sont l'expression du principe fondamental du droit communautaire des droits de la défense, applicable même en l'absence de législation spécifique (arrêts de la Cour Transocean Marine Paint/Commission, British Aerospace et Rover/Commission, précités, Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 9, du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 81, Musique Diffusion française e.a/Commission, précité, points 9 et 10, et du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 7; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, point 46, et du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, Rec. p. II-1847, point 69). La SAV souligne que la décision de 1988 est censée n'avoir jamais existé, si bien que la Commission aurait dû reprendre l'ensemble de la procédure administrative, ainsi d'ailleurs qu'elle s'y serait engagée dans le Quatrième Rapport sur la politique de concurrence (point 49). De plus, selon la SAV et ICI, considérer avec la Commission que seules des modifications substantielles du contenu de la décision annulée lors de sa réfection auraient pu justifier une nouvelle procédure ne repose que sur la jurisprudence de la Cour en matière d'équilibre institutionnel, qui ne serait pas en cause en l'espèce (arrêt Fedesa e.a., précité).

197.
    ICI rejette l'argument de la Commission, selon lequel elle aurait été en droit de se borner à rectifier l'erreur relevée par la Cour sans entendre les parties, car la décision de 1988 et la Décision seraient intervenues dans des circonstances de fait et de droit différentes relativement aux acteurs, à la situation économique du marché ou aux évolutions jurisprudentielles intervenues dans les années précédant la Décision.

198.
    Quant à la SAV et à Montedison, elles font valoir, dans ce contexte, que l'acte annulé ayant été adopté en vertu d'une compétence discrétionnaire, l'institution ne peut reprendre l'acte annulé pour vice de forme qu'à condition de respecter les formes requises et les droits de la défense, même en l'absence de texte spécifique (arrêt Transocean Marine Paint/Commission, précité, point 16).

199.
    LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, ICI, Hüls et Enichem soutiennent, plus spécifiquement, que la Commission, en ne procédant pas à une procédure administrative préalable, a méconnu les obligations qu'elle s'est impartie à elle-même en ce qui concerne le rôle du conseiller-auditeur. Elf Atochem, Shell, la SAV, ICI et Enichem invoquent la décision de la Commission, du 23 novembre 1990, relative au déroulement des auditions dans le cadre des

procédures d'application des articles 85 et 86 du traité CEE et des articles 65 et 66 du traité CECA (Vingtième Rapport sur la politique de concurrence, p. 350). BASF et Hüls font valoir que la Commission a méconnu les articles 5, 6 et 7 de la décision de la Commission du 8 septembre 1982, relative au mandat du conseiller-auditeur (Treizième Rapport sur la politique de concurrence, p. 291).

200.
    ICI prétend que la Décision aurait été substantiellement différente si le conseiller-auditeur avait pu intervenir, dès lors qu'ICI aurait pu à cette occasion invoquer, notamment, la prescription des faits, le retard dans l'adoption de la Décision, le refus de la Commission de lui donner accès au dossier, la question de l'auto-incrimination, la portée de l'article 20 du règlement n° 17 et la notion de pratique concertée.

201.
    Selon Hüls, l'intervention du conseiller-auditeur en 1988 ne peut pas être considérée comme ayant permis à celui-ci d'exercer, en 1994, les fonctions qui lui sont dévolues; en réalité, il devrait nécessairement exister une proximité dans le temps entre l'intervention du conseiller-auditeur et l'adoption de la décision correspondante. L'attitude de la Commission en l'espèce serait d'autant plus surprenante que le rôle du conseiller-auditeur a été élargi (XXIIIe Rapport sur la politique de concurrence, points 203 et suivants; décision 94/810/CECA, CE de la Commission, du 12 décembre 1994, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans le cadre des procédures de concurrence devant la Commission, JO L 330, p. 67).

202.
    Enichem ajoute que l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Hüls/Commission (T-9/89, Rec. p. II-499), dont se prévaut la Commission, ne permet pas de conclure que l'audition du conseiller-auditeur n'est pas une étape obligatoire dans toute procédure. En l'espèce, s'il avait été entendu, le conseiller-auditeur aurait pu présenter des observations sur l'opportunité de réadopter une décision, les points 55 à 59 des motifs de la Décision, qui seraient nouveaux par rapport aux motifs de la décision initiale (arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885, point 40) et qui relèvent de la compétence exclusive du collège des membres de la Commission, le montant de l'amende, discriminatoire et fixé de façon erronée sur le chiffre d'affaires de 1987, plutôt que sur celui de 1993, l'appréciation de la prescription, qui constituerait, contrairement aux affirmations de la Commission, un moyen de fond, les règles relatives à l'accès au dossier, l'effet erga omnes de l'arrêt de la Cour, l'application du principe de l'autorité de la chose jugée, en vertu duquel la Commission n'avait pas le pouvoir d'adopter la Décision, qui porte sur les mêmes faits, en violation du principe non bis in idem, l'évolution du marché du PVC, dont la requérante s'est retirée en 1986, en cédant ses activités à une entreprise commune constituée à 50 % avec ICI, dont elle ne détiendrait plus qu'une part minoritaire. La Décision aurait donc pu s'en trouver substantiellement affectée. En raison du choix opéré par la Commission, la requérante se trouverait contrainte de former un recours pour présenter de telles observations.

203.
    LVM, Elf Atochem, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, ICI, Hüls et Enichem estiment que la Commission a méconnu l'obligation de consulter le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après «comité consultatif») avant d'adopter la Décision, consultation prévue par l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 17. Le comité consultatif devrait en effet intervenir avant l'adoption de toute décision constatant une infraction aux règles de concurrence visée à l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de toute décision infligeant une amende, conformément à l'article 15, paragraphe 3, de ce même règlement. La Décision étant nouvelle par rapport à la décision initiale, la consultation du comité consultatif qui a eu lieu en 1988 serait, selon les requérantes, soit inopérante, soit insuffisante. La Décision devrait donc être annulée pour violation des formes substantielles (conclusions de l'avocat général M. Gand sous l'arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, Rec. p. 707, 709 à 711, de l'avocat général M. Warner sous l'arrêt Distillers Company/Commission, précité, Rec. p. 2267, 2293, et de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt de la Cour du 28 février 1984, Ford/Commission, 228/82 et 229/82, Rec. p. 1129, 1147, 1173; certaines des requérantes invoquent également la jurisprudence relative à la violation d'une obligation de consultation: arrêts de la Cour du 21 décembre 1954, Italie/Haute Autorité, 2/54, Rec. p. 73, Roquette Frères/Conseil, précité, du 16 juillet 1992, Parlement/Conseil, C-65/90, Rec. p. I-4593, du 5 octobre 1993, Driessen e.a., C-13/92, C-14/92, C-15/92 et C-16/92, Rec. p. I-4751, et du 1er juin 1994, Parlement/Conseil, C-388/92, Rec. p. I-2067). L'arrêt de la Cour du 15 mai 1975, Frubo/Commission (71/74, Rec. p. 563), dont se prévaut la Commission, ne serait en revanche pas pertinent, dès lors que l'on ne saurait comparer la consultation générale des États dans le cadre du règlement n° 26/62 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993), en l'absence de doute dans le chef de la Commission, et la consultation du comité consultatif, organisée de façon précise dans le règlement n° 17.

204.
    La consultation du comité consultatif se serait d'autant plus imposée en l'espèce pour deux raisons. En premier lieu, BASF, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem font valoir que la Décision est la première à intervenir après annulation, par le juge communautaire, d'une décision précédente à l'égard des mêmes entreprises. Or, ainsi que le soutiennent la SAV et ICI, en raison du rôle qui lui est conféré, le comité consultatif, qui doit être étroitement associé à une évolution concertée de la politique de la concurrence (Treizième Rapport sur la politique de concurrence, point 79), aurait dû être consulté sur l'opportunité de prendre une nouvelle décision lorsque la précédente a été annulée, ce qui relèverait manifestement, en l'absence de précédent jurisprudentiel, de la politique de la concurrence. Le fait que l'adoption d'une nouvelle décision, après annulation d'une décision précédente, relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission rendrait d'autant plus nécessaire une consultation du comité consultatif sur l'opportunité d'agir ainsi. Ce serait d'ailleurs en ce sens que la Commission aurait agi dans le passé [décision 75/649/CEE de la Commission, du 23 octobre 1975, relative à une

procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/223 — Transocean Marine Paint Association) (JO L 286, p. 24)].

205.
    En second lieu, BASF, Wacker, Hoechst, ICI, Hüls et Enichem font valoir que le comité consultatif aurait dû être consulté également en raison des modifications apportées au texte de la Décision par rapport à celui de la décision initiale, mais aussi selon certaines d'entre elles, en raison de la longueur de la procédure, des circonstances particulières ayant abouti à l'annulation de la décision initiale, des erreurs de la Commission révélées lors de l'instruction, devant le Tribunal, des recours formés contre cette décision et de l'évolution du marché de ce produit depuis 1988. ICI indique dans ce contexte que la modification de la composition du comité consultatif justifiait également une nouvelle consultation de cet organe. Dans ce même contexte, BASF fait valoir que la consultation du comité consultatif aurait également pour objet de garantir aux entreprises mises en cause le droit à une procédure équitable et le droit d'être entendues, comme en témoignent les articles 1er, 7, paragraphe 1, et 8, paragraphe 2, du règlement n° 99/63.

206.
    BASF, Wacker, Hoechst et ICI estiment que cette consultation aurait pu conduire la Commission à adopter une décision différente, notamment quant au montant des amendes, voire à renoncer à adopter la Décision. A cet égard, BASF relève que, en supprimant deux phrases du point 37 des considérants de la décision initiale, relatif aux effets néfastes de l'entente, la Commission a supprimé un aspect qui avait donc nécessairement eu une incidence sur la décision d'infliger une amende, et sur son montant.

207.
    BASF et ICI considèrent, en outre, que, si le comité consultatif doit être consulté avant le renouvellement d'une exemption, il devrait alors en être de même lorsque la Commission adopte une décision remplaçant une décision annulée.

208.
    Plus spécifiquement, LVM et DSM soulignent que, en ne consultant pas le comité consultatif avant l'adoption de la Décision, la Commission n'a pas permis aux États membres de participer à la définition de la politique communautaire de concurrence et que sa consultation obligatoire contribuerait à la recherche de l'équilibre institutionnel en cette matière. La violation d'une telle obligation devrait, dès lors, entraîner l'annulation de la Décision, pour violation des formes substantielles, voire pour incompétence, si cette obligation est comprise comme requérant l'accord des autorités compétentes des États membres.

209.
    La SAV déclare que la jurisprudence en matière d'équilibre institutionnel, qui se rapporte à l'obligation de consultation du Parlement sur une proposition de directive ayant fait l'objet d'amendements successifs (en particulier, arrêt du 16 juillet 1992, Parlement/Conseil, précité), ne peut pas être transposée par analogie à l'hypothèse d'absence de consultation du comité consultatif sur une nouvelle décision faisant grief à son destinataire.

210.
    Enfin, la SAV et ICI estiment que la Commission a violé l'article 190 du traité, en ce que les visas de la Décision se réfèrent uniquement à la consultation du comité consultatif effectuée avant l'adoption de la décision de 1988.

211.
    De manière également plus spécifique, la SAV fait valoir que la Commission a méconnu l'obligation de coopération avec l'Autorité de surveillance AELE. En particulier, les dispositions des articles 53, 56 et 58 de l'accord sur l'Espace économique européen, signé à Porto le 2 mai 1992 et entré en vigueur le 1er janvier 1994, ainsi que ses protocoles 21 et 23, feraient obligation à la Commission de coopérer avec l'Autorité de surveillance AELE, en ce qui concerne la détermination de la politique de concurrence et l'adoption des décisions individuelles dans ce domaine. En s'abstenant de consulter le comité consultatif, la Commission aurait privé l'Autorité de surveillance AELE de la possibilité d'exprimer son point de vue. L'obligation de coopération avec cette Autorité s'imposerait du fait même de l'adoption d'une décision, indépendamment de la question de savoir si cette décision est identique à une décision antérieure annulée. En outre, s'agissant d'une affaire mettant en cause la politique de la concurrence, l'Autorité de surveillance aurait dû être appelée à coopérer avec la Commission.

— En ce qui concerne le droit d'être entendu allégué par les requérantes

212.
    La Commission aurait violé à plusieurs titres le droit des entreprises de faire connaître leur point de vue.

213.
    En premier lieu, LVM et DSM soutiennent que la seule intention d'adopter un nouvel acte faisant grief suffirait à entraîner l'obligation d'entendre les parties sur cette intention (arrêt de la Cour du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 44). ICI estime qu'elle aurait dû en tout état de cause être entendue sur le caractère souhaitable ou judicieux d'une nouvelle décision dans les circonstances de l'espèce.

214.
    En second lieu, selon la SAV, Hüls et Enichem, la décision préalable de s'écarter de la procédure normale d'adoption d'une décision aurait justifié une audition des parties sur cette décision préalable.

215.
    La SAV estime que, en ne reprenant pas l'ensemble de la procédure administrative afin d'adopter la Décision, la Commission a effectué un choix. Or, le droit, pour le destinataire d'un acte, d'être informé des conditions dans lesquelles la Commission envisage d'adopter une décision s'imposerait aux autorités publiques, même en l'absence d'un texte spécifique (arrêts de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, C-49/88, Rec. p. I-3187, point 16, et Pays-Bas e.a./Commission, précité). La Commission aurait donc dû entendre les entreprises sur le choix procédural envisagé.

216.
    Hüls considère pour sa part qu'elle aurait dû être mise en mesure de présenter ses observations sur la légalité de la procédure que la Commission entendait suivre après l'arrêt du 15 juin 1994, notamment sur le point de savoir si une nouvelle décision pouvait être adoptée sans nouvelle audition.

217.
    BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soulignent que la Commission, dubitative sur la démarche à suivre pour l'adoption de la Décision, aurait demandé à son servicejuridique une note sur ce point. BASF, Hüls et Wacker demandent au Tribunal d'enjoindre à la Commission de produire cette note au dossier et, selon BASF, s'il n'y a eu qu'un avis oral, d'entendre l'agent qui l'a délivré.

218.
    En troisième lieu, LVM, BASF, Shell, DSM, la SAV, ICI et Enichem soutiennent que l'adoption d'une nouvelle décision impliquait l'obligation, pour la Commission, d'entendre les entreprises concernées avant l'adoption d'un acte leur faisant grief (arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 27, du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 40/85, Rec. p. 2321, point 28, du 11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 12, du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 29, et Pays-Bas e.a./Commission, précité, point 44). Les entreprises auraient ainsi pu faire valoir leurs observations notamment sur l'évolution de la jurisprudence relativement à la notion de pratique concertée et les modalités de preuves de l'existence de celle-ci. De même auraient-elles pu présenter leurs observations sur l'évolution de la jurisprudence relativement aux conditions d'accès au dossier de la Commission, l'interprétation des règles de prescription, le retard avec lequel la Commission s'est prononcée, la discrimination par rapport à Norsk Hydro et Solvay et le principe non bis in idem.

219.
    Wacker, Hoechst et ICI estiment, dans ce contexte, que la Commission ne peut pas prétendre limiter le droit d'être entendu aux seuls griefs reprochés à une entreprise. Une entreprise devrait pouvoir faire connaître ses observations chaque fois que la Commission émet de nouveaux points de vue qui n'ont pas été communiqués jusqu'alors, qu'ils se rapportent aux faits ou au droit.

220.
    LVM et DSM considèrent également que la faculté des entreprises de soumettre le litige au Tribunal ne dispense pas la Commission de les entendre avant l'adoption d'une décision (arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, précité, point 108) et la violation du droit fondamental ne peut être ainsi régularisée, sauf à porter atteinte à l'équilibre institutionnel.

221.
    Selon la SAV, la procédure ancienne n'aurait pu être reprise au stade où elle avait été viciée que dans la mesure où elle aurait été réactualisée, ce qui imposait à la Commission de tenir compte, au stade de la réfection de l'acte, des modifications de fait et de droit qui étaient intervenues (arrêts de la Cour du 3 octobre 1991, Italie/Commission, C-261/89, Rec. p. I-4437, British Aerospace et Rover/Commission, précité, et conclusions de l'avocat général M. van Gerven sous

cet arrêt, Rec. p. I-504, points 10 et 12). La SAV souligne qu'elle aurait dû être entendue afin de se prévaloir des évolutions jurisprudentielles (ci-dessus point 218), ce qui ferait partie de l'objet spécifique de la procédure administrative. Par ailleurs, le seul fait que la SAV puisse se prévaloir de cette jurisprudence à l'occasion du présent recours n'affecterait pas l'obligation qu'avait la Commission de l'entendre auparavant à ce sujet, ce qui aurait pu conduire à une décision différente.

222.
    En quatrième lieu, LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, ICI, Hüls et Enichem considèrent que les entreprises devaient être entendues car la Décision contient des différences textuelles par rapport à la décision initiale, sur des points décisifs (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Bayer/Commission, 51/69, Rec. p. 745, point 11, et Cassella/Commission, 55/69, Rec. p. 887, point 11), telles que l'appréciation des règles relatives à la prescription, la suppression de deux phrases relatives aux effets de l'entente (point 37 des considérants de la Décision), l'ajout d'une partie relative à la procédure depuis 1988, l'omission de Solvay et de Norsk Hydro. Shell estime, de plus, que le maintien de l'injonction de ne plus faire (article 2 de la Décision) atteste que la Commission devait disposer d'informations relatives à la période 1988-1994, sur lesquelles Shell n'a pas été entendue.

223.
    En cinquième lieu, BASF soutient que la précédente procédure administrative ayant été close par la décision de 1988, une nouvelle audition des entreprises s'imposait.

224.
    En sixième lieu, BASF, Wacker, Hoechst, ICI et Hüls allèguent qu'elles auraient dû être entendues car un délai de six années s'est écoulé entre l'audition et l'adoption de la Décision. Dans le même sens, Shell fait valoir qu'un laps de temps excessif s'est écoulé entre l'infraction prétendue et l'adoption de la Décision; se poserait alors la question de savoir si la procédure n'est pas abusive et injustement préjudiciable à la requérante. BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soulignent que la procédure de constatation d'infraction aboutissant à l'imposition d'amendes a une fonction dissuasive (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 106) et présente un caractère quasi-pénal. Des garanties identiques à celles prévues en procédure pénale devraient donc être reconnues. Parmi ces garanties figureraient notamment l'obligation d'une proximité raisonnable dans le temps entre la date de l'audition et celle de la décision (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 167). En l'espèce, le délai de six ans écoulé entre ces deux dates, qui ne pourrait pas être imputé aux entreprises dès lors que la décision de 1988 était entachée de graves vices, ne pourrait être qualifié de raisonnable. BASF ajoute que, compte tenu de l'évolution du marché du PVC, de celle de la situation de BASF et des modifications substantielles apportées au texte de la Décision, une nouvelle audition des entreprises s'imposait afin d'adopter la Décision en tenant compte de toutes les circonstances de droit et de fait existant à la date d'adoption.

225.
    ICI soutient enfin qu'elle ne peut être considérée comme ayant été en mesure de défendre efficacement ses intérêts, dès lors que six années se sont écoulées entre la présentation de ses observations, écrites et orales, et l'adoption de la Décision; en effet, le droit de présenter effectivement des observations suppose d'être entendu dans le contexte juridique et factuel prévalant au cours de la période immédiatement antérieure à l'adoption d'une décision.

Arguments de la Commission

226.
    En réponse aux moyens et arguments des parties requérantes, la Commission expose que, à l'égard des requérantes, la décision de 1988 a été annulée par l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, pour défaut d'authentification de la décision de 1988, en violation de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission alors en vigueur (arrêt du 15 juin 1994, points 76 à 78).

227.
    Dès lors, la validité de la procédure accomplie jusqu'au stade où le vice est intervenu ne se trouverait pas affectée. La Commission aurait donc été en droit, pour tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour, de se limiter à adopter une décision dûment authentifiée, en l'absence, d'une part, de toute nouvelle règle de procédure d'application de l'article 85 du traité édictée après la date de la décision annulée, d'autre part, de circonstances de fait nouvelles, dès lors que les faits incriminés seraient depuis longtemps révolus. Ceci serait au demeurant conforme à l'objet spécifique de la procédure administrative préalable (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 52). Une solution contraire relèverait d'un formalisme excessif (arrêt Frubo/Commission, précité, point 11).

228.
    La Commission ajoute que les différences textuelles existant entre la décision de 1988 et la Décision ne sont pas substantielles (arrêts de la Cour ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 178, du 4 février 1982, Buyl e.a./Commission, 817/79, Rec. p. 245, point 23, Fedesa e.a., précité, du 16 juillet 1992, Parlement/Conseil, précité, et du 1er juin 1994, Parlement/Conseil, précité), si bien que la jurisprudence invoquée par certaines requérantes (notamment, arrêts Transocean Marine Paint/Commission et British Aerospace et Rover/Commission, précités) ne serait pas pertinente.

229.
    En réalité, les modifications purement rédactionnelles apportées au texte ne justifieraient pas l'ouverture d'une audition puisque ces ajouts ne constitueraient pas des griefs. Si deux phrases du point 37 des considérants de la version allemande de la décision de 1988 ne figurent plus dans le même point de la Décision, ce serait uniquement pour des raisons d'harmonisation avec les autres versions linguistiques faisant également foi. Toutefois, l'adaptation du texte ne constituant pas un grief, il n'aurait pas été nécessaire d'entendre ces requérantes à ce sujet.

230.
    Dès lors que le vice ayant conduit à l'annulation de la décision de 1988 aurait été clairement circonscrit à l'étape ultime de l'adoption de la décision et que la Décision ne serait en rien substantiellement différente de la précédente, l'ensemble des étapes précédant l'adoption de la décision de 1988 demeurerait valable.

231.
    Dans ces conditions, en l'absence de tout nouveau grief à l'encontre des requérantes, la Commission estime qu'elle n'était tenue, ni d'adresser une nouvelle communication des griefs, ni de donner aux entreprises l'occasion de présenter leurs observations orales ou écrites, ni de saisir le conseiller-auditeur, ce qui serait indissociable des deux précédentes étapes procédurales.

232.
    La Commission n'aurait pas non plus été tenue de consulter le comité consultatif. En effet, compte tenu de l'annulation de la décision de 1988, la consultation du comité consultatif, intervenue le 30 novembre 1988, devrait être considérée, en l'absence de griefs nouveaux, comme la consultation préalable à l'adoption de la Décision. Il aurait ainsi été satisfait au sens et à l'objectif de l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 17. Elle souligne également que la référence au droit d'intervention du comité consultatif dans le contexte du renouvellement d'une décision d'exemption n'est pas pertinente en l'espèce. En effet, un tel renouvellement concernerait un autre cadre de référence temporel, si bien que les appréciations se fonderaient sur des paramètres différents.

233.
    Dans les affaires BASF et ICI, la Commission précise que sa position concernant le comité consultatif n'exclut pas les adaptations non essentielles du texte, telles que celles relatives à la prescription et à la suppression de deux phrases de la version allemande de la Décision. Quant à l'affaire Transocean Marine Paint/Commission, à laquelle se réfère la SAV, elle démontrerait qu'un nouvel avis est seulement nécessaire lorsqu'un élément de fond n'a pas été initialement soumis au comité consultatif. Tel ne serait cependant pas le cas en l'espèce.

234.
    La Commission relève, de plus, qu'elle n'est pas liée par l'avis du comité consultatif, ainsi qu'il ressortirait de l'article 10, paragraphe 6, deuxième phrase, du règlement n° 17.

235.
    Dans l'affaire concernant la SAV, la Commission rappelle, en tout état de cause, que le comité consultatif a été informé de l'argumentation de la SAV en réponse aux griefs (arrêts Michelin/Commission, précité, point 7, et Hüls/Commission, précité, point 86), et que ceux-ci n'ont pas changé depuis 1988. Elle ajoute qu'aucune consultation du comité consultatif ne s'imposait sur l'opportunité d'adopter une nouvelle décision.

236.
    Enfin, l'article 1er du règlement n° 99/63 n'imposerait la consultation du comité consultatif qu'après l'audition des parties. Or, une nouvelle audition des parties n'ayant pas été nécessaire, une nouvelle consultation du comité consultatif ne se

serait pas non plus imposée, par identité de motifs (arrêt de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 54).

237.
    Par ailleurs, la Commission fait observer qu'elle est seule juge de l'opportunité d'adopter, ou d'adopter de nouveau, une décision (arrêt Parker Pen/Commission,précité, point 65), si bien qu'elle n'avait pas à entendre les parties sur un prétendu choix procédural. Il n'existerait d'ailleurs aucune décision propre dans laquelle la Commission aurait décidé de retenir une procédure autre que celle prévue par les textes.

238.
    La Commission ajoute enfin que les prétendues évolutions jurisprudentielles, tant en ce qui concerne la notion de pratique concertée que la question de l'accès au dossier, ne sont pas pertinentes, dès lors qu'il n'y a aucun rapport avec la matérialité des griefs se rapportant à la période de référence. Ces évolutions jurisprudentielles alléguées n'auraient ainsi pas conduit à une modification des griefs retenus à l'égard des requérantes. Si elles peuvent être invoquées par des requérantes pour obtenir l'annulation de la procédure administrative préalable, elles ne pourraient en revanche conduire à l'annulation de la Décision pour défaut de réouverture de procédure.

239.
    Au demeurant, les questions de procédure, sur lesquelles la jurisprudence aurait évolué, ne feraient pas normalement partie de la communication des griefs et n'auraient pas à être examinées par la Commission dans sa décision (arrêts du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, et Michelin/Commission, précité). A cet égard, les éléments relatifs à l'accès au dossier qui apparaissent dans la Décision ne constitueraient pas une partie de la motivation essentielle venant à l'appui du dispositif.

240.
    Dans l'affaire Elf Atochem, la Commission souligne que l'argument de la requérante selon lequel elle aurait dû être entendue sur l'application des principes non bis in idem et de proportionnalité n'a pas de sens, puisqu'aucun de ces principes ne serait en cause en l'espèce. De plus, l'argument de cette requérante tiré de l'évolution du marché du PVC entre 1988 et 1994 serait dénué de pertinence, dès lors que cette évolution, à la supposer établie, serait sans incidence sur l'appréciation des faits, qui se situent entre 1980 et 1984. Dans le même sens, la Commission précise, dans l'affaire T-313/94, que rien dans la Décision n'indique que des éléments relatifs à la période 1988-1994 auraient été utilisés à l'appui de l'article 2 du dispositif.

241.
    Dans les affaires BASF, Wacker et Hoechst, la Commission fait observer, en réponse au moyen relatif à la longueur de la période séparant l'audition de la Décision, que la procédure administrative en matière de concurrence n'est pas de nature pénale et ne connaît pas le principe de l'oralité. Pour cette raison, rien ne s'opposerait à ce que les membres de la Commission soient informés des résultats de l'audition par des personnes que la Commission a mandatées pour y procéder,

conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, sans avoir à assister personnellement à cette audition (arrêt du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, précité, point 23). Elle rappelle, en outre, que le conseiller-auditeur veille à l'établissement d'un procès-verbal de l'audition, lu et approuvé par l'entreprise en cause.

242.
    Enfin, le simple écoulement du temps entre l'infraction et la Décision, entre la décision de 1988 et la Décision, et entre l'audition et la Décision, n'ouvrirait pas un droit d'audition, le législateur communautaire ayant voulu qu'il y ait suspension pendant la durée de la procédure judiciaire (article 3 du règlement n° 2988/74). Shell, qui invoque l'écoulement du temps entre l'infraction et la Décision, n'aurait, à cet égard, subi aucun préjudice.

243.
    De surcroît, la Décision n'aurait pas été prise de façon surprenante. En effet, par un communiqué de presse publié le jour même du prononcé de l'arrêt de la Cour, la Commission avait fait part de ses intentions.

244.
    La Commission nie enfin avoir méconnu les dispositions de l'accord EEE; en effet, celui-ci serait inapplicable ratione temporis, au motif que les faits ayant conduit à la Décision sont antérieurs à l'entrée en vigueur de cet accord le 1er janvier 1994.

245.
    Dans les affaires BASF, Wacker et Hüls, la Commission observe qu'il n'existe pas d'avis de son service juridique portant sur le point de savoir si une nouvelle décision pouvait être adoptée à l'égard des producteurs de PVC sur la base de la procédure administrative antérieure à l'adoption de la décision de 1988. En toute hypothèse, un tel avis présenterait un caractère purement interne et ne serait pas accessible aux tiers (arrêt Hüls/Commission, précité, point 86).

Appréciation du Tribunal

246.
    Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 9).

247.
    Faisant application de ce principe, l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et l'article 4 du règlement n° 99/63 prescrivent à la Commission de ne retenir dans sa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises et associations d'entreprises intéressées ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.

248.
    Le droit des entreprises et associations d'entreprises intéressées de faire connaître leur point de vue, lors de la phase écrite et de la phase orale de la procédure administrative, au sujet des griefs retenus par la Commission constitue un élément essentiel des droits de la défense (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 52).

Une telle audition est, en effet, nécessaire afin «d'assurer aux entreprises et associations d'entreprises le droit de présenter des observations à l'issue des instructions au sujet de l'ensemble des griefs que la Commission se propose de retenir contre elles dans ses décisions» (troisième considérant du règlement n° 99/63).

249.
    Le respect des droits de la défense requiert donc que soit donnée à chaque entreprise ou association d'entreprises intéressée la possibilité d'être entendue sur les griefs que la Commission entend retenir contre chacune d'elles dans la décision finale constatant l'infraction aux règles de la concurrence.

250.
    En l'espèce, il a déjà été constaté que l'annulation de la décision de 1988 n'a pas affecté la validité des mesures préparatoires de cette décision, antérieures au stade où le vice est survenu (ci-dessus point 189). La validité de la communication des griefs, envoyée à chacune des requérantes au début du mois d'avril 1988, n'a donc pas été mise en cause par l'arrêt du 15 juin 1994. De même et pour des raisons identiques, la validité de la phase orale de la procédure administrative, qui s'est déroulée devant la Commission dans le courant du mois de septembre 1988, n'a pas été affectée.

251.
    Dès lors, le Tribunal estime qu'une nouvelle audition des entreprises intéressées n'était requise avant l'adoption de la Décision que dans la mesure où celle-ci contenait des griefs nouveaux par rapport à ceux qui étaient énoncés dans la décision initiale annulée par la Cour.

252.
    Or, les requérantes ne contestent pas que le texte de la Décision ne contient aucun grief nouveau par rapport à celui de la décision de 1988. Dans ces conditions, c'est à juste titre que la Commission a adopté la Décision sans procéder à une nouvelle audition des entreprises intéressées. A cet égard, le fait que la Décision a été adoptée dans des circonstances de fait et de droit différentes de celles ayant existé à l'époque de l'adoption de la décision initiale ne signifie nullement que la Décision contient de nouveaux griefs.

253.
    N'ayant pas été tenue de procéder à une nouvelle audition des entreprises intéressées, la Commission n'a pas pu méconnaître les termes de sa décision, du 23 novembre 1990, relative au déroulement des auditions dans le cadre des procédures d'application des articles 85 et 86 du traité CEE et des articles 65 et 66 du traité CECA. Cette décision n'était, en effet, pas applicable dans le temps à la phase orale de la procédure administrative qui a précédé l'adoption de la Décision.

254.
    S'agissant du comité consultatif, dont les dispositions de l'article 10, paragraphes 3 à 6, du règlement n° 17, règlent les compétences, la composition et la procédure de consultation, le Tribunal relève qu'il a émis son avis sur l'avant-projet de décision de la Commission le 1er décembre 1988.

255.
    L'allégation des requérantes, selon laquelle, dans les circonstances de l'espèce, la Commission devait procéder à une nouvelle consultation du comité consultatif avant d'adopter la Décision, ne peut pas être accueillie.

256.
    En effet, aux termes de l'article 1er du règlement n° 99/63, «avant de consulter le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission procède à une audition en application de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17». Cette disposition confirme que l'audition des entreprises intéressées et la consultation du comité consultatif sont nécessaires dans les mêmes situations (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 54).

257.
    Or, ainsi que le Tribunal l'a jugé précédemment (ci-dessus point 252), une nouvelle audition des entreprises intéressées n'était nullement nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, avant l'adoption de la Décision. Étant donné que, par rapport à la décision de 1988, sur un avant-projet de laquelle le comité avait été consulté conformément à l'article 10, paragraphe 5, du règlement n° 17, la Décision ne comporte que des modifications rédactionnelles n'affectant pas les griefs, une nouvelle consultation du comité consultatif n'était pas requise.

258.
    Enfin, il convient de relever, dans ce contexte, que la Décision fait expressément mention, dans sa partie introductive, de la consultation du comité consultatif. Le grief invoqué par la SAV et ICI, tiré d'une insuffisance de motivation de la Décision à cet égard, doit donc être écarté.

259.
    En ce qui concerne le grief tiré de la prétendue méconnaissance de l'obligation de coopération avec l'Autorité de surveillance AELE, il suffit de relever que, aucune nouvelle audition des entreprises intéressées et aucune nouvelle consultation du comité consultatif n'ayant été requises avant l'adoption de la Décision, les dispositions pertinentes de l'accord EEE et celles des protocoles 21 et 23 n'étaient pas applicables à la procédure administrative en cours. En effet, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 1994, date à laquelle les étapes procédurales requérant la coopération entre la Commission et l'Autorité de surveillance AELE, à savoir l'audition des entreprises et la consultation du comité consultatif, avaient déjà eu lieu.

260.
    Les requérantes se prévalent également de la jurisprudence selon laquelle le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré, même en l'absence d'une réglementation spécifique (notamment, arrêt Pays-Bas e.a./Commission, précité, point 44).

261.
    Toutefois, il ne peut pas être déduit de cette jurisprudence que la Commission devait de nouveau entendre les requérantes avant d'adopter l'acte qui leur fait grief.

262.
    En effet, il y a lieu de rappeler que la procédure administrative de constatation d'infraction aux dispositions de l'article 85 du traité est régie par les règlements n° 17 et n° 99/63. Or, cette réglementation spécifique contient des dispositions (ci-dessus point 247) qui garantissent expressément et effectivement le principe du respect des droits de la défense.

263.
    En tout état de cause, selon cette jurisprudence, le principe du respect des droits de la défense requiert que le destinataire de la décision se voie communiquer, avant l'adoption de la décision finale lui faisant grief, un exposé précis et complet des griefs que la Commission entend retenir à son encontre.

264.
    Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence que le respect des droits de la défense impose à la Commission, lorsqu'elle entame une procédure de constatation d'infraction aux règles communautaires de la concurrence à l'encontre de plusieurs entreprises, une obligation autre que celle de mettre chacune de ces entreprises en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'une violation du droit communautaire.

265.
    De même, il y a lieu de constater que l'arrêt Transocean Marine Paint/Commission, précité, invoqué par les requérantes à l'appui de leur thèse de la nécessité d'une nouvelle audition, est dénué de pertinence en l'espèce, étant donné qu'il concerne une situation particulière, à savoir celle du respect des droits de la défense d'une entreprise lorsque la Commission envisage de subordonner une exemption prévue à l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines conditions.

266.
    Il s'ensuit que la Commission n'était pas tenue, avant d'adopter la Décision, d'entendre les entreprises concernées sur son intention d'adopter un nouvel acte faisant grief, sur le choix procédural opéré, sur leurs diverses observations relatives à certains éléments de fait et de droit, ainsi que sur les différences existant entre le texte de la Décision et celui de la décision initiale annulée. Il importe de souligner qu'il n'est pas allégué que ces circonstances constituent des griefs nouveaux.

267.
    Par ailleurs, l'absence d'obligation pour la Commission de procéder à une nouvelle audition des entreprises intéressées n'est pas affectée par le délai de six années qui s'est écoulé entre la phase orale de la procédure administrative et l'adoption de la Décision. En effet, ces entreprises ont eu la possibilité de développer verbalement, en septembre 1988, leurs points de vue sur les griefs, inchangés depuis cette date et retenus contre elles dans la Décision.

268.
    Enfin, à supposer même que le service juridique de la Commission ait émis un avis portant sur le point de savoir si une nouvelle décision pouvait être adoptée à

l'égard des producteurs de PVC sur la base de la procédure administrative antérieure à l'adoption de la décision de 1988, le respect des droits de la défense n'exige pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité puissent commenter un tel avis qui constitue un document purement interne à la Commission. A cet égard, il convient de souligner que la Commission n'est pas tenue de se ranger à l'avis émis par son service juridique et, dans ces conditions, il ne présente aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (voir, dans le même sens, arrêt Hüls/Commission, précité, point 86).

269.
    Il y a lieu d'écarter également l'argument invoqué par LVM et DSM (ci-dessus point 140), selon lequel la Décision serait illicite au motif qu'elle constitue, en l'absence d'une enquête préalable, un moyen disproportionné d'atteindre l'objectif de protection de la concurrence. Il suffit de rappeler à cet égard que la Commission n'était pas tenue de procéder à une nouvelle audition des entreprises intéressées avant d'adopter la Décision. La disproportion alléguée par les requérantes repose donc sur une prémisse erronée.

270.
    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter l'ensemble des griefs invoqués par les requérantes.

B — Sur les irrégularités commises lors de l'adoption et de l'authentification de la Décision

271.
    Des requérantes soutiennent que des irrégularités ont été commises par la Commission lors de l'adoption et de l'authentification de la Décision.

272.
    Lors de l'audience, Wacker et Hoechst se sont désistées d'un moyen tiré du défaut d'authentification de la Décision, ce dont il a été pris acte par le greffier. Le Tribunal considère que ce désistement emporte également celui du moyen tiré du défaut de conformité entre les copies de la Décision notifiées à Wacker et à Hoechst et l'original, ce second moyen étant étroitement lié au premier.

273.
    Les allégations des requérantes se composent de plusieurs moyens.

1. Sur les moyens tirés de l'illégalité du règlement intérieur de la Commission du 17 février 1993

Arguments des parties

274.
    LVM et DSM rappellent que la Décision a été adoptée en vertu des dispositions du règlement intérieur de la Commission du 17 février 1993 (JO L 230, p. 16, ci-après «règlement intérieur»). L'article 16 de ce règlement prévoit que les actes adoptés, annexés au procès-verbal de la réunion au cours de laquelle ils ont été

adoptés, sont authentifiés par les signatures du président et du secrétaire général de la Commission apposées à la première page de ce procès-verbal.

275.
    Selon LVM et DSM, une partie peut invoquer la violation d'un tel règlement intérieur en tant que forme substantielle (arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission, précité, point 75). En l'espèce, les dispositions en matière d'authentification ne seraient pas conformes aux principes dégagés dans les arrêts du 27 février 1992, BASF e.a./Commission, précité (points 75 et 78), et du 15 juin 1994 (points 75, 76 et 78), selon lesquels l'obligation d'authentification par la signature, sur l'acte lui-même, du président et du secrétaire général de la Commission traduit une exigence fondamentale du droit communautaire, inspirée de considérations de sécurité juridique. En conséquence, il n'existerait pas d'acte faisant foi en langue néerlandaise dûment authentifié.

276.
    Enichem soutient que, en adoptant la Décision, la Commission a violé soit les principes énoncés dans l'arrêt du 15 juin 1994, soit son règlement intérieur. En effet, les articles 2 et 16 de ce règlement, relatifs, respectivement, à l'habilitation en vue de l'adoption et à l'authentification des actes adoptés en vertu de cette procédure, ne seraient pas compatibles avec le respect du principe de collégialité.

277.
    En outre, les modalités de l'authentification des actes, prévues par l'article 16 du règlement intérieur, ne garantiraient pas la sécurité juridique requise par la Cour, puisque serait authentifié le procès-verbal et non la mesure adoptée.

278.
    La Commission répond aux moyens de LVM et de DSM que l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre du règlement intérieur est irrecevable. En effet, le règlement intérieur d'une institution ne constituerait pas un acte de portée générale, obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, aux fins de l'application de l'article 184 du traité. Elle observe que, en toute hypothèse, LVM et DSM confondent le principe de collégialité visé par l'article 163 du traité et l'authentification des décisions. Il serait ainsi faux de prétendre que l'article 12 du règlement intérieur, dans sa version en vigueur à la date d'adoption de la décision de 1988, était le seul moyen de respecter le principe de collégialité (arrêt du 15 juin 1994, points 72 à 77).

279.
    La Commission estime qu'Enichem n'établit ni en quoi le règlement intérieur ne serait pas conforme à l'arrêt de la Cour, ni en quoi ce prétendu défaut de conformité concernerait des éléments relatifs à l'adoption de la Décision (arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35/92, Rec. p. II-957).

Appréciation du Tribunal

280.
    Le Tribunal estime, à titre liminaire, que l'argumentation des requérantes doit être comprise en ce sens qu'elles excipent de l'illégalité de certaines dispositions du règlement intérieur de la Commission, en vigueur lors de l'adoption de la Décision.

En effet, les requérantes mettent en cause de façon incidente, conformément à l'article 184 du traité, la validité de certaines dispositions du règlement intérieur en invoquant un des moyens de contrôle de légalité mentionné à l'article 173 de ce traité, à savoir la violation du traité ou de toute règle de droit relative à son application.

281.
    L'exception d'illégalité des dispositions du règlement intérieur s'ordonne en deux branches. Dans une première branche, LVM, DSM et Enichem soutiennent que les dispositions de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur, relatif aux modalités d'authentification des actes adoptés, contreviennent au principe de sécurité juridique, tel que retenu par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994. Dans une seconde branche, Enichem fait valoir que les dispositions des articles 2, sous c), et 16, deuxième alinéa, du règlement intérieur, relatives à la procédure d'habilitation contreviennent au principe de collégialité.

— Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité

282.
    Le Tribunal estime nécessaire d'examiner d'office la recevabilité de l'exception d'illégalité dans son ensemble, sans se limiter à la seule objection soulevée par la Commission.

283.
    Aux termes de l'article 184 du traité, «nonobstant l'expiration du délai prévu à l'article 173, cinquième alinéa, toute partie peut, à l'occasion d'un litige mettant en cause un règlement arrêté conjointement par le Parlement européen et le Conseil ou un règlement du Conseil, de la Commission ou de la [Banque centrale européenne], se prévaloir des moyens prévus à l'article 173, deuxième alinéa, pour invoquer devant la Cour de justice l'inapplicabilité de ce règlement».

284.
    Il convient de relever, en premier lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt Simmenthal/Commission, précité, points 39 à 41), l'article 184 du traité est l'expression d'un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d'obtenir l'annulation d'une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droit d'introduire, en vertu de l'article 173 du traité, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d'en demander l'annulation.

285.
    L'article 184 du traité doit donc recevoir une interprétation large afin que soit assuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions. En ce sens, la Cour a déjà jugé dans l'arrêt Simmenthal/Commission, précité (point 40), que le champ d'application de cet article doit s'étendre aux actes des institutions, qui, s'ils n'ont pas la forme d'un règlement, produisent cependant des effets analogues.

286.
    Le Tribunal considère que le champ d'application de l'article 184 du traité doit également s'étendre aux dispositions d'un règlement intérieur d'une institution qui, bien qu'elles ne constituent pas la base juridique de la décision attaquée et ne produisent pas des effets analogues à ceux d'un règlement au sens de cet article du traité, déterminent les formes substantielles requises aux fins de l'adoption de cette décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des personnes qui en sont destinataires. Il importe, en effet, que tout destinataire d'une décision puisse contester de manière incidente la légalité de l'acte qui conditionne la validité formelle de cette décision, nonobstant le fait que l'acte en cause ne constitue pas le fondement juridique de celle-ci, dès lors qu'il n'a pas été en mesure de demander l'annulation de cet acte avant d'avoir reçu notification de la décision litigieuse.

287.
    Par conséquent, les dispositions du règlement intérieur de la Commission peuvent faire l'objet d'une exception d'illégalité pour autant qu'elles assurent la protection des particuliers.

288.
    En second lieu, il convient de rappeler que l'exception d'illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige.

289.
    En effet, l'article 184 du traité n'a pas pour but de permettre à une partie de contester l'applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d'un recours quelconque. L'acte général dont l'illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l'espèce qui fait l'objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l'acte général en question (arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas e Figli/ Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245, du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, point 57).

290.
    En l'espèce, l'exception d'illégalité, prise en sa seconde branche, vise à faire constater que les dispositions du règlement intérieur de la Commission relatives à l'habilitation violent le principe de collégialité. Or, Enichem ne soutient même pas que la Décision ait été adoptée en vertu d'une compétence déléguée, ni n'avance aucun élément de nature à le laisser penser. Enichem n'ayant pas établi l'existence d'un lien juridique direct entre la Décision et les dispositions du règlement intérieur dont elle excipe de l'illégalité, la seconde branche de l'exception doit être rejetée comme irrecevable.

291.
    Quant à l'exception d'illégalité prise en sa première branche, il convient de rappeler que la Décision a été authentifiée en vertu des dispositions de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur. Il existe par conséquent un lien juridique direct entre la Décision et cet article du règlement intérieur dont les requérantes invoquent l'illégalité.

292.
    Cet article du règlement intérieur détermine les modalités de l'authentification de l'acte faisant grief aux requérantes. Or, l'authentification des actes selon les modalités prévues par le règlement intérieur de la Commission a pour but d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte adopté par le collège (arrêt du 15 juin 1994, point 75). Il s'ensuit que cette disposition vise à assurer la protection des destinataires de l'acte et qu'elle peut, par conséquent, faire l'objet d'une exception d'illégalité.

293.
    Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité prise en sa première branche, soulevée par LVM, DSM et Enichem contre l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur, est recevable. Par conséquent, il convient de procéder à l'examen du bien-fondé de cette exception au regard du prétendu non-respect de l'exigence de sécurité juridique.

— Sur l'illégalité de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur du fait du non-respect de l'exigence de sécurité juridique

294.
    Selon les requérantes, la Décision serait illégale car les modalités prévues à l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur relatives à l'authentification des actes seraient incompatibles avec l'exigence de sécurité juridique rappelée par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994.

295.
    L'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur lorsque la Décision a été adoptée, dispose:

«Les actes adoptés en réunion ou par la procédure écrite sont annexés, dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi, au procès-verbal de la réunion de la Commission au cours de laquelle ils ont été adoptés ou au cours de laquelle il a été pris acte de leur adoption. Ces actes sont authentifiés par les signatures du président et du secrétaire général apposées à la première page de ce procès-verbal.»

296.
    Dans l'arrêt du 15 juin 1994, la Cour a rappelé qu'il résulte de l'article 162, paragraphe 2, du traité que la Commission a l'obligation, entre autres, de prendre les mesures aptes à permettre d'identifier avec certitude le texte complet des actes adoptés par le collège (points 72 et 73 des motifs).

297.
    A cet égard, la Cour a considéré que l'authentification des actes prévue à l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque de l'adoption de la décision de 1988, qui disposait que «[l]es actes adoptés par la Commission, en séance ou par la procédure écrite, sont authentifiés, dans la ou les langues où ils font foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif», a pour but d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte adopté par le collège. Elle a ajouté que «l'authentification permet ainsi de vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou

publiés avec [le texte adopté par le collège] et, par là même, avec la volonté de leur auteur» (point 75 des motifs).

298.
    Au vu de ces motifs de l'arrêt du 15 juin 1994, il convient de vérifier si les modalités prévues à l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur (ci-dessus point 295) sont de nature à permettre d'identifier avec certitude le texte complet des actes adoptés par le collège.

299.
    Tout d'abord, il y a lieu de préciser que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Cour n'a pas pris position dans l'arrêt du 15 juin 1994 sur la question de savoir si l'authentification prévue selon les dispositions de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque de l'adoption de la décision de 1988 constituait l'unique mode d'authentification acceptable au regard de l'exigence de sécurité juridique. En effet, si la Cour a indiqué l'objet de l'authentification des actes (point 75 des motifs), elle n'a toutefois pas précisé que les modalités requises aux fins de l'authentification par l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur alors en vigueur étaient seules aptes à assurer cet objet.

300.
    En outre, il était constant entre les parties devant la Cour que la Commission avait méconnu les dispositions relatives à l'authentification, telles que prévues par le règlement intérieur de la Commission, de sorte que la Cour a pu constater l'illégalité de la décision initiale sur le fondement d'une violation des formes substantielles sans avoir à se prononcer sur la légalité de l'authentification dans les termes prévus par l'article 12, premier alinéa, de l'ancien règlement intérieur.

301.
    Enfin, les requérantes estiment que la signature apposée sur le procès-verbal ne répond pas à l'exigence de sécurité juridique puisque, à défaut d'acte portant la signature du président et du secrétaire général, il ne serait pas possible de contrôler la correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec le texte adopté par le collège des membres de la Commission. Elles en déduisent que seule serait authentifiée la première page du procès-verbal.

302.
    Cet argument ne peut pas être accueilli. Le Tribunal estime que les modalités prévues par l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur constituent en elles-mêmes une garantie suffisante pour contrôler, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec le texte adopté par le collège et, par là même, avec la volonté de leur auteur. En effet, dès lors que ce texte est annexé au procès-verbal et que la première page de celui-ci est signée par le président et le secrétaire général, il existe un lien entre ce procès-verbal et les documents qu'il recouvre permettant d'être assuré du contenu et de la forme exacts de la décision du collège.

303.
    A cet égard, une autorité doit être présumée avoir agi conformément à la législation applicable tant que la non-conformité à la norme de ses agissements n'a pas été constatée par le juge communautaire.

304.
    Dès lors, l'authentification prévue selon les modalités de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur doit être considérée comme légale. Partant, le moyen doit être rejeté.

2. Sur les moyens tirés de la violation du principe de collégialité et du règlement intérieur de la Commission

Arguments des parties

305.
    LVM et DSM soutiennent que la Commission a méconnu les dispositions de son règlement intérieur lors de l'adoption de la Décision. Dans leurs mémoires en réplique, elles indiquent que la copie de la Décision «certifiée conforme» qui leur a été notifiée est signée du membre de la Commission en charge des questions de concurrence, ce qui tendrait à indiquer que la Décision n'a pas été adoptée par le collège des membres de la Commission, mais par le seul membre concerné, en violation du principe de collégialité. Cet élément suffirait pour mettre en doute la présomption de validité de la Décision (arrêts du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, précité, et Solvay/Commission, T-31/91, Rec. p. II-1821). LVM et DSM demandent au Tribunal d'ordonner à la Commission de produire des informations complémentaires à cet égard.

306.
    Elf Atochem relève que la Décision a été adoptée à peine un mois après l'arrêt de la Cour; en outre, selon les déclarations d'un porte-parole de la Commission à la presse, cette décision aurait été adoptée sans discussion au sein du collège. Ces éléments seraient de nature à remettre en cause la validité de la Décision pour violation du principe de collégialité.

307.
    La Commission estime qu'une violation des règles internes de prise de décision ne peut être invoquée que lorsque la partie requérante peut démontrer, par des indications concrètes, qu'il y a lieu de douter de la validité de la prise de décision. A défaut de telles indications, l'acte de la Commission serait réputé valablement adopté (arrêt Deere/Commission, précité, point 31). Or, en l'espèce, aucune indication concrète n'aurait été avancée par les requérantes.

Appréciation du Tribunal

308.
    La circonstance que la copie de la Décision qui a été adressée à LVM et à DSM porte le nom du membre de la Commission en charge des questions deconcurrence et la mention «ampliation certifiée conforme» («voor gelijkluidend afschrift» en néerlandais) ne constitue pas un indice de ce que la Décision a été adoptée en violation du principe de collégialité. A cet égard, le texte de la Décision indique qu'il s'agit d'une «décision de la Commission». En outre, il ressort de ce même texte que c'est «la Commission des Communautés européennes» qui, considérant les faits et l'appréciation juridique, a arrêté la Décision.

309.
    Dès lors, ces requérantes n'invoquent aucun indice, ni aucune circonstance précise, de nature à écarter la présomption de validité dont bénéficient les actes communautaires (voir, notamment, arrêt Dunlop Slazenger/Commission, précité, point 24).

310.
    En l'absence d'un tel indice, il n'appartient pas au Tribunal d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées.

311.
    En outre, le fait que la Décision a été arrêtée dans un court laps de temps après l'arrêt du 15 juin 1994, et la circonstance, à la supposer établie, qu'elle ait été adoptée sans discussion au sein du collège des membres de la Commission n'impliquent en rien que le principe de collégialité ait été méconnu.

312.
    Il résulte de ce qui précède que les moyens doivent être rejetés.

3. Sur le moyen relatif à la composition du dossier soumis à la délibération du collège des membres de la Commission

313.
    ICI soutient que, en raison des vices dont serait entachée la procédure administrative, le collège des membres de la Commission n'a pas pu prendre connaissance de toutes les pièces pertinentes de l'affaire avant d'adopter la Décision, et notamment un nouveau rapport du conseiller-auditeur et un nouveau compte-rendu des résultats de la consultation du comité consultatif. Le collège des membres de la Commission, dont la composition aurait été largement modifiée par rapport à 1988, n'aurait donc pas été informé des moyens de défense d'ICI.

314.
    La Commission estime que ce moyen est dénué de tout fondement en droit.

315.
    Il y a lieu de rappeler que la Commission, après l'annulation de la décision de 1988 prononcée par la Cour le 15 juin 1994, n'a commis aucune erreur de droit en ne procédant pas à une nouvelle audition des entreprises intéressées ni à une nouvelle consultation du comité consultatif avant l'adoption de la Décision (ci-dessus points 246 à 258).

316.
    La prémisse du raisonnement de la requérante étant erronée, le moyen est dénué de fondement et doit, par conséquent, être rejeté.

4. Sur les moyens tirés de la violation des principes d'identité entre l'organe ayant délibéré et l'organe ayant statué, d'une part, et d'immédiateté, d'autre part

Arguments des parties

317.
    Hüls soutient que, en vertu du principe d'identité entre l'organe ayant délibéré et l'organe ayant statué, une décision ne peut être adoptée que par des personnes qui ont participé à la procédure ou qui ont eu la possibilité de se forger une opinion

directe sur l'affaire. Or, en l'espèce, la plupart des membres de la Commission à la date d'adoption de la Décision, et en particulier celui en charge des questions de concurrence, ainsi que le directeur général de la direction générale de la concurrence de la Commission (DG IV), n'étaient plus ceux en poste lors de l'instruction de l'affaire en 1988.

318.
    En matière de concurrence, il ne faudrait pas considérer la Commission comme une administration en tant que telle, c'est-à-dire comme une institution indépendante de ses membres. Il conviendrait de se rapporter, à cet égard, aux articles 1er et 12 du règlement intérieur, qui stipulent que la Commission agit en collège, et à l'article 6 du statut du conseiller-auditeur.

319.
    BASF, Wacker et Hoechst soutiennent, quant à elles, que la Commission a violé le principe de l'immédiateté. BASF observe que, à la date d'adoption de la Décision, la plupart des membres de la Commission et le directeur général de la DG IV n'étaient plus les mêmes que ceux en poste en 1988. En conséquence, la Décision aurait été adoptée par des personnes qui n'étaient pas pleinement informées de l'affaire et qui n'ont pas eu le temps de l'être depuis le prononcé de l'arrêt du 15 juin 1994. Le présent moyen ne tendrait pas à exiger que les membres de la Commission soient personnellement présents lors des auditions, mais qu'ils soient exactement informés de ce qui s'y est dit, grâce à la mise en oeuvre des règles de procédure, et notamment la consultation du conseiller-auditeur.

320.
    Enfin, Wacker et Hoechst soutiennent que les personnes qui élaborent la décision doivent avoir participé aux auditions ou, à tout le moins, doivent pouvoir recueillir à bref délai l'impression que les auditions ont produite sur d'autres participants. Tel n'aurait pas été le cas en l'espèce, la plupart des membres de la Commission à la date de l'audition n'étant plus en fonction à la date de l'adoption de la Décision.

321.
    La Commission estime que les principes d'identité et d'immédiateté n'existent pas. Selon elle, le droit procédural communautaire en matière de concurrence repose sur des autorités revêtues d'une fonction et non sur les personnes qui exercent les fonctions en cause (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, points 71 et 72). Aucune disposition n'imposerait que les différentes étapes d'une procédure en matière de concurrence se déroulent au cours d'un seul et même mandat des membres de la Commission.

Appréciation du Tribunal

322.
    Les requérantes font état de la violation d'un principe général imposant la continuité dans la composition de l'organe administratif saisi d'une procédure pouvant aboutir à une amende.

323.
    Or, il n'existe aucun principe général de cette nature (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 72).

