Language of document : ECLI:EU:T:2021:361

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

16 juin 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2016 – Décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 11 – Absence de rapport de notation – Comparaison des mérites – Exécution d’un arrêt du Tribunal – Adoption d’une nouvelle décision de non-promotion – Obligation de motivation – Article 45 du statut – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑867/19,

RA, représenté par Me S. Orlandi, avocat,

partie requérante,

contre

Cour des comptes européenne, représentée par M. C. Lesauvage et Mme A.-M. Feipel-Cosciug, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 27 février 2019 par laquelle la Cour des comptes a décidé de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 11 et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 février 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le requérant, RA, est un fonctionnaire de la Cour des comptes européenne.

2        Par un arrêt du 8 novembre 2018, RA/Cour des comptes (T‑874/16, non publié, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2018:757), le Tribunal a annulé la décision du 4 mars 2016 par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») avait décidé de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 11 au titre de l’exercice de promotion 2016. Dans cet arrêt, le Tribunal a jugé que la Cour des comptes n’avait pas réfuté les arguments soulevés par le requérant qui étaient de nature à susciter un doute quant à ce que l’AIPN avait procédé à une dernière comparaison effective des mérites de tous les fonctionnaires ayant vocation à la promotion.

3        Par lettre du 4 décembre 2018, le chef du service juridique de la Cour des comptes a indiqué au requérant que l’administration procédait à l’analyse des modalités d’exécution de l’arrêt d’annulation, et il a invité ce dernier à formuler les observations qu’il souhaitait faire valoir à cet égard.

4        Par lettre du 18 décembre 2018, le requérant a transmis ses observations à la Cour des comptes. Il a notamment signalé qu’il considérait disposer de mérites justifiant sa promotion au grade AD 11. En effet, à la lumière notamment des enseignements tirés de l’arrêt d’annulation, il estimait que ses mérites étaient « à tout le moins équivalents à ceux des fonctionnaires de même grade qui ont été promus ».

5        Par note du 27 février 2019 (ci-après la « décision attaquée »), l’AIPN a informé le requérant de sa décision de ne pas le promouvoir au grade AD 11.

6        Le 14 mai 2019, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

7        Par note du 11 septembre 2019 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »), l’AIPN a informé le requérant du rejet de sa réclamation. Un tableau comparatif anonymisé des mérites des fonctionnaires promouvables au grade AD 11, en date du 11 février 2019, a également été transmis au requérant à sa demande.

II.    Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2019, le requérant a introduit le présent recours.

9        Le 16 avril 2020, le Tribunal a invité le requérant, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, de son règlement de procédure, à produire, dans un délai de deux semaines, les rapports d’évaluation anonymisés des fonctionnaires de la Cour des comptes promus au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion 2016 qu’il mentionnait à plusieurs reprises dans la requête. Le requérant a produit les documents demandés dans le délai imparti.

10      La procédure écrite a été clôturée le 31 août 2020.

11      Le 15 septembre 2020, le requérant a demandé la tenue d’une audience en vertu de l’article 106 du règlement de procédure.

12      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 février 2021.

13      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Cour des comptes à lui verser une somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

–        condamner la Cour des comptes aux dépens.

14      La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du recours

15      Il y a lieu de constater que, en l’espèce, par la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a été amenée à compléter la motivation de la décision attaquée, notamment en répondant aux griefs que le requérant avait avancés dans sa réclamation. Ainsi, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans ladite décision de rejet doit également être prise en considération pour l’examen de la légalité de l’acte initial faisant grief, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, GQ e.a./Commission, T‑525/16, EU:T:2018:964, point 34 et jurisprudence citée).

B.      Sur la demande d’annulation

16      Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant soulève trois moyens tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une violation de l’article 45 du statut et, le troisième, de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.

1.      Sur la recevabilité du moyen nouveau prétendument soulevé au cours de l’audience

17      Au cours de l’audience, la Cour des comptes a soutenu que, par l’argumentation qu’il développait dans sa plaidoirie, le requérant entendait soulever un moyen nouveau tiré, en substance, de l’illégalité du système de promotion en vigueur dans cette institution. Pour sa part, le requérant a répondu qu’il n’entendait pas soulever de moyen nouveau visant à contester la légalité du système de promotion en vigueur à la Cour des comptes, mais qu’il visait seulement à critiquer la méthode employée pour procéder à la comparaison des mérites litigieuse ainsi que l’absence de motivation tendant notamment à expliquer comment les rapports d’évaluation pertinents avaient été comparés.

18      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite sauf si ces moyens se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Toutefois, les arguments dont la substance présente un lien étroit avec un moyen énoncé dans la requête ne peuvent être considérés comme des moyens nouveaux et leur présentation est admise au stade de la réplique ou de l’audience (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, “Pro NGO!”/Commission, T‑454/17, EU:T:2018:755, point 70 et jurisprudence citée).

19      En l’espèce, il y a lieu de constater que, par son argumentation durant l’audience, le requérant n’a pas soulevé de moyen nouveau tiré de l’illégalité du système de promotion en vigueur à la Cour des comptes, mais qu’il a seulement présenté des arguments tendant à étayer les moyens qu’il avait soulevés dans la requête, notamment ceux tirés du défaut de motivation et de la violation de l’article 45 du statut. Par conséquent, lesdits arguments sont recevables.

2.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

20      Par son premier moyen, le requérant fait valoir, premièrement, que, dès lors que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal a constaté que la décision du 4 mars 2016, par laquelle la Cour des comptes avait refusé de le promouvoir au grade AD 11 au titre de l’exercice de promotion 2016, était entachée d’un vice de motivation, il incombait d’autant plus à cette dernière de lui indiquer clairement la méthode suivie par l’AIPN pour procéder à la comparaison des mérites litigieuse. Deuxièmement, le requérant considère que, alors que ses rapports d’évaluation étaient de très bonne qualité, l’AIPN s’est contentée d’affirmer avoir procédé à une comparaison globale des mérites des fonctionnaires promouvables au grade AD 11, sans lui préciser le motif individuel et pertinent pour lequel elle avait considéré que les mérites des fonctionnaires promus étaient supérieurs aux siens.

21      Cette argumentation est contestée par la Cour des comptes.

a)      Sur la recevabilité

22      La Cour des comptes considère que le premier moyen, par lequel le requérant invoque une violation de l’obligation de motivation, est irrecevable au motif qu’il est soulevé pour la première fois au stade de la requête et qu’il méconnaît ainsi la règle de concordance entre la réclamation et le recours.

23      Il convient de rappeler que le moyen tiré de l’absence ou de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée relève de la violation des formes substantielles au sens de l’article 263 TFUE et constitue un moyen pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2012, Marcuccio/Commission, F‑41/06 RENV, EU:F:2012:149, point 65 et jurisprudence citée).

24      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la Cour des comptes en ce qui concerne le premier moyen du recours.

b)      Sur le fond

1)      Rappel de jurisprudence

25      Il convient d’emblée de rappeler que l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, reprend l’obligation générale édictée par l’article 296 TFUE et rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle est un principe essentiel du droit de l’Union qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle [voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 374 (non publié) et jurisprudence citée]

26      Plus spécifiquement, en matière de fonction publique et s’agissant de la motivation d’une décision de promotion, le caractère suffisant de la motivation est apprécié au regard du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte attaqué. En particulier, l’AIPN n’est pas tenue de révéler au fonctionnaire non promu l’appréciation comparative qu’elle a portée sur ses mérites et sur ceux des fonctionnaires retenus pour la promotion, ni d’exposer en détail la façon dont elle a estimé que les candidats promus méritaient la promotion (arrêt du 13 juillet 2018, Pereira/Commission, T‑606/16, non publié, EU:T:2018:470, point 79).

