Language of document : ECLI:EU:T:2020:56

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 février 2020 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Soutien au développement rural – Aide octroyée aux groupements de producteurs – Dépenses effectuées par la Hongrie – Article 35 du règlement (CE) no 1698/2005 – Reconnaissance qualifiée – Éligibilité du bénéficiaire à l’aide – Correction financière calculée – Article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013 – Coopération loyale – Protection de la confiance légitime – Proportionnalité – Sécurité juridique – Montants non éligibles »

Dans l’affaire T‑505/18,

Hongrie, représentée par M. M. Fehér, Mmes M. Tátrai, A. Pokoraczki et M. G. Koós, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. V. Bottka et Mme J. Aquilina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 septembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Objet et antécédents du litige

 Objet du litige

1        Par le présent recours, la Hongrie demande l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29, ci-après la « décision attaquée »), en tant que cette décision exclut du financement de l’Union européenne au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) un montant d’aide financière de 28 079 118 euros qu’elle a octroyée entre 2011 et 2016, dans le cadre des programmes de soutien au développement rural 2007-2013 et 2014-2020, aux groupements de producteurs disposant d’une « reconnaissance qualifiée » en vertu du droit hongrois.

2        La Commission européenne a constaté que l’aide octroyée aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée était incompatible avec l’article 35, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Feader (JO 2005, L 277, p. 1), et, partant, inéligible au financement de l’Union.

3        Le règlement no 1698/2005 prévoit, en substance, des mesures de soutien en faveur du développement rural, dont, à son article 20, sous d), ii), une mesure transitoire concernant l’aide à la mise en place de groupements de producteurs pour les États membres ayant adhéré à l’Union à partir de 2004. Cette mesure transitoire est précisée à l’article 35 de ce règlement.

4        En substance, l’article 35, paragraphe 1, du règlement no 1698/2005 prévoit l’octroi d’une aide afin de faciliter l’établissement et le fonctionnement administratif de groupements de producteurs créés à certaines fins spécifiques, notamment, l’adaptation de la production des producteurs qui sont membres de ces groupements aux exigences du marché. Selon le paragraphe 2 de cet article, l’aide est accordée sous la forme d’un montant forfaitaire versé par tranches annuelles dégressives, pendant une période maximale de cinq ans à compter de la date de la reconnaissance du groupement de producteurs. Elle est calculée sur la base de la production commercialisée annuellement par le groupement, jusqu’à concurrence de certains plafonds. En vertu du paragraphe 3 de ce même article, l’aide est accordée aux groupements de producteurs officiellement reconnus au plus tard le 31 décembre 2013 par l’autorité compétente de l’État membre concerné.

 Antécédents du litige

5        Des groupements de producteurs se sont constitués en Hongrie au cours de la période allant de 2004 à 2007. La possibilité d’octroyer des aides à l’établissement et au fonctionnement administratif de groupements de producteurs a été maintenue dans le cadre du Új Magyarország Vidékfejlesztési Program (programme de développement rural « Nouvelle Hongrie », ci-après l’« ÚMVP ») pour la période allant de 2007 à 2013, la période de programmation couverte par le règlement no 1698/2005.

6        Les règles applicables en Hongrie relatives à l’établissement et à la reconnaissance de groupements de producteurs ainsi que celles applicables à l’octroi de l’aide étaient définies dans deux arrêtés ministériels du ministre de l’Agriculture et du Développement rural hongrois : d’une part, l’a termelői csoportokról szóló 81/2004. (V.4) FVM rendelet [arrêté ministériel FVM 81/2004. (V.4) sur les groupements de producteurs], du 4 mai 2004 [Magyar Közlöny 2004/62. (V.4), ci-après l’« arrêté ministériel FVM 81/2004 »], et, d’autre part, l’az Európai Mezőgazdasági Vidékfejlesztési Alapból a termelői csoportok létrehozásához és működéséhez nyújtandó támogatások részletes feltételeiről szóló 59/2007. (VII.10) FVM rendelet [arrêté ministériel FVM 59/2007. (VII.10) relatif aux modalités des aides à la mise en place et au fonctionnement des groupements de producteurs octroyées au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural], du 10 juillet 2007 [Magyar Közlöny 2007/92. (VII.10), ci-après l’« arrêté ministériel FVM 59/2007 »].

7        L’article 1er, sous a), de l’arrêté ministériel FVM 81/2004 définissait la notion de « groupement de producteurs ». L’article 5, paragraphe 1, dudit arrêté établissait les conditions relatives à la reconnaissance en tant que groupement de producteurs et, notamment, le nombre de membres et le chiffre d’affaires minimaux par secteur d’activité. Le ministre statuait par voie de décision sur les demandes de reconnaissance introduites qui remplissaient les conditions ainsi définies. La reconnaissance était possible jusqu’au 31 décembre 2013.

8        L’article 2, paragraphe 2, de l’arrêté ministériel FVM 59/2007 disposait que la durée de l’aide était de cinq ans au maximum à compter de la date du document attestant la reconnaissance.

9        Les arrêtés ministériels FVM 81/2004 et FVM 59/2007 ont fait l’objet de modifications ultérieures de manière à permettre aux groupements de producteurs déjà opérationnels d’obtenir une « reconnaissance qualifiée » et, partant, une aide pendant cinq années supplémentaires après la période de soutien initial de cinq ans.

10      Ainsi, l’article 10, paragraphe 1, de l’arrêté ministériel FVM 81/2004 modifié a introduit la possibilité pour les groupements de producteurs de demander une reconnaissance qualifiée après l’expiration de la cinquième année suivant l’obtention de la reconnaissance initiale dans un délai d’un an après le versement de la dernière tranche de l’aide initiale. Pour obtenir cette reconnaissance qualifiée, un groupement de producteurs devait répondre, conformément à l’article 10, paragraphe 2, sous a) à c), dudit arrêté ministériel modifié, à l’une des trois conditions exposées ci-après.

11      La première condition était la fusion du groupement de producteurs avec une ou plusieurs autres entités, qui devait obligatoirement se traduire par une augmentation d’au moins quinze membres. La deuxième condition était, en l’absence de fusion, l’accroissement du nombre de membres, à raison de certains pourcentages dépendant du secteur d’activité et, le cas échéant, du nombre de membres initial. La troisième condition était l’accroissement du volume des ventes ou du chiffre d’affaires à raison de plus de 10 %.

