Language of document : ECLI:EU:T:2023:434

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative représentant le contour d’un ours – Déchéance partielle – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Preuve de l’usage sérieux »

Dans l’affaire T‑638/21,

Apart sp. z o.o., établie à Suchy Las (Pologne), représentée par Me J. Gwiazdowska, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. Klee et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

S. Tous, SL, établie à Manresa (Espagne), représentée par Mes D. Gómez Sánchez, J. L. Gracia Albero, M. Molina García et M. Schaaf, avocats,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et I. Gâlea (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 29 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante,  Apart sp. z o.o., demande l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 juillet 2021 (affaire R 1437/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 23 mai 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de déchéance de la marque de l’Union européenne enregistrée à la suite d’une demande déposée le 26 février 2009 pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée relèvent des classes 14, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies et parasols » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        Le motif invoqué à l’appui de la demande en déchéance était celui visé à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

5        Le 8 septembre 2017, l’intervenante, S. Tous, SL, a présenté des éléments de preuve visant à établir l’usage sérieux de la marque contestée. Le 21 juin 2018, elle a produit des éléments de preuve supplémentaires.

6        Le 15 mai 2020, la division d’annulation a partiellement accueilli la demande en déchéance. L’intervenante a été déchue de ses droits sur la marque contestée à compter du 23 mai 2017 pour certains des produits contestés, à savoir :

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages ; pierres précieuses ; horlogerie à l’exception des montres-bracelets ; instruments chronométriques » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir ; peaux d’animaux ; parasols » ;

–        classe 25 : « Vêtements, à l’exception des foulards et des vêtements pour bébés, chaussures, à l’exception des chaussures pour bébés ; chapellerie ».

7        Le 13 juillet 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation, demandant notamment que celle-ci soit annulée en tant que la division d’annulation avait partiellement rejeté la demande en déchéance de la marque contestée pour certains produits.

8        Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours a rejeté le recours. Tout d’abord, elle a examiné les éléments de preuve produits par l’intervenante afin de caractériser l’usage sérieux de la marque. À la lumière de ces éléments de preuve, elle a conclu que la marque contestée avait été utilisée « en tant que marque dans la vie des affaires ». La chambre de recours a également constaté que la marque contestée avait un caractère distinctif, celle-ci étant composée du contour d’un ours. De plus, elle a considéré que la représentation de la marque sous diverses formes dans les éléments de preuve était immédiatement identifiée par les consommateurs pertinents et que toutes les modifications qui étaient apportées à ladite marque n’étaient pas suffisamment importantes pour que le contour caractéristique du signe ne soit pas visible. Partant, elle a conclu que la marque contestée avait été utilisée dans des variantes acceptables conformément à l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001], et que son usage en rapport avec les produits en cause avait été démontré de façon suffisante pour créer ou conserver des parts de marché sur le marché spécifique.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et la modifier en prononçant la déchéance de la marque contestée ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant l’EUIPO ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens exposés devant la chambre de recours ainsi que devant le Tribunal.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        en substance, rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés devant la division d’annulation et la chambre de recours.

 En droit

 Observations liminaires

12      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante se réfère, dans ses écritures, aux dispositions du règlement 2017/1001. Toutefois, compte tenu de la date d’introduction de la demande en déchéance en cause, à savoir le 23 mai 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3). Dans la mesure où les articles 18 et 58 du règlement 2017/1001 correspondent aux articles 15 et 51 du règlement no 207/2009, il y a lieu d’entendre les références faites par les parties aux premiers articles comme visant ces derniers articles (arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 25).

13      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée).

14      Il y a lieu de constater que le règlement 2017/1001 est entré en vigueur le 1er octobre 2017, date à laquelle la procédure devant la division d’annulation était encore en cours. Le règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1) est entré en vigueur le 14 mai 2018. L’article 80, du règlement délégué 2018/625, prévoit que les dispositions du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) continuent de s’appliquer aux procédures en cours jusqu’à leur terme lorsque le présent règlement ne s’applique pas, conformément à son article 82. Or, l’article 82, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2018/625, prévoit que l’article 10, relatif à la preuve de l’usage ne s’applique pas aux demandes de preuve de l’usage déposées avant le 1er octobre 2017.

15      La demande de la preuve de l’usage ayant été introduite à une date antérieure au 1er octobre 2017, les dispositions du règlement no 2868/95 doivent dès lors s’appliquer. En revanche, les dispositions du règlement délégué 2018/625 s’appliquent en ce qui concerne la question de la portée du recours formé devant la chambre de recours et celle de la recevabilité des observations déposées par la requérante le 18 décembre 2020, examinées respectivement aux points 16 et suivants et aux points 35 et suivants ci-après.

 Sur la demande de fixation de la date de déchéance à une date antérieure à la date de demande en déchéance

16      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir refusé sa demande tendant à ce qu’une date antérieure à la date de dépôt de la demande en déchéance soit fixée, aux fins de déterminer la date à compter de laquelle la déchéance ainsi prononcée s’agissant des produits visés aux point 6 ci-dessus produirait ses effets. Elle considère que la chambre de recours a omis de prendre en compte les éléments de preuve relatifs à cette demande et n’a pas motivé sa décision sur ce point.