27      Enfin, il a été jugé, en substance, qu’une simple insuffisance de la motivation fournie dans le cadre de la phase précontentieuse n’est pas de nature à justifier l’annulation de la décision contestée lorsque des précisions complémentaires sont apportées par l’AIPN en cours d’instance aux fins de la pallier. Cela est notamment le cas, lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation ou lorsque la décision de refus de promotion est intervenue dans un contexte qui lui était connu et lui permettait de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, points 37 à 39 et 43 à 45 et jurisprudence citée).

28      C’est à la lumière de cette jurisprudence et de ces principes qu’il convient de déterminer si la motivation de la décision attaquée peut être considérée comme suffisante.

2)      Sur la motivation afférente à la méthode suivie par l’AIPN

29      Le requérant reproche, en substance, à la Cour des comptes de ne pas lui avoir indiqué avec suffisamment de précision la méthode suivie par l’AIPN pour établir une hiérarchie entre les différents fonctionnaires promouvables.

30      En l’espèce, dans la décision attaquée, l’AIPN a d’abord indiqué au requérant qu’elle s’était replacée au point précis auquel le Tribunal avait considéré que la décision du 4 mars 2016 devait être annulée.

31      Puis, l’AIPN a précisé que, pour établir une hiérarchie entre les différents fonctionnaires promouvables, elle avait procédé à une nouvelle et dernière évaluation comparative des mérites du requérant avec ceux des fonctionnaires promus au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion litigieux.

32      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que, pour établir une telle hiérarchie, l’AIPN a procédé à cette nouvelle et dernière évaluation comparative selon la méthode qu’elle estimait la plus appropriée. Ladite méthode consistait notamment à résumer les différents critères prévus par l’article 45, paragraphe 1, du statut et par la communication au personnel no 44/2015 dans un tableau comparatif pour chacun des fonctionnaires de la Cour des comptes candidats à la promotion au grade AD 11. Au regard des informations qui y figuraient et en prenant en compte les recommandations émises par les représentants des directeurs et du personnel au sein du comité paritaire, elle a fait usage du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu pour comparer les mérites de ces différents candidats. C’est en procédant de la sorte qu’elle est finalement parvenue à la conclusion selon laquelle les mérites du requérant étaient inférieurs à ceux de chacun des fonctionnaires promus au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion litigieux. Ces informations ont, par ailleurs, été clairement portées à la connaissance du requérant au cours de la procédure précontentieuse.

33      Au regard des considérations qui figurent au point 32 ainsi que de la jurisprudence citée aux points 25 à 27 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la méthode suivie par l’AIPN a été exposée au requérant avec suffisamment de clarté. En effet, sur la base de ces informations, il était à même de comprendre la méthode retenue par l’AIPN pour comparer les mérites des fonctionnaires de la Cour des comptes candidats à une promotion au grade AD 11 et, le cas échéant, de contester le résultat auquel elle était parvenue en appliquant ladite méthode.

3)      Sur la communication du motif individuel et pertinent

34      Le requérant soutient que l’AIPN s’est contentée d’affirmer avoir procédé à une comparaison globale des mérites des fonctionnaires de la Cour des comptes promouvables au grade AD 11, sans lui préciser le motif individuel et pertinent pour lequel elle a considéré que les mérites de ceux d’entre eux qui ont été promus étaient supérieurs aux siens, et alors que ses rapports d’évaluation étaient pourtant de très bonne qualité.

35      À cet égard, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Cour des comptes a notamment considéré que « si [la] compétence [du requérant] et [sa] conduite dans le service ont, tout comme ceux des fonctionnaires promus, été considérés comme satisfaisants, il ressort de l’examen des rapports d’évaluation que les quinze fonctionnaires promus avaient soit exercé des tâches d’une complexité supérieure, soit travaillé à un niveau de responsabilité particulièrement élevé, soit fait preuve d’une autonomie particulière ou d’un leadership dans l’exercice de leurs fonctions, soit eu des performances exceptionnelles. Par ailleurs, bien qu’elle constitue un élément positif, la circonstance que [le requérant ait] eu l’occasion d’utiliser cinq langues dans l’exercice de [ses] fonctions ne saurait être déterminante, dès lors qu’[il n’exerçait] pas des fonctions de traducteur ».

36      En outre, dans la décision de rejet de la réclamation, la Cour des comptes a précisé que, au regard des appréciations dont le requérant avait fait l’objet, ainsi que de la liste des tâches et des objectifs qui lui avaient été assignés, celui-ci avait « exercé des fonctions de conseil, de représentation et de modérateur au sein du comité du personnel et [qu’il devait] encore confirmer [sa] capacité à prendre des décisions, [son] autonomie et [son] leadership dans l’exercice des fonctions de président du comité du personnel ». Ces informations figuraient, par ailleurs, également dans le tableau comparatif mentionné au point 32 ci-dessus.

37      Au regard des considérations qui viennent d’être exposées, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, le motif individuel et pertinent ayant fondé la décision de ne pas le promouvoir au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion 2016 lui a bien été communiqué. Il ressort en effet des points 35 et 36 ci-dessus que ce motif consistait en ce que, au terme de l’examen comparatif des mérites, l’AIPN a considéré que les mérites des fonctionnaires de la Cour des comptes promus au grade AD 11 avaient été supérieurs à ceux du requérant. Ainsi, ces derniers auraient, selon la Cour des comptes, soit exercé des tâches d’une complexité supérieure, soit travaillé à un niveau de responsabilité particulièrement élevé, soit fait preuve d’une autonomie particulière ou d’un leadership dans l’exercice de leurs fonctions, soit eu des performances exceptionnelles par rapport au requérant. En outre, le fait qu’il ait utilisé cinq langues dans le cadre de ses fonctions, bien qu’il constituait un élément positif, ne se serait pas révélé décisif, notamment parce que le requérant n’occupait pas de fonctions de traducteur. Puis, il lui a été clairement signifié qu’il était attendu de lui qu’il confirme sa capacité à prendre des décisions, son autonomie et son leadership.

38      Par ailleurs, en ce que le requérant déplore que la Cour des comptes n’ait pas expliqué comment elle appréciait le fait qu’un fonctionnaire ait pu démontrer des performances exceptionnelles sans remplir les critères énoncés à l’article 45 du statut, il convient de rappeler la jurisprudence qui figure au point 26 ci-dessus, en vertu de laquelle l’AIPN n’est pas tenue d’exposer en détail au candidat non promu la façon dont elle a estimé que les candidats promus méritaient la promotion, pour autant qu’elle ait précisé à ce dernier le motif individuel et pertinent ayant fondé la décision de ne pas le promouvoir.

39      Partant, l’argument du requérant selon lequel l’AIPN ne lui a pas précisé le motif individuel et pertinent pour lequel elle a considéré que les mérites des candidats promus étaient supérieurs aux siens n’est pas fondé et il doit être écarté pour cette raison.

40      Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son ensemble.

3.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 45 du statut

41      Par son deuxième moyen, le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée méconnaît les exigences qui découlent de l’article 45 du statut. Ledit moyen se divise en deux griefs distincts qu’il convient d’examiner conjointement.

42      Premièrement, le requérant considère que la méthode suivie par l’AIPN pour comparer les mérites des candidats à la promotion au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion litigieux est illégale, car elle n’est pas conforme au principe d’égalité de traitement. En l’espèce, l’AIPN a en effet indiqué qu’elle avait procédé à une évaluation globale des mérites des candidats à la promotion en examinant les trois critères pertinents prévus par l’article 45 du statut dans leur ensemble, et non indépendamment les uns des autres. Elle en a conclu que les mérites des fonctionnaires promus étaient supérieurs à ceux du requérant, soit parce qu’ils avaient exercé des tâches d’une complexité supérieure, soit parce que leur niveau de responsabilité était plus élevé, soit parce qu’ils avaient fait preuve d’une autonomie particulière, soit parce qu’ils avaient réalisé des performances exceptionnelles. De cette façon, le requérant estime que l’AIPN n’a pas précisé l’importance qu’elle entendait accorder à chaque critère pertinent avant de procéder à la comparaison des mérites litigieuse, méconnaissant ainsi le principe d’égalité de traitement. Selon lui, elle a notamment arbitrairement omis de déterminer quel était le critère de promotion qui justifiait la promotion des fonctionnaires recommandés par les directeurs membres de la commission paritaire de promotion plutôt que celle des fonctionnaires recommandés par les représentants du comité du personnel.