12      Conformément à l’article 10, paragraphe 9, de l’arrêté ministériel FVM 81/2004 modifié, le groupement de producteurs devait justifier que l’une des conditions exposées au point 11 ci-dessus était remplie lors de l’introduction de la demande de reconnaissance qualifiée. La reconnaissance qualifiée était possible jusqu’au 31 décembre 2013.

13      L’arrêté ministériel FVM 81/2004 modifié était en vigueur jusqu’au 17 septembre 2015.

14      Dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’apurement de conformité prévu à l’article 52 du règlement (CE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), la Commission a ouvert l’enquête portant la référence RD 3/2015/010/HU concernant le programme de développement rural pour la Hongrie et portant sur l’exercice financier 2014. Elle a procédé, entre le 7 et le 11 septembre 2015, à des vérifications concernant les aides aux groupements de producteurs.

15      Par lettre du 10 novembre 2015, la Commission a, sur le fondement de l’article 34, paragraphe 2, de son règlement d’exécution (UE) no 908/2014, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), communiqué ses constatations aux autorités hongroises.

16      La Commission a ainsi informé ces dernières que la mise en œuvre de la mesure de soutien à la mise en place de groupements de producteurs en Hongrie n’était pas conforme aux règles de l’Union. Elle a notamment relevé que la reconnaissance qualifiée débutait après l’expiration de la reconnaissance initiale et permettait un soutien pour cinq années supplémentaires alors que, en vertu de l’article 35, paragraphe 2, du règlement no 1698/2005, l’aide était limitée à une période maximale de cinq ans à compter de la date de la reconnaissance initiale. Par ailleurs, elle a relevé que l’ÚMVP ne faisait pas référence à ce statut supplémentaire, qu’elle n’avait, dès lors, pas approuvé. Elle a informé les autorités hongroises qu’elle envisageait l’application d’une correction financière calculée portant sur la totalité de l’aide octroyée aux groupements de producteurs au titre de la reconnaissance qualifiée et sur l’ensemble de la période de programmation, au motif que celle-ci n’était pas éligible au financement de l’Union en vertu de ladite disposition. À cette même occasion, elle a invité la Hongrie à lui fournir certaines informations relatives aux paiements effectués aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée.

17      La Hongrie a répondu par lettre du 29 février 2016 et le dossier a été examiné dans le cadre de réunions bilatérales entre la Hongrie et la Commission au cours de l’année 2016.

18      Par lettre du 10 février 2017, la Commission a, en vertu de l’article 34, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 908/2014, fait part de sa proposition d’écarter du financement de l’Union la somme de 28 469 656 euros en ce qui concerne la Hongrie, dont une correction financière calculée de 28 079 118 euros correspondant à tous les paiements effectués aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée dont le paiement final n’avait pas été effectué plus de 24 mois avant la communication des résultats des vérifications de la Commission.

19      Convoqué à la demande de la Hongrie, l’organe de conciliation a constaté, dans son rapport du 14 juillet 2017, qu’il n’était pas parvenu à rapprocher les positions des parties en ce qui concerne l’appréciation du système de la reconnaissance qualifiée de groupements de producteurs appliquée dans cet État membre.

20      Par lettre du 16 janvier 2018, la Commission a communiqué sa position finale aux autorités hongroises, maintenant sa proposition antérieure d’écarter du financement de l’Union la somme de 28 469 656 euros en ce qui concerne la Hongrie, dont 28 079 118 euros en raison de la reconnaissance qualifiée des groupements de producteurs.

21      Le 13 juin 2018, la Commission a adopté la décision attaquée et, s’agissant de la Hongrie, a notamment exclu du financement de l’Union au titre du Feader un montant d’aide financière de 28 079 118 euros octroyée par la Hongrie entre 2011 et 2016 dans le cadre des programmes d’aides 2007-2013 et 2014-2020, aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée. Elle a également communiqué à la Hongrie le rapport de synthèse.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 août 2018, la Hongrie a introduit le présent recours.

23      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 22 novembre 2018.

24      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la Hongrie à déposer certains documents et a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 septembre 2019.

26      La Hongrie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que celle-ci écarte du financement de l’Union un montant d’aide financière de 28 079 118 euros qu’elle a octroyée entre 2011 et 2016 aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la Hongrie aux dépens.

 En droit

28      À l’appui du recours, la Hongrie soulève deux moyens, tirés, le premier, de ce que l’exclusion en cause serait illégale, car l’aide octroyée aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée aurait été conforme au droit de l’Union et, le second, de ce que l’exclusion en cause serait illégale, car il aurait été plus adéquat d’atténuer l’exclusion ou d’y renoncer, en raison des principes de coopération loyale, de protection de la confiance légitime, de proportionnalité et de sécurité juridique. Ainsi, il y a lieu de considérer que la Hongrie fait, en substance, grief à la Commission, d’une part, d’avoir violé l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005 et, d’autre part, d’avoir méconnu les principes susmentionnés.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005

29      La Hongrie fait valoir, en substance, que la Commission a appliqué une correction financière aux montants d’aide octroyée aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée en se fondant, à tort, sur le motif que le régime de reconnaissance qualifiée serait contraire à l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005. Ce régime ne méconnaîtrait pas ces dispositions, et ce même si lesdits groupements de producteurs avaient déjà été reconnus en tant que groupement de producteurs auparavant et avaient déjà perçu des aides en cette qualité.

30      À cet égard, premièrement, la Hongrie soutient que les groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée peuvent être considérés comme des groupements nouveaux, profondément remodelés dans leur composition et leurs objectifs, auxquels il était justifié d’apporter un soutien afin de leur permettre de relever de nouveaux défis de gestion, fonctionnels, décisionnels, opérationnels, stratégiques et commerciaux liés à l’accroissement de leurs membres ou de leurs chiffres d’affaires, et pour répondre aux objectifs du règlement no 1698/2005. Elle expose que la reconnaissance qualifiée a été établie pour répondre à un besoin de soutien ressenti par des groupements de producteurs déjà opérationnels et reconnus au-delà du terme de cinq ans, étant donné que le fonctionnement, voire la viabilité des groupements de producteurs et de leurs différents membres, dépendait dans une large mesure de l’aide accompagnant la reconnaissance. Par ailleurs, un organisme qui obtiendrait une reconnaissance en satisfaisant à des conditions d’un « niveau supérieur » présenterait une véritable valeur ajoutée pour la réalisation des objectifs du règlement no 1698/2005. Deuxièmement, la Hongrie soutient que le règlement no 1698/2005 lie l’éligibilité à l’aide non pas à la constitution du groupement de producteurs mais à la date de la reconnaissance. Troisièmement, elle soutient que la reconnaissance qualifiée serait également conforme à l’ÚMVP, qui a été approuvé par la Commission.

