Language of document : ECLI:EU:T:2013:659

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

27 novembre 2013 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Rejet du recours en première instance comme manifestement irrecevable – Requête introduite par télécopie dans le délai de recours et signée au moyen d’un cachet reproduisant la signature de l’avocat – Dépôt hors délai de l’original – Tardiveté du recours – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑203/13 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 28 janvier 2013, Marcuccio/Commission (F‑92/12, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Luigi Marcuccio, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, O. Czúcz et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Luigi Marcuccio, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 28 janvier 2013, Marcuccio/Commission (F‑92/12, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable pour tardiveté son recours tendant notamment à l’annulation de la décision de la Commission d’effectuer des retenues sur son allocation d’invalidité pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre 2011 ainsi qu’au remboursement des sommes retenues, assorti d’intérêts.

 Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et ordonnance attaquée

2        Il résulte des points 14 à 16 de l’ordonnance attaquée ce qui suit :

« 14      Un document présenté comme étant la copie de la requête est parvenu au greffe du Tribunal par télécopie le 5 septembre 2012, à 23 h 47. Le 13 septembre 2012, le greffe du Tribunal a reçu par courrier la requête dont le texte se différencie sur certains points du document reçu par télécopie le 5 septembre 2012.

15      Après avoir constaté que la signature du représentant du requérant à la fin du document transmis par télécopie, le 5 septembre 2012, n’était pas identique à celle qui figure dans la requête reçue par courrier postal le 13 septembre 2012, et ayant des doutes sur l’existence et l’authenticité d’une signature manuscrite sur le document transmis par télécopie, le greffe du Tribunal a pris contact avec ledit représentant, par lettre du 21 septembre 2012, afin de lui demander de présenter l’original du document transmis par télécopie et lui a octroyé pour ce faire un délai allant jusqu’au 4 octobre 2012.

16      Dans sa réponse du 4 octobre 2012, le représentant du requérant a informé le Tribunal, d’abord, que les doutes précités étaient inappropriés et infondés, ensuite, que la signature manuscrite figurant sur la requête transmise par télécopie était authentique et, enfin, qu’il ʻn’exclu[ait] pas que la version papier du document en question ait été perdue, étant entendu qu’à [son] humble avis, il n’exist[ait] aucune obligation légale ou aucune raison de conserver la version originale de ce document, dès lors notamment qu’il a été constaté, par le biais du rapport de transmission par télécopie y relatif […], que ce document […] était parvenu par voie de télécopie aux services du greffeʼ. »

3        Le 28 janvier 2013, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme irrecevable pour les motifs suivants :

« 24      En l’état actuel du droit de la procédure juridictionnelle, depuis l’entrée en vigueur, le 2 octobre 2011, de la décision du Tribunal n° 3/2011, du 20 septembre 2011 (JO C 289, p. 11), relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-curia, la signature, apposée par l’avocat de sa propre main, sur l’original de la requête introductive d’instance ou le dépôt électronique de la requête par le représentant avec utilisation de son identifiant et de son mot de passe sont les seuls moyens permettant au Tribunal de s’assurer que la responsabilité de l’accomplissement et du contenu de cet acte de procédure est assumée par une personne habilitée à représenter la partie requérante devant les juridictions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 23 mai 2007, Parlement/Eistrup, T‑223/06 P, point 50).

25      L’exigence d’une signature qui peut uniquement avoir été apposée par le représentant de la partie au sens de l’article 34, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure vise ainsi, dans un but de sécurité juridique, à garantir l’authenticité de la requête et à exclure le risque que celle-ci ne soit pas, en réalité, l’œuvre de l’auteur habilité à cet effet. Cette exigence doit, dès lors, être considérée comme une règle substantielle de forme et faire l’objet d’une application stricte, de sorte que son inobservation entraîne l’irrecevabilité du recours. S’agissant de l’apposition, sur la requête introductive d’instance, d’un cachet reproduisant la signature de l’avocat mandaté par la partie requérante, force est de constater que cette façon indirecte et mécanique de ʻsignerʼ ne permet pas, à elle seule, de constater que c’est nécessairement l’avocat lui-même qui a signé l’acte de procédure en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance Parlement/Eistrup, précité, points 51 et 52).