43      Deuxièmement, le requérant fait valoir que la manière dont l’AIPN a pris en compte le critère de l’utilisation des langues n’est pas conforme à l’article 45 du statut. Il considère en effet que l’AIPN a arbitrairement appliqué le critère des langues de manière différente aux candidats à la promotion selon qu’ils exerçaient, ou non, des fonctions de traducteur, en avantageant ainsi ces derniers.

44      La Cour des comptes conteste l’argumentation du requérant.

45      À titre liminaire, il convient de rappeler les principes qui encadrent l’office du juge de l’Union lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation de décisions prises par les institutions en matière de promotion de fonctionnaires.

46      L’article 45, paragraphe 1, du statut dispose ce qui suit:

« 1. La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2 […]. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f), et le niveau des responsabilités exercées. »

47      De plus, la communication au personnel no 44/2015 de la Cour des comptes du 14 septembre 2015 avait signalé, en substance, que la politique de la Cour des comptes en matière de promotion était régie par l’article 45 du statut et avait précisé les critères pris en compte aux fins de l’évaluation comparative des mérites.  

48      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’obligation pour l’AIPN de procéder à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus, prévu à l’article 45 du statut, est l’expression à la fois du principe d’égalité de traitement des fonctionnaires et de leur vocation à la carrière, l’appréciation de leurs mérites constituant ainsi le critère déterminant (voir arrêt du 16 mai 2013, Canga Fano/Conseil, T‑281/11 P, EU:T:2013:252, point 43 et jurisprudence citée).

49      À cet égard, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et si elle n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge de l’Union ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à celle de l’AIPN. Il doit se limiter à contrôler l’objectivité et l’exactitude de l’examen comparatif des mérites prévu par l’article 45, paragraphe 1, du statut à l’aune des précisions apportées par l’AIPN au sujet de l’exercice de promotion, préalablement audit examen. Ainsi, il n’appartient pas au juge de l’Union de contrôler le bien-fondé de l’appréciation, comportant des jugements de valeur complexes qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d’une vérification objective, portée par l’administration sur les aptitudes professionnelles d’un fonctionnaire (voir arrêt du 16 mai 2013, Canga Fano/Conseil, T‑281/11 P, EU:T:2013:252, point 41 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 juillet 2018, Pereira/Commission, T‑606/16, non publié, EU:T:2018:470, point 107).

50      En outre, l’AIPN dispose du pouvoir de procéder à l’examen comparatif des mérites selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la mieux appropriée (arrêts du 1er juillet 1976, de Wind/Commission, 62/75, EU:C:1976:103, point 17 ; du 19 octobre 2006, Buendía Sierra/Commission, T‑311/04, EU:T:2006:329, point 131, et du 14 juillet 2011, Praskevicius/Parlement, F‑81/10, EU:F:2011:120, point 53). En effet, ainsi qu’il a été reconnu par la jurisprudence, il n’existe pas d’obligation pour l’institution concernée d’adopter un système particulier d’évaluation et de promotion, compte tenu de la large marge d’appréciation dont elle dispose pour mettre en œuvre, conformément à ses propres besoins d’organisation et de gestion de son personnel, les objectifs de l’article 45 du statut (arrêts du 14 février 2007, Simões Dos Santos/OHMI, T‑435/04, EU:T:2007:50, point 132, et du 28 septembre 2011, AC/Conseil, F‑9/10, EU:F:2011:160, point 16).

51      Cependant, le large pouvoir d’appréciation ainsi reconnu à l’AIPN est limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des candidatures avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement. En pratique, cet examen doit être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’informations et de renseignements comparables (voir arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 53 et jurisprudence citée).

52      Dans le contexte du contrôle exercé par le juge de l’Union sur les choix opérés par l’administration en matière de promotion, une erreur est manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner les décisions en matière de promotion. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration (voir, en ce sens, arrêts du 23 novembre 2017, PF/Commission, T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, point 58, et du 13 juillet 2018, Pereira/Commission, T‑606/16, non publié, EU:T:2018:470, point 110).

53      En l’espèce, la Cour des comptes a indiqué que, aux fins de procéder à la dernière comparaison des mérites litigieuse, l’AIPN avait, sur la base des informations rappelées au point 32 ci-dessus, pris en compte les critères de promotion pertinents dans leur ensemble, et non séparément. C’est à l’aune d’une telle appréciation globale qu’elle affirme être parvenue à la conclusion selon laquelle les mérites du requérant étaient inférieurs à ceux des fonctionnaires promus au grade AD 11, notamment au motif que celui-ci devait encore confirmer sa capacité à prendre des décisions, son autonomie et son leadership, et que le critère de l’utilisation des langues n’était pas déterminant le concernant, dans la mesure où il n’exerçait pas des fonctions de traducteur.

54      Au regard de ces considérations, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, lorsque l’administration procède à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus, tel que prévu à l’article 45 du statut, elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’importance respective qu’elle accorde à chacun des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut, les dispositions de celui-ci n’excluant pas la possibilité d’une pondération entre eux (voir arrêt du 12 décembre 2012, Van Neyghem/Conseil, F‑77/11, EU:F:2012:187, point 39 et jurisprudence citée). À cet égard, si l’AIPN est amenée à déterminer, lors d’un examen comparatif des mérites, l’importance qu’elle accorde à chaque critère, cela implique qu’elle examine, à cette occasion, les trois critères prévus à l’article 45 du statut, lesquels doivent faire l’objet d’une appréciation commune qui ne saurait être scindée (ordonnance du 20 septembre 2013, Van Neyghem/Conseil, T‑113/13 P, EU:T:2013:568, point 23).

55      Ainsi, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la méthode employée en l’espèce par l’AIPN, consistant à procéder à une appréciation commune des trois critères pertinents prévus par l’article 45 du statut, est conforme à la jurisprudence citée au point 54.

56      En second lieu, le requérant reproche à l’AIPN d’avoir procédé à une application arbitraire et illégale du critère de l’utilisation des langues.

57      À cet égard, dans la décision attaquée, l’AIPN a indiqué au requérant que « bien qu’elle constitue un élément positif, la circonstance [qu’il ait] eu l’occasion d’utiliser cinq langues dans l’exercice de [ses] fonctions ne saurait être déterminante, dès lors [qu’il n’exerçait] pas des fonctions de traducteur ». Elle a précisé, dans la décision de rejet de la réclamation, avoir « bien tenu compte du fait que [le requérant avait] utilisé plusieurs langues autres que le français dans l’exercice de [ses] fonctions », mais avoir « cependant estimé, dans l’exercice comparatif de [ses] mérites avec ceux des fonctionnaires promus, que cette circonstance ne suffisait pas, à elle seule, à conclure [qu’il avait] des mérites équivalents ou supérieurs ».

58      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de constater, premièrement, que l’AIPN n’a pas omis de prendre en compte le critère de l’utilisation des langues dans l’appréciation comparative des mérites du requérant, puisqu’elle a précisé que cette utilisation représentait un élément qui avait été apprécié positivement au soutien de sa candidature à une promotion au grade AD 11. L’AIPN a toutefois considéré, deuxièmement, que cette circonstance n’était pas suffisante pour conclure que les mérites du requérant étaient supérieurs à ceux des fonctionnaires ayant été promus audit grade AD 11 lors de l’exercice de promotion litigieux, notamment parce que ce dernier n’exerçait pas des fonctions de traducteur.