31      La Commission conteste ces arguments.

 Observations liminaires

32      Le premier moyen porte, en substance, sur la question de savoir si l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005 permettait l’octroi d’une aide pendant cinq années supplémentaires à des groupements de producteurs déjà opérationnels qui, après avoir bénéficié d’un soutien pendant la période de cinq ans suivant leur constitution et leur reconnaissance initiale en tant que groupement, ont sollicité et ont obtenu une reconnaissance ultérieure, dénommée « qualifiée », en raison d’une transformation qu’ils auraient connue, et la mise à la charge du Feader des sommes ainsi versées.

33      À cet égard, il convient de rappeler les principes à la lumière desquels il convient d’examiner le bien-fondé du premier moyen.

34      Premièrement, selon une jurisprudence constante, le Feader ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, EU:C:2003:251, point 45, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 32).

35      Deuxièmement, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du Feader certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, elle doit prouver l’existence desdites violations (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, EU:C:1999:527, point 6).

36      Il appartient par la suite à cet État membre de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, EU:C:2001:455, point 36).

37      Troisièmement, il convient de relever que, si en raison même de leur nature et de leur fonction dans le système des sources du droit de l’Union, les dispositions des règlements ont, en règle générale, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu’il soit nécessaire que les autorités nationales prennent des mesures d’application, certaines de leurs dispositions peuvent toutefois nécessiter, pour leur mise en œuvre, l’adoption de mesures d’application par les États membres (voir arrêt du 30 mars 2017, Lingurár, C‑315/16, EU:C:2017:244, point 17 et jurisprudence citée).

38      À cet égard, il est constant que les États membres peuvent adopter des mesures d’application d’un règlement de l’Union s’ils n’entravent pas son applicabilité directe, s’ils ne dissimulent pas sa nature d’acte de droit de l’Union et s’ils précisent l’exercice de la marge d’appréciation qui leur est conférée par ce règlement tout en restant dans les limites de ses dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2017, Lingurár, C‑315/16, EU:C:2017:244, point 18 et jurisprudence citée).

39      C’est en se référant aux dispositions pertinentes du règlement en cause, interprétées à la lumière des objectifs de celui-ci, qu’il convient de déterminer si celles-ci interdisent, imposent ou permettent aux États membres d’arrêter certaines mesures d’application et, notamment dans cette dernière hypothèse, si la mesure concernée s’inscrit dans le cadre de la marge d’appréciation reconnue à chaque État membre (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2017, Lingurár, C‑315/16, EU:C:2017:244, point 19 et jurisprudence citée).

40      Quatrièmement, il y a lieu de rappeler que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir arrêt du 15 mai 2014, Szatmári Malom, C‑135/13, EU:C:2014:327, point 31 et jurisprudence citée).

41      Toutefois, dans le cadre du financement de la politique agricole commune, une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses de l’Union s’impose, car la gestion de la politique agricole commune, dans des conditions d’égalité entre les opérateurs économiques des États membres, s’oppose à ce que les autorités d’un État membre favorisent les opérateurs de cet État membre par le biais d’une interprétation large d’une disposition du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Erzeugerorganisation Tiefkühlgemüse, C‑516/16, EU:C:2017:1011, point 71 et jurisprudence citée).

 Sur l’interprétation de l’article 35 du règlement no 1698/2005

42      En premier lieu, il convient de rappeler que l’article 35 du règlement no 1698/2005, dans sa rédaction applicable au présent litige, est libellé comme suit :

« 1. L’aide prévue à l’article 20, [sous] d), ii), est accordée afin de faciliter l’établissement et le fonctionnement administratif des groupements de producteurs créés aux fins suivantes :

a)      adapter la production des producteurs qui sont membres de ces groupements aux exigences du marché ;

b)       assurer une commercialisation conjointe des produits sur le marché […] ;

c)      établir des règles communes en matière d’information sur la production […]

2. L’aide est accordée sous la forme d’un montant forfaitaire versé par tranches annuelles pendant une période maximale de cinq ans à compter de la date de la reconnaissance du groupement de producteurs. Elle est calculée sur la base de la production commercialisée annuellement par le groupement, jusqu’à concurrence des plafonds fixés dans l’annexe I.

3. L’aide est accordée aux groupements de producteurs officiellement reconnus au plus tard le 31 décembre 2013 par l’autorité compétente de l’État membre concerné. »

43      Il convient de rappeler également que, selon l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005, « [l]es règles d’éligibilité des dépenses sont fixées au niveau national, sous réserve des conditions particulières établies au titre du présent règlement pour certaines mesures de développement rural ». À cet égard, le considérant 61 dudit règlement énonçait qu’« il convient, conformément au principe de subsidiarité, que, sous réserve d’exceptions, les règles nationales pertinentes régissent l’éligibilité des dépenses ».

44      En deuxième lieu, il convient de relever que l’article 35, paragraphe 1, du règlement no 1698/2005 disposait, dans ses versions espagnole, allemande, anglaise, française, italienne, hongroise, polonaise et portugaise, que l’aide est accordée « afin de faciliter l’établissement et le fonctionnement administratif des groupements de producteurs » créés à certaines fins spécifiques. De plus, selon le paragraphe 2 du même article, l’aide est accordée sous la forme d’un montant forfaitaire versé par tranches annuelles dégressives « pendant une période maximale de cinq ans à compter de la date de la reconnaissance du groupement de producteurs » ou, selon les versions linguistiques, pour ou pendant « les cinq premières années à compter de la date de la reconnaissance du groupement de producteurs ».

45      Les notions « [d]’établissement et [de] fonctionnement administratif », de « groupements de producteurs » et de « reconnaissance » qui figurent à l’article 35 du règlement no 1698/2005 ne sont pas définies par cette législation. Par conséquent, et conformément à la jurisprudence citée aux points 39 et 40 ci-dessus, il convient d’interpréter l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005 en tenant compte non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie.