17      La chambre de recours a constaté, au point 13 de la décision attaquée, que, dans son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante avait limité la portée de son recours, en demandant l’annulation de la décision de la division d’annulation seulement dans la mesure où celle-ci avait rejeté la demande en déchéance en ce qui concernait certains produits compris dans les classes 14, 18 et 25 pour lesquels elle avait conclu que l’intervenante avait fourni suffisamment d’éléments de preuve démontrant la preuve de l’usage. La chambre de recours en a déduit que la décision de la division d’annulation n’était pas contestée en tant qu’elle avait partiellement accueilli la demande en déchéance s’agissant de certains produits compris dans ces mêmes classes pour lesquels elle avait conclu que l’intervenante n’avait pas apporté la preuve de l’usage. Partant, la chambre de recours a considéré que la demande de fixation d’une date antérieure à la date de dépôt de la demande en déchéance, aux fins de déterminer la date à laquelle la déchéance partielle devait produire ses effets, n’avait pas non plus fait l’objet d’un recours. Par conséquent, elle a conclu que, dans cette mesure, la décision attaquée était définitive sur ce point.

18      La chambre de recours a constaté que, dans son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a demandé à ce que la date des effets de la déchéance, pour les produits pour lesquels la demande en déchéance a été accueillie, soit fixée à une date antérieure à la date de dépôt de la demande en déchéance et a souligné que, au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625, ce mémoire ne devait pas étendre les limites de la portée du recours telles que définies dans l’acte de recours conformément à l’article 21, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2018/625. Partant, elle a considéré que la demande devait être rejetée comme irrecevable.

19      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

20      Il convient de souligner, à l’instar de la chambre de recours, que la requérante n’a demandé, dans le mémoire exposant les motifs du recours, qu’une annulation partielle de la décision de la division d’annulation, seulement en tant que celle-ci avait rejeté la demande en déchéance pour une partie des produits et services relevant des classes 14, 18 et 25.

21      Il convient de relever que, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, l’examen au fond du recours par la chambre de recours est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. De même, l’article 64, paragraphe 5, première phrase, de ce même règlement, énonce que, s’il résulte de l’examen de la demande en déchéance ou en nullité que la marque aurait dû être refusée à l’enregistrement pour tout ou partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits ou la nullité de la marque est déclarée pour les produits ou les services concernés. En outre, l’article 21, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2018/625, précise que l’acte de recours déposé conformément à l’article 68, paragraphe 1, dudit règlement, doit contenir, lorsque la décision objet du recours n’est attaquée que partiellement, une indication claire et sans équivoque des produits et services pour lesquels la décision objet du recours est attaquée.

22      Il ressort d’une lecture combinée des dispositions mentionnées au point 21 ci-dessus et de l’article 71, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, que la chambre de recours, dans le cadre d’un recours portant sur une demande en déchéance d’une marque et dirigé contre une décision de la division d’annulation, ne peut statuer au-delà des conclusions formulées devant elle.

23      À cet égard, il a déjà été jugé que, dans le cadre d’un recours portant sur un motif relatif de refus d’enregistrement d’une marque et dirigé contre une décision de la division d’opposition, la chambre de recours ne pouvait statuer au-delà de l’objet du recours formé devant elle. La chambre de recours ne peut ainsi annuler une telle décision que dans les limites des conclusions qu’une partie requérante formule dans le cadre du recours contre cette dernière décision ou, le cas échéant, que la partie défenderesse formule dans ses observations en réponse [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 19 septembre 2018, Eddy’s Snack Company/EUIPO – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Eddy’s Snackcompany), T‑652/17, non publié, EU:T:2018:564, point 20, et du 13 octobre 2021, Škoda Investment/EUIPO – Škoda Auto (Représentation d’une flèche avec aile), T‑712/20, EU:T:2021:700, point 22].

24      Il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la décision de la division d’annulation est devenue définitive à l’égard des produits pour lesquels la demande en déchéance a été accueillie et que ce point n’a pas été contesté par la requérante dans son recours devant la chambre de recours. Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a décidé que la demande de la requérante visant à fixer une date antérieure à la date de dépôt de la demande en déchéance devait être rejetée comme irrecevable.

 Sur la recevabilité de certains éléments de preuve et de certaines observations

25      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir approuvé les conclusions de la division d’annulation concernant la recevabilité des éléments de preuve produits par l’intervenante le 21 juin 2018, tout en déclarant irrecevables les observations qu’elle avait elle-même formulées le 18 décembre 2020.

–       Sur les éléments de preuve produits tardivement devant la division d’annulation

26      La requérante allègue que les éléments de preuve supplémentaires produits par l’intervenante, le 21 juin 2018, n’auraient pas dû être pris en considération en raison de leur tardiveté.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

28      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que les éléments de preuve supplémentaires produits, le 21 juin 2018, devant la division d’annulation ne faisaient que renforcer et clarifier les éléments de preuve produits initialement le 8 septembre 2017. En outre, la chambre de recours a relevé que la requérante avait contesté les éléments de preuve initialement produits et que la présentation de nouveaux éléments se justifiait en réponse à ces objections. Dès lors, la chambre de recours a conclu qu’il convenait de rejeter le grief de la requérante selon lequel les nouveaux éléments n’auraient pas dû être pris en considération.

29      À titre liminaire, il convient de rappeler que la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95 prévoit que dans le cas d'une demande en déchéance fondée sur l’article 50, paragraphe 1, point a), du règlement, l’Office demande au titulaire de la marque communautaire la preuve de l’usage de la marque au cours d’une période qu’il précise. Si la titulaire de la marque contestée ne fournit pas cette preuve dans le délai imparti, l’EUIPO déclare la déchéance de la marque.

30      Toutefois, il y a lieu de tenir compte du pouvoir d’appréciation qui est conféré à l’EUIPO en vertu des dispositions de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, qui précisent que l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’aucune preuve de l’usage de la marque concernée n’est pas produite dans le délai imparti par l’EUIPO, le rejet de la demande en déchéance doit être prononcée d’office par ce dernier. Par contre, lorsque des éléments de preuve ont été produits dans le délai imparti par l’EUIPO, la production de preuves supplémentaires demeure possible (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, EUIPO/Grau Ferrer, C‑597/14 P, EU:C:2016:579, point 26).