324.
    Partant, le moyen n'est pas fondé et doit être rejeté.

C — Sur les vices dont serait affectée la procédure administrative

325.
    Les requérantes invoquent, à titre subsidiaire, plusieurs moyens tirés d'irrégularités qui auraient été commises durant la procédure administrative ayant précédé l'adoption de la Décision. Le Tribunal relève, dans ce contexte, que, lors de l'audience, Wacker et Hoechst se sont désistées de leur moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), ce dont il a été pris acte par le greffier.

326.
    Une distinction entre les moyens peut être établie selon qu'ils concernent l'existence de vices affectant la communication des griefs ou celle de vices affectant l'audition. Quant au moyen tiré de la violation du droit d'accès au dossier de la Commission, il sera examiné après la partie de l'arrêt consacrée au fond.

1. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant la communication des griefs

a) Sur le moyen tiré de l'existence de vices formels affectant la communication des griefs

Arguments des parties

327.
    Wacker et Hoechst soutiennent que la Décision est fondée sur une communication des griefs irrégulière. En effet, en premier lieu, ceux-ci n'auraient été communiqués que par un agent de la Commission, en violation de l'article 2 du règlement n° 99/63. En second lieu, la communication des griefs, consistant en un volumineux document dont il n'était pas possible de savoir s'il était complet, méconnaîtrait les dispositions du même article 2, aux termes duquel la Commission communique par écrit les griefs. Les griefs auraient dû, par conséquent, être communiqués dans un unique document écrit. En troisième lieu, la communication des griefs aurait dû être signée par son auteur.

328.
    La Commission estime que le moyen est manifestement dépourvu de fondement.

Appréciation du Tribunal

329.
    En ce qui concerne l'argument tiré de la prétendue habilitation d'un agent de la Commission pour communiquer les griefs, il ressort des pièces du dossier que la communication des griefs adressée aux requérantes était accompagnée d'une lettre signée par le directeur général adjoint de la DG IV de la Commission, pour le directeur général de cette direction générale.

330.
    Or, en signant cette lettre, le directeur général adjoint a agi dans le cadre, non pas d'une délégation de pouvoirs, mais d'une simple délégation de signature que le directeur général avait reçue du membre compétent (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, point 5). Une telle délégation constitue le moyen normal par lequel la Commission exerce sa compétence (arrêt VBVB et VBBB/Commission, précité, point 14).

331.
    Dans la mesure où les requérantes n'ont apporté aucune indication qui permette de croire que, en l'occurrence, l'administration communautaire se serait départie de l'observation des règles applicables en la matière (arrêt VBVB et VBBB/Commission, précité, point 14), le grief doit être rejeté.

332.
    Quant aux griefs fondés sur une prétendue méconnaissance des règles de forme de la communication des griefs, ils ne sauraient davantage être accueillis.

333.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, «[l]a Commission communique par écrit aux entreprises et associations d'entreprises les griefs retenus contre elles». Cette disposition n'exige pas que la communication des griefs porte une signature manuscrite apposée sur le document lui-même, ni que la communication des griefs soit constituée par un acte formellement unique.

334.
    Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.

b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil

Arguments des parties

335.
    BASF, Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violé l'article 3 du règlement n° 1. La communication des griefs aurait en effet comporté des annexes, indispensables à la bonne compréhension des griefs, non rédigées dans la langue de l'État membre dont la juridiction s'exerce sur elles. Cet argument vaudrait également à l'égard des documents transmis par la Commission le 3 mai 1988. Enichem ajoute que la Commission a ainsi également violé l'article 4 du règlement n° 99/63.

336.
    La Commission considère que l'argumentation des requérantes est contraire au texte et à l'esprit de l'article 3 du règlement n° 1. L'abondance des réactions de ces requérantes montrerait d'ailleurs bien que, en fait, elles n'ont eu aucune difficulté particulière à comprendre l'ensemble du contenu des éléments de preuve.

Appréciation du Tribunal

337.
    Les annexes à la communication des griefs qui n'émanent pas de la Commission ne doivent pas être considérées comme des «textes» au sens de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil. En effet, ces annexes doivent être considérées comme

des pièces à conviction sur lesquelles la Commission s'appuie. Partant, elles doivent être portées à la connaissance du destinataire telles qu'elles sont (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec. p. II-1063, point 21). La Commission n'a donc commis aucune violation des dispositions de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil.

338.
    En ce qui concerne la prétendue violation de l'article 4 du règlement n° 99/63 alléguée par Enichem, il y a lieu de relever que le corps de la communication des griefs qui a été adressé à cette requérante en langue italienne contient des extraits pertinents des annexes. Cette présentation lui a donc permis de savoir avec précision sur quels faits et quel raisonnement juridique la Commission s'était fondée (arrêt Tréfilunion/Commission, précité, point 21). La requérante a par conséquent été en mesure de défendre utilement ses droits.

339.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.

c) Sur le moyen tiré d'une absence de délai suffisant pour préparer la réponse à la communication des griefs

Arguments des parties

340.
    Wacker et Hoechst soutiennent que la Commission ne les a pas mises à même de prendre connaissance du dossier et de faire ensuite utilement connaître leur point de vue (arrêt de la Cour du 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec. p. 1971, point 20). En refusant, en dépit des circonstances de l'espèce, de proroger le délai qui avait été imparti à l'entreprise pour présenter ses observations en réponse à la communication des griefs, la Commission aurait méconnu tant les droits de la défense que les dispositions de l'article 11 du règlement n° 99/63.

341.
    BASF soutient qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour procéder à l'examen des pièces qui lui ont été notifiées par lettre du 3 mai 1988.

342.
    La Commission rétorque à Wacker et à Hoechst que les dispositions de l'article 11 du règlement n° 99/63 ont été respectées. La requérante aurait ainsi bénéficié d'un délai de deux mois pour répondre par écrit à la communication des griefs et cinq mois pour préparer l'audition de septembre 1988. Ces délais seraient parfaitement suffisants, en particulier si on les compare aux délais prévus à l'article 173, cinquième alinéa, du traité (arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 270 à 273). Le fait que certaines annexes à la communication des griefs n'étaient pas rédigées dans la langue de la requérante ne pourrait modifier cette conclusion, dès lors que la requérante et son avocat n'ont pu éprouver de difficultés de compréhension.

343.
    En réponse à l'argument de BASF, elle estime que, en ce qui concerne les documents joints en annexe à la lettre de la Commission du 3 mai 1988, la

requérante ne pourrait prétendre, compte tenu du libellé de cette lettre, n'avoir compris qu'après l'adoption de la décision qu'ils étaient utiles à sa défense; c'est à elle qu'il appartenait de le déterminer. La lettre ayant été adressée le 3 mai 1988, et les réponses apportées le 10 juin 1988, le délai laissé à la requérante aurait été suffisant; celle-ci, sans demander de prorogation au-delà de cette date, aurait d'ailleurs soumis d'abondants commentaires. Les dispositions de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, auraient ainsi été respectées.

Appréciation du Tribunal

344.
    L'article 2, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, dispose: «En communiquant les griefs la Commission fixe le délai dans lequel les entreprises et associations d'entreprises ont la faculté de lui faire connaître son point de vue.» A cette fin, l'article 11, paragraphe 1, du même règlement précise: «La Commission prend en considération le temps nécessaire à l'établissement des observations ainsi que l'urgence de l'affaire. Le délai ne peut être inférieur à deux semaines; il peut être prorogé.»

345.
    En l'espèce, la communication des griefs a été envoyée aux entreprises concernées le 5 avril 1988. Celles-ci devaient faire connaître leur point de vue sur les griefs retenus contre elles pour le 16 mai 1988.

346.
    Par lettre du 3 mai 1988, la Commission a adressé aux entreprises destinataires de la communication des griefs une série de documents complémentaires en indiquant que, bien que n'étant pas cités dans les griefs, «[ils] pourraient être pertinents pour l'appréciation de l'affaire dans son ensemble».

347.
    Wacker et Hoechst ont demandé une prorogation du délai jusqu'au 15 juillet 1988. Par lettre du 18 mai 1988, la Commission a décidé de leur accorder une prorogation jusqu'au 10 juin 1988, compte tenu notamment de l'envoi des documents complémentaires le 3 mai 1988.

348.
    En réponse à la demande de prorogation formulée par BASF le 5 mai 1988, parvenue à la Commission le 17 mai suivant, la Commission a, par lettre du 24 mai 1988, fixé l'échéance pour la réponse à la communication des griefs au 10 juin 1988.

349.
    Le Tribunal estime que, dans les circonstances de la présente affaire, le délai d'environ deux mois ainsi accordé aux requérantes a été suffisant pour leur permettre de préparer leur réponse à la communication des griefs (en ce sens, arrêt United Brands/Commission, précité, points 272 et 273).

350.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.

2. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant l'audition

a) Sur le moyen tiré du délai insuffisant pour préparer l'audition

351.
    Wacker et Hoechst soutiennent que le conseiller-auditeur n'a pas disposé d'un délai suffisant pour préparer l'audition.

352.
    La Commission estime que cette affirmation ne repose sur aucun indice.

353.
    A supposer qu'elles aient qualité pour soulever un tel moyen, les requérantes n'ont pas indiqué en quoi le délai laissé au conseiller-auditeur pour préparer l'audition ne lui aurait pas suffi, ni même allégué en quoi, à supposer leur allégation fondée, cette circonstance aurait pu vicier la procédure administrative.

354.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté comme non fondé.

b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1

Arguments des parties

355.
    BASF, Wacker, Hoechst et Enichem soutiennent que la Commission a violé l'article 3 du règlement n° 1. En effet, le procès-verbal de l'audition ne reproduirait les déclarations des différentes parties que dans la langue dans laquelle elles se sont exprimées, et non uniquement dans la langue de l'État membre dont la juridiction s'exerce sur ces requérantes. Or, selon BASF, ces déclarations seraient également essentielles, puisque, par hypothèse, le grief formulé à l'encontre de toutes les entreprises est d'avoir mis en oeuvre une entente entre elles.

356.
    La Commission estime ce moyen non fondé.

Appréciation du Tribunal

357.
    Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, «[l]es déclarations essentielles de chaque personne entendue sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture».

358.
    En l'espèce, il est constant que les requérantes ont été en état de prendre utilement connaissance de l'essentiel de leurs propres déclarations consignées dans le procès-verbal.

359.
    En outre, les requérantes, qui ne contestent pas avoir eu la possibilité de suivre ce qui a été dit au cours de l'audition grâce à l'interprétation simultanée, n'allèguent pas que, du fait de l'absence de traduction des parties rédigées dans une langue autre que celle de l'État membre dont la juridiction s'exerce sur elles, le procès-verbal comporterait à leur égard des inexactitudes ou omissions substantielles,

susceptibles d'avoir des conséquences préjudiciables pouvant vicier la procédure administrative (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 52, et Parker Pen/Commission, précité, point 74).

360.
    Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.

c) Sur le moyen tiré du caractère incomplet du procès-verbal de l'audition

Arguments des parties

361.
    BASF soutient que le procès-verbal de l'audition est incomplet. En effet, il ne comporterait pas des parties décisives des déclarations d'autres entreprises. Ainsi, n'auraient pas été jointes au procès-verbal, contrairement à ce qu'il y est indiqué, les plaidoiries faites au nom de l'ensemble des entreprises concernées, la plaidoirie de la requérante et celle des autres entreprises. Or, s'agissant d'accusations de collusion, la prise de connaissance et l'examen des défenses présentées par les autres parties seraient essentielles. BASF ajoute que la Commission ne peut pas se prévaloir de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, dès lors que celui-ci concerne le seul contrôle de l'exactitude du contenu du procès-verbal par la partie entendue, mais non le droit de prendre connaissance des déclarations des autres parties.

362.
    Wacker et Hoechst invoquent un moyen identique fondé sur l'absence de mention, dans le procès-verbal, des exposés communs aux différentes entreprises.

363.
    La Commission estime que le procès-verbal de l'audition, tel que notifié à BASF, est conforme à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, en ce qu'il permet à celle-ci d'approuver ses propres déclarations. Transmettre à la requérante, pour approbation, le texte des déclarations formulées par les autres entreprises concernées et leurs conseils lors de l'audition n'aurait donc aucun sens.

364.
    Au demeurant, BASF, Wacker et Hoechst auraient eu connaissance de ces déclarations, dès lors qu'elles ont assisté à l'audition.

Appréciation du Tribunal

365.
    Lors de la phase orale de la procédure administrative devant la Commission qui s'est déroulée du 5 au 8 septembre 1988 et le 19 septembre 1988, les personnes concernées ont eu la possibilité de faire valoir en commun leurs points de vue relativement à certains sujets.

366.
    Il ressort du procès-verbal de l'audition, communiqué à chacune des personnes y ayant participé, que les interventions communes ont été exposées sous une forme résumée.

367.
    Il en ressort également que le texte complet des différentes interventions faites au nom des personnes concernées devait être contenu dans les annexes qui font partie du procès-verbal. Or, force est de constater que ces annexes n'ont pas été jointes à ce document.

368.
    Cette circonstance ne constitue cependant pas un vice de la procédure administrative de nature à entacher d'illégalité la Décision, qui en constitue l'aboutissement. En effet, l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63 (cité ci-dessus point 357) vise à garantir aux personnes entendues la conformité du procès-verbal à leurs déclarations essentielles (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 29). Or, pour autant que les plaidoiries communesont concerné les requérantes, celles-ci ont pu prendre connaissance de l'essentiel de ces déclarations puisque ces dernières ont été consignées dans le procès-verbal de l'audition. En outre, elles ne soutiennent pas que la reproduction de ces déclarations sous une forme résumée contient des inexactitudes. Enfin, dès lors que ces plaidoiries étaient présentées au nom des requérantes, celles-ci ne peuvent utilement prétendre qu'elles n'en ont pas eu une connaissance suffisante.

369.
    Quant à l'absence de communication en annexe au procès-verbal du texte de l'exposé de BASF ainsi que de celui des autres personnes ayant présenté des observations, elle ne constitue pas non plus un vice de la procédure administrative de nature à entacher d'illégalité la Décision, dès lors que le procès-verbal même rapporte les déclarations essentielles.

370.
    En tout état de cause, il y a lieu de souligner que BASF, Wacker et Hoechst ont participé à l'audition et ont pu, à cette occasion, prendre connaissance des sujets effectivement exposés en commun et des observations présentées à titre individuel par d'autres personnes.

371.
    Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.

d) Sur le moyen tiré du défaut de production de l'avis du conseiller-auditeur

Arguments des parties

372.
    Wacker et Hoechst font valoir qu'elles auraient dû avoir la possibilité de prendre connaissance de l'avis du conseiller-auditeur et de le commenter. La Commission se serait donc abstenue illégalement de produire l'avis du conseiller-auditeur.

373.
    BASF et Hüls soutiennent que la Décision est illégale au motif qu'il n'a pas été tenu compte du rapport établi par le conseiller-auditeur. En effet, le rapport établi par le conseiller-auditeur à l'époque de la décision de 1988 pourrait contenir des appréciations, en fait et en droit, allant dans le sens des critiques qui avaient été formulées par les entreprises. Elles demandent, en conséquence, au Tribunal d'inviter la Commission à produire le rapport du conseiller-auditeur.

374.
    La Commission rejette la demande de communication du rapport du conseiller-auditeur, au motif qu'il s'agit d'un document interne auquel les tiers n'ont pas accès.

Appréciation du Tribunal

375.
    Le Tribunal relève que les droits de la défense n'exigent pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité, puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur, qui constitue un document purement interne à la Commission. Ainsi qu'il a été jugé, ce rapport ayant valeur d'avis pour la Commission, elle n'est en aucune manière tenue de s'y ranger et, dans ces conditions, ce rapport ne présente aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (ordonnance de la Cour du 11 décembre 1986, ICI/Commission, 212/86 R, non publiée au Recueil, points 5 à 8). En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisance de droit dès lors que les différentes instances concourant à l'élaboration de la décision finale ont été informées correctement de l'argumentation formulée par les entreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission, ainsi qu'aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs (arrêt Michelin/Commission, précité, point 7).

376.
    A cet égard, il importe de relever que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas pour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises, ni de formuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux à l'encontre de celles-ci (notamment, arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 54, et Hüls/Commission, précité, point 87).

377.
    Il s'ensuit que les entreprises n'ont pas le droit, au titre du respect des droits de la défense, d'exiger la communication du rapport du conseiller-auditeur pour pouvoir le commenter (arrêts Petrofina/Commission, précité, point 55, et Hüls/Commission, précité, point 88).

378.
    Par conséquent, le moyen doit être rejeté.

D — Sur la violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

379.
    Des requérantes soutiennent que l'exigence de motivation requise par l'article 190 du traité a été méconnue à plusieurs titres.

380.
    Ainsi, Wacker et Hoechst soutiennent que la Décision n'est pas suffisamment motivée sur les trois points essentiels suivants: réunion des élements constitutifs de

l'infraction, qualification d'accord ou de pratique concertée et participation de ces requérantes.

381.
    Montedison souligne que la Décision ne permet pas de comprendre les considérations qui ont amené la Commission à décider de confirmer les amendes déjà infligées pour des faits qui se sont prétendument produits dix à quinze ans auparavant (arrêt de la Cour du 2 mai 1990, Scarpe, C-27/89, Rec. p. I-1701, point 27, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3/89, Rec. p. II-1177, point 222). En l'espèce, aucun intérêt légitime (a contrario, arrêt de la Cour du 2 mars 1983, GVL/Commission, 7/82, Rec. p. 483, et arrêt du 18 septembre 1992, Automec/Commission, précité, point 85) ne justifierait les poursuites engagées à l'encontre d'une entreprise qui se serait retirée du marché depuis plus de dix ans.

382.
    Selon ICI, la Décision ne fournit aucune explication relativement au retard avec lequel la Commission s'est prononcée, au choix procédural de ne pas de nouveau communiquer les griefs et entendre les parties, à l'utilisation de pièces découvertes dans le cadre d'une instruction distincte ou de preuves obtenues en violation du droit de ne pas s'accuser soi-même, au refus d'autoriser l'accès au dossier dans des conditions conformes à la jurisprudence, à l'imposition d'une amende reposant pourtant sur une erreur de fait et à la conclusion selon laquelle la décision de 1988 resterait valable à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro.

383.
    Hüls prétend que le texte même de la Décision n'est pas compréhensible indépendamment des documents auxquels il se réfère; or, aucun d'entre eux ne serait joint à la Décision. De plus, dans son appréciation juridique, la Commission ne se référerait ni à des éléments de preuve concrets et déterminés, ni aux faits exposés au début de la Décision. Enfin, elle fait valoir que la Décision n'est pas correctement motivée, surtout si l'on tient compte de la durée de la procédure (arrêt Sytraval et Brink's France/Commission, précité, point 77 en combinaison avec le point 56).

384.
    Quant à Enichem, elle soutient que la Commission a manqué d'expliquer les raisons pour lesquelles elle sanctionne de nouveau les entreprises destinataires, après un laps de temps aussi long. Ni le règlement n° 2988/74, qui pourrait tout au plus justifier les pouvoirs de la Commission, mais non motiver son choix, ni le fait que la Commission avait déjà décidé d'imposer des amendes en 1988, ce qui n'implique pas qu'elle était tenue de le faire de nouveau après l'arrêt du 15 juin 1994, ne pourraient suffire.

385.
    La Commission estime non fondé ce moyen. Elle soutient que la Décision est conforme aux exigences de l'article 190 du traité.

Appréciation du Tribunal

386.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

387.
    En l'espèce, il convient d'abord de souligner que le premier considérant de la Décision vise «le traité instituant la Communauté européenne», ce qui, implicitement mais nécessairement, constitue une référence formelle à la mission assignée à la Commission (ci-dessus points 148 et 149). Cette seule référence constitue une motivation suffisante de l'intérêt de la Commission à constater une infraction et à sanctionner les entreprises à ce titre. En effet, disposant d'une compétence discrétionnaire dans la mise en oeuvre des prérogatives qui lui sont dévolues par le traité dans le domaine du droit de la concurrence, la Commission n'est pas tenue d'expliquer davantage les motifs qui l'ont conduite à choisir cette voie. Partant, les allégations de Montedison et d'Enichem doivent être rejetées.

388.
    S'agissant de l'insuffisance de motivation invoquée par Wacker, Hoechst et Hüls, il convient de rappeler que, si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative (voir, notamment, arrêt Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 66). A cet égard, le Tribunal estime que les points 7 à 27 des considérants constituent un exposé clair des principales pièces considérées par la Commission comme les preuves de l'infraction. De même, les points 28 à 39 des considérants constituent une motivation suffisante des conséquences juridiques qu'elle a tirées des éléments de fait.

389.
    Le fait que la Commission ne fournisse aucune explication en ce qui concerne le retard avec lequel elle se serait prononcée, le choix procédural de ne pas de nouveau communiquer les griefs, ni d'entendre les parties, l'utilisation de pièces découvertes dans le cadre d'une instruction distincte ou de preuves obtenues en violation du droit de ne pas s'accuser soi-même, le refus d'autoriser l'accès au dossier dans des conditions conformes à la jurisprudence et l'imposition d'une amende reposant pourtant sur une erreur de fait, ne saurait constituer un défaut de motivation de la décision. En effet, ces arguments invoqués par ICI ne visent, en substance, qu'à contester le bien-fondé de l'appréciation de la Commission relative à ces différentes questions. Or, de tels arguments, relevant de l'examen du bien-fondé de la décision sont, dans le présent contexte, dénués de pertinence.

390.
    Enfin, s'agissant de l'argument d'ICI selon lequel la décision ne serait pas motivée relativement à la validité de la décision de 1988 à l'égard de Norsk Hydro et de Solvay, il suffit de relever que la Décision contient une motivation expresse sur ce point. Il ressort en effet du point 59 des considérants de la Décision, que «Solvay n'ayant pas introduit de recours en annulation de la décision devant la Cour de justice et le recours de Norsk Hydro ayant été déclaré irrecevable, la décision 89/190 reste valable à leur encontre».

391.
    Au vu de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

II — Sur les moyens de fond

392.
    Les requérantes développent, en substance, trois axes d'argumentation. En premier lieu, elles présentent une série de moyens relatifs aux preuves (A). En second lieu, elles contestent l'existence, tant en fait qu'en droit, d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité (B). En troisième lieu, chacune présente des arguments tendant à démontrer que, en toute hypothèse, elle n'a pas participé à la prétendue infraction qui lui est reprochée (C).

A — Sur les preuves

393.
    Les moyens présentés par les requérantes comportent deux aspects. Tout d'abord, elles contestent la recevabilité de certaines des preuves qui leur sont opposées. Ensuite, elles contestent le caractère probant des éléments retenus à leur charge.

1. Sur la recevabilité des preuves

394.
    Les requérantes font valoir l'irrecevabilité de preuves retenues à leur encontre. Elles invoquent, à cette fin, six moyens: en premier lieu, la violation du principe de l'inviolabilité du domicile; en second lieu, celle des principes du droit au silence et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination; en troisième lieu, celle de l'article 20 du règlement n° 17; en quatrième lieu, elles contestent que le refus de répondre à des demandes de renseignements ou de produire des documents puisse être retenu à titre de preuve à leur encontre; en cinquième lieu, elles font valoir que certaines pièces ne leur ont jamais été communiquées, ou, en sixième lieu, ne leur ont été communiquées que tardivement.

395.
    Ainsi que le relèvent les requérantes, ces moyens ont en commun que, à les supposer fondés, les pièces litigieuses devraient être écartées des débats et la légalité de la décision appréciée sans elles (arrêt AEG/Commission, précité, points 24 à 30, et ordonnance du président de la Cour du 26 mars 1987, Hoechst/Commission, 46/87 R, Rec. p. 1549, point 34).

a) Sur le moyen tiré d'une violation du principe de l'inviolabilité du domicile

Arguments des parties

396.
    LVM et DSM soutiennent, à titre liminaire, que le Tribunal peut contrôler la conformité d'une vérification, opérée dans le cadre de l'article 14 du règlement n° 17, avec l'article 8 de la CEDH. En effet, d'une part, cette dernière disposition s'appliquerait directement en droit communautaire. D'autre part, une vérification dans les locaux professionnels d'une personne physique ou morale, au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, constituerait une «perquisition» relevant du champ de l'article 8 de la CEDH.

397.
    Toujours à titre liminaire, les requérantes estiment que, même si elles n'ont pas formé de recours contre les décisions de vérification, elles conservent un intérêt à en faire contrôler la légalité, dans la mesure où la Décision est fondée sur des éléments de preuve irrégulièrement obtenus. De surcroît, la vérification opérée dans les locaux de DSM, le 6 décembre 1983, était fondée sur un mandat, au titre de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui ne pouvait faire l'objet d'un recours en annulation sur le fondement de l'article 173 du traité.

398.
    Dans la première branche de ce moyen, les requérantes estiment que les actes de vérification pris par la Commission méconnaissent le principe de l'inviolabilité du domicile, au sens de l'article 8 de la CEDH, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (Cour eur. D. H., arrêt Niemietz c. Allemagne du 16 décembre 1992, série A n° 251-B), dont le contrôle irait au-delà de celui effectué en droit communautaire (arrêt Hoechst/Commission, précité, et arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec. p. 3137).

399.
    Ainsi, en premier lieu, les actes de vérification auraient été adoptés sans autorisations judiciaires préalables. En second lieu, les décisions ou mandats de vérification auraient été formulés en termes généraux, sans aucune limitation, et n'auraient donc pas permis d'identifier l'objet de la vérification, comme en attesteraient la décision de vérification du 4 novembre 1987 adressée à LVM et le mandat du 29 novembre 1983, sur le fondement duquel a été effectuée la vérification dans les locaux de DSM, le 6 décembre 1983. En troisième lieu, les requérantes estiment que seule une vérification nécessaire peut être effectuée (article 14, paragraphe 1, du règlement n° 17 et article 8 de la CEDH). Or, ce lien de nécessité devrait s'apprécier à la lumière de la description des présomptions que la Commission entendait vérifier, description qui faisait précisément défaut en l'espèce.

400.
    Les requérantes concluent que tous les actes de vérification adoptés par la Commission dans la présente affaire sont entachés d'illégalité.

401.
    Enichem, pour sa part, soutient que «la décision suivante de vérification est illégale parce que son objet était formulé en termes [...] généraux», et méconnaissait ainsi l'article 14 du règlement n° 17.

402.
    Dans la deuxième branche du moyen, LVM et DSM contestent la validité de l'exécution des vérifications opérées par la Commission. Celles-ci auraient, en effet, empiété sur le secret d'entreprise, compte tenu de la nature et du volume des documents effectivement examinés à cette occasion.

403.
    La Commission souligne, à titre liminaire, que la CEDH n'est pas applicable aux procédures communautaires de concurrence. En outre, le moyen ne serait pas recevable, faute pour les requérantes d'avoir formé un recours contre la décision de la Commission ordonnant la vérification litigieuse.

404.
    Sur le bien-fondé du moyen, la Commission considère que la pertinence de la jurisprudence de la Cour (arrêts Hoechst/Commission et Dow Benelux/Commission, précités) n'est pas affectée par l'article 8 de la CEDH, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme.

Appréciation du Tribunal

405.
    En l'espèce, la Commission a procédé à des vérifications, au titre de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, dans les locaux des entreprises suivantes: Shell et ICI, sur le fondement d'un mandat du 16 novembre 1983, DSM, sur le fondement d'un mandat du 29 novembre 1983, EVC, société commune à ICI et Enichem, sur le fondement d'un mandat du 17 juillet 1987, et Hüls, sur le fondement d'un mandat du 17 septembre 1987.

406.
    En outre, la Commission a adopté des décisions de vérification, au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, le 15 janvier 1987, dont ont été destinataires les entreprises Alcudia, Atochem, BASF, Hoechst et Solvay, et le 4 novembre 1987, dont ont été destinataires Wacker et LVM.

407.
    Il convient d'examiner la recevabilité du moyen, qui est contestée par la Commission, puis son bien-fondé.

i) Sur la recevabilité du moyen

408.
    Les décisions de vérification sont, en elles-mêmes, des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation sur le fondement de l'article 173 du traité. Ainsi, l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, prévoit expressément que la décision de vérification indique «le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision».

409.
    Or, selon une jurisprudence bien établie, une décision adoptée par les institutions communautaires qui n'a pas été attaquée par son destinataire dans le délai prévu par l'article 173 du traité devient définitive à son égard. Une telle jurisprudence est fondée notamment sur la considération que les délais de recours visent à sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes communautaires entraînant des effets de droit (notamment arrêt de la Cour du 30 janvier 1997, Wiljo, C-178/95, Rec. p. I-585, point 19).

410.
    LVM est donc forclose à se prévaloir de l'illégalité de la décision de vérification dont elle était destinataire et qu'elle n'a pas attaquée dans les délais, et le moyen est, à ce titre, irrecevable.

411.
    En revanche, LVM et DSM sont recevables à contester, pour autant que des pièces obtenues par la Commission soient utilisées à leur encontre, la légalité des décisions de vérification adressées à d'autres entreprises, dont il n'est pas acquis qu'elles auraient été sans aucun doute recevables à en contester la légalité dans le cadre d'un recours direct formé à leur encontre.

412.
    De même, les requérantes sont recevables à contester, dans le cadre d'un recours en annulation formé contre la décision finale, la légalité des mandats de vérification, qui ne constituent pas des actes susceptibles de recours au sens de l'article 173 du traité.

413.
    Enfin, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu'une entreprise n'est pas recevable à contester la légalité du déroulement des procédures de vérification dans le cadre d'un recours en annulation formé contre l'acte sur le fondement duquel la Commission procède à cette vérification. En effet, le contrôle juridictionnel sur les conditions dans lesquelles une vérification a été conduite relève d'un recours en annulation formé, le cas échéant, contre la décision finale adoptée par la Commission en application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 49, et conclusions de l'avocat général M. Mischo sous cet arrêt, Rec. p. 3149, point 127, in fine; ordonnance du Tribunal du 9 juin 1997, Elf Atochem/Commission, T-9/97, Rec. p. II-909, point 25).

414.
    Les requérantes sont donc également recevables à contester le déroulement des procédures de vérification effectuées par la Commission.

415.
    Dans ces conditions, l'irrecevabilité invoquée par la Commission doit être limitée au moyen soulevé par LVM, en tant qu'il est dirigé contre la décision de vérification dont elle a été destinataire.

416.
    Toutefois, en ce qui concerne le moyen tel qu'il est exposé par Enichem, il y a lieu de relever que, ni les écritures de la requérante, ni la procédure orale, ne mettent le Tribunal en mesure d'identifier la décision de vérification dont la requérante conteste la légalité. Dès lors, le moyen, pour autant qu'il est soulevé par Enichem,

doit être déclaré irrecevable, faute pour le Tribunal de pouvoir en comprendre le sens et la portée.

ii) Sur le bien-fondé du moyen

417.
    Pour les raisons précédemment exposées (voir ci-dessus, point 120), il convient de comprendre le moyen comme tiré d'une violation du principe général du droit communautaire garantissant une protection contre les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activités privées de toute personne, qu'elle soit physique ou morale, qui seraient disproportionnées ou arbitraires (arrêts Hoechst/Commission, précité, point 19, Dow Benelux/Commission, précité, point 30, et arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, 97/87, 98/87 et 99/87, Rec. p. 3165, point 16).

418.
    Le présent moyen se subdivise en deux branches, l'une relative à la validité des actes de vérification, l'autre à celle de l'exécution de ces actes.

— Sur la première branche du moyen, relative à la validité des actes de vérification

419.
    En premier lieu, il convient de relever qu'il n'est pas contesté que les décisions de vérification adressées par la Commission à certaines entreprises, dans le courant de l'année 1987, sont identiques, ou analogues, à celle qui avait été adressée à Hoechst le 15 janvier 1987. Or, cette dernière entreprise a formé un recours en annulation contre cette décision, qui a été rejeté par la Cour (arrêtHoechst/Commission, précité). Dans la mesure où les moyens et arguments avancés aujourd'hui par LVM et DSM sont identiques ou similaires à ceux invoqués alors par Hoechst, le Tribunal ne perçoit pas de raisons de s'écarter de la jurisprudence de la Cour.

420.
    En outre, il convient de relever que cette jurisprudence est fondée sur l'existence d'un principe général de droit communautaire, tel que rappelé ci-dessus, applicable aux personnes morales. La circonstance que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative à l'applicabilité de l'article 8 de la CEDH aux personnes morales aurait évolué depuis le prononcé des arrêts Hoechst/Commission, Dow Benelux/Commission et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, précités, n'a, dès lors, pas d'incidence directe sur le bien-fondé des solutions retenues dans ces arrêts.

421.
    En second lieu, il ressort de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, que les vérifications opérées sur simple mandat reposent sur la collaboration volontaire des entreprises (arrêts Hoechst/Commission, précité, point 31, Dow Benelux/Commission, précité, point 42, et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, précité, point 28). Cette constatation ne saurait être modifiée par le fait qu'une sanction est prévue à l'article 15, paragraphe 1, sous c), première partie de la phrase, du règlement n° 17. En effet, une telle sanction ne s'applique que dans

l'hypothèse où, ayant accepté de coopérer à la vérification, l'entreprise présente de façon incomplète les livres ou autres documents professionnels requis.

422.
    Dès lors que l'entreprise a effectivement collaboré à une vérification opérée sur mandat, le moyen tiré d'une ingérence excessive de l'autorité publique est dénué de fondement, en l'absence d'un quelconque élément invoqué pour soutenir que la Commission serait allée au-delà de la coopération offerte par l'entreprise.

423.
    Il en résulte que cette branche du moyen doit être rejetée.

— Sur la seconde branche du moyen, relative à l'exécution des actes de vérification

424.
    A ce titre, les requérantes font valoir un seul argument, tiré de l'abondance des documents copiés et emportés par la Commission, qui aurait ainsi empiété sur le secret des entreprises.

425.
    Or, le prétendu caractère excessif du volume des documents dont la Commission a pris copie, qui n'est d'ailleurs pas autrement précisé par les requérantes, ne saurait constituer, en lui-même, un vice entachant le déroulement d'une procédure de vérification, alors que, de surcroît, la Commission procède à une enquête sur une entente alléguée entre l'ensemble des producteurs européens d'un secteur donné. En outre, en vertu de l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17, les fonctionnaires et autres agents de la Commission sont tenus de ne pas divulguer les informations qu'ils ont recueillies en application de ce règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.

426.
    Dès lors, l'irrégularité des vérifications opérées par la Commission n'est pas établie.

427.
    Au vu de ces éléments, le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.

b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance du «droit au silence» et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

Arguments des parties

428.
    Le moyen peut être divisé en deux branches.

429.
    Dans la première branche de ce moyen, LVM, DSM et ICI rappellent que, en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du Pacte relatif aux droits civils et politiques et de l'article 6 de la CEDH, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, tout accusé, y compris une entreprise, a le droit, ab initio, de garder le silence (Cour eur. D. H., arrêt Funke c. France, précité, point 44, et avis de la commission européenne des droits de l'homme du 10 mai 1994, Saunders c. Royaume-Uni, points 69, 71 et 76; contra, l'arrêt antérieur de la Cour, Orkem/Commission, précité, points 30 à 35 et 37 à 41, dont l'appréciation,

sensiblement en retrait par rapport à l'arrêt Funke c. France, n'aurait désormais plus de sens). Or, la Commission ne pourrait méconnaître la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêts de la Cour du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 41, et Orkem/Commission, précité, point 30).

430.
    Les requérantes en déduisent que toute information obtenue par la Commission sur le fondement de l'article 11 du règlement n° 17 devrait être écartée des débats. Cette conclusion s'appliquerait tant aux décisions de demande de renseignements, au sens de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, qu'aux demandes de renseignements, au titre de l'article 11, paragraphe 1, de ce règlement; en effet, puisque les sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement sont applicables dans un cas comme dans l'autre, il s'agirait de renseignements obtenus sous la contrainte, au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

431.
    Les droits des entreprises lésées ne sauraient être ignorés au motif qu'une telle conclusion est de nature à remettre en cause la légalité de l'article 11 du règlement n° 17 dans son ensemble; la Commission devrait ainsi établir la preuve de l'infraction par tout autre moyen compatible avec les articles 6 et 8 de la CEDH.

432.
    Dès lors, aucune des réponses apportées par les entreprises aux demandes de renseignements qui leur ont été adressées par la Commission ne pourraient contribuer à l'administration de la preuve.

433.
    Dans la seconde branche de ce moyen, LVM, Elf Atochem, DSM, ICI et Enichem invoquent le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

434.
    Dans ces conditions, selon LVM, Elf Atochem, DSM et ICI, les réponses apportées aux questions qui, dans les arrêts de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, précité, et Solvay/Commission (27/88, Rec. p. 3355), ont été déclarées illégales devraient être écartées des débats.

435.
    Elf Atochem met ainsi en cause la décision, au titre de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, dont elle a été destinataire. LVM, DSM et ICI contestent, en revanche, la légalité de toutes les demandes de renseignements, quels qu'en étaient l'entreprise destinataire et le fondement juridique.

436.
    Enichem soutient que, en obligeant les entreprises à se soumettre à des opérations de vérification, alors qu'elle ne disposait pas du moindre indice relatif aux pratiques recherchées, la Commission aurait conduit les entreprises à s'incriminer elles-mêmes.

437.
    La Commission rappelle, à titre liminaire, que la CEDH n'est pas applicable aux procédures communautaires de concurrence. En outre, le moyen ne serait pas

recevable, faute pour les requérantes d'avoir formé un recours contre les décisions de demande de renseignements.

438.
    En toute hypothèse, la Commission observe que les entreprises n'ont, en l'espèce, fourni aucune réponse à l'une quelconque des questions jugées contraires au droit communautaire par la Cour (arrêts Orkem/Commission et du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précités).

Appréciation du Tribunal

439.
    Dans le cadre de son enquête dans la présente affaire, la Commission a adressé à la plupart des requérantes des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17. Certaines étaient des demandes de renseignements au titre du paragraphe 1 de cet article, les autres des décisions fondées sur le paragraphe 5 de ce même article.

440.
    Il convient d'examiner la recevabilité du moyen, qui est contestée par la Commission, puis son bien-fondé.

— Sur la recevabilité du moyen

441.
    Pour les raisons qui ont été exposées ci-dessus à propos des décisions de vérification et qui sont transposables aux décisions de demande de renseignements, les requérantes sont forcloses à invoquer l'illégalité des décisions de demande de renseignements dont elles étaient destinataires et qu'elles n'ont pas contestées dans le délai de deux mois à compter de leur notification.

442.
    Le moyen est, dès lors, irrecevable, pour autant qu'il tend à déclarer illégales les décisions de demande de renseignements dont les requérantes ont, respectivement, été destinataires.

— Sur le bien-fondé du moyen

443.
    Les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n° 17 ont pour but de permettre à celle-ci d'accomplir la mission, qui lui est confiée par le traité, de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun.

444.
    Au cours de la procédure d'enquête préalable, le règlement n° 17 ne reconnaît à l'entreprise qui fait l'objet d'une mesure d'investigation aucun droit de se soustraire à l'exécution de cette mesure au motif que ses résultats pourraient fournir la preuve d'une infraction aux règles de la concurrence qu'elle a commise. Il lui impose, au contraire, une obligation de collaboration active, qui implique qu'elle tienne à la disposition de la Commission tous les éléments d'information relatifs à l'objet de l'enquête (arrêt Orkem/Commission, précité, point 27, et arrêt du

Tribunal du 8 mars 1995, Société générale/Commission, T-34/93, Rec. p. II-545, point 72).

445.
    En l'absence d'un droit au silence expressément consacré par le règlement n° 17, il convient d'examiner si certaines limitations au pouvoir d'investigation de la Commission au cours de l'enquête préalable ne résultent cependant pas de la nécessité d'assurer le respect des droits de la défense, que la Cour a considéré comme un principe fondamental de l'ordre juridique communautaire (arrêt Orkem/Commission, précité, point 32).

446.
    A cet égard, s'il est vrai que les droits de la défense doivent être respectés dans les procédures susceptibles d'aboutir à des sanctions, il importe d'éviter que ces droits ne puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procédures d'enquête préalable, qui peuvent avoir un caractère déterminant pour l'établissement du caractère illégal de comportements d'entreprises (arrêts Orkem/Commission, précité, point 33, et Société générale/Commission, précité, point 73).

447.
    Toutefois, pour préserver l'effet utile de l'article 11, paragraphes 2 et 5, du règlement n° 17, la Commission est en droit d'obliger l'entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en sa possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son encontre ou à l'encontre d'une autre entreprise, l'existence d'un comportement anticoncurrentiel (arrêts Orkem/Commission, précité, point 34, du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précité, et Société générale/Commission, précité, point 74).

448.
    La reconnaissance d'un droit au silence absolu, invoqué par les requérantes, irait en effet au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits de la défense des entreprises et constituerait une entrave injustifiée à l'accomplissement, par la Commission, de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans lemarché commun, qui lui est dévolue par l'article 89 du traité. Il convient de relever, en particulier, que, tant dans leurs réponses aux demandes de renseignements que dans la suite de la procédure administrative, lorsque, le cas échéant, la Commission décide d'ouvrir celle-ci, les entreprises ont toute faculté pour faire valoir leur point de vue, notamment sur les documents qu'elles auraient été amenées à produire ou les réponses qu'elles auraient apportées à des demandes de la Commission.

449.
    Toutefois, la Commission ne saurait, par une décision de demande de renseignements, porter atteinte aux droits de la défense reconnus à l'entreprise. Ainsi, elle ne saurait imposer à l'entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve (arrêts Orkem/Commission, précité, points 34, in fine, et 35, du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précité, et Société générale/Commission, précité, point 74).

450.
    C'est dans les limites ainsi rappelées qu'il convient d'apprécier les arguments des requérantes.

451.
    En l'espèce, en premier lieu, il est constant que les questions contenues dans les décisions de demande de renseignements et mises en cause par les requérantes sous cette branche du moyen sont identiques à celles annulées par la Cour dans ses arrêts Orkem/Commission et du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précités. Ces questions sont donc frappées de la même illégalité.

452.
    Toutefois, ainsi que la Commission l'a souligné, il ressort du dossier que les entreprises ont ou bien refusé de répondre à ces questions, ou bien nié les faits sur lesquels elles étaient ainsi interrogées.

453.
    Dans ces conditions, l'illégalité des questions en cause n'emporte aucune conséquence sur la légalité de la Décision.

454.
    De fait, les requérantes n'ont identifié aucune réponse qui aurait été apportée précisément à ces questions, ni indiqué l'utilisation que la Commission aurait faite de ces réponses dans la Décision.

455.
    En second lieu, une entreprise n'a pas l'obligation de répondre à une demande de renseignements, au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, par opposition aux décisions de demande de renseignements.

456.
    Dans ces conditions, les entreprises sont libres de répondre ou de ne pas répondre à des questions qui leur sont posées au titre de cette disposition. Cette conclusion ne saurait être modifiée par le fait qu'une sanction est prévue à l'article 15, paragraphe 1, sous b), première partie de la phrase, du règlement n° 17. En effet, une telle sanction ne s'applique que dans l'hypothèse où, ayant accepté de répondre, l'entreprise fournirait un renseignement inexact.

457.
    Dès lors, par des demandes de renseignements au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission ne saurait être regardée comme imposant à une entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve.

458.
    En troisième lieu, en ce qui concerne l'argument spécifique d'Enichem, il y a lieu de relever que le respect, par la Commission, de l'interdiction qui lui est faite d'imposer aux entreprises l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celles-ci seraient amenées à admettre l'existence d'une infraction ne peut s'apprécier qu'au regard de la nature et du contenu des questions qui sont posées, et non des indices dont la Commission disposerait au préalable. Au demeurant, il y a lieu de relever que, dans l'arrêt Hoechst/Commission, précité, relatif à une décision de vérification semblable à celles adressées aux autres producteurs de PVC, la Cour

a conclu que cette décision contenait les éléments essentiels exigés par l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. En particulier, elle a souligné que la décision en cause faisait état notamment d'informations indiquant l'existence et l'application d'accords ou de pratiques concertées entre certains producteurs de PVC, susceptibles de constituer une infraction à l'article 85 du traité (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 42). Dans ces conditions, l'argument d'Enichem ne saurait être accueilli.

459.
    En conséquence, le moyen doit être rejeté dans son ensemble.

c) Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 1, du règlement n° 17

Arguments des parties

460.
    LVM, DSM, ICI, Hüls et Enichem rappellent que, en vertu de l'article 20, paragraphe 1, du règlement n° 17, des informations légalement recueillies ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, points 17 et 18, et, sur des questions voisines, arrêts de la Cour du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., C-67/91, Rec. p. I-4785, points 35 à 39 et 42 à 54, et du 10 novembre 1993, Otto, C-60/92, Rec. p. I-5683, point 20).

461.
    En conséquence, si la Commission peut utiliser des informations recueillies dans le cadre d'une enquête comme indices pour apprécier l'opportunité d'ouvrir une autre enquête (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 19), elle ne pourrait pas utiliser ces éléments à titre de preuve de cette nouvelle infraction (arrêt Asociación Española de Banca Privada e.a., précité, point 42), pour laquelle d'autres moyens de preuve devraient être trouvés.

462.
    En l'espèce, lors de l'instruction de l'affaire ayant conduit à l'adoption de la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/31.149 — Polypropylène) (JO L 230, p. 1), la Commission aurait obtenu des documents, dont certains ont été, ensuite, illégalement utilisés comme preuves dans la présente affaire. Il s'agit plus précisément des documents dits «de planification», du document dit «partage du fardeau», joints respectivement en annexe 3 et 6 à la communication des griefs, et d'une note d'ICI du 15 avril 1981, annexée à la lettre de la Commission du 27 juillet 1988. LVM et DSM soulignent que des documents de celle-ci sont également en cause.

463.
    Les requérantes en déduisent que, en utilisant ces documents comme preuves dans la présente affaire, la Commission a méconnu l'article 20, paragraphe 1, du règlement n° 17.

464.
    Enichem relève que la Commission a, ce faisant, méconnu également l'article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17, puisqu'elle a recueilli au cours de l'enquête sur le marché du polypropylène des documents qui sortaient de l'objet de son mandat.

465.
    La Commission fait valoir, en substance, que les documents litigieux ont été intégrés dans le dossier de la présente affaire sur le fondement de mandats relatifs au PVC. Dès lors, rien ne s'opposerait à leur utilisation en l'espèce.

Appréciation du Tribunal

466.
    Avant d'examiner le bien-fondé du moyen, il convient de préciser les faits.

— Sur les faits

467.
    En l'espèce, il est constant, d'une part, que les documents litigieux ont été obtenus par la Commission, pour la première fois, dans le cadre de l'enquête dans le secteur du polypropylène, et, d'autre part, qu'ils ont été utilisés comme preuves par la Commission dans la décision attaquée.

468.
    En outre, il ressort du dossier que la Commission a demandé une nouvelle copie des pièces litigieuses dans le cadre de mandats portant, notamment, sur le PVC.

469.
    Ainsi, en ce qui concerne les documents de planification, la Commission en a pris de nouveau une copie lors d'une vérification ultérieure, sur la base d'un mandat qui concernait, notamment, le PVC.

470.
    En ce qui concerne l'annexe 6 à la communication des griefs et la note d'ICI du 15 avril 1981, la Commission les a identifiées et demandées une seconde fois lors de la vérification du 23 novembre 1983, sur le fondement d'un mandat portant, notamment, sur le PVC, ce que confirme une lettre d'ICI à la Commission du 16 mars 1984. ICI ne peut valablement prétendre s'être néanmoins opposée, dans cette lettre, à ce que ces pièces soient incorporées au dossier PVC; bien au contraire, il ressort explicitement de cette lettre que son auteur en a versé volontairement une nouvelle copie à cette fin.

471.
    En ce qui concerne les documents de DSM, seule cette entreprise et LVM en ont fait état. Toutefois, ni les écritures ni les questions posées lors de l'audience n'ont permis d'identifier les documents dont il s'agissait. En toute hypothèse, il ressort du mémoire en réplique de ces deux requérantes que, d'une part, les documents en cause ont été obtenus par la Commission, pour la première fois, dans le cadre de l'affaire «polypropylène» et, d'autre part, que la Commission les a demandés et obtenus de nouveau en décembre 1983, lors d'une vérification dans les locaux de DSM, sur la base d'un mandat visant, notamment, le PVC.

— Sur le bien-fondé du moyen

472.
    Il est constant que, au vu des articles 14 et 20, paragraphe 1, du règlement n° 17, les informations recueillies au cours des vérifications ne doivent pas être utilisées dans des buts autres que ceux indiqués dans le mandat de vérification ou la décision de vérification. Cette exigence vise, en effet, à préserver, outre le secret professionnel, les droits de la défense des entreprises. Ces droits seraient gravement compromis si la Commission pouvait invoquer à l'égard des entreprises des preuves qui, obtenues au cours d'une vérification, seraient étrangères à l'objet et au but de celle-ci (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 18).

473.
    Toutefois, on ne saurait en conclure qu'il serait interdit à la Commission d'ouvrir une procédure d'enquête, afin de vérifier l'exactitude ou de compléter des informations dont elle aurait eu incidemment connaissance au cours d'une vérification antérieure, au cas où ces informations indiqueraient l'existence de comportements contraires aux règles de concurrence du traité (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 19).

474.
    Par ailleurs, il est établi (voir ci-dessus points 467 à 471) que la Commission ne s'est pas bornée à introduire d'office, dans la présente affaire, des pièces qu'elle avait obtenues dans une autre, mais qu'elle a demandé ces pièces de nouveau dans le cadre de mandats de vérification portant, notamment, sur le PVC.

475.
    Compte tenu des éléments qui précèdent, il apparaît que le moyen se limite au point de savoir si la Commission, ayant obtenu des documents dans une première affaire et les ayant utilisés comme indice pour ouvrir une autre procédure, est en droit de demander, sur le fondement de mandats ou décisions relatifs à cette seconde procédure, une nouvelle copie de ces documents et de les utiliser alors comme moyens de preuve dans cette seconde affaire.

476.
    Or, dès lors que la Commission a précisément obtenu de nouveau ces documents sur le fondement de mandats ou de décisions portant, notamment, sur le PVC, conformément à l'article 14 du règlement n° 17, et les a utilisés dans le but qui était indiqué dans ces mandats ou décisions, elle a respecté les droits de la défense des entreprises, tels qu'ils découlent de cette disposition.

477.
    Le fait que la Commission ait obtenu, pour la première fois, des documents dansune affaire donnée, ne confère pas une protection à ce point absolu que ces documents ne pourraient pas être légalement demandés dans une autre affaire et utilisés comme preuve. A défaut, ainsi que l'a souligné la Commission, les entreprises seraient incitées, lors d'une vérification dans une première affaire, à donner tous les documents permettant d'établir une autre infraction et se prémunir ainsi de toute poursuite à cet égard. Une telle solution irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver le secret professionnel et les droits de la défense, et constituerait donc une entrave injustifiée à l'accomplissement, par la Commission,

de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun.

478.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, le moyen doit être rejeté.

d) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité, à titre de preuve, du refus de répondre à des demandes de renseignements ou de produire des documents

Arguments des parties

479.
    Elf Atochem et BASF contestent que la Commission puisse utiliser à titre de preuve de l'infraction ou de leur participation à celle-ci le fait de ne pas avoir répondu à des demandes de renseignements ou de ne pas avoir produit des documents. Ceci serait d'autant plus vrai que ces refus s'expliquaient par des raisons objectives.

480.
    La Commission soutient que rien dans la décision ne permet de soutenir une telle allégation.

Appréciation du Tribunal

481.
    Pour l'examen du présent moyen, il convient de distinguer entre la preuve de l'infraction et la preuve de la participation d'entreprises à celle-ci.

— Preuve de l'infraction

482.
    S'il est vrai que la Commission a, directement ou indirectement, fait état du refus des entreprises de répondre à certaines questions (Décision, points 6, in fine, 8, in fine, 9, troisième alinéa, 14, premier alinéa, 16, premier alinéa, 18, premier alinéa, 20, troisième et quatrième alinéas, 26, troisième et cinquième alinéas, 37, deuxième alinéa), elle n'a, en revanche, à aucun moment, dans la Décision, utilisé ce fait comme élément de preuve de l'infraction.

483.
    En réalité, dans ces différents points, elle s'est limitée à indiquer que, n'ayant pu obtenir les renseignements demandés aux entreprises, elle devait se fonder sur d'autres éléments pour apporter la preuve de l'infraction et, en particulier, faire un usage plus marqué des déductions au vu des informations dont elle disposait.

484.
    Dès lors, cette branche du moyen est non fondée.

— Preuve de la participation à l'infraction

485.
    Dès lors qu'est seule en cause la question de la participation des entreprises à l'entente alléguée, une requérante n'est pas recevable à contester les preuves retenues pour établir la participation à l'infraction d'autres entreprises. L'examen

du moyen se limite donc à déterminer si, à l'encontre de chacune des requérantes ICI et Elf Atochem, la Commission a retenu, comme preuve de leur participation, leur refus ou leur impossibilité de répondre à des demandes de renseignements.

486.
    Si les requérantes n'ont pas été en mesure d'identifier les extraits de la Décision d'où il ressortirait que leur refus de répondre à des demandes de renseignements de la Commission a été retenu comme preuve de leur participation à l'infraction alléguée, il ressort du point 26, premier alinéa, in fine, de la Décision, que «la Commission a également tenu compte du rôle joué par chaque producteur et des preuves de la participation de chacun à cette entente. Chaque producteur a reçu toutes les informations nécessaires au cours de la procédure administrative».

487.
    Ces informations incluent les documents intitulés «particularités individuelles», qui étaient annexés à la communication des griefs.

488.
    Dans le cas d'Elf Atochem, sous la rubrique «principales preuves de la participation à l'infraction», ce document indique: «[L'entreprise] refuse de fournir toute information en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 au sujet de sa participation [aux] réunions.»

489.
    Or, le refus ou l'impossibilité de répondre à des demandes de renseignements ne peut, en lui-même, constituer une preuve de la participation d'une entreprise à une entente.

490.
    Pour l'appréciation de la participation d'Elf Atochem à l'entente, il convient donc de ne pas tenir compte de cette circonstance retenue par la Commission.

491.
    Aucune mention similaire n'apparaît dans les «particularités individuelles» relatives à ICI. Dès lors, en l'absence de toute indication que la Commission aurait retenu comme preuve de la participation à l'entente le refus ou l'impossibilité de cette entreprise de répondre à des demandes de renseignements, le moyen, pour autant qu'il est soulevé par ICI, doit être rejeté comme non fondé.

e) Sur le moyen tiré du défaut de communication de pièces

Arguments des parties

492.
    Wacker et Hoechst soutiennent, en premier lieu, que les extraits de la presse professionnelle, bien que visés dans la liste des annexes à la communication des griefs, n'y étaient pas joints et ne pourraient donc leur être opposés. Elles font valoir, en second lieu, que la note d'ICI du 15 avril 1981, dont se prévaut la Commission, n'était ni mentionnée ni jointe à la communication des griefs. Au stade de la réplique, elles soutiennent que cette note ne leur a jamais été adressée.

493.
    Hüls soutient que la note d'ICI du 15 avril 1981 ne peut être regardée comme une preuve recevable, dès lors qu'elle n'était pas jointe à la communication des griefs.

494.
    Elle allègue, en outre, que l'annexe 15 à la communication des griefs, relative aux ventes des quatre producteurs allemands durant le premier trimestre de l'année 1984, d'une part, et durant l'année 1984, d'autre part, devrait être écartée des débats, parce qu'elle a été établie sur le fondement d'éléments non divulgués (arrêt AEG/Commission, précité, point 30).

495.
    La Commission observe que les extraits de la presse professionnelle étaient annexés à la communication des griefs. Par ailleurs, si la note d'ICI du 15 avril 1981 n'était pas jointe à cette communication, elle a été adressée aux parties le 28 juillet 1988. Il ne saurait donc en découler une quelconque conséquence sur la légalité de la Décision. Enfin, pour autant que le moyen soulevé par Wacker et Hoechst est fondé sur le défaut de communication de cette pièce, il serait irrecevable, au titre de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

496.
    En premier lieu, il apparaît que les extraits de la presse professionnelle faisaient partie de la communication des griefs (annexe spéciale intitulée «initiatives connues en matière de prix»). En outre, à supposer que Wacker et Hoechst ne les aient néanmoins pas reçus, il s'agit de documents qui, par nature, étaient publics. Dans ces conditions, le défaut de communication de ces pièces, à le supposer établi, ne saurait affecter la légalité de la Décision.