46      Dans ce cadre, les paragraphes 1 et 2 de l’article 35 du règlement no 1698/2005 doivent être replacés dans leur contexte et ne sauraient être interprétés isolément l’un de l’autre (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 7 mai 1969, Torrekens, 28/68, EU:C:1969:17, point 16, et du 9 juin 2016, Eurospeed, C‑287/14, EU:C:2016:420, point 37).

47      En l’espèce, d’une part, selon le sens littéral des paragraphes 1 et 2 de l’article 35 du règlement no 1698/2005, lus ensemble, à l’instar de ce que soutient, en substance, la Commission, l’aide est octroyée aux groupements de producteurs visés au cours d’une seule et première période de démarrage du groupement après son établissement et après la reconnaissance obtenue suivant son établissement, cette période de démarrage étant de cinq ans. Ce constat vaut quelle que soit la variante linguistique considérée desdites dispositions, à savoir la formule « une période maximale de cinq ans » ou la formule « les cinq premières années » à compter de la date de la reconnaissance du groupement de producteurs. Cela implique que, pour bénéficier de l’aide au titre de ces dispositions, le groupement de producteurs ne doit pas avoir été établi ou reconnu depuis plus de cinq ans.

48      En effet, la notion de la « reconnaissance » mentionnée à l’article 35, paragraphe 2, du règlement no 1698/2005, qui marque le début de la période de l’octroi de l’aide, doit être lue à la lumière de la notion « [d]’établissement et [du] fonctionnement administratif » du groupement de producteurs figurant au paragraphe 1 de cet article, laquelle est relative à la mise en place dudit groupement.

49      D’autre part, il y a lieu de relever qu’il ne découle aucunement de l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005 que la transformation d’un groupement de producteurs, déjà établi et qui aurait déjà bénéficié de l’aide au titre de ces dispositions pendant les cinq ans prévus, puisse impliquer la possibilité, même dans l’hypothèse où la viabilité du groupement serait menacée, d’une aide au même titre pendant cinq années supplémentaires.

50      En troisième lieu, il convient de relever que cette interprétation de l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005 est confortée par les objectifs poursuivis par le règlement dont il fait partie.

51      En effet, d’une part, il ressort d’une lecture des travaux préparatoires relatifs au règlement no 1698/2005 qu’il s’agit d’une aide à la mise en place de groupements de producteurs afin de faciliter leur établissement et leur fonctionnement administratif pendant une période maximale de cinq ans à compter de la date de la reconnaissance du groupement [voir proposition de règlement du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Feader (COM/2004/0490 final – CNS 2004/0161)].

52      D’autre part, il ressort du considérant 30 du règlement no 1698/2005 que l’objectif était, en substance, d’assurer la transition par rapport à une série de mesures individuelles introduites par l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33), dont une mesure en faveur de groupements de producteurs – analogue à celle en cause dans le présent recours – introduite par l’insertion de l’article 33 quinquies dans le règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO 1999, L 160, p. 80), lequel a été abrogé par le règlement no 1698/2005. Or, cette disposition prévoyait une aide forfaitaire pour faciliter la création et le fonctionnement administratif de groupements de producteurs pendant les cinq premières années suivant la date à laquelle le groupement avait été reconnu.

53      Ainsi, il ne ressort ni des travaux préparatoires relatifs au règlement no 1698/2005 ni du considérant 30 dudit règlement qu’était envisagé, au titre de l’article 35 de ce même règlement, après l’octroi de l’aide au cours de la première période de démarrage du groupement de producteurs suivant son établissement et la reconnaissance obtenue à la suite de cet établissement, l’octroi d’une aide pendant cinq années supplémentaires.

54      En quatrième lieu, il convient de rappeler que, ainsi que cela a été évoqué au point 43 ci-dessus, en vertu de l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005, les règles d’éligibilité des dépenses sont fixées au niveau national, sous réserve des conditions particulières établies au titre dudit règlement pour certaines mesures de développement rural.

55      En l’espèce, et d’un point de vue systémique, l’article 35 du règlement no 1698/2005 relève d’une sous-section dudit règlement, intitulée « Conditions applicables aux mesures transitoires ». Il s’ensuit que les exigences fixées aux paragraphes 1 et 2 de cet article, à savoir que l’aide soit accordée « afin de faciliter l’établissement et le fonctionnement administratif des groupements de producteurs » et soit accordée « sous la forme d’un montant forfaitaire versé par tranches annuelles dégressives, pendant une période maximale de cinq ans à compter de la date de la reconnaissance du groupement de producteurs », constituent des conditions particulières de la mesure transitoire concernant l’aide à la mise en place de groupements de producteurs, au sens de l’article 71, paragraphe 3, de ce règlement visé au point 54 ci-dessus.

56      Plus spécifiquement, les exigences que l’aide soit accordée afin de faciliter l’établissement et le fonctionnement administratif du groupement de producteurs et après la reconnaissance de celui-ci constituent des conditions particulières d’éligibilité à l’aide prévue à l’article 35 du règlement no 1698/2005.

57      En l’occurrence, la Hongrie a, par la modification des arrêtés ministériels FVM 81/2004 et FVM 59/2007, introduit la possibilité pour les groupements de producteurs déjà opérationnels de demander une reconnaissance qualifiée à l’issue de la période de cinq ans suivant l’obtention de la reconnaissance initiale dans un délai d’un an après le versement de la dernière tranche d’aide lorsqu’ils ont connu une transformation et, ainsi, de percevoir une aide pendant cinq années supplémentaires après la période de soutien initial de cinq ans. Elle qualifie elle-même cette possibilité d’« élargissement des conditions de reconnaissance » au point 28 de la requête et dans sa réponse à une question écrite du Tribunal.

58      Or, eu égard à la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus et à la limite de la marge d’appréciation conférée aux États membres, telle qu’elle ressort des conditions particulières temporelle et d’éligibilité à l’aide prévue à l’article 35 du règlement no 1698/2005, évoquées aux points 55 et 56 ci-dessus, force est de constater que la Hongrie n’est pas restée dans les limites des dispositions dudit règlement, mais a élargi le champ d’application personnel et temporel de l’aide en cause.