59      Or, il ressort de la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus que l’AIPN est fondée à opérer une pondération des critères de promotion prévus par l’article 45 du statut.

60      En outre, s’agissant plus spécifiquement du critère de l’usage des langues, il a été jugé que, malgré le fait qu’un fonctionnaire utilise d’autres langues que sa langue maternelle et que son niveau de maîtrise de celles-ci satisfasse aux exigences du service, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’importance qu’elle entend donner à ce critère dans l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2015, Bonazzi/Commission, F‑88/15, EU:F:2015:150, point 55).

61      D’ailleurs, la jurisprudence a également reconnu que, dans le contexte d’un tel examen comparatif des mérites, l’AIPN ne saurait appliquer le critère de l’utilisation des langues de manière identique aux fonctionnaires n’exerçant pas de fonctions linguistiques et aux fonctionnaires exerçant de telles fonctions sans avantager les derniers au détriment des premiers, et qu’une telle application différenciée du critère de l’utilisation des langues était donc admise, pour autant qu’elle procède néanmoins à un examen comparatif commun à l’ensemble des fonctionnaires promouvables (arrêt du 23 novembre 2017, PF/Commission, T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, points 75 à 77).

62      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de constater que l’AIPN n’a pas fait usage de la marge d’appréciation dont elle dispose de manière manifestement erronée en accordant une importance moindre au critère de l’utilisation des langues par rapport aux deux autres critères prévus par l’article 45 du statut pour comparer les mérites du requérant avec ceux des autres fonctionnaires de la Cour des comptes candidats à une promotion au grade AD 11, notamment parce que ce dernier n’exerçait pas des fonctions de traducteur.

63      En troisième lieu, le requérant déplore que l’AIPN n’ait pas déterminé l’importance qu’elle entendait accorder à chaque critère pertinent avant de procéder à la comparaison des mérites litigieuse.

64      À cet égard, il convient de constater que, ainsi que cela a été rappelé au point 54 ci-dessus, il ressort du point 23 de l’ordonnance du 20 septembre 2013, Van Neyghem/Conseil (T‑113/13 P, EU:T:2013:568), que, lorsqu’elle procède à un examen comparatif des mérites, l’AIPN est amenée à déterminer l’importance qu’elle accorde à chaque critère, ce qui implique qu’elle examine, à cette occasion, les trois critères prévus à l’article 45 du statut, lesquels doivent faire l’objet d’une appréciation commune qui ne saurait être scindée.

65      Or, il y a lieu d’observer que, en l’espèce, la méthode utilisée par l’AIPN pour procéder à la comparaison des mérites litigieuse, telle que décrite par la Cour des comptes, a précisément consisté à examiner ainsi les trois critères prévus à l’article 45 du statut pour procéder à leur appréciation commune, ce qui est conforme à la jurisprudence citée au point 64.

66      Par conséquent, il convient d’écarter en tant que non fondés les arguments soulevés par le requérant tendant à démontrer que la décision attaquée n’est pas conforme à l’article 45 du statut en ce qu’elle méconnaît le principe d’égalité de traitement et, partant, le deuxième moyen du recours dans son ensemble.

4.      Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

67      Par son troisième moyen, le requérant conteste, en substance, le bien-fondé de l’examen comparatif de ses mérites avec ceux de certains des fonctionnaires promus au grade AD 11, en faisant valoir que la décision attaquée est entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.

68      Premièrement, le requérant souligne que, tandis qu’il faisait régulièrement usage de cinq langues dans l’exercice de ses fonctions au cours de la période d’évaluation concernée, parmi les fonctionnaires promus, quatre d’entre eux étaient traducteurs tandis que sept autres faisaient usage de moins de langues que lui dans l’exercice de leurs fonctions.  En outre, il affirme que la Cour des comptes soutient, pour la première fois dans le mémoire en défense, d’une part, que l’article 45 du statut n’exige de prendre en compte que les langues habituellement utilisées par les agents promouvables dans l’exercice de leurs fonctions, et qu’il n’aurait, à cet égard, fait usage que du français et de l’anglais, lesdites langues suffisant à répondre aux besoins de l’institution et, d’autre part que tous les fonctionnaires promus, à l’exception de l’un d’entre eux, utilisaient également les deux langues en question. Or, il estime que ces allégations sont contradictoires avec la motivation de la décision attaquée et qu’elles démontrent que celle-ci a été construite dans le but de motiver a posteriori la décision de ne pas le promouvoir. L’absence de raisonnement univoque et les contradictions précédemment évoquées prouvent également, selon lui, le caractère arbitraire de la décision attaquée.

69      Deuxièmement, en ce qui concerne le critère du rendement, le requérant constate que, alors qu’il a réalisé l’intégralité des objectifs managériaux et non-managériaux qui lui étaient assignés, tout en ayant accompli d’autres tâches en cours d’année et en ayant démontré sa capacité à exercer des tâches d’encadrement d’un niveau supérieur, six fonctionnaires n’ont pas tous atteint leurs objectifs tandis que huit autres ne devaient atteindre aucun objectif de nature managériale. Il ajoute que l’AIPN n’a fait valoir aucune circonstance spécifique tendant à expliquer pourquoi lesdits candidats promus n’avaient pas réalisé l’intégralité de leurs objectifs. Il précise n’avoir bénéficié que d’une assistance administrative réduite pour parvenir à accomplir les siens. En particulier, le requérant affirme ne pas comprendre comment des fonctionnaires qui ne devaient atteindre aucun objectif managérial pouvaient être plus méritants que lui.

70      Au stade de la réplique, le requérant précise que, tandis que le rendement des agents promouvables s’apprécie au regard des objectifs réalisés, dix des fonctionnaires promus n’ont, contrairement à lui, pas rempli tous leurs objectifs au cours d’une des deux années évaluées. Il souligne que, même si c’était la charge de travail qui avait fait obstacle à la réalisation desdits objectifs, son propre évaluateur a toutefois souligné les conditions difficiles dans lesquelles il s’était lui-même acquitté de ses fonctions et que les ressources mises à disposition du comité du personnel ont d’ailleurs été doublées par la suite. Par ailleurs, le requérant soutient que, au regard de ses rapports d’évaluation, l’affirmation de la Cour des comptes selon laquelle ses prestations correspondent seulement aux niveaux attendus au vu de son grade, de ses responsabilités et de son expérience dans le service serait peu crédible.

71      Troisièmement, s’agissant du critère relatif à la conduite dans le service, le requérant souligne qu’un fonctionnaire candidat à la promotion et qui n’avait pas été recommandé par les représentants du comité du personnel membres de la commission paritaire de promotion avait fait l’objet de critiques de la part de ses évaluateurs et a néanmoins été promu. Ainsi, le requérant affirme ne pas comprendre comment un candidat qui n’a pas démontré des mérites exemplaires a pu être promu plus rapidement que la moyenne. Au stade de la réplique, le requérant s’appuie sur le rapport d’évaluation dudit fonctionnaire pour réfuter l’argument de la Cour des comptes selon lequel le caractère négatif de la conduite de ce dernier aurait été exagéré par le requérant. Ainsi, il relève notamment que celui-ci avait quitté la délégation de l’Union à laquelle il était affecté plus tôt que prévu et sans remettre un rapport qui n’a été transmis qu’ultérieurement. Il fait également état de remarques visant un problème relationnel.