26      En l’espèce, il ressort de l’examen de la requête déposée par télécopie le 5 septembre 2012 que la signature de l’avocat du requérant n’est pas manuscrite, mais a été apposée au moyen d’un cachet la reproduisant ou d’un autre mode de reproduction. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que ladite requête ne porte pas l’original de la signature de l’avocat du requérant, contrairement à ce que dispose l’article 34, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure et doit, pour cette raison, être déclarée irrecevable. Il s’ensuit que la date de réception du document envoyé par télécopie ne peut pas être retenue afin d’apprécier si le délai de recours, prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut, a été respecté.

27      Une deuxième requête dans cette affaire est toutefois parvenue au greffe du Tribunal le 13 septembre 2012, dans laquelle figure la signature manuscrite de l’avocat du requérant. Aux fins de décider sur la recevabilité de ce document, il convient de vérifier s’il a été déposé dans les délais de recours.

28      Dans cette requête, le requérant déclare avoir reçu la décision de rejet de la réclamation le 26 mai 2012. Partant, le délai pour introduire un recours contre cette décision, de trois mois et dix jours, qui est à compter à partir de cette date, a expiré le mercredi 5 septembre 2012.

29      La requête introduite par télécopie le 5 septembre 2012 n’étant pas recevable, ainsi qu’il ressort du point 26 de la présente ordonnance, il s’ensuit que la seule requête qui puisse être prise en compte dans cette affaire est celle dans laquelle figure la signature manuscrite du représentant du requérant ; cette requête étant parvenue au greffe le 13 septembre 2012, soit après l’expiration du délai de recours, elle doit être considérée comme tardive.

30      Par conséquent, sans qu’il soit besoin de communiquer la requête à la partie défenderesse, il y a lieu de déclarer le recours manifestement irrecevable. »

 Sur le pourvoi

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

4        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2013, le requérant a introduit le présent pourvoi.

5        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique.

6        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme irrecevable et/ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

7        En vertu de l’article 145 de son règlement de procédure, le Tribunal peut, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le rejeter à tout moment par voie d’ordonnance motivée, et ce même si une partie a demandé au Tribunal la tenue d’une audience (ordonnances du Tribunal du 24 septembre 2008, Van Neyghem/Commission, T‑105/08 P, RecFP p. I-B-1-49 et II‑B-1-355, point 21, et du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, RecFP p. I-B-1-53 et II-B-1-313, point 10). En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

8        À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève, en substance, un moyen unique, tiré des constatations matérielles inexactes du Tribunal de la fonction publique, qui se compose de deux branches. En effet, le requérant fait valoir que c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a conclu que, premièrement, le document reçu par télécopie le 5 septembre 2012 était différent sur certains points de l’original de la requête reçu le 13 septembre 2012 et, deuxièmement, la signature du document du 5 septembre 2012 n’était pas manuscrite, mais apposée au moyen d’un cachet la reproduisant ou d’un autre mode de reproduction. Dès lors, le Tribunal de la fonction publique aurait dû considérer le document envoyé par télécopie le 5 septembre 2012 comme une requête, dont l’original a été reçu par le greffe du Tribunal de la fonction publique le 13 septembre 2012, conformément à l’article 34, paragraphe 6, de son règlement de procédure, selon lequel « la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure […] parvient au greffe par tout moyen technique de communication dont dispose le Tribunal est prise en considération aux fins du respect des délais de procédure, à condition que l’original signé de l’acte […] soit déposé au greffe au plus tard dix jours après la réception de la copie de l’original ».

9        La Commission soutient que le pourvoi est irrecevable, premièrement, dans la mesure où le requérant se borne à demander une nouvelle appréciation des faits pour laquelle le juge de première instance est seul compétent, et, deuxièmement, en raison du fait que le pourvoi ne satisfait pas les exigences de clarté prévues par la jurisprudence. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que le pourvoi est dénué de fondement.

10      En ce qui concerne la question de la recevabilité du pourvoi, soulevée par la Commission, il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le juge de première instance est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits par le juge de première instance ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant ce juge, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal. Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2008, Kerstens/Commission, T‑222/07 P, RecFP p. I-B-1-37 et II-B-1-267, points 60 à 62, et la jurisprudence citée). 

11      En l’espèce, il convient de constater que le pourvoi, d’une part, vise de prétendues constatations matérielles inexactes du Tribunal de la fonction publique qui auraient entraîné l’irrecevabilité de la requête en première instance et, d’autre part, satisfait aux conditions de clarté prévues par la jurisprudence. Dès lors, le pourvoi doit être déclaré recevable.