59      En effet, ainsi que la Commission l’a souligné dans le mémoire en défense, l’article 35 du règlement no 1698/2005 ne prévoyait que l’octroi d’une aide aux groupements de producteurs au cours d’une première période de démarrage du groupement après son établissement et après la reconnaissance obtenue suivant son établissement, cette période de démarrage étant de cinq ans. Il ne prévoyait pas l’octroi d’une aide pendant cinq années supplémentaires à des groupements de producteurs déjà opérationnels qui, après avoir bénéficié d’un soutien pendant la période de cinq ans suivant leur établissement et leur reconnaissance initiale en tant que groupement, ont sollicité et ont obtenu une reconnaissance ultérieure, dénommée « qualifiée », en raison de transformations qu’ils auraient connues.

60      Par conséquent, il y a lieu de constater que la Commission a, à juste titre, considéré que les montants d’aide octroyée aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée n’étaient pas éligibles à un financement de l’Union au titre du Feader.

61      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments avancés par la Hongrie en faveur de l’interprétation large de l’article 35 du règlement no 1698/2005 qu’elle avait retenue.

62      Tout d’abord, l’argument de la Hongrie selon lequel le règlement no 1698/2005 lie l’éligibilité à l’aide, non à la constitution du groupement de producteurs, mais à la date de la reconnaissance ne saurait prospérer. En effet, une lecture de l’article 35 dudit règlement qui permettrait l’octroi de l’aide sur le seul fondement de la date de la reconnaissance du groupement de producteurs ferait abstraction, premièrement, de l’objectif de l’aide, à savoir faciliter l’établissement et le fonctionnement administratif de groupements de producteurs, deuxièmement, de la condition particulière d’éligibilité à celle-ci, à savoir l’établissement du groupement, et, troisièmement, de la condition particulière temporelle, à savoir la période maximale de cinq ans à compter de la date de la reconnaissance.

63      Ensuite, il y a lieu d’écarter l’argumentation avancée par la Hongrie selon laquelle, d’une part, il était justifié d’apporter un soutien aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée pour atteindre les objectifs du règlement no 1698/2005 et, d’autre part, un organisme qui obtient une reconnaissance qualifiée en satisfaisant à des conditions d’un « niveau supérieur » présente une véritable valeur ajoutée pour la réalisation desdits objectifs.

64      En effet, la Hongrie était tenue de respecter les conditions particulières temporelle et d’éligibilité à l’aide prévues à l’article 35 du règlement no 1698/2005. Il n’est donc pas nécessaire d’apprécier le bien-fondé de sa thèse relative au caractère opportun du système de la reconnaissance qualifiée. Il en est d’autant plus ainsi dans la mesure où, ainsi qu’il a été rappelé au point 41 ci-dessus, une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses de l’Union s’impose.

65      Enfin, s’agissant de l’argument de la Hongrie selon lequel la reconnaissance qualifiée est conforme à l’ÚMVP qui a été approuvé par la Commission, d’une part, il convient de souligner que le fait que la Commission a accepté l’ÚMVP ne confère pas à ce document de programmation une valeur juridique supérieure à celle du règlement no 1698/2005. Tant la Commission que la Hongrie restent tenues au respect des dispositions de ce règlement.

66      De plus, et en tout état de cause, comme la Commission le relève, cette institution n’a pas pu se prononcer sur la conformité de la reconnaissance qualifiée avec les règles de l’Union lorsqu’elle a approuvé l’ÚMVP, puisque les modifications réglementaires nationales, en cause dans le cadre de la présente affaire, ne sont intervenues qu’après l’adoption dudit programme. Par ailleurs, ainsi que la Hongrie l’a confirmé à l’audience, elle n’a pas fait de demande de révision de l’ÚMVP lorsque ces modifications réglementaires ont été adoptées.

67      D’autre part, il convient de relever que l’argumentation de la Hongrie selon laquelle la définition de la catégorie de bénéficiaires potentiels de l’aide à la mise en place de groupements de producteurs figurant sous la mesure 5.3.1.4.2 de l’ÚMVP pourrait se comprendre comme s’étendant aux groupements de producteurs qui auraient obtenu une reconnaissance qualifiée au plus tard le 31 décembre 2013 n’emporte pas la conviction. Même à suivre la thèse de la Hongrie, celle-ci ne pourrait méconnaître l’article 35 du règlement no 1698/2005, tel qu’interprété au point 59 ci-dessus.

68      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré d’une méconnaissance des principes de coopération loyale, de protection de la confiance légitime, de proportionnalité et de sécurité juridique

69      La Hongrie fait valoir que l’exclusion en cause serait illégale, car il aurait été plus adéquat de l’atténuer, le cas échéant par l’application d’une correction forfaitaire, ou d’y renoncer, en raison des principes de coopération loyale, de protection de la confiance légitime, de proportionnalité et de sécurité juridique. Elle soutient que les règles du droit de l’Union n’auraient pas été claires et permettraient l’interprétation qu’elle défend et que la Commission n’avait pas formulé d’objections à l’encontre du système de reconnaissance qualifiée jusqu’en 2015, alors que celle-ci en avait connaissance.

70      À cet égard, premièrement, la Hongrie expose qu’elle avait informé la Commission, en 2009, de la modification apportée à l’arrêté ministériel FVM 81/2004 à l’occasion de son rapport d’exécution relatif à la mise en œuvre de l’ÚMVP, ainsi que dans ses rapports correspondants pour les années 2010 à 2013, sans que cette modification et ces documents officiels suscitent d’objections de la part de la Commission. Cela l’aurait conduit, légitimement, à supposer que la reconnaissance qualifiée était conforme au droit de l’Union. La circonstance que la Commission ait eu connaissance du système devrait être prise en considération en tant que circonstance atténuante, conformément à la suggestion que l’organe de conciliation aurait faite dans son rapport et en application du principe de coopération loyale, de sorte que la Commission aurait dû renoncer à l’exclusion ou atténuer la correction financière en résultant.

71      Deuxièmement, la Hongrie soutient que le droit de l’Union ne saurait être considéré comme excluant de manière absolument claire la reconnaissance qualifiée. Dès lors, conformément aux lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes (ci-après les « lignes directrices de 2015 »), ainsi qu’aux orientations pour l’application des corrections forfaitaires définies dans le document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », qui l’a précédé, cette circonstance aurait dû être prise en considération et un taux de correction inférieur aurait dû être appliqué, voire aucune correction n’aurait dû être imposée.

72      Troisièmement, la Hongrie fait valoir que le principe de proportionnalité aurait dû conduire la Commission à atténuer, voire à renoncer à, une correction financière. Elle réitère que la Commission n’avait pas formulé d’objections à l’encontre du système et souligne que l’aide en cause ne pouvait plus être demandée au moment où est intervenue la décision attaquée, de sorte que cette dernière serait dépourvue de tout effet préventif.