32      En précisant que ce dernier «peut», en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit en effet l’EUIPO d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, EU:C:2013:484, point 23).

33      S’agissant plus précisément de la production de preuves de l’usage sérieux de la marque dans le cadre de procédures de déchéance introduites sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, il ressort également de la jurisprudence que la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95 prévoit, à cet égard, que l’EUIPO demande au titulaire de la marque de l’Union européenne la preuve de l’usage de la marque au cours d’une période qu’il précise. Ladite règle dispose également, à sa deuxième phrase, que, si la preuve de l’usage de la marque n’est pas apportée dans le délai ainsi imparti par l’EUIPO, la déchéance de celle-ci est prononcée. Il en résulte que, lorsque aucune preuve de l’usage de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’EUIPO, la sanction de déchéance doit en principe être prononcée d’office par ce dernier. Une telle conclusion ne s’impose pas, en revanche, lorsque des éléments de preuve de cet usage, qui ne sont pas dépourvus de toute pertinence, ont été produits dans ledit délai. Il en résulte également que la présentation de preuves de l’usage de la marque venant s’ajouter à des preuves elles-mêmes produites dans le délai imparti par l’EUIPO, en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95, demeure possible après l’expiration dudit délai et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte des preuves supplémentaires produites ainsi tardivement [voir arrêt du 9 février 2022, Heitec/EUIPO – Hetec Datensysteme (HEITEC), T‑520/19, non publié, EU:T:2022:66, points 33 à 35 et jurisprudence citée].

34      De même, il a déjà été jugé qu’était possible la présentation par le titulaire d’une marque contestée de preuves supplémentaires au-delà du délai imparti par l’unité de l’EUIPO intervenant en première instance, dès lors que ces preuves n’étaient pas les premières et uniques preuves de l’usage, mais qu’il s’agissait de preuves complémentaires à des éléments de preuves pertinents, déposés dans le délai imparti [voir arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ADPepper), T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, point 21 et jurisprudence citée].

35      Force est de constater que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, les éléments de preuve supplémentaires consistent en des échantillons de factures de nouvelles ventes dans de divers pays de l’Union européenne au cours de la période comprise entre 2014 et 2017 et complètent les éléments soumis avant la fin dudit délai. En outre, ces éléments ont permis à l’intervenante de répondre aux observations présentées par la requérante en objection aux éléments de preuve soumis initialement.

36      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de constater que c’est sans méconnaitre son large pouvoir d’appréciation que la chambre de recours a admis les éléments de preuve supplémentaires soumis par l’intervenante le 21 juin 2018.

–       Sur la recevabilité des observations soumises par la requérante le 18 décembre 2020

37      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération ses observations présentées dans sa lettre datée du 18 décembre 2020 et considère que le refus de la chambre de recours est injustifié, dès lors que l’EUIPO a communiqué ladite lettre à l’intervenante et a versé les observations au dossier de la procédure, ce qui, selon elle, signifiait qu’il les avait acceptées.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

39      La chambre de recours a constaté que la requérante avait été informée, par lettre du 30 novembre 2020, que la procédure écrite était close et qu’elle rendrait sa décision en se fondant sur les arguments et les éléments de preuve dont elle disposait. En outre, elle a souligné que la requérante avait eu la possibilité de demander un deuxième tour d’observations écrites. Dès lors, elle a conclu que les observations en cause étaient irrecevables.

40      Il convient de relever que la procédure devant la chambre de recours est définie au titre V du règlement délégué 2018/625, intitulé « Recours ». Les articles 21 à 26 de ce règlement délégué se réfèrent spécifiquement aux différentes étapes de la phase écrite de ladite procédure. En particulier, lors de cette phase écrite, l’acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours sont suivis par la présentation des observations en réponse de l’autre partie à la procédure. Par la suite, conformément à l’article 26, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625, la chambre de recours peut autoriser le requérant à compléter le mémoire exposant les motifs par un mémoire en réplique dans le délai qu’elle fixe. Une telle autorisation doit être précédée d’une requête motivée du requérant, déposée dans un délai de deux semaines à compter de la notification du mémoire en réponse.

41      Il convient de constater que, conformément à la procédure prévue par le règlement délégué 2018/625, après la présentation des observations en réponse par l’autre partie à la procédure, le requérant a toujours la possibilité de demander à la chambre de recours l’autorisation de présenter un mémoire en réplique sur lesdites observations, y compris sur les éventuels nouveaux éléments de preuve présentés [arrêt du 16 juin 2021, Fidia farmaceutici/EUIPO – Ioulia and Irene Tseti Pharmaceutical Laboratories (HYAL), T‑215/20, non publié, EU:T:2021:371, point 87].

42      Or, en l’espèce, il suffit de constater que, ainsi que le relève l’EUIPO, à la suite de la réception des observations du 18 novembre 2020, la requérante n’a pas demandé, dans le délai de deux semaines suivant cette réception, l’autorisation de présenter un mémoire en réplique alors qu’elle disposait de cette possibilité pour faire valoir ses observations.

43      Par conséquent, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte les observations présentées par la requérante dans sa lettre du 18 décembre 2020 et de l’avoir privée de l’opportunité de se prononcer sur le mémoire en réponse du 18 novembre 2020.

