Language of document : ECLI:EU:C:2024:87

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 25 janvier 2024 (1)

Affaire C27/23 [Hocinx] (i)

FV

contre

Caisse pour l’avenir des enfants

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (Luxembourg)]

« Renvoi préjudiciel – Article 45 TFUE – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 1er, sous i) – Libre circulation des personnes – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Règlement (UE) no 492/2011 – Article 7, paragraphe 2 – Allocation familiale – Directive 2004/38/CE – Article 2, point 2 – Notion de “membre de la famille” – Exclusion de l’enfant faisant l’objet d’une décision judiciaire de placement – Différence de traitement entre l’enfant faisant l’objet d’une telle décision sur le territoire de l’État membre de résidence et l’enfant non-résident – Absence de justification »






I.      Introduction

1.        Un État membre peut-il exclure un travailleur transfrontalier du bénéfice d’une allocation familiale liée à l’exercice de son activité salariée dans cet État membre pour l’enfant sans lien de filiation ayant été placé par décision judiciaire dans son foyer et dont il a la garde, alors que les enfants ayant fait l’objet d’un placement judiciaire dans ledit État membre ont le droit de percevoir cette allocation versée à la personne physique ou morale investie de leur garde ?

2.        Telle est, en substance, la question posée par la Cour de cassation (Luxembourg) dans le cadre d’un litige opposant FV, travailleur frontalier résidant en Belgique, à la Caisse pour l’avenir des enfants (ci-après la « CAE ») au sujet du refus de cette dernière d’octroyer une allocation familiale à un enfant placé par décision judicaire dans le foyer de FV, ne présentant pas de lien de filiation avec ce dernier.

3.        Dans ce contexte, la Cour est invitée à interpréter une nouvelle fois l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 (2), lus en combinaison avec l’article 67 du règlement (CE) no 883/2004 (3) et l’article 60 du règlement (CE) no 987/2009 (4), et est amenée à déterminer s’il existe une discrimination indirecte, interdite par le principe de l’égalité de traitement des travailleurs.

4.        La présente affaire s’inscrit dans le prolongement de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (Enfant du conjoint d’un travailleur frontalier) (5), qui concernait la même allocation familiale de la CAE, et offre à la Cour l’occasion de préciser dans quelle mesure la solution dégagée dans cet arrêt est transposable en l’espèce, en se penchant, notamment, sur la question de savoir si, aux fins de l’octroi de cette allocation familiale, la notion de « membre de la famille » doit comprendre également un enfant placé dans le foyer d’un travailleur frontalier.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Le règlement nº 492/2011

5.        L’article 7 du règlement no 492/2011 prévoit :

« 1.      Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2.      Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

[...] »

2.      Le règlement no 883/2004

6.        Aux termes de l’article 1er du règlement no 883/2004 :

« Aux fins du présent règlement :

[...]

i)      les termes “membre de la famille” désignent :

1)      i)      toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies ;

ii)      pour ce qui est des prestations en nature selon le titre III, chapitre 1, sur la maladie, la maternité et les prestations de paternité assimilées, toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation de l’État membre dans lequel réside l’intéressé.

2)      Si la législation d’un État membre qui est applicable en vertu du point 1) ne permet pas de distinguer les membres de la famille des autres personnes auxquelles ladite législation est applicable, le conjoint, les enfants mineurs et les enfants majeurs à charge sont considérés comme membres de la famille.

3)      Au cas où, conformément à la législation applicable en vertu des points 1) et 2), une personne n’est considérée comme membre de la famille ou du ménage que lorsqu’elle vit dans le même ménage que la personne assurée ou le titulaire de pension, cette condition est réputée remplie lorsque cette personne est principalement à la charge de la personne assurée ou du titulaire de pension ;

[...] »

7.        L’article 4 de ce règlement, intitulé « Égalité de traitement », énonce :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci. »

8.        Aux termes de l’article 67 du règlement no 883/2004 :

« Une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre. Toutefois, le titulaire d’une pension a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent pour sa pension. »

3.      Le règlement no 987/2009

9.        L’article 60 du règlement no 987/2009, intitulé « Procédure pour l’application des articles 67 et 68 du règlement de base » dispose, à son paragraphe 1 :

« La demande d’octroi de prestations familiales est adressée à l’institution compétente. Aux fins de l’application des articles 67 et 68 du règlement de base, la situation de l’ensemble de la famille est prise en compte comme si toutes les personnes concernées étaient soumises à la législation de l’État membre concerné et y résidaient, en particulier pour ce qui concerne le droit d’une personne à demander de telles prestations. Lorsqu’une personne pouvant prétendre au bénéfice des prestations n’exerce pas son droit, une demande d’octroi de prestations familiales présentée par l’autre parent, une personne considérée comme telle ou une personne ou l’institution exerçant la tutelle sur l’enfant ou les enfants est prise en compte par l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable. »

4.      La directive 2004/38/CE

10.      Aux termes de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38/CE (6) :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2)      “membre de la famille” :

[...]

c)      les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ;

d)      les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b). »

5.      La directive 2014/54/UE

11.      L’article 1er de la directive 2014/54/UE (7) prévoit :

« La présente directive énonce des dispositions destinées à faciliter et à uniformiser la manière d’appliquer et de faire respecter les droits conférés par l’article 45 [TFUE] et par les articles 1er à 10 du règlement [no 492/2011]. La présente directive s’applique aux citoyens de l’Union qui exercent ces droits et aux membres de leur famille [...] »

12.      Aux termes de l’article 2 de cette directive :

1.      La présente directive s’applique aux aspects suivants de la libre circulation des travailleurs, tels qu’ils sont visés de l’article 1er à l’article 10 du règlement [no 492/2011] :

[...]

c)      le bénéfice des avantages sociaux et fiscaux ;

[...]

2.      Le champ d’application de la présente directive est identique à celui du règlement [no 492/2011]. »

B.      Le droit luxembourgeois

13.      Les dispositions pertinentes sont les articles 269 et 270 du code de la sécurité sociale (8).

14.      L’article 269 du code, intitulé « Conditions d’attribution », dispose, à son paragraphe 1 :

« Il est introduit une allocation pour l’avenir des enfants, ci-après “allocation familiale”.