73      La Commission conteste ces arguments.

 Observations liminaires

74      Le second moyen porte, en substance, sur la question de savoir si la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer de la constatation que le système de la reconnaissance qualifiée n’était pas conforme au droit de l’Union.

75      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 5 du règlement no 1306/2013 et à la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, le Feader ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union.

76      Il convient de rappeler également que, dans le cadre de l’apurement de conformité et de l’évaluation de montants à exclure du financement de l’Union lorsque des dépenses n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union, l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 dispose que « [l]a Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée », que « [l]a Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union », qu'« [e]lle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires » et que « [d]es corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union ».

77      Force est de constater que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 prévoit trois types de corrections : une correction « calculée », une correction « extrapolée » et une correction « forfaitaire ». En outre, cette disposition établit une hiérarchie entre ces trois types de corrections. En effet, une correction calculée est à appliquer lorsque des montants précis qui ont été indument dépensés peuvent être mis en évidence. Si tel n’est pas le cas, une correction forfaitaire peut être appliquée.

78      Par ailleurs, la hiérarchie entre les trois types de corrections en cause est reprise à l’article 12, paragraphes 1 à 7, du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18). Ainsi, les critères et la méthodologie pour l’application d’une correction calculée, d’une correction extrapolée et, enfin, d’une correction forfaitaire sont énoncés, respectivement, aux paragraphes 2 et 4, 3 à 5 et, enfin, 6 et 7, dudit article. Il ressort, plus spécifiquement, de l’article 12, paragraphe 6, de ce règlement délégué que ce n’est que lorsque les conditions pour appliquer une correction calculée ou une correction extrapolée ne sont pas remplies ou lorsque la nature du cas est telle que les montants à exclure ne peuvent être déterminés sur la base de ces méthodes qu’une correction forfaitaire est à appliquer.

79      La hiérarchie entre les trois types de correction en cause, d’une part, est reflétée dans les lignes directrices de 2015, applicables dans les procédures d’apurement de conformité lancées à compter du 1er janvier 2015, notamment au point 1.3.3, premier et quatrième alinéas, au point 1.3.6, au chapitre 2 et au point 3.1 desdites lignes directrices et, d’autre part, est confirmée par la jurisprudence, dont il ressort que la méthode de calcul forfaitaire a un caractère « résiduel » ou « subsidiaire » (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, points 112 et 118).

80      Ainsi, il ressort de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et de l’article 12, paragraphe 1, du règlement délégué no 907/2014 qu’une correction calculée présuppose la détermination de montants précis reconnus comme ayant été dépensés d’une manière qui ne respecte pas les règles applicables. En d’autres termes, il est nécessaire que l’irrégularité constatée soit, de par sa nature, en rapport avec des montants déterminés. Tel est le cas lorsque la Commission constate qu’un exploitant ou un groupe d’exploitants se sont vu admis au bénéfice de l’aide de l’Union alors qu’ils ne remplissaient pas les conditions nécessaires à cet effet. Dans ce cas, il suffit que la Commission se renseigne sur les montants perçus par les exploitants afin d’imposer la correction appropriée à la charge de l’État membre qui n’a pas agi pour faire en sorte d’empêcher l’admission des exploitants en question au bénéfice de l’aide de l’Union.

81      En revanche, lorsque les constatations de la Commission portent sur des carences qui, par leur nature, ne sont pas en rapport direct avec un montant déterminé, mais créent une incertitude quant à la régularité des dépenses mises à la charge du Feader en provoquant ainsi un risque de perte pour celui-ci, une correction par extrapolation ou forfaitaire est indiquée selon les distinctions particulières prévues par l’article 12, paragraphes 3 à 6, du règlement délégué no 907/2014.

 Sur l’application par la Commission d’une correction financière calculée

82      Il y a lieu de constater d’emblée que, contrairement à ce que fait valoir, en substance, la Hongrie, ni les conditions d’application d’une correction forfaitaire, ni celles permettant d’exclure une correction ne sont réunies en l’espèce.

83      En effet, d’une part, ainsi qu’il est rappelé aux points 75 et 76 ci-dessus, la Commission a l’obligation de procéder à une correction financière si les dépenses dont le financement est demandé n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union. L’hypothèse selon laquelle la Commission aurait dû s’abstenir de toute correction doit donc être écartée.

84      D’autre part, ainsi qu’il est rappelé aux points 76 à 78 ci-dessus, ce n’est que lorsque les conditions pour appliquer une correction calculée ou une correction extrapolée ne sont pas remplies ou lorsque la nature du cas est telle que les montants à exclure ne peuvent être déterminés sur la base de ces méthodes que l’article 12, paragraphe 6, du règlement délégué no 907/2014 habilite la Commission à appliquer des corrections forfaitaires appropriées, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que de sa propre estimation du risque de préjudice financier pour l’Union.

85      Or, en l’occurrence, il ressort des annexes 2, 3 et 6 de la requête que, à la demande de la Commission, la Hongrie lui a fourni les informations relatives aux paiements effectués aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée lui permettant d’identifier les dépenses inéligibles. La Commission a, sur ce fondement et conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, à l’article 12, paragraphe 2, du règlement délégué no 907/2014 et aux lignes directrices de 2015, imposé une correction financière calculée. La Hongrie n’a nullement fait valoir que le montant d’aide financière de 28 079 118 euros exclue ne correspondait pas à la somme de tous les paiements effectués aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée dont le paiement final n’avait pas été effectué plus de 24 mois avant la communication des résultats des vérifications de la Commission. Il s’ensuit que l’hypothèse selon laquelle la Commission aurait dû appliquer une correction forfaitaire doit être écartée également.

86      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la Hongrie relatifs à de prétendues difficultés d’interprétation et aux principes de coopération loyale, de protection de la confiance légitime, de proportionnalité et de sécurité juridique.

87      En premier lieu, la Hongrie soutient, en substance, que le droit de l’Union ne saurait être considéré comme excluant de manière absolument claire la reconnaissance qualifiée et que, partant, conformément au point 3.5 des lignes directrices de 2015 concernant les « cas limites », un taux de correction inférieur aurait dû être appliqué, voire qu’aucune correction n’aurait dû être imposée.