 Sur les conclusions aux fins d’annulation

44      À l’appui de son recours la requérante soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a) et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. Le deuxième moyen est tiré d’un défaut de motivation, en violation de l’article 94, paragraphe 1 et de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 20 et de l’article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a) et c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), relatifs au droit d’être entendu, à l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions, ainsi qu’aux principes de bonne administration, de sécurité juridique et d’égalité de traitement.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 94, paragraphe 1, et de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

45      Par son deuxième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir motivé sa décision et, en particulier, d’avoir analysé l’usage sérieux de la marque uniquement sur la base d’éléments de preuve provenant de déclarations de tiers non fiables, telles que le certificat de l’Asociación para la Defensa de la Marca (Andema). La requérante renvoie à cet égard à ses arguments exposés dans le cadre du premier moyen.

46      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

47      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO sont motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée [arrêt du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C‑96/11 P, EU:C:2012:537, point 86 ; voir, également, arrêt du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, EU:T:2004:116, points 72 et 73 et jurisprudence citée].

48      Cependant, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il suffit donc à l’institution concernée d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 27 février 2018, Hansen Medical/EUIPO – Covidien (MAGELLAN), T‑222/16, non publié, EU:T:2018:99, point 50 et jurisprudence citée].

49      Premièrement, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir expliqué le raisonnement qui l’a conduite à considérer que le certificat délivré par l’Andema constituait une preuve objective.

50      À cet égard, il convient de constater que la chambre de recours a précisé que le certificat délivré par l’Andema, qui était une association indépendante, émanait d’un tiers qui n’était pas lié à l’intervenante et ne provenait donc pas de sa sphère, contrairement aux autres certificats. Elle a donc conclu qu’il s’agissait d’un élément de preuve objectif qui permettait à lui seul d’attester de certains faits, sans pour autant être l’unique élément sur lequel elle fondait son appréciation globale, celui-ci étant corroboré par d’autres éléments de preuve.

51      Par conséquent, il convient de constater que la chambre de recours a motivé à suffisance de droit son appréciation et que l’argument de la requérante doit être rejeté.

52      Deuxièmement, la requérante réitère, en substance, ses griefs relatifs à l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, et reproche à la chambre de recours de ne pas avoir expliqué le raisonnement qui lui a permis d’arriver à ses conclusions sur ce point.

53      En l’espèce, la chambre de recours a analysé l’usage sérieux de la marque contestée à l’égard des éléments de preuve soumis, en concluant que l’usage de cette marque avait été démontré pendant la période pertinente ainsi que sur le territoire pertinent. S’agissant de l’importance de l’usage, elle a constaté que les éléments de preuve soumis par l’intervenante permettaient de conclure que le seuil établi par la jurisprudence avait été atteint. Par ailleurs, à l’égard de la nature de l’usage, la chambre de recours a considéré que, au vu de la jurisprudence pertinente, la marque contestée avait été utilisée en tant que marque dans la vie des affaires et que l’utilisation sous d’autres formes n’altérait pas son caractère distinctif.

54      À cet égard, force est de constater, ainsi que le relève l’EUIPO, que la chambre de recours a détaillé son raisonnement aux points 42 à 107 de la décision attaquée, en faisant notamment des références explicites aux éléments de preuve.

55      En outre, il convient de relever que la requérante conteste le bien-fondé de la motivation de la chambre de recours, lequel est examiné dans le cadre du premier moyen, aux points 61 à 125 ci-après.

56      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a motivé à suffisance de droit la décision attaquée quant à la question de savoir si celle-ci avait rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits en cause.

57      Troisièmement, s’agissant de la violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, relatif à l’examen d’office des faits, il convient de constater que la requérante se borne à le citer et n’indique pas en quoi il aurait été violé par la chambre de recours.

58      À cet égard, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal aux termes de l’article 53 dudit statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui [voir arrêt du 22 juin 2017, Biogena Naturprodukte/EUIPO (ZUM wohl), T‑236/16, EU:T:2017:416, point 11].

59      Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante n’a pas expliqué dans sa requête en quoi la chambre de recours aurait violé l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et s’est bornée à le citer dans l’exposé de ses moyens. Partant, il y a lieu de rejeter cet argument comme irrecevable.

60      Il convient donc de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le premier moyen tiré de l’erreur d’appréciation au regard de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

61      La requérante soulève, en substance, trois griefs à l’appui du moyen tiré de l’erreur d’appréciation au regard de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. Le premier est tiré de la pertinence de certains éléments de preuve, le deuxième, de l’utilisation en tant que marque du signe contesté, et le troisième, de son utilisation sous une forme qui diffère par des éléments altérant son caractère distinctif.

–       Sur le premier grief, tiré du caractère non fiable de certains éléments de preuve

62      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fondé son appréciation sur des éléments de preuve non fiables, à savoir, le certificat de l’Andema qui ne peut être considéré comme un élément de preuve objectif, dans la mesure où l’association est, selon elle, présidée par la propriétaire de la marque de l’intervenante.

63      La chambre de recours a considéré que le certificat de l’Andema constituait un élément de preuve objectif, émanant d’un tiers et revêtant une importance particulière, et que, corroboré par les autres éléments de preuve, il attestait de l’utilisation sur le marché du signe contesté.

64      Il y a lieu de relever que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient, en premier lieu, de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 42].

65      En l’espèce, il convient de rappeler que l’Andema est une association indépendante. Il ressort du dossier de la procédure devant l’EUIPO que les statuts de l’association précisent, à l’article 25, que le président a un rôle purement représentatif et administratif, sans participation à la délivrance des certificats. Les certificats délivrés sont signés par le directeur général de l’association et non par le président. Partant, il y a lieu de constater que, compte tenu de son origine et de son élaboration, le certificat ainsi délivré par l’Andema apparaît fiable et doté de force probante.

66      Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas fondé son raisonnement uniquement sur le certificat de l’Andema, mais sur l’ensemble des éléments de preuve produits par l’intervenante.

67      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante et de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en prenant en compte le certificat émis par l’Andema.