Ouvre droit à l’allocation familiale :

a)      chaque enfant, qui réside effectivement et de manière continue au Luxembourg et y ayant son domicile légal ;

b)      les membres de famille tels que définis à l’article 270 de toute personne soumise à la législation luxembourgeoise et relevant du champ d’application des règlements européens ou d’un autre instrument bi- ou multilatéral conclu par le Luxembourg en matière de sécurité sociale et prévoyant le paiement des allocations familiales suivant la législation du pays d’emploi. Les membres de la famille doivent résider dans un pays visé par les règlements ou instruments en question. »

15.      L’article 270 de ce code prévoit :

« Pour l’application de l’article 269, paragraphe 1er, point b), sont considérés comme membres de la famille d’une personne et donnent droit à l’allocation familiale, les enfants nés dans le mariage, les enfants nés hors mariage et les enfants adoptifs de cette personne. »

16.      L’article 273, paragraphe 4, dudit code précise, en ce qui concerne des enfants résidents :

« En cas de placement d’un enfant par décision judiciaire, l’allocation familiale est versée à la personne physique ou morale investie de la garde de l’enfant et auprès de laquelle l’enfant a son domicile légal et sa résidence effective et continue. »

III. Les faits du litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

17.      FV, qui travaille au Luxembourg et réside en Belgique, bénéficie du statut de travailleur frontalier et dépend ainsi du régime luxembourgeois pour les allocations familiales. Depuis le 26 décembre 2005, l’enfant FW est placé au sein du foyer de FV en vertu d’une décision judiciaire belge. FV bénéficiait des allocations familiales luxembourgeoises pour l’enfant FW depuis plusieurs années, en raison de sa qualité de travailleur frontalier.

18.      À compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 23 juillet 2016 ayant modifié le code, FV a cessé de percevoir les allocations familiales pour l’enfant placé dans son foyer. Par décision du 7 février 2017,  le comité directeur de la CAE a retiré à FV, avec effet rétroactif au 1er août 2016, le bénéfice des allocations familiales perçues pour l’enfant FW au motif que cet enfant, ne présentant pas de lien de filiation avec FV, n’aurait pas la qualité de « membre de la famille », au sens de l’article 270 de ce code.

19.      Le 27 janvier 2022, le conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé, par réformation, la décision de la CAE du 7 février 2017. FV s’est pourvu en cassation devant la Cour de cassation.

20.      C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a, par décision du 19 janvier 2023, parvenue à la Cour le 23 janvier 2023, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Est-ce que le principe d’égalité de traitement garanti par [l’article] 45 TFUE et [l’article 7], paragraphe 2, du règlement [no 492/2011] ainsi que [l’article 67 du règlement no 883/2004] et [l’article 60 du règlement no 987/2009] s’opposent à des dispositions d’un État membre en vertu desquelles les travailleurs frontaliers ne peuvent percevoir une allocation familiale liée à l’exercice, par ceux-ci, d’une activité salariée dans cet État membre pour les enfants placés auprès d’eux par décision judiciaire, alors que tous les enfants ayant fait l’objet d’un placement par décision judiciaire et résidant dans ledit État membre ont le droit de percevoir cette allocation qui est versée à la personne physique ou morale investie de la garde de l’enfant et auprès de laquelle l’enfant a son domicile légal et sa résidence effective et continue ? La réponse à la question posée est-elle susceptible d’être impactée par le fait que le travailleur frontalier pourvoit à l’entretien de cet enfant ? »

21.      Des observations écrites ont été déposées devant la Cour par FV, la CAE, ainsi que par la Commission européenne. La Cour a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries dans la présente affaire.

IV.    Analyse

22.      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, lus en combinaison avec l’article 67 du règlement no 883/2004 et l’article 60 du règlement no 987/2009, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un État membre en vertu de laquelle les travailleurs transfrontaliers ne peuvent pas percevoir une allocation familiale liée à l’exercice, par ceux-ci, d’une activité salariée dans cet État membre pour les enfants ayant été placés auprès d’eux et dont ils ont la garde, alors que les enfants ayant fait l’objet d’un placement judiciaire dans ledit État membre ont le droit de percevoir cette allocation versée à la personne physique ou morale investie de la garde de l’enfant, et si le fait que le travailleur frontalier pourvoit à l’entretien de l’enfant a une incidence sur la réponse à cette question.

23.      En ce qui concerne la situation en cause au principal, je rappelle que, par décision du 7 février 2017, la CAE a, en se fondant sur les articles 269 et 270 du code, déclaré que FV ne bénéficiait plus, avec effet rétroactif au 1er août 2016, de l’allocation familiale pour l’enfant FW, au motif que cet enfant n’avait aucun lien de parenté avec lui et, par conséquent, ne pouvait pas être considéré comme un membre de sa famille en application de l’article 270 de ce code (9). En effet, comme l’indique la juridiction de renvoi, la situation d’un enfant placé par décision judiciaire au foyer d’un travailleur transfrontalier n’est pas prévue par ledit code et n’ouvre donc pas droit à cette prestation familiale (10).

24.      S’agissant de la législation en cause, la juridiction de renvoi explique qu’un enfant résident a, dans tous les cas, un droit direct au paiement des prestations familiales (11). En revanche, pour les enfants non-résidents, un tel droit n’est prévu qu’au titre du droit dérivé pour les « membres de famille » du travailleur transfrontalier, lesquels n’incluent pas les enfants placés par décision judiciaire dans le foyer d’un tel travailleur (12). Cette juridiction, en se référant notamment à l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, cherche donc à savoir si cette différence de traitement est conforme au droit de l’Union. En effet, il ressort de cet arrêt que, par les termes « enfant d’un travailleur transfrontalier » pouvant bénéficier indirectement des avantages sociaux, il convient d’entendre également l’enfant ayant un lieu de parenté avec le conjoint ou le partenaire enregistré du travailleur concerné.

25.      FV et la Commission considèrent que les dispositions en cause au principal constituent une discrimination indirecte fondée sur la nationalité. En revanche, la CAE fait valoir que, en l’espèce, l’enfant FW n’a aucun lien de parenté avec le travailleur transfrontalier ou avec son conjoint. Elle soutient, dès lors, que FV ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement ni directement et personnellement, ni au titre des membres de sa famille.

26.      Pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi, en premier lieu, j’examinerai brièvement l’applicabilité des règlements nos 883/2004 et 492/2011 à des faits tels que ceux en cause au principal (section A) ; en deuxième lieu, j’exposerai la jurisprudence pertinente de la Cour relative au principe d’égalité de traitement dans le cadre de la libre circulation des travailleurs, en me référant, en particulier, à l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (section B) ; en troisième lieu, j’aborderai la notion de « membre de la famille » aux fins de l’octroi d’une allocation familiale (section C) ; en quatrième lieu, je me pencherai, à la lumière de la jurisprudence, sur l’interprétation de l’article 45 TFUE, lu en combinaison, notamment, avec les règlement nos 883/2004 et 492/2011, pour déterminer si la législation en cause au principal constitue une discrimination indirecte au sens de l’article 45 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011, en examinant, en particulier, les arguments avancés par la CAE (section D) et, enfin, en cinquième et dernier lieu, je préciserai quelle est l’incidence de la circonstance que le travailleur frontalier pourvoit à l’entretien de l’enfant sur la réponse proposée (section E).