497.
    En second lieu, il convient de relever qu'aucune disposition n'interdit à la Commission de communiquer aux parties, après l'envoi de la communication des griefs, de nouvelles pièces dont elle estime qu'elles soutiennent sa thèse, sous réserve de donner aux entreprises le temps nécessaire pour présenter leur point de vue à ce sujet (arrêt AEG/Commission, précité, point 29). Dès lors, le fait qu'une pièce n'était ni mentionnée ni jointe à la communication des griefs ne saurait affecter, en lui-même, la légalité de la Décision. En outre, les requérantes ne soutiennent pas que, après que la Commission leur eut envoyé copie de cette pièce par lettre du 27 juillet 1988, en indiquant sa pertinence au regard du mécanisme de quotas allégué, elles n'auraient pas été en mesure de faire valoir utilement leur point de vue à cet égard. De fait, elles ont eu la possibilité de s'exprimer, tant par écrit qu'oralement.

498.
    En troisième lieu, le moyen, pour autant qu'il est fondé sur le fait que cette pièce n'aurait jamais été communiquée à Wacker et Hoechst, est un moyen nouveau, soulevé au stade de la réplique. En l'absence d'indications qu'il serait fondé sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, il doit être déclaré irrecevable, au titre de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

499.
    En quatrième lieu, il convient de relever que l'annexe 15 de la communication des griefs ne constitue pas une preuve autonome mais présente, certes de façon sommaire, les éléments du calcul que la Commission a effectué pour conforter ses conclusions tirées de l'annexe 10. Ces conclusions étaient pleinement exposées dans la communication des griefs et la requérante a pu formuler ses observations à leur égard en temps utile. Dès lors, même à supposer que cette annexe 15 soit irrecevable, faute de contenir des éléments d'information suffisants, il appartiendrait en toute hypothèse au Tribunal de vérifier le bien-fondé des conclusions tirées par la Commission, au point 14 de la Décision, de l'annexe 10 à la communication des griefs.

500.
    Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.

f) Sur le moyen tiré de la communication tardive de pièces

Arguments des parties

501.
    BASF soutient que l'annexe 3 à la communication des griefs, qui constitue une pièce à charge déterminante, ne lui a été communiquée, dans son intégralité, que lors de l'audition, le 6 septembre 1988. En dépit de la demande formulée lors de cette audition, la requérante n'aurait donc pas eu la possibilité de s'exprimer à son sujet, en violation des articles 3, 4 et 7 du règlement n° 99/63.

502.
    La Commission observe que le présent moyen ne porte pas sur l'annexe 3 elle-même, mais sur les annotations manuscrites illisibles qui y étaient portées. Or, la requérante aurait eu une connaissance suffisante de ces annotations.

Appréciation du Tribunal

503.
    Il est constant que les documents constituant l'annexe 3 à la communication des griefs étaient joints à cette communication, telle qu'elle a été adressée à la requérante le 5 avril 1988. Le moyen est donc limité à la communication prétendument tardive de la transcription des mentions manuscrites qui sont portées, de façon illisible, sur les quatre pages que comporte cette annexe.

504.
    Il est également constant que la requérante n'a reçu une transcription intégrale des notes manuscrites que le 6 septembre 1988, à l'occasion de l'audition.

505.
    Toutefois, la seule annotation manuscrite dont la Commission a entendu se prévaloir dans la Décision avait été explicitement mentionnée dans l'annexe à la communication des griefs relative aux initiatives de prix connues. Il en ressort que la requérante a eu toute possibilité de faire valoir ses observations à cet égard.

506.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

507.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter les moyens relatifs à l'irrecevabilité de preuves retenues par la Commission à l'encontre des requérantes, sous réserve du point 490 ci-dessus.

2. Sur l'administration de la preuve

508.
    L'argumentation des requérantes à cet égard comporte, en substance, deux moyens ou séries de moyens. Tout d'abord, elles contestent la valeur probante de certains types de pièces retenues à leur encontre par la Commission. Ensuite, elles font grief à celle-ci d'avoir méconnu les principes relatifs à l'administration de la preuve.

a) Sur le moyen tiré du défaut de valeur probante de catégories de preuves retenues par la Commission

Arguments des parties

509.
    LVM et DSM exposent que, selon les principes de la procédure pénale néerlandaise et selon le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la CEDH (Cour eur. D. H. arrêt Kostovski du 20 novembre 1989, série A n° 166, points 39 et 44, et, indirectement, arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, BASF/Commission, T-4/89, Rec. p. II-1523, points 64 à 72, et Enichem Anic/Commission, T-6/89, Rec. p. II-1623, points 69 à 73), la preuve de faits à charge ne peut être fondée exclusivement ni sur les déclarations de l'accusé ni sur les déclarations d'autres entreprises incriminées, qui doivent, par principe, être tenues pour suspectes, de telle façon qu'elles ne doivent être opposées qu'à leur auteur, ni, enfin, sur des écrits «officieux», dont, par nature, la fiabilité et l'authenticité sont incertaines.

510.
    Dès lors, en l'espèce, la Décision devrait être annulée, pour autant qu'elle est fondée exclusivement sur de telles pièces, sans le soutien d'éléments de preuve licites.

511.
    La Commission objecte que les dispositions de droit pénal néerlandais et l'interprétation abusivement large de l'arrêt Kostovski, précité, ne sont pas pertinentes pour l'application des règles communautaires de concurrence. Elles priveraient de tout intérêt pratique les articles 11 et 14 du règlement n° 17.

Appréciation du Tribunal

512.
    En premier lieu, aucune disposition ni principe général du droit communautaire n'interdit à la Commission de se prévaloir de renseignements et documents tels que ceux évoqués par les requérantes. En second lieu, si la thèse des requérantes était retenue, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 85 et 86 du traité, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec

la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité.

513.
    En particulier, il convient de relever que c'est à tort que les requérantes invoquent, au soutien de leur thèse, les arrêts BASF/Commission et Enichem Anic/Commission, précités. Il ressort, en effet, des motifs de ces arrêts cités par les requérantes que le Tribunal, loin de considérer que les déclarations des entreprises seraient, par principe, dénuées de valeur probante, a conclu que, en l'espèce, les pièces invoquées n'avaient pas le sens et la portée que leur accordait la Commission.

514.
    Dans ces conditions, les moyens invoqués par les requérantes se confondent avec la question de savoir si les constatations de fait opérées par la Commission sont étayées par les éléments de preuve qu'elle a produits.

b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance des règles relatives à l'administration de la preuve

Arguments des parties

515.
    LVM, Elf Atochem, BASF, DSM, Wacker, Hoechst et ICI soutiennent, dans le cadre de moyens spécifiques, que la Commission a méconnu le principe de la présomption d'innocence et la charge de la preuve qui lui incombe.

516.
    Elles rappellent que la présomption d'innocence, qui est garantie par l'article 6 de la CEDH, constitue un principe général du droit communautaire et s'applique pleinement lors de la mise en oeuvre des articles 85 et 86 du traité (arrêts de la Cour ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 153, du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 301, et du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679; arrêts BASF/Commission, précité, points 70 et 71, et Enichem Anic/Commission, précité, point 70).

517.
    Dès lors, quelles que soient les difficultés pratiques que la Commission rencontre dans l'administration de la preuve, la charge de la preuve d'une prétendue infraction lui incombe, en contrepartie des larges pouvoirs d'enquête qui lui sont reconnus (arrêts Hoechst/Commission et Dow Benelux/Commission, précités).

518.
    A cette fin, la Commission ne pourrait se limiter à des affirmations, suppositions ou inductions. Elle devrait se référer à des indices graves, précis et concordants (par exemple, arrêts Europemballage et Continental Can/Commission, précité, points 31 à 37, United Brands/Commission, précité, points 264 à 267, et Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 166; conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité,

Rec. p. 1914 et arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307); en outre, il devrait exister un lien direct et causal entre les faits et les conclusions qui en sont tirées, qui doivent être raisonnablement et objectivement exemptes de doutes (arrêt de la Cour du 30 juin 1966, LTM, 56/65, Rec. p. 337, 361 et 362).

519.
    A l'inverse, les entreprises auxquelles est reprochée une infraction à l'article 85 du traité doivent se voir reconnaître le bénéfice du doute. En outre, elles ne devraient pas nécessairement infirmer les affirmations de la Commission, mais uniquement établir qu'elles sont incertaines ou insuffisamment étayées (conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précitées, Rec. p. 1931). A défaut, les entreprises seraient confrontées à un renversement illégal de la charge de la preuve; elles seraient ainsi tenues de rapporter la preuve négative de leur non-participation à l'entente et contraintes ainsi à la «probatio diabolica».

520.
    Or, en l'espèce, la Commission aurait méconnu ces principes et ces règles.

521.
    En effet, selon LVM et DSM, loin de retenir des faits établis, la Commission se serait en effet contentée de ce qu'elle qualifie de preuves indirectes mais qui se limite en réalité à des affirmations, des suppositions et des inductions (par exemple, Décision points 9, 16, 20 et 23).

522.
    En l'espèce, selon Elf Atochem, la Commission, qui reconnaîtrait la faiblesse des preuves dont elle dispose (points 31 et 38 des motifs de la Décision), n'aurait justifié ni l'exactitude des données sur lesquelles repose son analyse ni le bien-fondé de ses appréciations. En réalité, elle aurait postulé l'existence et, au vu de réunions entre certains producteurs, sur l'objet desquelles elle admet ne disposer d'aucune donnée, la mise en oeuvre d'un plan d'ensemble fondé sur des propositions de 1980, découvertes chez ICI. Pourtant, elle ne pourrait prouver ni la participation de chaque producteur à ce qu'elle qualifie «d'initiatives communes», ni l'unicité de volonté des entreprises auxquelles elle reproche de mettre en oeuvre ensemble une infraction.

523.
    En l'espèce, selon BASF, la méthode d'administration de la preuve retenue par la Commission relèverait du «cercle vicieux». Ainsi, dans un premier temps, la Commission présume que les éléments de preuve produits ont une certaine teneur et, dans un second temps, utilise ces mêmes éléments pour prouver qu'ils ont la teneur préconçue qu'elle leur a attribuée. Cela conduirait à un renversement de la charge de la preuve inacceptable. Il serait tout aussi inacceptable d'affirmer que l'absence de documents à charge, par exemple sur les réunions entre producteurs, peut servir à créer une présomption de culpabilité. L'absence de documents serait d'ailleurs inéluctable compte tenu des années écoulées entre la première investigation et la communication des griefs.

524.
    Wacker et Hoechst soutiennent que, par un usage abusif de la preuve par indice, la Commission a méconnu les règles d'administration de la preuve. Le raisonnement qu'elle a construit consisterait en effet à déduire l'existence de l'accord de base de celle des actes d'exécution et réciproquement, mais sans jamais démontrer l'existence de l'un et de l'autre.

525.
    En l'espèce, selon la SAV, alors que la Commission reconnaîtrait ne pas disposer des éléments essentiels de preuve de la participation à l'entente de certaines entreprises, dont la requérante, cette preuve serait tirée, pour chaque participant présumé, de son adhésion «à l'entente considérée globalement». En réalité, la Commission se serait bornée à déduire la participation de toutes les entreprises du seul fait que certaines y auraient participé (point 25 de la Décision). De fait, les trois preuves censées établir la participation individuelle de la SAV ne présentent aucun caractère probant.

526.
    ICI fait valoir que, en l'espèce, les éléments de preuve ne suffisent pas à justifier de façon convaincante les allégations de fait de la Commission. Ainsi en serait-il à propos de l'objet des réunions et des engagements qu'auraient pris les producteurs à ces occasions (points 9, troisième et quatrième alinéas, de la Décision), de la mise en oeuvre de tout système relatif au «volume» et aux prix, de la conclusion que les prix résulteraient d'une concertation ou encore du lien de causalité entre les documents de planification et les constatations ultérieures de la Commission sur les faits (points 24, deuxième alinéa, et 30, deuxième alinéa, de la Décision).

527.
    En toute hypothèse, ces allégations de fait ne suffiraient pas à justifier les conclusions juridiques que la Commission en tire, tant en ce qui concerne l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée qu'en ce qui concerne l'affectation du commerce entre États membres (arrêt United Brands/Commission, précité, points 248 à 267, et conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique diffusion française/Commission, précitées, Rec. p. 1930 et 1931).

528.
    Hüls soutient que, sans aucune explication, la Commission a, dans la Décision, qualifié de certitude ce qui, dans la lettre de la Commission du 24 novembre 1987 demandant des renseignements à la requérante, n'était encore que des probabilités. En réalité, depuis la demande de renseignements, la Commission aurait eu l'idée préétablie que la requérante avait enfreint l'article 85 du traité.

529.
    La Commission objecte, en substance, qu'elle n'a pas méconnu la charge de la preuve qui lui incombe. Elle estime avoir disposé de suffisamment de preuves pour constater une infraction (point 23 de la Décision). L'inexactitude éventuelle de cette affirmation relèverait de l'appréciation au fond. Elle rappelle en particulier que le recours aux preuves indirectes est admis (notamment arrêts du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, points 64 à 68, CRAM et Rheinzink/Commission, précité, points 16 à 20, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 71). Ceci serait d'ailleurs indispensable, compte tenu de la prise de conscience

croissante des milieux d'affaires européens de la portée du droit de la concurrence. En outre, les preuves ne devraient pas être considérées isolément, mais dans leur ensemble (arrêts du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 68, CRAM et Rheinzink/Commission, précité, point 20, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission,précité, point 163) et les preuves individuelles ne pourraient être dissociées de leur contexte (arrêt SIV e.a./Commission, précité, points 91 à 94).

Appréciation du Tribunal

530.
    L'examen du présent moyen se confond avec celui, soulevé notamment par les mêmes parties requérantes, tiré des erreurs manifestes d'appréciation des faits qu'aurait commises la Commission, dans l'établissement tant de l'existence de l'infraction que de la participation des entreprises à cette infraction.

531.
    Il convient en conséquence de reporter l'analyse du présent moyen, afin de procéder simultanément à son examen et à celui des autres moyens de fond.

B — Sur la contestation de l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité

532.
    Toutes les requérantes mettent en cause l'appréciation des faits portée par la Commission. Seule la SAV ne prétend contester que sa participation à l'entente alléguée, arguant du fait qu'elle n'a pas connaissance de celle-ci. Toutefois, pour démontrer qu'elle n'a pas participé à cette entente, elle conteste également, au moins pour partie, les faits constatés par la Commission. Ces dernières objections sont donc examinées sous le présent titre.

533.
    En outre, les requérantes critiquent la qualification juridique des faits opérée par la Commission.

534.
    Il convient d'examiner successivement les objections en fait et celles en droit.

1. En fait

Rappel sommaire de la Décision

535.
    Dans la première partie de la Décision, intitulée «Les faits», la Commission a, dans une première sous-partie introductive, identifié les entreprises visées par la Décision et fourni certaines informations, notamment, sur le produit en cause, le marché du PVC et la situation de surcapacité de ce secteur.

536.
    Dans une deuxième sous-partie, elle a procédé à la description de l'infraction, en examinant successivement les cinq aspects suivants: l'origine de l'entente (point 7 de la Décision), les réunions entre producteurs (points 8 et 9), le système de quotas

(points 10 à 14), la surveillance des ventes sur les marchés nationaux (points 15 et 16) et les prix cibles et les initiatives en matière de prix (points 17 à 22).

537.
    Sur l'origine de l'entente, la Commission s'est essentiellement fondée sur deux documents trouvés dans les locaux d'ICI, joints en annexe 3 à la communication des griefs (ci-après dénommés conjointement «documents de planification»). Le premier de ces documents, intitulé «liste de contrôle», et le second, «réponse aux propositions», constituent, selon la Commission, un projet de création d'entente.

538.
    Sur les réunions entre producteurs, la Commission s'est, en particulier, référée aux réponses de certains producteurs aux demandes de renseignements adressées par la Commission pendant la procédure administrative préalable.

539.
    Sur les mécanismes de quotas, la Commission a décrit les faits allégués sur le fondement de plusieurs pièces. Elle s'est ainsi référée à trois documents, joints en annexes 6, 7 et 9 à la communication des griefs, d'où il ressort, selon elle, que les producteurs de PVC ont instauré entre eux un mécanisme de compensation, destiné à renforcer un système de quotas. La première pièce, intitulée «partage du fardeau», est un document manuscrit trouvé dans les locaux d'ICI, la deuxième un document émanant d'ICI mais découvert chez un producteur tiers (ci-après «document Alcudia»), la dernière, un document interne de DSM, trouvé dans les locaux de cette entreprise (ci-après «document DSM»). Elle s'est également fondée sur deux autres pièces, à savoir, une note du 15 avril 1981 trouvée dans les locaux d'ICI et transcrivant le message du directeur général de la division pétrochimique de Montedison (ci-après «note du 15 avril 1981») (communiquée par la Commission aux requérantes par lettre du 27 juillet 1988) et un tableau découvert dans les locaux d'Atochem (ci-après «tableau Atochem») (annexe 10 à la communication des griefs).

540.
    Sur les mécanismes de surveillance des ventes, aux termes desquels les producteurs «domestiques» de certains grands marchés nationaux se seraient informés mutuellement des tonnages qu'ils vendaient sur chacun de ces marchés, la Commission s'est appuyée, à titre principal, sur une série de tableaux découverts dans les locaux de Solvay (ci-après «tableaux Solvay»), joints en annexe 20 à 40 à la communication des griefs. Elle s'est également référée aux réponses de Solvay, du 25 février 1988, et de Shell, du 3 décembre 1987, à des demandes de renseignements. Ces réponses étaient jointes à la communication des griefs, respectivement en annexes 41 et 42.

541.
    Sur les initiatives de prix, la Commission s'est fondée, pour l'essentiel, sur des documents internes de plusieurs producteurs de PVC, joints en annexe P1 à P70 à la communication des griefs, ainsi que sur des extraits de la presse professionnelle relatifs à la période de 1980 à 1984, joints en annexe, non numérotée, à la communication des griefs.

542.
    Enfin, dans une troisième sous-partie, la Commission a formulé quelques observations notamment sur la preuve de l'existence de l'entente (points 23 et 24 de la Décision). Elle observe ainsi: «De par la nature de l'infraction en cause dans la présente affaire, toute décision devra se fonder dans une large mesure sur les preuves indirectes: il se peut que les faits qui constituent l'infraction à l'article 85 doivent, du moins en partie, être établis par déduction logique d'autres faits avérés.» (Point 23 de la Décision.) Après avoir énuméré les principaux éléments de preuve dont elle estime disposer, la Commission a souligné que «les différents éléments de preuve directe et indirecte doivent en l'espèce être considérés ensemble. [...] Dans cette optique, chaque élément de preuve renforce les autres à l'égard des faits en cause et aboutit à la conclusion qu'une entente consistant à partager les marchés et à fixer les prix a été mise en oeuvre pour le PVC» (point 24 de la Décision).

Arguments des requérantes

543.
    Les requérantes soutiennent que la Commission n'est pas parvenue à établir les faits dont elle allègue l'existence.

— Sur l'origine de l'entente

544.
    Selon les requérantes, les documents de planification seraient dénués de valeur probante.

545.
    En premier lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, Hüls et Enichem soutiennent qu'il n'est pas établi que ces documents concernaient le PVC; les pièces jointes en annexes 1 et 2 à la communication des griefs auraient ainsi pour seul objet de faire croire que les documents de planification, qui constituent l'annexe suivante à la communication des griefs, sont relatifs à ce secteur d'activité.

546.
    En second lieu, selon BASF et Enichem, il n'est pas établi que ces documents concernent des marchés autres que le marché britannique.

547.
    En troisième lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem font valoir que la réponse aux propositions ne constitue pas une réponse à la liste de contrôle. En effet, le premier document serait postérieur au second et les thèmes abordés dans la réponse aux propositions ne correspondent pas à ceux énoncés dans la liste de contrôle. Aucun des documents de planification ne comporterait d'ailleurs de référence à l'autre. Enfin, le fait que ces documents aient été découverts attachés l'un à l'autre ne saurait pallier l'absence de concordance entre eux sur le fond.

548.
    En quatrième lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem soulignent que les documents de planification sont rédigés par un inconnu et destinés à des inconnus; il n'est donc pas établi qu'ils ne sont pas simplement

l'expression des avis de différentes personnes au sein d'ICI, ni qu'ils ont été adressés ou portés à la connaissance d'autres entreprises.

549.
    En cinquième lieu, les requérantes soutiennent qu'il n'existe pas de preuves du lien entre ces documents et les arrangements restrictifs postérieurs que la Commission croit avoir établis.

550.
    En dernier lieu, selon BASF et DSM, si la liste de contrôle se réfère à une réunion du 18 septembre 1980, sans autre précision, la Commission n'a établi ni que cette réunion a eu lieu, ni qu'il ne s'agissait pas d'une simple réunion interne d'ICI, ni qu'elle était consacrée à l'examen de la liste de contrôle, ni encore qu'elle a eu des résultats.

— Sur les réunions entre producteurs

551.
    BASF observe que ni la date ni le lieu des réunions n'ont été précisés.

552.
    Selon les requérantes, à l'exception de Shell, la Commission n'a pas établi que ces réunions poursuivaient un objet anticoncurrentiel. En déduisant des réponses d'entreprises aux demandes de renseignements que l'objet des réunions entre producteurs était illégal, la Commission aurait indûment méconnu le sens de ces réponses; il ressortirait en effet de celles-ci que les discussions entre producteurs portaient sur l'évolution du marché du PVC en général. Cette explication serait parfaitement plausible, compte tenu de la crise que traversait le secteur et de l'importante documentation confirmant le caractère concurrentiel du marché. BASF ajoute que la Commission ne peut déduire de l'absence de procès-verbaux de ces réunions leur caractère illicite.

553.
    LVM, BASF, DSM et Enichem soutiennent qu'aucun lien ne permet de rattacher ces réunions entre producteurs au prétendu plan d'ensemble. En toute hypothèse, Hüls souligne que l'objet anticoncurrentiel allégué des réunions ne peut être établi au vu des documents de planification, puisque ceux-ci sont dénués de valeur probante.

— Sur les mécanismes de quotas et de compensation

554.
    Les requérantes contestent la valeur probante des pièces auxquelles la Commission se réfère.

555.
    En premier lieu, elles rappellent que les documents de planification ne peuvent être utilement invoqués par la Commission (voir ci-dessus, point 544 et suivants).

556.
    En second lieu, BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soutiennent que les documents partage du fardeau et Alcudia ne concernent pas le PVC et ont été élaborés par des personnes étrangères à ce secteur; les opinions de celles-ci, fondées sur des

informations parcellaires et des rumeurs, ne pourraient en conséquence constituer une preuve d'infraction.

557.
    Ni l'un ni l'autre de ces documents n'établiraient qu'un mécanisme de compensation a effectivement existé et a été mis en oeuvre. D'ailleurs, le document Alcudia porterait la mention «projet». En outre, ICI avait déclaré, dans sa réponse du 9 octobre 1987 à une demande de renseignements, qu'un tel système n'avait jamais été mis en oeuvre.

558.
    En troisième lieu, le document DSM ne serait pas plus probant.

559.
    Ainsi, DSM, BASF et Hüls observent qu'il ne constituerait en réalité qu'une étude de marché interne, comparant des statistiques globales de la Fides avec les propres ventes de DSM. Selon DSM, le terme de compensation qui apparaît sur ce document ne viserait que la compensation d'indications antérieures inexactes de laFides. Un mécanisme de compensation, au sens où l'entend la Commission, n'aurait d'ailleurs aucun sens, alors que la demande de PVC avait augmenté de 12 % au premier semestre de 1982 par rapport au même semestre de l'année précédente.

560.
    Wacker et Hoechst font valoir que le document DSM est extrait d'un document plus volumineux, si bien qu'il ne pourrait être compris isolément.

561.
    BASF souligne enfin que la Commission n'a pas établi un seul cas de compensation entre les producteurs; la mise en oeuvre d'un tel mécanisme, dont les modalités de fonctionnement ne sont pas établies, ne serait donc pas prouvée. Les livraisons de quantités minimes de producteur à producteur, afin de faire face à des goulots d'étranglement, ne peuvent être qualifiées de compensations.

562.
    En quatrième lieu, le tableau Atochem n'aurait aucune valeur probante.

563.
    Elf Atochem relève que ce document, bien que découvert dans les locaux d'Atochem, est en réalité extérieur à cette entreprise et a été trouvé dans le bureau d'une personne sans responsabilité opérationnelle, parmi des dossiers d'études générales sans rapport avec le PVC.

564.
    En outre, selon BASF, présumé daté de 1984, ce document aurait été établi a posteriori, ce qui n'aurait aucun sens dans un système de quotas. Wacker et Hoechst soulignent que l'origine des chiffres qui y sont indiqués est inconnue; ces données pourraient en tout cas résulter d'informations publiques.

565.
    Selon BASF, Wacker, Hoechst et Hüls, la Commission se bornerait à spéculer que l'abréviation «%T», apparaissant sur le tableau Atochem, est une référence à une cible; or, les indications relatives aux producteurs allemands correspondraient exactement à la part que représente leur capacité de production, si bien que «%T» pourrait signifier pourcentage de la capacité totale.

566.
    D'ailleurs, LVM, BASF, DSM et Enichem observent que les tonnages de ventes réels ne correspondent pas aux tonnages exprimés dans le tableau Atochem, ce qui conforterait l'idée selon laquelle les chiffres indiqués ne constituent que des estimations individuelles. En réalité, la Commission ne disposerait des chiffres de ventes réels que pour trois des treize entreprises et seuls six des onze chiffres relatifs à ces trois entreprises correspondraient aux chiffres de ventes effectifs.

567.
    Selon BASF, Wacker, Hoechst et Hüls, en ce qui concerne plus particulièrement les producteurs allemands, leurs ventes seraient agrégées, rendant impossible l'identification de ceux-ci et de leurs ventes; cette constatation serait incompatible avec l'existence d'un mécanisme de quotas. En outre, la comparaison de ces prétendues cibles avec les chiffres de ventes effectifs de Hoechst, tels qu'établis et certifiés par une société agréée d'expertise comptable en octobre 1988, ferait apparaître des différences sensibles, de l'ordre de 5 %.

568.
    En cinquième lieu, BASF conteste la pertinence des pièces sur lesquelles s'appuie la Commission pour étayer son analyse du tableau Atochem.

569.
    Ainsi, les annexes 13 à 16, relatives aux statistiques sur les volumes de ventes effectifs, montreraient simplement que les déclarations faites par les producteurs au système Fides sont exactes. Les annexes 17 et 19 ne seraient que des documents internes, faisant état des objectifs de vente que se fixent elles-mêmes les entreprises; l'annexe 18 irait à l'encontre d'un système de quotas, puisqu'ICI y prévoit un recul de sa part de marché pour les mois à venir.

570.
    En sixième lieu, Wacker, Hoechst et Hüls font valoir que la note d'ICI du 15 avril 1981 est également dénuée de valeur probante. Non seulement elle ne concernerait pas le PVC, mais en outre sa signification demeurerait obscure.

— Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux

571.
    En premier lieu, Hüls soutient que la nature des tableaux Solvay leur retire toute valeur probante. Ils n'auraient été établis qu'a posteriori, sur le fondement d'informations dont la source est inconnue, en vue de l'établissement d'études de marché. Il ne s'agirait tout au plus que d'hypothèses concernant l'évolution future du chiffre d'affaires, qui ne se sont jamais réalisées l'année suivante, et d'estimations, comme l'illustrent les chiffres arrondis. Rédigés en français, et non en anglais, ces documents ne pourraient être que des documents internes de Solvay.

572.
    En second lieu, LVM observe que les tableaux Solvay n'auraient de valeur probante que s'ils étaient exacts; or, ils présenteraient des différences sensibles par rapport aux ventes réelles. En effet, la Commission aurait tenu compte des données provisoires fournies à la Fides, et non des chiffres définitifs de la Fides, qui seuls traduisent les ventes réelles. Or, compte tenu des dates de chargement et de livraison, des différences pourraient exister. En outre, Wacker et Hoechst relèvent

que, pour les producteurs allemands, les tableaux Solvay ne comportent aucune donnée individualisée, mais uniquement des chiffres globaux.

573.
    En troisième lieu, Hüls souligne que le chiffre global des ventes de PVC sur le marché allemand (annexe 20 à la communication des griefs), s'il concorde avec les déclarations de la Fides, ne devrait pas, selon les règles du système Fides, inclure les livraisons faites à l'entreprise Dynamite Nobel AG; une telle erreur montre donc que les chiffres figurant à l'annexe 20 ne correspondent pas au système Fides.

574.
    En quatrième lieu, LVM, BASF, DSM, Montedison et Enichem reprochent à la Commission d'affirmer, sans démonstration, que des chiffres précis de ventes n'auraient pu être obtenus sans un échange volontaire entre les producteurs. Au contraire, Solvay aurait expliqué avoir élaboré seule, à des fins internes, les documents statistiques sur lesquels la Commission fonde son accusation. DSM conteste, exemples à l'appui, la conclusion de la Commission selon laquelle une évaluation précise des parts de marché de chaque producteur ne pourrait être obtenue sans un échange d'informations entre eux. En réalité, sur la seule base d'informations aisément accessibles, chaque entreprise aurait pu réaliser des estimations précises des ventes des concurrents, sans aucun échange illicite d'informations. BASF souligne que la notion même d'échange implique une réciprocité entre entreprises, ce qui n'est précisément pas allégué. Selon Enichem, si une note se rapportant au tableau de l'annexe 34, et d'ailleurs uniquement à celui-ci, fait état de données échangées avec les confrères, il ne serait pas précisé qui sont ces confrères; compte tenu de la politique agressive de la requérante, il ne pourrait s'agir que des collègues de travail au sein de Solvay, et non de la requérante. Il ne s'agirait en toute hypothèse que d'échanges de données passées, et non de prévisions.

575.
    En dernier lieu, BASF et Shell soutiennent que la Commission a déformé le sens de la réponse de Shell à une demande de renseignements. En effet, d'une part, Shell aurait indiqué qu'aucune information précise n'avait été communiquée à Solvay; toute communication de ce type aurait concerné les ventes en Europe occidentale et n'aurait donc pu constituer la source des données figurant dans les documents Solvay, qui comportaient une ventilation pays par pays. D'autre part, Shell aurait ajouté que toute information de cette nature n'avait été communiquée qu'occasionnellement entre janvier 1982 et octobre 1983, alors que les documents Solvay comportent les chiffres pour la période 1980 à 1984. Ces éléments factuels confirmeraient que les documents Solvay n'ont été élaborés qu'à partir des statistiques officielles publiées et des contacts avec la clientèle.

— Sur les initiatives de prix

576.
    BASF, Wacker, Hoechst et Montedison rappellent que, selon elles, les documents de planification n'ont pas de valeur probante (voir ci-dessus point 544 et suivants).

577.
    Selon LVM et DSM, l'existence de prix cibles n'était pas concevable sur le marché du PVC; les prix seraient en effet négociés dans chaque cas particulier.

578.
    LVM, DSM, Wacker et Hoechst font valoir que les annexes P1 à P70 à la communication des griefs n'ont pas de valeur probante, dès lors qu'il s'agit de rapports internes d'entreprises établis a posteriori.

579.
    En toute hypothèse, selon LVM, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, Montedison, Hüls et Enichem, ces annexes ne permettent pas de conclure que les initiatives reprochées étaient concertées; en réalité, les initiatives en cause ne seraient que le résultat de décisions autonomes des entreprises, sans concertation préalable; les entreprises n'auraient fait que s'adapter intelligemment aux conditions du marché.

580.
    Les requérantes soulignent enfin que les annexes P1 à P70 et les pièces qui leur avaient été adressées par la Commission le 3 mai 1988 révéleraient, au contraire, un marché concurrentiel, dans lequel, notamment, les prix évoluaient rapidement et fréquemment et certains producteurs se montraient agressifs.

581.
    Les extraits de la presse professionnelle ne pourraient constituer ni une preuve, ni même un indice d'infraction. Ils ne pourraient donc suffire à soutenir la thèse de la Commission.

Appréciation du Tribunal

582.
    Il convient de relever que, afin de déterminer l'origine de l'entente, la Commission s'est fondée sur le libellé des documents de planification, sur les renseignements donnés par ICI à leur propos, en réponse à une demande de renseignements qui lui avait été adressée, et sur la corrélation étroite existant entre les pratiques envisagées décrites dans ces documents, d'une part, et les pratiques constatées sur le marché, d'autre part.

583.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner tout d'abord les différentes pratiques dont la Commission estime avoir établi l'existence sur le marché, en les mettant en parallèle avec les pratiques prévues dans les documents de planification.

— Sur les systèmes de quotas

584.
    La liste de contrôle, qui constitue le premier des documents de planification, énonçait, en son point 3, des «propositions pour un nouveau cadre de réunions». Cette rubrique, après avoir énuméré sous forme d'initiales ou de sigles le nom de certains producteurs pressentis pour participer à ces réunions, comporte une subdivision relative aux «propositions relatives aux modalités de fonctionnement de ces réunions», contenant elle-même les éléments suivants: «parts de marché en pourcentage des producteurs et écarts autorisés par rapport à ces parts de marché» et «arrangement pour l'utilisation de nouvelles capacités».

585.
    La réponse aux propositions, qui constitue le second des documents de planification, énonce, en son point 2, la proposition selon laquelle «à l'avenir, les quotas en tonnage devraient être exprimés par société et non sur une base nationale», assortie du commentaire suivant: «[F]ermement soutenue, mais, pour être réaliste et applicable, un futur système de quotas doit inclure une formule convenue pour l'utilisation de nouvelles capacités et d'usines remises en service après une fermeture temporaire.» Sous le point 3, ce même document comporte la proposition suivante: «la part de marché des producteurs devrait être calculée sur la base de celle réalisée en 1979, moyennant correction des anomalies flagrantes durant cette année», assortie du commentaire suivant: «pleinement soutenue». Enfin, le point 4 énonce la proposition suivante: «une flexibilité de plus ou moins 5 % devrait être appliquée aux parts de marché établies selon le point 3 ci-dessus, de telle sorte que les positions réelles sur le marché des producteurs puisse évoluer pour refléter le vrai potentiel de chacun», assortie du commentairesuivant: «beaucoup de doutes à ce sujet, principalement en raison du fait que, si des parts de marché doivent être définies, il serait dangereux d'intégrer une autorisation d'excéder la part convenue».

586.
    Pour établir l'existence d'un mécanisme de quotas, la Commission s'est, dans sa Décision, référée à plusieurs documents dont elle avait pu obtenir copie au cours des procédures de vérification qu'elle a opérées.

587.
    Elle s'est ainsi fondée, notamment, sur trois documents qui établissent, selon elle, l'existence d'un mécanisme de compensation mis en oeuvre en 1981 entre les producteurs de PVC et qui attestent l'existence de mécanismes de quotas dont il ne serait que le corollaire.

588.
    Le document partage du fardeau, découvert dans les locaux d'ICI, concerne, à titre principal, un système de répartition du poids des réductions de ventes d'un produit thermoplastique autre que le PVC. Toutefois, il comporte les observations suivantes: «L'expérience acquise avec des systèmes semblables pour le PVC et le PEBD n'augure rien de bon, mais certaines leçons peuvent en être tirées.» Après l'indication «quantité cible», l'auteur du document poursuit: «Vis-à-vis de quoi les performances seront-elles appréciées? Les producteurs de PVC ont pu se fonder sur des parts de marché convenues pour 1981.» Enfin, il est indiqué que «le système pour le PVC ne permettait des ajustements que lorsque les ventes d'une société ou d'un groupe de sociétés étaient inférieures à 95 % de sa 'cible‘. Cela permettait aux sociétés de déborder de leur part de marché sans être pénalisées».

589.
    Le document Alcudia, émanant d'ICI mais découvert chez un producteur espagnol, est relatif à un projet de mécanisme de compensation entre les producteurs de PEBD qui auraient vendu des quantités inférieures à une part prédéterminée et ceux qui auraient vendu plus que cette part. Il y est indiqué: «Le système est très similaire à celui instauré récemment par les producteurs de PVC et appliqué pour la moitié des ventes du mois de mai et pour celles du mois de juin.» Ce document

décrit ensuite les principaux éléments de ce système analogue à celui appliqué dans le cas du PVC. Ainsi, les producteurs s'accordent sur leurs ventes cibles correspondant à un pourcentage donné des ventes totales. Dès que les données Fides provisoires sont connues, les cibles en tonnage sont calculées pour chaque participant et comparées avec les ventes réelles, afin d'établir les variations; des compensations s'opèrent alors entre ceux qui ont dépassé leur quota, et ceux qui ne l'ont pas atteint. Pour faciliter le fonctionnement, il était également proposé que «les producteurs soient 'groupés‘ dans l'espoir que des arrangements au sein d'un groupe puissent être trouvés pour annuler les variations». Il était également mentionné qu'un système alternatif pourrait consister à ne tenir compte que des variations supérieures à 5 %. Au terme de ce document, l'auteur compare la proposition de système pour le PEBD avec «l'arrangement PVC» et indique notamment à ce propos: «Le système peut-il fonctionner alors que deux ou trois des producteurs n'y participent pas? Dans le cas du PVC, un seul producteur ne participe pas au système.»

590.
    Le Tribunal estime que le libellé de ces documents appuie de façon probante les conclusions que la Commission en a tirées.

591.
    S'il est exact que l'un et l'autre document concernent un autre produit thermoplastique, il n'en reste pas moins que les extraits cités par la Commission dans sa Décision concerne explicitement le PVC.

592.
    En outre, du libellé de ces documents, il ressort que le mécanisme de compensation en question a été effectivement mis en oeuvre par les producteurs de PVC, à l'exception de l'un d'entre eux. Le document Alcudia, en particulier, ne constitue un projet que dans la mesure où il concerne l'autre produit thermoplastique en cause, à savoir le PEBD.

593.
    Enfin, l'objection des requérantes selon laquelle ces documents ne seraient pas fiables, puisque leur auteur était étranger au secteur du PVC, ne saurait être accueillie. En effet, l'un et l'autre des documents comportent des indications précises, notamment en matière de date, de pourcentage et de nombre de participants au système PVC, qui conduisent à la conclusion que les auteurs avaient une connaissance exacte du mécanisme auquel ils se référaient et dont ils entendaient tirer les leçons au vu de «l'expérience acquise».

594.
    La Commission se réfère également au document DSM, daté du 12 août 1982.

595.
    Ainsi qu'elle l'observe aux pénultième et dernier alinéas du point 11 de la Décision, l'auteur du document constate une différence importante, de l'ordre de 12 %, entre les statistiques de ventes de PVC au premier semestre de 1982 en Europe de l'Ouest et celles du premier semestre de 1981, alors que la croissance de la demande dans cette zone géographique avait été sensiblement moindre; il observe en outre des évolutions sensiblement différentes d'un marché géographique à

l'autre. Il indique ensuite que des explications tirées de l'évolution normale du marché (baisse des importations de pays tiers en Europe de l'Ouest, stockage et augmentation du niveau d'activité), qui avaient été initialement envisagées (voir également, à cet égard, l'annexe P22 à la communication des griefs, qui est un document de DSM du 12 juillet 1982), ne peuvent être retenues. L'auteur poursuit: «Cela pourrait peut-être s'expliquer par une fausse déclaration concernant les ventes du premier semestre [de] 1981 (compensation !). Des vérifications seront effectuées à ce sujet.»

596.
    Il ressort ainsi de ce document que l'évolution du marché au premier semestre de 1982 par rapport au premier semestre de 1981 ne pouvait pas s'expliquer par des facteurs normaux propres au marché, mais plutôt par de fausses déclarations de ventes pour le premier semestre de 1981. Ces fausses déclarations trouvaient elles-mêmes leur raison d'être dans les mécanismes de compensation entre producteurs. Ainsi que l'a constaté la Commission, ce document, qu'il convient de lire notamment au vu des deux précédemment examinés, qui démontrent l'existence d'un mécanisme de compensation au cours du premier semestre de l'année 1981, établit que certains producteurs avaient sans doute déclaré, pour ce semestre, des chiffres de ventes inférieurs à la réalité, afin de ne pas être soumis à ce mécanisme.

597.
    Ce document permet également de conclure que, en raison du comportement de certains producteurs, ce mécanisme n'a pas fonctionné de manière optimale. Ceci doit d'ailleurs être rapproché du document partage du fardeau, dans lequel il était indiqué que «l'expérience acquise avec des systèmes semblables pour le PVC et le PEBD n'augure rien de bon».

598.
    Dans ce contexte, l'interprétation alternative du terme compensation proposée par DSM, au demeurant peu claire, ne présente aucune crédibilité. On ne saurait admettre en effet que, afin de corriger des erreurs dans leurs déclarations au système Fides pour une année, les producteurs déclarent l'année suivante des ventes en intégrant celles omises l'année passée.

599.
    Pour établir l'existence d'un mécanisme de quotas, la Commission se réfère également à une note découverte chez ICI datée du 15 avril 1981. Cette note est le texte d'un message adressé par le directeur général de la division pétrochimique de Montedison à ICI. Il comporte l'extrait suivant: «ICI, pour le PVC par exemple, pourrait disposer pour la fin de 1981 de nouvelles capacités en Allemagne et a demandé une majoration de son quota de 30 kilotonnes depuis janvier 1981.» Ainsi que l'a rappelé la Commission, à cette date, ICI envisageait d'ouvrir une nouvelle usine en Allemagne, tout en procédant à la fermeture d'une ancienne usine ailleurs.

600.
    Il convient de relever que cette note, si elle concerne en premier lieu un autre produit thermoplastique, porte spécifiquement, dans l'extrait rappelé ci-dessus, sur le PVC.

601.
    En outre, les requérantes n'ont pas été en mesure d'apporter une quelconque interprétation du terme «quota» contenue dans cette note autre que celle retenue par la Commission. A cet égard, il convient de rappeler que cette note est la transcription d'un message émanant d'un dirigeant d'une société concurrente, si bien que l'on ne saurait considérer que le terme de «quota» se référait à de simples objectifs internes d'ICI.

602.
    La Commission a enfin considéré que le système de régulation des volumes ainsi établi avait perduré au moins jusqu'au mois d'avril 1984. Elle s'est fondée pour cela sur le tableau Atochem, intitulé «PVC — premier trimestre».

603.
    Ce tableau comporte neuf colonnes:

—    la première énumère l'ensemble des producteurs européens de PVC actifs sur le marché à cette époque;

—    les deuxième, troisième et quatrième colonnes comportent, pour chacun des producteurs européens, à l'exception des quatre producteurs allemands, dont les ventes apparaissent groupées, l'indication des ventes réalisées pour, respectivement, les mois de janvier, de février et de mars. Pour les deux premiers mois, le tableau comporte la mention «FIN» et pour le dernier mois, la mention «Q». Il n'est pas contesté que ces indications correspondent aux statistiques définitives (en anglais: «final») et rapides (en anglais: «quick») communiquées au système d'échange d'informations Fides; c'est d'ailleurs ce qui ressort de la réponse d'Atochem du 5 mai 1987, jointe en annexe 11 à la communication des griefs, à une demande de renseignements de la Commission. Le système Fides est, ainsi qu'il est rappelé dans la Décision (point 12, troisième alinéa), un service statistique à l'échelle du secteur, géré par une société comptable de Zurich, dans le cadre duquel les producteurs abonnés communiquent leurs propres chiffres de ventes, d'abord sous une forme rapide, puis sous une forme définitive, à un bureau central qui collecte ces informations et établit des statistiques globales et anonymes pour l'ensemble du marché d'Europe occidentale;

—    la cinquième indique les ventes totales pour le premier trimestre;

—    la sixième correspond au pourcentage des ventes des producteurs européens par rapport au total des ventes de ceux-ci durant le premier trimestre;

—    la septième est intitulée «%T»;

—    la huitième indique les ventes du mois d'avril, avec la mention «Q»;

—    la dernière indique la part des producteurs par rapport aux ventes totales des producteurs européens pendant le premier quadrimestre.

604.
    La Commission a conclu que le sigle «%T» était manifestement la référence à un pourcentage «cible» (en anglais «target»). Elle tire également de ce document la conclusion que les producteurs cités échangeaient leurs chiffres de ventes en dehors du système Fides officiel pour surveiller le fonctionnement d'un système de quotas. Enfin, la Commission a examiné dans quelle mesure les producteurs avaient atteint la cible qui leur aurait été attribuée.

605.
    A titre liminaire, le Tribunal estime que l'identité exacte de l'auteur du document n'est pas déterminante. Seul importe de savoir si les conclusions tirées par la Commission du tableau Atochem sont fondées.

606.
    En outre, il n'est pas contesté que ce tableau porte sur les premiers mois de l'année 1984, ainsi qu'il ressort d'ailleurs de la réponse d'Atochem du 5 mai 1987 à une demande de renseignements. Compte tenu du fait que, pour les mois de mars et d'avril 1984, le tableau ne comporte que les statistiques «rapides», et non définitives, ce tableau peut être daté du mois de mai 1984.

607.
    En premier lieu, l'interprétation donnée au sigle «%T» par la Commission doitêtre confirmée. A cet égard, il y a lieu de relever que l'on ne saurait admettre que ce sigle ne concerne que des cibles purement internes aux entreprises; cela n'expliquerait en effet nullement la raison pour laquelle l'auteur du document disposait de l'ensemble des cibles internes des différents producteurs. En outre, l'interprétation de ce sigle ne peut être dissociée du contexte de la présente affaire, et notamment des autres documents qui établissent de façon probante l'existence d'un mécanisme de quotas entre les producteurs de PVC. Par ailleurs, il ressort du tableau que le document ne comporte pas l'indication des parts de marché par rapport au total des ventes en Europe occidentale, puisque les importations ne sont pas prises en compte, mais bien la part de marché respective des producteurs rapportée au marché représenté par l'ensemble de ceux-ci, ce qui confirme que l'objectif était de vérifier la part de marché dans le cadre du mécanisme collusoire. Enfin, il y a lieu de relever que les requérantes n'ont apporté aucune autre explication plausible de la signification du sigle «%T» dans le contexte de la présente affaire.

608.
    En second lieu, la Commission s'est efforcée de vérifier si les tonnages de ventes indiqués dans le tableau pour les différents producteurs correspondaient aux tonnages effectivement déclarés par les entreprises à la Fides. A cet égard, la Commission a souligné qu'elle n'avait pas pu obtenir de tous les producteurs copie de ces déclarations et n'était donc pas en mesure de procéder à un contrôle systématique des données chiffrées de ventes apparaissant dans le tableau. Toutefois, la Commission a obtenu les chiffres de ventes de certaines entreprises. Or, il résulte de ces données que dix des chiffres de ventes qu'elle a pu vérifier sont identiques aux déclarations des producteurs à la Fides. En outre cinq autres chiffres de ventes, relatifs à Solvay et à LVM, font apparaître un montant proche de celui indiqué dans le tableau.

609.
    Enfin, la Commission s'est efforcée de calculer les ventes des quatre producteurs allemands pour le premier trimestre de l'année 1984. A cette fin, elle a utilisé les données déclarées à la Fides par trois d'entre eux (BASF, Wacker et Hüls), dont elle avait pu obtenir copie, et les chiffres de ventes déclarés par Hoechst elle-même dans sa réponse du 27 novembre 1987 à une demande de renseignements de la Commission. Elle est ainsi parvenue à un total de 198 353 tonnes, qu'elle a comparé au total de 198 226 tonnes, tel qu'il résulte du tableau Atochem. Il y a lieu de relever que la différence entre ces deux totaux est effectivement négligeable et conforte la thèse de la Commission selon laquelle un tel résultat ne pouvait être obtenu sans un échange de données entre les producteurs.

610.
    La Commission a fait référence au résultat de ce calcul et aux conclusions qu'elle en tirait dans la communication des griefs. Lors de l'audition devant la Commission, Hoechst a toutefois démenti les chiffres qu'elle avait elle-même initialement produits et en a fourni de nouveaux. La Commission a néanmoins pu établir que ceux-ci ne présentaient aucune crédibilité. Ainsi indique-t-elle dans la Décision (point 14, note de bas de page n° 1) que les «nouveaux chiffres fournis par Hoechst lors de l'audition (mais sans aucun document à l'appui) [...] ne sont manifestement pas fiables: ils impliqueraient que Hoechst aurait utilisé ses installations à plus de 105 %, alors que les autres producteurs auraient atteint un taux d'utilisation de 70 % seulement». De fait, Hoechst a reconnu que ces nouveaux chiffres étaient erronés et a fourni à la Commission une troisième série de chiffres, par lettre du 21 octobre 1988.

611.
    Cette nouvelle série de chiffres comporte, par rapport à ceux initialement fournis, une rectification négligeable des chiffres de ventes de Hoechst en Europe, qui, au demeurant, ne ferait que confirmer la précision des chiffres apparaissant dans le tableau Atochem, mais ajoute, en tant que «ventes aux consommateurs» au sens des déclarations Fides, la consommation propre de Hoechst pour son usine de Kalle. Le Tribunal considère toutefois que, compte tenu des circonstances dans lesquels ces chiffres ont été produits, ils ne peuvent être considérés comme présentant une fiabilité suffisante de nature à remettre en cause ceux fournis par la requérante elle-même en réponse à une demande de renseignements.

612.
    Les producteurs allemands font toutefois observer que leurs ventes sont agrégées, et non individualisées; dès lors, il suffirait que trois des quatre producteurs allemands aient participé à cet échange d'informations pour que la part du quatrième soit déduite, par simple soustraction, des données officielles globales émanant de la Fides. Dès lors, le tableau Atochem ne serait probant à l'égard d'aucun des quatre producteurs en cause. Cet argument ne saurait être retenu. En effet, les tableaux émanant de la Fides présentent de façon agrégée les ventes originaires d'Allemagne, et non simplement celles des quatre producteurs allemands; or, ces statistiques, pour le premier trimestre de 1984, font apparaître un total de ventes sensiblement supérieur au seul total des ventes de BASF, de Wacker, de Hoechst et de Hüls. Dans ces conditions, le Tribunal estime que la

connaissance des chiffres de ventes de trois d'entre eux ne permettait pas d'obtenir, par simple soustraction, un total des ventes des quatre producteurs allemands aussi exact que celui apparaissant dans le tableau Atochem.

613.
    Il y a lieu de relever, par ailleurs, que les chiffres de ventes mentionnés dans le tableau Atochem sont précis, à l'exception de ceux indiqués pour les entreprises ICI et Shell, qui font apparaître des données manifestement arrondies; or, dans le cas d'ICI, le tableau comporte en note de bas de page la mention suivante: «calculé sur la base des données Fides». Ces constatations confortent la conclusion de la Commission que, pour les autres producteurs, les chiffres ne sont pas de simples estimations calculées au vu de données officielles, mais bien des informations fournies par les producteurs eux-mêmes. Il y a lieu de rappeler à ce titre que, si les producteurs adressent individuellement à la Fides leurs propres déclarations de chiffres de ventes, ceci se fait sur une base confidentielle; les producteurs ne reçoivent en retour que des données agrégées, et non les données individuelles déclarées par les autres producteurs.

614.
    En troisième lieu, la Commission s'est efforcée de vérifier si la part relative des producteurs entre eux pour 1984 correspondait à la part cible, telle qu'elle apparaît dans le tableau Atochem. Elle a ainsi pu constater, au vu des informations qu'elle a pu obtenir, que la part de marché de Solvay en 1984 était identique à la part cible mentionnée dans le tableau Atochem. Par ailleurs, elle a pu déterminer que la part de marché des quatre producteurs allemands pour 1984, soit 24 %, était voisine de la part cible indiquée dans ce tableau, soit 23,9 %. Enfin, la part de marché d'ICI pour 1984 s'est élevée à 11,1 %, alors que la part cible de cette entreprise dans le tableau Atochem était de 11 %. A cet égard, il est d'ailleurs significatif de relever, avec la Commission, que deux documents internes d'ICI du 18 septembre 1984 et du 16 octobre 1984, produits en annexe 17 et 18 à la communication des griefs, se réfèrent précisément à une «cible» de 11 % pour l'entreprise.

615.
    Enichem soutient que sa part de ventes s'est élevée à 12,3 % en 1984, ce qui serait nettement inférieur à celle indiquée dans le tableau Atochem. Cette objection ne saurait être retenue. Cette requérante a été invitée à préciser les bases sur lesquelles elle avait établi sa part de marché pour 1984, mais n'a pas été en mesure d'apporter une quelconque explication sur les éléments qu'elle avait retenus. En outre, le Tribunal relève que, dans ses annexes à la requête (volume III, annexe 2), la requérante a produit un tableau récapitulant les ventes d'Enichem, année par année, pour la période de 1979 à 1986, dont on peut comprendre que les parts de marché ont, pour chacune de ces années, été calculées de façon identique. Or, pour les années 1979 à 1982, la requérante a, à la demande du Tribunal dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, tenté d'expliquer comment elle avait calculé sa part de marché. Il en ressort que la requérante s'est bornée, d'une part, à énoncer ses chiffres de ventes pour chacune de ces années, sans aucun élément de nature à soutenir cette affirmation. D'autre part, ces chiffres de ventes ont été

rapportés, non à celui des ventes de producteurs européens en Europe occidentale, mais aux chiffres de la consommation européenne, nécessairement plus élevée puisqu'elle inclut les importations. Ce faisant, la part de marché alléguée par la requérante s'en trouve substantiellement réduite.

616.
    Dès lors, le Tribunal conclut que les données avancées par Enichem ne peuvent être regardées comme présentant une quelconque fiabilité.

617.
    Il s'ensuit que les appréciations factuelles portées par la Commission dans sa Décision doivent être confirmées.

— Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux

618.
    La liste de contrôle contient, au titre des propositions relatives aux modalités de fonctionnement du nouveau cadre de réunions, l'extrait suivant: «Informations mensuelles sur les ventes de chaque producteur, par pays».

619.
    Afin d'établir l'existence d'un mécanisme par lequel les producteurs domestiques de certains grands marchés nationaux se sont informés mutuellement des tonnages qu'ils vendaient sur chacun de ces marchés, la Commission s'est principalement référée aux tableaux Solvay.

620.
    Ces tableaux se présentent de façon uniforme.

621.
    Les tableaux relatifs au marché allemand (annexes 20 à 23 à la communication des griefs) comportent plusieurs colonnes. La première contient les mentions suivantes: «consommation M. N.» (c'est-à-dire «consommation sur le marché national»), «importations des tiers», «ventes des producteurs nationaux»; cette dernière rubrique est suivie du nom des principaux producteurs nationaux. Les colonnes suivantes correspondent successivement à des «hypothèses» pour une année donnée, suivie d'une colonne «réalisations» pour cette même année. Chacune de ces colonnes se divise en deux, l'une exprimée en tonnage, l'autre en pourcentage; en face de chacune des rubriques de la première colonne apparaissent des données chiffrées. Il y a lieu de relever que les ventes de chacun des producteurs allemands sont indiquées; dès lors, l'argument de Wacker et de Hoechst, tiré de ce que les chiffres de ventes des producteurs allemands sont agrégés, et non individualisés, manque en fait.

622.
    Les autres tableaux, relatifs aux marchés français (annexes 24 à 28 à la communication des griefs), du Benelux (annexes 29 à 32) et italien (annexes 33 à 40) comportent également plusieurs colonnes. La première contient le nom de producteurs nationaux, une rubrique intitulée «total des producteurs nationaux», une rubrique «importations», distinguant parfois les importations «d'autres pays Fides» et celles de «pays tiers (non Fides)», et une rubrique «marché total». Les deux colonnes suivantes comportent la mention de deux années successives;

chacune de ces colonnes se subdivise en deux, l'une exprimée en tonnages, l'autre en pourcentages; en face de chacune des rubriques de la première colonne apparaissent des données chiffrées. Dans certains cas, une colonne supplémentaire apparaît, qui indique, en pourcentage, l'évolution d'une année sur l'autre. En outre, dans certains cas, une colonne «prévisions», portant sur l'année en cours, est ajoutée.

623.
    Ainsi qu'il ressort de la Décision, ce que la Commission a confirmé en réponse à une question du Tribunal, le présent grief ne concerne que les marchés allemand, italien et français.

624.
    Il convient de relever, tout d'abord, que les tableaux Solvay ne mentionnent pas uniquement des «hypothèses» mais également des «réalisations». Dès lors que l'échange d'informations repose sur des «réalisations», il ne peut s'agir que d'informations passées; l'argument selon lequel il ne s'agirait que d'estimations futures manque donc en fait. De surcroît, les tableaux Solvay pouvant être datésdu début du mois de mars suivant l'année pour laquelle des données de ventes par producteur et par pays sont échangées, celles-ci ne peuvent être regardées comme suffisamment anciennes pour perdre tout caractère confidentiel.

625.
    En outre, s'il est exact que les tableaux comportent des chiffres en kilotonnes, le cas échéant assorti d'une décimale, on ne saurait en déduire pour autant que, de ce fait, il ne s'agirait que d'estimations effectuées par Solvay seule. De fait, les chiffres de ventes de Solvay, entreprise dont sont issus ces tableaux, ne sont eux-mêmes indiqués qu'en kilotonnes.