–       Sur le deuxième grief, tiré de l’erreur d’appréciation de l’usage du signe contesté en tant que marque

68      La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir considéré à tort que l’intervenante utilisait le signe contesté en tant que marque. À cet égard, elle fait valoir que le public pertinent ne peut pas percevoir un signe aussi simple comme une marque, mais qu’il identifie l’origine des articles de joaillerie par le nom commercial qui est indiqué sur des étiquettes ou des emballages, et non par la forme des produits. Selon elle, les éléments de preuve produits par l’intervenante montrent que le signe n’est pas utilisé pour déterminer l’origine des produits, mais seulement comme dessin ou modèle ou comme élément décoratif.

69      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

70      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande déposée auprès de l’EUIPO si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. Ledit article précise toutefois que nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux.

71      Selon l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

72      À cet égard, en ce qui concerne l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il est de jurisprudence constante qu’une marque fait l’objet d’un « usage sérieux », au sens de cette disposition, lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, afin de créer ou de conserver un débouché pour ces derniers, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [voir arrêt du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, point 37 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 juin 2018, Schmid/EUIPO – Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark (Steirisches Kürbiskernöl), T‑72/17, EU:T:2018:335, point 42 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

73      Toutefois, la circonstance qu’une marque est utilisée afin de créer ou de conserver un débouché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée et non dans le seul but de maintenir les droits conférés par la marque ne suffit pas pour conclure qu’il y a un « usage sérieux » au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. En effet, il est tout autant indispensable que cette utilisation de la marque soit faite conformément à la fonction essentielle de la marque (arrêts du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, points 39 et 40, et du 7 juin 2018, Steirisches Kürbiskernöl, T‑72/17, EU:T:2018:335, point 43).

74      S’agissant des marques individuelles, cette fonction essentielle consiste à garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. En effet, pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir arrêt du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, point 41 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 juin 2018, Steirisches Kürbiskernöl, T‑72/17, EU:T:2018:335, point 44).

75      La nécessité, dans le cadre de l’application de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, d’un usage conforme à la fonction essentielle d’indication d’origine traduit le fait que, si une marque peut, certes, également faire l’objet d’usages conformes à d’autres fonctions, telles que celle consistant à garantir la qualité ou celles de communication, d’investissement ou de publicité, elle est toutefois soumise aux sanctions prévues à ce règlement lorsque, pendant une période ininterrompue de cinq ans, elle n’a pas été utilisée conformément à sa fonction essentielle. Dans ce cas, le titulaire de la marque est, selon les modalités énoncées à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, déclaré déchu de ses droits, à moins qu’il ne puisse se prévaloir de justes motifs pour ne pas avoir entamé un usage permettant à la marque de remplir sa fonction essentielle (voir arrêt du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 juin 2018, Steirisches Kürbiskernöl, T‑72/17, EU:T:2018:335, point 45).

76      C’est à la lumière des principes énoncés ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante relatifs à la question de savoir si l’usage de la marque peut être considéré comme étant conforme à sa fonction essentielle.

77      En premier lieu, la requérante conteste, en substance, la validité de la marque contestée. En particulier, elle soutient que le signe contesté est trop simple pour constituer une marque et que le consommateur ne saurait reconnaître la marque uniquement par la forme des articles de joaillerie ou lorsque ladite marque serait apposée sous diverses formes ou couleurs ou sur des articles textiles.

78      À cet égard, la chambre de recours a considéré que la validité de la marque ne pouvait être remise en cause dans le cadre d’une procédure de déchéance et qu’elle bénéficiait d’une présomption de validité.

79      En effet, il convient de rappeler qu’il doit être reconnu un certain degré de caractère distinctif à une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement. Il s’ensuit qu’il ne saurait être reconnu que les marques enregistrées sont génériques, descriptives ou dépourvues de tout caractère distinctif, à défaut de quoi leur validité dans le cadre d’une procédure de déchéance serait mise en cause [voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI, C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 47, 51 et 52, et du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 43]. Ainsi, même si la marque contestée devait être considérée comme étant dépourvue d’un caractère distinctif élevé, elle devrait toutefois se voir reconnaître, en raison même de son enregistrement, un minimum de caractère distinctif (arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 44).

80      En deuxième lieu, la requérante allègue que le signe contesté, prenant la forme de certains articles de joaillerie ou apparaissant sur des tissus imprimés, ne constitue pas une indication de l’origine commerciale des produits. Ainsi, les différents dessins ou modèles d’articles de joaillerie ne sont, selon elle, identifiés que lorsque la marque est associée au signe verbal TOUS.

81      La chambre de recours a relevé, au point 81 de la décision attaquée, que le signe en cause était apposé sur certains des produits contestés de manière clairement visible et de manière à indiquer aux consommateurs leur fabricant. La chambre de recours a également considéré que la marque avait été utilisée publiquement sur le marché, ce qui, selon elle, était corroboré par le certificat de l’Andema, par les autres déclarations sous serment de certains employés et représentants de différents magasins qui commercialisaient les produits de l’intervenante, ainsi que par les catalogues, les factures et la présence sur les médias sociaux.