A.      Sur l’applicabilité des règlements nos 883/2004 et 492/2011 à des faits tels que ceux en cause au principal

27.      Compte tenu de l’abondante jurisprudence de la Cour relative aux prestations de sécurité sociale et aux avantages sociaux dont les travailleurs migrants et transfrontaliers peuvent bénéficier pour leurs enfants (13) et, en particulier, du fait que la Cour s’est déjà prononcée, dans l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, sur l’applicabilité des règlements nos 883/2004 et 492/2011 à une allocation familiale telle que celle en cause au principal, je serai bref en ce qui concerne cette question (14).

28.      Je relève, tout d’abord, qu’un travailleur, tel que FV, qui, tout en travaillant au Luxembourg et en étant, de ce fait, soumis à la législation luxembourgeoise en matière de sécurité sociale, réside en Belgique (15), relève, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 883/2004, du champ d’application ratione personae de ce règlement (16).

29.      S’agissant, ensuite, du champ d’application ratione materiae du règlement nº 883/2004, la Cour a déjà jugé, dans l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, qu’une allocation familiale, telle que celle prévue à l’article 269, paragraphe 1, sous a), du code, constitue une prestation de sécurité sociale relevant des prestations familiales, au sens de l’article 1er, sous z), de ce règlement (17). D’une part, la Cour a précisé qu’une telle allocation familiale est versée pour tous les enfants résidant au Luxembourg ainsi que pour tous les enfants des travailleurs non-résidents ayant un lien de filiation avec ces derniers. Cette prestation est, par conséquent, octroyée en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, sur la base d’une situation légalement définie (18). D’autre part, la Cour a relevé qu’il apparaît que ladite prestation représente une contribution publique au budget familial destinée à alléger les charges découlant de l’entretien des enfants (19).

30.      Pour ce qui est, enfin, du règlement nº 492/2011(20), la Cour a itérativement rappelé qu’il résulte de l’objectif de l’égalité de traitement recherché par l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement que la notion d’« avantage social », étendue par ladite disposition aux travailleurs ressortissants d’autres États membres, comprend tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît dès lors comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de l’Union et, partant, leur intégration dans l’État membre d’accueil (21).

31.      C’est à la lumière de cette notion que la Cour a également considéré qu’une allocation familiale liée à l’exercice d’une activité salariale par un travailleur frontalier, tel qu’en l’espèce FV, constitue un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011 (22).

32.      Partant, il ne fait guère de doutes qu’une allocation familiale telle que celle visée à l’article 269, paragraphe 1, sous a), du code relève du champ d’application matériel du droit de l’Union en tant que prestation familiale, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous j), du règlement nº 883/2004, et en tant qu’avantage social,  au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011 (23).

B.      La jurisprudence de la Cour

1.      Bref aperçu de la jurisprudence relative au principe d’égalité de traitement dans le cadre de la libre circulation des travailleurs

33.      Comme nous le savons, l’article 45 TFUE assure la libre circulation de travailleurs au sein de l’Union. Cette liberté constitue l’un des fondements de l’Union. En particulier, le paragraphe 2 de cet article dispose que la libre circulation des travailleurs implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

34.      C’est dans l’arrêt Kempf (24) qu’a été évoqué pour la première fois par la Cour le principe selon lequel les dispositions qui consacrent la libre circulation des travailleurs doivent être interprétées largement (25). Une telle interprétation large tient au fait que la notion de « travailleur » – ainsi que celle d’« activité salariée » – définit le champ d’application de l’une des libertés fondamentales garanties par le traité (26).

35.      Dans ce contexte, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 est, selon une jurisprudence constante, l’expression particulière, dans le domaine spécifique de l’octroi d’avantages sociaux, de la règle d’égalité de traitement consacrée à l’article 45, paragraphe 2, TFUE et doit être interprété de la même façon que cette seconde disposition (27). Ainsi, les travailleurs qui ont déjà accédé au marché du travail, comme c’est le cas de FV, peuvent prétendre, sur le fondement de cette première disposition, aux mêmes avantages sociaux que les travailleurs nationaux (28). En effet, la Cour a itérativement considéré que cette disposition bénéficie indifféremment tant aux travailleurs migrants qu’aux travailleurs frontaliers (29).

36.      En outre, ainsi que la Cour l’a rappelé à maintes reprises, le principe d’égalité de traitement inscrit à l’article 45, paragraphe 2, TFUE et à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 prohibe non seulement les discriminations directes, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes indirectes de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (30).

37.      En particulier, la Cour a jugé, dans l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, qui se trouve au cœur des interrogations de la juridiction de renvoi, que le droit de l’Union s’oppose à des dispositions d’un État membre en vertu desquelles les travailleurs frontaliers ne peuvent percevoir une allocation familiale liée à l’exercice, par ceux-ci, d’une activité salariée dans cet État membre que pour leurs propres enfants, à l’exclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils n’ont pas de lien de filiation, mais dont ils pourvoient à l’entretien, alors que tous les enfants résidant dans ledit État membre ont le droit de percevoir cette allocation (31).

38.      Comme je l’ai indiqué dans mon introduction, la question se pose de savoir si une telle réponse de la Cour est transposable à la situation de FV en cause au principal, c’est-à-dire celle d’un enfant qui a été placé dans le foyer d’un travailleur transfrontalier par décision judiciaire. Il me faut donc examiner si, au regard des principes fondamentaux dégagés de la jurisprudence de la Cour rappelée plus haut, la législation en cause est susceptible de créer une différence de traitement à l’encontre des travailleurs frontaliers qui pourrait constituer une discrimination indirecte fondée sur la nationalité.

39.      Cela étant, compte tenu des différences entre la situation juridique d’un enfant en placement judiciaire et celle d’un enfant ayant un lien de filiation, y compris adoptive, avec un ou les deux parents avec lesquels il vit, une question préalable s’impose : celle de savoir si la notion de « membre de famille » doit, aux fins de l’octroi de l’allocation familiale en cause, comprendre également un enfant placé dans le foyer du travailleur frontalier.

40.      Je suis convaincu, pour les raisons que je vais exposer ci-après, que cette question appelle une réponse affirmative.

2.      L’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants : la notion de « membre de la famille »au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38

41.      La question de savoir si la notion de « membre de la famille » doit, aux fins de l’octroi de l’allocation familiale, comprendre également un enfant placé dans le foyer du travailleur frontalier est importante dans la mesure où, dans l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, la Cour s’est fondée sur la notion de « membre de la famille », au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38 (32).