88      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si l’application du point 3.5 des lignes directrices de 2015 peut être étendue aux corrections autres que les corrections forfaitaires, il suffit de constater que les termes de l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005 n’engendrent aucune difficulté d’interprétation.

89      En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 47 ci-dessus, selon le sens littéral de l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005, l’aide est octroyée aux groupements de producteurs visés au cours d’une seule et première période de démarrage du groupement après son établissement et après la reconnaissance obtenue suivant son établissement, cette période de démarrage étant de cinq ans.

90      Une des conditions d’application des « cas limites » prévue au point 3.5 des lignes directrices de 2015, à savoir l’existence de difficultés d’interprétation de textes législatifs de l’Union, n’était donc pas satisfaite.

91      Il s’ensuit que l’argument de la Hongrie fondé sur des difficultés d’interprétation doit être rejeté.

92      En deuxième lieu, s’agissant du principe de coopération loyale invoqué par la Hongrie, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 3, TUE, en vertu de ce principe, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.

93      Selon la jurisprudence, et contrairement à ce que fait valoir la Commission, le principe de coopération loyale revêt par nature un caractère réciproque. En effet, il oblige les États membres à prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union et impose aux institutions de l’Union des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres (arrêt du 16 octobre 2003, Irlande/Commission, C‑339/00, EU:C:2003:545, points 71 et 72).

94      À cet égard, dans le cadre du Feader, d’une part, il y a lieu de relever que, selon l’article 5, paragraphe 7, du règlement no 1698/2005, les États membres doivent veiller à la conformité des opérations financées par le Feader avec les dispositions du traité et des actes arrêtés en vertu de celui-ci. D’autre part, selon l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement, l’aide du Feader est mise en œuvre dans le cadre d’une concertation étroite, un « partenariat », entre la Commission et l’État membre.

95      Par conséquent, en l’espèce, il incombait à la Hongrie de respecter les conditions particulières temporelle et d’éligibilité à l’aide prévue à l’article 35 du règlement no 1698/2005, le cas échéant et en cas de doute, en interrogeant la Commission sur la conformité du système de la reconnaissance qualifiée au droit de l’Union.

96      Or, il ne ressort ni des écritures ni des pièces du dossier devant le Tribunal que la Hongrie ait expressément interrogé la Commission sur cette question avant de modifier les arrêtés ministériels FVM 81/2004 et FVM 59/2007. En outre, si, lors de l’audience, la Hongrie a soutenu avoir essayé, oralement, d’obtenir l’avis des représentants de la Commission sur la reconnaissance qualifiée aux cours de réunions informelles et de réunions du comité de suivi avant la modification du cadre réglementaire national, force est de constater qu’aucune preuve, telle que des procès-verbaux de réunions ou des déclarations de personnes ayant participé directement à ces échanges et portant spécifiquement sur cette question, n’a été rapportée.

97      Par ailleurs, la circonstance que la Hongrie ait mentionné la modification du cadre réglementaire national dans le rapport d’exécution de 2009 relatif à la mise en œuvre de l’ÚMVP, dans les rapports correspondants pour les années 2010 à 2013, et, selon la Hongrie, au cours de réunions du comité de suivi, sans que la Commission formule d’objections, ne permet pas de conclure que la Commission se soit penchée sur la question de la conformité de la reconnaissance qualifiée au droit de l’Union ni, a fortiori, que la Commission ait considéré ladite modification comme conforme au droit de l’Union. Cette circonstance ne lui conférait pas, en tout état de cause, le droit de méconnaître les exigences du règlement no 1698/2005.

98      Enfin, s’agissant du rapport de l’organe de conciliation, contrairement à ce que fait valoir la Hongrie, ledit organe n’a pas suggéré qu’il y avait lieu de prendre en considération, en tant que circonstance atténuante, l’éventualité que la Commission ait pu avoir connaissance de l’application de la reconnaissance qualifiée par les autorités hongroises. Cet organe a lui-même qualifié cette possibilité de « difficile » étant donné que la correction financière proposée était une correction de 100 % fondée sur le caractère inéligible des dépenses et étant donné le caractère non concluant des informations fournies par la Hongrie quant à l’éligibilité des dépenses.

99      Il s’ensuit que l’argument de la Hongrie fondé sur le principe de coopération loyale doit être rejeté.

100    En troisième lieu, s’agissant du principe de protection de la confiance légitime invoqué par la Hongrie, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir de ce principe appartient à tout justiciable dans le chef duquel une institution de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence desdites assurances précises. Les assurances données doivent, en outre, être conformes aux normes applicables (voir arrêts du 18 juillet 2007, AER/Karatzoglou, C‑213/06 P, EU:C:2007:453, point 33 et jurisprudence citée, et du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 63 et jurisprudence citée). Ce principe peut être invoqué également par un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2012, Pologne/Commission, C‑335/09 P, EU:C:2012:385, points 180 et 181).

101    En l’espèce, la Hongrie expose que le rapport d’exécution relatif à la mise en œuvre de l’ÚMVP pour l’année 2009 contient un paragraphe énonçant que la modification de l’arrêté ministériel FVM 81/2004 a permis l’obtention d’une reconnaissance qualifiée qui permet elle aussi d’accéder au régime d’aide et qui concerne les groupements de producteurs qui, en raison de leur fusion avec un autre groupement, de leur effectif ou du volume de leur chiffre d’affaires, peuvent satisfaire aux conditions auxquelles est subordonné l’octroi de la reconnaissance qualifiée. Les rapports d’exécution relatifs à la mise en œuvre de l’ÚMVP pour les années 2010 à 2013 seraient rédigés de manière analogue. La Hongrie expose également que le système de la reconnaissance qualifiée a été évoqué à plusieurs reprises lors de réunions du comité de suivi sans que la Commission formule d’objections à l’égard de celui-ci.

102    Toutefois, le fait que la Commission ait accepté les rapports d’exécution relatifs à la mise en œuvre de l’ÚMVP mentionnés au point 101 ci-dessus sans formuler d’objections et n’ait pas réagi lorsque le système de la reconnaissance qualifiée a été évoqué lors de réunions du comité de suivi ne saurait être assimilé à une prise de position de l’institution, approuvant le système de la reconnaissance qualifiée. En effet, seule une manifestation expresse et claire de la part de la Commission aurait pu permettre de conclure que cette institution avait approuvé le système de la reconnaissance qualifiée (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2019, Hongrie/Commission, T‑139/15, EU:T:2019:156, point 145 et jurisprudence citée). De surcroît, il ressort du procès-verbal de la réunion du comité de suivi du 3 février 2011, soumis en réponse à la demande de production de documents adressée à la Hongrie, qu’un représentant de l’autorité de gestion hongroise a informé les participants à cette réunion que, « tant que l’Union n’adopt[ait] pas la notion de la reconnaissance qualifiée, le ministère ne pourrait soutenir les groupements de producteurs qu’à son propre risque national ».