82      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque. La circonstance que l’usage de la marque ne concerne pas des produits nouvellement offerts sur le marché, mais des produits déjà commercialisés, n’est pas de nature à priver cet usage de son caractère sérieux, si la même marque est effectivement utilisée par son titulaire pour des pièces détachées entrant dans la composition ou la structure de ces produits ou pour des produits ou des services qui se rapportent directement aux produits déjà commercialisés et qui visent à satisfaire les besoins de la clientèle de ceux-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

83      La requérante fait valoir que la marque contestée apparaît souvent avec l’élément verbal « tous », qui est l’élément qui permet de reconnaître la marque et l’origine commerciale des produits en cause, et que le contour de l’ours est perçu uniquement comme un élément ornemental. Or, il a déjà été jugé que l’emploi conjoint d’un élément figuratif et d’un élément verbal sur un même tissu ou vêtement ne porte pas atteinte à la fonction d’identification remplie par la marque contestée, dès lors que, dans ledit secteur, il peut ne pas être inhabituel de juxtaposer un élément figuratif avec un élément verbal pouvant se rapporter au créateur ou à son fabricant, sans que l’élément figuratif perde sa fonction d’identification autonome dans l’impression d’ensemble (arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 58).

84      En effet, s’il est vrai que le signe contesté apparaît aux côtés du nom commercial de l’intervenante TOUS, cela n’exclut pas le fait qu’il soit également utilisé seul et qu’il puisse servir d’identification de l’origine commerciale des produits retenus par la chambre de recours. Il a déjà été jugé que le fait que le public pertinent perçoive une marque en renvoyant à une autre marque, qui désigne les mêmes produits et qui est utilisée conjointement, ne signifie pas que la première marque en elle-même n’est pas utilisée en tant que source d’identification [voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2016, Mondelez UK Holdings & Services/EUIPO – Société des produits Nestlé (Forme d’une tablette de chocolat), T‑112/13, non publié, EU:T:2016:735, point 99, et du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 74].

85      En l’espèce, il y a lieu de constater que, même si la marque verbale TOUS accompagne le signe figuratif contesté dans diverses formes de publicité, cela n’empêche pas le consommateur de reconnaître et d’identifier les produits concernés uniquement à l’aide du signe contesté. Il ressort, en outre, des éléments de preuve retenus par la chambre de recours que le signe contesté est utilisé de manière constante, non seulement dans les campagnes publicitaires, mais aussi en ce qu’il est imprimé seul sur divers articles textiles tels que des foulards, des parapluies ou des sacs, et qu’il est donc capable à lui seul de permettre d’identifier l’origine commerciale des produits.

86      Partant, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le public pertinent ne saurait reconnaître les produits de l’intervenante que lorsque le signe contesté est accompagné de la dénomination sociale TOUS.

87      En troisième lieu, la requérante fait valoir que le consommateur moyen perçoit le signe contesté uniquement comme un élément décoratif et que, par conséquent, un tel consommateur ne saurait déduire l’origine commerciale à partir d’une forme qui coïncide avec la forme des bijoux ou qui est imprimée sur les tissus.

88      À cet égard, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la requérante n’étaye pas son argumentation selon laquelle le consommateur moyen ne pourrait pas associer à la marque contestée la forme qui évoque le contour de l’ours, lorsque celui-ci est imprimé sur des tissus ou utilisé comme forme tridimensionnelle pour des bijoux.

89      L’argument de la requérante doit donc être écarté.

90      En quatrième lieu, la requérante soutient que le signe contesté est perçu en tant que dessin ou modèle.

91      Cependant, elle n’explique pas en quoi la marque contestée serait perçue comme un dessin ou modèle au sens du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), et non en tant que marque.

92      L’argument de la requérante doit donc être écarté.

93      En cinquième et dernier lieu, la requérante allègue que les preuves produites par l’intervenante ne démontrent pas un lien clair entre l’usage de la marque contestée et les produits en cause.

94      À cet égard, il convient de constater qu’il ressort des preuves produites par l’intervenante lors de la procédure devant l’EUIPO que le signe contesté a été utilisé en rapport avec les produits en cause, notamment des articles de joaillerie et des produits textiles qui arborent ledit signe. Son apposition sur de nombreux produits, ainsi que son apparition sur des supports publicitaires, permettent d’établir un lien clair entre la marque et les produits en cause.

95      L’argument de la requérante doit également être écarté.

96      Dès lors, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les preuves produites démontraient que la marque contestée avait été utilisée dans la vie des affaires pour désigner les produits en cause.

97      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le deuxième grief du premier moyen comme non fondé.

–       Sur le troisième grief, tiré de l’erreur d’appréciation de l’usage de la marque contestée sous une autre forme que celle sous laquelle elle a été enregistrée

98      La requérante allègue qu’il ressort des éléments de preuve produits par l’intervenante que les signes utilisés ne sont pas équivalents au signe tel qu’il a été enregistré et qu’ils présentent des variations importantes de forme, de couleur, de contour et de netteté. Dès lors, elle considère que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que l’intervenante avait prouvé l’usage de la marque.

99      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

100    La chambre de recours a considéré que, s’agissant des diverses représentations de la marque contestée, le signe contesté restait clairement perceptible. Elle a relevé que le contour caractéristique de ce signe, la forme évoquant le contour d’un ours, était immédiatement identifié par les consommateurs pertinents, indépendamment de ses variations de taille, de contour ou de couleur et d’autres additions. Elle a conclu que les variations n’étaient pas assez importantes et que le contour restait visible.

101    Conformément à l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009, la preuve de l’usage sérieux d’une marque comprend également la preuve de l’utilisation de celle-ci sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

102    À cet égard, l’objet de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [arrêts du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, point 30 ; du 21 juin 2012, Fruit of the Loom/OHMI – Blueshore Management (FRUIT), T‑514/10, non publié, EU:T:2012:316, point 28, et du 12 mars 2014, Borrajo Canelo/OHMI – Tecnoazúcar (PALMA MULATA), T‑381/12, non publié, EU:T:2014:119, point 26].

103    Le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’elle a été enregistrée requiert l’examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [arrêts du 12 mars 2014, PALMA MULATA, T‑381/12, non publié, EU:T:2014:119, point 30, et du 20 juillet 2017, Cafés Pont/EUIPO – Giordano Vini (Art’s Cafè), T‑309/16, non publié, EU:T:2017:535, point 16].