626.
    La Commission s'est efforcée de vérifier que les ventes indiquées dans les tableaux correspondaient aux ventes effectuées par les producteurs qui y sont mentionnés. Elle n'a toutefois pas été en mesure de vérifier tous les chiffres qui y étaient contenus, compte tenu du fait que la plupart des producteurs ont dit être dans l'incapacité de fournir leurs statistiques de ventes.

627.
    Cette vérification a conduit à la constatation que, sur le marché allemand, les chiffres de ventes des producteurs Hüls, BASF et ICI que la Commission avait pu obtenir étaient, pour différentes années, identiques ou voisins de ceux mentionnés dans les tableaux Solvay (point 16, deuxième alinéa, de la Décision). Il y a lieu de relever à cet égard que, dans sa requête, BASF a souligné que ces documents «donnent une image très fidèle de l'état des ventes des principaux concurrents». Hüls a néanmoins fait observer que les tableaux Solvay pour l'Allemagne relatifs à l'exercice 1980 indiquent des ventes globales de 736,7 kilotonnes; or, pour ce qui concerne Wacker et Hoechst, ce montant inclurait, ainsi qu'il ressort d'une note de bas de page portée sur l'annexe 20 à la communication des griefs, «le travail à façon pour [l'entreprise Dynamite Nobel AG]», qui n'est pas inclus dans les statistiques Fides. Toutefois, cette objection n'explique précisément pas comment Solvay a eu connaissance des chiffres de ventes correspondant à ce «travail à

façon» et confirme au contraire la conclusion de la Commission selon laquelle les producteurs se sont communiqués leurs chiffres de ventes en dehors du système Fides.

628.
    En ce qui concerne le marché français, la Commission a constaté que les chiffres de ventes de Shell, de LVM et d'Atochem figurant dans les tableaux Solvay pour certaines années étaient très proches des chiffres de ventes réels qu'elle avait pu obtenir (point 16, troisième alinéa, de la Décision).

629.
    En ce qui concerne le marché italien, la Commission n'a pu obtenir aucune donnée de ventes réelles. Les requérantes dont les noms apparaissent dans ces tableaux n'ont pas contesté l'exactitude des chiffres qui y sont mentionnés. En outre, ainsi que la Commission l'a relevé, le premier tableau relatif au marché italien porte le commentaire suivant: «La répartition du marché national entre les différents producteurs pour 80 a été indiquée sur la base de l'échange de données avec nos confrères.» Par ailleurs, les tableaux joints en annexe 37 et 39 à la communication des griefs, qui sont relatifs aux ventes en 1983, comportent, en marge du nom du plus petit producteur sur le marché italien, la mention «estimations». Enfin, Solvay, dans sa réponse du 25 février 1988 à une demande de renseignements, a indiqué: «En raison des particularités de la situation italienne, nous ne pouvons exclure que certains chiffres de ventes aient été communiqués entre concurrents.» Dans ce contexte, l'explication du terme «confrères» proposée par Enichem ne saurait être retenue.

630.
    Néanmoins, les requérantes soutiennent que ces chiffres ne sont pas nécessairement le résultat d'un échange entre producteurs. A ce titre, elles ne prétendent pas que les données mentionnées dans les tableaux Solvay étaient elles-mêmes publiques, mais plutôt qu'elles pouvaient être calculées au vu d'informations obtenues sur le marché ou d'informations déjà publiques. Elles se fondent en cela sur les explications qu'avait données Solvay sur l'élaboration de ces tableaux, qui, selon cette entreprise, pouvaient être réalisés sans contacts avec les concurrents.

631.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements, Shell a indiqué que, «à plusieurs reprises, au cours de la période allant de janvier 1982 à octobre 1983, Solvay téléphonait pour obtenir confirmation de ses estimations des tonnages vendus par les sociétés du groupe Shell»; néanmoins, elle a précisé qu'aucune information précise n'avait été communiquée.

632.
    Sur le marché français, Solvay a indiqué que le volume du marché global pouvait être déterminé avec précision au vu, notamment, des statistiques de la Fides. En retranchant le volume de ses propres ventes, Solvay obtenait le volume total des ventes de ses concurrents sur le marché français. Pour déterminer les ventes de chaque producteur, Solvay a indiqué ce qui suit: «Si le client appartient à un groupe produisant du PVC mais effectue néanmoins une partie de son

approvisionnement auprès d'autres producteurs, l'on estime forfaitairement que la société mère effectue 80 % des approvisionnements de sa filiale, le restant étant réparti entre les autres concurrents; si nous savons que l'un des consommateurs de PVC s'approvisionne principalement auprès d'un producteur, les responsables français [de Solvay] estiment forfaitairement que ce producteur approvisionne pour 50 % des besoins de ce client; enfin, si l'approvisionnement du client est effectué par plusieurs producteurs en dehors des cas prévus ci-dessus, la répartition se fait entre les différents fournisseurs de manière linéaire en fonction de leur nombre (par exemple: s'il y a quatre fournisseurs pour un client déterminé, les responsables français attribuent à chacun d'eux 25 % des approvisionnements de ce client).» Ainsi, Solvay détermine la part de chaque producteur auprès de ses propres clients. Enfin, «pour déterminer les quantités totales effectivement vendues par les concurrents sur l'ensemble du marché, les responsables français [de Solvay] appliquent les parts de marché ainsi calculées au chiffre total de la consommation de PVC [...] et ils obtiennent ainsi le total approximatif des ventes [des] concurrents [de Solvay]».

633.
    Force est de constater que cette méthode de calcul alléguée par Solvay, et dont se prévalent les autres requérantes, repose sur des estimations forfaitaires et laisse une place importante aux approximations et aléas. Le Tribunal considère que cette prétendue modalité de calcul ne saurait permettre la détermination précise et exacte des ventes de chacun des producteurs telles qu'elles apparaissent dans les tableaux Solvay.

634.
    De même, en ce qui concerne le marché allemand, Solvay a indiqué que la part des ventes de chacun des concurrents était déterminée grâce à des «entretiens avec la clientèle», à des informations publiques (statistiques officielles et presse spécialisée) et à la «connaissance approfondie du marché de [ses] responsables allemands». Le Tribunal ne peut pas plus admettre que cette méthode permette à Solvay, en dehors de tout échange avec les concurrents, de parvenir à des résultats aussi précis que ceux mentionnés dans les tableaux Solvay. A ce titre, il y a lieu de souligner qu'il ressort des réponses des requérantes à une question du Tribunal que le nombre de clients de chaque producteur s'élevait parfois à plusieurs centaines.

635.
    Enfin, les exemples donnés par DSM pour démontrer que les chiffres de ventes peuvent être aisément définis au vu d'informations publiques sont dénués de pertinence. Ces exemples sont en effet relatifs à l'évaluation du marché global et à celle de la part de marché de la requérante elle-même, ce qui n'est nullement en cause dans la Décision.

636.
    Les objections factuelles des requérantes doivent, dans ces conditions, être rejetées.

— Sur les prix cibles et les initiatives de prix

637.
    Ainsi qu'il a déjà été relevé (ci-dessus point 584), la liste de contrôle énonce, en son point 3, des propositions relatives aux modalités de fonctionnement du nouveau cadre de réunions envisagé. Après l'énumération, sous forme d'initiales ou de sigles, du nom de dix producteurs de PVC, le document contient les extraits suivants: «comment parvenir à une meilleure transparence en matière de prix», «rabais en faveur des importateurs (2 % au maximum?)», «prix plus élevés au Royaume-Uni et en Italie (nivellement par le haut?)» et «lutte contre le tourisme». Il comporte également une rubrique intitulée «propositions de prix», dans laquelle on peut notamment lire: «période de stabilité (nous sommes prêts à accepter la situation du deuxième trimestre 1980, mais seulement pour une période limitée)» et «niveaux de prix d'octobre à décembre 1980 et dates de mise en oeuvre». Enfin, sous la rubrique relative à une réunion fixée au 18 septembre 1980, il est notamment indiqué: «engagement à trouver sur les mouvements de prix octobre/décembre».

638.
    La réponse aux propositions comporte deux points relatifs aux prix. La première proposition, au terme de laquelle «il devrait y avoir un niveau commun de prix en Europe de l'Ouest», est suivie de la réponse: «Proposition soutenue, mais des doutes sont émis sur la possibilité d'abandonner le rabais traditionnel aux importateurs.» La sixième proposition énonce qu'une «augmentation de prix ne devrait pas être tentée pendant [une] période de stabilisation de trois mois» pendant laquelle les fournisseurs ne devraient établir de contact qu'avec les clients qu'ils ont livrés pendant les trois mois précédents (point 5 de la réponse aux propositions); elle est assortie de la réponse suivante: «[...] en raison des pertes actuellement subies, la possibilité d'une augmentation de prix le 1er octobre ne devrait pas être écartée, bien que des difficultés à cet égard existent, à savoir difficultés d'obtenir un soutien unanime et d'avoir à appliquer une telle hausse à un moment de baisse probable de la demande en Europe de l'Ouest.»

639.
    Dans sa Décision, la Commission a identifié une quinzaine d'initiatives de prix (voir le tableau 1 joint en annexe à la Décision), dont la première serait intervenue le 1er novembre 1980.

640.
    Dans le cadre des présents recours, LVM et DSM sont les seules requérantes à contester l'existence même des initiatives de prix relevées par la Commission, au motif que de telles initiatives de prix seraient inconcevables dans le secteur du PVC. A cet égard, il suffit de relever que les annexes P1 à P70 à la communication des griefs se réfèrent de manière systématique à des prix cibles et à des initiatives de prix. Indépendamment de la question de savoir s'il s'agissait d'actions individuelles ou concertées, cette constatation suffit à rejeter l'argument de ces requérantes.

641.
    L'existence même des initiatives de prix doit donc être considérée comme établie. Il convient dès lors d'examiner si, comme le soutient la Commission, ces initiatives étaient le résultat d'une collusion entre les producteurs de PVC.

642.
    A titre liminaire, il y a lieu de relever que, si les annexes P1 à P70 constituent, pour certaines, des documents internes d'entreprises établis après les dates d'initiatives de prix identifiées par la Commission, on ne saurait en déduire qu'elles ne peuvent, de ce seul fait, constituer une preuve de ce que les initiatives étaient le résultat d'une collusion. Il convient en effet de vérifier le contenu des pièces en cause.

643.
    Les requérantes ne contestent pas que les documents produits par la Commission font apparaître que, à des dates identiques, des augmentations ont été planifiées pour porter le prix du PVC à un même niveau, qui était, en règle générale, largement supérieur à celui prévalant sur le marché dans les jours précédant ces augmentations. De fait, pour chacune des initiatives identifiées par la Commission,cette constatation ressort du libellé même des annexes P1 à P70. Les extraits de la presse professionnelle, produits par la Commission en annexe à la communication des griefs, confirment d'ailleurs ces augmentations aux dates relevées par la Commission.

644.
    En outre, le Tribunal estime, après un examen attentif des annexes P1 à P70, que ces initiatives ne peuvent être considérées comme purement individuelles. En effet, tant au vu du libellé de ces annexes que de leur examen croisé, le Tribunal a acquis la conviction que ces pièces constituent la preuve matérielle d'une collusion entre producteurs en matière de prix au niveau européen.

645.
    Ainsi peut-on lire, à l'annexe P1, qui est un document émanant d'ICI, après qu'a été souligné le fait que «la demande de PVC sur le marché d'Europe de l'Ouest en octobre a considérablement augmenté, par anticipation de l'augmentation de prix du 1er novembre», l'indication suivante: «[L]a majoration de prix annoncée pour le 1er novembre vise à amener tous les prix ouest-européens [de PVC 'suspension‘] à un niveau minimum de 1,50 DM.» Ce document doit être rapproché des annexes P2 et P3, issues de Wacker et indiquant une augmentation identique à la même date, et de l'annexe P4, émanant de Solvay, qui, en ce qui concerne le mois de novembre 1980, comporte la phrase suivante: «[C]ertains importateurs offrent des rabais au détriment de producteurs britanniques, contrairement à ce qui était planifié.» En outre, l'annexe P5, issue de DSM, se réfère également à l'initiative de prix du 1er novembre.

646.
    De même, en ce qui concerne la deuxième initiative de prix prévue pour le 1er janvier 1981 tendant à porter le prix du PVC à 1,75 DM, il y est fait référence dans les annexes P2 et P8, émanant de Wacker, P4, émise par Solvay, P6 et P7, provenant d'ICI, et P9, émanant de DSM. En particulier, l'annexe P4, après la phrase citée au point précédent, indique: «[L]a perspective pour décembre n'est pas bonne, en dépit d'une autre augmentation de prix annoncée pour le 1er janvier

1981.» L'annexe P6 contient le passage suivant: «[U]ne nouvelle augmentation des prix a été annoncée [...] à 1,75 DM[...] pour tous les marchés d'Europe de l'Ouest à partir du 1er janvier 1981.»

647.
    L'initiative prévue pour le 1er janvier 1982, destinée à porter les prix du PVC à 1,60 DM, est établie au vu de deux documents émanant d'ICI, joints en annexe P19 et P22 à la communication des griefs, et de deux documents provenant de DSM, joints en annexe P20 et P21. L'annexe P22 porte le commentaire suivant: «'[L']initiative‘ du secteur est d'augmenter les prix à 1,60 DM/380 UKL/tonne, mais elle ne paraît pas prometteuse — BP et Shell refusent de coopérer.» L'annexe P21 indique: «[L]es perspectives pour janvier [1982] ne sont pas favorables. En dépit d'une augmentation de prix annoncée, nous constatons maintenant une baisse des prix par rapport au niveau de décembre. Surtout, les fournisseurs britanniques n'ont même pas informé les clients britanniques de l'augmentation des prix.» A ce titre, il y a lieu de relever que, si l'on peut admettre qu'une entreprise soit informée, par exemple par l'intermédiaire des clients, qu'un concurrent a annoncé une augmentation de prix ou, au contraire, qu'il n'a pas annoncé une telle augmentation, on ne saurait admettre qu'elle soit informée de ce qu'un producteur n'a pas annoncé une augmentation de prix qu'il aurait dû annoncer. Ceci ne peut s'expliquer que par le fait que cette majoration attendue avait été préalablement convenue entre producteurs.

648.
    L'initiative annoncée pour le 1er mai 1982, destinée à porter les prix à 1,35 DM, se trouve confirmée par les annexes P23 et P26, émanant d'ICI, P24, provenant de DSM, et P25, émise par Wacker. En particulier, l'auteur de l'annexe P23, examinant le niveau des prix en avril 1982 sur le marché européen, et plus particulièrement sur les marchés allemand et français, ajoute le commentaire suivant: «[L]e glissement des prix a été arrêté à la fin du mois, en raison de l'annonce d'une augmentation générale des prix européens à 1,35 DM/kg pour le 1er mai.» A l'annexe P24, relative au mois de mai 1982, il est relevé que, «en raison de la majoration des prix annoncée», les prix de DSM ont augmenté, mais il est précisé: «[C]eci est bien en-deçà de l'augmentation planifiée à des niveaux de 1,35 DM/1,40 DM. Les raisons principales en sont les échecs sur les marchés allemands et du Benelux et l'absence de coopération des producteurs britanniques et scandinaves à l'augmentation des prix. En France et en Italie, la majoration a été plus réussie.»

649.
    L'initiative du 1er septembre 1982, destinée à amener les prix à un niveau de 1,50 DM/kg, se trouve établie au vu notamment des annexes P29, P39 et P41, émanant de DSM, P30 et P34, issues d'ICI, et P31 à P33, émise par Wacker. A l'annexe P29, datée du 12 août 1982, on peut lire, en ce qui concerne les prix du mois d'août: «[U]ne certaine pression est ressentie sur les marchés allemands, belge et luxembourgeois, ce qui est plutôt surprenant puisqu'une augmentation de prix majeure est planifiée pour le 1er septembre.» Sous le titre «prix du mois de septembre», le document poursuit: «[U]ne augmentation de prix majeure jusqu'à

un niveau d'approximativement 1,50 DM/kg est planifiée. Jusqu'à présent, nous avons noté que tous les principaux producteurs annoncent cette augmentation de prix et seules très peu de déviations ont été relevées.» L'annexe P32 contient le commentaire suivant: «[S]ur le marché d'Europe de l'Ouest, des efforts très intensifs sont effectués pour consolider les prix au 1er septembre.» L'annexe P33 contient l'observation suivante: «[L]'augmentation de prix introduite au 1er septembre pour le PVC portant à un prix minimum de 1,50 DM/kg a été couronnée de succès sur le plan de la tendance générale, mais nous trouvons encore en octobre des cas dans lesquels nos concurrents fournissent à 1,35 DM et 1,40 DM/kg.» A l'annexe P34, l'auteur du document, examinant la situation du marché ouest-européen en général, relève une augmentation de la demande en octobre 1982 par rapport au mois précédent, et ajoute: «[T]outefois, ceci était en grande partie due aux efforts en vue d'augmenter les prix au 1er septembre qui avaient en conséquence conduit à des approvisionnements avant cette date.» L'annexe P41 comporte le commentaire suivant, relatif à l'initiative du 1er septembre: «Le succès de l'augmentation de prix dépend désormais très largement de la discipline des producteurs allemands.»

650.
    On peut encore se référer à l'augmentation de prix intervenue, en deux temps, les 1er avril 1983 et 1er mai 1983, dont l'objectif était de porter les prix du PVC, respectivement, à 1,60 DM, avec un minimum de 1,50 DM, et à 1,75 DM, avec un minimum de 1,65 DM. Il y a lieu de rappeler tout d'abord que Shell, dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements (annexe 42 à la communication des griefs), a indiqué que, lors d'une réunion à Paris le 2 ou le 3 mars 1983 entre les producteurs d'Europe de l'Ouest de PVC, «des propositions ont été faites par d'autres producteurs en ce qui concerne des augmentations de prix et un contrôle des volumes», même si elle a ajouté qu'aucun engagement n'y avait été pris. ICI a confirmé la tenue de cette réunion (annexe 4 à la communication des griefs). L'annexe P43, émanant d'ICI, comporte le passage suivant: «[I]nformez tous les clients à partir du lundi 7 mars [1983] que les prix seront augmentés à 1.60 DM, assortis de rabais pour les clients de catégorie 1 et de catégorie 2 de respectivement 10 et 5 pfennig.» Cette augmentation devait intervenir le 1er avril 1983, ainsi qu'il ressort du reste du texte du télex. L'auteur de l'annexe P49, issue de Shell et datée du 13 mars 1983, après avoir souligné la baisse des prix en mars jusqu'à un niveau de 1,20 DM/kg, indique: «[U]ne initiative importante est prévue pour enrayer cette érosion; des cibles minimales ont été fixées à 1,50 et 1,65 DM/kg, respectivement pour mars et avril.» Un télex d'ICI du 6 avril 1983, joint en annexe P45 à la communication des griefs, comporte le commentaire suivant: «[L]es informations provenant du marché semblent clairement indiquer que le secteur dans son ensemble applique désormais l'initiative de prix du 1er avril 1983.» Un document de Wacker du 25 avril 1983 (annexe P46) fait état des «efforts en vue d'augmenter les prix du PVC en avril à 1,50 DM/kg et en mai à 1,65 DM/kg». Un rapport interne de DSM du 24 juin 1983 (annexe P48), après avoir indiqué une baisse des prix en Europe de l'Ouest durant le premier trimestre de l'année 1983, indique: «[D]epuis le 1er avril, une tentative a

été conduite pour augmenter les prix en Europe de l'Ouest. L'augmentation planifiée jusqu'à un niveau de 1,50 DM au 1er avril et de 1,65 DM au 1er mai a échoué.»

651.
    Il y a lieu de relever en outre que, dans un mémorandum d'ICI du 31 janvier 1983, joint en annexe 44 à la communication des griefs, il était indiqué que, «en Europe, les 'prix cibles‘ sont très bien connus des industriels et constituaient en tant que tels des 'prix affichés‘». L'auteur ajoutait: «[I]l est communément admis que ces prix affichés ne pourront être atteints sur un marché déprimé [...] mais l'annonce a un effet psychologique sur l'acheteur. C'est comme dans le secteur automobile, où le 'prix de barème‘ est fixé à un niveau tel que l'acheteur est satisfait lorsqu'il obtient une réduction de 10 à 15 %, il estime faire une 'bonne affaire‘, mais le constructeur ou le garage conserve une marge suffisante.» Dans ces conditions, l'auteur recommandait «que le secteur du PVC annonce à grand renfort de publicité des prix cibles bien supérieurs aux prix qui pourront vraisemblablement être atteints, par exemple 1,65 DM par kilogramme en mars» (soulignements supprimés).

652.
    On peut noter de surcroît que la presse professionnelle a elle-même fait référence, en certaines occasions, à une collusion entre les producteurs de PVC. Ainsi, dans la revue European Chemical News du 1er juin 1981 peut-on lire: «les plus importants producteurs européens de produits plastiques font un effort concerté pour imposer des augmentations de prix significatives pour le [PVC], en vue d'atteindre les niveaux de prix du début de l'année 1981». Le 4 avril 1983, cette même revue indique: «les producteurs européens [de PVC] entreprennent une tentative déterminée en vue d'augmenter les prix à compter du début du mois d'avril. Ils se seraient rencontrés à Paris au milieu du mois de mars pour discuter d'augmentations de prix».

653.
    Au vu de l'examen minutieux des nombreuses pièces produites par la Commission en annexes à la communication des griefs et relatives aux prix du PVC, dont les points 645 à 650 ci-dessus ne constituent que des exemples, le Tribunal considère qu'il est établi, au vu des éléments de preuve matériels rapportés par la Commission, que les «augmentations de prix», «initiatives de prix» ou «prix cibles» auxquels se réfèrent ces documents ne constituaient pas de simples décisions individuelles autonomes prises par chacun des producteurs, mais qu'elles étaient le résultat d'une collusion entre eux.

654.
    Il y a lieu de relever toutefois dès à présent que plusieurs des annexes P1 à P70 font état de l'échec ou du succès mitigé de certaines initiatives de prix, ce que la Commission a relevé au point 22 de la Décision.

655.
    Ces échecs ou succès mitigés trouvent leur explication dans divers facteurs soulignés par la Commission au point 22 et qui sont explicitement mentionnés dans certaines des annexes P1 à P70. Ainsi, afin de s'approvisionner à des prix plus intéressants,

certains clients ont parfois réalisé des achats importants dans les jours précédant l'entrée en vigueur d'une augmentation de prix annoncée. C'est notamment ce qui ressort des annexes P8, P12, P21, P23, P30 et P39.

656.
    En outre, à la lecture des annexes P1 à P70, il apparaît que les producteurs ont, au moins en certaines occasions, cherché à trouver un équilibre entre le maintien d'un volume de ventes et de relations avec des clients particuliers, d'une part, et l'augmentation des prix, d'autre part.

657.
    Ainsi, les clients importants se voyaient parfois accorder des ristournes ou rabais spéciaux (par exemple annexe P17), ou des accords temporaires étaient conclusavec des clients pour leur assurer des livraisons aux prix antérieurs à l'augmentation programmée (notamment annexe P21). Plusieurs documents obtenus par la Commission révèlent que, en certaines occasions, les producteurs marquaient leur intention de soutenir une initiative de prix prévue, tout en s'assurant que cela ne soit pas au détriment des volumes de ventes. Ainsi peut-on lire dans un télex d'ICI, adressé le 18 décembre 1981 aux différentes filiales en Europe et relatif à l'initiative de prix de janvier 1982: «[I]l demeure des doutes sur le point de savoir si ces niveaux de prix seront atteints; restez donc vigilants sur la situation des clients individuels à travers l'Europe [...] il est très important que nous trouvions un bon équilibre entre l'augmentation des prix et le maintien des parts de ventes dans cette période difficile.» Une note de Wacker du 9 août 1982 (annexe P31) comporte l'observation suivante: «[L]a stratégie de Wacker pour les mois à venir est la suivante: nous nous situerons dans le sillage des efforts d'augmentation de prix qui se dessinent chez nos concurrents, mais nous ne tolérerons en aucun cas de nouvelles diminutions sur les quantités. En d'autres termes, si le marché n'accepte pas cette augmentation, nous exercerons la flexibilité nécessaire en matière de prix au moment voulu.» De même, une note de DSM non datée (annexe P41) comporte le commentaire suivant à propos de l'initiative du 1er janvier 1983 à venir: «DSM soutiendra la tentative d'augmenter les prix, mais pas en tant que chef de file. L'augmentation de prix sera soutenue dans la limite de la défense de nos parts de marché.»

658.
    A l'inverse, plusieurs documents démontrent l'intention de producteurs de soutenir fermement une initiative de prix, ou le soutien effectif d'une telle initiative, en dépit des risques induits sur les volumes de ventes. Ainsi peut-on citer, par exemple, dans le cas de DSM, l'annexe P13, dans laquelle on peut lire que DSM a «fermement soutenu l'initiative de prix» et l'annexe P41, qui contient l'extrait suivant: «[L]'augmentation de prix en septembre et la décision de DSM de soutenir très fermement cette augmentation ont conduit à une perte de volumes, mais à de bien meilleurs prix.» En ce qui concerne ICI, on peut relever, notamment, les annexes P16, datée du 14 juillet 1981 et relative à l'initiative de prix du 1er juin, qui se réfère à la position ferme d'ICI sur les prix, P30, du 20 octobre 1982, dans laquelle il est fait état de ce qu'ICI a «maintenu une ligne particulièrement dure» sur les prix en septembre, et P34, relative à l'initiative de septembre 1982, où il est indiqué: «[D]e

nouveau, nous avons totalement soutenu l'augmentation de prix». On peut encore citer, dans le cas de Wacker, l'annexe P15, relative à l'initiative de prix du 1er septembre 1981 destinée à porter le prix cible à 1,80 DM: «Wacker Chemie a décidé, à titre de politique d'ensemble et dans l'intérêt de la consolidation urgente des prix, de ne faire aucune affaire en-dessous de 1,80 DM en septembre.»

659.
    Ainsi que la Commission l'a relevé au point 22 de la Décision, certains producteurs se sont vu, en certaines occasions, reprocher leur comportement agressif sur le marché, qui perturbait ou faisait échouer des initiatives de prix que d'autres producteurs entendaient soutenir. Ainsi, dans une note de DSM du 25 février 1981 (annexe P9), l'auteur indique-t-il que «l'initiative de prix annoncée pour le 1er janvier [1981] à un niveau de 1,75 DM n'a, de façon certaine, pas été couronnée de succès» et poursuit: «[L]'attitude agressive de certains fournisseurs français et italiens durant les trois derniers mois a conduit à une concurrence féroce sur les grands clients, ce qui a abouti à une baisse des prix.» De même, l'annexe P23, issue d'ICI et datée du 17 mai 1982, fait état de préoccupations d'ICI sur sa part de marché au Royaume-Uni et précise: «Shell, BP et DSM ont été particulièrement agressifs sur ce marché.» Un document de DSM du 1er juin 1981, adressé par la Commission aux entreprises par lettre du 3 mai 1988, souligne, à propos des marchés belge et luxembourgeois au mois d'avril 1981: «[U]ne tentative d'augmentation des prix a échoué après une semaine. L'agressivité de BASF, Solvay, ICI et la SAV a conduit à un niveau de prix qui n'était ni meilleur, ni pire, que celui du mois précédent.» Un autre document de DSM d'octobre 1981 indique, pour ces mêmes marchés géographiques: «[E]n août, des pressions se sont exercées sur les prix. Un comportement plus agressif de plusieurs producteurs (BASF, la SAV, Solvay, Anic et ME) a été relevé.» Un document d'ICI du 19 avril 1982 relève: «[I]l est difficile d'obtenir confirmation sur l'identité des producteurs qui tirent les prix vers le bas, mais tant Shell que Solvay ont été signalés comme probables coupables.»

660.
    En réalité, le succès d'une initiative de prix ne pouvait intervenir que dans un environnement favorable, dont les producteurs n'avaient pas la maîtrise. Ainsi, il ressort de l'annexe P52 qu'ICI estimait que plusieurs facteurs contribuaient au succès prévisible de l'initiative prévue le 1er mai 1983, parmi lesquels des stocks réduits, une reprise de la demande, des rumeurs de pénurie, en particulier pour l'exportation, l'augmentation des prix sur les marchés extérieurs et les effets de la rationalisation du secteur. D'autres documents mettent en avant l'évolution de la demande (par exemple, annexes P27, P31, P45, P47) ou celle des importations en provenance de pays tiers (par exemple, annexes P16 et P31). A l'inverse, des facteurs tels que la surcapacité, l'augmentation des importations, la baisse des prix sur les marchés des pays tiers, le grand nombre de producteurs de PVC en Europe de l'Ouest ou l'ouverture de nouvelles installations par Shell et ICI, apparaissaient comme des facteurs fragilisant le niveau des prix (annexe P21, issue de DSM et relative à l'année 1981).

661.
    Il convient de conclure de cet examen que la Commission a exactement apprécié les faits de l'espèce en ce qui concerne les initiatives de prix.

— Sur l'origine de l'entente

662.
    Au vu de l'examen précédemment effectué, il apparaît qu'il existe une corrélation étroite entre les projets décrits dans les documents de planification et les pratiques effectivement constatées sur le marché du PVC, dès les premiers mois qui ont suivi l'élaboration de ces documents, tant en termes de prix que de régulation des volumes, qui constituent les deux principaux aspects de l'infraction reprochée. En outre, mais dans une moindre mesure, il existe une corrélation entre les projets décrits dans les documents de planification et les pratiques reprochées en matière d'échanges d'informations entre producteurs.

663.
    Il convient d'examiner les arguments des requérants relatifs à l'origine de l'entente au vu du libellé des documents de planification, des informations données par ICI à leur propos dans sa réponse à une demande de renseignements de la Commission du 30 avril 1984, jointe en annexe 4 à la communication des griefs, et de cette corrélation entre les documents de planification et les pratiques effectivement constatées sur le marché dans les semaines qui ont suivi leur élaboration.

664.
    Il y a lieu tout d'abord de relever que, dans sa réponse à la demande de renseignements, ICI a indiqué que, compte tenu de l'endroit où les documents avaient été trouvés par la Commission, il était raisonnable de penser qu'ils concernaient le PVC. La corrélation entre les documents de planification et les pratiques effectivement constatées sur le marché du PVC confirme cette conclusion.

665.
    Ensuite, l'identité exacte de l'auteur des documents de planification n'apparaît pas déterminante. Seule importe la question de savoir si ces documents peuvent être regardés comme un projet de création d'entente, ainsi que le soutient la Commission. Au demeurant, le document «réponse aux propositions» comporte le nom de son auteur; celui-ci, M. Sheaff, était le directeur de la division «plastiques» d'ICI au début des années 1980. Dans sa réponse à une demande de renseignements, ICI a indiqué qu'il était raisonnable de penser que M. Sheaff était également l'auteur du document «liste de contrôle».

666.
    Le Tribunal ne saurait admettre l'objection selon laquelle les documents de planification ne concerneraient que le marché britannique ou les marchés britanniques et italiens. A cet égard, il y a lieu de rappeler que le point 1 de la réponse aux propositions porte sur un «niveau de prix commun pour l'Europe de l'Ouest». Le point 2 de cette réponse concerne la possibilité d'un système de quotas «par entreprise, plutôt que sur une base nationale», ce qui exclut à tout le moins l'hypothèse qu'un seul marché géographique serait concerné. En outre, au point 6 de la réponse aux propositions, dans lequel est examinée la possibilité d'une

augmentation de prix lors du dernier trimestre de 1980, il est fait état des difficultés qui résulteront, notamment, d'une baisse de «la demande en Europe de l'Ouest» dans son ensemble. En outre, la liste de contrôle, si elle se réfère plus spécialement en deux points aux marchés britannique et italien, comporte un point 3 intitulé «proposition pour un nouveau cadre de réunions»; or, ce point contient des propositions formulées en termes généraux, dont rien ne laisse penser qu'elles aient été limitées à un ou deux marchés géographiques; bien au contraire, le fait que ces propositions soient présentées directement après la liste des principaux producteurs européens de PVC conforte la conclusion que les marchés britanniques et/ou italiens n'étaient pas les seuls visés. Il y a lieu de rappeler enfin que les documents de planification évoquaient notamment deux pratiques, relatives l'une à des initiatives de prix, dont la première était envisagée pour le dernier trimestre de 1980, l'autre à un système de quotas assorti d'un mécanisme de compensation; or, il ressort de l'analyse précédemment effectuée qu'une initiative est intervenue le 1er novembre 1980, en vue de «porter tous les prix du PVC qualité suspension d'Europe de l'Ouest à un minimum de 1,50 DM», et qu'un mécanisme de compensation a été mis en oeuvre dès les premiers mois de 1981, auquel participaient l'ensemble des producteurs européens, à l'exception de Shell. Cette corrélation conforte la conclusion que les documents de planification ne se référaient pas simplement à un ou deux marchés nationaux.

667.
    L'allégation des requérantes selon laquelle les documents de planification eux-mêmes n'auraient jamais été diffusés en dehors des locaux d'ICI n'est pas déterminante. Seul importe le point de savoir si le contenu de ces documents traduit l'existence d'un projet visant à organiser le marché du PVC en dehors du libre jeu de la concurrence.

668.
    L'argument selon lequel les deux documents de planification n'auraient pas de lien entre eux ne saurait être retenu. A cet égard, il y a lieu de rappeler tout d'abord que ces documents ont été découverts dans les locaux d'ICI et qu'ils étaient matériellement attachés l'un à l'autre. En outre, il convient de relever que la liste de contrôle comportait l'énumération de certains thèmes, qui, d'une façon générale, portaient sur des mécanismes de contrôle des volumes de ventes et de régulation des prix. Ces thèmes sont eux-mêmes abordés, de façon plus précise, dans la réponse aux propositions. De surcroît, certains points plus détaillés se retrouvent dans l'un et l'autre des documents. Ainsi en est-il de la référence à une période de stabilité de trois mois, de la possibilité d'une augmentation de prix durant le dernier trimestre de l'année 1980, de la nécessité de trouver un arrangement pour tenir compte de nouvelles capacités de production ou encore de la possibilité de variations par rapport aux parts de marché préfixées, avec la même référence à un seuil de 5 % et aux réserves émises à ce propos. On ne saurait dès lors admettre que ces deux documents sont sans relation l'un avec l'autre.

669.
    Les requérantes soutiennent toutefois que, au vu des documents de planification, la Commission a, à tort, conclu que le second document de planification constitue

le résumé de la réponse des producteurs de PVC aux propositions formulées par ICI (point 7, dernier alinéa, de la Décision). A cet égard, elles relèvent que les documents de planification pourraient bien n'être que l'expression des opinions ou observations d'agents d'ICI ou celles d'agents d'ICI et de Solvay, entreprise visée plus spécialement aux points 5 et 6 de la liste de contrôle. En outre, la réponse aux propositions serait un document antérieur à la liste de contrôle, ce qui réduirait ànéant la thèse de la Commission.

670.
    Le Tribunal considère que le libellé même des documents de planification ne permet pas de considérer, comme l'a fait la Commission aux points 7, dernier alinéa, et 10, premier alinéa, de la Décision, que le second document de planification constituait la réponse des autres producteurs de PVC aux propositions faites par ICI, pas plus qu'il ne permet de conclure que ces documents ne seraient que la seule expression d'avis d'agents d'ICI.

671.
    Même à supposer exacte la thèse des requérantes, il y a lieu de relever que cette circonstance n'affecterait pas le système probatoire de la Commission. En effet, ainsi qu'il résulte de l'examen auquel il a été procédé préalablement, la Commission a produit de nombreuses pièces établissant l'existence des pratiques décrites dans la Décision. En outre, il demeure que les documents de planification, et plus particulièrement la liste de contrôle, qui émanent d'un important responsable d'ICI, énoncent de façon claire l'existence d'un projet de création d'entente dans le chef de cette entreprise, qui était, à la date d'élaboration de ces documents, l'un des principaux producteurs européens de PVC; en outre, les pratiques qui étaient prévues dans ces documents ont été constatées, dans les semaines qui ont suivi, sur le marché du PVC en Europe de l'Ouest. A tout le moins, il apparaît ainsi que ces documents de planification constituent la base sur laquelle des consultations et discussions entre producteurs ont été menées et ont conduit à la mise en oeuvre effective des mesures illicites envisagées.

672.
    A cet égard, s'il est exact que les documents produits par la Commission à l'appui de ses constatations factuelles relatives aux pratiques sur le marché du PVC ne font aucune référence aux documents de planification, le Tribunal considère que la corrélation étroite entre ces pratiques et celles décrites dans ces documents démontre à suffisance l'existence d'un lien entre elles.

673.
    La Commission a, dès lors, conclu, à juste titre, que les documents de planification pouvaient être regardés comme étant à l'origine de l'entente qui s'est matérialisée dans les semaines qui ont suivi leur élaboration.

— Sur les réunions entre producteurs

674.
    Il convient de relever tout d'abord que l'existence même de réunions informelles entre producteurs, intervenues en dehors du cadre des associations professionnelles, n'est pas contestée par les requérantes.

675.
    En outre, aux fins de l'appréciation des faits au regard de l'article 85 du traité, il n'est pas indispensable que la date et, a fortiori, le lieu, des réunions entre producteurs soient établis par la Commission. Au demeurant, il ressort de la réponse d'ICI du 5 juin 1984 à une demande de renseignements de la Commission (annexe 4 à la communication des griefs) que ces réunions ont eu lieu «assez régulièrement, approximativement une fois par mois, et à différents niveaux de responsabilité». ICI a précisé que, compte tenu, notamment, du fait qu'aucun document relatif à ces réunions n'avait pu être retrouvé, elle n'était pas en mesure d'indiquer les dates et lieux des réunions tenues depuis août 1980. En revanche, elle a pu identifier les lieux et dates de neuf réunions informelles entre producteurs au cours des dix premiers mois de l'année la plus récente, à savoir 1983. Six réunions se seraient ainsi tenues à Zurich, les 15 février, 11 mars, 18 avril, 10 mai, 18 juillet et 11 août 1983, deux à Paris, les 2 mars et 12 septembre 1983, et une à Amsterdam, le 10 juin 1983. ICI a en outre énuméré les entreprises qui auraient participé à au moins certaines de ces réunions informelles, à savoir, par ordre alphabétique: Anic, Atochem, BASF, DSM, Enichem, Hoechst, Hüls, ICI, Kemanord, LVM, Montedison, Norsk Hydro, PCUK, la SAV, Shell, Solvay et Wacker.

676.
    Shell, dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements (annexe 42 à la communication des griefs), a confirmé avoir participé aux réunions de Paris du 2 mars 1983 et de Zurich du 11 août 1983, pour lesquelles la Commission avait recueilli la preuve de sa participation sous la forme d'indications portées dans un agenda.

677.
    BASF, dans sa réponse du 8 décembre 1987 à une demande de renseignements de la Commission (annexe 5 à la communication des griefs), a également indiqué que, de 1980 à octobre 1983, des réunions se sont tenues entre producteurs de PVC, «parfois jusqu'à une par mois». Elle a également énuméré les entreprises représentées, régulièrement ou irrégulièrement, à ces réunions, à savoir, par ordre alphabétique: Anic, Atochem, Enichem, Hoechst, Hüls, ICI, LVM, Montedison, Norsk Hydro, Shell, Solvay et Wacker.

678.
    On peut enfin relever que, dans le cadre des présents recours, Montedison reconnaît l'existence de réunions informelles entre producteurs, dont la presse spécialisée faisait état.

679.
    Si elles ne contestent pas l'existence de ces réunions informelles entre producteurs, les requérantes portent en revanche leurs critiques sur l'objet de ces réunions, qui, selon elles, ne serait pas établi.

680.
    Il convient de rappeler tout d'abord que, en dépit du nombre de réunions qui se sont tenues pendant la période concernée et des mesures d'enquête effectuées au titre des articles 11 et 14 du règlement n° 17, la Commission n'a pu obtenir aucun procès-verbal ou compte-rendu de ces réunions. Contrairement à ce que

soutiennent les requérantes, il ne ressort pas du point 9 de la Décision que la Commission aurait, de ce seul fait, conclu que les réunions poursuivaient un objet anticoncurrentiel.

681.
    Dans sa réponse aux demandes de renseignements, ICI a indiqué que ces réunions portaient sur un grand nombre de questions, «y compris des discussions sur les prix et les volumes». Plus précisément, elle a indiqué que, «pendant la période concernée, des discussions ont certainement eu lieu durant ces réunions entre producteurs en ce qui concerne les niveaux de prix et la marge nécessaires pour permettre aux producteurs de réduire l'étendue des pertes qu'ils subissaient. Selon ICI, chaque producteur a exprimé ses propres points de vue à cet égard, qui ont été débattus. Souvent, les producteurs avaient des vues divergentes sur les niveaux de prix appropriés [...] Toutefois, un consensus apparent s'est dégagé sur ce qui aurait pu représenter des niveaux de prix auxquels les producteurs pourraient aspirer; cependant, aucun engagement de prix ferme n'est ressorti de ces discussions. Selon les appréciations d'ICI à l'époque, et encore aujourd'hui, un tel consensus était plus apparent que réel. Il est certain, pour autant qu'ICI le sache, que chaque partie à ces discussions s'est sentie libre de prendre toute action autonome qu'elle considérait appropriée aux circonstances individuelles qui lui étaient propres».

682.
    Dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements, Shell a reconnu avoir participé à deux réunions énumérées par ICI. S'agissant de la première, qui s'est tenue à Paris le 2 mars 1983, elle a indiqué: «[A]u cours de la réunion, ont été discutées les difficultés que rencontrait le secteur et des propositions ont été faites par d'autres producteurs en ce qui concerne une augmentation des prix et un contrôle des volumes. [Le représentant de Shell] n'a pas soutenu ces propositions. [Il] ne peut se souvenir si un accord ou un consensus sur une initiative de prix ou sur les volumes a été trouvé.» S'agissant de la seconde réunion, qui s'est tenue à Zurich le 11 août 1983, Shell a indiqué que «certains producteurs ont exprimé leur opinion sur une initiative de prix. [Le représentant de Shell] n'a pas soutenu ces points de vue. [Il] ne peut se souvenir si un accord ou un consensus a été trouvé».

683.
    A ce titre, il convient de relever que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission n'a pas détourné le sens des réponses de certaines entreprises aux demandes de renseignements. Elle a ainsi rappelé que chacun de ces producteurs avaient, en dépit de l'objet des réunions, soutenu qu'aucun «engagement» n'y aurait été pris (voir les points 8, deuxième alinéa, de la Décision, en ce qui concerne ICI, et 9, premier alinéa, en ce qui concerne notamment Shell et Hoechst).

684.
    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les documents de planification comportaient l'intention expresse de mettre en place un «nouveau cadre de réunions» entre producteurs, au cours desquelles seraient discutés des arrangements en matière de

prix, de contrôle de volume et d'échange d'informations. En outre, la Commission a établi l'existence de réunions entre producteurs pendant la période concernée. Enfin, ainsi qu'il ressort de l'analyse précédemment effectuée, la Commission a établi l'existence, pendant la période concernée, de mécanismes de quotas, de régulation des prix et d'échanges d'informations entre producteurs.

685.
    De la coïncidence étroite entre ce qui était prévu dans les documents de planification, d'une part, et les pratiques effectivement mises en oeuvre sur le marché du PVC, la Commission a exactement conclu que les réunions informelles entre producteurs avaient effectivement eu pour objet les thèmes énoncés dans les documents de planification.

686.
    Au vu de ces éléments, il y a lieu de conclure que la Commission a correctement déterminé l'objet des réunions entre producteurs qui se sont tenues de 1980 à 1984.

687.
    Dans ces conditions, les objections des requérantes sur la partie «en fait» de la Décision doivent être rejetées.

2. En droit

688.
    Les requérantes reprochent à la Commission plusieurs erreurs de droit dans l'application de l'article 85 du traité. En premier lieu, la Commission aurait commis une erreur de droit en qualifiant d'accord «et/ou» de pratique concertée les comportements qu'elle reproche aux entreprises (a). En second lieu, en l'espèce, la Commission n'aurait correctement qualifié ni l'existence d'un accord ni celle d'une pratique concertée (b). En troisième lieu, elle aurait également méconnu l'article 85 du traité dans la détermination de l'objet ou de l'effet de la collusion allégué (c). En dernier lieu, elle aurait également commis une erreur de droit dans la qualification de l'affectation du commerce entre États membres (d).

a) Sur la qualification d'accord «et/ou» de pratique concertée

Arguments des requérantes

689.
    LVM, Elf Atochem, DSM, Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violé l'article 85, paragraphe 1, du traité en se bornant à indiquer, dans le dispositif de sa Décision, que les entreprises avaient participé à un accord «et/ou» à une pratique concertée.

690.
    Certes, les requérantes prennent acte de ce que le Tribunal a admis la possibilité d'une qualification conjointe (notamment arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, DSM/Commission, T-8/89, Rec. p. II-1833, points 234 et 235).

691.
    Toutefois, en l'espèce, selon Enichem, la Commission, en retenant une qualification juridique alternative, et non cumulative, serait allée au-delà de cette jurisprudence.

692.
    LVM, Elf Atochem, DSM et Hüls soutiennent, pour leur part, que la jurisprudence précitée ne peut trouver à s'appliquer que dans des circonstances particulières. Ainsi, ce n'est que dans l'hypothèse où la preuve de l'une et de l'autre des qualifications a été établie qu'une telle solution est applicable. Or, en l'espèce, la Commission n'aurait précisément qualifié ni l'existence d'un accord ni celle d'une pratique concertée.

693.
    LVM, DSM et Enichem rappellent que la distinction entre ces deux qualifications juridiques emporte des différences sur l'administration de la preuve.

Appréciation du Tribunal

694.
    Il convient de relever, à titre liminaire, que l'argumentation de LVM, Elf Atochem, DSM et Hüls ne tend pas à contester le principe même de la qualification d'accord «et/ou» de pratique concertée retenue à l'article 1er de la Décision, mais plutôt le fait qu'une telle qualification puisse être retenue en l'espèce, puisque ni l'existence d'un accord ni celle d'une pratique concertée n'auraient été établies. La réponse à ce moyen dépend donc de celle apportée au moyen suivant.

695.
    Seule Enichem conteste ainsi le principe même de la qualification d'accord «et/ou» de pratique concertée.

696.
    Il y a lieu de relever que, dans le cadre d'une infraction complexe, qui a impliqué plusieurs producteurs pendant plusieurs années poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, on ne saurait exiger de la Commission qu'elle qualifie précisément l'infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné, d'accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l'une et l'autre de ces formes d'infraction sont visées à l'article 85 du traité.

697.
    La Commission est ainsi en droit de qualifier une telle infraction complexe d'accord «et/ou» de pratique concertée, dans la mesure où cette infraction comporte des éléments devant être qualifiés d'«accord» et des éléments devant être qualifiés de «pratique concertée».

698.
    Dans une telle situation, la double qualification doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d'accord et d'autres de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.

699.
    Le présent moyen, tel que soulevé par Enichem, doit, dès lors, être rejeté.

b) Sur la qualification, en l'espèce, d'«accord» et/ou de «pratique concertée»

Arguments des requérantes

700.
    Les requérantes soutiennent que la Commission n'a établi ni l'existence d'un accord ni celle d'une pratique concertée.

701.
    BASF et ICI estiment que, pour qualifier un accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il doit exister des éléments révélateurs d'un engagement en faveur d'objectifs communs et de l'existence d'une obligation réciproque (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44/69, Rec. p. 733, point 25, et Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 86). Aux termes de l'article 85, paragraphe 1, du traité, un accord doit être conclu entre deux parties au moins qui, même si ce n'est pas de manière contraignante, ont manifesté une volonté de réaliser un comportement déterminé de nature à fausser le jeu de la concurrence (arrêt de la Cour du 20 juin 1978, Tepea/Commission, 28/77, Rec. p. 1391). Il ne suffirait donc pas d'établir l'existence d'une unité de vues entre les producteurs.

702.
    Or, en l'espèce, les requérantes rappellent que, ainsi qu'il ressortirait de l'examen des faits, il n'est pas établi que la «liste de contrôle», dont on ne sait si elle a été adressée à d'autres entreprises ou, au moins, portée à leur connaissance, constitue une proposition de collusion. Rien ne démontre que la «liste de contrôle», qui constituerait une proposition, ait été discutée, établie d'un commun accord et acceptée par d'autres producteurs. Ensuite, la «réponse aux propositions» ne pourrait être l'acceptation de la prétendue entente, comme il ressort de son contenu même. Il ne serait de toute façon pas établi que les avis exprimés dans la «réponse aux propositions» émanent de l'un quelconque des autres producteurs de PVC.

703.
    En outre, les requérantes soutiennent que l'existence même des réunions ne permet pas d'établir leur objet. Aucun lien ne permettrait d'ailleurs de les rattacher au prétendu plan d'ensemble. De fait, les documents utilisés par la Commission en ce qui concerne les initiatives de prix montreraient que les entreprises ont poursuivi des politiques de prix autonomes, au vu de l'évolution du marché; aucun en revanche ne prouverait une concertation préalable entre producteurs.

704.
    Selon Elf Atochem, la Commission n'aurait pas établi avec certitude l'existence d'un accord. La seule existence de réunions ne suffirait pas à mettre en évidence l'objet de telles réunions, ni l'adhésion de chacune des parties prenantes. La Commission ne pourrait conclure qu'est en cause un «large accord permanent» au vu de circonstances qui révèlent au plus des comportements qui ne sont ni généraux, ni uniformes, ni permanents. Au mieux y aurait-il alors une pluralité d'accords distincts et successifs.

705.
    Les requérantes ne contestent pas la définition de la pratique concertée retenue au point 32, troisième alinéa, de la Décision (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 112, Suiker Unie/Commission, précité, point 174, du 14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, points 12 à 14, et CRAM et Rheinzink/Commission, précité, point 20). Toutefois, Elf Atochem, BASF, ICI et Hüls soulignent que la notion de pratique concertée impliquerait deux éléments, l'un subjectif (la concertation), l'autre objectif (un comportement sur le marché, c'est-à-dire une pratique). Or, en l'espèce, la Commission n'aurait établi ni l'un ni l'autre de ces éléments. En particulier, en ne procédant pas à un examen du comportement des entreprises sur le marché, la Commission se serait abstenue de démontrer l'existence même d'une pratique concertée.

706.
    LVM et DSM soutiennent que la Commission a, en violation de l'article 85 du traité, cherché à sanctionner une tentative d'infraction. En effet, dès lors qu'il est question d'objet ou d'effet, il doit nécessairement exister des actes d'exécution. Échapperaient ainsi à l'article 85 du traité la tentative ou l'intention de conclure un accord interdit et, par nature, toute forme de concertation qui n'a pas conduit à l'accomplissement d'actes d'exécution sous la forme de «pratiques». LVM et DSM contestent ainsi que la seule participation à des réunions qui avaient un objet interdit puisse être qualifiée de fait punissable.

707.
    Elf Atochem fait valoir que le parallélisme de comportement ne peut constituer qu'une preuve imparfaite d'une pratique concertée (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité); en outre, la charge de la preuve ne saurait être inversée par la seule constatation d'un tel parallélisme (conclusions de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, Rec. p. I-1445). De surcroît, la requérante soutient que même ce parallélisme de comportement, en matière de prix ou de quotas et de compensations, n'a pas été établi par la Commission.

708.
    BASF soutient que le seul fait que des entreprises concurrentes procèdent à une hausse de prix ne signifie pas que celles-ci se sont concertées (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité). Elle souligne, à cet égard, l'importance déterminante du prix pour la commercialisation du PVC, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un produit pondéreux interchangeable. Le prix s'établirait ainsi à un niveau d'équilibre de l'offre et de la demande. La baisse de prix par un producteur, unique moyen pour lui d'accroître ses parts de marché, conduirait nécessairement à un effondrement général des prix, compte tenu du faible nombre d'offrants. A l'inverse, une augmentation de prix ne serait couronnée de succès que si les conditions du marché le permettaient; à défaut, les autres producteurs ne suivraient pas cette augmentation et l'initiateur de la hausse soit perdrait des parts de marché, soit se verrait contraint de baisser ses prix de nouveau.

709.
    Wacker et Hoechst font observer que la Commission s'est, à tort, abstenue d'examiner le comportement effectif des entreprises sur le marché.

710.
    Selon la SAV, la Commission a méconnu son obligation de procéder à un examen approfondi et objectif du contexte économique de l'entente alléguée (arrêts LTM, Suiker Unie e.a./Commission, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, et SIV e.a./Commission, précités). En l'espèce, la Commission n'a formulé que quelques généralités sur le marché (points 5 et 6 des motifs de la Décision), mais n'a nullement examiné le fonctionnement réel de celui-ci.

711.
    Selon Montedison, la Commission n'a pas tenu compte des conditions de fixation de prix dans le cas de produits destinés à des utilisateurs industriels; en réalité, les barèmes de prix seraient publiés régulièrement, le prix appliqué par la principale entreprise du secteur permettant aux autres de se positionner, sans que cela n'emporte un renoncement à l'autonomie de leur comportement (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité). La Commission se bornerait à opposer à ces évidences l'objet des réunions tel qu'il était énoncé dans les documents de planification, la participation à ces réunions de la quasi-totalité des producteurs de PVC et les rapports commerciaux internes des producteurs (Décision, point 21). Or, rien ne démontrerait que la proposition de 1980, rédigée au sein d'une entreprise, ait été acceptée et exécutée, la requérante n'y étant d'ailleurs pas mentionnée; en outre, le seul fait que la quasi-totalité des producteurs ont participé à des réunions ne révèle rien sur le contenu de celles-ci; enfin, les rapports commerciaux internes ne concerneraient pas la requérante. Celle-ci ajoute que, à le supposer établi, le fait qu'elles succédaient aux réunions ne signifierait pas que les augmentations de barèmes étaient le fruit d'une concertation.

712.
    Enichem observe que le fait qu'aucune initiative de prix n'ait jamais réussi laisse penser qu'il s'agit d'efforts individuels. En outre, les documents recueillis par la Commission (annexes P à la communication des griefs) illustreraient le caractère hautement concurrentiel du marché, qui ne pourrait être simplement imputé à une entente indisciplinée; en effet, en l'absence de preuves directes, l'allégation d'entente devrait précisément être étayée par le comportement collusoire effectif des participants présumés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

713.
    LVM, Elf Atochem, DSM, la SAV, ICI, Hüls et Enichem soutiennent que, à supposer établies les constatations de fait de la Commission, il suffirait aux entreprises incriminées d'invoquer des circonstances qui donnent un éclairage différent à ces faits et qui permettent ainsi de substituer une autre explication à celle retenue par la Commission (arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, précité, point 16, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, notamment points 70 et 72).

714.
    Or, en l'espèce, en ce qui concerne les initiatives de prix, la Commission aurait rejeté sans démonstration l'explication avancée par les requérantes et fondée sur la théorie économique de la «fixation barométrique des prix». Pourtant, de cette théorie résulterait la conclusion que les initiatives de prix ne sont que le résultat du fonctionnement normal du marché, sans concertation entre les entreprises.

Appréciation du Tribunal

715.
    Selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (notamment arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 112, et Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 86).

716.
    Il convient de souligner, tout d'abord, que l'argumentation des requérantes tend, au moins pour partie, à démontrer que les documents de planification ne peuvent être qualifiés d'accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Cette argumentation est toutefois dénuée de pertinence.

717.
    En effet, il ressort des motifs de la Décision, et plus particulièrement de ses points 29 à 31, relatifs au caractère et à la structure de l'accord, que la Commission n'a pas qualifié les documents de planification d'accord au sens de cette disposition. D'ailleurs, ainsi qu'il a été souligné, dans la partie «faits» de la Décision, la Commission énonce qu'elle considère ces documents comme un «projet de création d'entente».

718.
    En outre, l'argumentation des requérantes consiste à reprendre les objections factuelles qui ont été précédemment exposées et rejetées par le Tribunal.

719.
    Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient utilement soutenir que l'élaboration, au cours de réunions entre producteurs, et la mise en oeuvre en commun de mécanismes de quotas et de compensation, d'initiatives de prix et d'échanges d'informations sur leurs ventes effectives, pendant plusieurs années, ne constituent pas l'expression d'une volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée.

720.
    En outre, si l'article 85 du traité distingue la notion de «pratique concertée» de celle d'«accords entre entreprises» ou de «décisions d'association d'entreprises», c'est dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 64). Les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable «plan», doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs ayant pour objet ou

pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 173 et 174).

721.
    Les requérantes ne mettent pas en cause cette jurisprudence, que la Commission a rappelé au point 33 de la Décision, mais son application en l'espèce.