103    Par ailleurs, il résulte de la réponse apportée au premier moyen que les montants d’aide octroyée aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée n’étaient pas éligibles au financement de l’Union. Il s’ensuit que, même s’il devait être admis que, en acceptant les rapports d’exécution relatifs à la mise en œuvre de l’ÚMVP, la Commission a fourni aux autorités hongroises des assurances précises quant à la conformité de la reconnaissance qualifiée à l’article 35 du règlement no 1698/2005, de telles assurances auraient, en tout état de cause, été contraires aux normes applicables et, par conséquent, n’auraient pas été susceptibles de créer, à l’égard de la Hongrie, des attentes légitimes quant à l’éligibilité des dépenses en cause au financement de l’Union.

104    Il s’ensuit que l’argument de la Hongrie fondé sur le principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté.

105    En quatrième lieu, s’agissant des principes de proportionnalité et de sécurité juridique, d’une part, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 127 et jurisprudence citée). Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 3 mars 2016, Espagne/Commission, T‑675/14, non publié, EU:T:2016:123, point 51 et jurisprudence citée).

106    Toutefois, en l’espèce, la Hongrie n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir appliqué un taux de correction inférieur ou de ne pas s’être abstenue de toute correction au titre du principe de proportionnalité. À cet égard, il convient de rappeler que la procédure d’apurement de conformité établie à l’article 52 du règlement no 1306/2013 et précisée à l’article 12 du règlement délégué no 907/2014 vise à exclure du financement de l’Union les dépenses qui n’ont pas été effectuées en conformité avec les règles de l’Union, et ce afin de protéger les intérêts financiers de celle-ci. Par ailleurs, cette procédure prévoit l’application de corrections calculées lorsque des montants précis qui ont été indument dépensés peuvent être mis en évidence, ce qui a été le cas en l’espèce.

107    En effet, la Commission, ayant constaté l’inéligibilité des montants d’aide octroyée aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée, a appliqué une correction financière calculée conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, à l’article 12, paragraphe 2, du règlement délégué no 907/2014 et aux lignes directrices de 1997 et de 2015, sur le fondement des informations fournies par la Hongrie. Ce faisant, elle a appliqué une correction correspondant au montant d’aide illégalement octroyée et ainsi au préjudice financier réel causé à l’Union.

108    Dans ces circonstances, les arguments soulevés par la Hongrie ne permettent pas de considérer que la correction financière calculée appliquée dépasse les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. D’une part, il est sans incidence que la Commission n’ait pas formulé d’objections lorsque le système de la reconnaissance qualifiée a été évoqué dans certains rapports d’exécution relatifs à la mise en œuvre de l’ÚMVP et au cours de réunions du comité de suivi, car cette circonstance ne conférait pas à la Hongrie le droit de méconnaître les exigences du règlement no 1698/2005. D’autre part, le fait que l’aide en cause ne pouvait plus être demandée au moment où est intervenue la décision attaquée ne s’oppose pas à l’application d’une correction calculée. En effet, ainsi qu’il est relevé au point 1.3.2 des lignes directrices de 2015, la procédure d’apurement de conformité a une visée non seulement préventive mais aussi corrective. L’application de la correction financière calculée constitue, dès lors, la simple conséquence du non-respect des conditions particulières de l’aide prévue à l’article 35 du règlement no 1698/2005 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 mai 2012, Hehenberger, C‑188/11, EU:C:2012:312, point 37 et jurisprudence citée) et ne saurait être considérée comme étant disproportionnée.

109    Il s’ensuit que l’argument de la Hongrie fondé sur le principe de proportionnalité doit être rejeté.

110    D’autre part, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique, il suffit d’observer que, dans la requête, la requérante n’a avancé aucun argument spécifique fondé sur ce principe. Or, selon la jurisprudence, la simple invocation d’un principe du droit de l’Union dont la violation est alléguée, sans indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels cette allégation se fonde, ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2007, Espagne/Commission, T‑219/04, EU:T:2007:121 point 89). Partant, ce grief doit être rejeté comme étant irrecevable.

111    Enfin, quant à l’argumentation de la Hongrie relative à l’article 52, paragraphe 4, sous b) et c), du règlement no 1306/2013, soulevée pour la première fois à l’audience et tirée de ce que la Commission n’aurait pas été en droit d’exiger le remboursement intégral des sommes octroyées par la Hongrie entre 2011 et 2016 et, plus particulièrement, celui des paiements antérieurs au mois de novembre 2013, force est de constater que cette argumentation ne peut se rattacher aux arguments soulevés par la Hongrie dans la requête. Dès lors, et contrairement à ce qu’a fait valoir la Hongrie lors de l’audience, elle ne saurait être considérée comme constituant une ampliation du second moyen en ce que celui-ci porte sur la sécurité juridique. Elle ne saurait davantage constituer un moyen d’ordre public au titre du rattachement à une question de compétence ratione temporis. Il s’agit donc d’un moyen nouveau au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure. Dans la mesure où il ne se fonde pas sur un élément révélé au cours de la procédure au sens de cette dernière disposition et où il n’est pas d’ordre public, il doit être écarté comme étant tardif et, partant, irrecevable.

112    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas méconnu les principes de coopération loyale, de protection de la confiance légitime, de proportionnalité et de sécurité juridique lorsqu’elle a, par la décision attaquée, appliqué une correction financière calculée écartant un montant d’aide financière correspondant à tous les paiements effectués aux groupements de producteurs disposant d’une reconnaissance qualifiée dont le paiement final n’avait pas été effectué plus de 24 mois avant la communication des résultats des vérifications de la Commission.

113    Dès lors, la Hongrie n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer de la constatation que le système de la reconnaissance qualifiée n’était pas conforme au droit de l’Union.

114    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé et, par conséquent, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

115    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

116    La Hongrie ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Hongrie est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.