72      Quatrièmement, en ce qui concerne le critère du niveau de responsabilité exercé, le requérant constate que, contrairement à lui, quatre des candidats promus n’ont pas démontré leur capacité à exercer des tâches d’un niveau de responsabilité plus élevé. Il déplore donc une incohérence entre l’affirmation de l’AIPN selon laquelle elle a pris en considération le « fait que les fonctionnaires [promus] aient déjà travaillé ou soient capables de travailler à un niveau de responsabilité correspondant au grade immédiatement au leur », et le fait que les évaluateurs desdits candidats promus n’aient pas estimé qu’ils avaient travaillé, ou démontré leur capacité à travailler, à un niveau de responsabilité plus élevé.

73      La Cour des comptes conteste l’argumentation du requérant.

a)      Sur la recevabilité

74      La Cour des comptes soutient que le troisième moyen est irrecevable. Elle considère, en substance, que le requérant substitue son appréciation à celle de l’AIPN en procédant lui-même à une comparaison de ses propres mérites avec ceux des fonctionnaires de la Cour des comptes promus au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion 2016. En outre, elle estime qu’il fonde cette comparaison sur des rapports d’évaluation qui n’auraient pas dû être en sa possession.

75      À cet égard, il convient de constater, d’une part, que, en faisant valoir que la comparaison des mérites litigieuse est entachée d’erreurs manifestes, le requérant ne substitue pas son appréciation à celle de l’AIPN, mais il se borne à remettre en cause les appréciations qui fondent la décision attaquée, aux fins d’en contester la légalité. En outre, il ne demande pas au Tribunal de procéder à une nouvelle comparaison des mérites en lieu et place de l’AIPN, mais seulement d’en contrôler la légalité, au regard des éléments qu’il invoque.

76      Par conséquent, et notamment au regard de la jurisprudence exposée aux points 49 à 51 ci-dessus, il ne saurait être considéré que le troisième moyen est irrecevable pour ce motif.

77      D’autre part, en ce qui concerne les rapports d’évaluation anonymisés des fonctionnaires promus au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion litigieux, et à supposer que l’argumentation de la Cour des comptes puisse, en substance, être interprétée comme visant à exciper de l’irrecevabilité de ces derniers en tant qu’éléments de preuve plutôt que de celle du troisième moyen dans son ensemble, il convient de constater que, au cours de l’audience de plaidoiries, le requérant a précisé avoir obtenu lesdits rapports d’évaluation dans le cadre de la procédure juridictionnelle ayant donné lieu à l’arrêt d’annulation.

78      Or, il ressort non seulement des points 19 à 21 de l’arrêt d’annulation que ces allégations sont exactes, mais également que la transmission des rapports d’évaluation en cause avait été décidée à la suite d’une proposition formulée par la Cour des comptes elle-même. Dès lors, il ne saurait valablement être soutenu ni que le troisième moyen soulevé par le requérant est irrecevable parce que celui-ci se fonde notamment sur des remarques ayant trait au contenu de ces rapports d’évaluation, ni que ces derniers sont irrecevables en tant qu’éléments de preuve.

79      Partant, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la Cour des comptes en ce qui concerne le troisième moyen du recours.

b)      Sur le fond

80      À titre liminaire, outre les principes exposés aux points 46 à 52 ci-dessus, il convient de souligner que l’article 5 de la décision no 53-2014 de la Cour des comptes du 11 décembre 2014 relative aux promotions dispose ce qui suit :

« 5.1. Les fonctionnaires sont promus sur la base d’une évaluation comparative des mérites qu’ils ont démontrés dans leur grade actuel et de leur capacité à assurer les tâches requises dans le grade immédiatement supérieur […] »

81      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le statut ne confère aucun droit à la promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour être promus (voir arrêt du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, EU:T:2005:127, point 57 et jurisprudence citée). Si, au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN est appelée à procéder à un examen comparatif des mérites des candidats dans le cadre de chaque exercice de promotion, le fait qu’un candidat ait de bons mérites mais n’ait pas été promu lors d’un exercice antérieur ne lui garantit pas qu’il sera promu lors de l’exercice suivant et n’implique aucune présomption concernant l’appréciation de ses mérites lors d’un exercice ultérieur. En effet, une décision de promotion dépend non des seules qualifications et capacités du candidat mais de leur appréciation en comparaison de celles des autres candidats ayant vocation à être promus, et ce lors de chaque nouvel exercice de promotion (arrêt du 31 mai 2005, Dionyssopoulou/Conseil, T‑284/02, EU:T:2005:188, point 20).

1)      Sur l’évaluation des mérites du requérant

82      La Cour des comptes ne conteste ni les mérites du requérant, ni le caractère positif de leur évaluation tel qu’il ressort des rapports d’évaluation pris en compte lors de l’exercice de promotion litigieux. Elle souligne en effet que ces derniers sont de bonne qualité, que le requérant a atteint ses objectifs, qu’il a utilisé plusieurs langues dans l’exercice de ses fonctions et que ses prestations ont été jugées satisfaisantes du point de vue de son rendement, de sa compétence et de sa conduite dans le service. Tout au plus relativise-t-elle ces considérations en soulignant que les prestations du requérant correspondaient néanmoins au niveau attendu pour un fonctionnaire de son grade, de son niveau d’expérience et investi d’un tel niveau de responsabilité.

83      En outre, il a été rappelé au point 36 ci-dessus que la Cour des comptes a précisé que les aptitudes du requérant à exercer un certain nombre de tâches relevant, en substance, de ses capacités de direction, devaient encore être confirmées par ce dernier lorsqu’elles ont été appréciées aux fins de réaliser la comparaison des mérites litigieuse. Le Tribunal constate à cet égard que ces considérations n’ont pas été remises en question par le requérant dans le cadre de la présente affaire.

2)      Sur l’examen comparatif des mérites

84      Ainsi que cela a déjà été rappelé au point 46 ci-dessus, l’article 45, paragraphe 1, du statut prévoit que, pour réaliser la comparaison des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion, l’AIPN est tenue de prendre en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que celle dont ils avaient justifié posséder une connaissance et le niveau des responsabilités qu’ils avaient exercées au cours de la période pertinente. En outre, il ressort de la décision no 53-2014 de la Cour des comptes du 11 décembre 2014 que tant les mérites démontrés dans leur grade actuel que leur capacité à assurer des tâches requises dans le grade supérieur devaient être pris en compte pour réaliser une telle comparaison.

85      En ce qui concerne, plus particulièrement, l’exercice de promotion 2016, la manière dont les éléments pertinents seraient pris en compte pour comparer les mérites des candidats avait été clarifiée dans la communication au personnel no 2/2016 de la Cour des comptes du 7 janvier 2016.

86      À cet égard, dans la communication au personnel no 2/2016 de la Cour des comptes du 7 janvier 2016, cette dernière a signalé que, pour apprécier, premièrement, le critère du rendement elle prendrait en compte, d’une part, la réalisation des objectifs et, d’autre part, la qualité du travail. En ce qui concerne, deuxièmement, le critère de la compétence, la Cour des comptes a expliqué qu’il serait apprécié au regard des connaissances professionnelles, de la gestion de la documentation et de l’organisation du travail, de la capacité d’analyse, des aptitudes au jugement, à la résolution des problèmes, à la communication et éventuellement à l’encadrement ainsi qu’à la direction des personnes. Pour apprécier, troisièmement, le critère de la conduite dans le service, la Cour des comptes a signalé qu’elle prendrait en compte la culture de service, la capacité des fonctionnaires concernés à travailler avec d’autres personnes, le sens des responsabilités et l’intégrité de la conduite sur le plan professionnel.

87      Par ailleurs, il était aussi indiqué que les autres activités effectuées dans l’intérêt de l’institution devaient être prises en compte, de même que l’utilisation des langues autres que celles dont les fonctionnaires avaient justifié posséder une connaissance approfondie, ainsi que le niveau des responsabilités qu’ils avaient exercées.