722.
    Toutefois, en organisant, pendant plus de trois années, et en participant à des réunions dont l'objet a été correctement établi par la Commission, les producteurs ont pris part à une concertation par laquelle ils ont substitué sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence.

723.
    Ainsi, chaque producteur a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais il a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'il entendait suivre sur le marché.

724.
    Les requérantes se fondent toutefois sur les arrêts CRAM et Rheinzink/Commission et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précités, pour contester les conclusions de la Commission.

725.
    Il ressort de cette jurisprudence que, lorsque le raisonnement de la Commission est fondé sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu'en fonction d'une concertation entre les entreprises, il suffit aux requérantes d'établir des circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication des faits à celle retenue par la Commission (arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, précité, point 16, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, notamment points 70, 126 et 127).

726.
    Cette jurisprudence ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce.

727.
    En effet, ainsi que la Commission l'a relevé au point 21 de la Décision, la preuve de la concertation entre les entreprises ne résulte pas de la simple constatation d'un parallélisme de comportements sur le marché, mais de pièces d'où il ressort que les pratiques étaient le résultat d'une concertation (voir ci-dessus points 582 et suivants).

728.
    Dans ces conditions, il incombe aux requérantes, non pas simplement de présenter une prétendue explication alternative des faits constatés par la Commission, mais bien de contester l'existence de ces faits établis au vu des pièces produites par la Commission. Or, ainsi qu'il résulte de l'examen des faits, tel n'a pas été le cas en l'espèce.

729.
    Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a retenu, à titre subsidiaire, la qualification de pratique concertée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

730.
    Enfin, il y a lieu de relever, ainsi qu'il ressort du point 31 de la Décision, que les pratiques mises en oeuvre sont le résultat d'une collusion qui s'est poursuivie pendant plusieurs années, reposant sur les mêmes mécanismes et poursuivant le même objet commun. Dès lors, c'est à juste titre que la Commission a conclu que ces pratiques devaient être regardées comme une seule collusion permanente, plutôt que comme la succession d'accords distincts.

731.
    Le moyen doit, en conséquence, être rejeté dans son ensemble.

c) Sur la qualification d'objet ou d'effet anticoncurrentiel

Arguments des requérantes

732.
    LVM et DSM font valoir que la notion de restriction de concurrence exige, comme éléments essentiels aux fins de la constatation d'une infraction, un comportement manifeste et son effet sur le marché. En l'espèce, en l'absence de comportements prouvés, la Commission aurait dû s'attacher à démontrer un effet sur le marché du PVC. Tel ne serait pas le cas, la Commission s'étant contentée d'affirmations, de nature d'ailleurs spéculative.

733.
    LVM, DSM, Wacker et Hoechst soutiennent que la Commission s'est illégalement abstenue de procéder, ou de faire procéder, à une analyse économique des effets de l'entente alléguée, alors qu'elle est tenue d'apprécier les effets sur un marché et de tenir compte du contexte économique (notamment arrêts LTM, précité, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 70). De surcroît, elle aurait rejeté sans démonstration l'ensemble des conclusions économiques auxquelles était parvenu un expert mandaté par les entreprises incriminées, d'où il ressortait que le marché du PVC était caractérisé par une vive concurrence. Wacker et Hoechst demandent que, pour pallier l'examen insuffisant des effets de l'entente auquel la Commission a procédé, soit ordonnée une expertise en vue d'apprécier ceux-ci, ou que leur soit octroyé un délai pour demander et obtenir une telle expertise. La SAV, pour sa part, souligne que la Commission s'est limitée à formuler quelques généralités sur le marché (points 5 et 6 de la Décision), mais n'a nullement examiné le fonctionnement réel de celui-ci.

734.
    Selon ICI, dans l'appréciation de l'effet de l'entente alléguée sur les prix, la Commission a omis de tenir compte des éléments de preuve de nature économique qui avaient été avancés. Or, ceux-ci auraient prouvé que le marché du PVC se caractérisait par une vive concurrence, confirmant ainsi que les prix du PVC n'étaient sujets à aucune influence autre que le libre jeu de la concurrence. De son côté, la Commission n'aurait apporté aucun élément au soutien de sa thèse, qui ne

reposerait que sur de simples affirmations. En réalité, quoi qu'il ait pu se passer au cours des réunions, il n'y aurait eu aucun effet sur les prix.

735.
    BASF reproche à la Commission un examen insuffisant des effets de la prétendue entente, ce que confirmerait la suppression d'un passage au point 37 de la version allemande de la Décision par rapport à celle de la décision de 1988.

736.
    Montedison rappelle, pour sa part, que, à la suite de l'augmentation substantielle des prix du pétrole en 1979, le secteur du PVC a été frappé par une grave crise. Toutes les entreprises, de 1980 à 1986, auraient ainsi produit à perte, conduisant certaines d'entre elles à se retirer du marché. Face à cette situation, elles auraient fait usage de leur droit de réunion et de libre expression de leurs opinions respectives. Ainsi, les pratiques incriminées ne seraient pas le résultat de concertations illicites; elles ne constitueraient que des tentatives de récupération partielle des pertes, seul comportement rationnel dans un marché en crise. De surcroît, les pratiques incriminées n'auraient pas eu d'effet sur la concurrence; la Commission a ainsi elle-même constaté que les initiatives de prix n'ont connu qu'un échec total ou un succès mitigé.

737.
    Hüls prétend que les initiatives de prix alléguées n'ont pas produit d'effets, les prix du marché demeurant inférieurs aux prix cibles allégués.

738.
    Enichem soutient que la Commission n'a pas apporté la preuve de l'existence d'effets sur le marché. Le prétendu effet psychologique dont se prévaut la Commission ne correspondrait ainsi à aucun concept juridique précis. De surcroît, l'évolution des prix de janvier 1981 à octobre 1984 n'aurait été que minime.

Appréciation du Tribunal

739.
    Il ressort de l'examen des faits que l'infraction reprochée consistait notamment à fixer en commun des prix et des volumes de ventes sur le marché du PVC. Une telle infraction, explicitement mentionnée, à titre d'exemples, à l'article 85, paragraphe 1, du traité, poursuivait un objet anticoncurrentiel.

740.
    La circonstance que le secteur du PVC traversait, à l'époque des faits reprochés, une grave crise, ne saurait conduire à la conclusion que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, n'étaient pas remplies. Si cette situation du marché peut être, le cas échéant, prise en compte en vue d'obtenir, à titre exceptionnel, une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, force est de constater que les producteurs de PVC n'ont, à aucun moment, présenté une telle demande d'exemption, sur le fondement de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17. Il convient de relever, enfin, que la Commission n'a pas ignoré, dans son appréciation, la crise que traversait le secteur, ainsi qu'il ressort en particulier du point 5 de la Décision; en outre, elle en a tenu compte dans la détermination du montant de l'amende.

741.
    Selon une jurisprudence constante, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (notamment, arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496). Dès lors, pour autant que le moyen exposé par les requérantes doive être compris comme exigeant la démonstration d'effets anticoncurrentiels réels, alors même que l'objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi, il ne saurait être accueilli.

742.
    En outre, il apparaît que deux phrases du point 37 de la version allemande de la décision de 1988, relatif aux effets de l'entente, ont été supprimées dans la version allemande de la Décision. Dès lors que cette suppression avait pour seul objet d'harmoniser les différentes versions linguistiques de la Décision, les requérantes ne peuvent conclure de cette circonstance qu'elle traduirait la preuve d'un examen insuffisant des effets de l'infraction.

743.
    Il y a lieu de relever enfin que, contrairement à ce que soutiennent certaines requérantes, la Commission ne s'est pas limitée à une analyse spéculative des effets de l'infraction reprochée. Elle s'est en effet bornée, au point 37 de la Décision, à souligner que savoir si à long terme les niveaux de prix auraient été bien plus bas en l'absence de collusion relève d'une pure spéculation.

744.
    Pour autant, la Commission a exactement conclu que l'infraction reprochée n'était pas restée sans effets.

745.
    Ainsi, la fixation de prix cibles européens a nécessairement altéré le jeu de la concurrence sur le marché du PVC. Les acheteurs ont ainsi vu leur marge de négociations des prix limitée. D'ailleurs, ainsi qu'il a déjà été relevé (ci-dessus point 655), plusieurs des annexes P1 à P70 montrent que les acheteurs ont souvent procédé à des achats avant la date de mise en application d'une initiative de prix. Ceci confirme la conclusion de la Commission selon laquelle les acheteurs étaient conscients de ce que les initiatives de prix des producteurs limiteraient leur possibilité de négociations et ne seraient donc pas dépourvues d'effets.

746.
    S'il est exact que certaines initiatives ont été considérées comme des échecs par les producteurs (voir ci-dessus point 654), ce que la Commission n'a nullement ignoré dans la Décision, il demeure que plusieurs des annexes P1 à P70 font état de la réussite, totale ou partielle, d'initiatives de prix. De fait, les producteurs eux-mêmes ont constaté à diverses reprises qu'une initiative de prix avait soit mis un terme à une période de baisse des prix, soit abouti à l'accroissement des prix pratiqués sur le marché. Peuvent être ainsi relevées, à titre d'exemples, les annexes P3 («l'augmentation pour le 1er novembre [1980] s'est imposée, de sorte qu'une deuxième action a été entreprise»), P5 («l'augmentation de prix au 1er novembre [1980] n'a pas été totalement couronnée de succès, mais les prix ont augmenté

substantiellement»), P17 («les augmentations de prix de juin [1981] sont progressivement acceptées à travers toute l'Europe»), P23 («le glissement des prix a été arrêté à la fin du mois [d'avril 1982], en raison de l'annonce d'une augmentation générale des prix européens à un niveau de 1,35 DM pour le 1er mai») ou P33 («l'augmentation de prix introduite au 1er septembre [1982] pour le PVC homopolymère, portant le prix à un minimum de 1,50 DM/kg, a été couronnée de succès sur le plan de la tendance générale»).

747.
    Il ressort ainsi des constatations objectives effectuées par les producteurs eux-mêmes à l'époque des faits que les initiatives de prix ont produit un effet sur le niveau des prix du marché.

748.
    D'ailleurs, ainsi que la Commission l'a souligné (point 38 de la Décision), les pratiques reprochées ont été décidées pendant plus de trois ans. Il est dès lors peu probable que les producteurs aient, à l'époque, considéré qu'elles étaient totalement dépourvues d'efficacité et d'utilité.

749.
    Il s'ensuit que la Commission a correctement apprécié les effets de l'infraction reprochée. Dès lors, et compte tenu en particulier des constatations objectives des producteurs eux-mêmes à l'époque des faits, la Commission n'était pas tenue de procéder à une analyse économique approfondie des effets de l'entente sur le marché. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Wacker et Hoechst, tendant à ce que soit ordonnée l'élaboration d'une telle analyse.

750.
    Dès lors, le présent moyen doit être rejeté.

d) Sur la qualification d'affectation du commerce entre États membres

Arguments des parties

751.
    LVM et DSM soutiennent que la Commission n'a pas démontré que les pratiques qu'elle reproche aient affecté le commerce entre États membres. Ainsi, ce n'est pas le fait que l'accord était «susceptible» de produire un effet sur le commerce qui est déterminant pour l'affectation du commerce entre États membres, mais son effet économique; or, cet effet, ou la possibilité de cet effet, doivent être démontrés (arrêts de la Cour LTM, précité, Rec. p. 360, et du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 22).

752.
    Selon ICI, dans l'examen du caractère sensible de l'affectation, la Commission se serait contentée d'affirmations non étayées. Elle aurait ainsi omis de tenir compte des éléments de preuve de nature économique qu'avait avancés la requérante dans sa réponse à la communication des griefs. En réalité, quoi qu'il ait pu se passer au cours des réunions de producteurs, cela n'aurait eu aucune incidence sur les échanges entre États membres.

Appréciation du Tribunal

753.
    L'article 85, paragraphe 1, du traité requiert que les accords et pratiques concertées soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Dès lors, la Commission n'a pas l'obligation de démontrer l'existence réelle d'une telle affectation (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, points 19 et 20).

754.
    En outre, il résulte de la jurisprudence qu'un accord, une pratique concertée ou une décision d'association d'entreprises échappent à la prohibition de l'article 85 lorsqu'ils n'affectent le marché que d'une manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu'occupent les intéressés sur le marché des produits en cause (arrêt de la Cour du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295, point 7).

755.
    En l'espèce, ainsi que la Commission l'a relevé au point 39 de sa Décision, les comportements reprochés s'étendaient à l'ensemble des États membres et couvraient pratiquement l'ensemble des ventes de ce produit industriel dans la Communauté. En outre, la plupart des producteurs vendaient leurs produits dans plus d'un État membre. Il n'est enfin pas contesté que les échanges intracommunautaires étaient considérables, compte tenu des déséquilibres existant entre l'offre et la demande sur les divers marchés nationaux.

756.
    Dès lors, la Commission a correctement conclu au point 39 de la Décision que les comportements reprochés étaient susceptibles d'affecter de manière sensible les échanges entre États membres.

e) Sur les autres moyens de droit

Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir

757.
    BASF estime que la Commission a commis un détournement de pouvoir en refusant de procéder aux vérifications nécessaires pour étayer ses affirmations, tant en ce qui concerne les effets de l'entente sur le marché, le contexte économique, la durée de l'infraction et l'existence d'entraves au libre jeu du marché. Elle aurait ainsi abusé du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

758.
    La Commission souligne que ce moyen n'est que la répétition de moyens précédents et doit donc être rejeté pour les mêmes raisons. En toute hypothèse, elle conteste avoir usé de ses pouvoirs à des fins autres que celles excipées.

759.
    En l'absence d'indices objectifs, pertinents et concordants, d'où il apparaîtrait que la Décision a été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées, ce moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d'un défaut de concordance entre le dispositif et les motifs de la Décision

760.
    Shell fait valoir un défaut de concordance entre l'article 1er du dispositif de la Décision et les motifs de celle-ci. Elle observe, dans les motifs de la Décision, que, en premier lieu, elle n'est mise en cause qu'au titre d'une pratique concertée, et non d'un accord entre entreprises (Décision, point 34), en second lieu, toute participation de sa part dans l'élaboration des documents de planification est exclue (point 48), en troisième lieu, sa prétendue participation s'étendrait de janvier 1982 à octobre 1983 (points 48 et 54) et, en dernier lieu, sa participation était limitée (points 48 et 53). Or, sur chacun de ces points, le dispositif serait différent.

761.
    Il convient de rappeler que le dispositif d'une décision doit se comprendre au vu des motifs qui le sous-tendent.

762.
    En l'espèce, l'article 1er du dispositif, en ce qu'il se réfère non seulement à un accord, mais également à une pratique concertée exclut toute contradiction avec le point 34 de la Décision. En outre, dès lors que cet article se réfère à des infractions «pour les périodes indiquées dans la présente décision», la requérante ne peut utilement se prévaloir d'une contradiction avec les motifs de la Décision, tant en ce qui concerne son défaut de participation au projet de création d'entente en 1980 que la durée de sa participation. Enfin, rien dans le dispositif ne permet de conclure que la Commission n'ait pas tenu compte du rôle limité de la requérante, tel qu'il est exposé aux points 48 et 53 des motifs de la Décision.

763.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

C — Sur la participation des requérantes à l'infraction constatée

764.
    Les requérantes reprochent à la Commission, en premier lieu, d'avoir retenu le principe d'une responsabilité collective (1). Elle soutiennent, en second lieu, que leur participation à l'infraction n'est en toute hypothèse pas établie (2).

1. Sur la prétendue imputation d'une responsabilité collective

Arguments des parties

765.
    Elf Atochem, BASF, la SAV, ICI et Enichem soulignent que la responsabilité d'une entreprise ne peut être que personnelle, en vertu d'un principe universellement reconnu.

766.
    En l'espèce, la Commission aurait méconnu ce principe. En effet, elle affirme, au point 25 de la Décision, qu'il n'est pas nécessaire de prouver que chaque participant a pris part à chaque manifestation de l'entente, mais qu'il suffit d'apprécier leur participation à l'entente «considérée globalement».

767.
    La Commission observe que, ainsi qu'il ressortirait notamment des points 25, deuxième alinéa, 26, premier alinéa, et 31, in fine, de la Décision, elle était parfaitement consciente de la nécessité de prouver l'adhésion individuelle des requérantes à l'entente reprochée.

Appréciation du Tribunal

768.
    Au point 25, deuxième alinéa, de la Décision, la Commission a indiqué ce qui suit: «En ce qui concerne l'administration pratique de la preuve, la Commission considère qu'il est nécessaire non seulement de démontrer l'existence d'une entente par des éléments convaincants, mais également de prouver que chaque participant présumé a adhéré au système commun. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille nécessairement des documents attestant que chaque participant a pris part à chaque manifestation de l'infraction. [...] En l'espèce, il n'a pas été possible, vul'absence de documents sur les prix, de prouver la participation effective de chaque producteur aux initiatives de prix concertées. C'est pourquoi la Commission a examiné, pour chaque participant présumé, s'il existait des preuves suffisantes et certaines de son adhésion à l'entente considérée globalement, plutôt que des preuves de sa participation à chaque manifestation de celle-ci.»

769.
    Au point 31, in fine, de la Décision, il est indiqué: «L'essence même de la présente affaire réside dans une association de producteurs pendant un laps de temps considérable afin d'atteindre un objectif illicite commun, où chaque participant doit non seulement assumer la responsabilité découlant de son rôle direct, mais aussi partager la responsabilité du fonctionnement de l'entente dans son ensemble.»

770.
    Il ressort ainsi, notamment, de la première phrase du point 25, deuxième alinéa, de la Décision, que la Commission n'a pas ignoré la nécessité de prouver la participation de chaque entreprise à l'entente reprochée.

771.
    A cette fin, elle s'est référée à la notion d'entente considérée «globalement» ou «dans son ensemble». On ne saurait toutefois en déduire que la Commission aurait retenu le principe d'une responsabilité collective, en ce sens qu'elle aurait imputé à certaines entreprises la participation à des faits auxquels elles seraient étrangères au seul motif que la participation d'autres entreprises à ces faits est, en revanche, établie.

772.
    En effet, la notion d'entente considérée «globalement» ou «dans son ensemble» est indissociable de la nature de l'infraction en cause. Celle-ci consiste, ainsi qu'il ressort de l'examen des faits, en l'organisation régulière, pendant une durée de plusieurs années, de réunions entre producteurs concurrents dont l'objet était l'établissement de pratiques illicites, destinées à organiser artificiellement le fonctionnement du marché du PVC.

773.
    Or, une entreprise peut être tenue pour responsable d'une entente globale même s'il est établi qu'elle n'a participé directement qu'à un ou plusieurs des éléments constitutifs de celle-ci, dès lors, d'une part, qu'elle savait, ou devait nécessairement savoir, que la collusion à laquelle elle participait, en particulier au travers de réunions régulières organisées pendant plusieurs années, s'inscrivait dans un dispositif d'ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence, et, d'autre part, que ce dispositif recouvrait l'ensemble des éléments constitutifs de l'entente.

774.
    En l'espèce, si, en l'absence de documents, la Commission n'a pas été en mesure de prouver la participation de chaque entreprise à la mise en oeuvre des initiatives de prix, mise en oeuvre qui constitue l'une des manifestations de l'entente, elle a néanmoins considéré être en mesure de démontrer que chaque entreprise avait en tout cas participé aux réunions entre producteurs ayant pour objet, notamment, la fixation de prix en commun.

775.
    Ainsi qu'il ressort du point 20, quatrième et cinquième alinéas: «La Commission n'ayant pas obtenu de documents sur les prix de tous les producteurs, elle n'est pas en mesure de démontrer qu'ils ont tous instauré simultanément des barèmes identiques, voire appliqué les prix 'cibles‘ 'européens‘ en marks allemands. Ce qu'elle peut en revanche démontrer, c'est que l'un des objets principaux des réunions auxquelles ils ont tous participé était de fixer des objectifs de prix et de coordonner des initiatives en matière de prix.»

776.
    Cette même idée est exprimée au point 26, cinquième alinéa: «Le degré de responsabilité de chaque participant dépend non pas des documents qui, par hasard ou non, sont disponibles dans son entreprise, mais de sa participation à l'entente considérée globalement. Ainsi, le fait que la Commission n'ait pas obtenu de preuves concernant le comportement de certaines entreprises en matière de prix n'atténue en rien leur implication, étant donné qu'il est prouvé qu'elles ont pleinement participé à une entente dans le cadre de laquelle des initiatives en matière de prix étaient planifiées.»

777.
    Il apparaît ainsi que, dans la Décision, la Commission soutient avoir été en mesure de démontrer que chaque entreprise avait participé, d'une part, à certaines manifestations de l'entente et, d'autre part, au vu d'un faisceau d'indices concordants, aux réunions entre producteurs au cours desquelles ceux-ci s'entendaient, notamment, sur les prix à pratiquer dans les jours qui suivaient. A ce titre, la Commission s'est valablement référée au fait que l'entreprise était citée dans les documents de planification, dont les projets ont été mis en oeuvre et constatés sur le marché du PVC dans les semaines qui ont suivi leur élaboration, que sa participation aux autres manifestations de l'entente était prouvée ou encore que l'entreprise avait été citée par BASF et ICI comme participant aux réunions entre producteurs.

778.
    Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la Commission n'a pas imputé à chaque entreprise une responsabilité collective, ou encore une responsabilité du chef d'une manifestation de l'entente à laquelle elle serait restée étrangère, mais bien la responsabilité des faits auxquels chacune avait participé.

2. Sur la participation individuelle des requérantes à l'infraction

779.
    Toutes les requérantes dans les présentes affaires, à l'exception d'ICI, contestent qu'ait été établie leur participation à l'infraction reprochée, soit dans le cadre d'un moyen spécifique, soit dans le cadre d'autres moyens relatifs, par exemple, à l'établissement des faits ou aux règles en matière de charge de la preuve.

780.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner successivement la situation de chacune des requérantes, à l'exception d'ICI. L'examen de cette question est indissociable de celui de la valeur probante des pièces auxquelles se réfère la Commission, et des conséquences juridiques qu'elle en a tirées, qui ont été précédemment examinées.

a) DSM

Arguments des requérantes

781.
    En premier lieu, les requérantes nient avoir participé à des réunions entre producteurs au cours desquelles les prix et les parts de marché auraient été discutés. Les éléments de preuve de la Commission à cet égard seraient en effet manifestement insuffisants. Ainsi, tout d'abord, la mention du nom de DSM sur la liste de contrôle, dont la valeur probante a déjà été contestée, ne démontrerait ni que la réunion qui y est prévue a eu lieu, ni que DSM y a participé. Ensuite, les déclarations d'ICI, émises d'ailleurs sous toutes réserves, concerneraient des faits intervenus en 1983, année au cours de laquelle DSM avait quitté le marché du PVC. Enfin, DSM n'aurait pas été identifiée par BASF comme ayant participé aux réunions.

782.
    En second lieu, sur le prétendu système de quotas, les requérantes considèrent comme dépourvu de valeur probatoire le document DSM, seul utilisé à leur encontre par la Commission, dans lequel apparaît le terme «compensation». Même à supposer que le terme ait le sens que la Commission lui prête, cela ne signifierait pas que les requérantes ont participé à un tel mécanisme.

783.
    En troisième lieu, sur la surveillance des ventes, les requérantes contestent que la Commission ait établi l'existence d'un tel mécanisme.

784.
    En dernier lieu, sur les prix cibles et les initiatives de prix, les requérantes rappellent que l'existence même d'initiatives de prix concertées n'est pas établie.

Appréciation du Tribunal

785.
    DSM a été identifiée par ICI comme participant aux réunions entre producteurs (voir ci-dessus point 675) dont la Commission a démontré le caractère illicite (voir ci-dessus points 679 à 686). Contrairement à ce qu'indiquent les requérantes, les déclarations d'ICI ne concernent pas uniquement la période postérieure à janvier 1983, mais bien les réunions informelles qui ont eu lieu au rythme approximatif d'une par mois «à compter d'août 1980», ce que BASF a confirmé (voir ci-dessus points 675 et 677).

786.
    En outre, DSM apparaissait explicitement dans les documents de planification comme membre pressenti du «nouveau cadre de réunions» envisagé par ICI. Compte tenu de la corrélation étroite existant entre les pratiques envisagées dans ces documents et celles constatées sur le marché du PVC dans les semaines qui ont suivi (voir ci-dessus points 662 et suivants), la mention du nom de DSM peut être considérée comme un indice de sa participation à l'infraction reprochée.

787.
    Plusieurs documents utilisés par la Commission pour établir l'existence d'initiatives de prix communes (voir ci-dessus points 637 à 661) sont issus de DSM. Plusieurs de ces documents, et en particulier les annexes P5, P13, P28 et P41, font en outre état de ce que DSM a «fermement soutenu» ces initiatives de prix.

788.
    Le document Alcudia, confirmant, avec d'autres pièces, l'existence d'un mécanisme de contrôle des volumes de ventes entre producteurs de PVC, désigne indirectement DSM, dès lors que l'on peut y lire que, «dans le cas du PVC, un seul producteur ne participe pas [au système de compensation]» (voir ci-dessus point 589); or, en réponse à une demande de renseignements, ICI a indiqué que Shell était le producteur en question. En outre, le document DSM, dont la Commission a conclu, à juste titre, qu'il confirmait l'existence d'un mécanisme de compensation entre les producteurs (voir ci-dessus points 594 à 598), est un rapport mensuel sur l'état du marché établi par les services de DSM.

789.
    En ce qui concerne la surveillance des ventes, les requérantes ne mettent en cause que l'existence d'un tel mécanisme. Or, ce grief a déjà été examiné et rejeté par le Tribunal (voir ci-dessus points 618 à 636).

790.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, la Commission a, à juste titre, conclu que DSM avait participé à l'infraction reprochée.

b) Atochem

Arguments de la requérante

791.
    Selon la requérante, la Commission n'a apporté aucun élément de preuve du consentement ou de la participation d'Elf Atochem à l'entente reprochée.

792.
    S'agissant des initiatives de prix, la requérante souligne qu'aucun document ne mentionne sa dénomination, ou celle de ses sociétés constituantes. Rien dans le dossier n'établirait qu'Elf Atochem ait adopté un comportement parallèle à celui des autres producteurs de PVC. Bien au contraire, plusieurs documents établiraient de sa part un comportement concurrentiel et non coordonné.

793.
    S'agissant du système allégué de quotas, de compensations et de surveillance du marché, la requérante fait valoir que les deux documents sur le fondement desquels elle est incriminée (tableau Atochem et tableaux Solvay) sont sans valeur probante. La Commission reconnaîtrait elle-même, au point 11 de la Décision, qu'une discipline n'a guère existé. Selon la requérante, les variations constantes des parts de marché d'Elf Atochem sont à l'évidence incompatibles avec l'existence d'un tel système auquel l'entreprise aurait participé.

794.
    La Commission n'aurait apporté la preuve ni de sa présence aux réunions entre producteurs, ni de sa participation, active ou passive, aux décisions qui auraient pu y être prises.

Appréciation du Tribunal

795.
    Atochem a été citée par ICI comme participant aux réunions entre producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi le caractère illicite (voir ci-dessus points 679 à 686).

796.
    La présence de la requérante à ces réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

797.
    En outre, les documents de planification mentionnent, parmi les membres pressentis par ICI pour participer au «nouveau cadre de réunions», la «nouvelle société française», dont il n'est contesté ni qu'il s'agissait de la société Chloé, ni que cette dernière est devenue par la suite Atochem.

798.
    Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia désigne indirectement Atochem.

799.
    Le tableau Atochem, récapitulant les ventes des différents producteurs encore actifs au premier semestre 1984 et les cibles correspondantes (voir ci-dessus points 602 et suivants), a été découvert au siège de cette entreprise. A supposer, comme la requérante le soutient, que ce tableau n'ait pas été élaboré par ses services, il demeure qu'il comporte l'indication tant d'une cible de vente que des chiffres de ventes la concernant.

800.
    Quant à l'argument d'Atochem selon lequel «l'évolution des productions ne traduit pas l'existence des quotas allégués» (requête, p. 12), il est fondé sur un tableau qui constituait l'annexe 1 à la réponse de la requérante à la communication des griefs.

Or, il suffit de constater que ce tableau est relatif aux années 1986 et 1987, qui ne sont pas en cause dans la présente affaire.

801.
    Enfin, parmi les chiffres de ventes qui apparaissent dans les tableaux Solvay et que la Commission a été en mesure de vérifier, l'un concerne Atochem et est exact (voir ci-dessus point 628).

802.
    Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix d'Atochem qui lui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives de prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs français ne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché français et permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées. C'est notamment ce qui ressort des annexes P21, P23, P24, P30, P31 et P38.

803.
    S'il est exact que deux documents font référence à l'attitude agressive de producteurs français en termes de prix, il y a lieu de relever que ceci n'est pas de nature à infirmer les conclusions de la Commission. En effet, en premier lieu, celle-ci en a tenu compte dans son examen des faits, notamment au point 22, troisième alinéa, de la Décision, où il est précisé: «Il est également vrai qu'un certain nombre de producteurs qui ont participé aux réunions se sont vu reprocher leur comportement 'agressif‘ ou 'pertubateur‘ sur certains marchés par les autres producteurs qui se considéraient comme d'ardents défenseurs des initiatives de prix et étaient disposés à accepter une perte sur le plan des tonnages pour imposer une augmentation de prix.» La Commission s'est également référée à cette circonstance dans son appréciation juridique, notamment au point 31, premier alinéa, de la Décision, où il est précisé: «Sur tel ou tel aspect des arrangements, un producteur ou un groupe de producteurs déterminé peut avoir, de temps en temps, émis des réserves ou exprimé son désaccord sur un point spécifique.» Par ailleurs, le comportement agressif occasionnel de certains producteurs contribuait à l'échec de certaines initiatives, ce qui ressort des points 22, 37 et 38 de la Décision. En second lieu, la circonstance que la requérante n'aurait occasionnellement pas mis en oeuvre une initiative de prix prévue n'affecte pas la conclusion de la Commission; en effet, en ce qui concerne plus spécialement les entreprises pour lesquelles celle-ci n'avait pu obtenir aucun barème de prix, la Commission s'est limitée à affirmer que ces entreprises avaient de toute façon participé aux réunions entre producteurs dont l'objet était, notamment, la fixation d'objectifs de prix (voir ci-dessus points 774 et suivants), et non la mise en oeuvre effective de ces initiatives (arrêt Atochem/Commission, précité, point 100).

804.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

c) BASF

Arguments de la requérante

805.
    La requérante conteste qu'il existe des preuves suffisantes de son adhésion à l'entente considérée globalement. En l'espèce, ces preuves se limiteraient aux documents de planification, à la participation à des réunions régulières, au tableau Atochem et aux tableaux Solvay.

806.
    Or, en premier lieu, la valeur probante des documents de planification aurait déjà été contestée. En l'absence de toute preuve qu'elle avait connaissance de ces documents et qu'elle y a souscrit, ils ne pourraient prouver la participation de la requérante à l'entente.

807.
    En second lieu, aucune preuve ne permettrait de conclure que la requérante a adhéré à des accords violant le droit de la concurrence qui auraient été adoptés lors des réunions entre producteurs, ce qui ne pourrait, d'ailleurs, se déduire de la seule existence de réunions. En toute hypothèse, la requérante rappelle avoir déclaré, dans sa réponse du 8 décembre 1987 à une demande de renseignements, qu'elle n'avait participé à aucune réunion après octobre 1983, à supposer qu'il y en ait encore eu.

808.
    En troisième lieu, le seul fait que le nom de la requérante est mentionné dans le tableau Atochem, à son insu, ne suffirait pas à établir sa participation à une entente illicite. Ce document ne démontrerait ni que BASF s'est vu attribuer un quota propre, ni qu'elle a adhéré à un système de quotas. Les tableaux Solvay, pour leur part, ne permettraient pas d'établir que la requérante a participé à des échanges d'informations avec ses concurrents.

Appréciation du Tribunal

809.
    La requérante a reconnu avoir participé aux réunions informelles entre producteurs, dont la Commission a établi l'illégalité au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686).

810.
    Cette présence aux réunions a été confirmée par ICI (voir ci-dessus point 675).

811.
    La requérante était identifiée dans les documents de planification, comme membre pressenti du «nouveau cadre de réunions». Si, comme il a déjà été indiqué, ces documents constituent, au mieux, un «projet de création d'entente» (voir ci-dessus points 670 à 673) et ne peuvent dès lors être regardés comme la preuve de la participation de la requérante à l'infraction reprochée, le fait que la requérante y a été citée peut être considéré comme un indice de cette participation.

812.
    Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia désigne indirectement BASF.

813.
    La dénomination de BASF apparaît dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce sous une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage des ventes cibles des quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).

814.
    BASF est également citée dans les tableaux Solvay. Parmi les chiffres de ventes mentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, deux concernent la requérante et sont exacts (voir ci-dessus point 627).

815.
    Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de BASF qui lui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives de prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemands ne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand et permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées. C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.

816.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

d) Shell

Arguments de la requérante

817.
    Dans la première branche de ce moyen, la requérante reproche à la Commission d'avoir ignoré la structure particulière du groupe Shell. En effet, bien que destinataire de la Décision, elle ne serait ni producteur, ni fournisseur de PVC. Elle ne serait qu'une société de services dont le rôle de conseil n'emporterait pas la possibilité d'imposer aux sociétés d'exploitation Shell la mise en oeuvre d'une entente, tant en matière de prix que de quotas de production. En outre, la Commission n'aurait pas été en droit de supposer que, dans la mesure où la requérante aurait pu conseiller aux sociétés d'exploitation du groupe d'atteindre un prix particulier dans un cas précis, ces sociétés auraient effectivement procédé en ce sens.

818.
    Dans la deuxième branche du moyen, la requérante soutient que la preuve de sa participation aux réunions entre producteurs est fondée, dans une large mesure, sur l'aveu de la participation de ses représentants à deux d'entre elles.

819.
    Or, la première réunion, qui s'est tenue à Paris le 2 mars 1983, aurait uniquement tendu à examiner la crise frappant l'industrie pétrochimique européenne et la nécessité de restructurer ce secteur, notamment au vu du premier projet de rapport du groupe de travail Gatti/Grenier, mis en place à la suite de réunions avec la Commission. En outre, une initiative commune ne pourrait y avoir été décidée, puisque la presse professionnelle avait fait état de l'augmentation de prix deux semaines auparavant; ainsi serait-il indiqué dans le numéro de la revue European Chemical News du 21 février 1983: «Il semble que les producteurs envisagent des augmentations de prix à un niveau de 1,50-1,65 DM/kg mais leur calendrier est incertain». Enfin, en toute hypothèse, le représentant de Shell n'aurait soutenu aucune prétendue initiative, comme le prouve le fait que, moins de quatre semaines après la réunion, les sociétés du groupe Shell ont fixé un prix cible de 1,35 DM/kg, nettement inférieur au prix cible prétendu de 1,60 DM/kg ou au prix minimal sectoriel prétendu de 1,50 DM/kg.

820.
    La seconde réunion, qui a eu lieu à Zurich en août 1983, aurait eu pour objet l'examen des conditions de commercialisation du PVC, des prix dominants sur le marché et de la nécessité pour le secteur de relever les prix. Le représentant de Shell n'aurait soutenu aucune de ces thèses. Aucun document interne de la requérante ne serait d'ailleurs révélateur d'un quelconque prix cible pour cette période, et tout prix sectoriel visé dans la documentation de la requérante à cette époque aurait manifestement pour origine des sources professionnelles indépendantes.

821.
    Dans la troisième branche de ce moyen, la requérante soutient que les seuls éléments de preuve concernant le système de quotas sont les documents de planification de 1980 et le tableau Atochem, se rapportant sans doute à 1984. Or, au vu de la Décision, Shell n'aurait pas participé à l'élaboration du plan de 1980 et sa participation alléguée aurait cessé en octobre 1983. Quant au mécanisme de compensation, la Décision (point 26, deuxième alinéa, in fine) reconnaîtrait explicitement que Shell n'y a pas participé.

822.
    Dans la quatrième branche du moyen, relative aux mécanismes de surveillance des ventes sur les marchés domestiques, la requérante observe que la preuve de ces mécanismes est fondée, d'une part, sur les tableaux Solvay, d'autre part, sur des entretiens téléphoniques entre Solvay et Shell, dont celle-ci a reconnu l'existence dans sa réponse à une demande de renseignements.

823.
    Or, les tableaux Solvay viseraient les grands marchés nationaux suivants: l'Allemagne, l'Italie, le Benelux et la France. En l'espèce, seuls ces deux derniers marchés pourraient être pertinents, puisque Shell n'est un producteur domestique ni en Allemagne ni en Italie. Toutefois, en ce qui concerne le Benelux, la Commission reconnaîtrait elle-même que les chiffres indiqués ne correspondent pas aux déclarations Fides individuelles. En ce qui concerne la France, contrairement aux affirmations de la Commission, les chiffres attribués à Shell dans les tableaux

Solvay seraient nettement distincts de ceux contenus dans les déclarations de Shell à Fides.

824.
    Par ailleurs, la Commission aurait déformé la réponse de Shell à la demande de renseignements. En effet, d'une part, aucune information précise n'aurait été communiquée à Solvay; ces communications n'auraient concerné que les ventes en Europe occidentale et n'auraient donc pu constituer la source des tableaux Solvay, qui comportent une ventilation pays par pays. D'autre part, ces informations n'auraient été communiquées qu'occasionnellement entre janvier 1982 et octobre 1983, alors que les tableaux Solvay comportent les chiffres pour la période 1980 à 1984. Ceci confirmerait que ces tableaux n'ont été élaborés qu'à partir des statistiques officielles publiées et des contacts avec la clientèle.

825.
    Dans la cinquième branche du moyen, relative aux initiatives de prix, la requérante soutient, tout d'abord, que la Décision fait apparaître des contradictions quant au degré de participation de Shell. En effet, la Décision affirmerait tout à la fois que Shell a participé à ces initiatives de prix (point 20), qu'elle en était informée (point 26) et qu'elle en avait simplement connaissance (point 48).

826.
    En outre, hormis deux cas isolés, la requérante n'aurait pas participé aux réunions entre producteurs.

827.
    Les sociétés du groupe Shell auraient établi leurs prix de façon indépendante. Ainsi, sur les quatre initiatives pour lesquelles la Commission dispose de documents issus de Shell, la requérante fait observer que les initiatives sectorielles avaient toujours été signalées dans la presse spécialisée au préalable. En outre, les prix cibles fixés par Shell ne correspondraient pas aux prétendus prix cibles du secteur. Le seul cas de concordance quantitative remonterait au 1er septembre 1982; toutefois, dans ce cas, Shell n'aurait fixé son prix cible que le 9 septembre 1982 et ce prix cible n'aurait dû intervenir que le 1er octobre 1982; en outre, dès le mois de novembre 1982, Shell aurait ramené son prix cible à un niveau inférieur (1,40 DM/kg au lieu de 1,50 DM/kg).

828.
    Dans la sixième branche de ce moyen, la requérante fait valoir qu'une pratique concertée était incompatible avec la stratégie de Shell, qui avait mis en service en 1981 une nouvelle usine de PVC, dont la capacité immédiate de 100 kt par an devait être exploitée à plein régime. Les deux usines de PVC de Shell auraient eu une charge de travail supérieure à la moyenne sectorielle et les parts de marché de Shell se seraient, de ce fait, largement accrues. Dans ces conditions, accepter un quota fondé sur la position obtenue en 1979 n'aurait eu aucun sens. En réalité, aucune année ne pourrait servir de référence acceptable, dès lors que Shell mettait en service une nouvelle usine.

Appréciation du Tribunal

829.
    Dans la première branche du moyen, la requérante soutient que, compte tenu des spécificités du groupe Royal Dutch-Shell, il lui est impossible de dicter un comportement, fût-il anticoncurrentiel, aux sociétés d'exploitation du groupe.

830.
    Au point 46 de la Décision, examinant les particularités du groupe Royal Dutch-Shell, la Commission n'a pas ignoré que «les différentes sociétés 'd'exploitation‘ du secteur de la chimie disposent d'une grande autonomie de gestion» et que la requérante est «une société de services».

831.
    Toutefois, elle a souligné, ce qui n'est pas contesté, que la requérante assume la responsabilité «de la coordination et de la planification stratégique des activités du groupe dans le secteur des thermoplastiques». Ainsi, elle détient une mission de conseil à l'égard des sociétés d'exploitation du groupe.

832.
    En outre, au même point 46 de la Décision, la Commission a souligné que la requérante «était en contact avec l'entente» et «assistait aux réunions en 1983». Ainsi, plusieurs annexes à la communication des griefs relatives aux initiatives de prix sont issues de la requérante (annexes P35, P36, P49, P50, P51, P53, P54, P55 et P59). Or, ces annexes, notamment, constituent la preuve de l'existence d'initiatives concertées entre producteurs (voir ci-dessus points 637 et suivants) et montrent que la requérante était, à tout le moins, informée de manière précise des prix cibles fixés et des dates prévues à cette fin. En outre, le représentant de Shell aux deux réunions auxquelles la requérante reconnaît avoir participé en 1983 était M. Lane, alors vice-président de la requérante.

833.
    Enfin, la Commission a considéré que «la définition donnée par la Cour de la 'pratique concertée‘ est tout particulièrement de nature à couvrir le cas de Shell qui a collaboré avec l'entente sans en être membre à part entière et qui a pu adapter son propre comportement sur le marché à la lumière de ses contacts avec l'entente» (Décision, point 34). Dans ces conditions, même si la requérante n'était pas en mesure d'imposer des prix aux filiales de ventes, il reste que, en étant en contact avec l'entente et en renvoyant vers les filiales les informations ainsi obtenues, elle était l'élément moteur de la participation du groupe Shell à la pratique concertée. A ce titre, il y a lieu de relever que les annexes précitées à la communication des griefs issues de la requérante, indiquant tant les prix cibles que leur date de mise en oeuvre, étaient adressées, ainsi qu'il ressort de leur libellé, à l'ensemble des filiales du groupe en Europe.

834.
    Dans ces conditions, la prétendue structure particulière du groupe Royal Dutch-Shell ne peut être en soi un obstacle à la constatation que la requérante était en mesure de participer à une pratique contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité et, a fortiori, d'être destinataire de la Décision.

835.
    Quant à la preuve de la participation de la requérante à l'entente, il convient de rappeler que la Commission a, notamment aux points 48 et 53 de la Décision, reconnu le rôle moindre de la requérante dans l'infraction reprochée. Dès lors, il y a lieu d'examiner si la Commission a apporté suffisamment d'éléments pour établir que la requérante a «agi en marge de l'entente» (point 53 de la Décision).

836.
    A ce titre, tant ICI que BASF ont identifié la requérante comme participant aux réunions informelles entre producteurs (voir ci-dessus points 675 et 677). Shell admet avoir participé à deux réunions, pour lesquelles la Commission avait recueilli la preuve de sa participation sous la forme d'indications portées dans un agenda (voir ci-dessus point 676). Toutefois, elle nie que ces réunions aient eu un objet anticoncurrentiel ou qu'elle ait pris part à une quelconque collusion à cette occasion.

837.
    Sur la première réunion, à Paris, le 2 mars 1983, le Tribunal a jugé que la Commission avait établi l'objet anticoncurrentiel qu'elle poursuivait (voir ci-dessus points 650 et 652).

838.
    L'article de presse dont se prévaut la requérante, tiré de la revue European Chemical News du 21 février 1983, n'affecte pas cette conclusion. En effet, les termes mêmes de cet article cités par la requérante sont ambigus, en ce qu'ils ne permettent pas de conclure à des initiatives individuelles. En outre, l'article était imprécis sur la date des initiatives; en revanche, les documents postérieurs de quelques jours à la réunion du 2 mars 1983 et trouvés par la Commission dans les locaux des entreprises, notamment ceux de Shell, font apparaître la date exacte des initiatives.

839.
    Shell soutient enfin que, en toute hypothèse, elle n'a pas soutenu d'initiative de prix. A cette fin, elle fait valoir que, le 31 mars 1983, elle a fixé son prix cible à 1,35 DM/kg, soit à un niveau inférieur à celui prétendument fixé de concert par les producteurs. Il demeure que Shell était informée du niveau de prix décidé par les producteurs le 2 mars 1983 et de la date de mise en oeuvre de cette initiative, ainsi qu'il ressort de l'annexe P49, datée du 13 mars 1983. De ce fait, par sa participation à la réunion du 2 mars 1983, la requérante, loin de déterminer sa politique de prix de manière autonome, dans l'incertitude du comportement de ses concurrents, a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues de ceux-ci au cours de cette réunion.

840.
    Quant à la seconde réunion, qui s'est tenue à Zurich, en août 1983, la requérante a reconnu, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, que, au cours de cette réunion, «certains producteurs ont exprimé leur opinion sur une initiative de prix». En outre, plusieurs annexes à la communication des griefs, telles que les annexes P53, P54, P55, P56, P57, P58 et P60, démontrent qu'une initiative a effectivement été prévue et mise en oeuvre pour le mois de septembre 1983. Enfin, les annexes P53, P54 et P55, émanant de la requérante, permettent de

conclure que celle-ci a pris part à cette initiative, contrairement à ce qu'elle affirme. Elle en avait de surcroît connaissance avant la diffusion dans le public. Ainsi, la presse professionnelle dont la requérante s'est prévalue dans sa réponse à la communication des griefs, n'en a fait état qu'à la fin du mois de septembre.

841.
    Le document Alcudia, relatif au mécanisme de compensation, est sans valeur probante à l'égard de la requérante, dès lors que, au vu des réponses d'ICI à une demande de renseignements, Shell était le seul producteur à ne pas y participer (voir ci-dessus point 788). Ainsi qu'il ressort notamment du point 48 de la Décision, cette constatation contribue à la conclusion de la Commission selon laquelle la requérante a agi en marge de l'entente.

842.
    Le tableau Atochem concerne le premier trimestre de 1984 et peut être daté de mai 1984 (voir ci-dessus point 606), alors que, aux termes du point 54, troisième alinéa, de la Décision, Shell avait pris ses distances avec l'entente depuis octobre 1983. De fait, le tableau Atochem ne comporte les chiffres de ventes de Shell que sous une forme arrondie. Toutefois, dans la mesure où ce tableau fait apparaître un pourcentage cible pour la requérante, cible qui ne pouvait avoir été décidée qu'avant le premier trimestre de 1984, ce document indique que Shell n'est pas restée étrangère au mécanisme de quotas à la fin de 1983.

843.
    En ce qui concerne le mécanisme de surveillance des ventes (voir ci-dessus points 618 à 636), seuls deux des marchés géographiques visés par les tableaux Solvay sontpertinents à l'égard de Shell, à savoir le Benelux et la France.

844.
    La Commission, en réponse à une question du Tribunal, a confirmé que le grief relatif à la surveillance des ventes ne portait pas sur le marché du Benelux, ainsi qu'il résultait déjà de la communication des griefs.

845.
    En revanche, il y a lieu de rappeler la précision des chiffres attribués à Shell, pour le marché français, tant pour les ventes de 1982 que pour celles de 1983 (voir ci-dessus point 628). Cette précision confirme que Shell a, au moins sur le marché français, participé à l'échange d'informations. Dans sa réponse à une demande de renseignements du 3 décembre 1987, la requérante avait déclaré que, «à plusieurs reprises, au cours de la période allant de janvier 1982 à octobre 1983, Solvay téléphonait pour obtenir confirmation de ses estimations des tonnages vendus par les sociétés du groupe Shell». La requérante rappelle avoir également déclaré qu'«aucune information précise n'a été donnée»; toutefois, la précision des chiffres de ventes sur le marché français contredit cette affirmation.

846.
    En ce qui concerne la prétendue contradiction dont la Décision serait entachée sur le degré de participation de Shell aux initiatives de prix, il convient de relever que le point 20 de la Décision ne concerne que la démonstration du caractère collectif des initiatives de prix. Au point 26 de la Décision, il est indiqué que la requérante était informée de ces initiatives, et, au point 48, qu'elle en était informée et qu'elle

les soutenait. A cet égard, il suffit de relever que, si le point 48 complète le point 26, il ne comporte pas de contradiction avec celui-ci.

847.
    Ainsi qu'il a déjà été dit, les documents produits par la Commission établissent que la requérante a participé aux initiatives de prix décidées lors des réunions entre producteurs des 2 mars 1983 et 11 août 1983 (voir ci-dessus points 836 à 840). De même, l'annexe P59, qui est un document de la requérante daté du 28 octobre 1983 montre que celle-ci était parfaitement informée de l'initiative décidée pour le 1er novembre 1983, destinée à porter les prix du PVC à un niveau de 1,90 DM/kg. Quant à l'initiative prévue pour septembre 1982, il est vrai que, dès le mois de juillet 1982, la revue European Chemical News avait annoncé tant l'initiative de prix que son montant et sa date. Toutefois, le libellé même de cet article ne peut soutenir la conclusion d'initiatives individuelles. Ainsi indique-t-il notamment: «Les producteurs [de PVC] discutent d'une augmentation des prix en septembre et octobre (la colonne 'prix fabricant‘ dans le tableau ci-après reflète ces prix cibles prévus).» De fait, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessus point 649), les documents produits par la Commission permettent de conclure que l'initiative en cause était le résultat d'une concertation entre producteurs du secteur. La circonstance que Shell n'a adopté le prix cible convenu qu'au début du mois de septembre pour une mise en oeuvre au mois d'octobre 1982 n'appparaît pas, dans ces conditions, déterminante. Au demeurant, les annexes P34 et P39, issues d'ICI et de DSM respectivement, montrent que «l'initiative de prix s'est poursuivie en octobre».

848.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qu'elle prétend, la requérante n'est pas restée étrangère aux mécanismes collusoires décidés par les producteurs de PVC. La Commission a exactement établi la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

849.
    Dans ces conditions, l'argument tiré par la requérante de la stratégie commerciale qui était la sienne au début de la décennie 1980-1990 ne saurait prospérer. De fait, par sa participation à l'infraction reprochée, la requérante a été en mesure d'adapter son comportement commercial en fonction de sa connaissance de l'attitude des autres producteurs.

e) LVM

Arguments de la requérante

850.
    En premier lieu, la requérante nie avoir participé à des réunions entre producteurs au cours desquelles les prix et les parts de marché auraient été discutés. Les éléments de preuve de la Commission seraient en effet manifestement insuffisants. Ainsi, tout d'abord, les documents de planification seraient antérieurs de près de 30 mois à la date de constitution de LVM; la mention du nom de DSM et de la SAV, les sociétés mères de la requérante, ne pourrait avoir le moindre caractère

probant à l'égard de celle-ci. Ensuite, les déclarations d'ICI et de BASF, identifiant LVM comme participant aux réunions entre producteurs, auraient été émises sous toutes réserves. Enfin, il serait inexact d'affirmer que la requérante a refusé de répondre, dans sa lettre du 28 janvier 1988, à la demande d'informations du 23 décembre 1987, fondée sur l'article 11 du règlement n° 17; en toute hypothèse, cela ne prouverait pas sa participation aux réunions.

851.
    En second lieu, sur le prétendu système de quotas, la requérante soutient que le seul document utilisé à son encontre par la Commission, à savoir le tableau Atochem, n'est pas probant. Il comporterait en effet des chiffres de ventes sensiblement différents de ceux des ventes réelles.

852.
    En troisième lieu, sur la surveillance des ventes, la requérante estime que les tableaux Solvay n'auraient de valeur probante que s'ils étaient exacts, ce qui ne serait pas le cas.

853.
    En dernier lieu, sur les prix cibles et les initiatives de prix, la requérante rappelle que l'existence même d'initiatives de prix concertées n'est pas établie. En réalité, elle n'aurait fait que s'adapter intelligemment aux conditions du marché (voir annexes P13, P21 et P29 à la communication des griefs).

Appréciation du Tribunal

854.
    Il y a lieu de relever que LVM n'a été créée qu'au début de 1983. Dès lors, la circonstance que des documents antérieurs, produits par la Commission au soutien de ses conclusions, tels que les documents de planification, ne mentionnent pas le nom de la requérante est sans pertinence pour l'appréciation de la participation de cette entreprise à l'infraction. De son côté, la requérante ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses prétentions, des annexes P13, P21 et P29 à la communication des griefs, qui portent sur des faits antérieurs à sa création et concernent DSM.

855.
    LVM a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre producteurs (voir ci-dessus point 675) dont la Commission a démontré qu'elles poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686).

856.
    La présence de la requérante à ces réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

857.
    Certains documents utilisés par la Commission pour établir, à juste titre, l'existence d'initiatives de prix communes, tels que les annexes P57, P58 et P64, proviennent de cette entreprise.

858.
    Le tableau Atochem comporte le nom de la requérante et l'indication d'un pourcentage de ventes cibles qui lui est attribué; en outre, les chiffres de ventes de cette société qui y sont indiqués sont proches des chiffres de ventes réels (voir ci-dessus point 608).

859.
    Les tableaux Solvay comportent une référence explicite à LVM. Parmi les chiffres mentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, deux concernent cette entreprise et correspondent, sous une forme arrondie en kilotonnes, à ses chiffres de ventes réelles (voir ci-dessus points 625 et 628).

860.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

f) Wacker

Arguments de la requérante

861.
    Selon la requérante, il ne ressort pas des documents de planification qu'elle aurait participé à des discussions, négociations ou réunions telles que celles qui lui sont reprochées. Les informations fournies par ICI et BASF, qui l'ont identifiée comme ayant participé à des réunions entre producteurs, ne seraient ni précises, ni fiables.

862.
    La requérante nie ensuite avoir participé à un système de quotas et à un mécanisme de compensation, d'une part, et à une entente sur les prix, d'autre part. Aucun document ne viendrait conforter les allégations de la Commission à ce titre.

Appréciation du Tribunal

863.
    Wacker a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi qu'elles poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686).

864.
    La présence de la requérante à ces réunions informelles a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

865.
    Le nom de Wacker apparaissait dans les documents de planification comme membre pressenti du «nouveau cadre de réunions», sous l'initiale «W»; à l'époque des faits, seule Wacker avait une dénomination sociale commençant par cette initiale.

866.
    Plusieurs documents utilisés par la Commission pour établir l'existence d'initiatives de prix communes (voir ci-dessus points 637 à 661), tels que les annexes P2, P3, P8, P15, P25, P31, P32, P33, P47, P62 et P65, émanent de cette entreprise. Ils font

largement référence à des initiatives de prix, à des actions d'augmentation de prix décidées et à des efforts intensifs du secteur pour consolider les prix.

867.
    Pour les mêmes raisons que celles déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia désigne indirectement Wacker.

868.
    La requérante est citée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce sous une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage de ventes cibles des quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).

869.
    Les tableaux Solvay comportent l'indication des chiffres de ventes de la requérante, chiffres qui n'ont pas été contestés.

870.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

g) Hoechst

Arguments de la requérante

871.
    Selon la requérante, il ne ressort pas des documents de planification qu'elle aurait participé à des discussions, négociations ou réunions telles que celles qui lui sont reprochées. Les informations fournies par ICI et BASF, qui l'ont identifiée comme ayant participé à des réunions entre producteurs, ne seraient ni précises, ni fiables.

872.
    La requérante nie ensuite avoir participé à un système de quotas et à un mécanisme de compensation, d'une part, et à une entente sur les prix, d'autre part. Aucun document ne viendrait conforter les allégations de la Commission à ce titre.

Appréciation du Tribunal

873.
    Hoechst a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi qu'elles poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, dutraité (voir ci-dessus points 679 à 686).

874.
    La présence de la requérante à ces réunions informelles a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

875.
    Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia désigne indirectement Hoechst.

876.
    La requérante est citée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce sous une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage de ventes cibles des quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).

877.
    Les tableaux Solvay comportent l'indication des chiffres de ventes de la requérante, chiffres qui n'ont pas été contestés.

878.
    Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de Hoechst qui lui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives de prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemands ne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand et permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées. C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.

879.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

h) SAV

Arguments de la requérante

880.
    La requérante soutient qu'il n'existe aucune preuve de sa participation à l'entente alléguée. Elle rappelle que trois documents ont été retenus par la Commission à son encontre, dont aucun n'est probant.

881.
    Ainsi, la liste de contrôle, qui est un des documents de planification, ne serait qu'un document interne d'ICI. Il ne s'agirait que d'une proposition unilatérale de celle-ci. La requérante n'y serait mentionnée qu'en tant que producteur de PVC ou qu'entreprise pressentie par ICI pour participer au groupe d'entreprises indiqué dans ce document, et non comme participant à une entente. Mais rien n'établirait qu'une telle proposition ait été adressée à d'autres producteurs ou que ceux-ci l'aient acceptée. Quant à la réponse aux propositions, elle ne pourrait être une réponse à la liste de contrôle, puisqu'elle serait au contraire antérieure. En tout état de cause, la réponse aux propositions ne prouverait pas que la SAV y a pris part, puisqu'aucun nom n'est mentionné sur ce document.