42.      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, contrairement à la présente affaire (33), la juridiction de renvoi cherchait à savoir, par sa deuxième question, si la définition de la notion de « membre de la famille » prévue à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2004/38 était applicable à l’allocation familiale visée à l’article 269, paragraphe 1, sous a), du code et, en cas de réponse affirmative, par sa troisième question, si l’exclusion de l’enfant du conjoint de la définition de la notion de « membre de la famille » de l’article 270 du code était constitutive d’une discrimination indirecte.

43.      Pour répondre à ces deux questions, la Cour s’est basée, notamment, sur les points 40 et 64 de l’arrêt Depesme e.a., en rappelant, d’une part, que les membres de la famille d’un travailleur migrant sont des bénéficiaires indirects de l’égalité de traitement accordée à ce travailleur par l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 et, d’autre part, que l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement doivent être interprétés en ce sens qu’il y a lieu d’entendre par enfant d’un travailleur frontalier, pouvant bénéficier indirectement des avantages sociaux visés à cette dernière disposition non seulement l’enfant qui a un lien de filiation avec ce travailleur, mais également l’enfant du conjoint ou du partenaire enregistré dudit travailleur, lorsque ce dernier pourvoit à l’entretien de cet enfant (34). Elle a donc jugé que la notion de « membre de la famille » du travailleur frontalier susceptible de bénéficier indirectement de l’égalité de traitement, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, correspond à celle de « membre de la famille », au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38, laquelle comprend notamment le conjoint ou le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré (35).

44.      Je partage cette conclusion. Je rappelle que la Cour a notamment pris en considération, à cet égard, d’une part, l’évolution de la législation de l’Union (36) et le fait que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 n’a fait que reprendre, sans modification, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 et, d’autre part, le considérant 1, l’article 1er et l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2014/54. Ces dernières dispositions corroborent la volonté du législateur de l’Union de reprendre à l’article 2 de la directive 2004/38 la notion de « membre de la famille » telle qu’elle a été définie par la jurisprudence de la Cour relative au règlement nº 1612/68, abrogé et remplacé par le règlement no 492/2011 (37).

45.      Certes, le fait que la Cour s’est appuyée dans cet arrêt sur la notion de « membre de la famille », au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38, pourrait donner à penser que cette circonstance empêche de considérer que la notion de « membre de la famille » peut, aux fins de l’octroi d’une allocation familiale dans le contexte de la libre circulation de travailleurs, comprendre notamment un enfant placé par décision judiciaire dans le foyer d’un travailleur transfrontalier.

46.      Cependant, je suis convaincu que cela n’est pas le cas, et ce pour les raisons que je vais exposer ci-après.

C.      Sur la notion de « membre de la famille » dans le contexte spécifique de l’égalité de traitement des travailleurs transfrontaliers

47.      En premier lieu, comme je l’ai déjà relevé (38), contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, la juridiction de renvoi ne demande pas à la Cour si, conformément à l’article 2, point 2, de la directive 2004/38, il y a lieu d’étendre le champ d’application de l’article 270 du code aux enfants placés par décision judiciaire. Cette juridiction se limite à demander si, en ce qui concerne le droit aux allocations familiales en cause, la différence de traitement entre l’enfant non-résident placé par décision judiciaire dans le foyer d’un travailleur transfrontalier et l’enfant en placement judiciaire résident est conforme au droit de l’Union.

48.      Le problème juridique au cœur du litige au principal est donc non pas la possibilité de considérer des enfants placés par décision judiciaire comme « membres de la famille » dans l’ordre juridique des États membres mais le droit à la libre circulation et à l’égalité de traitement d’un travailleur transfrontalier. Or, si les personnes ayant droit aux prestations familiales sont déterminées conformément au droit national (39), il n’en demeure pas moins que, comme la Cour l’a rappelé à maintes reprises, dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent respecter le droit de l’Union, en l’occurrence les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs (40).

49.      Dans ce contexte, pour déterminer les « membres de la famille » d’un travailleur, il convient de rappeler, comme je l’ai déjà fait valoir (41), que la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union repose sur un certain nombre de principes, notamment celui de l’égalité de traitement. La mise en œuvre de ce principe dans le domaine de la sécurité sociale est, par ailleurs, assurée par une réglementation de l’Union qui repose, notamment, sur le principe de l’unicité de la législation applicable en cette matière (42). C’est ainsi que, afin de garantir le mieux possible l’égalité de traitement de toutes les personnes occupées sur le territoire d’un État membre, selon l’article 4 du règlement no 883/2004, lu à la lumière de son considérant 8 (43), la personne qui exerce notamment une activité salariée dans un État membre est soumise, en règle générale, à la législation de cet État membre et doit, conformément à cet article, y bénéficier des mêmes prestations que les ressortissants du même État. La Cour a itérativement jugé que les travailleurs contribuent au financement des politiques sociales de l’État membre d’accueil avec les contributions fiscales et sociales qu’ils paient dans cet État, en vertu de l’activité salariée qu’ils y exercent. Ils doivent, dès lors, pouvoir en profiter dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux  (44).

50.      De la même manière, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 prévoit que le travailleur d’un autre État membre bénéficie des mêmes avantages sociaux que les travailleurs nationaux. Comme je l’ai déjà rappelé, ces deux dispositions concrétisent, dans leurs domaines respectifs, le principe de l’égalité de traitement prévu à l’article 45, paragraphe 2, TFUE qui protège les travailleurs concernés contre toute discrimination, qu’elle soit directe ou indirecte, fondée sur la nationalité résultant des législations nationales des États membres, et doivent être interprétées de la même façon que cette dernière disposition (45).

51.      En deuxième lieu, il convient de tenir compte du principe selon lequel les dispositions qui consacrent la libre circulation des travailleurs, qui constitue l’un des fondements de l’Union, doivent être interprétées largement (46). Cela signifie, à mon avis, que, dans le contexte de l’égalité du traitement des travailleurs, la notion de « membre de la famille » doit s’entendre de manière large, de sorte qu’elle recouvre également, le cas échéant, d’autres personnes que celles énumérées à l’article 2, point 2, de la directive 2004/38, notamment un enfant placé durablement sous tutelle légale par une décision judiciaire, lorsque celles-ci sont dans une situation comparable à un enfant visé par cette disposition (47).

52.      À cet égard, je rappelle que le considérant 31 de la directive 2004/38 énonce que celle-ci respecte les droits et libertés fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus, notamment, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

53.      Le principe de la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, est l’un des principes imprégnant l’ordre juridique de l’Union (48). La Cour a considéré ce principe comme le prisme à travers lequel doivent être lues les dispositions du droit de l’Union (49). Dans sa jurisprudence, la Cour tient compte également de l’intérêt des enfants à poursuivre leur vie familiale, protégé par l’article 7 de la Charte (50), qui correspond à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (51). Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que l’existence d’une vie familiale de fait entre des parents d’accueil et un enfant placé au sein de leur foyer doit tenir compte d’un certain nombre d’éléments, comme le temps vécu ensemble, la qualité des relations ainsi que le rôle assumé par l’adulte envers l’enfant (52).