88      En l’espèce, le requérant cherche à démontrer que l’appréciation de l’AIPN selon laquelle les mérites des fonctionnaires candidats A, C, D, E, F, G, H, I, J, K, O, P et S étaient supérieurs aux siens lors de l’exercice de promotion 2016 est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation.

89      En premier lieu, le requérant conteste, de manière générale, la manière dont l’AIPN a apprécié les différents critères pertinents pour procéder à la comparaison des mérites litigieuse.

90      À cet égard, le requérant soutient, premièrement, qu’il faisait usage de davantage de langues dans l’exercice de ses fonctions que onze des fonctionnaires promus.

91      Cependant, il ressort des points 56 à 66 ci-dessus qu’il ne saurait être considéré que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le critère de l’utilisation des langues revêtait une importance moindre par rapport aux autres critères pris en compte pour comparer les mérites des fonctionnaires qui n’exerçaient pas des fonctions de traducteurs.

92      Ainsi, même à supposer que, concernant le critère de l’utilisation des langues, les mérites d’un fonctionnaire aient été supérieurs à ceux de certains des fonctionnaires promus, cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, pour conclure à une erreur manifeste d’appréciation dans l’examen comparatif de l’ensemble des mérites des fonctionnaires promouvables (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2011, AC/Conseil, F‑9/10, EU:F:2011:160, point 64).

93      De plus, au regard des explications qui avaient été fournies dans la décision attaquée au requérant, telles qu’elles ont, en substance, été rappelées au point 32 ci-dessus, il convient de constater que celui-ci disposait d’éléments suffisants, dans le contexte dans lequel est intervenue l’adoption de la décision attaquée, pour comprendre comment l’AIPN avait appliqué le critère de l’utilisation des langues.

94      Par conséquent, c’est à tort que le requérant déplore que la Cour des comptes a seulement indiqué au stade contentieux que l’article 45 du statut n’exige de prendre en compte que les langues habituellement utilisées par les agents promouvables dans l’exercice de leurs fonctions.

95      Dès lors, la circonstance que le requérant ait fait usage de davantage de langues que certains fonctionnaires candidats à la promotion dans l’exercice de ses fonctions ne suffit pas à établir qu’une erreur manifeste d’appréciation a été commise par l’AIPN en considérant que ses mérites globaux étaient inférieurs aux leurs.

96      Deuxièmement, le requérant soutient qu’il a rempli l’ensemble de ses objectifs, tandis que cela n’était pas le cas pour dix fonctionnaires promus, et que c’est à tort que l’AIPN a considéré que cela ne signifiait pas qu’il était plus méritant que lesdits fonctionnaires. En outre, le requérant fait valoir que ce constat est renforcé par les conditions difficiles dans lesquelles il a réalisé lesdits objectifs au regard de sa charge de travail importante et du faible soutien administratif dont il disposait.

97      À cet égard, il ressort du point 85 ci-dessus, que la réalisation des objectifs n’était que l’un des deux éléments pris en compte, conjointement avec la qualité du travail, pour apprécier le rendement des fonctionnaires candidats à une promotion lors de l’exercice de promotion litigieux. En outre, ledit rendement ne constituait lui-même que l’un des trois critères pris en compte aux fins de comparer les mérites de ces candidats, conjointement avec leur compétence et leur conduite dans le service, et tout en tenant compte des autres activités qu’ils avaient réalisées dans l’intérêt de l’institution, de leur utilisation de différentes langues dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que du niveau des responsabilités qu’ils avaient exercées.

98      Dès lors, la circonstance que le requérant ait lui-même rempli l’ensemble des objectifs qui lui étaient assignés alors que tel n’est pas le cas de tous les fonctionnaires qui ont été promus au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion litigieux ne saurait, par elle-même, établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par l’AIPN dans la comparaison de leurs mérites respectifs.

99      Troisièmement, le requérant fait valoir, en substance, que la nature managériale de certains des objectifs qu’il a réalisés témoigne du niveau plus élevé des responsabilités dont il avait la charge par rapport aux fonctionnaires promus à qui des objectifs d’une telle nature n’avaient pas été assignés.

100    À cet égard, il convient d’abord d’observer que l’argument du requérant selon lequel la Cour des comptes affirme que les tâches qu’il a accomplies ne relèvent manifestement pas de celles d’un administrateur de grade AD 10 manque en fait. En effet, dans son mémoire en défense, la Cour des comptes se contente de relever que les tâches accomplies par le requérant correspondent à un niveau normal pour un fonctionnaire mis à disposition à plein temps du comité du personnel, sans pour autant contester qu’elles relèvent du niveau de celles qui doivent être réalisées par un fonctionnaire de grade AD 10.

101    S’agissant de la détermination du niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires candidats à une promotion au grade AD 11 lors de l’exercice litigieux, il convient de constater que la prémisse sur laquelle se fonde le requérant, selon laquelle ledit niveau est déterminé par l’importance des tâches managériales réalisées, est erronée.

102    En effet, il ressort de la jurisprudence qu’un fonctionnaire peut assumer un niveau de responsabilité élevé sans encadrer de nombreux subordonnés et que, inversement, un fonctionnaire peut encadrer de nombreux subordonnés sans exercer des responsabilités particulièrement élevées (arrêt du 16 décembre 2010, Conseil/Stols, T‑175/09 P, EU:T:2010:534, point 48).

103    Partant, l’AIPN a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que les mérites de fonctionnaires candidats à la promotion et n’ayant pas réalisé de tâches managériales étaient supérieurs à ceux du requérant.

104    Par ailleurs, le requérant soutient également que, dès lors que des représentants du personnel figuraient sur la liste des fonctionnaires promus, l’AIPN aurait dû considérer que le président du comité du personnel avait exercé des responsabilités au moins équivalentes.

105    À ce sujet, il convient toutefois de rappeler que le critère du niveau des responsabilités exercées n’est que l’un de ceux sur lesquels se fondait la comparaison des mérites litigieuse. Dès lors, les explications de la Cour des comptes, selon lesquelles ces fonctionnaires n’ont pas uniquement été promus sur la base des responsabilités qui leur étaient confiées, mais sur le fondement d’une appréciation globale de l’ensemble des critères de promotion, en tenant compte de ce qu’ils n’étaient pas détachés à plein temps auprès du comité du personnel, doivent être considérées comme plausibles.

106    Partant, aucune erreur manifeste ne saurait être détectée en ce qui concerne l’appréciation, par l’AIPN, des différents critères pertinents pour procéder à la comparaison des mérites litigieuse.

107    En second lieu, l’argumentation du requérant vise, plus spécifiquement, à contester la comparaison de ses mérites avec ceux de différents fonctionnaires promus au grade AD 11 qu’il identifie, telle qu’elle a été réalisée par l’AIPN.

108    Premièrement, le requérant fait valoir que le fonctionnaire A n’a pas accompli l’ensemble des objectifs qui lui étaient assignés, qu’aucune tâche de nature managériale ne lui était confiée et qu’il n’a fait usage que d’une seule langue dans l’exercice de ses fonctions.

109    À cet égard, la Cour des comptes explique que le fonctionnaire A n’a pas réalisé l’un de ses objectifs du fait d’un changement de fonctions, ce que confirme son rapport d’évaluation.  Par ailleurs,  pour les raisons exposées, en substance, aux points 91 à 95, et 101 à 103 ci-dessus, les circonstances que le fonctionnaire A n’ait utilisé qu’une langue dans l’exercice de ses fonctions et qu’il ne se soit pas vu confier de tâche de nature managériale ne suffisent pas, par elles-mêmes, à établir qu’une erreur manifeste d’appréciation a été commise par l’AIPN en considérant que ses mérites étaient supérieurs à ceux du requérant.