882.
    La réponse d'ICI, du 5 juin 1984, à la demande de renseignements de la Commission du 30 avril 1984 ne mentionnerait avec précision les dates et lieux de réunions que pour l'année 1983; or, précisément, la SAV aurait cessé toute activité directe de production ou de commercialisation sur le marché du PVC avec effet au 1er janvier 1983. En outre, cette réponse serait formulée en termes vagues et sous réserve; à l'inverse, la requérante aurait toujours nié avoir participé à de quelconques réunions et BASF n'aurait pas identifié la requérante comme participant à des réunions (Décision, point 26, note 10). Enfin, à supposer que la SAV ait participé à certaines réunions, il ne serait pas démontré qu'il y ait été

discuté de prix ou de volumes. La Commission aurait d'ailleurs déformé les propos d'ICI, qui a toujours affirmé que les réunions ne poursuivaient pas d'objet anti concurrentiel.

883.
    En ce qui concerne les tableaux Solvay, la requérante soutient que les chiffres de ventes qui lui sont attribués sur le marché français, loin d'être exacts, comme le prétend la Commission, présentent des différences de l'ordre de 8 à 25 % par rapport à ses ventes réelles. Ainsi, il ne serait pas démontré que la requérante ait participé à un quelconque échange d'informations, constitutif d'une infraction propre, ni d'ailleurs, qu'elle ait participé à un quelconque arrangement collusoire dont l'échange d'informations serait l'instrument.

884.
    Enfin, la requérante soutient que sa participation à l'entente alléguée n'est en tout état de cause pas plausible. En effet, nouvelle venue sur le marché du PVC depuis 1977, dans un contexte défavorable de marché surcapacitaire, elle aurait mené une politique agressive, qui se serait traduite par une augmentation des tonnages vendus et des parts de marché détenues. En réalité, la requérante n'aurait eu aucun intérêt à participer à une entente du type de celle alléguée par la Commission. Celle-ci ne pourrait d'ailleurs se retrancher derrière l'affirmation selon laquelle les réunions entre producteurs avaient en tout état de cause un objet anticoncurrentiel, puisque précisément aucune preuve, ou aucune preuve suffisante, ne permettrait de démontrer que la SAV a participé à ces réunions.

Appréciation du Tribunal

885.
    La requérante a été identifiée par ICI parmi les participants aux réunions informelles entre les producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a démontré qu'elles poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686). S'il est vrai qu'ICI n'a précisé les dates et lieux des réunions que pour la seule année 1983, il n'en demeure pas moins qu'elle a indiqué que des réunions informelles ont été tenues «à compter d'août 1980», au rythme approximatif d'une par mois (voir ci-dessus point 675). C'est donc à juste titre que la Commission considère la réponse d'ICI comme un indice permettant d'établir la participation de la requérante à l'infraction.

886.
    La requérante apparaît dans les documents de planification comme membre pressenti du «nouveau cadre de réunions» envisagé. Ainsi qu'il ressort de la Décision, les documents de planification ne constituent qu'un «projet de création d'entente» et ne peuvent, dès lors, être regardés comme la preuve de la participation de la requérante à l'infraction reprochée. Toutefois, le fait que la requérante y a été citée constitue un indice de cette participation, compte tenu de la corrélation étroite entre les pratiques qui y étaient décrites et celles constatées sur le marché dans les semaines qui ont suivi (voir ci-dessus points 662 à 673).

887.
    Pour les raisons précédemment exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia, confirmant, avec d'autres documents, l'existence de mécanismes de compensation entre les producteurs de PVC, désigne indirectement la requérante.

888.
    En ce qui concerne les tableaux Solvay, la SAV a produit un tableau, extrait de sa comptabilité, tendant à démontrer que les chiffres de ventes qui la concernent, c'est-à-dire ceux concernant le marché français durant les années 1980 à 1982, comportent des différences sensibles, de l'ordre de 8 à 25 %, par rapport aux chiffres de ventes réelles. Il est certes impossible de savoir si les montants produits par la SAV, extraits de sa comptabilité, ont été calculés de la même manière que ceux apparaissant dans les tableaux Solvay. Toutefois, en l'absence de dénégations sérieuses de la Commission, il y a lieu de conclure que ces tableaux ne peuvent être considérés comme probants à l'encontre de la requérante.

889.
    Si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de la SAV qui lui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives de prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs français ne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché français et permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées. C'est notamment ce qui ressort des annexes P21, P23, P24, P30, P31 et P38.

890.
    S'il est exact que deux documents font référence à l'attitude agressive de producteurs français en termes de prix, il y a lieu de relever que ceci n'est pas de nature à infirmer les conclusions de la Commission. En effet, en premier lieu, celle-ci en a tenu compte tant dans son examen des faits que dans son appréciation juridique (voir ci-dessus point 801). En second lieu, la circonstance que la requérante n'aurait occasionnellement pas mis en oeuvre une initiative de prix prévue n'affecte pas la conclusion de la Commission; en effet, en ce qui concerne plus spécialement les entreprises pour lesquelles la Commission n'avait pu obtenir aucun barème de prix, la Commission s'est limitée à affirmer que ces entreprises avaient de toute façon participé aux réunions entre producteurs dont l'objet était, notamment, la fixation d'objectifs de prix (voir ci-dessus points 774 et suivants), et non la mise en oeuvre effective de ces initiatives (arrêt Atochem/Commission, précité, point 100).

891.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que les documents produits par la Commission sont suffisants pour établir que la requérante a, contrairement à ce qu'elle soutient, participé à l'infraction reprochée. Toutefois, il appartiendra au Tribunal de vérifier si les observations formulées ci-dessus, en particulier en ce qui concerne les tableaux Solvay, affectent les conclusions de la Commission sur la durée de la participation de la requérante à l'infraction.

i) Montedison

Arguments de la requérante

892.
    La requérante relève tout d'abord qu'elle n'est mentionnée ni dans les documents de planification ni dans le tableau Atochem.

893.
    En outre, les éléments retenus à sa charge ne seraient pas probants.

894.
    En premier lieu, le fait d'avoir été cité par ICI et BASF comme ayant participé à au moins quelques-unes des réunions ne démontrerait rien de répréhensible. En outre, seule Montedison, et non Montedipe, est citée par ICI et BASF, alors que Montedison avait cessé la production de PVC le 1er janvier 1981; cela signifierait que sa participation avait cessé avant cette date.

895.
    En second lieu, la requérante estime que, s'agissant des échanges d'informations relatives au marché italien, informations au demeurant publiques, la Commission a omis de faire état des commentaires portés en bas de page du document sur lequel elle s'appuie, qui mentionnent expressément la vive concurrence existant sur le marché.

896.
    En troisième lieu, en ce qui concerne la participation à un système de compensation, le document Alcudia ne serait pas probant. La requérante nie qu'un tel mécanisme ait jamais été mis en oeuvre; aucune entreprise italienne n'aurait adhéré individuellement à celui-ci, comme en atteste le fait que le document litigieux ne mentionne que d'une façon générale les producteurs italiens. A supposer qu'un tel mécanisme ait été mis en oeuvre dans les faits, il ne se serait agi que de l'une de ces mesures de rationalisation prises en vertu d'accords bilatéraux, que la Commission avait elle-même préconisées en remplacement du cartel de crise.

897.
    En quatrième lieu, la requérante observe qu'aucune des initiatives de prix identifiées par la Commission ne concernait Montedipe, alors propriétaire de l'entreprise. En toute hypothèse, les actes illicites accomplis n'auraient consisté qu'àrechercher un prix idéal qui aurait permis aux producteurs de réduire leurs pertes. Toutefois, le prix pratiqué effectivement par Montedipe aurait toujours été nettement inférieur au prix cible et se serait toujours écarté du prix du marché, preuve évidente que la requérante a agi en toute autonomie.

Appréciation du Tribunal

898.
    Ainsi que l'a relevé la requérante, Montedison n'est visée ni dans les documents de planification ni dans le tableau Atochem, qui concerne une période postérieure à la date à laquelle Montedison a quitté le marché du PVC. Cette circonstance ressort, notamment, des points 7 et 13 de la Décision.

899.
    Montedison a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la requérante a confirmé l'existence et dont la Commission a établi qu'elles poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686).

900.
    Cette présence aux réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

901.
    Certes, ICI et BASF ont cité Montedison, plutôt que Montedipe, qui a repris l'activité de production de PVC de Montedison à compter du 1er janvier 1981. Toutefois, il ne saurait en être conclu que Montedison est restée étrangère à l'infraction reprochée dès le 1er janvier 1981.

902.
    En effet, si Montedison a transféré les activités de production à Montedipe en janvier 1981, ce n'est qu'en 1983 qu'elle a abandonné toute activité dans le secteur du PVC (voir, notamment, Décision, point 13, premier alinéa). En outre, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a reconnu que, pendant toute cette période, elle détenait, directement ou par le biais de sociétés contrôlées, l'intégralité du capital social de Montedipe. Enfin, la note d'ICI du 15 avril 1981, qui contribue à apporter la preuve de systèmes de contrôle des volumes de ventes entre producteurs, est la transcription d'un message adressé par le directeur de la division pétrochimique de Montedison (voir ci-dessus points 599 à 601), ce qui confirme que cette dernière société n'est pas restée étrangère à l'infraction reprochée, contrairement à ce que soutient la requérante.

903.
    Pour les raisons qui ont déjà été exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia, qui constitue l'un des documents permettant d'établir la mise en oeuvre d'un mécanisme de compensation entre producteurs de PVC, désigne indirectement Montedison. La requérante ne peut utilement prétendre qu'un tel mécanisme aurait été préconisé par la Commission en juillet 1982, lors de contacts entre celle-ci et neuf producteurs européens, relatifs à la restructuration du secteur de la pétrochimie. En effet, non seulement la Commission avait manifesté à cette occasion son refus de tout accord de prix ou de quotas de ventes entre producteurs, mais, en outre, ces contacts sont postérieurs à la mise en oeuvre du mécanisme de compensation dont la Commission a démontré l'existence en l'espèce.

904.
    De surcroît, la note d'ICI du 15 avril 1981 fait référence au mécanisme de quotas; or, cette note est la transcription d'un message adressé par M. Diaz, ancien directeur général de la division pétrochimique de Montedison, à ICI (voir ci-dessus points 599 à 601).

905.
    Quant aux tableaux Solvay relatifs au marché italien (annexes 33 à 41 à la communication des griefs), pour les raisons déjà indiquées (voir ci-dessus points 629 à 635), la requérante ne peut prétendre que les chiffres de ventes qu'ils comportent pouvaient être déterminés au vu de données publiques. En outre, si la seconde note de bas de page que comporte l'annexe 34 fait état d'une vive concurrence, cela

n'explique pas comment Solvay avait connaissance des chiffres de ventes de chacun de ses concurrents. A ce titre, il convient de rappeler que la première note de bas de page portée sur ce document précise: «La répartition du marché national entre les différents producteurs pour 1980 a été indiquée sur la base de l'échange de données avec nos confrères.» (Voir ci-dessus point 629.)

906.
    En ce qui concerne les initiatives de prix, dont la Commission a démontré qu'il s'agissait d'initiatives concertées adoptées en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 637 à 661), la requérante produit un tableau dans lequel elle compare les prix cibles allégués par la Commission et les prix effectivement pratiqués par Montedison (point 10 de la requête). Elle déduit de la différence entre eux qu'elle ne peut avoir participé aux initiatives de prix. Toutefois, la requérante ne précise à aucun moment ni la source des chiffres dont elle affirme qu'ils constituent les prix effectivement pratiqués par elle, ni la date précise à laquelle ces prix effectivement pratiqués ont été constatés. En toute hypothèse, ce tableau montre que les prix effectivement pratiqués par la requérante, à les supposer exacts, étaient inférieurs aux prix cibles; or, la Commission a toujours reconnu que les entreprises n'étaient pas parvenues à atteindre les prix cibles. Enfin, la requérante, comme d'autres producteurs, ne se voit pas reprocher la mise en oeuvre des initiatives de prix, la Commission n'ayant pu obtenir de celle-ci des documents relatifs aux prix, mais n'est mise en cause que pour sa participation aux réunions informelles entre producteurs au cours desquelles était décidée la fixation de prix cibles (voir ci-dessus points 774 à 777).

907.
    Par ailleurs, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs italiens ne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché italien et permettent de conclure que les initiatives de prix devaient s'appliquer en Italie, même si elles montrent que l'augmentation prévue n'a parfois pas eu lieu, ce qui suscitait les critiques des concurrents. C'est notamment ce qui ressort des annexes P9, P24, P26 et P28.

908.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

j) Hüls

Arguments de la requérante

909.
    La requérante soutient, en premier lieu, que rien ne permet d'établir un lien entre elle et les documents de planification. Ainsi, il ne serait pas prouvé que la liste de contrôle, établie par un tiers, ait été communiquée à la requérante, ou que celle-ci ait participé à l'élaboration de la réponse aux propositions et ait donc donné son

accord aux prétendues planifications. L'abréviation «H», portée sur ces documents, ne signifierait pas nécessairement Hüls: d'une part, Hüls et Hoechst seraient, en 1984, deux producteurs allemands de taille semblable, d'autre part, la lettre H aurait été, en 1980, l'initiale de cinq producteurs de PVC. La présomption de la Commission serait ainsi réduite à néant, d'autant que, jusqu'en 1985, la requérante ne s'appelait pas Hüls AG, mais Chemische Werke Hüls AG, généralement connue sous l'abréviation CWH.

910.
    En second lieu, la preuve de la participation de la requérante à des réunions illicites et de la régularité de cette participation n'aurait pas été rapportée, en l'absence de procès-verbaux. Les déclarations d'ICI et de BASF ne seraient pas probantes, puisque ces deux entreprises ont toujours nié l'objet illicite des réunions.

911.
    En troisième lieu, la participation de la requérante aux initiatives de prix ne serait pas démontrée, en l'absence de documents internes de l'entreprise en matière de prix. Elle ne pourrait par ailleurs être déduite de la participation aux réunions, puisque, précisément, la requérante n'a pas assisté aux réunions illicites.

912.
    En quatrième lieu, la note d'ICI du 15 avril 1981 n'établirait pas la participation de la requérante à un système de quotas. La participation au prétendu mécanisme de compensation mis en place pour renforcer ce système ne serait pas plus démontrée. Par ailleurs, le tableau Atochem ne serait pas probant, puisque les chiffres qui y sont mentionnés comportent des différences sensibles avec les ventes réelles.

913.
    En dernier lieu, la Commission n'aurait pas apporté la preuve de la participation de la requérante à un prétendu échange d'informations. Les tableaux Solvay ne seraient en effet pas probants.

Appréciation du Tribunal

914.
    Hüls a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi l'objet anticoncurrentiel (voir ci-dessus points 679 à 686).

915.
    La présence de représentants de cette entreprise aux réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

916.
    Selon les documents de planification, le «groupe de planification des 6» devait être composé de «S», «ICI», «W», «H» et de la «nouvelle société française». Après avoir rappelé que ICI avait refusé de confirmer l'identité des entreprises ainsi désignées, la Commission a indiqué dans sa Décision (point 7): «Il ressort clairement du contexte et de la liste des participants proposés [...] que 'H‘ est, selon toute probabilité, Hüls, le plus gros producteur allemand de PVC (Hoechst, la seule autre possibilité, n'était qu'un petit producteur de PVC).»

917.
    La requérante conteste tout d'abord que «H» puisse désigner Hüls. En effet, jusqu'en 1985, la dénomination complète de la requérante était Chemische Werke Hüls AG, et le sigle correspondant CWH. Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, dans les documents de planification, l'indication des membres proposés du «nouveau cadre de réunions» est faite sous la forme de simples initiales, plutôt que sous celle d'un sigle officiel et reconnu. En outre, tant le tableau Atochem que la réponse d'ICI à une demande de renseignements, qui datent de 1984, se réfèrent à Hüls. De même, plusieurs annexes au mémoire introductif de la requérante, datant du début des années 1980, font apparaître un papier commercial portant, en grands caractères, la mention Hüls, et, en petits caractères, le sigle «CWH». Si l'appellation Hüls n'était donc pas la dénomination officielle de la requérante, elle en était manifestement l'appellation usuelle.

918.
    Or, ainsi que la Commission l'a souligné dans la Décision, il apparaît que, à la date d'élaboration des documents de planification, Hüls était le plus important producteur et vendeur allemand de PVC et l'un des principaux en Europe. Cette constatation est confirmée par les réponses des requérantes à une question du Tribunal. En outre, les quatre autres entreprises désignées comme membres pressentis du «groupe de planification» étaient également les principaux producteurs de PVC en Europe en 1980.

919.
    Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia, relatif aux mécanismes de compensation, désigne indirectement Hüls.

920.
    La requérante est désignée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce sous une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage des ventes cibles des quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).

921.
    Hüls est également citée dans les tableaux Solvay. Parmi les chiffres de ventes mentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, trois concernent la requérante et sont exacts (voir ci-dessus point 627).

922.
    Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de Hüls qui lui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives de prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemands ne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents, tels que les annexes P1, P3, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand et permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées. C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.

923.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

k) Enichem

Arguments de la requérante

924.
    Selon la requérante, la Commission n'a pas établi qu'elle ait participé à l'une quelconque des manifestations de l'entente.

925.
    Ainsi, en premier lieu, en ce qui concerne l'origine de l'entente, aucune responsabilité ne pourrait être imputée à la requérante. En effet, celle-ci n'aurait pas pris part à la rédaction des documents de planification. En outre, le seul fait d'être citée, à son insu, par des entreprises tierces qui auraient eu l'intention de l'inviter à participer à des réunions, ne serait pas de nature à faire naître une telle responsabilité. Enfin, il ne serait pas établi que la réponse aux propositions constitue effectivement la réponse des personnes auxquelles la liste de contrôle devait être adressée.

926.
    En second lieu, en ce qui concerne les réunions entre producteurs, la requérante observe qu'ICI et BASF ont cité les noms d'Anic ou d'Enichem; or, du mois d'octobre 1981 au mois de février 1983, il n'aurait pas existé de société d'exploitation répondant, en tout ou en partie, à ces dénominations. En outre, en toute hypothèse, la Commission aurait dû encore prouver l'identité des participants et le rythme de ces participations.

927.
    En troisième lieu, en ce qui concerne les initiatives de prix, la requérante fait valoir qu'il n'existe aucune preuve de sa participation à ces initiatives. L'absence de documents internes d'Enichem en matière de prix ne pourrait signifier, comme le voudrait la Commission, que ces documents, parce que compromettants, auraient été cachés ou détruits; un tel raisonnement, purement spéculatif, violerait le principe selon lequel la charge de la preuve incombe à la Commission. Par ailleurs, rien n'établirait même la participation de la requérante aux réunions qui, selon la Commission, ont précédé les augmentations de prix. Au contraire, plusieurs documents montreraient qu'Enichem a adopté sur le marché italien une politique de prix agressive.

928.
    En quatrième lieu, en ce qui concerne les quotas, la requérante souligne que l'unique document mentionnant Enichem ou Anic est le tableau Atochem. Or, non seulement ce seul document ne pourrait suffire à établir la participation de la requérante, mais en outre il ne serait pas probant, compte tenu de l'écart significatif entre les données de ventes qui y sont citées (toutes supérieures à 14 %), et les données réelles (12,3 %). Dans ces conditions, la constatation que, durant la période visée par l'enquête, les parts de marché ont substantiellement changé, démontrerait qu'il n'a pas existé d'entente en matière de quotas.

929.
    En cinquième lieu, en ce qui concerne le contrôle des ventes, les seuls éléments de preuve de la participation d'Enichem seraient les tableaux Solvay. Or, ceux-ci ne présenteraient aucun caractère probant.

930.
    La requérante conclut que, en l'absence de preuves à l'encontre d'Enichem, il importe peu que celles-ci doivent être considérées dans leur ensemble, et non isolément. En tout état de cause, les quatre documents dans lesquels apparaît le nom de la requérante (annexes 3, 10 et 34 et les déclarations de BASF et d'ICI), seraient trop isolés pour établir l'adhésion continue de la requérante à une entente complexe, surtout lorsque, par ailleurs, la politique agressive d'Enichem est démontrée.

Appréciation du Tribunal

931.
    Anic et Enichem, entreprise à laquelle a été imputée le comportement d'Anic, ont été citées par ICI comme participant aux réunions (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi l'objet anticoncurrentiel qu'elles poursuivaient (voir ci-dessus points 679 à 686).

932.
    La présence d'Anic et d'Enichem aux réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

933.
    Enichem fait toutefois observer que, d'octobre 1981 à février 1983, aucune société d'exploitation du PVC ne portait le nom d'Anic ou d'Enichem, si bien que les réponses d'ICI et de BASF ne permettraient pas de conclure à sa participation pendant cette période. Cet argument ne saurait être retenu. De fait, ainsi que l'a relevé la Commission, le groupe auquel appartient la requérante n'a pas quitté le marché du PVC pendant cette période, mais avait transféré ses activités dans ce secteur à une société commune, dont toutes les activités PVC provenaient du groupe ENI et ont été reprises par celui-ci en février 1983. En outre, les tableaux Solvay pour l'année 1982 sur le marché italien, montrent que cette filiale commune a poursuivi la participation à l'infraction reprochée. Enfin, Anic elle-même n'avait pas disparu, dès lors que ce n'est qu'à la fin de 1982 qu'elle a transféré à la société commune en question le capital d'une autre société du groupe ENI, SIL, elle-même propriétaire de sites de production de PVC en Italie.

934.
    Anic est une des entreprises désignées dans les documents de planification. Compte tenu de la corrélation étroite entre les pratiques décrites dans ces documents et celles constatées sur le marché du PVC dans les semaines qui ont suivi, ces documents, fussent-ils internes à ICI, comme le soutiennent les requérantes, constituent un indice de la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

935.
    Le tableau Atochem, qui contribue à la démonstration de l'existence d'un mécanisme de quotas de ventes, comporte l'indication tant du nom de la requérante que de ses chiffres de ventes pour le premier trimestre de 1984 et d'un

pourcentage cible de ventes qui lui était attribué. Les contestations de la requérante sur la réalité des chiffres de ventes la concernant ont été précédemment examinées et rejetées (voir ci-dessus point 615).

936.
    En outre, pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia, relatif aux mécanismes de compensation entre producteurs, désigne indirectement Enichem.

937.
    Au demeurant, l'argument selon lequel les parts de marché des producteurs auraient été profondément modifiées pendant la période d'enquête, ce qui serait incompatible avec un mécanisme de quotas, est fondé sur un simple renvoi à la «réalité des faits» (réplique, p. 23) et n'est assorti d'aucun élément probatoire. En toute hypothèse, il y a lieu de rappeler, ainsi qu'il ressort de la Décision elle-même, que les documents établissant l'existence de mécanismes de compensation entre producteurs permettent également de tirer la conclusion que ces mécanismes n'ont pas correctement fonctionné (voir ci-dessus points 588 et 597). Enfin, dans le cas particulier d'Enichem, l'évolution des parts de marché n'apparaît pas déterminante, compte tenu des nombreuses restructurations qu'a connues le groupe pendant la période d'infraction, par l'acquisition des activités de concurrents dans le secteur du PVC.

938.
    Les tableaux Solvay comportent l'indication du nom de la requérante et ses ventes sur le marché italien. En outre, le tableau joint en annexe 34 à la communication des griefs porte le commentaire suivant: «La répartition du marché national entre les différents producteurs pour 80 a été indiquée sur la base de l'échange avec nos confrères [...]» Or, l'entente trouvant son origine dans les documents de planification, qui datent d'août 1980, c'est précisément pour cette année 1980 que l'échange pouvait être effectif pour la première fois (voir ci-dessus point 629).

939.
    La requérante fait encore valoir que la Commission aurait dû préciser l'identité des entreprises participant à chacune des réunions et, par voie de conséquence, établir avec quelle régularité chacune y participait. Il y a lieu de relever que la régularité de la présence d'une entreprise aux réunions entre producteurs n'affecte pas sa participation à l'infraction, mais le degré de sa participation. En outre, exiger de la Commission qu'elle établisse la régularité de la participation rendrait en pratique impossible la sanction d'une entente entre entreprises, hormis le cas dans lequel seraient découverts des procès-verbaux ou compte rendus de réunions illicites mentionnant le nom des participants. Enfin, s'il est vrai qu'ICI et BASF, dans leur réponse aux demandes de renseignements, ont indiqué que les entreprises qu'elles citaient avaient participé plus ou moins régulièrement aux réunions (voir ci-dessus points 675 et 677), la Commission en a dûment tenu compte (notamment point 8, troisième alinéa, et point 26, troisième alinéa). Elle a également pris en considération cette circonstance dans la détermination du niveau des amendes (point 53 de la Décision), sous réserve de l'examen de la situation des entreprises pour lesquelles leur rôle de chef de file ou, au contraire, leur rôle limité, serait

avéré. De fait, si la Commission avait pu obtenir la preuve de la participation de chacune des entreprises à l'ensemble des réunions entre producteurs au cours desquelles, pendant près de quatre années, ont été fixés des initiatives de prix concertées et des mécanismes de volumes de ventes, les amendes infligées, qui ne dépassent pas 3 200 000 écus, apparaîtraient d'un montant proportionnellement faible au regard de la gravité de l'infraction.

940.
    Enfin, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs italiens ne sont pas restés extérieurs aux initiatives de prix. Ainsi, au-delà des documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché italien et permettent de conclure que les initiatives de prix devaient s'appliquer en Italie, même si elles montrent que l'augmentation prévue n'a parfois pas eu lieu, ce qui suscitait les critiques des concurrents. C'est notamment ce qui ressort des annexes P9, P24, P26, P28 et P58.

941.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

D — Sur l'imputabilité de l'infraction et l'identification des destinataires de la Décision

1. Sur l'imputabilité de l'infraction

Arguments des requérantes

942.
    Elf Atochem conteste la motivation de la Décision relative à l'absence de responsabilité d'Elf Atochem pour les activités de la société PCUK, dont la plus grande partie de l'activité chimique avait été apportée à Atochem lors de lacréation de celle-ci en 1983. En effet, cette motivation reposerait sur le fait qu'Elf Atochem «est indiscutablement responsable d'ATO Chimie/Chloe/Orgavyl» (Décision, point 42, sixième alinéa), et non sur la règle selon laquelle, lorsque l'entreprise cédante d'une activité continue à exister en tant qu'entité distincte après la cession, l'entreprise cessionnaire ne supporte aucune responsabilité pour d'éventuels agissements anticoncurrentiels du cédant antérieurs à la cession.

943.
    DSM rappelle que, à compter du 1er janvier 1983, les activités PVC de DSM NV ont été transférées à LVM, filiale commune de DSM NV et de EMC Belgique SA, et que LVM a été tenue pour responsable de ses propres faits. En l'espèce, ce serait donc pour la période antérieure à cette date que se pose la question de l'imputabilité de l'infraction. Or, par acte du 19 décembre 1984, aurait été constituée la société DSM Kunststoffen BV, filiale à 100 % de DSM NV. Les droits et obligations appartenant jusqu'alors à la branche «matières plastiques» de DSM NV lui auraient été transférés. Bien que DSM Kunststoffen soit une filiale

autonome de DSM NV, ce serait pourtant à cette dernière qu'a été imputée l'infraction.

944.
    Ce faisant, la Commission aurait incorrectement appliqué les règles de droit communautaire. Le principe serait que, lorsque les droits et obligations, ainsi que les activités économiques auxquelles se rapporte l'infraction alléguée, ont été transférés à une autre entreprise, cette infraction doit être imputée à cette autre entreprise, successeur en droit de la première et, dès lors, destinataire de la décision (arrêt CRAM et Rheinzink/Commission, précité, points 6 à 9; arrêt du Tribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T-38/92, Rec. p. II-211, point 30). L'élément déterminant en matière d'imputation d'une infraction serait le comportement autonome de l'entreprise sur le marché, et non sa structure juridique (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 133; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11/89, Rec. p. II-757, points 311 et 312). Or, les requérantes auraient toujours affirmé l'autonomie de comportement de DSM Kunststoffen, sans être démenties par la Commission, à qui incombait pourtant la charge de la preuve (arrêt AEG/Commission, précité, point 50). Pour la période courant du début de l'infraction présumée au début de l'année 1983, l'infraction aurait donc dû être imputée à DSM Kunststoffen.

945.
    Montedison observe qu'elle n'est qu'une entité intermédiaire entre le holding et la société opérationnelle, puisqu'elle a cessé de produire du PVC le 31 décembre 1980. Pendant les deux années qui ont suivi, cette activité de production aurait relevé de la filiale Montedipe et, en 1983, cette branche de l'entreprise serait passée définitivement sous le contrôle d'Enichem. La Commission n'aurait jamais démontré que Montedipe était dépourvue d'autonomie de gestion par rapport à Montedison.

946.
    Enichem fait valoir que, de l'avis de la Commission, afin d'attribuer la responsabilité d'une infraction, il convient tout d'abord d'identifier l'entreprise qui a commis celle-ci, puis de déterminer ce qu'il en est advenu; si l'entreprise qui a commis l'infraction cède simplement sa branche d'activités PVC à un tiers, mais subsiste comme sujet de droit indépendant, elle conserverait la responsabilité de l'infraction; en revanche, si l'entreprise qui a commis l'infraction est absorbée par une autre entreprise, et cesse donc d'exister, ce serait l'acquéreur qui doit alors assumer la responsabilité des infractions passées. La requérante relève le caractère hybride de cette thèse, relevant selon le cas d'un examen juridique ou d'une appréciation économique.

947.
    Enichem fait remarquer que tant sa branche d'activité PVC que, d'une façon générale, le secteur du PVC en Italie ont connu de profondes modifications, pendant et après la période couverte par l'enquête.

948.
    Ainsi, la société dont la dénomination actuelle est Enichem Anic, et qui aurait dû être destinataire de la Décision, aurait eu une activité de production de PVC

jusqu'à la fin de 1981, puis de nouveau à partir du début de 1983 jusqu'au transfert des activités à EVC, filiale commune créée en octobre 1986 entre Enichem et ICI. Dans l'intervalle, la société qui a opéré sur le marché du PVC aurait été la société Enoxy, filiale commune créée entre ENI et la société américaine Occidental.

949.
    En revanche, durant toute cette période, Enichem, sous différentes dénominations, n'aurait joué que le rôle de holding des participations de l'État italien dans les différentes sociétés d'exploitation qui se sont succédé dans le secteur du PVC.

950.
    Enfin, les activités d'entreprise dans le secteur du PVC qui, en 1986, ont été apportées à EVC, auraient été gérées, au cours de la période prise en compte par la Commission, par une pluralité d'entreprises autonomes (Anic; Occidental; Montedison, dont les activités PVC exercées par sa filiale Montedipe ont été cédées, en mars 1983, à Enoxy, devenue société à part entière d'Enichem, depuis la cession, par Occidental, de ses parts, également au mois de mars 1983; Sir, dont les activités ont été cédées au groupe ENI en décembre 1981 et Rumianca, filiale de Sir, dont les activités chimiques ont également été cédées au groupe ENI), qui toutes ont subsisté comme sujets de droit.

951.
    Pourtant, au vu du point 43 de la Décision, il apparaîtrait que la Commission a attribué à la requérante, Enichem, la responsabilité pour les infractions commises au cours de la période d'enquête, donc par toutes les entreprises, y compris Sir, Rumianca et Enoxy (mais à l'exception de Montedipe). Or, s'agissant de Sir et Rumianca, elles auraient fait partie du groupe Sir Finanziaria, qui subsiste encore aujourd'hui et qui, en conséquence, devrait continuer de supporter la responsabilité pour la participation de ses anciennes filiales. De même, Occidental, qui subsiste aujourd'hui en tant que personne juridique, devrait supporter solidairement la responsabilité de l'infraction pour la période de décembre 1981 à février 1983, durant laquelle elle gérait conjointement Enoxy; au lieu de cela, la Décision n'attribuerait aucune responsabilité à Occidental, en violation du principe de non-discrimination. En réalité, Enichem Anic ne pourrait être considérée comme responsable que des infractions commises par Anic, jusqu'à la fin de 1981, et par Enoxy Chimica, depuis février 1983 (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 74 à 88, CRAM et Rheinzink/Commission, précité, et Enichem Anic/Commission, précité, points 228 et suivants).

Appréciation du Tribunal

952.
    A titre liminaire, il apparaît qu'Elf Atochem ne conteste pas la conclusion à laquelle la Commission est parvenue, à savoir de ne pas lui imputer la responsabilité des actes de PCUK, mais uniquement la motivation qui la sous-tend. Dans ces conditions, l'examen du moyen soulevé par cette requérante ne pourrait conduire à une annulation, même partielle, d'une disposition de la Décision. Dès lors, en l'absence d'intérêt à agir de la requérante, le moyen doit être rejeté.

953.
    Il ressort de la jurisprudence que, lorsque l'existence d'une infraction est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise afin qu'elle réponde de celle-ci. Toutefois, lorsque, entre le moment où l'infraction est commise et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, il convient de localiser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier, dans un second temps, la personne qui est devenue responsable de l'exploitation de cet ensemble, afin d'éviter que, en raison de la disparition de la personne responsable de son exploitation au moment de la commission de l'infraction, l'entreprise puisse ne pas répondre de celle-ci.

954.
    Il apparaît que les règles énoncées par la Commission au point 41, deuxième alinéa et suivants, de la Décision, sont conformes à ces principes.

955.
    Il convient en conséquence d'examiner l'application que la Commission a faite de ces principes, successivement dans le cas de DSM, de Montedison et d'Enichem.

956.
    L'argumentation de DSM ne porte que sur l'imputabilité de l'infraction reprochée à DSM, donc pour la période antérieure à la création de LVM (voir ci-dessus point 943).

957.
    Or, en l'espèce, contrairement aux situations examinées dans les arrêts invoqués par la requérante, il n'est pas contesté, d'une part, que DSM est l'entreprise qui a commis l'infraction reprochée avant la constitution de LVM et, d'autre part, que, malgré la réorganisation à laquelle elle a procédé, par la filialisation de son activité «matières plastiques», à une date postérieure aux faits reprochés, DSM subsiste juridiquement. Dès lors, c'est à juste titre que la Commission a, en application des principes ci-dessus rappelés, retenu la responsabilité de DSM pour la période litigieuse.

958.
    Dans de telles circonstances, la filialisation de la branche d'activités n'a pas d'influence sur la détermination de l'entreprise responsable de l'infraction.

959.
    Dès lors, le moyen soulevé par DSM doit être rejeté.

960.
    Selon une jurisprudence constante, la circonstance qu'une filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, points 132 et 133).

961.
    En l'espèce, Montedison a confirmé qu'elle détenait la totalité du capital des sociétés Montedipe et Montepolimeri, si bien que ces filiales doivent être regardées comme suivant nécessairement une politique tracée par les organes statutaires qui fixent la politique de sa société mère (arrêt AEG/Commission, précité, point 50).

962.
    Dès lors, le moyen soulevé par Montedison doit être rejeté.

963.
    Le moyen soulevé par Enichem comporte, en ce qui concerne l'imputabilité de l'infraction reprochée, deux griefs. Le premier est relatif à l'imputabilité des actes de deux sociétés, Sir et Rumianca, commis avant leur incorporation au groupe auquel appartient la requérante. Le second concerne l'imputabilité des actes commis durant les mois de janvier 1982 à février 1983 par Enoxy.

964.
    En premier lieu, selon la requérante, la Commission lui a imputé la responsabilité des actes de Sir et de Rumianca, dont les activités PVC ont été acquises par le groupe ENI en décembre 1981, par le biais d'Anic; or, puisque l'ancienne maison mère de ces deux sociétés subsiste, celle-ci aurait dû supporter la responsabilité de l'infraction. A l'appui de sa thèse, la requérante se réfère au point 43 de la Décision, d'où il ressort qu'«Enichem regroupe les entreprises publiques italiennes du secteur de la chimie qui fonctionnaient auparavant sous le nom d'Anic», et qu'Enichem doit «assumer la responsabilité de l'activité d'Anic» et donc de toutes les sociétés qui lui étaient liées.

965.
    Toutefois, il n'apparaît pas que la Commission ait retenu la responsabilitéd'Enichem du fait des activités de Sir et de Rumianca antérieures à leur intégration dans le groupe auquel appartient la requérante.

966.
    En effet, tout d'abord, Sir et Rumianca ne sont pas visées par la Décision. Aucun grief n'étant formulé à leur encontre, aucune responsabilité pour des faits illicites de leur part ne peut avoir été imputée à la requérante. Ensuite, le point 43 de la Décision signifie tout au plus que les activités PVC de Sir et de Rumianca ne sont imputées à la requérante, notamment pour le calcul de la part de marché en vue de la détermination du montant des amendes, que depuis le jour où elles ont été intégrées à Anic. En revanche, il ne permet pas de conclure que la responsabilité pour d'éventuelles pratiques illicites de Sir et de Rumianca antérieures à cette intégration ait été imputée à Enichem.

967.
    En second lieu, il ressort du dossier et des réponses de la requérante aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience, que, le 29 décembre 1981, ENI et Occidental ont créé une société commune, Enoxy, à laquelle a été transféré l'ensemble du secteur PVC contrôlé par ENI, par l'intermédiaire d'Anic; Occidental a transféré à Enoxy, pour sa part, des activités autres que le PVC. En février 1983, ENI a repris la participation d'Occidental dans le capital d'Enoxy; quelques jours plus tard, ENI a cédé toutes ses parts dans le capital du groupe Enoxy à Enichimica SpA (aujourd'hui Enichem SpA).

968.
    Dans ces circonstances, la requérante reproche à la Commission, tout d'abord, de lui avoir imputé la responsabilité d'actes de la société Occidental, l'autre maison mère d'Enoxy. Toutefois, ce grief relève d'une simple affirmation que rien dans la Décision ne vient étayer.

969.
    Ensuite, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir également tenu Occidental pour responsable des actes d'Enoxy, dont elle était pourtant l'une des deux maisons mères. Toutefois, dès lors que le groupe auquel appartient la requérante est demeuré présent sur le marché du PVC de janvier 1982 à octobre 1983, par le biais d'une société commune à laquelle elle avait transmis son activité dans le secteur du PVC, la circonstance que la Commission n'a pas également poursuivi Occidental n'exclut pas la responsabilité du groupe auquel appartient la requérante (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 197).

970.
    Dans ces conditions, le moyen soulevé par Enichem doit également être rejeté.

2. Sur l'identification des destinataires de la Décision

Arguments des requérantes

971.
    DSM soutient, en premier lieu, que la Commission a commis une erreur de droit en adressant la Décision à DSM NV, plutôt qu'à DSM Kunststoffen. En effet, la responsabilité de l'infraction commise avant 1983 par DSM NV devrait être imputée à la seule société DSM Kunststoffen, filiale à 100 % de DSM NV créée par acte du 19 décembre 1984; c'est donc cette société qui aurait dû être destinataire de la Décision.

972.
    En second lieu, les requérantes soutiennent qu'elles sont victimes d'une discrimination. En effet, la Commission aurait retenu, au profit de Shell, un argument analogue au leur (Décision, point 46). A l'inverse, la Commission les aurait traitées de la même façon qu'Enichem et Montedison, alors que les situations de fait sont distinctes (Décision, point 45).

973.
    En troisième lieu, selon les requérantes, la Commission a méconnu l'obligation de motivation. En effet, si elle n'est pas tenue de répondre à tous les arguments de fait soulevés par les entreprises incriminées (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 77), elle a pourtant répondu à des griefs semblables formulés par d'autres entreprises (Décision, points 45 et 46). La motivation à l'égard des requérantes aurait d'ailleurs dû être d'autant plus circonstanciée qu'elles avaient explicitement soulevé ce moyen lors de la phase administrative (arrêt AWS Benelux/Commission, précité, point 27).

974.
    Enichem fait valoir que, pour qu'un groupe d'entreprises soit le destinataire approprié d'une décision, il faut qu'il constitue une seule organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable le

but, notamment, de produire et de vendre un produit déterminé (arrêt Shell/Commission, précité, points 312 et 313). Or, en l'espèce, il n'existerait aucune preuve établissant le rôle d'Enichem à la tête de cet ensemble de sociétés (Décision, point 45 in fine).

975.
    En réalité, Enichem, en tant que holding, n'aurait assumé aucune responsabilité à l'égard des activités du secteur des matières thermoplastiques, dont le PVC. Les points 43 et 45 de la Décision seraient, à ce titre, contradictoires, au motif qu'il ne peut être affirmé qu'Enichem est, tout à la fois, responsable en qualité de principal holding d'un groupe et successeur de la société opérationnelle du même groupe.

976.
    En réalité, Enichem Anic, selon sa dénomination à compter du 27 mai 1985, serait le seul sujet de droit qui peut représenter la continuité entre les différentes sociétés du groupe qui ont opéré, sous différentes raisons sociales, dans le secteur du PVC jusqu'à ce que, en 1986, l'activité soit confiée à la société EVC, filiale commune créée avec ICI. Enichem Anic (sous ses diverses dénominations) aurait géré de manière autonome, par rapport à Enichem, le cycle entier de production des matières thermoplastiques et de commercialisation directe en Italie. Par ailleurs, toutes les sociétés qui s'occupaient de la commercialisation à l'étranger des produits d'Enichem Anic, y compris les filiales d'Enichem International, qui n'est pas une filiale à part entière d'Enichem, l'auraient fait sur la base de contrats de distribution ou d'agences avec Enichem Anic. Seule Enichem Anic aurait donc pu être destinataire de la Décision.

977.
    Pour conforter son point de vue, la requérante observe que la décision du 24 novembre 1987, prise en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, était adressée à Enichem Anic (à l'époque Enichem Base). En outre, la vérification du 21 janvier 1987 aurait été effectuée dans les locaux de cette entreprise. Par ailleurs, si la communication des griefs a été adressée à Enichem, ce serait uniquement parce que la Commission croyait que cette société était la société d'exploitation du groupe, et non en raison du fait qu'elle était un holding du groupe. Enfin, la requérante souligne que la décision 86/398 du 23 avril 1986, dans l'affaire du polypropylène, a été adressée à Anic SpA, c'est-à-dire à Enichem Anic, puisque telle était la dénomination de la société depuis le 27 mai 1985.

Appréciation du Tribunal

978.
    Ainsi que la Commission l'a relevé au point 44 de la Décision, si la notion d'entreprise, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, ne se confond pas nécessairement avec celle de société dotée de la personnalité juridique, il est nécessaire, pour l'application et l'exécution des décisions, d'identifier une entité dotée de la personnalité juridique qui sera destinataire de l'acte.

979.
    Dès lors que DSM est le seul auteur de l'infraction et constitue donc la seule société, disposant de la personnalité juridique, à laquelle l'infraction est imputée,

la question même de l'identification du destinataire ne se pose pas. Le destinataire ne pouvait être que la société DSM NV, seul auteur de l'infraction.

980.
    Cette conclusion découlant de l'application directe des principes rappelés au point 44 de la Décision, le rappel de ceux-ci constitue une motivation suffisante dans le cas de la requérante.

981.
    Par ailleurs, dans le cas de DSM, une seule entreprise, qui subsiste juridiquement, a commis l'infraction. Ni Shell, ni Enichem, ni Montedison, ne se trouvent dans la même situation. Dès lors, le prétendu traitement différent accordé à ces trois entreprises par la Commission, lors de la détermination du destinataire de la Décision, ne saurait constituer une discrimination à l'encontre de DSM.

982.
    Les moyens et arguments soulevés par DSM doivent, dès lors, être rejetés.

983.
    Au point 45 de la Décision, la Commission a indiqué ce qui suit: «Enichem et Montedison ont affirmé que le destinataire d'une décision devait être la société du groupe qui assume actuellement la responsabilité des activités dans le secteur des thermoplastiques. La Commission note toutefois que, dans les deux cas, la responsabilité commerciale est partagée par d'autres sociétés du groupe. Ainsi, alors qu'Enichem Anic SpA est responsable des ventes de PVC d'Enichem en Italie, ses opérations commerciales internationales sont dirigées par Enichem International SA, une société ayant son siège à Zurich, et, dans chaque État membre, les ventes de PVC sont assurées par la filiale nationale d'Enichem. C'est pourquoi la Commission considère que le destinataire de la présente décision doit être le principal holding qui est à la tête des groupes Enichem et Montedison.»

984.
    Montedison a confirmé que, pendant la période d'infraction, elle détenait l'intégralité du capital des sociétés Montedipe et Montepolimeri. Dans cette hypothèse, il apparaît superflu de vérifier si la requérante pouvait influencer de manière déterminante le comportement commercial de ses filiales (arrêt AEG/Commission, précité, point 50).

985.
    Dans ces conditions, la Commission a, à juste titre, adressé la Décision à Montedison.

986.
    Il y a lieu de souligner que, ainsi que le reconnaît Enichem, le moyen qu'elle soulève «ne constitue pas une fin en soi, mais le fondement essentiel des développements ultérieurs relatifs au montant de l'amende, laquelle a évidemment été calculée en fonction du chiffre d'affaires du holding, bien supérieur à celui de la société d'exploitation» (réplique, p. 15). Or, en l'espèce, il apparaît que, ainsi qu'elle en a le droit (notamment arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, précité, point 55, et du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, points 51 à 53), la Commission a déterminé au préalable un montant global de

l'amende, qui a ensuite été réparti entre les entreprises en fonction de la part de marché moyenne détenue par chacune et d'éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes propres à chacune. Dès lors, sous réserve de l'application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, fixant le seuil maximal de l'amende susceptible d'être infligée par la Commission, le chiffre d'affaires du holding n'a pas été pris en compte pour la détermination du montant de l'amende individuelle infligée à la requérante. Dans cette mesure, la requérante n'a pas d'intérêt à soulever le présent moyen.

987.
    Au demeurant, ainsi qu'il ressort du point 45 de la Décision, Enichem Anic n'était qu'une des sociétés d'exploitation du PVC au sein du groupe ENI. Elle contrôlait ainsi des établissements de production en Italie et était en charge de la commercialisation en Italie. D'autres sociétés du groupe, contrôlées par l'intermédiaire de la société de droit suisse Enichem International SA, étaient en revanche responsables de la commercialisation en dehors de ce marché géographique. On ne saurait dès lors admettre qu'une société telle qu'Enichem Anic, qui ne représente qu'une partie de l'activité PVC du groupe, soit nécessairement seule destinataire de la Décision.

988.
    En outre, il est constant que la requérante n'est qu'un holding, sans activité opérationnelle. La requérante a confirmé que «pendant l'ensemble de la période d'enquête, Enichem SpA [sous différentes dénominations] a continué à ne jouer que le rôle de holding des participations de l'État dans les différentes sociétés d'exploitation qui se sont succédé dans le secteur du PVC» (voir requête, p. 57).

989.
    En présence d'une telle situation, dans laquelle il existe une multitude de sociétés opérationnelles, tant en termes de production que de commercialisation, réparties de surcroît en fonction de marchés géographiques spécifiques, la Commission ne commet pas d'erreur de droit en décidant d'adresser sa décision au holding du groupe, plutôt que, comme le voudrait la requérante, à l'une des sociétés opérationnelles du groupe.

990.
    Il est exact que, dans l'affaire polypropylène, la Commission avait adressé la décision à Enichem Anic, et non à la requérante. Toutefois, cette seule constatation ne peut conduire à la conclusion que le choix de la requérante comme personnalité juridique destinataire de la Décision serait nécessairement erroné. En effet, d'une part, il n'est nullement établi que l'organisation du groupe ENI dans le secteur du polypropylène était, à l'époque des faits, identique à celle prévalant dans le secteur du PVC. D'autre part, en toute hypothèse, le fait que la Commission a, dans une affaire, adressé la décision à une société donnée ne peut la lier dans d'autres affaires.

991.
    La circonstance qu'une décision de demande de renseignements a été adressée à Enichem Anic et qu'une procédure de vérification est intervenue au siège de cette même entreprise n'est pas déterminante pour l'identité du destinataire de la

Décision, dès lors que, aux termes des articles 11 et 14 du règlement n° 17, toute entreprise peut faire l'objet d'une demande de renseignements ou d'une procédure de vérification.

992.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

III — Sur les moyens relatifs à l'accès au dossier

A — Sur les conditions dans lesquelles la Commission a donné accès à son dossier lors de la procédure administrative

Arguments des parties

993.
    Certaines requérantes reprochent à la Commission de ne leur avoir donné accès qu'à une partie de son dossier administratif.

994.
    Au stade de la réplique, se fondant sur les arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T-30/91, Rec. p. II-1775), et ICI/Commission, T-36/91, précité, ces requérantes confirment que, ainsi qu'elles le soutenaient dans leur requête, l'accès limité au dossier constitue la violation d'une forme substantielle affectant les droits de la défense. En effet, la seule possibilité que des documents à décharge existent suffirait pour constater une violation des droits de la défense, qui ne pourrait être régularisée par le Tribunal dans le cadre de son contrôle juridictionnel (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98, et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 108). Dès lors, la Décision devrait être annulée.

995.
    Dans son mémoire en défense, dans les différentes affaires, la Commission a rappelé que le point 27 de la Décision expose les raisons pour lesquelles elle n'avait pas accueilli les demandes des entreprises, formées durant la procédure administrative, d'avoir pleinement accès au dossier.

996.
    Confirmant les raisons ainsi invoquées, elle soutient avoir donné régulièrement accès à son dossier administratif.

997.
    Ainsi, la jurisprudence ne reconnaîtrait pas un droit absolu d'accès à ce dossier (arrêts de la Cour VBVB et VBBB/Commission, précité, et du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62/86, Rec. p. I-3359; arrêt du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/89, Rec. p. II-389). Dans la mesure où le moyen des requérantes consisterait à demander un tel accès intégral, il serait donc non fondé.

998.
    La Commission ne serait tenue de donner accès qu'à l'ensemble des pièces sur lesquelles s'appuient ses conclusions. Or, non seulement tel aurait été le cas en l'espèce, mais la Commission serait même allée au-delà de ces exigences en

adressant à ces entreprises, le 3 mai 1988, des pièces supplémentaires qui, à son avis, étaient susceptibles d'être utiles à la défense (Décision, point 27, dernier alinéa, in fine).

999.
    Dans certaines affaires, la Commission conteste le principe posé par le Tribunal dans l'arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission (T-7/89, Rec. p. II-1711), selon lequel elle est tenue de respecter les principes qu'elle a elle-même fixés dans le Douzième Rapport sur la politique de concurrence et, en conséquence, de divulguer, au-delà des documents à charge, les pièces de son dossier administratif, sous certaines réserves.

1000.
    Les requérantes n'auraient pas démontré la mauvaise foi des agents de la Commission.

1001.
    Si des documents utiles à la défense existaient dans le dossier des autres entreprises, l'entreprise dont ils émanaient s'en serait prévalue.

1002.
    De surcroît, les requérantes auraient été autorisées à procéder à un échange des documents entre elles, sur le fondement d'une levée réciproque de confidentialité, sous réserve toutefois qu'un tel échange ne porte pas sur des données commerciales sensibles, dont l'échange pourrait constituer une restriction de concurrence (voir Décision, point 27, troisième alinéa).

1003.
    La Commission rappelle, enfin, le caractère confidentiel des documents que comportait son dossier administratif. S'agissant de documents commerciaux internes à chaque entreprise, il résulterait tant de l'article 214 du traité que de l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17 qu'elle était tenue de ne pas les divulguer. Au demeurant, la Commission a fourni, durant la procédure administrative, une liste des pièces que contient le dossier.

1004.
    Les entreprises devraient, à tout le moins, identifier les pièces qu'elles considèrent comme susceptibles d'être utiles à leur défense.

1005.
    Au stade de la duplique, la Commission fait observer que les arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, et ICI/Commission, T-36/91, précités, confirment qu'il n'existe pas un droit absolu d'accès au dossier administratif. En particulier, les entreprises ne peuvent avoir un droit d'accès ni aux documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles ni aux documents internes de la Commission. Dans ces conditions, ce serait à juste titre que n'ont pas été divulgués aux entreprises les documents commerciaux émanant de chacune d'elles.

1006.
    La Commission relève que la distinction entre documents à charge et à décharge est déterminante. Tandis que l'éventuel défaut d'accès à des documents à charge n'entraînerait que l'élimination de ces documents en tant que moyen de preuve (arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, précité, point 71), le défaut

d'accès à des documents à décharge aurait pour conséquence l'illégalité de la décision, le Tribunal ne pouvant régulariser la violation des droits de la défense intervenue au stade de la procédure administrative (arrêt du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98).

1007.
    Toutefois, afin de déterminer s'il existe des pièces à décharge dans les documents non divulgués, il ne suffirait pas d'affirmer qu'une telle possibilité existe, mais il conviendrait de procéder à une sorte d'examen de plausibilité. Or, en l'absence des circonstances propres aux arrêts précités du 29 juin 1995 dans les affaires T-30/91 et T-36/91, à savoir, d'une part, la constatation d'infractions reposant sur des comportements parallèles, et non sur des preuves directes, et, d'autre part, le fait que les entreprises concernées au titre de l'article 85 du traité s'étaient vu en outre reprocher un abus de position dominante, rien n'indiquerait que, dans les pièces non communiquées, il ait pu se trouver des documents éventuellement à décharge.

1008.
    La Commission conclut que le seul défaut de communication de pièces lors de la procédure administrative ne peut, en lui-même, conduire à l'annulation de la Décision.

Appréciation du Tribunal

1009.
    A titre liminaire, il convient de relever que Montedison n'a pas, dans sa requête, soulevé de moyen relatif à l'accès au dossier.

1010.
    Il est constant entre les parties que, lors de la procédure administrative, la Commission n'a octroyé l'accès qu'à une partie de son dossier administratif. Ainsi, outre les documents issus de ses propres services, chaque requérante a disposé de l'ensemble des pièces sur lesquelles la Commission appuyait ses conclusions et d'une série d'autres documents, adressés par lettre du 3 mai 1988.

1011.
    L'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs. L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense. Or, le respect de ces droits dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé en toutes circonstances, même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif. Le respect effectif de ce principe exige que l'entreprise ait été mise en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 59, ICI/Commission, T-36/91, précité, point 69, ICI/Commission, T-37/91, précité, point 49, et la jurisprudence citée).

1012.
    A ce titre, dans le cadre de la procédure contradictoire organisée par le règlement n° 17, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les documents utiles à la défense (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 81, et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 91). Eu égard au principe général d'égalité des armes, il ne saurait être admis que la Commission puisse décider seule d'utiliser ou non des documents contre les requérantes, alors que celles-ci n'y ont pas eu accès et n'ont donc pas pu prendre la décision correspondante de les utiliser ou non pour leur défense (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 83, et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 93).

1013.
    En outre, une éventuelle violation des droits de la défense a un caractère objectif et ne dépend pas de la bonne ou de la mauvaise foi des fonctionnaires de la Commission (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 84, et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 94).

1014.
    Par ailleurs, la défense d'une entreprise ne peut pas dépendre de la bonne volonté d'une autre entreprise qui est censée être sa concurrente et contre laquelle des reproches similaires ont été soulevés par la Commission. L'instruction corrected'une affaire de concurrence étant à la charge de la Commission, celle-ci ne peut la déléguer aux entreprises dont les intérêts économiques et procéduraux sont souvent opposés. En conséquence, il est sans pertinence, au regard de la violation des droits de la défense, que les entreprises mises en cause aient été autorisées à procéder à un échange de documents. En effet, une telle coopération des entreprises, par ailleurs aléatoire, ne peut en aucun cas éliminer le devoir de la Commission de garantir elle-même, pendant l'instruction d'une infraction au droit de la concurrence, le respect des droits de la défense des entreprises concernées (arrêt Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 85 et 86, et ICI/Commission, T-36/91, précité, points 95 et 96).

1015.
    Toutefois, ainsi que la Commission l'a souligné, l'accès au dossier ne saurait s'étendre aux documents internes de l'institution, aux secrets d'affaires d'autres entreprises et aux autres informations confidentielles (arrêt BPB Industries et British Gypsum/Commission, point 29).

1016.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon un principe général qui s'applique pendant le déroulement de la procédure administrative et dont l'article 214 du traité et diverses dispositions du règlement n° 17 constituent l'expression, les entreprises ont droit à la protection de leurs secrets d'affaires. Toutefois, ce droit doit être mis en balance avec la garantie des droits de la défense (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 88, et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 98).