54.      En l’occurrence, les éléments suivants ressortent de la décision de renvoi ainsi que du dossier dont dispose la Cour. Premièrement, l’enfant FW a été placé par décision judiciaire d’un État membre, à savoir la Belgique, au sein du foyer de FV et de son épouse et le couple a deux enfants biologiques communs ; deuxièmement, ce placement judicaire a un caractère durable, dès lors que l’enfant FW vit au sein du foyer de FV depuis 2005, c’est-à-dire depuis sa toute petite enfance (53) ; troisièmement, FV a le droit de garde de l’enfant FW et pourvoit directement à son entretien et, enfin, quatrièmement, l’enfant FW a son domicile légal et sa résidence effective et continue auprès de FV.

55.      Ces éléments doivent être pris en compte par les autorités compétentes pour déterminer, après un examen de la situation familiale effective du travailleur concerné, si l’enfant placé au sein du foyer d’un travailleur transfrontalier est, dans les faits, un « membre de la famille » de ce travailleur aux fins de l’octroi des allocations familiales.

56.      Enfin, en troisième lieu, je rappelle qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, sous d), du règlement (UE) no 2019/1111 (54) que le placement d’un enfant dans une famille d’accueil relève du champ d’application de celui-ci et qu’il découle de l’article 30, paragraphe 1, de ce règlement que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure spéciale. Dès lors, en l’espèce, les autorités compétentes luxembourgeoises sont tenues de reconnaître une décision judiciaire de placement aux fins de l’octroi de l’allocation familiale en cause.

57.      Compte tenu de ces considérations, j’estime qu’un enfant qui est placé par décision judiciaire au sein du foyer d’un travailleur frontalier doit, aux fins de l’octroi de l’allocation familiale, relever de la notion de « membre de la famille », cette notion recouvrant également d’autres personnes que celles énumérées à l’article 2, point 2, de la directive 2004/38.

58.      Il convient encore d’examiner si, au regard des principes fondamentaux dégagés de la jurisprudence de la Cour que j’ai rappelés (55), la législation en cause est susceptible de créer une différence de traitement à l’encontre des travailleurs frontaliers qui pourrait constituer une discrimination indirecte fondée sur la nationalité.

D.      La législation en cause constitue-t-elle une discrimination indirecte au sens de l’article 45 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011 ?

1.      Sur la différence de traitement fondée sur la résidence

59.      La CAE fait valoir, en se fondant sur le point 51 de l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, que, dans la mesure où un enfant placé par décision judiciaire dans le foyer d’un travailleur transfrontalier n’a pas de lien de filiation avec ce travailleur ou avec son conjoint, ledit travailleur ne peut pas invoquer le principe d’égalité de traitement pour cet enfant. La CAE soutient que la présente affaire doit donc être distinguée de celle ayant donné lieu à cet arrêt.

60.      Je ne partage pas cette position. Si les deux affaires peuvent être, dans une certaine mesure, distinguées, je suis d’avis que cette distinction ne concerne toutefois pas la comparabilité de la situation des enfants concernés au regard de l’octroi de l’allocation familiale en cause.

61.      Tout d’abord, il est certes vrai que la situation des enfants ayant fait l’objet d’un placement judiciaire dans le foyer d’un travailleur transfrontalier se distingue juridiquement de celle des enfants ayant un lien de filiation, y compris adoptive, avec un ou les deux parents avec lesquels ils vivent. Cependant, conformément à la jurisprudence, il y a discrimination quand des règles différentes sont appliquées à des situations comparables ou quand des situations différentes sont soumises à la même règle (56). Selon une jurisprudence constante, la comparabilité objective des deux groupes doit être examinée en tenant compte de l’objectif de la législation en cause (57). Comme je l’ai déjà relevé, l’allocation familiale en cause au principal constitue un avantage social entrant dans le champ d’application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 (58), qui prohibe toute forme indirecte de discrimination.

62.      Conformément à la jurisprudence de la Cour, une distinction fondée sur la résidence, qui est susceptible de jouer davantage au détriment des ressortissants d’autres États membres dans la mesure où les non‑résidents sont le plus souvent des non-nationaux, constitue une discrimination indirecte fondée sur la nationalité qui ne pourrait être admise qu’à la condition d’être objectivement justifiée (59).

63.      S’agissant de la présente affaire, je rappelle qu’il ressort de la décision de renvoi que, selon l’article 269, paragraphe 1, sous a), du code, tous les enfants résidant effectivement et de manière continue au Luxembourg et qui y ont leur domicile légal ouvrent droit à l’allocation familiale. Dans le cadre de cette catégorie d’enfants résidents, l’article 273, paragraphe 4, de ce code dispose qu’en cas de placement par décision judiciaire, cette allocation est versée à la personne physique ou morale investie de la garde de l’enfant et auprès de laquelle cet enfant a son domicile légal et sa résidence effective et continue. En revanche, un enfant placé par décision judiciaire auprès d’un travailleur frontalier et, partant, non-résident, qui détient sa garde n’ouvre pas droit à ladite allocation. En effet, conformément à l’article 269, paragraphe 1, sous b), et à l’article 270 du code, ouvrent droit à l’allocation familiale pour un travailleur frontalier uniquement les enfants nés dans le mariage, les enfants nés hors mariage et les enfants adoptifs de cette personne.

64.      Il découle de la législation nationale en cause au principal que tous les enfants résidant au Luxembourg peuvent prétendre à l’allocation familiale concernée, ce qui implique que tous les enfants faisant partie du ménage d’un travailleur résident du Luxembourg peuvent prétendre à cette allocation, y compris les enfants placés dans le foyer de ce travailleur par décision judiciaire. En revanche, les travailleurs non-résidents ne peuvent pas y prétendre pour les enfants placés dans leurs foyers par décision judiciaire avec lesquels ils n’ont pas de lien de filiation.

65.      Je considère donc que cette législation instaure deux régimes différents en ce qui concerne le droit à l’allocation familiale selon que les enfants résident ou non au Luxembourg, en instaurant ainsi une différence de traitement fondée sur un critère de résidence et, dès lors, prohibée par l’article 45, paragraphe 2, TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011. Une telle distinction fondée sur la résidence au regard de l’octroi d’un avantage social est, à mon avis, susceptible de jouer davantage au détriment des travailleurs transfrontaliers et, partant, constitue une discrimination indirecte fondée sur la nationalité qui ne pourrait être admise qu’à condition d’être objectivement justifiée (60).