110    Deuxièmement, le requérant considère que ses mérites étaient supérieurs à ceux des fonctionnaires C, I, J et S, au motif que les rapports d’évaluation de ces derniers ne font pas état de la réalisation de tâches de nature managériale.

111    Au regard de ces arguments, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus que la nature managériale des tâches réalisées par un fonctionnaire n’est pas un critère déterminant pour apprécier le niveau des responsabilités dont il est investi.

112    En outre, s’agissant des différents fonctionnaires concernés, la Cour des comptes fait valoir que le fonctionnaire C était le représentant de son équipe en ce qui concernait les problèmes terminologiques. Ses rapports d’évaluation étaient, par ailleurs, particulièrement élogieux en ce qui concerne l’ensemble des critères pertinents. Le fonctionnaire I, outre les appréciations élogieuses dont il a lui aussi fait l’objet, a été considéré comme un traducteur très expérimenté, son sens des responsabilités a été souligné, et il était la personne de contact de son unité en ce qui concernait les problèmes liés à la terminologie. Le fonctionnaire J a, pour sa part, ponctuellement remplacé son chef d’unité et donc assumé des responsabilités managériales, tout en ayant eu un très haut rendement. Enfin, l’évaluateur du fonctionnaire S a souligné son potentiel à exercer des responsabilités plus élevées, de même que la très grande qualité de son rendement et de ses compétences.

113    Dès lors, dans la mesure où les rapports d’évaluation des fonctionnaires en cause n’infirment pas ces explications, il convient de constater qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’entache la comparaison de leurs mérites avec ceux du requérant.

114    Troisièmement, le requérant allègue, en substance, qu’il était plus méritant que le fonctionnaire D. À cet égard, il fait valoir que ledit fonctionnaire n’avait pas rempli l’ensemble de ses objectifs, qu’il aurait eu besoin de suivre 22 formations pour acquérir de nouvelles compétences et qu’aucune tâche de nature managériale ne lui était assignée.

115    Cependant, en ce qui concerne le rendement du fonctionnaire D, la Cour des comptes explique que ce dernier n’a que partiellement atteint l’un de ses objectifs non managériaux en 2013-2014 et que deux de ses objectifs de développement personnel n’ont pas été atteints au cours de la même période, car les formations concernées ont soit été annulées, soit été repoussées à la période 2014-2015. En outre, il convient de constater que, ainsi que cela a déjà été expliqué au point 97 ci-dessus, la réalisation des objectifs ne constituaient que l’un des deux éléments pris en compte pour apprécier le rendement des candidats à la promotion, le second de ces éléments étant la qualité de leur travail.

116    En ce qui concerne la compétence du fonctionnaire D, la Cour des comptes souligne que les différentes formations suivies par ce dernier visaient seulement à approfondir ses connaissances dans son domaine d’activité et non à pallier des insuffisances.

117    Or, il y a lieu d’observer que rien n’infirme les arguments de la Cour des comptes à ce sujet, dans la mesure où les évaluateurs dudit fonctionnaire soulignent à plusieurs reprises ses grandes compétences au regard de plusieurs critères pertinents pour les apprécier, tels qu’exposés au point 86 ci-dessus. Rien n’étaye donc l’argument du requérant selon lequel les formations suivies par le fonctionnaire D avaient pour objectif de remédier à de prétendues insuffisances.

118    Enfin, en ce qui concerne le fait qu’aucune tâche managériale n’ait été assignée au fonctionnaire D, la Cour des comptes souligne que ses rapports d’évaluation mentionnent le fait qu’il dispose du potentiel pour assurer des fonctions à responsabilités plus élevées. Dans la mesure où ces considérations sont avérées, il y a lieu de constater que le requérant ne parvient pas à démontrer qu’une erreur manifeste d’appréciation entache la comparaison de ses mérites avec ceux dudit fonctionnaire.

119    Quatrièmement, le requérant soutient que ses mérites sont supérieurs à ceux du fonctionnaire E, dans la mesure où une appréciation faisant état d’une altercation l’ayant opposé à un de ses collègues a été portée dans son rapport d’évaluation pour la période 2014-2015. Le requérant souligne également que ledit fonctionnaire n’a que partiellement complété deux objectifs de nature non managériale qui lui étaient assignés pour la période 2013-2014.

120    À ce sujet, la Cour des comptes explique notamment que ladite appréciation a été formulée en termes non critiques et qu’elle est en réalité de nature purement formelle. En outre, elle ajoute que les rapports d’évaluation dudit fonctionnaire sont, en tout état de cause, particulièrement élogieux et qu’ils témoignent donc du haut niveau de ses mérites.

121    À cet égard, la Cour des comptes souligne que le fonctionnaire E n’a que partiellement complété deux objectifs pour la période 2013-2014 parce qu’il a été amené à quitter ses fonctions, ce que confirme par ailleurs son rapport d’évaluation pour cette période.  En ce qui concerne la remarque portant sur un désaccord avec l’un de ses collègues, il y a lieu de constater qu’elle ne signifie pas que la conduite dans le service dudit fonctionnaire a, pour autant, été défaillante. Dès lors, cette circonstance isolée, même conjuguée au fait que ledit fonctionnaire maîtrisait moins de langues que le requérant, n’est pas de nature à caractériser une erreur manifeste d’appréciation commise par l’AIPN dans la comparaison de leurs mérites respectifs.

122    Cinquièmement, le requérant souligne que le fonctionnaire F n’a pas rempli deux objectifs consistant à participer à des audits et qu’il n’avait aucun objectif de nature managériale à accomplir pour la période 2014-2015. En outre, en ce qui concerne le niveau des responsabilités exercées, le requérant constate que l’évaluateur dudit fonctionnaire a indiqué que ce dernier devait acquérir davantage d’expérience dans l’encadrement avant de réaliser son ambition visant à devenir chef de tâche dans son rapport pour la période d’évaluation 2013-2014, ce qui ne s’est concrétisé qu’au cours de la période d’évaluation 2014-2015.

123    La Cour des comptes explique à ce sujet que, si le fonctionnaire F n’avait pas accompli deux de ses objectifs consistant à participer à des tâches d’audit, cela s’explique par le fait qu’il était déjà impliqué dans deux autres tâches d’audit, dont l’une a finalement engendré un travail conséquent.

124    À cet égard, il convient d’observer que le rapport d’évaluation du fonctionnaire F pour la période 2013-2014 confirme les explications de la Cour des comptes, dans la mesure où son rendement y est apprécié de manière très positive. De plus, la circonstance que, en ce qui concerne la période 2013-2014, son évaluateur ait estimé qu’il devait acquérir davantage d’expérience dans l’encadrement pour devenir chef de tâche ne saurait être considérée comme déterminante, dès lors que ledit fonctionnaire a justement été promu à l’issue d’une année d’expérience supplémentaire, lors de l’exercice de promotion 2016. Par conséquent, les allégations du requérant ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la comparaison de ses mérites avec le fonctionnaire F.

125    Sixièmement, le requérant allègue que ses mérites sont supérieurs à ceux des fonctionnaires G, H et O, dans la mesure où ces derniers n’ont pas réalisé l’ensemble de leurs objectifs et où ils n’ont pas assumé de responsabilités managériales ou les ont seulement assumées au cours de l’une des deux années évaluées.

126    En ce qui concerne le fonctionnaire G, il convient de constater que, pour les raisons exposées aux points 102 et 103 ci-dessus, le fait qu’il n’ait pas exercé de tâches de nature managériale au cours de la période 2014-2015 n’est pas déterminant pour apprécier le niveau de ses responsabilités. Par ailleurs, la circonstance qu’il n’ait pas accompli l’un de ses objectifs de développement personnel et seulement partiellement accompli deux desdits objectifs durant la période d’évaluation 2014-2015 ne saurait, pour les raisons exposées au point 97 ci-dessus, pas davantage être considérée comme suffisante pour établir qu’une erreur manifeste d’appréciation entache la comparaison de ses mérites avec ceux du requérant.