104    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a conclu, à juste titre, que les différences entre les signes utilisés et le signe contesté tel qu’il a été enregistré n’altéraient pas le caractère distinctif de celui-ci.

105    Dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que le signe contesté tirait son caractère distinctif du contour d’une figure qui pouvait être considérée comme un ours, mais également comme une figure fantaisiste, la partie supérieure irrégulière attirant l’attention des consommateurs.

106    En premier lieu, la requérante allègue que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en analysant le caractère distinctif de du signe contesté. Elle fait valoir que ce signe relève de la classe 21.01.25 de l’arrangement de Vienne instituant la classification internationale des éléments figuratifs des marques, du 12 juin 1973, tel que modifié et que, conformément à cette classification, il représente un ours en peluche. Dès lors, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir exposé en quoi le public pertinent y perçevait, selon cette dernière, une figure fantaisiste.

107    La classification d’un signe en vertu de l’arrangement de Vienne cité dans le point 106 ci-dessus ne saurait avoir une incidence sur l’étendue de la protection d’une marque, ni sur l’appréciation par la chambre de recours de la manière dont le public pertinent percevra une marque. En effet, le classement dans le cadre de cet arrangement de Vienne est effectué à des fins exclusivement administratives [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 5 novembre 2008, Calzaturificio Frau/OHMI – Camper (Représentation d’un arc stylisé avec surface pleine), T‑304/07, non publié, EU:T:2008:477, point 39, et du 10 novembre 2011, Esprit International/OHMI – Marc O'Polo International (Représentation d'une lettre sur une poche), T-22/10, non publié, EU:T:2011:651, point 92].

108    En outre, il convient de constater que le signe contesté est représenté par un contour noir relativement fin, qui peut être interprété comme représentant un ours, mais également comme une figure fantaisiste, et qu’il ne présente aucun lien avec les produits en cause.

109    Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a constaté que le signe contesté a un caractère distinctif moyen.

110    En deuxième lieu, la requérante soutient, en substance, que le signe contesté tel qu’enregistré est extrêmement simple et que les moindres modifications, qui y sont apportées, sont significatives aux yeux des consommateurs qui font attention aux détails.

111    La requérante invoque le point 72 de l’arrêt du 19 juin 2019, adidas/EUIPO – Shoe Branding Europe (Représentation de trois bandes parallèles) (T‑307/17, EU:T:2019:427) et fait valoir que la chambre de recours a fait abstraction de la jurisprudence qui établit qu’en présence d’une marque extrêmement simple, même de légères modifications apportées à cette marque sont susceptibles de constituer des variations non négligeables, de sorte que la forme modifiée ne peut pas être considérée comme globalement équivalente à la forme enregistrée de ladite marque.

112    Il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, le signe contesté n’est pas aussi simple que le fait valoir la requérante, et que toutes les modifications en question n’empêchent nullement le public pertinent de percevoir clairement la marque contestée.

113    Par ailleurs, il y a lieu de relever que le signe dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juin 2019, Représentation de trois bandes parallèles (T‑307/17, EU:T:2019:427), était composé de trois lignes noires parallèles dans une configuration rectangulaire sur un fond blanc. Dès lors, les signes étant différents, cet arrêt ne peut pas être regardé comme infirmant les appréciations de la chambre de recours.

114    En troisième lieu, la requérante allègue que les variations du contour, de la netteté, de la couleur et du fond du signe tel qu’utilisé ou bien l’ajout de pierres précieuses affectent de manière significative le caractère distinctif du signe contesté.

115    En l’espèce, s’agissant de la variation de couleur, il convient de constater que le signe contesté tel qu’enregistré ne contient pas de revendication de couleurs et que les variations à cet égard ne permettent pas de conclure à l’altération du caractère distinctif. S’agissant du contour, bien qu’il apparaisse sous diverses variantes, il reste suffisamment clair et distinctif, de manière à ne pas avoir d’incidence sur la perception des consommateurs, de permettre de reconnaître le signe contesté et de l’associer ainsi à la marque. En ce qui concerne la netteté du contour, il convient de souligner que cet aspect ne saurait avoir une incidence sur la perception du signe, qui reste visible indépendamment de sa clarté. Par ailleurs, l’ajout de pierres précieuses décoratives, lorsque le signe prend la forme de certains produits, n’altère pas le caractère distinctif de la marque contestée, car le contour caractéristique reste perceptible.

116    Partant, il convient de relever que les diverses modifications apportées au signe contesté tel qu’il est utilisé, relatives à sa forme, sa couleur, son contour, sa netteté, son fond, représentent des modifications négligeables qui sont de nature décorative et n’altèrent pas son caractère distinctif. Les différences entre le signe tel qu’enregistré et le signe tel qu’utilisé sur les produits concernés ne sont pas de nature à conduire le public pertinent à ne pas reconnaître la marque contestée.

117    En ce qui concerne l’utilisation du signe contesté sous une forme tridimensionnelle, la requérante fait valoir que le consommateur ne serait pas en mesure d’identifier l’origine commerciale des produits à partir de leur forme.

118    La chambre de recours a considéré que la représentation sous une forme tridimensionnelle du signe contesté pour des articles de joaillerie n’avait pas d’incidence sur le caractère distinctif dudit signe.

119    À cet égard, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30 et jurisprudence citée ; du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 46 et jurisprudence citée, et du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 90 et jurisprudence citée).

120    Dans ces conditions, plus la forme enregistrée en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme enregistrée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2015, Klement/OHMI – Bullerjan (Forme d’un fourneau), T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 36]. Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31).