12      Tout d’abord, il convient d’examiner la seconde branche du moyen unique.

13      S’agissant de la relation entre la signature de l’avocat représentant un requérant figurant dans une requête envoyée par télécopie et celle apposée sur l’original déposé au plus tard dix jours après, il y a lieu de rappeler ce qui suit.

14      Premièrement, selon une jurisprudence constante, lorsque la signature figurant au bas de la requête déposée par télécopie n’est pas identique à celle figurant sur l’original de la requête transmis par la suite, la requête introduite par télécopie ne peut pas être prise en compte aux fins du respect du délai de recours [voir ordonnances du Tribunal du 29 novembre 2011, ENISA/CEPD, T‑345/11, non publiée au Recueil, points 15 à 17, et du 3 octobre 2012, Tecnimed/OHMI – Ecobrands (ZAPPER-CLICK), T‑360/10, non publiée au Recueil, points 15 à 17, et la jurisprudence citée].

15      Deuxièmement, s’agissant de l’apposition, sur une requête introductive d’instance, d’un cachet reproduisant la signature de l’avocat mandaté par la partie requérante, il est également de jurisprudence constante que cette façon indirecte et mécanique de « signer » ne permet pas, à elle seule, de constater que c’est nécessairement l’avocat lui-même qui a signé l’acte de procédure en cause. En effet, l’exigence de la signature manuscrite d’une requête, qui vise, dans un but de sécurité juridique, à garantir son authenticité et à exclure le risque que celle-ci ne soit pas, en réalité, l’œuvre de l’auteur habilité à cet effet, doit être considérée comme une règle substantielle de forme et faire l’objet d’une application stricte, de sorte que son inobservation entraîne l’irrecevabilité du recours (arrêt du Tribunal du 23 mai 2007, Parlement/Eistrup, T‑223/06 P, Rec. p. II‑1581, points 50 à 52).

16      En l’espèce, le requérant ne remet pas en cause la jurisprudence selon laquelle l’apposition, sur une requête introductive d’instance, d’un cachet reproduisant la signature de l’avocat mandaté rend ladite requête irrecevable. En effet, ce dernier se borne à reprocher au Tribunal de la fonction publique d’avoir, à tort, conclu que les signatures apposées sur le document du 5 septembre 2012 envoyé par télécopie et sur l’original de la requête reçu le 13 septembre 2012 étaient différentes. En substance, le requérant soutient que la signature apposée dans le document du 5 septembre 2012 envoyé par télécopie est manuscrite et identique à celle apposée sur la requête du 13 septembre 2013.

17      Or, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort clairement du dossier en première instance, la signature apposée sur le document du 5 septembre 2012 envoyé par télécopie n’est pas identique à celle apposée sur la requête déposée le 13 septembre 2012. Il s’ensuit que le requérant ne peut pas reprocher au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir tenu compte du document du 5 septembre 2012 afin d’apprécier si le délai de recours, prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut, avait été respecté et avoir dès lors considéré comme tardive la requête déposée le 13 septembre 2012, puisque introduite après l’expiration dudit délai le 5 septembre 2012. En effet, selon la jurisprudence constante précitée, lorsque la signature d’un document envoyé par télécopie, tant dans le cas d’une signature apposée au moyen d’un cachet que dans le cas d’une signature manuscrite, ce que soutient le requérant dans son pourvoi, ne correspond pas à la signature de l’original de la requête déposé par la suite, cette différence entraîne les mêmes conséquences juridiques, à savoir l’impossibilité de prendre en compte le document reçu par télécopie afin d’apprécier le respect du délai de recours.

18      S’agissant de la première branche du moyen unique, par laquelle le requérant fait valoir que c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a constaté des différences entre certains points du document du 5 septembre 2012 et de la requête du 13 septembre 2012, il y a lieu de relever que, même si, comme le soutient le requérant, ces différences n’existent pas, cette branche doit être considérée comme inopérante dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a, à bon droit, jugé que le document du 5 septembre 2012 ne pouvait pas être retenu afin d’apprécier le respect du délai de recours. En effet, l’éventuelle constatation que les textes sont identiques ne peut pas remettre en cause la décision du Tribunal de la fonction publique de ne pas tenir compte dudit document.

19      À la lumière de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur les dépens

20      Conformément à l’article 148, premier alinéa, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

21      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

22      Le requérant ayant succombé en ses conclusions dans le cadre du pourvoi et la Commission ayant conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens, ce dernier supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Luigi Marcuccio supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 27 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.