1017.
    Dans ces conditions, la Commission ne saurait se référer, de manière générale, à la confidentialité pour justifier le refus total de divulgation des pièces de son

dossier. En l'espèce, elle ne soutient d'ailleurs pas sérieusement que l'intégralité des informations contenues dans ces pièces étaient couvertes par la confidentialité. Dès lors, la Commission était en mesure de préparer, ou de faire préparer, une version non confidentielle des documents en cause ou, le cas échéant, si cela s'avérait difficile, d'établir une liste des documents concernés suffisamment précise pour permettre à l'entreprise de déterminer, en connaissance de cause, si les documents décrits étaient susceptibles d'être pertinents pour sa défense (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 89 à 95, et ICI/Commission, T-36/91, points 99 à 105).

1018.
    En l'espèce, force est de constater qu'aucune version non confidentielle des documents en cause n'a été préparée. Par ailleurs, si la Commission a effectivement fourni aux requérantes une liste des documents que contenait son dossier, cette liste ne présentait aucune utilité pour les requérantes. En effet, elle se bornait à indiquer l'entreprise dont étaient issues, de manière globale, les pages correspondantes du dossier administratif.

1019.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que, lors de la procédure administrative dans la présente affaire, la Commission n'a pas régulièrement donné accès au dossier aux requérantes.

1020.
    Toutefois, cette circonstance ne saurait, en elle-même, conduire à l'annulation de la Décision.

1021.
    En effet, une violation alléguée des droits de la défense doit être examinée en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce, en ce qu'elle dépend essentiellement des griefs retenus par la Commission pour établir l'infraction reprochée à l'entreprise concernée. Ainsi, il s'agit de vérifier si les possibilités de défense de la requérante ont été affectées par les conditions dans lesquelles elle a eu accès au dossier administratif de la Commission. A cet égard, pour constater une violation des droits de la défense, il suffit qu'il soit établi que la non-divulgation des documents en question a pu influencer, au détriment de la requérante, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 60 et 68, et ICI/Commission, T-36/91, précité, points 70 et 78; voir également, dans le domaine des aides d'État, arrêt du 11 novembre 1987, France/Commission, point 13).

1022.
    Si tel était le cas, la procédure administrative serait viciée et la Décision devrait être annulée. En effet, la violation des droits de la défense intervenue au stade de la procédure administrative ne saurait être régularisée lors de la procédure devant le Tribunal, qui se limite à un contrôle juridictionnel dans le seul cadre des moyens soulevés et qui ne peut donc pas remplacer une instruction complète de l'affaire dans le cadre d'une procédure administrative. En effet, si les requérantes avaient pu se prévaloir, lors de la procédure administrative, des documents susceptibles de les disculper, elles auraient éventuellement pu influencer les appréciations portées

par le collège des membres de la Commission (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98, et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 108).

1023.
    Par lettre du 7 mai 1997, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure et sous réserve de l'appréciation des moyens invoqués par les requérantes, le Tribunal a décidé d'accorder à chacune d'entre elles l'accès au dossier de la Commission, à l'exception des documents internes de la Commission et de documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles. Il a invité les parties à lui faire connaître toute information confidentielle qui pourrait subsister dans le dossier. Enfin, les requérantes qui le souhaitaient ont été invitées à présenter, pour le 31 juillet 1997, des observations précises, motivées et aussi brèves que possible, en vue de démontrer en quoi, selon elles, le défaut de communication de ces pièces avait pu affecter leur défense. Les requérantes devaient soumettre une copie des pièces auxquelles elles se référeraient.

1024.
    Aucune des requérantes n'a soulevé de problème de confidentialité.

1025.
    Afin de tenir compte des délais nécessaires à la Commission pour s'assurer auprès d'entreprises tierces que des pièces issues de celles-ci ne seraient pas couvertes par la confidentialité, et en considération de la demande du conseil de BASF, fondée sur d'impérieux motifs personnels, le Tribunal a prorogé le délai octroyé aux requérantes pour déposer leurs observations sur les pièces qu'elles avaient consultées jusqu'au 31 août 1997, puis jusqu'au 22 septembre 1997.

1026.
    Ainsi qu'il a déjà été relevé, seules Wacker et Hoechst n'ont pas répondu à l'invitation du Tribunal et n'ont donc pas déposé d'observations au greffe du Tribunal. A l'audience, le conseil de ces deux requérantes a indiqué que des contraintes personnelles l'avaient empêché de consulter le dossier de la Commission et de déposer des observations. Toutefois, le Tribunal constate qu'il n'a, à aucun moment, été saisi d'une demande de prorogation de délai à ce titre et que Wacker et Hoechst n'ont, à aucun moment, déposé d'observations. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que ces deux requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que l'absence de communication de pièces pendant la procédure administrative a violé leurs droits de la défense.

1027.
    La Commission a déposé ses observations le 12 décembre 1997.

1028.
    En outre, ainsi qu'il a déjà été relevé, Montedison n'avait pas soulevé de moyens relatifs à l'accès au dossier administratif. Dès lors, il n'y a pas lieu de tenir compte des observations déposées par cette requérante.

1029.
    Il convient, dans ces conditions, d'examiner la portée des observations présentées par les neuf autres requérantes à la suite de la mesure d'organisation de la procédure décidée par le Tribunal.

B — Sur les observations déposées dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure

Arguments des requérantes

1030.
    Les neuf requérantes qui ont valablement soumis des observations ont produit une série de pièces dont le défaut de divulgation aurait pu, selon elles, affecter leurs droits de la défense.

1031.
    Certaines requérantes soulignent que non seulement la Commission ne leur a pas donné accès au dossier lors de la procédure administrative, mais qu'en outre elle avait délibérément obscurci certains passages des pièces qu'elle avait communiquées. Or, ces passages comporteraient des commentaires qui auraient pu soutenir les thèses des requérantes.

1032.
    Certaines requérantes font valoir également que, compte tenu du temps écoulé, il n'est plus possible de procéder à un examen effectif des pièces qu'elles ont pu consulter.

1033.
    D'autres enfin observent que les pièces auxquelles elles se réfèrent suffisent déjà à démontrer en quoi leurs droits de la défense ont pu être affectés, mais que d'autres documents auraient pu également être produits pour soutenir cette conclusion.

1034.
    DSM et LVM demandent par ailleurs au Tribunal d'ordonner la production des comptes rendus de vérifications opérées par la Commission au siège des entreprises.

Appréciation du Tribunal

1035.
    A titre liminaire, il y a lieu de relever que le présent contrôle a pour objet de vérifier si le défaut de divulgation de pièces ou d'extraits de pièces a pu affecter les possibilités de défense des requérantes. La circonstance que des passages de pièces, révélés depuis lors, avaient été initialement obscurcis par la Commission lors de la procédure administrative ne modifie pas la portée du contrôle opéré par le Tribunal. A cet égard, il convient de rappeler qu'une éventuelle violation des droits de la défense a un caractère objectif et ne dépend pas de la bonne ou de la mauvaise foi des fonctionnaires de la Commission.

1036.
    Par ailleurs, les requérantes ont disposé d'un délai de près de trois mois pour consulter le dossier de la Commission et déposer leurs observations. Dès lors qu'il

appartient aux entreprises qui se sont prévalues d'un accès incomplet au dossier administratif de démontrer en quoi leurs droits de la défense auraient été affectés, ce pour quoi elles ont disposé d'un délai suffisant, il y a lieu de ne prendre en compte que les pièces qu'elles ont produites. Les requérantes ne peuvent utilement se limiter à se référer à l'absence d'exhaustivité des documents qu'elles ont identifiés dans leurs observations et joints à celles-ci.

1037.
    Enfin, l'examen auquel il doit être procédé présente un caractère objectif, au regard des conclusions retenues par la Commission dans sa Décision. L'ancienneté des documents en cause ne saurait dès lors constituer un obstacle à la recherche d'une éventuelle violation des droits de la défense.

1038.
    Dans les circonstances de l'espèce, il convient d'examiner simultanément les observations des requérantes.

1039.
    A cet égard, en premier lieu, les requérantes ne sauraient se prévaloir de pièces ou d'extraits de pièces dont elles disposaient déjà lors de la procédure administrative. Tel est en particulier le cas des documents annexés à la communication des griefs ou à la lettre de la Commission du 3 mai 1988. En effet, l'objet même de la mesure d'organisation de la procédure décidée par le Tribunal est d'examiner si des pièces non divulguées aux requérantes lors de la procédure administrative auraient pu, si elles avaient été communiquées, affecter lesconclusions de la Commission. Cette réserve ne s'applique toutefois pas aux pièces déjà communiquées, lorsque les requérantes se prévalent d'extraits qui avaient été occultés. Doivent ainsi être exclues les annexes 9, 10, 11, 15, 21 et 23 aux observations de DSM et de LVM, 4 et 6 à celles d'Elf Atochem, 134 à celles de BASF, 10 à celles de la SAV, 13 à celles d'ICI, 12, 15 et 26 à celles de Hüls, et 9, 26 et 28 à celles d'Enichem.

1040.
    En deuxième lieu, aux fins du présent examen, doivent également être écartés les pièces et extraits de pièces dont se prévalent les requérantes, alors qu'ils concernent une période antérieure à l'origine de l'entente ou postérieure à la date de fin de l'infraction prise en compte par la Commission pour la détermination du montant de l'amende. A cette fin, ce n'est pas la date du document qui importe, mais bien la pertinence de l'extrait invoqué par les requérantes au regard de la période d'infraction. Dans ces conditions, doivent être écartées les annexes 8, 16 à 18 et 23 à 29 aux observations de DSM et de LVM, 2 et 3 à celles d'Elf Atochem, 132 à 138, 141 et 142 à celles de BASF, 1, 2, 6 à 9 et 11 à celles de la SAV, 18, 25, 27 et 34 à celles de Hüls, et 1, 11, 15, 26, 32 (4), 40, 45, 54 (2) et (3) à celles d'Enichem.

1041.
    En troisième lieu, certains documents invoqués par les parties ne concernent pas les griefs formulés par la Commission. Leur défaut de divulgation ne saurait dès lors avoir affecté les possibilités de défense des entreprises. Tel est le cas de documents concernant les marchés des pays tiers (voir Décision, point 39, note de

bas de page n° 1) ou les ventes de produits dérivés (notamment annexes 7 aux observations d'Elf Atochem et 3 et 4 à celles de la SAV).

1042.
    De même, les requérantes mentionnent certains documents faisant état de consignes de prix données oralement; dès lors, cela contredirait la thèse de la Commission selon laquelle le fait même qu'il n'existe pas de consignes écrites, pour plusieurs des producteurs, prouverait que ceux-ci avaient «quelque chose» à cacher. Toutefois, si la Commission a effectivement constaté l'absence de documents sur les prix dans certaines entreprises et contesté qu'aucun objectif de prix n'ait pu être fixé par écrit, elle n'en a pas pour autant conclu que cette absence prouvait la participation de ces entreprises aux initiatives de prix (voir Décision, point 20). Les pièces invoquées par les requérantes à cet égard n'ont donc pas de pertinence. Au demeurant, le Tribunal relève que les requérantes ne font qu'une lecture partielle de ces documents, qui indiquent explicitement que les instructions orales seront complétées par l'envoi de tarifs écrits (en particulier, annexes 30 aux observations de DSM et de LVM et 41 à celles d'Enichem).

1043.
    Il convient dès lors d'examiner les autres pièces produites par les requérantes.

1044.
    D'une façon générale, certaines requérantes soulignent le fait que les documents qu'elles produisent ne font aucune référence à l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée entre les entreprises (annexes 19 et 31 aux observations de DSM et de LVM et 135 à celles de BASF). Toutefois, le silence de documents ne saurait être regardé comme étant de nature à modifier les conclusions de la Commission, fondées sur des preuves documentaires. Tel est en particulier le cas de communiqués de presse ou de lettres adressées par un producteur à ses clients, pour annoncer une augmentation de prix. En effet, on ne peut s'attendre à ce que de tels documents indiquent que cette augmentation intervient en concertation avec d'autres producteurs.

1045.
    De même, les requérantes se réfèrent à trois documents internes de Shell, intitulés «business plans» des 12 juillet 1982, 19 avril 1983 et 4 novembre 1983 et couvrant respectivement les périodes 1982/1986, 1983/1987 et 1984/1987 (annexes 1 à 3 aux observations de DSM et de LVM, et 1 et 2 à celles d'ICI). Indépendamment de la confidentialité qui s'attachait à ces documents à l'époque de la procédure administrative, il y a lieu de relever que le fait que ces documents ne mentionnent pas l'existence d'une infraction à l'article 85 du traité ne saurait être regardé comme susceptible de mettre en cause les preuves documentaires produites par la Commission. Ces documents concernent, par nature, des prévisions de marché pour le futur. Les références à une «pression concurrentielle» prévue ou l'hypothèse («underlying assumption») d'une politique de prix pleinement concurrentielle ne peuvent affecter les conclusions de la Commission fondées sur des documents postérieurs contemporains aux faits reprochés, qui établissent l'existence d'initiatives de prix en 1983 et en 1984, auxquelles Shell a notamment participé.

1046.
    Certaines requérantes relèvent que quelques pièces illustrent la situation de surcapacité du marché, les pertes subies par les producteurs à l'époque des faits et la restructuration de certaines d'entre elles (par exemple, annexes 139 aux observations de BASF et 13 à celles de Hüls).

1047.
    Toutefois, la Commission a pleinement tenu compte de la situation du marché et des entreprises (Décision, points 5 et 36), y compris lors de la détermination du montant de l'amende (Décision, point 52, deuxième alinéa). En outre, il y a lieu de rappeler que ces circonstances ne sont pas de nature, en elles-mêmes, à exclure l'application de l'article 85 du traité (voir ci-dessus point 740).

1048.
    LVM et DSM se prévalent d'un document manuscrit de 1983, qui contenait la transcription des annotations manuscrites portées sur les documents de planification (annexe 6 à leurs observations). Toutefois, elles n'expliquent pas en quoi ces annotations, qui avaient été fournies aux requérantes lors de l'audition devant la Commission en septembre 1988 (voir ci-dessus points 503 à 505), affecteraient le sens des documents de planification.

1049.
    Les requérantes se prévalent ensuite de pièces qui contrediraient directement la valeur probante de celles produites par la Commission à l'appui de ses conclusions.

1050.
    Ainsi, certains documents montreraient que le terme «compensation» n'a pas le sens que lui prête la Commission dans la Décision (notamment annexe 5 aux observations d'Elf Atochem et 11 à celles d'ICI). Toutefois, l'utilisation d'un même terme dans des contextes manifestement différents ne peut être de nature à remettre en cause les conclusions de la Commission. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'existence d'un mécanisme de compensation, tel que la Commission l'a identifié dans la Décision, résulte explicitement des documents partage du fardeau et Alcudia (voir ci-dessus points 588 à 593). C'est également ce qui ressort tant du libellé du document DSM que du rapprochement de ce document avec les deux précédents (voir ci-dessus points 594 à 598).

1051.
    En outre, Elf Atochem renvoie à un document montrant l'évolution des parts de marché de Shell en 1981, ce qui serait incompatible avec un système de compensations entre producteurs (annexe 1 aux observations de la requérante). Toutefois, il ressort de la Décision que Shell était précisément l'unique producteur qui n'a pas participé à ce mécanisme et que la Commission n'a retenu la participation de Shell à l'infraction qu'à compter de 1982.

1052.
    DSM, LVM et Enichem se prévalent également de tableaux joints à la réponse d'ICI à une demande de renseignements (annexes 37 aux observations de DSM et de LVM et 37 à 39 à celles d'Enichem). Si cette réponse du 5 juin 1984 était jointe en annexe 4 à la communication des griefs, en revanche, les tableaux en cause, comportant les prix cibles internes d'ICI de septembre 1980 à décembre 1983, par marché national, avaient été supprimés. Or, les requérantes soulignent que ces

tableaux révèlent l'existence de prix cibles distincts de ceux identifiés par la Commission dans sa Décision. Ces différences remettraient en cause le caractère concerté des initiatives de prix.

1053.
    Toutefois, il convient de rappeler que les tableaux en question avaient été établis aux fins de la procédure de constatation de l'infraction. La circonstance qu'ICI affirme qu'il s'agissait d'initiatives de prix internes de l'entreprise ne peut dès lors être de nature à affecter les conclusions de la Commission au regard des pièces qu'elle a produites. Indépendamment de la question des taux de change utilisés par Enichem pour convertir en marks allemands — monnaie dans laquelle les initiatives sont libellées dans les tableaux joints à la Décision — les prix cibles déclarés par ICI — qui étaient libellés en monnaie nationale —, il y a lieu de relever que les requérantes ignorent les commentaires et réserves qu'ICI avait elle-même formulés en préambule à ces tableaux. Ainsi ICI indiquait-elle, d'une part, que les prix étaient ceux pratiqués à l'égard de clients de «second rang», d'autre part, que l'absence d'indication d'une initiative de prix pour un mois donné ne signifiait pas qu'il n'y en ait pas eu, mais qu'il n'en existait plus de traces écrites. De fait, il apparaît que ces tableaux ne mentionnent pas des initiatives de prix qui ressortent pourtant explicitement des documents issus de cette entreprise et annexés à la communication des griefs. En outre, les différences relevées par Enichem reposent sur l'indication, par ICI, des prix aux clients de «second rang», mais sont contredites si l'on tient compte des prix aux clients principaux, tels qu'ils sont indiqués dans les annexes à la communication des griefs.

1054.
    Hüls invoque une lettre d'ICI du 7 mars 1983, qui remettrait en cause l'interprétation donnée à l'annexe P45 à la communication des griefs, du 6 avril 1983, relative à l'initiative de prix, en deux temps, des 1er avril et 1er mai 1983 (annexe 11 aux observations de Hüls). En effet, cette lettre montrerait qu'ICI a fixé ses prix de manière individuelle, en fonction notamment de l'état de la demande sur le marché, en courant le risque d'une perte de clients.

1055.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que l'existence de l'initiative commune en cause a été établie au vu de plusieurs pièces (notamment annexes 42 et P42 à P53 à la communication des griefs), et non de la seule pièce P45. En outre, la Commission a établi l'existence d'une réunion entre producteurs à Paris le 2 mars 1983, au cours de laquelle ont été discutés tant les volumes de ventes que le niveau des prix. Par ailleurs, Hüls a également produit un telex d'ICI du 4 mars 1983 (annexe 10 aux observations de cette requérante), d'où il ressort qu'ICI a décidé une action ferme destinée à porter les prix à 1,50 DM/kg à compter du 1er avril. Ainsi, deux jours après la réunion de Paris, ICI a décidé une augmentation de prix dont la date et le niveau correspondent à ceux de l'initiative identifiée par la Commission dans la Décision. Enfin, un autre télex d'ICI du début mars 1983 (annexe 19 aux observations de Hüls) se réfère non seulement à l'initiative de prix du 1er avril 1983, mais également à celle du 1er mai 1983 destinée à porter le prix à un niveau minimal de 1,65 DM/kg. Ceci doit être rapproché également de

l'annexe P43 à la communication des griefs, non datée mais, au vu de son contenu, antérieure au lundi 7 mars 1983. Or, ce document indiquait déjà la décision d'une initiative de prix à compter du 1er avril et du 1er mai 1983, avec mention des prix cibles.

1056.
    Dans ces conditions, la lettre d'ICI du 7 mars 1983, signée par le représentant d'ICI aux réunions entre producteurs, loin d'affecter les conclusions de la Commission, les conforte au contraire. Si l'auteur s'interroge sur les chances de succès de cette initiative, compte tenu de l'échec de l'initiative précédente du 1er janvier 1983, qui a été également identifiée par la Commission dans la Décision, ceci ne remet pas en cause le fait qu'elle était le résultat d'une concertation entre les producteurs intervenue cinq jours plus tôt à Paris.

1057.
    DSM, LVM (annexe 30 à leurs observations respectives) et Hüls (annexe 20 à ses observations) se prévalent également d'un document d'ICI du 19 avril 1983, qui établirait que cette entreprise n'a été informée de l'initiative de prix qu'au vu desinformations obtenues sur le marché. Toutefois, les requérantes ignorent le fait que dès les premiers jours du mois de mars, c'est-à-dire immédiatement après la réunion des producteurs du 2 mars 1983 à Paris, ICI était déjà informée de la date et du niveau de l'initiative du 1er mai 1983 (voir ci-dessus point 1055). Le document du 19 avril 1983 renvoie d'ailleurs lui-même à une précédente lettre du 10 mars 1983.

1058.
    Enichem produit en outre une série de pièces qui remettraient en cause la conclusion de la Commission selon laquelle les initiatives étaient fixées en marks allemands pour être ensuite converties en monnaie nationale. Cette discussion n'a toutefois pas de portée. D'une part, il ressort des annexes P1 à P70 que les prix cibles européens étaient effectivement convenus en marks allemands. La requérante s'est d'ailleurs elle-même prévalue d'extraits de nombreux documents qui confirment cet état de fait (par exemple, annexes 2 et 36 à ses observations). D'autre part, il est évident que, en vue de leur mise en oeuvre, ces prix devaient être convertis en monnaie nationale. Enfin, la Commission n'a jamais prétendu que les initiatives de prix avaient eu pour effet d'assurer que les prix effectivement pratiqués sur chaque marché national soient identiques.

1059.
    Certaines pièces montreraient que les entreprises étaient informées par leurs clients ou la presse professionnelle des initiatives de prix des autres producteurs (annexes 31 et 33 aux observations de DSM et de LVM, 140 à celles de BASF, 9 et 33 à celles de Hüls, 3 à 6 et 10 à 12 à celles d'Enichem). Toutefois, ces pièces ne permettent pas de déduire que les entreprises n'auraient été informées que par ces voies de l'existence d'une initiative de prix. En revanche, elles sont en cohérence avec l'idée selon laquelle les requérantes cherchaient à vérifier, auprès des clients ou à travers la presse professionnelle, si les concurrents avaient effectivement annoncé une augmentation des prix et s'ils l'avaient mise en oeuvre à la date prévue — ce qui ressortait également de pièces déjà communiquées dans les annexes

P1 à P70. Compte tenu du fait que ces initiatives n'étaient souvent pas suivies au niveau requis, cette information permettait surtout à chacun de s'assurer des suites d'une initiative et d'adopter sa politique au regard de la réussite ou de l'échec, total ou partiel, d'une initiative.

1060.
    Les autres pièces invoquées par les requérantes tendraient à démontrer la vive concurrence que connaissait le marché du PVC pendant la période d'infraction, ce qui serait tout à fait incompatible avec les conclusions de la Commission. En particulier, les requérantes se réfèrent à des documents qui identifient des concurrents «agressifs», ou encore qui soulignent la présence de conditions économiques favorables ou non à une augmentation des prix, ce qui signifierait bien que les initiatives n'étaient pas concertées, mais décidées unilatéralement au vu de l'état du marché.

1061.
    Ces pièces ne visent pas à remettre en cause directement d'autres fournies par la Commission à l'appui de ses conclusions, mais à démontrer l'existence d'une vive concurrence incompatible avec celles-ci.

1062.
    Toutefois, il ressort de la Décision que ces circonstances ont été pleinement prises en compte. Ainsi la Commission ne prétend-elle pas que les prix aient connu une augmentation constante durant la période d'infraction, ni même qu'ils soient restés stables au cours de cette période. Bien au contraire, les tableaux annexés à la Décision montrent que les prix n'ont cessé de fluctuer, atteignant leur plus bas niveau au premier trimestre de 1982. La Commission a ainsi explicitement reconnu que les initiatives de prix avaient connu un succès mitigé et qu'elles étaient parfois considérées comme des échecs (Décision, points 22 et 36 à 38). Elle a également indiqué certaines des raisons de ces résultats: outre les éléments extérieurs aux producteurs (achats anticipés des consommateurs, importations de pays tiers, chute de la demande, en particulier en 1981 et en 1982, rabais spéciaux...), elle a relevé que certains producteurs ont parfois donné une préférence à leurs volumes de ventes au détriment des prix (Décision, points 22 et 38) et que, compte tenu des caractéristiques du marché, il aurait été vain de tenter des initiatives de prix concertées si les conditions n'avaient pas été propices à une majoration (Décision, point 38). La Commission n'a en outre pas ignoré l'existence de comportements «agressifs» de certaines entreprises (Décision, point 22). De même, elle a souligné que les documents partage du fardeau, Alcudia et DSM, s'ils attestent l'existence d'un mécanisme de compensation entre producteurs, permettent également de conclure que ces mécanismes n'ont pas correctement fonctionné (Décision, point 11). C'est au regard de l'ensemble de ces considérations que la Commission a déterminé le montant de l'amende infligée aux requérantes.

1063.
    Au demeurant, il convient de relever que tant les annexes P1 à P70 que les documents envoyés par la Commission aux parties en mai 1988 fournissaient déjà une base documentaire abondante permettant aux requérantes de soutenir, comme

elles l'ont d'ailleurs fait, l'existence des circonstances dont elles se prévalent aujourd'hui.

1064.
    Il importe enfin de relever que, au-delà des extraits dont se prévalent les requérantes, certaines des pièces produites, lues dans leur ensemble ou en liaison avec les pièces annexées à la communication des griefs, confortent au contraire les conclusions de la Commission.

1065.
    Ainsi, il apparaît que des concurrents dénoncés comme agressifs à une date donnée soutenaient au contraire l'initiative de prix précédente ou suivante. Ainsi ICI se prévaut-elle d'un document de Shell de juillet 1982, dans lequel elle est décrite comme un probable concurrent agressif (annexe 4 à ses observations); pourtant, l'annexe P37 à la communication des griefs, issue d'ICI, témoigne du fort soutien apporté par cette entreprise à l'initiative de prix de septembre 1982. Une constatation identique ressort du rapprochement de l'annexe 12 aux observations d'ICI avec les annexes P38 et P40 à la communication des griefs. En ce qui concerne DSM, la même conclusion ressort, notamment, des annexes P5, P13, P28 et P41 à la communication des griefs.

1066.
    De même, par exemple, dans une note interne de Wacker, du 7 juin 1982 (annexes 7 aux observations de Shell, 5 à celles de la SAV, et 14 à celles d'ICI), l'auteur, après avoir souligné la chute des prix catastrophique, indique — extrait dont se prévalent les requérantes: «Gain de parts de marché [en Allemagne, pour la période de janvier à mai 1982] important: Shell et Enoxy; gain de parts de marché moyen: DSM, [la] SAV, PCUK; pertes au dessus de la moyenne, outre Wacker: Hoechst, Orgavyl et CWH, ainsi que BASF.» Toutefois, à la ligne suivante, l'auteur poursuit: «Depuis mai, des efforts sont en cours en vue d'assainir les prix du PVC homopolymère.» Ces efforts, prétendument individuels dans un marché concurrentiel, consistaient à fixer, pour le 1er mai 1982, un prix cible supérieur de 35 % au prix du marché, puis, pour le 1er juin 1982, un prix cible supérieur de plus de 10 % à la cible précédente (soit respectivement des prix de 1,35 DM/kg et de 1,50 DM/kg, correspondant au montant des prix cibles identifiés par la Commission à ces dates). Ceci est à rapprocher de l'annexe P25 à la communication des griefs, également issue de Wacker, dans laquelle l'auteur, en dépit de cette hausse substantielle dans le contexte concurrentiel décrit par les requérantes, ajoute: «Le chiffre des quantités vendues devrait être bon en mai.» De même, l'auteur de l'annexe P23 à la communication des griefs, après avoir constaté la chute des prix en avril à un niveau de 1 DM/kg, indique: «Le glissement des prix a été arrêté à la fin du mois, en raison de l'annonce d'une augmentation générale des prix européens à 1,35 DM/kg au 1er mai.» Enfin, le Tribunal relève que tant la note de Wacker du 3 mars 1982, communiquée par la Commission aux parties le 3 mai 1988, que l'annexe P25 à la communication des griefs, permettaient de soutenir le même argument que celui invoqué par les requérantes au vu de la note de Wacker du 7 juin 1982.

1067.
    De même, une note de Solvay du 22 mars 1983 (annexe 43 aux observations d'Enichem), après avoir souligné la situation préoccupante en matière de prix et l'agressivité de certains producteurs, comporte le commentaire suivant: «Aujourd'hui nous sommes, encore une fois, à la veille d'une tentative de hausse des prix.» Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission a identifié, au vu de documents émanant d'autres entreprises, une initiative intervenue le 1er avril 1983. Le document en cause comporte de surcroît une mention des initiatives de mai, de juin et de septembre 1982, toutes trois identifiées par la Commission dans sa Décision.

1068.
    Enfin, un grand nombre de documents produits par les requérantes comportent une référence explicite à des «initiatives de prix» dont les dates et les niveaux correspondent exactement à celles identifiées par la Commission dans la Décision.

1069.
    Shell se prévaut également de documents d'ICI qui confirmeraient, ce qu'elle a toujours soutenu, que, compte tenu de son rôle de société de services, elle n'était pas en mesure d'imposer un quelconque comportement aux sociétés de ventes du groupe dans les différents États membres (annexes 2 et 3 aux observations de Shell). Toutefois, cette circonstance ressort explicitement de la Décision (point 46), même si la Commission a néanmoins considéré que la requérante devait être destinataire de la Décision, notamment au vu du fait qu'elle était l'entité qui assurait le contact avec l'entente. A ce titre, il convient de relever que, dans l'une de ces pièces (annexe 3 aux observations de Shell), qui constitue un compte rendu de réunion entre ICI et Shell, celle-ci a indiqué «quel est désormais le chemin qu'ICI doit suivre à l'intérieur de Shell» afin de parvenir à la coordination au sein du groupe.

1070.
    Aucun document n'a été produit en ce qui concerne spécifiquement les réunions entre producteurs et le mécanisme de surveillance des ventes.

1071.
    Il y a lieu de relever enfin que les compte rendus de vérifications opérées au siège des entreprises, dont certaines requérantes demandent la production, sont des documents internes de la Commission. En tant que tels, ils ne sont pas accessibles aux requérantes (voir ci-dessus point 1015). La circonstance que deux de ces compte rendus ont néanmoins été divulgués ne saurait affecter cette conclusion.

1072.
    En ce qui concerne ces deux compte rendus, eu égard au fait qu'ils n'auraient pas en tout état de cause été fournis, à juste titre, lors de l'accès au dossier s'il avait été effectué en 1988, ils doivent être écartés, indépendamment de leur contenu. Au demeurant, ces documents, rédigés le lendemain ou dans les jours qui ont suivi la vérification opérée les 20 et 21 janvier 1987 dans les locaux de BASF, d'où il ressort qu'aucun indice d'une pratique concertée n'a pu être découvert, ne sont pas de nature à remettre en cause la valeur probante des pièces réunies par la Commission à l'appui de ses conclusions finales.

1073.
    Par ailleurs, sans formellement en demander la production, Hüls et Enichem ont relevé que, au-delà des documents internes de la Commission et de pièces pour lesquelles la confidentialité n'avait pas été levée par l'entreprise dont ils émanaient, quelques pages du dossier n'ont pas été communiquées aux requérantes. Est ainsi en cause, une demande de renseignements adressée à la société Kemanord lors de la procédure d'enquête; une telle demande ne saurait, par nature, comporter un quelconque élément utile à la défense des requérantes. Les autres documents consistent en des lettres ou pages de couverture de télécopie adressées à la Commission par des entreprises tierces ou vice-versa. Ainsi que la Commission l'a souligné, à défaut d'avoir obtenu de ces entreprises une levée de confidentialité, il ne lui appartenait pas de dévoiler ces documents. Au demeurant, aucun indice ne laisse supposer que ces pièces aient pu présenter une quelconque utilité dans lecadre du présent examen. Enichem a également souligné l'existence d'une lettre de Wacker qui n'aurait pas été communiquée. Toutefois, il ressort de la lettre de la Commission au greffe du Tribunal du 17 juillet 1997 que cette pièce était et demeurait à la disposition des requérantes.

1074.
    Ainsi, il résulte de l'examen exhaustif des pièces invoquées par les requérantes, auquel le Tribunal a procédé, qu'aucune d'entre elles n'établit que le déroulement de la procédure et la Décision aient pu être influencés, à son détriment, par le défaut de divulgation d'un document dont elle aurait dû avoir connaissance.

1075.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, les moyens exposés par les requérantes relatifs à l'accès au dossier administratif de la Commission doivent être rejetés.

Sur les amendes

1076.
    Toutes les requérantes ont soulevé des conclusions subsidiaires, tendant à l'annulation des amendes infligées ou à la réduction de leur montant. Leur argumentation comporte cinq branches. En premier lieu, elles se prévalent de moyens tirés de l'écoulement du temps et des règles relatives à la prescription, telles qu'elles ressortent du règlement n° 2988/74 (I). En second lieu, elles invoquent une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (II). En troisième lieu, elles reprochent une insuffisance de motivation (III). En quatrième lieu, elles font valoir que la Commission a commis certaines erreurs d'appréciation (IV). En dernier lieu, elles soutiennent que certains principes généraux du droit communautaire ont été violés (V).

I — Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps et de la prescription

1077.
    A l'appui des conclusions en annulation des amendes ou en réduction de leur montant, les requérantes soulèvent tout d'abord des moyens identiques à ceux exposés à l'appui des conclusions en annulation de la Décision (voir ci-dessus points 100 à 119), tirés de l'écoulement du temps.

1078.
    Pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées (voir ci-dessus points 120 à 136), ces moyens doivent être rejetés.

1079.
    Il convient dès lors d'examiner les moyens relatifs à la violation du règlement n° 2988/74.

Arguments des requérantes

1080.
    Les requérantes soutiennent que le pouvoir d'infliger des amendes était prescrit, en application du règlement n° 2988/74. A cet égard, elles font valoir les huit arguments suivants.

1081.
    En premier lieu, selon BASF, les différentes étapes de la procédure administrative qui ont précédé l'adoption de la décision de 1988 n'ont pas pu interrompre la prescription, puisque leurs effets ont été anéantis par l'arrêt du 15 juin 1994.

1082.
    En second lieu, trois requérantes soutiennent que, à leur égard, les faits étaient déjà prescrits, au moins partiellement, lors de l'adoption de la décision de 1988. Montedison et Hüls observent ainsi que, puisque le premier acte interrompant la procédure à leur encontre date, pour l'une, de novembre 1987, pour l'autre, de décembre 1987, les faits antérieurs à, respectivement, novembre 1982 et décembre 1982, seraient prescrits. Afin d'attester que, au 1er novembre 1982, elle n'était plus en contact avec l'entente, Montedison conclut à ce qu'il plaise au Tribunal entendre en qualité de témoins, l'administrateur délégué et le dirigeant responsable de sa filiale Montedipe qui étaient en fonction le 1er novembre 1982. DSM soutient que, puisqu'elle a quitté le marché en janvier 1983, les faits étaient prescrits dès janvier 1988.

1083.
    En troisième lieu, selon BASF et ICI, la décision de 1988 n'est pas un acte susceptible d'interrompre la prescription au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74; elle a, en toute hypothèse, été annulée et ne produirait donc aucun effet de droit, y compris en matière de prescription.

1084.
    En quatrième lieu, selon LVM, BASF, DSM, ICI et Hüls, les recours formés contre la décision de 1988 n'ont pas suspendu la prescription. En effet, une décision constatant une infraction et infligeant une amende ne serait pas visée par l'article 3 du règlement n° 2988/74.

1085.
    En cinquième lieu, selon ICI et Hüls, même si les recours formés contre une décision constatant une infraction et infligeant une amende sont susceptibles de suspendre la prescription, tel ne serait pas le cas des recours formés contre la décision de 1988. En effet, le délai écoulé ne serait imputable qu'à la Commission, seule responsable de la nullité de la décision de 1988.

1086.
    En sixième lieu, selon LVM et DSM, si le recours formé contre la décision de 1988 a suspendu la prescription, il en découlerait une discrimination entre Solvay et Norsk Hydro, d'une part, et les autres entreprises, d'autre part. En effet, la décision de 1988, annulée erga omnes par la Cour, ne pourrait plus être exécutée à l'égard des deux premières entreprises.

1087.
    En septième lieu, selon LVM, DSM et ICI, le recours de Solvay formé à l'encontre d'une demande de renseignements, qui a donné lieu à l'arrêt du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précité, n'a pas pu suspendre la prescription à l'égard des autres entreprises.

1088.
    En dernier lieu, selon LVM, BASF, DSM et ICI, compte tenu du délai absolu de prescription édicté à l'article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 2988/74, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes était en toute hypothèse prescrit lorsque celle-ci a adopté la Décision, le 27 juillet 1994.

Appréciation du Tribunal

1089.
    Il résulte de l'article 1er du règlement n° 2988/74 que le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes est soumis à un délai de prescription de cinq ans en ce qui concerne les infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité. La prescription court à compter du jour où l'infraction a été commise ou, pour les infractions continues ou continuées, à compter du jour où l'infraction a pris fin. Elle est toutefois susceptible d'être interrompue et suspendue, conformément, respectivement, aux articles 2 et 3 du règlement n° 2988/74.

1090.
    Ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus points 183 à 193), la validité des actes préparatoires antérieurs à l'adoption de la décision de 1988 n'a pas été mise en cause par l'annulation de cette décision par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994. Par conséquent, ces actes ont effectivement interrompu la prescription, au sens de l'article 2 du règlement n° 2988/74.

1091.
    En l'espèce, il ressort de la Décision (point 6) que des vérifications ont été opérées, les 21, 22 et 23 novembre 1983, dans les locaux d'ICI et de Shell et, le 6 décembre 1983, dans ceux de DSM. Une demande de renseignements écrite a été adressée à ICI par décision du 30 avril 1984. Des vérifications ont été opérées les 20 et 21 janvier 1987 dans les locaux, notamment, d'Atochem, d'Enichem et de Solvay, puis, ultérieurement en 1987, dans ceux de Hüls, de Wacker et de LVM. Enfin, la communication des griefs a été notifiée aux entreprises le 5 avril 1988.

1092.
    Or, en premier lieu, chacun de ces actes a interrompu la prescription, conformément à l'article 2, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous d), du règlement n° 2988/74. En second lieu, la prescription court à nouveau à partir de chaque interruption, conformément à l'article 2, paragraphe 3, première phrase, de ce règlement. En troisième lieu, cette interruption vaut à l'égard de toutes les

entreprises ayant participé à l'infraction, conformément à l'article 2, paragraphe 2, du règlement.

1093.
    Dès lors, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes pour des faits remontant, au plus tôt, au mois d'août 1980, n'était pas prescrit lorsque celle-ci a adopté la décision de 1988. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Montedison d'entendre des témoins.

1094.
    Les requérantes contestent ensuite que les recours formés contre la décision de 1988, auxquels elles étaient toutes parties, aient pu suspendre la prescription.

1095.
    En vertu de l'article 3 du règlement n° 2988/74, «[l]a prescription en matière de poursuites est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice des Communautés européennes».

1096.
    Les requérantes considèrent que le terme «décision» utilisé à cet article 3 désigne les actes énumérés à l'article 2 de ce règlement. La décision finale constatant une infraction et infligeant une amende n'étant pas visée par cette énumération, les recours formés contre la décision de 1988 n'auraient pas suspendu la prescription.

1097.
    Toutefois, il apparaît que les actes énumérés à l'article 2, paragraphe 1, du règlement, ne constituent pas tous des actes devant être qualifiés de décisions. Tel est en particulier le cas des demandes de renseignements écrites au titre de l'article 11, des mandats de vérification au titre de l'article 14 du règlement n° 17, ou encore de la communication des griefs, qui ne sont que des actes préparatoires. Il ne saurait dès lors être admis que le terme «décision» utilisé à l'article 3 du règlement renvoie aux actes énumérés à l'article 2 de ce règlement.

1098.
    En réalité, l'objet même de cet article 3 est de permettre la suspension de la prescription lorsque la Commission est empêchée d'intervenir pour une raison objective qui ne lui est pas imputable, tenant au fait même qu'un recours est pendant. En effet, une décision de la Commission infligeant une amende ne peut être regardée comme définitive aussi longtemps que court le délai légal pour former un recours à son encontre ou, le cas échéant, qu'un recours est pendant; au terme de ce recours, en cas d'annulation, la Commission peut être amenée à adopter une nouvelle décision. A ce titre, il y a lieu de souligner que les articles 2 du règlement, relatif à l'interruption, et 3, relatif à la suspension, poursuivent des objets différents. Si le premier vise à tirer les conséquences de l'adoption d'actes d'instruction et de poursuite par la Commission, le second vise au contraire à remédier à la situation dans laquelle la Commission se trouve empêchée d'agir.

1099.
    Les requérantes ne peuvent utilement prétendre que, puisque la décision de 1988 a été annulée en raison d'une violation des formes substantielles imputable à la

Commission, les recours formés contre cette décision n'ont pu suspendre la prescription.

1100.
    En effet, l'article 3 du règlement, selon lequel la prescription est suspendue aussi longtemps qu'une procédure est pendante devant la Cour, n'a de sens que si une décision constatant une infraction et infligeant une amende, qui fait l'objet du recours, est annulée. Or, ainsi que l'a relevé la Commission, toute annulation d'un acte qu'elle a adopté lui est nécessairement imputable, en ce sens qu'elle traduit une erreur de sa part. Dès lors, affirmer, comme le font les requérantes, qu'un recours n'a pas pour effet de suspendre la prescription s'il aboutit à reconnaître une erreur imputable à la Commission priverait de tout sens l'article 3 du règlement. C'est le fait même qu'un recours est pendant devant le Tribunal ou la Cour qui justifie la suspension, et non les conclusions auxquelles parviennent ces juridictions dans leur arrêt.

1101.
    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la prescription a été suspendue aussi longtemps que la décision de 1988 faisait l'objet d'une procédure pendante devant le Tribunal et la Cour, à laquelle toutes les requérantes étaient parties. Même s'il ne devait être tenu compte que de la date du dernier recours déposé devant le Tribunal, le 24 avril 1989, et que la période écoulée entre la date du prononcé de l'arrêt du Tribunal et celle de la saisine de la Cour ne devait pas être prise en considération, la prescription aurait été suspendue pendant une durée minimale de quatre ans, onze mois et 22 jours. Dès lors, même si, comme le soutiennent les requérantes, la communication des griefs, notifiée le 5 avril 1988, devait être le dernier acte interruptif de prescription, ainsi qu'il ressort de l'article 2, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 2988/74, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes n'était pas prescrit le 27 juillet 1994, date d'adoption de la Décision.

1102.
    Les requérantes font toutefois valoir que, si les recours formés contre la décision de 1988 ont suspendu la prescription, il en résulterait une discrimination entre Solvay et Norsk Hydro, d'une part, et les autres entreprises, d'autre part.

1103.
    Toutefois, cette argumentation repose sur le postulat selon lequel l'annulation de la décision de 1988 par la Cour aurait produit un effet erga omnes. Or, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessus points 167 à 174), tel n'est pas le cas.

1104.
    De surcroît, à supposer même que la thèse des requérantes soit exacte, cela n'affecterait pas la conclusion objective selon laquelle, à leur égard, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes n'était pas prescrit.

1105.
    Quant au délai maximal de prescription de dix ans, tel qu'il ressort de l'article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 2988/74, il y a lieu de rappeler qu'il est prorogé à raison de la période pendant laquelle la prescription a été suspendue

en raison des recours pendants devant le Tribunal et la Cour (article 2, paragraphe 3, in fine, du règlement). Ainsi qu'il a été dit, cette suspension a duré au moins quatre ans, onze mois et 22 jours. Dès lors, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes pour des faits remontant, au plus tôt, au mois d'août 1980, n'était pas non plus prescrit, au regard de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/74, le 27 juillet 1994, date d'adoption de la Décision.

1106.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes n'était pas prescrit lorsqu'a été adoptée la Décision. Dès lors, il n'y a pas lieu de déterminer si l'adoption de la décision de 1988 a également interrompu la prescription ou si le recours formé par Solvay contre une décision de demande de renseignements dont elle était destinataire a suspendu la prescription à l'égard des autres entreprises; en effet, ces éléments, s'ils étaient fondés, ne pourraient que conforter la conclusion que la prescription n'était pas acquise.

II — Sur les moyens tirés de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

1107.
    Les requérantes contestent l'appréciation du caractère délibéré et de la durée de l'infraction. En outre, elles mettent en cause le chiffre d'affaires pris en compte aux fins de la détermination de l'amende. Enfin, elles reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte de certaines circonstances atténuantes.

Sur le caractère délibéré de l'infraction

1108.
    LVM, DSM, Wacker, Hoechst et Enichem contestent que la Commission ait établi l'existence d'une infraction commise de propos délibéré, au sens de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

1109.
    Aux termes de cet article dans sa rédaction en vigueur à la date d'adoption de la Décision, «[l]a Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de mille écus au moins et d'un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence [...] elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, [...] du traité».

1110.
    En l'espèce, il est constant que la Commission n'a retenu que le caractère délibéré de l'infraction, et non la simple négligence (point 51, paragraphe 2, de la Décision).

1111.
    Pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, mais il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt du

Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II-917, point 41).

1112.
    En l'espèce, la gravité intrinsèque de l'infraction répétée à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et en particulier sous a) et sous c), telle que décrite et analysée dans le présent arrêt, révèle que les requérantes n'ont pas agi par imprudence, ni même par négligence, mais bien de propos délibéré.

1113.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

Sur la durée de l'infraction

Arguments des requérantes

1114.
    Les requérantes soutiennent que la Décision devrait être annulée, au moins partiellement, ou l'amende annulée ou réduite, pour divers vices intervenus dans la détermination de la durée de l'infraction (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, précité, points 140 et 141, Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, points 129 et 130, Petrofina/Commission, précité, points 249 et suivants, du 17 décembre 1991, BASF/Commission, précité, points 64 à 72 et 259 à 262, et Dunlop Slazenger/Commission, précité).

1115.
    LVM et DSM reprochent à la Commission de ne pas avoir indiqué de façon suffisamment précise la date de commencement et de cessation de l'infraction reprochée (respectivement points 48 et 54 de la Décision).

1116.
    Plus spécifiquement, compte tenu du fait que la responsabilité de DSM cesse, selon les termes de la Décision, lors de la constitution de LVM, soit le 1er janvier 1983, DSM relève la contradiction que comportent les points 42, 48 et 54 de la Décision sur la date de cessation de l'infraction qui lui est reprochée.

1117.
    Selon Elf Atochem, la Commission n'a pas été en mesure d'apporter la preuve de la durée de l'infraction alléguée. Ni la date de début, ni la date de cessation de l'infraction ne seraient ainsi établies de façon précise.

1118.
    BASF estime qu'il n'existe pas de preuve qu'elle ait adhéré à l'entente dès 1980. Sa participation à l'infraction jusqu'en mai 1984 ne serait pas non plus établie; cette conclusion reposerait en effet sur le tableau Atochem, dont la valeur probante a déjà été contestée. La requérante affirme n'avoir, en toute hypothèse, pas participé à des réunions postérieures à octobre 1983, date des premières vérifications de la Commission dans le secteur du polypropylène. A tout le moins, ceci devrait conduire à une réduction de l'amende.

1119.
    Wacker et Hoechst soutiennent, au stade de la réplique, que la Décision ne comporte pas une motivation suffisante sur l'appréciation de la durée de

l'infraction. En effet, en violation du principe de culpabilité individuelle, la durée de la participation de chaque destinataire de la Décision — à l'exception du cas de Shell et d'ICI, ne serait pas indiquée. En réalité, rien ne démontrerait, en l'espèce, que chacune d'elles ait participé à l'infraction dès le mois d'août 1980, début présumé de l'entente, et jusqu'en mai 1984, date présumée de la fin de l'entente.

1120.
    Montedison relève que la Décision comporte une contradiction de motifs. En effet, la Commission reconnaîtrait, au point 43, dernier alinéa, de la Décision, que la requérante a quitté le marché du PVC au mois de mars 1983. Pourtant, ainsi qu'il ressort des points 26 et 51 de la Décision, la Commission aurait pris en compte la période postérieure à ce mois de mars 1983.

1121.
    Hüls considère que la Décision n'expose pas les motifs qui justifient l'amende infligée. En particulier, la Commission aurait omis de préciser à quelle date la requérante avait commencé à participer à l'entente, et à quelle date elle avait cessé de le faire, se limitant à indiquer une durée de l'entente valable pour la plupart des entreprises. La Commission aurait ainsi méconnu l'obligation de motivation.

1122.
    Dans le cadre d'un moyen relatif au défaut de motivation, Enichem soutient que, en violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission n'a établi ni la durée de l'infraction, ni la durée de la participation de chaque entreprise à l'infraction alléguée.

Appréciation du Tribunal

1123.
    Il convient d'examiner tout d'abord les arguments exposés ci-dessus qui relèvent du seul contrôle du respect de l'obligation de motivation.

1124.
    A cet égard, sous réserve du cas de DSM, qui sera examiné ci-après (points 1127 et suivants), aux points 48 et 54 de la Décision, la Commission a indiqué de façon claire, d'une part, la durée de l'infraction retenue à l'encontre de chacune des requérantes, d'autre part, les pièces ou éléments sur lesquels elle s'appuie pour établir cette durée. Tant les requérantes que le Tribunal sont ainsi en mesure de contrôler le bien-fondé des appréciations de la Commission.

1125.
    En outre, si le règlement n° 17 impose à la Commission de déterminer la durée de l'infraction prise en compte aux fins de la fixation du montant de l'amende, en revanche, il n'impose pas de déterminer à quelle date ultérieure l'infraction a effectivement cessé. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission un défaut de motivation relatif à la date de cessation effective de l'infraction. A ce titre, à supposer que l'infraction ait effectivement cessé, cela ne conduirait pas à l'annulation de l'article 2 de la Décision, mais priverait celui-ci d'effet, pour autant qu'il enjoint aux entreprises de cesser les pratiques reprochées.

1126.
    Dans l'analyse de la durée de l'infraction, la Commission a constaté que Montedison a cédé ses activités à Enichem en mars 1983 (point 43, dernier alinéa, de la Décision). Cette constatation n'est pas contredite par les points 26, quatrième alinéa, et 51, troisième alinéa, de la Décision. En effet, ceux-ci visent des périodes postérieures et ne concernent que les entreprises qui étaient encore actives sur le marché du PVC, et non, à l'évidence, la requérante. Le moyen tiré d'une contradiction de motifs à cet égard doit, dès lors, être rejeté.

1127.
    En ce qui concerne la date retenue pour la fin de la participation de DSM à l'infraction reprochée, il y a lieu de relever que la Décision se réfère au «début de 1983» (point 42, septième alinéa), au mois d'«avril 1983» (point 48, quatrième alinéa) et au «milieu de 1983» (point 54, deuxième alinéa, in fine). S'il est exact que la position de la Commission n'apparaît pas avec clarté, étant toutefois préciséque seuls les points 48 et 54 concernent une question identique, il demeure que la date d'avril 1983 est la seule mentionnée dans la partie de la Décision explicitement consacrée à la «durée de l'infraction».

1128.
    Dans ses écritures dans la présente affaire, la Commission a confirmé qu'elle a pris en compte le mois d'avril 1983, parce qu'il serait inconcevable que le rôle de DSM dans le secteur du PVC ait disparu du jour au lendemain, le 1er janvier 1983.

1129.
    Dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal relève tout d'abord que, par convention du 22 février 1983, EMC Belgique (agissant pour la SAV) et DSM ont transféré leurs activités respectives de production de PVC à LVM, et ce avec effet au 1er janvier 1983.

1130.
    En outre, il ressort de l'annexe P41 à la communication des griefs, qui émane de DSM, que celle-ci «soutiendra la tentative d'augmenter les prix» «à compter du 1er janvier [1983]» et qu'une nouvelle augmentation interviendra si la précédente est couronnée de succès. Cette pièce confirme la thèse de la Commission selon laquelle les décisions prises par DSM avant son retrait du marché ont pu encore produire des effets dans les mois qui ont suivi. La deuxième initiative de prix que la Commission a identifiée en 1983 datant du 1er avril 1983, le Tribunal considère que, aux fins de la détermination de l'amende, les effets de la participation de DSM à l'entente doivent être regardés comme s'étant poursuivis jusqu'à cette date.

1131.
    Dès lors, les moyens tirés de vices de motivation dont serait entachée la Décision en ce qui concerne la durée de l'infraction doivent être rejetés.

1132.
    Certaines requérantes estiment ensuite que la Commission n'a pas apporté la preuve de la durée de leur participation à l'infraction reprochée.

1133.
    Toutefois, ainsi qu'il a été relevé, la Décision comporte une indication suffisamment précise de la durée de l'infraction reprochée à l'encontre de chacune des requérantes et des pièces sur lesquelles la Commission se fonde à cette fin. Or, il

apparaît que les arguments des requérantes tendent à contester la valeur probante de ces pièces, qui a déjà été examinée dans le détail dans le cadre de la partie «En fait» du présent arrêt (points 535 et suivants).

1134.
    Il y a ainsi lieu de rappeler que, dans les documents de planification, diverses entreprises, dont la «nouvelle société française», BASF et Wacker, étaient identifiées comme participants pressentis au nouveau cadre de réunions. Le projet de création d'entente que comportaient ces documents a été mis en oeuvre dès les semaines qui ont suivi, notamment par une initiative de prix générale à compter du 1er novembre 1980, dont l'existence transparaissait dans les documents de planification. En outre, tant ICI que BASF ont admis l'existence de réunions entre producteurs, dont la Commission a déterminé l'objet anticoncurrentiel, à compter d'août 1980. Dans le cas de Hoechst, la Commission a constaté, au point 48, troisième alinéa, de la Décision, que cette entreprise n'était pas citée dans les documents de planification. Toutefois, dès le début de l'année 1981, les tableaux Solvay comportent l'indication des chiffres de ventes de cette requérante pour le marché allemand en 1980.

1135.
    De même, le Tribunal a confirmé la valeur probante du tableau Atochem et la dernière initiative de prix identifiée par la Commission dans la période retenue aux fins de la détermination de l'amende date du 1er avril 1984. Hormis les cas d'ICI et de Shell (voir point 54, troisième alinéa, de la Décision et ci-dessus point 613), toutes les entreprises encore actives dans le secteur du PVC au premier trimestre 1984, dont Elf Atochem, BASF, Wacker et Hoechst, sont identifiées dans le tableau Atochem.

1136.
    Dès lors, au vu de ces éléments, il y a lieu de rejeter les moyens exposés par les requérantes relatifs à la durée de l'infraction.

1137.
    Toutefois, dans le cas de la SAV, il convient de rappeler que les tableaux Solvay ne peuvent être regardés comme probants à l'encontre de cette entreprise (voir ci-dessus point 888).

1138.
    Dans ces conditions, le dernier document permettant d'identifier la requérante comme participant à l'infraction reprochée consiste dans le document Alcudia (voir ci-dessus point 887). Or, le mécanisme de compensation qui y est décrit, de même que dans d'autres documents, ne concerne spécifiquement que la période écoulée au cours du premier semestre de 1981 (voir ci-dessus points 587 à 601).

1139.
    En outre, le Tribunal considère que les documents en matière de prix visés au point 889 ci-dessus ne peuvent, en eux-mêmes, être regardés comme suffisants pour affirmer la participation de la requérante à l'infraction au-delà du premier semestre de l'année 1981. En effet, si ces documents sont susceptibles de constituer un indice supplémentaire pouvant conforter, au vu d'autres pièces, la conclusion qu'une entreprise a participé à l'infraction, en revanche, pour la période au cours de

laquelle ils ne sont corroborés par aucun élément additionnel, ils ne peuvent être considérés comme suffisants pour affirmer la participation d'une entreprise à l'infraction.

1140.
    Dans ces conditions, force est de constater que, à défaut de valeur probante des tableaux Solvay en ce qui concerne la SAV, il n'est pas démontré que celle-ci ait participé à l'infraction après le premier semestre de 1981.

1141.
    En conséquence, la participation de la requérante à l'infraction ne doit être considérée comme établie, aux fins de la détermination de l'amende, que pour la période allant du mois d'août 1980 au mois de juin 1981, et non au mois d'avril 1983, comme cela ressort de la Décision.

1142.
    L'article 1er de la Décision doit donc être annulé, pour autant que, par renvoi aux motifs de la Décision, il est reproché à la SAV d'avoir participé à l'infraction en cause après le premier semestre de 1981.

1143.
    L'amende doit en conséquence être réduite, compte tenu de la durée ainsi établie et de la gravité de l'infraction à laquelle cette entreprise a participé. Libellée en euros, par application de l'article 2, paragraphe 1 du règlement (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro (JO L 162, p. 1), l'amende infligée à la SAV doit être ramenée à 135 000 euros.

Sur le chiffre d'affaires pris en compte

Arguments des requérantes

1144.
    Enichem observe, tout d'abord, que le chiffre d'affaires au sens de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, est le chiffre d'affaires de l'exercice fiscal précédant la Décision, soit, en l'espèce, celui de 1993. Or, alors que le rapport entre l'amende et ce chiffre d'affaires serait nécessairement distinct du rapport qui existait entre l'amende et le chiffre d'affaires de 1987, la Commission aurait néanmoins infligé une amende d'un montant identique, en valeur absolue. A cet égard, le fait que l'amende infligée demeure inférieure au seuil maximal de 10 % énoncé à l'article 15 ne serait pas pertinent.