66.      Pour finir, la Cour a relevé que le fait que le droit à une allocation familiale telle que celle en cause au principal soit conféré directement par la législation nationale en cause au principal à l’enfant résidant au Luxembourg, y compris aux enfants en placement judiciaire alors que, s’agissant des travailleurs non-résidents, ce droit est conféré au travailleur frontalier, pour les membres de sa famille tels que définis par cette législation, est sans incidence à cet égard. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les prestations familiales ne peuvent, en raison de leur nature même, être considérées comme dues à un individu indépendamment de sa situation familiale (61).

2.      Sur la justification de la discrimination indirecte à l’encontre de travailleurs transfrontaliers

67.      Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que, pour être justifiée, une discrimination indirecte doit être propre à garantir la réalisation d’un objectif légitime et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (62).

68.      Or, en l’occurrence, la juridiction de renvoi ne fait état d’aucune justification et, sous réserve des vérifications qu’il lui incombe d’effectuer, je ne vois aucun objectif légitime qui permettrait de justifier une discrimination entre l’enfant en placement judiciaire sur le territoire luxembourgeois et l’enfant placé par une décision judiciaire au sein du foyer d’un travailleur transfrontalier.

69.      Partant, j’estime que l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, lus en combinaison avec l’article 67 du règlement no 883/2004 et l’article 60 du règlement no 987/2009, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un État membre en vertu de laquelle les travailleurs transfrontaliers ne peuvent pas percevoir une allocation familiale liée à l’exercice, par ceux-ci, d’une activité salariée dans cet État membre pour les enfants ayant été placés auprès d’eux et dont ils ont la garde, alors que les enfants ayant fait l’objet d’un placement judiciaire dans ledit État membre ont le droit de percevoir cette allocation versée à la personne physique ou morale investie de la garde de l’enfant.

E.      Sur l’incidence sur la réponse proposée de la circonstance que le travailleur frontalier pourvoit à l’entretien de l’enfant

70.      La juridiction de renvoi souhaite également savoir si le fait que le travailleur frontalier pourvoit à l’entretien de l’enfant a une incidence sur la réponse à la question préjudicielle.

71.      Je dois relever qu’il ressort du point 50 de l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants que, en ce qui concerne l’exigence que le travailleur frontalier pourvoit à l’entretien de l’enfant, la Cour a considéré que cette exigence doit également résulter d’une situation de fait, qu’il appartient à l’administration et, le cas échéant, aux juridictions nationales d’apprécier, sur la base des éléments de preuve fournis par l’intéressé, sans qu’il soit nécessaire pour celles-ci de déterminer les raisons de cette contribution ni d’en chiffrer l’ampleur exacte.

72.      À cet égard, il me semble pertinent de préciser que, comme l’a relevé à juste titre la Commission, cette condition doit être appliquée au regard de l’octroi d’une allocation familiale à un travailleur non-résident uniquement si la législation nationale prévoit une telle condition pour l’octroi de cette allocation à une personne résidente qui est investie de la garde de l’enfant placé dans son foyer et auprès de laquelle cet enfant a son domicile légal et sa résidence effective et continue. Une conclusion différente serait contraire à l’égalité de traitement entre les travailleurs non-résidents et les travailleurs résidents. Dans cet ordre d’idées, je suis d’avis que l’éventuelle exigence au regard de l’octroi d’une allocation familiale tenant à ce que le travailleur frontalier subvienne entièrement aux besoins de l’enfant placé ne saurait être admise si cette exigence ne s’applique pas à la personne résidente qui est investie de la garde de l’enfant placé, dès lors que l’obligation d’aliments ou l’éventuelle participation à l’entretien de l’enfant par les parents biologiques, s’ils sont connus, n’entraîne pas dans les faits la non-participation à l’entretien par le travailleur transfrontalier auprès duquel l’enfant a été placé. En tout état de cause, la participation à l’entretien de cet enfant par les parents biologiques peut être soit très limitée soit inexistante, en raison de leur situation souvent très précaire (63).

V.      Conclusion

73.      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par la Cour de cassation (Luxembourg) comme suit :

L’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, lus en combinaison avec l’article 67 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et l’article 60 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à la législation d’un État membre en vertu de laquelle les travailleurs transfrontaliers ne peuvent pas percevoir une allocation familiale liée à l’exercice, par ceux-ci, d’une activité salariée dans cet État membre pour les enfants ayant été placés auprès d’eux et dont ils ont la garde, alors que les enfants ayant fait l’objet d’un placement judiciaire dans ledit État membre ont le droit de percevoir cette allocation versée à la personne physique ou morale investie de la garde de l’enfant. L’application d’une condition au regard de l’octroi d’une allocation familiale à un travailleur non-résident selon laquelle ce travailleur doit pourvoir à l’entretien de l’enfant ne doit être applicable que si la législation nationale prévoit une telle condition pour l’octroi de cette allocation à une personne résidente qui est investie de la garde de l’enfant placé dans son foyer et auprès de laquelle cet enfant a son domicile légal et sa résidence effective et continue.


1      Langue originale : le français.


i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1).


3      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).


4      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1).


5      Arrêt du 2 avril 2020 (C‑802/18, ci-après l’« arrêt Caisse pour l’avenir des enfants », EU:C:2020:269).


6      Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).


7      Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à des mesures facilitant l’exercice des droits conférés aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation des travailleurs (JO 2014, L 128, p. 8).


8      Dans sa version applicable à partir du 1er août 2016, date d’entrée en vigueur de la loi du 23 juillet 2016, portant modification du code de la sécurité sociale et de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, et abrogeant la loi modifiée du 21 décembre 2007 concernant le boni pour enfant (Mémorial A 2016, p. 2348 ») (ci-après le « code »).


9      Il ressort du dossier soumis à la Cour que c’est en vertu des anciens article 269, paragraphe 5, et article 270, paragraphe 5, du code que FV a bénéficié, jusqu’au 1er août 2016, des allocations familiales luxembourgeoises pour l’enfant FW, en raison de sa qualité de travailleur frontalier. En outre, l’ancien article 270, paragraphe 5, de ce code permettait aux autorités compétentes d’étendre le groupe familial du tuteur ou du gardien effectif aux enfants placés par décision judicaire.


10      L’ancien article 269, paragraphe 5, du code prévoyait que « [l]es personnes soumises à la législation luxembourgeoise ont droit, pour les enfants résidant à l’étranger qui ont la qualité de membres de leur famille, aux allocations familiales conformément aux dispositions afférentes des règlements communautaires [...] en matière de sécurité sociale ». En outre, l’ancien article 270, paragraphe 5, de ce code disposait que « [l]a Caisse nationale des prestations familiales peut étendre le groupe familial du tuteur ou du gardien effectif aux enfants recueillis par une personne qui exerce la tutelle ou le droit de garde en vertu d’une décision judiciaire coulée en force de chose jugée ou de toute autre mesure légale de garde, dûment certifiée par l’autorité compétente, à condition que le placement soit durable et que cette solution soit plus favorable pour le bénéficiaire ». Mise en italique par mes soins.