127    Au sujet du fonctionnaire H, la Cour des comptes soutient que, s’il n’a que partiellement accompli l’un de ses objectifs de développement personnel au cours de la période d’évaluation 2013-2014, cela est imputable à une charge de travail excessive et qu’il a d’ailleurs rempli ledit objectif l’année suivante.

128    À cet égard, il convient de constater que, pour les raisons rappelées au point 97 ci-dessus, la circonstance qu’il a seulement partiellement accompli l’un de ses objectifs ne saurait démontrer que les mérites globaux du requérant lui étaient manifestement supérieur. Par ailleurs, en ce qui concerne le niveau des responsabilités qu’il a exercées, les explications données par la Cour des comptes démontrent à suffisance de droit qu’il pouvait être considéré au moins équivalent à celui du requérant sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, puisqu’il a été nommé chef de cabinet d’un membre en 2014.

129    Enfin, en ce qui concerne le fonctionnaire O, il ressort de ses rapports d’évaluation qu’il n’a pas pu achever un objectif fixé dans l’intérêt de l’institution et un objectif de développement personnel pour la période d’évaluation 2013-2014. Par ailleurs, un des objectifs de nature non managériale qui lui avait été assigné a seulement été partiellement réalisé pour la période d’évaluation 2014-2015 et un objectif de développement personnel n’a, lui aussi, été que partiellement rempli. Cependant, il convient de constater que ses évaluateurs soulignent la qualité de son travail en ce qui concerne ces deux périodes. De plus, en ce qui concerne l’absence de tâches de nature managériales accomplies par ledit fonctionnaire, il y a lieu de constater que ses évaluateurs ont souligné ses capacités à assumer des responsabilités plus importantes.

130    Dès lors, aucune erreur manifeste d’appréciation n’entache la comparaison de ses mérites avec ceux du requérant.

131    Enfin, septièmement, le requérant conteste le résultat auquel est parvenu l’AIPN en comparant ses mérites avec ceux des fonctionnaires K et P, car ils n’ont pas réalisé l’ensemble des objectifs qui leur avaient été fixés au cours de la période pertinente.

132    À cet égard, la Cour des comptes reconnaît, en ce qui concerne le fonctionnaire K, que celui-ci a seulement partiellement accompli l’un de ses objectifs de développement personnel et qu’il n’en a pas accompli un autre. Toutefois, cela s’explique, selon elle, par une charge de travail croissante liée aux fonctions importantes occupées par ledit fonctionnaire, celui-ci étant chef d’unité. En outre, elle souligne que la participation aux formations doit être compatible avec la charge de travail et que, dans ce contexte, les choix du fonctionnaire K étaient judicieux.

133    Il convient de constater que les considérations qui précèdent sont confirmées par les appréciations formulées par l’évaluateur du fonctionnaire K dans son rapport d’évaluation portant sur la période 2013-2014. Cependant, il ressort également dudit rapport que l’un de ses objectifs de nature managériale n’a été que partiellement rempli. En tout état de cause, en l’absence d’autres arguments soulevés par le requérant en ce qui concerne les autres critères pris en compte pour comparer ses mérites avec ceux du fonctionnaire K, les considérations qui précèdent ne sont pas, à elles seules, de nature à révéler une erreur manifeste d’appréciation commise par l’AIPN en procédant à ladite comparaison, pour les raisons exposées aux points 97 et 98 ci-dessus.

134    Au sujet du fonctionnaire P, la Cour des comptes explique qu’il n’a pas pu accomplir plusieurs de ses objectifs non managériaux au cours des deux périodes prises en compte aux fins de la comparaison des mérites, car ces derniers ont été annulés. De plus, deux objectifs de développement professionnel n’ont pas été réalisés au cours de la période 2013-2014, mais la Cour des comptes fait valoir qu’ils n’avaient été fixés que pour autant qu’ils soient compatibles avec les tâches d’audit qui lui étaient fixées. Enfin, en ce qui concerne la période 2014-2015, il a seulement partiellement réalisé deux objectifs liés à un audit dans un domaine sensible, car des changements sont intervenus. La Cour des comptes explique à cet égard que cela était dû à des changements intervenus dans le champ et la priorité de l’audit en question.

135    Il convient de constater que les explications données par la Cour des comptes sont confirmées par l’analyse des rapports d’évaluation du fonctionnaire P. Dès lors, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 133 ci-dessus à propos du fonctionnaire K, il y a lieu de constater que la comparaison des mérites du fonctionnaire P avec ceux du requérant n’est pas, pour ce seul motif, entachée d’une erreur manifeste d’appréciation commise par l’AIPN.

136    Il résulte de ce qui précède qu’il n’apparaît pas de façon aisément perceptible que, sur la base de l’appréciation globale des critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut, les mérites des fonctionnaires candidats A, C, D, E, F, G, H, I, J, K, O, P et S n’étaient pas supérieurs à ceux du requérant. L’ensemble des griefs soulevés à l’appui du troisième moyen ayant ainsi été écartés, il y a, par conséquent, lieu d’écarter ledit moyen.

137    Partant, l’ensemble des moyens du recours ayant été écartés, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur ensemble.

C.      Sur la demande en indemnité

138    Le requérant fait valoir que la Cour des comptes a manqué aux obligations prévues à l’article 266 TFUE en s’abstenant d’adopter les mesures que comportaient l’exécution de l’arrêt d’annulation. En effet, dans ledit arrêt, le Tribunal a souligné que, tandis que les mérites du requérant pouvaient, a priori, justifier sa promotion, la Cour des comptes était demeurée en défaut d’établir par quels moyens, selon quelle méthode et à quel moment l’AIPN aurait mené la dernière comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables lors de l’exercice de promotion litigieux. Or, dans la décision attaquée, la Cour des comptes répéterait cette illégalité, cette dernière ne comportant à nouveau qu’une motivation sibylline et évasive. Il en découlerait un préjudice moral important causé au requérant, dans la mesure où il aurait été porté atteinte à la confiance que tout justiciable doit avoir dans le système juridique de l’Union fondé, notamment, sur le respect des décisions de justice rendues par les juridictions de l’Union. Dès lors, l’annulation de la décision attaquée ne suffirait pas, par elle-même, à réparer ledit préjudice de façon adéquate, et le requérant demande à ce que la Cour des comptes soit condamnée à lui verser une somme de 8 000 euros, correspondant à un montant forfaitaire de 2 000 euros par année écoulée depuis l’exercice de promotion litigieux.

139    La Cour des comptes conteste cette argumentation.

140    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui est reproché à l’institution, l’organe ou l’organisme concerné, la réalité du préjudice allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice allégué, ces trois conditions étant cumulatives (voir arrêt du 10 avril 2019, AV/Commission, T‑303/18 RENV, non publié, EU:T:2019:239, point 104 et jurisprudence citée).

141    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle (voir arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 127 et jurisprudence citée).

142    Or, en l’espèce, il y a lieu d’observer que la demande d’indemnisation formulée par le requérant repose seulement sur la prétendue illégalité qui entacherait la décision attaquée, de laquelle résulterait une mauvaise exécution de l’arrêt d’annulation par la Cour des comptes.

143    Dès lors que, pour les motifs exposés dans le cadre de l’examen des conclusions en annulation formulées par le requérant, il a été constaté qu’aucune illégalité n’entachait cette décision, la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Cour des comptes ne saurait être considérée comme étant satisfaite.

144    Il s’ensuit que les conclusions indemnitaires du requérant doivent être rejetées, de même que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

145    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Cour des comptes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      RA est condamné aux dépens.

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.