1145.
    Ensuite, compte tenu du fait qu'Enichem a, en 1986, cessé toute activité dans le secteur du PVC, si bien qu'elle n'avait plus ni en 1987, ni en 1993, de chiffre d'affaires propre à ce secteur, il serait inéquitable de retenir le chiffre d'affaires global d'Enichem, même si cela est possible (arrêt Parker Pen/Commission, précité, point 94). Ceci serait d'autant plus vrai que le chiffre d'affaires pris en compte serait celui d'Enichem, destinataire erroné de la Décision, plutôt que celui de la société d'exploitation Enichem Anic.

Appréciation du Tribunal

1146.
    Il convient de rappeler, tout d'abord, que le chiffre d'affaires indiqué à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, cité ci-dessus au point 1109, a pour objet de déterminer le montant maximal de l'amende susceptible d'être infligée à une entreprise en raison d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

1147.
    Dès lors, la seule évolution du rapport entre, d'une part, l'amende infligée dans la décision de 1988 et le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent, soit en 1987, et, d'autre part, l'amende, d'un montant en écus identique, infligée dans la Décision et le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent, soit en 1993, ne conduit pas en lui-même à une méconnaissance de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Tel ne serait le cas que si, en raison de cette évolution, l'amende infligée en 1994 dépassait le seuil maximal fixé à cet article. Or, il est constant que l'amende infligée est substantiellement inférieure à ce taux maximal.

1148.
    Ensuite, pour la détermination du montant de l'amende effectivement infligée à la requérante, la Commission a tenu compte en particulier de l'importance respective, sur le marché du PVC, de chaque participant à l'infraction (point 53, premier alinéa, de la Décision). Or, cette importance a été appréciée en fonction de la part de marché moyenne, et non du chiffre d'affaires, de chacune des requérantes, au cours de la seule période d'infraction.

1149.
    Les moyens exposés par la requérante doivent, en conséquence, être rejetés.

Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

Arguments des requérantes

1150.
    Au soutien de leurs conclusions en réduction de l'amende qui leur a été infligée, les requérantes se prévalent des circonstances suivantes, que la Commission aurait ignorées.

1151.
    BASF et ICI soulignent le retard intervenu dans l'adoption de la Décision et l'inertie condamnable de la Commission, qui n'a poursuivi qu'en 1987 les vérifications entamées en 1983. Si elle était intervenue plus tôt, les infractions auraient sans doute cessé avant mai 1984 (arrêts Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, précité, point 51, et Dunlop Slazenger/Commission, précité, point 167).

1152.
    Wacker, Hoechst et la SAV rappellent la crise que traversait le secteur du PVC et les pertes substantielles subies pendant la période concernée par la Décision.

1153.
    Wacker et Hoechst font valoir leur comportement irréprochable depuis 1988, l'effet préventif qui s'attachait déjà à la décision initiale et leur retrait du marché depuis 1993.

1154.
    Hoechst et la SAV soulignent leur faible importance sur le marché à l'époque des faits incriminés et l'absence d'effets perceptibles de leurs comportements sur le marché.

1155.
    La SAV se prévaut de sa qualité de nouvelle venue sur le marché du PVC et de l'absence de précédentes infractions aux règles communautaires de la concurrence.

1156.
    ICI met en avant l'absence d'effet avéré sur le marché (notamment arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 612 et suivants), la coopération dont elle a fait preuve en répondant aux questions de la Commission au titre de l'article 11 du règlement n° 17 et l'action qu'elle a menée en vue de garantir à l'avenir le respect du droit communautaire de la concurrence (voir notamment décision 88/86/CEE de la Commission, du 18 décembre 1987, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/31.017 — Fisher-Price/Quaker Oats Ltd — Toyco) (JO 1988,L 49, p. 19).

Appréciation du Tribunal

1157.
    A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).

1158.
    En premier lieu, la Cour a jugé que, si la gravité d'une infraction justifie une amende importante, il y a lieu de prendre en considération que sa durée aurait pu être abrégée si la Commission était intervenue plus rapidement (arrêt Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, précité, point 51). En l'espèce, la Commission a eu les premiers doutes sur l'existence de l'infraction en octobre 1983 et aucune amende n'a été infligée pour la période postérieure au mois de mai 1984. Il convient dès lors de déterminer si, en raison d'un prétendu manque de diligence durant cette période, la Commission a pu indirectement contribuer à la prolongation de cette infraction. Or, il y a lieu de rappeler que la Commission a procédé à des vérifications dès novembre 1983 et a adressé à ICI une demande de renseignements en décembre 1983 et une décision de demande de renseignements en avril 1984. Il ne saurait, dans ces conditions, être reproché à la Commission un manque de diligence qui aurait pu contribuer à prolonger la durée de l'infraction prise en compte dans le cadre de la détermination du montant des amendes. Ceci est d'autant plus vrai dans le cas d'ICI qu'aucune amende n'a même été infligée pour la période postérieure à octobre 1983.

1159.
    En second lieu, au point 52, deuxième alinéa, de la Décision, la Commission a indiqué avoir réduit le montant des amendes en raison du fait que, pendant une grande partie de la période visée par la Décision, les entreprises en cause ont déclaré des pertes substantielles dans le secteur du PVC, en raison de la crise traversée à l'époque par ce secteur d'activité. Cette constatation suffit à rejeter l'argument des requérantes fondé sur la crise du marché du PVC et les pertes substantielles des producteurs pendant la période en cause (voir arrêt DSM/Commission, précité, point 304).

1160.
    En troisième lieu, ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus points 744 à 749), c'est à tort que les requérantes prétendent que l'infraction n'a pas produit d'effets, même si les initiatives de prix n'ont remporté qu'un succès mitigé, comme le reconnaît elle-même la Commission dans sa Décision. Les requérantes ne peuvent dès lors soutenir que l'absence d'effets constituerait une circonstance atténuante.

1161.
    En quatrième lieu, la coopération d'ICI durant la procédure administrative n'a pas dépassé ce qui résultait des obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17. Dès lors, sa collaboration ne saurait constituer une circonstance atténuante (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, point 341). De surcroît, le Tribunal relève que l'essentiel de l'argumentation au fond d'ICI tend à démontrer que la Commission a mal interprété ses réponses aux demandes de renseignements.

1162.
    En cinquième lieu, s'il est certes important qu'ICI ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir par des membres de son personnel, cela ne change rien à la réalité de l'infraction constatée en l'espèce. Le seul fait que, dans certains cas, la Commission a pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la mise en place d'un programme d'information en tant que circonstance atténuante n'impliquait pas pour elle une obligation de procéder de la même façon en l'espèce. Il en est d'autant plus ainsi que l'infraction en cause constituait une violation manifeste de l'article 85, paragraphe 1, sous a) et sous c), du traité. Ainsi que la Commission l'a relevé au point 51, deuxième alinéa, de la Décision, ICI fait d'ailleurs partie des entreprises qui s'étaient déjà vu infliger des amendes en raison d'une collusion dans le secteur chimique [décision 69/243/CEE de la Commission, du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité (IV/26.267 — Matières colorantes) (JO L 195, p. 11)].

1163.
    En sixième lieu, ni le comportement irréprochable d'une entreprise depuis l'adoption de la décision de 1988 ni l'absence d'infractions antérieures n'atténuent la réalité et la gravité de l'infraction commise. En réalité, ces éléments constituent une circonstance normale dont la Commission n'a pas à tenir compte comme circonstance atténuante (notamment arrêt DSM/Commission, précité, point 317).

1164.
    En septième lieu, le fait qu'une entreprise a quitté le marché du PVC avant l'adoption de la Décision n'affecte ni la réalité, ni la gravité, ni la durée de l'infraction qui lui est reprochée. Il ne justifie donc pas la réduction d'une amende.

1165.
    En huitième lieu, le fait qu'une entreprise soit une nouvelle venue sur un marché ne saurait atténuer la gravité de l'infraction précédemment décrite à laquelle elle a participé (arrêt du 10 mars 1992, Solvay/Commission, précité, point 339).

1166.
    En neuvième lieu, le seul fait que la décision de 1988 a été adoptée n'a pas d'effet dissuasif. Seule l'amende présente un caractère à la fois répressif et préventif. Or, la décision de 1988 a été annulée et avec elle les amendes qui étaient infligées.

1167.
    En dernier lieu, il ressort du point 53, premier alinéa, de la Décision que, pour déterminer le montant des amendes à infliger aux diverses entreprises, la Commission a tenu compte de leur importance respective sur le marché du PVC. Dans ces conditions, les requérantes ne peuvent se prévaloir de leur faible taille sur le marché pour obtenir une réduction de l'amende.

1168.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à tort que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte des circonstances atténuantes alléguées.

III — Sur les moyens tirés de la violation de l'obligation de motivation

Arguments des requérantes

1169.
    LVM, Elf Atochem, DSM, Wacker, Hoechst, Hüls et Enichem estiment que la Décision ne contient aucun élément spécifique permettant de comprendre le niveau des amendes infligées à chacune (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 176, et Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 622 et 623).

1170.
    La Commission n'aurait ainsi fait connaître ni la nature des paramètres objectifs utilisés pour évaluer la responsabilité des entreprises, ni leur importance respective. Ni l'énumération, en termes généraux, de critères retenus ni l'existence d'amendes différentes à chacune des entreprises ne suffiraient à combler cette lacune.

1171.
    Selon les requérantes, la mise à disposition de telles données ne devrait plus relever d'un souhait (arrêts Enichem Anic/Commission, précité, point 274, et Tréfilunion/Commission, précité, point 142), mais d'un droit. A défaut, l'article 6 de la CEDH serait méconnu, en ce qu'il garantit à tout accusé le droit de connaître, de façon précise et détaillée, la motivation de la sanction qui lui est infligée, en ce compris les critères utilisés pour mesurer la sanction et les «clés de calcul».

Appréciation du Tribunal

1172.
    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité, qui constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité, doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière (notamment arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63).

1173.
    Pour ce qui est d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54). En outre, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation et ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).

1174.
    En l'espèce, la Commission a exposé, aux points 51 à 54 de la Décision les éléments qu'elle a pris en compte dans la détermination de l'amende. Il ressort en particulier des points 52 et 53 de la Décision que la méthode utilisée par la Commission en l'espèce comporte deux étapes, ainsi qu'en attestent la formulation liminaire de chacun de ces paragraphes et l'énoncé des critères, successivement généraux et individuels, qui y sont mentionnés.

1175.
    Dans un premier temps, la Commission a fixé un montant global, comme elle est en droit de le faire (notamment arrêts du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, précité, point 55, et IAZ e.a./Commission, précité, points 51 à 53). Pour déterminer le montant des amendes à infliger, ainsi qu'il ressort du point 52 de la Décision, la Commission a pris en compte divers critères, à savoir la nature et la gravité de l'infraction reprochée, l'importance du produit industriel en cause et la valeur des

ventes s'y rapportant — soit près de 3 milliards d'écus par an en Europe occidentale — et la taille globale des entreprises impliquées.

1176.
    Elle a également souligné qu'étaient pris en compte, à titre de circonstances atténuantes, d'une part, la circonstance que les entreprises avaient connu des pertes substantielles pendant une grande partie de la période visée par la Décision, d'autre part, le fait que la majeure partie des entreprises avaient déjà été condamnées à des amendes importantes pour leur participation à une infraction dans le secteur des thermoplastiques (polypropylène) pendant pratiquement la même période.

1177.
    Le montant global des amendes ainsi déterminé était, dans la décision de 1988, c'est-à-dire en ce compris les cas de Solvay et de Norsk Hydro, de 23 500 000 écus.

1178.
    Dans un second temps, la Commission a réparti ce montant global entre les entreprises sanctionnées. Pour déterminer le montant des amendes à infliger aux diverses entreprises, la Commission a tenu compte, ainsi qu'il ressort des points 53 et 54 de la Décision, du niveau de participation de chacune d'entre elles, du rôle qu'elles y ont joué (dans la mesure où elle a pu l'établir) et de leur importance respective sur le marché du PVC. A cette fin, elle s'est efforcée d'examiner dans quelle mesure certaines entreprises pouvaient être qualifiées de chef de file, ce qu'elle n'est pas parvenu à faire, ou, à l'inverse, si certaines pouvaient être considérées comme n'ayant joué, comme Shell, qu'un rôle en marge de l'infraction; elle a également pris en compte, pour chacune, la durée de leur participation à l'infraction reprochée, ainsi qu'il ressort du point 54 de la Décision.

1179.
    Interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la Décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la Décision, les points 51 à 54 de la Décision contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause.

1180.
    Il est certes souhaitable que les entreprises — afin de pouvoir arrêter leur position en toute connaissance de cause — puissent connaître en détail, selon tout système que la Commission jugerait opportun, le mode de calcul de l'amende qui leur a été infligée dans une décision constatant une infraction aux règles communautaires de la concurrence, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision (arrêt Trefilunion/Commission, précité, point 142).

1181.
    Il y a toutefois lieu de relever que de telles données chiffrées ne constituent pas une motivation supplémentaire et a posteriori de la Décision, mais la traduction chiffrée des critères énoncés dans la Décision, lorsque ceux-ci sont eux-mêmes susceptibles d'être quantifiés.

1182.
    A cet égard, il appartient au Tribunal, en application des articles 64 et 65 du règlement de procédure, de demander à la Commission, s'il le juge nécessaire pour l'examen des moyens invoqués par les requérantes, des explications concrètes sur les différents critères retenus par elle et exposés dans la Décision.

1183.
    De fait, lors des recours formés contre la décision de 1988, le Tribunal avait demandé à la Commission d'apporter, lors de l'audience, des précisions sur le calcul des amendes infligées. A cette fin, la Commission avait produit un tableau, qui a été joint en annexe aux requêtes dans la présente procédure.

1184.
    Dans ces conditions, les moyens des requérantes tirés de la motivation insuffisante de la Décision quant aux critères pris en compte aux fins de la détermination de l'amende, doivent être rejetés.

IV — Sur les erreurs de droit et les erreurs manifestes d'appréciation

Arguments des requérantes

1185.
    En premier lieu, LVM et DSM font valoir que, parmi les critères énumérés dans la Décision en vue de la détermination du montant de l'amende, ceux relatifs à l'importance du produit en cause et à la position globale des entreprises sur le marché (Décision, point 52) sont difficiles à comprendre et, a fortiori, à mesurer. Celui relatif à l'importance économique du contrevenant serait inadmissible; il conduirait en effet à déterminer le montant de l'amende en fonction des ressources de chacune des entreprises, plutôt que de la gravité de leur comportement.

1186.
    En second lieu, les requérantes rappellent que, lors de l'audience devant le Tribunal dans les recours formés contre la décision de 1988, la Commission avait produit un tableau expliquant les modalités de calcul des amendes. De ce tableau, il apparaîtrait que la Commission a tenu compte de la part de marché moyenne de chacune des entreprises pour la période de 1980 à 1984 dans le secteur du PVC. Or, les parts de marché retenues pour certaines requérantes seraient manifestement erronées. Les amendes devraient être réduites proportionnellement.

1187.
    Elf Atochem relève ainsi que, pour le calcul de l'amende qui lui a été infligée, la Commission lui a attribué une part de marché moyenne sur la période de 1980 à 1984 de 13 %, soit une part supérieure à la part réelle.

1188.
    ICI souligne que sa part de marché moyenne était de 8,1 % au cours de la période de 1980 à 1984, et même de 7,4 % s'il n'est tenu compte que de la période de 1980 à 1983, seule période pendant laquelle la requérante a été incriminée; le tableau produit par la Commission, en revanche, lui attribuerait une part de marché moyenne de 11 %.

1189.
    Enfin, Enichem observe que la Commission lui aurait attribué une part de marché moyenne de 15 %, sur la période de 1980 à 1984, sensiblement plus élevée que la moyenne réelle, et même plus élevée que la part de marché détenue en 1984 (12,3 %).

Appréciation du Tribunal

1190.
    Il y a lieu de relever tout d'abord que, contrairement à ce que prétendent LVM et DSM, la Commission est en droit de tenir compte tant du volume et de la valeur des marchandises faisant l'objet de l'infraction que de la taille et de la puissance économique des entreprises concernées (arrêts du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, précité, point 55, et IAZ e.a./Commission, précité, point 52).

1191.
    Ensuite, le Tribunal constate que, en réponse à une question du Tribunal lors de l'examen des recours formés contre la décision initiale, la Commission avait présenté à l'audience un tableau récapitulant des données chiffrées relatives à la détermination du montant des amendes. De ce tableau, qui a été produit par les requérantes dans la présente procédure, il ressort que, afin de répartir l'amende globale entre les entreprises, le critère relatif à l'importance de chacune d'elles sur le marché du PVC, qui est énoncé dans la Décision (point 53), a été quantifié au vu de la part de marché moyenne de 1980 à 1984 sur le marché du PVC en Europe occidentale au sens de la Fides. En réalité, il apparaît que cette part de marché constituait l'élément déterminant, en ce sens qu'une entreprise détenant une part de marché donnée supportait une part équivalente de l'amende globale. A ce «taux pivot», la Commission a appliqué les modifications — à la hausse ou à la baisse — identifiées dans la Décision, par exemple en fonction de la durée de la participation ou de la constatation du rôle moindre d'une des requérantes. Ainsi, une entreprise ayant pleinement participé pendant toute la durée de l'infraction se voyait infliger une part de l'amende globale correspondant à environ 110 % de sa part de marché moyenne.

1192.
    Il convient d'examiner les arguments des requérantes au vu de ces éléments.

1193.
    En ce qui concerne Atochem, la requérante a produit, à la demande du Tribunal, sa part de marché moyenne pour la période de 1980 à 1984, qui était de l'ordre de 10,5 %.

1194.
    En ce qui concerne ICI, la requérante a produit des chiffres d'où il ressort que sa part de marché moyenne pour la période de 1980 à 1983, seule période pendant laquelle sa participation est retenue dans la Décision, était de 7 %.

1195.
    En l'absence de contestations sérieuses de ces chiffres de la part de la Commission, il y a lieu de considérer que, en attribuant une part de marché moyenne à Elf Atochem et à ICI de, respectivement, 13 et 11 %, la Commission a exagéré la part

de marché de ces deux requérantes et fait supporter à celles-ci, en conséquence, une part de l'amende trop élevée.

1196.
    Dès lors, il convient de réduire la part de l'amende infligée à Elf Atochem et à ICI.

1197.
    L'amende infligée à Elf Atochem doit être fixée à une part de l'amende globale équivalente à sa part de marché moyenne, majorée en raison du fait que la requérante a participé à l'infraction reprochée pendant toute la durée identifiée par la Commission et en tenant compte du fait qu'elle ne bénéficie d'aucune circonstance atténuante particulière. L'amende doit, en conséquence, être ramenée à 11 % de l'amende globale, soit, en chiffres arrondis, à 2 600 000 euros.

1198.
    L'amende infligée à ICI doit être fixée à une part de l'amende globale équivalente à sa part de marché moyenne, minorée en raison du fait que la requérante a pris ses distances par rapport à l'infraction reprochée dès octobre 1983. L'amende doit, en conséquence, être fixée à 6,6 % de l'amende globale, soit, en chiffres arrondis, à 1 550 000 euros.

1199.
    En ce qui concerne Enichem, la requérante soutient que sa part de marché moyenne était de l'ordre de 2,7 % en 1980 et en 1981, 5,5 % en 1982, 12,8 % en 1983 et 12,3 % en 1984, si bien que la part de marché moyenne sur l'ensemble de la période s'établirait à un peu plus de 7 %.

1200.
    Toutefois, en premier lieu, ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus point 615), les chiffres produits par la requérante ne présentent pas une certitude suffisante.

1201.
    En second lieu, contrairement à ce qu'affirme la requérante, la Commission ne lui a pas attribué une part de marché moyenne de 15 % durant la période de 1980 à 1984. Dans le tableau produit par la Commission, il est ainsi explicitement indiqué que cette part de marché porte sur l'année 1984. En outre, une note de bas de page mentionne que cette part est le résultat de l'acquisition des activités de Montedison dans le secteur du PVC en mars 1983, dont il n'est pas contesté qu'elle avait substantiellement augmenté la part de marché de la requérante. De fait, si la Commission avait retenu une part de marché moyenne de 15 % sur l'ensemble de la période, l'amende infligée à la requérante devrait être supérieure à celles infligées à Elf Atochem et à Solvay, qui se trouvaient, tant en termes de durée que de rôle dans l'infraction, dans une situation identique à celle de la requérante, mais dont les parts de marché telles que retenues par la Commission étaient inférieures à 15 %; or, il apparaît au contraire que l'amende infligée à Enichem est substantiellement inférieure à celle de ces deux entreprises.

1202.
    En troisième lieu, la part de marché indiquée dans les particularités individuelles jointes à la communication des griefs, soit 12 %, n'est pas contradictoire avec la part indiquée dans le tableau produit par la Commission; en effet, la première concerne l'année 1983 dans son ensemble, alors que la seconde ne concerne que

la part de marché après l'acquisition des activités de Montedison dans le secteur du PVC.

1203.
    En dernier lieu, il apparaît que la requérante a été condamnée à une amende représentant 10,6 % de l'amende globale. Dans ces conditions, compte tenu des modes de calcul retenus par la Commission, il apparaît que la requérante s'est vu attribuer une part de marché moyenne en Europe occidentale de moins de 10 %.

1204.
    En l'absence de contestations sérieuses de la part de la requérante, il n'y a dès lors pas lieu de réduire l'amende qui lui a été infligée.

1205.
    Il convient, dans ces conditions, de rejeter les moyens exposés par les requérantes,sous réserve de ce qui a été précédemment jugé dans les cas d'Elf Atochem et d'ICI (voir ci-dessus points 1193 à 1198).

1206.
    Le Tribunal est conscient du fait que, puisque la Commission a déterminé au préalable un montant global, réparti ensuite entre les entreprises, la réduction du montant de l'amende infligée à certaines entreprises devrait conduire à l'augmentation corrélative de celles infligées aux autres entreprises, afin de parvenir au même montant global. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal considère, dans l'exercice du pouvoir de pleine juridiction qui lui est dévolu sur le fondement de l'article 172 du traité, qu'il n'y a pas lieu de procéder à une telle augmentation.

V — Sur la violation de principes généraux du droit

1207.
    Les requérantes invoquent la violation de divers principes généraux, à savoir celui de l'individualité des peines, celui de la proportionnalité, et, enfin, celui de l'égalité de traitement.

Sur les moyens tirés de la violation du principe d'individualité des peines

1208.
    Selon Elf Atochem, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem, en affirmant que chaque producteur est responsable non seulement des décisions individuelles qui lui sont attribuées, mais également de la mise en oeuvre de l'entente dans son ensemble, la Commission aurait retenu le principe d'une responsabilité collective. Ce faisant, elle aurait méconnu les principes d'individualité et de personnalité des peines.

1209.
    Ainsi qu'il a été jugé (ci-dessus points 768 à 778), chacune des requérantes n'est sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés.

1210.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

Sur les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité

Arguments des requérantes

1211.
    Shell rappelle, en premier lieu, que les points 48 et 53 de la Décision relèvent expressément le rôle limité qu'a joué Shell, en marge des arrangements et, en second lieu, que la participation alléguée de Shell ne s'étend que de janvier 1982 à octobre 1983, soit durant 21 mois. Dans ces conditions, l'amende infligée serait disproportionnée.

1212.
    Montedison soutient que l'amende est disproportionnée compte tenu de la brève durée de l'infraction.

1213.
    Enichem observe que l'amende infligée dans la Décision, identique à celle infligée dans la décision initiale, est libellée en écus. Or, compte tenu de la forte dépréciation de la lire italienne entre les dates d'adoption de ces deux décisions, l'amende due par la requérante, en lires italiennes, serait en réalité substantiellement supérieure à celle infligée en 1988. Si l'on admet que la durée et la gravité de l'infraction n'ont, bien entendu, pas changé par rapport à la décision de 1988 et que l'amende infligée à cette époque est présumée proportionnée, il en résulte que l'amende aujourd'hui supportée par Enichem, libellée en monnaie nationale, serait disproportionnée.

1214.
    La requérante ajoute qu'elle n'avait aucune raison de se prémunir contre un risque de change, puisque l'arrêt du Tribunal puis celui de la Cour l'auraient déchargée de toute obligation de payer une amende. Elle fait remarquer que, à son égard, la seule monnaie de référence est celle de l'État dans lequel l'entreprise a son siège (arrêt de la Cour du 9 mars 1977, Société anonyme Générale sucrière e.a./Commission, 41/73, 43/73 et 44/73, Rec. p. 445, points 12 et 13 et partie en fait de l'arrêt, p. 455). Elle observe encore que, par exemple, par conversion préalable de l'amende initiale en lires italiennes, il aurait été aisé d'éviter l'effet préjudiciable de la dévaluation de cette monnaie.

Appréciation du Tribunal

1215.
    Aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération la durée et la gravité de l'infraction. C'est donc au regard de l'ensemble des circonstances de l'infraction qu'il convient d'apprécier le caractère proportionné de l'amende.

1216.
    En l'espèce, Montedison n'a nullement démontré en quoi l'amende infligée serait disproportionnée, au regard de la gravité et de la durée de l'infraction.

1217.
    L'argumentation présentée par Shell repose sur des considérations que la Commission a prises en compte lors de la détermination du montant de l'amende

et qui ont conduit au prononcé d'une amende proportionnellement moins importante que celle infligée aux autres entreprises (Décision, point 53 in fine). Aucun élément ne vient confirmer que le montant de l'amende ainsi fixé serait disproportionné.

1218.
    En ce qui concerne les arguments d'Enichem, il convient de relever que, aux termes de l'article 3 de la Décision, les amendes infligées sont libellées en écus. L'article 4 de la Décision dispose que les amendes infligées sont payables en écus.

1219.
    Aucun élément ne fait apparaître que l'amende infligée, exprimée en écus, serait disproportionnée au regard de la gravité et de la durée de l'infraction.

1220.
    En outre, la Commission est en droit d'exprimer le montant de l'amende en écus, unité monétaire convertible en monnaie nationale. La conversion possible de l'écu en monnaie nationale différencie cette unité monétaire de l'unité de compte initialement mentionnée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, dont la Cour a expressément reconnu que, n'étant pas une monnaie de paiement, elle impliquait nécessairement la détermination du montant de l'amende en monnaie nationale (arrêt Société anonyme Générale sucrière e.a./Commission, précité, point 15).

1221.
    Il est par ailleurs constant que l'amende infligée à la requérante à l'article 3 de la Décision et exprimée en écus est identique à celle fixée à l'article 3 de la décision de 1988. De fait, l'objet même poursuivi par la Commission était l'adoption d'une décision identique, sur le fond, à celle de 1988 qui avait été annulée pour violation des formes substantielles.

1222.
    En outre, à raison du fait même que les amendes étaient, dès la décision de 1988, exprimées en écus et en l'absence d'une monnaie commune unique dans laquelle la Commission aurait pu exprimer les amendes, ou de taux de change fixes entre les devises des États membres, les risques de modification des taux de change demeurent inévitables. Enichem aurait pu se couvrir contre de tels risques, aussi longtemps que l'affaire était pendante devant le Tribunal, puis devant la Cour dans le cadre du pourvoi. Il y a lieu de rappeler enfin que, le jour même du prononcé de l'arrêt du 15 juin 1994, la Commission a indiqué, par un communiqué de presse, son intention d'adopter de nouveau la décision, ce qui a été fait un mois plus tard.

1223.
    Enfin, il y a lieu de relever qu'il n'est pas contesté que l'amende infligée, même libellée en monnaie nationale, demeure substantiellement inférieure au seuil maximal énoncé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

1224.
    Au vu de ces éléments, les moyens exposés par les requérantes doivent être rejetés.

Sur les moyens tirés de la violation du principe d'égalité de traitement

Arguments des requérantes

1225.
    Les requérantes se prévalent de quatre types de violations du principe d'égalité de traitement.

1226.
    En premier lieu, LVM, Shell, DSM, ICI et Enichem soutiennent chacune être victime d'un traitement inégal par rapport à certaines autres requérantes.

1227.
    En second lieu, Enichem soutient que l'amende qui lui a été infligée est supérieure à celle imposée dans d'autres décisions concernant des secteurs qui traversent une crise moindre que celle du secteur du PVC [décision 84/405/CEE de la Commission, du 6 août 1984, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/30.350 — Zinc Producer Group) (JO L 220, p. 27)].

1228.
    En troisième lieu, Enichem conteste la discrimination dont elle est victime en raison de l'évolution du taux de change écu/lire italienne entre la date d'adoption de la décision de 1988 et celle de la Décision. Si les amendes libellées en écus sont identiques à celles de 1988, les amendes converties en monnaie nationale sont, en revanche, différentes, compte tenu des fluctuations de change intervenues depuis lors. La requérante, dont l'amende, convertie en monnaie nationale, a substantiellement augmenté, serait ainsi discriminée par rapport à d'autres destinataires de la Décision. En réalité, elle se trouverait pénalisée du fait qu'elle a utilisé, avec succès, les voies de droit qui lui étaient ouvertes à l'encontre de la décision initiale.

1229.
    En quatrième lieu, LVM, DSM, ICI et Enichem contestent la discrimination dont elles sont victimes vis-à-vis de Solvay et de Norsk Hydro, qui, en droit, échappent à toute sanction pécuniaire. En effet, d'une part, Solvay et Norsk Hydro ne se voient pas infliger d'amendes par la Décision. D'autre part, ces entreprises échappent à toute sanction prononcée dans la décision de 1988, puisque cette décision a été annulée à l'égard de toutes les entreprises, conformément à l'effet erga omnes de l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994. D'ailleurs, même si la décision de 1988 n'avait pas été annulée à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro, il reste que la Commission ne pourrait en obtenir l'exécution: tout d'abord, parce que l'article 192 du traité énonce la nécessité pour l'autorité nationale de vérifier l'authenticité de la décision de 1988, ce qui est impossible puisque cette décision a été annulée pour défaut d'authentification; ensuite, parce que le délai de prescription pour l'application des sanctions est aujourd'hui dépassé (article 4 du règlement n° 2988/74).

Appréciation du Tribunal

1230.
    En premier lieu, ainsi qu'il a été rappelé, la détermination du montant des amendes individuelles est le résultat de la pondération de divers éléments, en particulier l'importance de l'entreprise sur le marché, la durée de sa participation ou encore le rôle qu'elle a pu jouer, en particulier dans le cas de Shell.

1231.
    Or, il n'a été nullement démontré par les requérantes que la Commission aurait traité de manière différente des situations identiques ou traité de manière identique des situations différentes. En réalité, tous les cas de discrimination entre les requérantes allégués par elles reposent sur la comparaison de leur propre situation avec celle d'une ou de plusieurs autres requérantes dont l'importance sur le marché, la durée de la participation ou le rôle dans l'infraction sont différents.

1232.
    En second lieu, il convient de relever que la détermination du montant des amendes repose sur une variété de critères, qui doivent être appréciés au cas par cas, en fonction de l'ensemble des circonstances de l'espèce. De surcroît, le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées au règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer lamise en oeuvre de la politique de concurrence (notamment arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 109). Il n'est dès lors pas établi que la Commission ait, en l'espèce, méconnu le principe d'égalité de traitement par rapport à sa pratique antérieure.

1233.
    En troisième lieu, s'agissant de la discrimination qui résulterait de la dévaluation ou de la dépréciation de certaines devises nationales par rapport à d'autres, le Tribunal relève que les amendes infligées aux différentes requérantes ont été exprimées en écus. Ainsi libellées, il est constant que les amendes infligées à chacune des requérantes à l'article 3 de la Décision sont identiques à celles infligées dans la décision de 1988.

1234.
    Les risques de taux de change sont inhérents à l'existence de devises nationales distinctes dont la parité est susceptible de fluctuer à tout moment. Enichem ne prétend d'ailleurs pas que la fixation des amendes en devise nationale résoudrait les effets de telles fluctuations lorsque, comme en l'espèce, sont en cause des entreprises dont le siège est situé dans différents États membres et dont les amendes seraient fixées dans la devise nationale de chacun de ces États.

1235.
    Ainsi qu'il a déjà été jugé, la Commission est en droit d'exprimer les amendes infligées en écus, ce qui permet d'ailleurs aux entreprises de comparer plus facilement les montants des amendes infligées à chacune d'elles. En outre, l'objet même de la Commission était l'adoption d'une décision, identique, sur le fond, à celle de 1988, en se limitant à corriger le vice formel qui avait conduit à son annulation par la Cour. Enfin, compte tenu du fait que les amendes étaient, dès la

décision de 1988, exprimées en écus, et des risques inévitables en matière de taux de change, la requérante aurait pu se prémunir contre de tels risques, ainsi qu'il a été dit ci-dessus (point 1222).

1236.
    En quatrième lieu, la prétendue discrimination dont les requérantes seraient victimes à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro est fondée sur le postulat selon lequel l'annulation de la décision de 1988 par la Cour aurait produit un effet erga omnes. Or, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessus points 167 à 174), tel n'est pas le cas.

1237.
    En toute hypothèse, il y a lieu de rappeler que, dès lors qu'une entreprise a, par son comportement, violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu'un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d'amende, alors même que le Tribunal n'est pas saisi de la situation de ce dernier (notamment arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 197).

1238.
    Dans ces conditions, l'ensemble des moyens des requérantes tirés de la violation de principes généraux du droit, doivent être rejetés.

1239.
    Au vu de ces éléments, l'ensemble des moyens exposés par les requérantes à l'appui de leurs conclusions en annulation ou en réduction de l'amende doivent être rejetés, sous les réserves suivantes.

1240.
    Conformément aux points 1143, 1197 et 1198 ci-dessus, les amendes infligées à Elf Atochem, à la SAV et à ICI doivent être réduites à, respectivement, 2 600 000 euros, 135 000 euros et 1 550 000 euros.

Sur les autres conclusions

1241.
    Au-delà des conclusions précédemment examinées et de celles relatives aux dépens, les requérantes ont présenté certaines autres conclusions (voir ci-dessus points 27 à 30).

1242.
    Parmi celles-ci, certaines ont déjà été examinées, compte tenu de leur lien étroit avec les moyens soulevés au soutien des conclusions en annulation de la Décision ou de celles en annulation ou en réduction de l'amende et qui ont été rejetés (voir ci-dessus points 268, 365 à 371, 375 à 377 et 1091).

1243.
    En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que soient versés au dossier les actes produits lors des recours formés contre la décision de 1988, elles doivent être rejetées pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus (point 39).

1244.
    Dans ces conditions, il convient d'examiner, d'une part, les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision (I), d'autre part, la demande, exposée par Montedison, de réparation du préjudice prétendument subi (II).

I — Sur les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision

Arguments des requérantes

1245.
    Au stade de la réplique, sans l'inclure formellement dans ses conclusions, Hoechst fait valoir que l'article 2 du dispositif de la Décision, emportant injonction de cesser le comportement délictueux, est illégal en ce qui la concerne. En effet, il ne tiendrait pas compte du fait que la requérante n'exerçait plus d'activité dans le secteur du PVC au jour de l'adoption de la Décision.

1246.
    DSM rappelle que, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission peut obliger les entreprises à mettre fin à l'infraction qu'elle a constatée. En l'espèce, l'article 2 de la Décision ordonnerait, notamment, que cesse tout échange d'informations confidentielles entre les producteurs de PVC; or, ni l'article 1er de la Décision ni, d'ailleurs, les motifs de la Décision ne permettraient de conclure qu'une semblable infraction ait été constatée. La Commission aurait donc excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article précité du règlement n° 17.

Appréciation du Tribunal

1247.
    En ce qui concerne le moyen soulevé par Hoechst, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur sa recevabilité au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, il suffit de relever que l'article 2 de la Décision s'adresse explicitement aux entreprises «encore actives dans le secteur du PVC». Dès lors, l'argumentation au soutien de cette conclusion est manifestement dépourvue de tout fondement.

1248.
    En vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission, lorsqu'elle constate une infraction, notamment, aux dispositions de l'article 85 du traité, peut obliger par voie de décision les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée. Ainsi qu'il ressort du point 50 de la Décision, l'article 2 de celle-ci a été adopté en application de cette disposition. Après avoir rappelé le contenu de celle-ci, la Commission a ainsi indiqué: «On ignore si les réunions, ou du moins un système quelconque de communication des prix et des tonnages entre les sociétés, ont jamais réellement cessé. En conséquence, il convient d'inclure dans toute décision l'obligation formelle, pour les entreprises qui exercent toujours des activités dans le secteur du PVC, de mettre fin à l'infraction et de s'abstenir dorénavant de toute pratique collusoire ayant un objet ou un effet similaire.»

1249.
    Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée (arrêts de la Cour Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, précité, point 45, et du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 90), mais aussi celle d'adopter un comportement futur similaire (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 220).

1250.
    En outre, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin qu'il soit mis fin à cette infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues (arrêt RTE et ITP/Commission, précité, point 93).

1251.
    En l'espèce, à l'article 2 de la Décision, la Commission ordonne tout d'abord aux entreprises encore actives dans le secteur du PVC de mettre fin immédiatement aux infractions relevées dans la Décision.

1252.
    Elle enjoint ensuite aux entreprises de s'abstenir à l'avenir, dans le secteur en cause, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire.

1253.
    De semblables injonctions relèvent manifestement du pouvoir dont la Commission dispose au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

1254.
    Ensuite, parmi ces accords ou pratiques concertées ayant un objet ou un effet analogue à celui des pratiques reprochées dans la Décision, la Commission a visé «tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs». Dès lors que la Commission est en droit d'interdire, pour l'avenir, tout accord ou pratique ayant un objet identique ou analogue à celui du comportement constaté dans la Décision, elle a inclus, à juste titre, les échanges de renseignements en question. En effet, d'une part, la Décision comporte en particulier un grief fondé spécifiquement sur l'échange de données de ventes; d'autre part, les réunions entre producteurs reposaient sur l'échange d'informations en matière de prix et de volumes de ventes, puisqu'elles tendaient à définir, en commun, la politique à suivre en la matière. De même, la Commission est en droit d'interdire les échanges en matière de vente et de prix de vente, qui sont visés dans la Décision, mais également les échanges d'informations d'une autre nature, qui permettraient «indirectement» d'aboutir à un résultat «identique ou similaire». En particulier, de l'échange de données

individualisées en termes de production et de niveau de stocks, il pourrait être aisément déduit les ventes de chacun; ne pas reconnaître à la Commission le pouvoir d'interdire un tel échange permettrait aux entreprises de contourner aisément l'injonction qui leur est faite de ne pas continuer ou adopter de nouveau des comportements tels que ceux constatés dans la Décision.

1255.
    Quant à l'interdiction d'échange de renseignements de type généralement couvert par le secret professionnel, «qui permettrait aux entreprises de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage de marché», elle présente un lien direct avec les pratiques constatées dans la Décision, qui fait reproche aux entreprises d'avoir mis en oeuvre, en commun, des mécanismes de contrôle des volumes de ventes et des initiatives de prix.

1256.
    Aux termes de la première partie de la seconde phrase de l'article 2 de la Décision, «[t]out système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés pour le secteur du PVC est géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés». Dans la Décision, les systèmes d'échange de données générales auxquels les producteurs seraient abonnés ne sont pas mis en cause, en raison du fait même qu'ils ne permettent pas d'identifier le comportement de producteurs déterminés, mais se limitent à la communication de données agrégées (voir point 12, troisième alinéa, de la Décision). La deuxième phrase de l'article 2 tend donc simplement à éviterque les producteurs ne puissent contourner l'interdiction qui leur est faite de continuer ou d'adopter de nouveau des comportements tels que ceux constatés dans la Décision, en substituant à leur mécanisme de réunions régulières un système d'échange de données individualisées, qui aboutirait au même résultat. Cette phrase ne tend donc qu'à préciser la notion d'accord ou de pratique concertée ayant un objet ou un effet similaire, énoncée à la phrase précédente.

1257.
    La seconde partie de la seconde phrase de l'article 2 de la Décision est redondante par rapport à la première. Elle tend en fait simplement à préciser que l'interdiction d'échanger des données individualisées, permettant d'identifier le comportement de chaque producteur, dans le cadre d'un système auquel les producteurs seraient abonnés, ne saurait, bien entendu, être contournée par le biais d'échanges directs entre les producteurs.

1258.
    Enfin, la seconde phrase de l'article 2 de la Décision indique clairement que, à la différence de la situation rencontrée par le Tribunal dans le cadre des recours formés contre la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1), la Commission n'a pas inclus une interdiction couvrant également, sous certaines conditions, les données échangées sous une forme agrégée.

1259.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les obligations pesant sur les entreprises, au titre de l'article 2 de la Décision, ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour assurer le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues). En adoptant l'article 2 de la Décision, la Commission n'a donc pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

1260.
    Dès lors, les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision doivent être rejetées.

II — Sur la demande de réparation du préjudice prétendument subi

1261.
    Montedison conclut à ce qu'il plaise au Tribunal condamner la Commission au versement de dommages et intérêts, à raison des frais liés à la constitution de la garantie bancaire et pour tout autre frais relatif à la Décision.

1262.
    Le Tribunal relève que la requête ne permet pas d'identifier les moyens de droit sur lesquels la requérante entend fonder ses conclusions en la matière.

1263.
    Il s'ensuit que la requête ne satisfait pas, sur ce point, aux exigences minimales établies par l'article 19 du statut de la Cour et par l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure pour qu'un recours soit recevable. Dès lors, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables (arrêt Parker Pen/Commission, précité, points 99 et 100).

1264.
    En outre, à supposer que la faute reprochée à la Commission corresponde aux différents griefs exposés par la requérante à l'appui de ses conclusions en annulation, que le Tribunal a rejetées, force serait alors de constater que les conclusions en réparation du préjudice subi seraient en toute hypothèse infondées.

Conclusion

1265.
    Il résulte de l'ensemble de l'examen auquel le Tribunal a procédé que l'article 1er de la Décision doit être annulé, dans la mesure où il retient que la SAV a participé à l'infraction reprochée après le premier semestre de l'année 1981. Les amendes infligées à Elf Atochem, à la SAV et à ICI doivent être réduites à un montant de, respectivement, 2 600 000 euros, 135 000 euros et 1 550 000 euros. Les recours doivent être rejetés pour le surplus.

Sur les dépens

1266.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En outre, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

1267.
    LVM, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, Montedison, Hüls et Enichem ayant succombé en toutes leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

1268.
    Elf Atochem et ICI ayant succombé en une partie de leurs conclusions, il y a lieu de condamner ces requérantes et la Commission à supporter chacune leurs propres dépens.

1269.
    La SAV ayant succombé en une partie de ses conclusions mais ayant obtenu gain de cause sur une partie significative de celles-ci, il y a lieu de condamner cette requérante à supporter deux tiers de ses propres dépens, et de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Les affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2)    L'article 1er de la décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/31.865 — PVC) est annulé, dans la mesure où il retient que la Société artésienne de vinyle a participé à l'infraction reprochée après le premier semestre de l'année 1981.

3)    Les amendes infligées à Elf Atochem SA, à la Société artésienne de vinyle et à Imperial Chemical Industries plc à l'article 3 de cette décision sont réduites à un montant de, respectivement, 2 600 000 euros, 135 000 euros et 1 550 000 euros.

4)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

5)    Chaque requérante supportera ses propres dépens et les dépens exposés par la Commission dans l'affaire qu'elle a introduite. Toutefois, dans les affaires T-307/94 et T-328/94, Elf Atochem SA, Imperial Chemical

Industries plc et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens. Dans l'affaire T-318/94, la Société artésienne de vinyle supportera deux tiers de ses propres dépens et la Commission supportera, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de la requérante.

Tiili
Lenaerts
Potocki

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 avril 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili

Table des matières

     Faits à l'origine du litige

II - 3

     Procédure

II - 6

     Conclusions des parties

II - 8

     Sur la recevabilité des moyens au regard des articles 44, paragraphe 1, 46, paragraphe 1, et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure

II - 9

         I — Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure

II - 9

             Arguments des parties

II - 9

             Appréciation du Tribunal

II - 10

         II — Sur l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, du règlement de procédure

II - 11

             Arguments des parties

II - 11

             Appréciation du Tribunal

II - 12

         III — Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure

II - 12

             Arguments des parties

II - 12

             Appréciation du Tribunal

II - 13

     Sur les conclusions en annulation de la Décision

II - 15

         I — Sur les moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédure

II - 15

             A — Sur les effets de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988

II - 16

                 1. Sur le pouvoir de la Commission d'adopter une nouvelle décision après l'arrêt du 15 juin 1994

II - 16

                     a) Sur les moyens tirés de la prétendue impossibilité pour la Commission d'adopter la Décision

II - 16

                     Sur le moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée

II - 16

                     — Arguments des parties

II - 17

                     — Appréciation du Tribunal

II - 18

                     Sur le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem

II - 19

                     — Arguments des parties

II - 19

                     — Appréciation du Tribunal

II - 20

                     b) Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps

II - 21

                     Arguments des parties

II - 21

                     — Sur le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable

II - 21

                     — Sur le moyen tiré de l'abus de droit

II - 23

                     — Sur le moyen tiré de la violation des principes relatifs à un procès équitable

II - 23

                     Appréciation du Tribunal

II - 24

                     c) Sur les moyens tirés de la prétendue méconnaissance, par la Commission, de son pouvoir d'appréciation

II - 27

                     Arguments des parties

II - 28

                     Appréciation du Tribunal

II - 29

                 2. Sur la portée de l'arrêt du 15 juin 1994

II - 31

                     a) Sur les griefs tirés de l'effet erga omnes de l'arrêt du 15 juin 1994

II - 31

                     Arguments des parties

II - 31

                     Appréciation du Tribunal

II - 32

                     b) Sur les griefs tirés de l'invalidité des actes de procédure ayant précédé l'adoption de la Décision

II - 33

                     Arguments des parties

II - 33

                     Appréciation du Tribunal

II - 35

                 3. Sur les modalités d'adoption de la Décision, après l'annulation de la décision de 1988

II - 37

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 37

                     — En ce qui concerne les étapes procédurales prévues par le droit dérivé

II - 38

                     — En ce qui concerne le droit d'être entendu allégué par les requérantes

II - 42

                     Arguments de la Commission

II - 45

                     Appréciation du Tribunal

II - 48

             B — Sur les irrégularités commises lors de l'adoption et de l'authentification de la Décision

II - 52

                 1. Sur les moyens tirés de l'illégalité du règlement intérieur de la Commission du 17 février 1993

II - 52

                     Arguments des parties

II - 52

                     Appréciation du Tribunal

II - 53

                     — Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité

II - 54

                     — Sur l'illégalité de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur du fait du non-respect de l'exigence de sécurité juridique

II - 56

                 2. Sur les moyens tirés de la violation du principe de collégialité et du règlement intérieur de la Commission

II - 58

                     Arguments des parties

II - 58

                     Appréciation du Tribunal

II - 58

                 3. Sur le moyen relatif à la composition du dossier soumis à la délibération du collège des membres de la Commission

II - 59

                 4. Sur les moyens tirés de la violation des principes d'identité entre l'organe ayant délibéré et l'organe ayant statué, d'une part, et d'immédiateté, d'autre part

II - 59

                     Arguments des parties

II - 59

                     Appréciation du Tribunal

II - 60

             C — Sur les vices dont serait affectée la procédure administrative

II - 61

                 1. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant la communication des griefs

II - 61

                     a) Sur le moyen tiré de l'existence de vices formels affectant la communication des griefs

II - 61

                     Arguments des parties

II - 61

                     Appréciation du Tribunal

II - 61

                     b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil

II - 62

                     Arguments des parties

II - 62

                     Appréciation du Tribunal

II - 62

                     c) Sur le moyen tiré d'une absence de délai suffisant pour préparer la réponse à la communication des griefs

II - 63

                     Arguments des parties

II - 63

                     Appréciation du Tribunal

II - 64

                 2. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant l'audition

II - 65

                     a) Sur le moyen tiré du délai insuffisant pour préparer l'audition

II - 65

                     b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1

II - 65

                     Arguments des parties

II - 65

                     Appréciation du Tribunal

II - 65

                     c) Sur le moyen tiré du caractère incomplet du procès-verbal de l'audition

II - 66

                     Arguments des parties

II - 66

                     Appréciation du Tribunal

II - 66

                     d) Sur le moyen tiré du défaut de production de l'avis du conseiller-auditeur

II - 67

                     Arguments des parties

II - 67

                     Appréciation du Tribunal

II - 68

             D — Sur la violation de l'article 190 du traité

II - 68

                 Arguments des parties

II - 68

                 Appréciation du Tribunal

II - 70

         II — Sur les moyens de fond

II - 71

             A — Sur les preuves

II - 71

                 1. Sur la recevabilité des preuves

II - 71

                     a) Sur le moyen tiré d'une violation du principe de l'inviolabilité du domicile

II - 72

                     Arguments des parties

II - 72

                     Appréciation du Tribunal

II - 73

                     i) Sur la recevabilité du moyen

II - 73

                     ii) Sur le bien-fondé du moyen

II - 75

                     — Sur la première branche du moyen, relative à la validité des actes de vérification

II - 75

                     — Sur la seconde branche du moyen, relative à l'exécution des actes de vérification

II - 76

                     b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance du «droit au silence» et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

II - 76

                     Arguments des parties

II - 76

                     Appréciation du Tribunal

II - 78

                     — Sur la recevabilité du moyen

II - 78

                     — Sur le bien-fondé du moyen

II - 78

                     c) Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 1, du règlement n° 17

II - 81

                     Arguments des parties

II - 81

                     Appréciation du Tribunal

II - 82

                     — Sur les faits

II - 82

                     — Sur le bien-fondé du moyen

II - 83

                     d) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité, à titre de preuve, du refus de répondre à des demandes de renseignements ou de produire des documents

II - 84

                     Arguments des parties

II - 84

                     Appréciation du Tribunal

II - 84

                     — Preuve de l'infraction

II - 84

                     — Preuve de la participation à l'infraction

II - 84

                     e) Sur le moyen tiré du défaut de communication de pièces

II - 85

                     Arguments des parties

II - 85

                     Appréciation du Tribunal

II - 86

                     f) Sur le moyen tiré de la communication tardive de pièces

II - 87

                     Arguments des parties

II - 87

                     Appréciation du Tribunal

II - 87

                 2. Sur l'administration de la preuve

II - 88

                     a) Sur le moyen tiré du défaut de valeur probante de catégories de preuves retenues par la Commission

II - 88

                     Arguments des parties

II - 88

                     Appréciation du Tribunal

II - 88

                     b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance des règles relatives à l'administration de la preuve

II - 89

                     Arguments des parties

II - 89

                     Appréciation du Tribunal

II - 92

             B — Sur la contestation de l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité

II - 92

                 1. En fait

II - 92

                     Rappel sommaire de la Décision

II - 92

                     Arguments des requérantes

II - 94

                     — Sur l'origine de l'entente

II - 94

                     — Sur les réunions entre producteurs

II - 95

                     — Sur les mécanismes de quotas et de compensation

II - 95

                     — Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux

II - 97

                     — Sur les initiatives de prix

II - 98

                     Appréciation du Tribunal

II - 99

                     — Sur les systèmes de quotas

II - 99

                     — Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux

II - 107

                     — Sur les prix cibles et les initiatives de prix

II - 111

                     — Sur l'origine de l'entente

II - 118

                     — Sur les réunions entre producteurs

II - 120

                 2. En droit

II - 123

                     a) Sur la qualification d'accord «et/ou» de pratique concertée

II - 123

                     Arguments des requérantes

II - 123

                     Appréciation du Tribunal

II - 124

                     b) Sur la qualification, en l'espèce, d'«accord» et/ou de «pratique concertée»

II - 125

                     Arguments des requérantes

II - 125

                     Appréciation du Tribunal

II - 128

                     c) Sur la qualification d'objet ou d'effet anticoncurrentiel

II - 130

                     Arguments des requérantes

II - 130

                     Appréciation du Tribunal

II - 131

                     d) Sur la qualification d'affectation du commerce entre États membres

II - 133

                     Arguments des parties

II - 133

                     Appréciation du Tribunal

II - 134

                     e) Sur les autres moyens de droit

II - 134

                     Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir

II - 134

                     Sur le moyen tiré d'un défaut de concordance entre le dispositif et les motifs de la Décision

II - 135

             C — Sur la participation des requérantes à l'infraction constatée

II - 135

                 1. Sur la prétendue imputation d'une responsabilité collective

II - 135

                     Arguments des parties

II - 135

                     Appréciation du Tribunal

II - 136

                 2. Sur la participation individuelle des requérantes à l'infraction

II - 138

                     a) DSM

II - 138

                     Arguments des requérantes

II - 138

                     Appréciation du Tribunal

II - 139

                     b) Atochem

II - 139

                     Arguments de la requérante

II - 139

                     Appréciation du Tribunal

II - 140

                     c) BASF

II - 142

                     Arguments de la requérante

II - 142

                     Appréciation du Tribunal

II - 142

                     d) Shell

II - 143

                     Arguments de la requérante

II - 143

                     Appréciation du Tribunal

II - 146

                     e) LVM

II - 149

                     Arguments de la requérante

II - 149

                     Appréciation du Tribunal

II - 150

                     f) Wacker

II - 151

                     Arguments de la requérante

II - 151

                     Appréciation du Tribunal

II - 151

                     g) Hoechst

II - 152

                     Arguments de la requérante

II - 152

                     Appréciation du Tribunal

II - 152

                     h) SAV

II - 153

                     Arguments de la requérante

II - 153

                     Appréciation du Tribunal

II - 154

                     i) Montedison

II - 156

                     Arguments de la requérante

II - 156

                     Appréciation du Tribunal

II - 156

                     j) Hüls

II - 158

                     Arguments de la requérante

II - 158

                     Appréciation du Tribunal

II - 159

                     k) Enichem

II - 161

                     Arguments de la requérante

II - 161

                     Appréciation du Tribunal

II - 162

             D — Sur l'imputabilité de l'infraction et l'identification des destinataires de la Décision

II - 164

                 1. Sur l'imputabilité de l'infraction

II - 164

                     Arguments des requérantes

II - 164

                     Appréciation du Tribunal

II - 166

                 2. Sur l'identification des destinataires de la Décision

II - 169

                     Arguments des requérantes

II - 169

                     Appréciation du Tribunal

II - 170

         III — Sur les moyens relatifs à l'accès au dossier

II - 173

             A — Sur les conditions dans lesquelles la Commission a donné accès à son dossier lors de la procédure administrative

II - 173

                 Arguments des parties

II - 173

                 Appréciation du Tribunal

II - 175

             B — Sur les observations déposées dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure

II - 179

                 Arguments des requérantes

II - 179

                 Appréciation du Tribunal

II - 179

     Sur les amendes

II - 188

         I — Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps et de la prescription

II - 188

             Arguments des requérantes

II - 189

             Appréciation du Tribunal

II - 190

         II — Sur les moyens tirés de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

II - 193

             Sur le caractère délibéré de l'infraction

II - 193

             Sur la durée de l'infraction

II - 194

                 Arguments des requérantes

II - 194

                 Appréciation du Tribunal

II - 195

             Sur le chiffre d'affaires pris en compte

II - 198

                 Arguments des requérantes

II - 198

                 Appréciation du Tribunal

II - 199

             Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

II - 199

                 Arguments des requérantes

II - 199

                 Appréciation du Tribunal

II - 200

         III — Sur les moyens tirés de la violation de l'obligation de motivation

II - 202

             Arguments des requérantes

II - 202

             Appréciation du Tribunal

II - 203

         IV — Sur les erreurs de droit et les erreurs manifestes d'appréciation

II - 205

             Arguments des requérantes

II - 205

             Appréciation du Tribunal

II - 206

        V — Sur la violation de principes généraux du droit

II - 208

             Sur les moyens tirés de la violation du principe d'individualité des peines

II - 208

             Sur les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité

II - 209

                 Arguments des requérantes

II - 209

                 Appréciation du Tribunal

II - 209

             Sur les moyens tirés de la violation du principe d'égalité de traitement

II - 211

                 Arguments des requérantes

II - 211

                 Appréciation du Tribunal

II - 212

     Sur les autres conclusions

II - 213

         I — Sur les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision

II - 214

             Arguments des requérantes

II - 214

             Appréciation du Tribunal

II - 214

         II — Sur la demande de réparation du préjudice prétendument subi

II - 217

     Conclusion

II - 217


1: Langues de procédure: l'allemand, l'anglais, le français, l'italien, le néerlandais.