11      Voir article 273, paragraphe 4, du code.


12      Voir article 269, paragraphe 1, et article 270 du code.


13      S’agissant des aides accordées pour l’entretien et pour la formation en vue de la poursuite d’études universitaires à des fins professionnelles, voir, notamment, arrêt du 21 juin 1988, Lair (39/86, EU:C:1988:322, points 21 à 24) ; s’agissant des aides pour l’entretien et pour la formation en vue de la poursuite d’études de niveau secondaire ou post-secondaire, voir, notamment, arrêt du 15 mars 1989, Echternach et Moritz (389/87 et 390/87, EU:C:1989:130, points 31 à 36), et, s’agissant d’un financement d’études accordé par un État membre aux enfants des travailleurs migrants, voir arrêt du 26 février 1992, Bernini (C‑3/90, EU:C:1992:89, points 23 et 29).


14      Je rappelle que, dans l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants, la Cour a transposé sa jurisprudence relative aux aides financières pour les études supérieures aux allocations familiales pour les enfants des travailleurs transfrontaliers ; voir arrêts du 20 juin 2013, Giersch e.a. (C‑20/12, EU:C:2013:411), et du 15 décembre 2016, Depesme e.a. (C‑401/15 à C‑403/15, ci-après l’« arrêt Depesme e.a. », EU:C:2016:955).


15      L’article 1er, sous f), du règlement no 883/2004 dispose que « le terme “travailleur frontalier” désigne toute personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre et qui réside dans un autre État membre où elle retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine ».


16      L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 prévoit que « [ce] règlement s’applique aux ressortissants de l’un des États membres [...] [ou] résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants ».


17      L’article 1, sous z), du règlement nº 883/2004 dispose que « le terme “prestations familiales” désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille, à l’exclusion des avances sur pensions alimentaires et des allocations spéciales de naissance ou d’adoption visées à l’annexe I ».


18      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (points 37 et 39). Voir, également, arrêts du 14 juin 2016, Commission/Royaume-Uni (C‑308/14, EU:C:2016:436, point 60), et du 21 juin 2017, Martinez Silva (C‑449/16, EU:C:2017:485, point 22 et jurisprudence citée).


19      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (points 38 et 39). Voir, également, arrêt du 21 juin 2017, Martinez Silva (C‑449/16, EU:C:2017:485, point 23 et jurisprudence citée).


20      Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une prestation peut relever simultanément du règlement nº 883/2004 et du règlement nº 492/2011. Voir, notamment, sur les allocations de naissance et de maternité, arrêt du 10 mars 1993, Commission/Luxembourg (C‑111/91, EU:C:1993:92, points 20 et 22). Voir, également, arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (points 43 et 45). En effet, l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011 constitue le lien entre ces deux règlements, dès lors qu’ils se recoupent tant sur la notion d’« avantage social » que sur le principe de non-discrimination. Voir, notamment, Morsa, M., Sécurité sociale, libre circulation et citoyenneté européennes, 2012, Anthemis, p. 49. Sur l’articulation desdits règlements, voir, également, conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaire Commission/Autriche (Indexation des prestations familiales) (C‑328/20, EU:C:2022:45, point 127).


21      La Cour a défini la notion d’« avantage social » pour la première fois dans son arrêt du 31 mai 1979, Even et ONPTS (207/78, EU:C:1979:144, point 22). Depuis lors, cette définition a été rappelée à maintes reprises dans sa jurisprudence. Voir, notamment, arrêts du 12 mai 1998, Martínez Sala (C‑85/96, EU:C:1998:217, point 25), et du 18 décembre 2019, Generálny riaditeľ Sociálnej poisťovne Bratislava e.a. (C‑447/18, EU:C:2019:1098, point 47 et jurisprudence citée).


22      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (points 25, 30 et 31, ainsi que jurisprudence citée).


23      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (point 45 et jurisprudence citée). L’article 3, paragraphe 1, sous j), du règlement nº 883/2004 dispose que « [ce] règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de la sécurité sociale qui concernent les prestations familiales ».


24      Arrêt du 3 juin 1986 (139/85, EU:C:1986:223, point 13).


25      Voir, également, arrêts du 18 juin 1987, Lebon (316/85, EU:C:1987:302, point 23) ; du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 11) ; du 26 février 1992, Bernini (C‑3/90, EU:C:1992:89, point 14), et du 6 novembre 2003, Ninni-Orasche (C‑413/01, EU:C:2003:600, point 23). Voir, plus récemment, arrêts du 21 février 2013, N. (C‑46/12, EU:C:2013:97, point 39), ainsi que Depesme e.a. (point 58).


26      Arrêts du 3 juin 1986, Kempf (139/85, EU:C:1986:223, point 13) ; du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum (66/85, EU:C:1986:284, point 16), ainsi que Depesme e.a. (point 58).


27      Voir, notamment, arrêts du 23 février 2006, Commission/Espagne (C‑205/04, EU:C:2006:137, point 15) ; du 20 juin 2013, Giersch e.a. (C‑20/12, EU:C:2013:411, point 35) ; Depesme e.a. (point 35), ainsi que du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C‑181/19, EU:C:2020:794, point 44). Pour rappel, le libellé de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, a été repris à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011. En outre, l’article 41, second alinéa, du règlement no 492/2011 dispose que les références faites au règlement no 1612/68 s’entendent comme faites au règlement no 492/2011.


28      Voir, en ce sens, arrêt Depesme e.a. (point 36).


29      Voir, notamment, arrêts du 18 juillet 2007, Geven (C‑213/05, EU:C:2007:438, point 15), et du 18 décembre 2019, Generálny riaditeľ Sociálnej poisťovne Bratislava e.a. (C‑447/18, EU:C:2019:1098, point 41).


30      Arrêts du 12 février 1974, Sotgiu (152/73, EU:C:1974:13, point 11) ; du 23 mai 1996, O'Flynn (C‑237/94, EU:C:1996:206, point 17) ; du 13 avril 2010, Bressol e.a. (C‑73/08, EU:C:2010:181, point 40) ; du 10 juillet 2019, Aubriet (C‑410/18, EU:C:2019:582, point 26), ainsi que Caisse pour l’avenir des enfants (point 54).


31      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (point 64 et dispositif). L’article 269, paragraphe 1, second alinéa, sous b), du code a été modifié par la loi du 23 décembre 2022 (Mémorial A-2022-668 du 23.12.2022) pour inclure, dans la notion de « membre de la famille », les enfants du conjoint ou du partenaire pour lesquels la personne visée à cet article pourvoit à l’entretien et avec lesquels cette personne partage, avec son conjoint ou partenaire, légalement un domicile commun et une résidence effective et continue.