121    Cette jurisprudence, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même, vaut également lorsque la marque contestée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne [arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 29, et du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier marron et beige), T‑359/12, EU:T:2015:215, point 24].

122    En l’espèce, dans la mesure où certains des produits soient susceptibles de prendre effectivement la forme du signe contesté, notamment les articles de joaillerie, force est de constater que ledit signe s’éloigne de manière significative de la forme la plus probable que peuvent prendre les produits pour lesquels il a été enregistré, à savoir, des articles de joaillerie tels que des bagues, des pendentifs ou des boucles d’oreilles. Dès lors, il convient de constater que la marque contestée diverge, de manière significative des habitudes du secteur. En effet, elle permet au public pertinent de continuer à percevoir la marque comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause [voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2019, PEPERO original, T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 72, et du 23 septembre 2020, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑796/16, EU:T:2020:439, point 147].

123    En quatrième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir rejeté à tort son argument tiré de l’application de la communication commune sur la pratique commune du champ de protection des marques en noir et blanc du 15 avril 2014. Elle invoque des exemples tirés de ladite communication afin d’illustrer ses propos, concernant les différences qui sont autorisées.

124    À cet égard, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, que les exemples tirés de la communication commune sur la pratique commune du champ de protection des marques en noir et blanc du 15 avril 2014, sont utilisés dans le cadre de celle-ci, afin d’illustrer la notion d’identité entre les marques en vue d’apprécier l’usage sérieux oudans le contexte de l’examen des revendications de priorité ou d’ancienneté. Aux fins de l’application de l’article 15 du règlement no 207/2009, il n’est pas déterminant de savoir si le signe tel qu’il est utilisé est identique au signe tel qu’il est enregistré, mais si les modifications subies par le signe contesté altèrent ou non le caractère distinctif de ladite marque.

125    Par conséquent, la chambre de recours a conclu à juste titre que l’utilisation de la marque contestée sous des formes qui divergeaient légèrement du signe enregistré n’altérait pas son caractère distinctif.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 20 et de l’article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a) et c), de la Charte

126    Par son troisième moyen, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir violé son droit à l’égalité de traitement, son droit d’être entendue, et d’avoir adopté la décision attaquée en violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration.

127    En premier lieu, d’une part, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir approuvé les conclusions de la division d’annulation concernant la recevabilité des éléments de preuve produits tardivement par l’intervenante le 21 juin 2018 et d’avoir déclaré irrecevables ses observations produites en date du 18 décembre 2020. D’autre part, elle allègue que la chambre de recours a ainsi violé le droit à l’égalité de traitement.

128    Il est de jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, mais également que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement soit objectivement justifié (arrêts du 17 juillet 1997, National Farmers’ Union e.a., C‑354/95, EU:C:1997:379, point 61, et du 16 septembre 2004, Merida, C‑400/02, EU:C:2004:537, point 22).

129    En l’espèce, il convient de distinguer l’hypothèse dans laquelle l’EUIPO a accepté les éléments de preuve supplémentaires produits tardivement par l’intervenante de celle dans laquelle il a refusé d’accepter les observations produites tardivement par la requérante.

130    S’agissant des éléments de preuve produits tardivement par l’intervenante le 21 juin 2018, il convient de constater que ces éléments ont été produits afin de compléter les éléments de preuve soumis initialement par cette dernière et de répondre aux observations de la requérante à leur égard, ainsi qu’il a été constaté au point 33 ci-dessus.

131    Cette situation ne saurait être comparée à celle de la requérante, qui, après avoir été informée de la clôture de la procédure écrite, le 30 novembre 2020, et sans avoir demandé un deuxième tour de mémoires, a présenté des observations écrites, le 18 décembre 2020.

132    À cet égard, le fait que les observations de la requérante du 18 décembre 2020 aient été versées au dossier ne garantit pas leur recevabilité. Ces deux situations apparaissent à des stades différents de la procédure et ne sauraient être comparées.

133    Partant, il y a lieu de rejeter la branche du troisième moyen de la requérante tirée de ce que le principe d’égalité de traitement aurait été violé.

134    En second lieu, il convient de constater que, dans sa requête, la requérante se borne à faire valoir une violation du droit d’être entendue lorsqu’elle énumère les moyens invoqués à l’appui du recours, sans expliquer en quoi celui-ci aurait été violé.

135    Quant à la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, il y a lieu de constater que la requérante n’explique pas en quoi les appréciations de la chambre de recours y porteraient atteinte, celle-ci se bornant également à se prévaloir d’une violation de ces principes.

136    Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d) du règlement de procédure, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués, cet exposé devant être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui [voir arrêt du 18 septembre 2012, Scandic Distilleries/OHMI – Bürgerbräu, Röhm & Söhne (BÜRGER), T‑460/11, non publié, EU:T:2012:432, point 16 et jurisprudence citée].

137    Dès lors, en ce qui concerne les branches du troisième moyen, tirées de la violation du droit d’être entendue, de la violation des principes de bonne administration et de sécurité juridique garantis par la Charte, il convient de constater que la requérante se borne à faire état de ces droits et principes sans préciser en quoi ils auraient été violés par la chambre de recours. Partant, il y a lieu de les rejeter comme irrecevables.

138    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen et, par conséquent, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la demande de renvoi de l’affaire devant l’EUIPO présentée par la requérante.

 Sur les dépens

139    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

140    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

141    En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO. À cet égard, il suffit de constater que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le point 2 du dispositif de cette dernière, lu à la lumière du point 109 des motifs de ladite décision, qui continue à régler les dépens exposés tant dans la procédure devant la division d’annulation que dans la procédure de recours devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Apart sp. z o.o. est condamnée aux dépens

Spielmann

Öberg

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.