32      Je relève que la toile de fond des questions posées dans le cadre de cette affaire était, comme en l’espèce, la réforme du système des prestations familiales au Luxembourg, qui est entrée en vigueur le 1er août 2016 et qui avait modifié le code en excluant, notamment, les enfants du conjoint ou du partenaire de la notion de « membre de la famille », définie à l’article 270 de celui-ci. Voir arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (point 17).


33      Comme je l’ai déjà indiqué, il ressort du dossier dont dispose la Cour que la situation de l’enfant placé ne relevait pas de la notion de « membre de la famille » de l’ancien article 270 du code. Toutefois, cet article prévoyait, à son paragraphe 5, la possibilité d’étendre le groupe familial du tuteur ou du gardien effectif aux enfants placés par décision judicaire au foyer d’un travailleur transfrontalier. Cet élément permet de mieux comprendre les termes dans lequel la juridiction de renvoi a formulé sa question.


34      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (points 49 et 50).


35      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (point 51). Voir, également, arrêt Depesme e.a. (points 51 à 54).


36      Voir arrêt Depesme e.a. (points 46 et 47), ainsi que conclusions de l’avocat général Wathelet dans ces affaires jointes (C‑401/15 à C‑403/15, EU:C:2016:430, points 39 à 43).


37      Je relève que le considérant 1 de la directive 2014/54 énonce que « [l]a libre circulation des travailleurs est une liberté fondamentale des citoyens de l’Union et constitue l’un des piliers du marché intérieur de l’Union consacré par l’article 45 [TFUE]. Elle trouve sa concrétisation dans le droit de l’Union visant à garantir le plein exercice des droits conférés aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille. L’expression “membres de leur famille” devrait être comprise comme ayant la même signification que l’expression définie à l’article 2, point 2), de la directive [2004/38], qui s’applique également aux membres de la famille des travailleurs frontaliers. » Mise en italique par mes soins. Voir point 10 des présentes conclusions.


38      Voir point 42 des présentes conclusions.


39      Voir article 67 du règlement nº 883/2004 et article 60 du règlement nº 987/2009.


40      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (points 68 et 69, ainsi que jurisprudence citée). Voir, également, article 1er du règlement nº 883/2004.


41      Voir points 33 et suiv. des présentes conclusions.


42      Ce principe, inscrit à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, vise à supprimer les inégalités de traitement qui, pour les travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union, seraient la conséquence d’un cumul partiel ou total des législations applicables.


43      Le considérant 8 du règlement nº 883/2004 énonce que « [l]e principe général de l’égalité de traitement est d’une importance particulière pour les travailleurs qui ne résident pas dans l’État membre où ils travaillent, y compris les travailleurs frontaliers ». Mise en italique par mes soins.


44      Voir, notamment, arrêt du 16 juin 2022, Commission/Autriche (Indexation des prestations familiales) (C‑328/20, EU:C:2022:468, points 108 et 109, ainsi que jurisprudence citée). Voir, notamment, Fuchs, M. et Cornelissen, R. (éd.), EU Social Security Law  A Commentary on EU Regulations 883/2004 and 987/2009, C.H. Beck-Hart-Nomos, 2015, p. 151.


45      Voir point 35 des présentes conclusions.


46      Arrêts du 18 juin 1987, Lebon (316/85, EU:C:1987:302, points 21 à 23), et Depesme e.a. (points 58).


47      Il ressort du point 2.1.2 de la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 2 juillet 2009 concernant les lignes directrices destinées à améliorer la transposition et l’application de la [directive 2004/38] [COM(2009) 313 final] qu’un enfant placé sous la tutelle légale d’un citoyen de l’Union relève de la notion de « descendant direct », au sens de l’article 2, point 2, sous c), de cette directive. Voir, à cet égard, Guild, E., Peers, S., Tomkin, J., The EU Citizenship Directive. A Commentary, 2e edition, Oxford, Oxford University Press, 2019, p. 43.


48      L’article 24, paragraphe 2, de la Charte prévoit le droit des enfants de voir leur intérêt supérieur constituer une considération primordiale dans tous les actes qui les concernent. Pour un aperçu de l’acquis de l’Union en ce qui concerne les droits de l’enfant, voir Commission européenne, DG Justice, EU Acquis and Policy Documents on the Rights of the Child, décembre 2015, p. 1 à 83.


49      Voir, notamment, arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, points 66, 81 et 85). Voir, également, arrêt du 31 mai 2018, Valcheva (C‑335/17, EU:C:2018:359, point 36), ainsi que mes conclusions dans cette affaire (C‑335/17, EU:C:2018:242, points 33 à 38).


50      Voir, notamment, arrêts du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354, point 70), ainsi que du 26 mars 2019, SM (Enfant placé sous kafala algérienne) (C‑129/18, EU:C:2019:248, point 67).


51      Convention signée à Rome le 4 novembre 1950. Il résulte des explications relatives à la Charte (JO 2007, C 303, p. 17) que, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, les droits garantis à l’article 7 de celle-ci ont le même sens et la même portée que ceux garantis à l’article 8 de cette convention. Arrêt du 26 mars 2019, SM (Enfant placé sous kafala algérienne) (C‑129/18, EU:C:2019:248, point 65 et jurisprudence citée).


52      Cour EDH, 22 novembre 2010, Moretti et Benedetti c. Italie (CE:ECHR:2010:0427JUD001631807, § 48).


53      Il ressort du dossier dont dispose la Cour que le placement judiciaire de l’enfant FW a eu lieu avant qu’il ait atteint l’âge d’un an.


54      Règlement du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (JO 2019, L 178, p. 1).


55      Voir points 33 et suiv. des présentes conclusions.


56      Voir, notamment, arrêt du 17 juillet 2008, Raccanelli (C‑94/07, EU:C:2008:425, point 47 et jurisprudence citée).


57      Voir, notamment, arrêt du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas (C‑542/09, EU:C:2012:346, point 42).


58      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (points 37, 38 et 39). Voir point 29 des présentes conclusions.


59      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (point 56 et jurisprudence citée).


60      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (point 56 et jurisprudence citée).


61      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (point 57 et jurisprudence citée).


62      Arrêt Caisse pour l’avenir des enfant (point 58 et jurisprudence citée).


63      Les motifs du placement de jeunes enfants dans une famille d’accueil peuvent tenir à l’absence totale des parents mais aussi à des problèmes de logement, de santé, de pauvreté, de maltraitance, de violence, d’addictions ou encore aux difficultés des parents à assumer leur rôle ou autorité parentale.